Language of document : ECLI:EU:T:2023:848

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

20 décembre 2023 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien – Article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119/PESC – Article 3, paragraphe 1, du règlement (UE) no 208/2014 – Obligation du Conseil de vérifier que la décision d’une autorité d’un État tiers a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective »

Dans les affaires T‑263/21 et T-257/22,

Oleksandr Viktorovych Yanukovych, demeurant à Saint-Pétersbourg (Russie), représenté par Me B. Kennelly, SC,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté, dans l’affaire T‑263/21, par M. A. Boggio-Tomasaz, Mmes T. Haas et S. Van Overmeire, en qualité d’agents, et, dans l’affaire T‑257/22, par MM. Boggio-Tomasaz et J. Rurarz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni (rapporteur) et Mme M. Brkan, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu le retrait de la demande de fixation d’une audience présentée par le requérant et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par ses recours fondés sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Oleksandr Viktorovych Yanukovych, demande l’annulation, dans l’affaire T‑263/21, de la décision (PESC) 2021/394 du Conseil, du 4 mars 2021, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2021, L 77, p. 29), et du règlement d’exécution (UE) 2021/391 du Conseil, du 4 mars 2021, mettant en œuvre le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2021, L 77, p. 2), et, dans l’affaire T‑257/22, de la décision (PESC) 2022/376 du Conseil, du 3 mars 2022, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2022, L 70, p. 7), et du règlement d’exécution (UE) 2022/375 du Conseil, du 3 mars 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2022, L 70, p. 1), dans la mesure où ces actes (ci-après les « actes attaqués ») maintiennent son nom sur la liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquent ces mesures restrictives.

 Antécédents du litige

2        Les présentes affaires s’inscrivent dans le cadre du contentieux lié aux mesures restrictives adoptées à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine, à la suite de la répression des manifestations de la place de l’Indépendance à Kiev (Ukraine) en février 2014.

3        Le requérant est un homme d’affaires, fils de l’ancien président de l’Ukraine, M. Viktor Fedorovych Yanukovych.

4        Le 5 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2014/119/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 26). À la même date, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 208/2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2014 »).

5        Les considérants 1 et 2 de la décision 2014/119 précisent ce qui suit :

« (1)      Le 20 février 2014, le Conseil a condamné dans les termes les plus fermes tout recours à la violence en Ukraine. Il a demandé l’arrêt immédiat de la violence en Ukraine et le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il a demandé au gouvernement ukrainien de faire preuve d’une extrême retenue et aux responsables de l’opposition de se désolidariser de ceux qui mènent des actions extrêmes, et notamment recourent à la violence.

(2)      Le 3 mars 2014, le Conseil [est] convenu d’axer les mesures restrictives sur le gel et la récupération des avoirs des personnes identifiées comme étant responsables du détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien, et des personnes responsables de violations des droits de l’homme, en vue de renforcer et de soutenir l’[É]tat de droit et le respect des droits de l’homme en Ukraine. »

6        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/119 dispose ce qui suit :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et à des personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’à des personnes physiques ou morales, à des entités ou à des organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

2.      Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

7        Les modalités de ce gel des fonds sont définies à l’article 1er, paragraphes 3 à 6, de la décision 2014/119.

8        Conformément à la décision 2014/119, le règlement no 208/2014 impose l’adoption des mesures de gel de fonds et de ressources prévues par cette décision (ci-après les « mesures restrictives en cause ») et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de ladite décision.

9        Les noms des personnes visées par les actes de mars 2014 sont inscrits sur la liste figurant à l’annexe de la décision 2014/119 et à l’annexe I du règlement no 208/2014 (ci-après la « liste ») avec, notamment, la motivation de leur inscription.

10      Le nom du requérant apparaissait sur la liste, avec les informations d’identification « fils de l’ex-président [Yanukovych] ; homme d’affaires » et la motivation suivante :

« Personne faisant l’objet d’une enquête en Ukraine pour participation à des infractions liées au détournement de fonds publics ukrainiens et à leur transfert illégal hors d’Ukraine. »

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mai 2014, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑348/14, ayant pour objet notamment une demande d’annulation des actes de mars 2014 en ce qu’ils le visaient.

12      Le 29 janvier 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/143, modifiant la décision 2014/119 (JO 2015, L 24, p. 16), et le règlement (UE) 2015/138, modifiant le règlement no 208/2014 (JO 2015, L 24, p. 1).

13      La décision 2015/143 a modifié, à partir du 31 janvier 2015, les critères d’inscription des noms des personnes visées par le gel des fonds, le texte de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119 étant remplacé par le texte suivant :

«1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes ayant été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et aux personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’aux personnes physiques ou morales, aux entités ou aux organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

Aux fins de la présente décision, les personnes identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien incluent des personnes faisant l’objet d’une enquête des autorités ukrainiennes : 

a)      pour détournement de fonds ou d’avoirs publics ukrainiens, ou pour complicité dans un tel détournement ; ou

b)      pour abus de pouvoir en qualité de titulaire de charge publique dans le but de se procurer à lui-même ou de procurer à un tiers un avantage injustifié, causant ainsi une perte pour les fonds ou avoirs publics ukrainiens, ou pour complicité dans un tel abus. »

14      Le règlement 2015/138 a modifié de façon similaire le règlement no 208/2014.

15      Le 5 mars 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/364, modifiant la décision 2014/119 (JO 2015, L 62, p. 25), et le règlement d’exécution (UE) 2015/357, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2015, L 62, p. 1) (ci‑après, pris ensemble, les « actes de mars 2015 »). La décision 2015/364 a, d’une part, remplacé l’article 5 de la décision 2014/119, en prorogeant l’application des mesures restrictives en cause, en ce qui concernait le requérant, jusqu’au 6 mars 2016, et, d’autre part, remplacé l’annexe de cette dernière décision. Le règlement d’exécution 2015/357 a remplacé en conséquence l’annexe I du règlement no 208/2014.

16      Par les actes de mars 2015, le nom du requérant a été maintenu sur la liste, avec les informations d’identification « fils de l’ancien président, homme d’affaires » et la nouvelle motivation qui suit :

« Personne faisant l’objet d’une procédure pénale de la part des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics. »

17      Le 8 avril 2015, le requérant a adapté ses conclusions dans le cadre de l’affaire T‑348/14 de sorte que celles-ci ont également visé à l’annulation de la décision 2015/143, du règlement 2015/138 ainsi que des actes de mars 2015 en tant que l’ensemble de ces actes le concernaient.

18      Le 4 mars 2016, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2016/318, modifiant la décision 2014/119 (JO 2016, L 60, p. 76), et le règlement d’exécution (UE) 2016/311, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2016, L 60, p. 1) (ci‑après, pris ensemble, les « actes de mars 2016 »).

19      Par les actes de mars 2016, l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée à l’égard du requérant jusqu’au 6 mars 2017, et ce sans que la motivation de la désignation de celui-ci ait été modifiée par rapport à celle issue des actes de mars 2015.

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 2016, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑245/16, tendant à l’annulation des actes de mars 2016 en ce qu’ils le visaient.

21      Par arrêt du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil (T‑348/14, EU:T:2016:508), le Tribunal a annulé les actes de mars 2014 en ce qu’ils visaient le requérant et rejeté la demande d’annulation, contenue dans l’adaptation de la requête, concernant, d’une part, la décision 2015/143 et le règlement 2015/138 et, d’autre part, les actes de mars 2015.

22      Le 23 novembre 2016, le requérant a formé un pourvoi devant la Cour, enregistré sous le numéro d’affaire C‑599/16 P, contre l’arrêt du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil (T‑348/14, EU:T:2016:508).

23      Le 3 mars 2017, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2017/381, modifiant la décision 2014/119 (JO 2017, L 58, p. 34), et le règlement d’exécution (UE) 2017/374, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2017, L 58, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2017 »).

24      Par les actes de mars 2017, l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée à l’égard du requérant jusqu’au 6 mars 2018, et ce sans que la motivation de la désignation de celui-ci ait été modifiée par rapport à celle issue des actes de mars 2015.

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 mai 2017, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑286/17, tendant à l’annulation des actes de mars 2017, en ce qu’ils le visaient.

26      Par arrêt du 19 octobre 2017, Yanukovych/Conseil (C‑599/16 P, non publié, EU:C:2017:785), la Cour a rejeté le pourvoi du requérant visant à obtenir l’annulation partielle de l’arrêt du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil (T‑348/14, EU:T:2016:508).

27      Le 5 mars 2018, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2018/333, modifiant la décision 2014/119 (JO 2018, L 63, p. 48), et le règlement d’exécution (UE) 2018/326, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2018, L 63 p. 5) (ci‑après, pris ensemble, les « actes de mars 2018 »).

28      Par les actes de mars 2018, l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée jusqu’au 6 mars 2019 et le nom du requérant a été maintenu sur la liste, avec les informations d’identification « fils de l’ancien président, homme d’affaires » et la nouvelle motivation suivante :

« Personne faisant l’objet d’une procédure pénale de la part des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics et pour complicité dans un tel détournement. »

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 2018, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑301/18, tendant à l’annulation des actes de mars 2018 en ce qu’ils le visaient.

30      Le 4 mars 2019, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2019/354, modifiant la décision 2014/119 (JO 2019, L 64, p. 7), et le règlement d’exécution (UE) 2019/352, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2019, L 64, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2019 »).

31      Par les actes de mars 2019, l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée à l’égard du requérant jusqu’au 6 mars 2020 et le nom de celui-ci a été maintenu sur la liste, avec la même motivation que celle rappelée au point 28 ci-dessus, assortie d’une précision concernant le respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’était fondé.

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mai 2019, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑302/19, tendant à l’annulation des actes de mars 2019, en ce qu’ils le visaient.

33      Par arrêt du 11 juillet 2019, Yanukovych/Conseil (T‑245/16 et T‑286/17, non publié, EU:T:2019:505), le Tribunal a annulé les actes de mars 2016 et de mars 2017 en ce qu’ils visaient le requérant.

34      Par arrêt du 24 septembre 2019, Yanukovych/Conseil (T‑301/18, non publié, EU:T:2019:676), le Tribunal a annulé les actes de mars 2018 en ce qu’ils visaient le requérant.

35      Le 5 mars 2020, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2020/373, modifiant la décision 2014/119 (JO 2020, L 71, p. 10), et le règlement d’exécution (UE) 2020/370, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2020, L 71, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2020 »).

36      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mai 2020, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑292/20, tendant à l’annulation des actes de mars 2020 en ce qu’ils le visaient.

37      Entre les mois de novembre 2020 et de janvier 2021, le Conseil et le requérant ont échangé plusieurs courriers au sujet de la possible prorogation des mesures restrictives en cause à l’égard de ce dernier. En particulier, le Conseil a transmis au requérant plusieurs lettres du bureau du procureur général d’Ukraine (ci-après le « BPG ») concernant, notamment, la procédure pénale dont il faisait l’objet et sur laquelle le Conseil se fondait pour envisager ladite prorogation.

38      Le 4 mars 2021, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2021/394, modifiant la décision 2014/119 (JO 2021, L 77, p. 29), et le règlement d’exécution (UE) 2021/391, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2021, L 77, p. 2) (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués dans l’affaire T-263/21 »)

39      Par les actes attaqués dans l’affaire T-263/21, l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée jusqu’au 6 mars 2022 et le nom du requérant a été maintenu sur la liste, avec la même motivation que celle rappelée au point 28 ci-dessus. Par ailleurs, l’annexe de la décision 2014/119 et l’annexe I du règlement no 208/2014 ont été subdivisées en deux sections, dont la seconde a été intitulée « Droits de la défense et droit à une protection juridictionnelle effective ». Dans cette section figure, s’agissant du requérant, la mention suivante :

« La procédure pénale relative au détournement de fonds ou d’avoirs publics est toujours en cours.

Il ressort des informations figurant dans le dossier du Conseil que les droits de la défense de M. Yanukovych et son droit à une protection juridictionnelle effective, y compris le droit fondamental à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, ont été respectés au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’est fondé.

Le Conseil dispose d’informations selon lesquelles les autorités ukrainiennes ont pris des mesures pour faire rechercher M. Yanukovych, qui séjourne en Fédération de Russie et se soustrait à l’enquête.

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le Conseil estime que les périodes au cours desquelles M. Yanukovych s’est soustrait à l’enquête doivent être exclues du calcul de la période à prendre en considération pour apprécier le respect du droit à un procès dans un délai raisonnable. Le Conseil considère par conséquent que les circonstances décrites ci-dessus imputées à M. Yanukovych ont contribué de manière significative à la durée de l’enquête. »

40      Par lettre du 5 mars 2021, le Conseil a informé le requérant du maintien des mesures restrictives en cause à son égard. Il a répondu aux observations du requérant formulées dans ses courriers précédents et lui a transmis les actes attaqués dans l’affaire T-263/21. En outre, il lui a indiqué le délai pour présenter des observations avant l’adoption d’une décision concernant l’éventuel maintien de son nom sur la liste.

41      Par arrêt du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil (T‑302/19, non publié, EU:T:2021:333), le Tribunal a annulé les actes de mars 2019 en ce qu’ils visaient le requérant.

42      Entre les mois de novembre 2021 et de février 2022, le Conseil et le requérant ont échangé plusieurs courriers au sujet de la possible prorogation des mesures restrictives en cause à l’égard de ce dernier. En particulier, le Conseil a transmis au requérant plusieurs lettres du BPG, concernant, notamment, les procédures pénales dont ce dernier faisait l’objet et sur lesquelles le Conseil se fondait pour envisager ladite prorogation.  

43      Le 3 mars 2022, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2022/376, du 3 mars 2022, modifiant la décision 2014/119 (JO 2022, L 70, p. 7), et le règlement d’exécution (UE) 2022/375, du 3 mars 2022, mettant en œuvre le règlement n° 208/2014 (JO 2022, L 70, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués dans l’affaire T-257/22 »).

44      Par les actes attaqués dans l’affaire T-257/22, l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée jusqu’au 6 septembre 2022 et le nom du requérant a été maintenu sur la liste, avec la même motivation que celle rappelée au point 16 ci-dessus. Par ailleurs, l’annexe de la décision 2014/119 et l’annexe I du règlement no 208/2014 ont été subdivisées en deux sections, dont la seconde a été intitulée « Droits de la défense et droit à une protection juridictionnelle effective ». Dans cette section figure, s’agissant du requérant, la mention suivante :

« La procédure pénale relative au détournement de fonds ou d’avoirs publics est toujours en cours.

Il ressort des informations figurant dans le dossier du Conseil que les droits de la défense de M. O. Yanukovych et son droit à une protection juridictionnelle effective, y compris le droit fondamental à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, ont été respectés au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’est fondé. En témoignent notamment les décisions de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine. Dans la procédure pénale n° [confidentiel](1), la Haute Cour anticorruption d’Ukraine, par sa décision du 25 août 2021, a autorisé l’ouverture d’une enquête préliminaire spéciale en ce qui concerne M. O. Yanukovych. Dans cette décision, le juge d’instruction a confirmé le statut de suspect de M. O. Yanukovych et a conclu que les éléments de preuve donnent des motifs raisonnables de soupçonner M. O. Yanukovych d’avoir commis les infractions pénales dont il est suspecté. Il a également conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que M. O. Yanukovych se soustrait délibérément à l’enquête et au tribunal afin d’échapper à sa responsabilité pénale.

En outre, dans sa décision du 13 octobre 2021, la Haute Cour anticorruption d’Ukraine a imposé une mesure préventive de détention à M. O. Yanukovych. Dans cette décision, la Cour a confirmé le statut de suspect de M. O. Yanukovych ainsi que les motifs raisonnables de soupçonner M. O. Yanukovych d’avoir commis des infractions pénales. Le juge a également souligné qu’il existe un risque que le suspect se soustraie à l’enquête et au tribunal afin d’échapper à sa responsabilité pénale.

Le Conseil dispose d’informations selon lesquelles, le 29 décembre 2021, le procureur a considéré que les éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête préliminaire étaient suffisants pour établir un acte d’accusation, et M. O. Yanukovych et ses avocats ont été informés de l’achèvement de l’enquête préliminaire. La défense s’est vu accorder l’accès aux documents de l’enquête préliminaire à des fins de familiarisation, conformément aux dispositions du code de procédure pénale ukrainien.

Le Conseil dispose d’informations selon lesquelles les autorités ukrainiennes ont pris des mesures pour faire rechercher M. O. Yanukovych, qui séjourne en Fédération de Russie et se soustrait à l’enquête.

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le Conseil estime que les périodes au cours desquelles M. O. Yanukovych s’est soustrait à l’enquête doivent être exclues du calcul de la période à prendre en considération pour apprécier le respect du droit à un procès dans un délai raisonnable. Le Conseil considère par conséquent que les circonstances décrites ci‑dessus imputées à M. O. Yanukovych ont contribué de manière significative à la durée de l’enquête. »

45      Par courrier du 4 mars 2022, le Conseil a informé le requérant du maintien des mesures restrictives en cause à son égard. Il a répondu aux observations du requérant formulées dans ses courriers précédents et lui a transmis les actes attaqués dans l’affaire T-257/22. En outre, il lui a indiqué le délai pour présenter des observations avant l’adoption d’une décision concernant l’éventuel maintien de son nom sur la liste.

46      Par arrêt du 30 mars 2022, Yanukovych/Conseil (T‑292/20, non publié, EU:T:2022:188), le Tribunal a annulé les actes de mars 2020 en ce qu’ils visaient le requérant.

 Conclusions des parties

47      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués en ce qu’ils le visent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

48      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        à titre subsidiaire, si les actes attaqués devaient être annulés en ce qu’ils concernent le requérant, ordonner le maintien des effets respectivement de la décision 2021/394 et de la décision 2022/376 jusqu’à ce que l’annulation partielle respectivement du règlement d’exécution 2021/391 et du règlement d’exécution 2022/375 prenne effet ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

49      Les parties ayant été entendues à cet égard, le Tribunal décide de joindre les présentes affaires aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.

50      À l’appui de ses recours, le requérant invoque trois moyens, tirés, le premier d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, le deuxième d’erreurs manifestes d’appréciation et, le troisième, d’une violation de son droit de propriété.

51      Dans le cadre du premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, premièrement, le requérant rappelle les obligations qui incombent au Conseil, sur la base de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, en ce qui concerne la vérification que la ou les décisions des autorités ukrainiennes sur lesquelles il s’est fondé pour inscrire son nom sur la liste ont été adoptées en respectant ses droits fondamentaux de la défense et à une protection juridictionnelle effective.

52      Deuxièmement, en ce qui concerne les actes attaqués dans l’affaire T‑263/21, le requérant fait valoir que le Conseil ne s’appuie désormais que sur la procédure pénale no [confidentiel] (ci-après la « procédure no [confidentiel] »). Or, dans cette procédure, bien que sept ans se soient écoulés, aucun progrès significatif n’aurait été observé. En particulier, le requérant fait valoir qu’il n’existe aucune perspective réaliste que l’enquête, qui est suspendue depuis des années, progresse.

53      À cet égard, le requérant souligne que le parquet général a confirmé qu’aucune enquête active n’avait été menée en 2020 et a cherché à expliquer ce nouveau retard inexcusable en affirmant faussement que « les mesures visant à rechercher le suspect [s’étaient] poursuivies ». Selon le requérant, il n’est pas suffisant que le Conseil affirme simplement qu’il a vérifié que ses droits avaient été respectés, sans produire la moindre preuve démontrant qu’un examen probant avait été réalisé. Le Conseil aurait donc accepté les assurances données par les autorités ukrainiennes, sans procéder lui‑même à une vérification indépendante. En outre, le Conseil serait incapable d’indiquer une seule pièce de son dossier ou une décision de justice susceptible de démontrer qu’il a procédé à un tel examen à l’égard de l’unique procédure sur laquelle il se fonde. Par ailleurs, l’explication du Conseil serait démentie par des décisions judiciaires ukrainiennes rendues tant dans le cadre de la procédure pénale no [confidentiel] (ci-après la « procédure no [confidentiel] ») que dans le cadre de la procédure no [confidentiel], qui auraient conclu que l’endroit où le requérant se trouvait en Russie était connu. De plus, les « recherches » du requérant auraient été effectuées exclusivement en Ukraine et auraient été limitées à l’introduction de deux demandes auprès des services gouvernementaux ukrainiens, en mai 2020, concernant la délivrance de passeports. En outre, selon le requérant, l’inscription de son nom sur la liste nationale des personnes recherchées a été jugée illégale par deux décisions distinctes de tribunaux ukrainiens, des 26 février et 9 septembre 2020, et ces décisions ont été confirmées par la cour d’appel de Kiev et par la Cour suprême ukrainienne. Enfin, le requérant fait valoir qu’un tribunal ukrainien a conclu, dans le cadre de la procédure no [confidentiel], que le requérant ne se dérobait pas à l’enquête et ne se soustrayait pas aux poursuites.  

54      Troisièmement, selon le requérant, les informations fournies par le parquet général à propos de la « coopération internationale » ne sont pas fiables ni cohérentes.

55      Quatrièmement, s’agissant des décisions de justice relatives à des saisies de biens lui appartenant, le requérant fait valoir, d’une part, qu’elles sont de nature procédurale et qu’elles ont été rendues bien avant l’adoption des actes attaqués et, d’autre part, qu’elles n’ont pas été examinées par le Conseil, qui n’en disposait pas, et ce nonobstant le fait qu’il ait fait valoir qu’elles étaient illégales, en ce que l’avis de suspicion ne lui avait pas été notifié régulièrement. Ainsi, de telles décisions ne sauraient être invoquées pour démontrer que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant ont été respectés avant que les actes attaqués n’aient été adoptés.

56      Cinquièmement, le requérant soutient que la procédure no [confidentiel] a été suspendue et réactivée au moins 37 fois et que le parquet général ne lui a pas fourni de copies de chaque décision de suspension et de réactivation de l’enquête, en violation du droit ukrainien.

57      Sixièmement, le requérant fait valoir que le Conseil invoque à tort l’affaire de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») ayant donné lieu à l’arrêt du 20 juin 2006, Vayiç c. Turquie (CE:ECHR:2006:0620JUD001807802), pour étayer son argument soutenant qu’il a vérifié que ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective avaient été respectés. En effet, ladite affaire concernerait un accusé qui s’était enfui avant le procès à la suite du dépôt d’un acte d’accusation auprès de la juridiction nationale et le retard ultérieur de la procédure pouvait à juste titre lui être imputé. Ces faits seraient très différents de ceux de l’affaire en cause en l’espèce. De plus, il existerait de nombreuses autres affaires de la Cour EDH ayant conclu que des procédures étaient déraisonnablement longues sur le fondement d’enquêtes préliminaires d’une longueur injustifiée.

58      Septièmement, selon le requérant, le Conseil ne peut pas remédier à son incapacité à identifier un élément quelconque de l’enquête relative à la procédure no [confidentiel] démontrant que les autorités ukrainiennes ont respecté ses droits en faisant référence de manière générale aux dispositions relatives aux droits de l’homme qui existent théoriquement en droit ukrainien. En effet, il ne s’ensuit pas que les décisions judiciaires ont été adoptées en vertu de ces dispositions, ni qu’elles ont été appliquées correctement et équitablement par les autorités ukrainiennes.

59      Huitièmement, le requérant indique que, pour vérifier si le Conseil pouvait, le cas échéant, s’appuyer à juste titre sur les documents du parquet général dans son processus décisionnel, il aurait dû prendre en compte, en premier lieu, que ledit parquet général n’est pas indépendant et qu’il est résolu à le persécuter, en deuxième lieu, que le système judiciaire ukrainien n’est ni indépendant, ni impartial et, en troisième lieu, qu’il a fait l’objet d’un traitement extrêmement inéquitable, notamment au regard des nombreuses violations du droit à un procès équitable, en particulier dans le cadre d’un procès pour trahison, intenté contre son père, qui a été inéquitable sur le plan procédural et motivé par des considérations politiques.

60      S’agissant de l’affaire T‑257/22, le requérant fait valoir que pour imposer les sanctions en 2022, le Conseil s’appuie sur une seule enquête, entachée d’irrégularités, menée contre lui, à savoir la procédure no [confidentiel], qui a été scindée de l’affaire du paquet général numéro [confidentiel] du 6 mars 2014. Or, le Conseil ne se serait fondé sur la procédure no [confidentiel] ni en 2021 ni en 2020. De plus, le requérant soutient que, dans cette procédure, bien que huit ans se soient écoulés, aucune accusation n’a été portée, aucune poursuite n’a été engagée et aucun procès n’a donc été ouvert. Ce retard inacceptable et extrêmement préjudiciable démontrerait non seulement que l’affaire ne repose sur aucune base juridique ou factuelle légitime, mais constituerait également en soi une violation de ses droits fondamentaux.

61      S’agissant des deux décisions de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine des 25 août et 13 octobre 2021 sur lesquelles le Conseil s’appuie dans le cadre de la procédure no [confidentiel], en premier lieu, le requérant fait valoir que la décision du 25 août 2021 n’était pas susceptible de recours, contrairement à ce qui est prévu par l’article 42 du code de procédure pénale ukrainien. Il ajoute que ses avocats ukrainiens ont néanmoins tenté de faire appel contre cette décision, mais cette possibilité leur a été refusée. Il maintient que ce refus était également illégal.

62      En deuxième lieu, le requérant fait valoir que, bien que la décision de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine du 13 octobre 2021 puisse de prime abord faire l’objet d’un recours et qu’elle ait fait l’objet d’un recours, la chambre d’appel de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine a refusé d’ouvrir une procédure au double motif que la décision ne constituait pas une ingérence directe dans les droits du requérant et qu’il ne s’agissait pas d’une décision qui, de l’avis de la chambre, pouvait faire l’objet d’un recours, étant donné qu’elle avait été adoptée sans la participation du requérant.

63      En troisième lieu, selon le requérant, aucune de ces décisions ne respecte les dispositions du code de procédure pénale ukrainien.

64      En quatrième lieu, le requérant indique que la possibilité, pour le BPG, d’introduire les requêtes qui ont abouti aux décisions de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine reposait sur une modification de la loi promulguée en Ukraine le 27 avril 2021. Cette modification aurait été de toute évidence motivée par des raisons politiques et conçue pour cibler des personnes spécifiques telles que le requérant et éviter de respecter les droits dont il jouissait légalement.

65      En cinquième lieu, le requérant affirme que malgré l’existence de l’autorisation de procéder par défaut (décision de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine du 25 août 2021), la pratique des autorités ukrainiennes consistant à suspendre et à rouvrir artificiellement l’enquête s’est poursuivie sans relâche.

66      En sixième lieu, le requérant soutient que les décisions de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine des 25 août et 13 octobre 2021 sont simplement procédurales, dans la mesure où elles ne constituent toutes deux que la prorogation de décisions procédurales antérieures, et non des développements nouveaux et substantiels. Ces décisions, qui seraient de nature « conservatoire » ou « procédurale » et qui ne seraient qu’« incidentes » aux enquêtes pénales sur lesquelles les sanctions sont fondées ne seraient pas susceptibles de démontrer, à elles seules, que les droits de la défense et à une protection juridictionnelle effective du requérant ont été protégés en substance.

67      En septième lieu, le requérant fait valoir que les autorités ukrainiennes n’ont fourni au Conseil aucune copie d’une décision quelconque du procureur ukrainien prouvant que l’enquête préliminaire avait été achevée ou qu’un acte d’accusation avait été préparé et délivré ou notifié. Par conséquent, il serait impossible de s’appuyer sur ces prétendus développements à quelque fin que ce soit.

68      Enfin, le requérant considère que, bien qu’il puisse exister des décisions d’un tribunal ukrainien contredisant la décision du 8 octobre 2018 rendue par le tribunal de district de Petchersk à Kiev (ci-après le « tribunal de Petchersk »), y compris, dans la même affaire, à savoir la procédure no [confidentiel], il apparaît clairement que rien n’a changé au cours de cette période permettant un tel revirement. Le Conseil ne pourrait donc pas, par principe, s’appuyer sur des décisions contradictoires des tribunaux ukrainiens.

69      En premier lieu, le Conseil soutient, en ce qui concerne la procédure no [confidentiel], que les décisions de justice des juridictions ukrainiennes peuvent être invoquées en tant qu’éléments de preuve permettant de démontrer le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant. En témoignerait, par exemple, le fait que le juge d’instruction du tribunal de Petchersk ait, le 28 juillet 2020, accueilli la plainte déposée par le requérant dans le cadre de la procédure pénale. Cette décision annulant la décision du BPG refusant de faire droit à la demande de la défense de se voir transmettre le dossier de l’enquête préliminaire constituerait un exemple de respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant au cours de l’enquête pénale en question.

70      En deuxième lieu, s’agissant des trois décisions des autorités judiciaires ukrainiennes, l’une concernant la procédure no [confidentiel] et les deux autres concernant la procédure no [confidentiel], qui, selon le requérant, démontraient que le BPG connaissait l’endroit où il se trouvait en Russie, le Conseil fait valoir que la référence à la décision relative à la procédure no [confidentiel], d’une part, est dénuée de pertinence en ce qu’il ne s’est pas fondé sur la procédure en question aux fins des actes attaqués dans l’affaire T‑263/21 et, d’autre part, est démentie par la décision de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine du 9 juin 2020 dans la procédure no [confidentiel], dans laquelle le juge d’instruction a confirmé que le BPG ignorait où se trouvait le requérant au cours de l’enquête préliminaire.

71      En troisième lieu, s’agissant de la « coopération internationale », le Conseil soutient que les attestations fournies par le BPG démontrent que des progrès significatifs ont été accomplis dans l’enquête préliminaire.

72      En quatrième lieu, s’agissant des décisions des juridictions ukrainiennes portant sur des saisies de biens, selon le Conseil, lesdites décisions ont confirmé la légalité des saisies, en soulignant que l’avis de suspicion avait été dûment notifié au requérant et que, en conséquence, ce dernier avait le statut de « suspect ». 

73      En cinquième lieu, le Conseil indique que le requérant n’a pas annexé à son recours la copie des réponses de la police ukrainienne refusant de lui fournir les copies de chaque décision de suspension et de réactivation de l’enquête. De surcroît, le requérant n’aurait pas utilisé les voies de recours à sa disposition en vertu du code de procédure pénale ukrainien pour contester le rejet de ladite requête.

74      En sixième lieu, s’agissant de l’argument tiré du fait qu’il aurait invoqué à tort l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour EDH du 20 juin 2006, Vayiç c. Turquie (CE:ECHR:2006:0620JUD001807802), le Conseil souligne que, selon la jurisprudence pertinente de ladite juridiction, le requérant ne peut pas invoquer la période pendant laquelle il était en fuite, dans la mesure où il cherchait alors à se soustraire à la justice de son pays.

75      Enfin, tout en contestant la force probante d’un certain nombre de rapports du professeur B. invoqués par le requérant et rédigés sur instruction de ses avocats, le Conseil fait valoir néanmoins que les événements mentionnés dans les parties de la requête relatives au BPG et au système judiciaire ukrainien n’ont aucun lien avec la procédure pénale ayant fondé l’inscription du nom du requérant sur la liste. Il ajoute que la jurisprudence de la Cour et du Tribunal ne corrobore nullement la thèse du requérant selon laquelle il lui incombe d’évaluer les allégations d’ordre général concernant l’indépendance du parquet général ou du système judiciaire ukrainien.

76      S’agissant des allégations du requérant soulevées spécifiquement dans le cadre de l’affaire T‑257/22, tirées de la violation de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective au regard des deux décisions de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine des 25 août et 13 octobre 2021 liées à la procédure no [confidentiel], premièrement, le Conseil fait valoir que les deux décisions en cause ont été prises en audience publique, avec la participation des avocats du requérant.

77      Deuxièmement, le Conseil soutient que les décisions de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine des 25 août et 13 octobre 2021 sont des décisions de nature procédurale qui n’affectent pas directement les droits ou la situation juridique de la personne à l’encontre de laquelle elles sont prises. Par conséquent, selon le droit ukrainien, les personnes concernées n’auraient pas le droit de former un recours contre de telles décisions.

78      Troisièmement, le Conseil conteste le fait que les deux décisions de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine des 25 août et 13 octobre 2021 ne sont pas conformes aux dispositions du code de procédure pénale ukrainien.

79      Quatrièmement, le Conseil souligne que l’affirmation du requérant selon laquelle la modification de la loi adoptée en Ukraine le 27 avril 2021 doit être considérée comme « manifestement motivée par des considérations politiques » n’est pas étayée.

80      Cinquièmement, s’agissant de l’argument invoqué par le requérant quant à la nature procédurale des décisions de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine des 25 août et 13 octobre 2021, le Conseil soutient qu’il doit être en droit de s’appuyer sur des décisions de justice valides adoptées par les juridictions de pays tiers conformément à des codes de procédure qui garantissent le respect des droits de la défense.

81      Sixièmement, le Conseil soutient que, contrairement à ce qu’affirme le requérant, le BPG a dûment informé son avocat que les éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête préliminaire étaient suffisants pour établir un acte d’accusation et a accordé l’accès aux documents de l’enquête préliminaire, en lui donnant la possibilité de se familiariser avec les éléments de preuve recueillis.

82      Septièmement, s’agissant de la décision motivée du tribunal de Petchersk du 8 octobre 2018 invoquée par le requérant, le Conseil soutient que toutes les décisions ultérieures de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine ont infirmé les conclusions de ladite décision.

83      Huitièmement, le Conseil fait valoir que les deux décisions de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine des 25 août et 13 octobre 2021 confirment qu’une demande d’entraide judiciaire internationale datée du 24 mai 2017, aux fins de la notification au requérant d’un avis de suspicion daté du 5 octobre 2016, d’une explication des droits du suspect et d’une note sur les obligations et droits procéduraux du suspect, a effectivement été adressée à la Fédération de Russie.

84      Enfin, s’agissant des lettres envoyées au BPG concernant l’endroit où le requérant se trouvait en Russie, afin de démontrer sa volonté de participer à l’enquête en ayant recours aux mesures d’assistance judiciaire internationale, le Conseil fait valoir que, conformément au code de procédure pénale ukrainien, le requérant doit être présent en personne pendant l’examen de la demande relative à l’imposition de la mesure de contrainte que constitue le placement en détention et la possibilité d’une assistance judiciaire internationale par vidéoconférence ou conférence téléphonique est prévue uniquement pour ce qui concerne l’interrogatoire d’une personne, et non pour l’intégralité d’une procédure judiciaire. 

85      Il ressort d’une jurisprudence bien établie que, lors du contrôle de mesures restrictives, les juridictions de l’Union européenne doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, au rang desquels figurent, notamment, le droit à une protection juridictionnelle effective et les droits de la défense, tels que consacrés par les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») (voir arrêts du 3 février 2021, Klymenko/Conseil, T‑258/20, EU:T:2021:52, point 64 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑302/19, non publié, EU:T:2021:333, point 73 à 80).

86      L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur une liste de personnes faisant l’objet de mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir ladite décision, sont étayés (voir arrêts du 3 février 2021, Klymenko/Conseil, T‑258/20, EU:T:2021:52, point 65 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑303/19, non publié, EU:T:2021:334, point 75 et jurisprudence citée).

87      L’adoption et le maintien de mesures restrictives, telles que celles prévues par les actes de mars 2014, tels que modifiés, prises à l’encontre d’une personne ayant été identifiée comme étant responsable d’un détournement de fonds appartenant à un État tiers reposent, en substance, sur la décision d’une autorité de celui-ci, compétente à cet égard, d’engager et de mener une procédure d’enquête pénale concernant cette personne et portant sur une infraction de détournement de fonds publics (voir arrêts du 3 février 2021, Klymenko/Conseil, T‑258/20, EU:T:2021:52, point 66 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑303/19, non publié, EU:T:2021:334, point 76 et jurisprudence citée).

88      Aussi, si, en vertu d’un critère d’inscription tel que celui rappelé au point 13 ci-dessus, le Conseil peut fonder des mesures restrictives sur la décision d’un État tiers, l’obligation, pesant sur cette institution, de respecter les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective implique qu’il doive s’assurer du respect desdits droits par les autorités de l’État tiers ayant adopté ladite décision (voir arrêts du 3 février 2021, Klymenko/Conseil, T‑258/20, EU:T:2021:52, point 67 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑303/19, non publié, EU:T:2021:334, point 77 et jurisprudence citée).

89      L’exigence de vérification, par le Conseil, du fait que les décisions des États tiers sur lesquelles il entend se fonder ont été prises dans le respect desdits droits vise à assurer que l’adoption ou le maintien des mesures de gel de fonds n’ait lieu que sur une base factuelle suffisamment solide et, de ce fait, à protéger les personnes ou les entités concernées. Ainsi, le Conseil ne saurait considérer que l’adoption ou le maintien de telles mesures repose sur une base factuelle suffisamment solide qu’après avoir vérifié lui-même que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective ont été respectés lors de l’adoption de la décision de l’État tiers concerné sur laquelle il entend se fonder (voir arrêts du 3 février 2021, Klymenko/Conseil, T‑258/20, EU:T:2021:52, point 68 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑303/19, non publié, EU:T:2021:334, point 78 et jurisprudence citée).

90      Par ailleurs, s’il est vrai que la circonstance que l’État tiers compte au nombre des États ayant adhéré à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), implique un contrôle, par Cour EDH, des droits fondamentaux garantis par la CEDH, lesquels, conformément à l’article 6, paragraphe 3, TUE, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux, une telle circonstance ne saurait toutefois rendre superflue l’exigence de vérification rappelée au point 89 ci-dessus (voir arrêts du 3 février 2021, Klymenko/Conseil, T‑258/20, EU:T:2021:52, point 69 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑303/19, non publié, EU:T:2021:334, point 79 et jurisprudence citée).

91      Selon la jurisprudence, le Conseil est tenu de faire état, dans l’exposé des motifs relatifs à l’adoption ou au maintien de mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité, ne serait-ce que de manière succincte, des raisons pour lesquelles il considère que la décision de l’État tiers sur laquelle il entend se fonder a été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Ainsi, il incombe au Conseil, afin de satisfaire à son obligation de motivation, de faire apparaître, dans la décision imposant des mesures restrictives, qu’il a vérifié que la décision de l’État tiers sur laquelle il fonde ces mesures a été adoptée dans le respect de ces droits (voir arrêts du 3 février 2021, Klymenko/Conseil, T‑258/20, EU:T:2021:52, point 70 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑303/19, non publié, EU:T:2021:334, point 80 et jurisprudence citée).

92      En définitive, lorsqu’il fonde l’adoption ou le maintien de mesures restrictives telles que celles en cause sur la décision d’un État tiers d’engager et de mener une procédure pénale pour détournement de fonds ou d’avoirs publics par la personne concernée, le Conseil doit, d’une part, s’assurer que, au moment de l’adoption de ladite décision, les autorités de cet État tiers ont respecté les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective de la personne faisant l’objet de la procédure pénale en cause et, d’autre part, mentionner, dans la décision imposant des mesures restrictives, les raisons pour lesquelles il considère que ladite décision de l’État tiers a été adoptée dans le respect de ces droits (voir arrêts du 3 février 2021, Klymenko/Conseil, T‑258/20, EU:T:2021:52, point 71 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑303/19, non publié, EU:T:2021:334, point 81 et jurisprudence citée).

93      En l’espèce, de telles obligations apparaissent d’autant plus impérieuses que, ainsi qu’il résulte du considérant 2 de la décision 2014/119, celle-ci et les décisions subséquentes ont été adoptées dans le cadre d’une politique visant à renforcer et à soutenir l’État de droit et le respect des droits de l’homme en Ukraine (voir point 5 ci-dessus), conformément aux objectifs figurant à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE. Par conséquent, l’objet de ces décisions, qui est, notamment, de faciliter la constatation par les autorités ukrainiennes des détournements de fonds publics commis et de préserver la possibilité, pour celles-ci, de recouvrer le produit de ces détournements, serait dépourvu de pertinence au regard desdits objectifs si cette constatation était entachée d’un déni de justice, voire d’arbitraire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 octobre 2020, Ben Ali/Conseil, T‑151/18, EU:T:2020:514, point 95).

94      C’est à l’aune de ces principes jurisprudentiels qu’il convient d’établir si le Conseil a respecté les obligations qui lui incombaient dans le cadre de l’adoption des actes attaqués en ce que ceux-ci concernent le requérant.

95      À cet égard, il y a lieu de relever que le Conseil a mentionné dans les actes attaqués les raisons pour lesquelles il avait considéré que la décision des autorités ukrainiennes d’engager et de mener des procédures pénales à l’encontre du requérant pour détournement de fonds ou d’avoirs publics avait été adoptée dans le respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective (voir points 39 et 44 ci-dessus). Il convient néanmoins de vérifier si c’est à juste titre que le Conseil a considéré que tel avait été le cas en l’espèce.

96      Or, les mesures restrictives précédemment adoptées ont été prorogées et maintenues à l’égard du requérant par les actes attaqués sur le fondement du critère d’inscription énoncé à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119, tel que modifié par la décision 2015/143, et à l’article 3 du règlement no 208/2014, tel que modifié par le règlement 2015/138 (voir points 13 et 14 ci-dessus). Ce critère vise les personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de faits de détournement de fonds publics appartenant à l’État ukrainien, y compris les personnes faisant l’objet d’une enquête des autorités ukrainiennes.

97      Il ressort des motifs des actes attaqués, rappelés aux points 39 et 44 ci-dessus, et de la correspondance entre le Conseil et le requérant que le Conseil s’est fondé, pour décider du maintien du nom du requérant sur la liste, tant en 2021 qu’en 2022, sur la décision des autorités ukrainiennes d’engager et de mener des procédures d’enquêtes pénales portant sur une infraction de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien.

98      Le maintien des mesures restrictives prises à l’encontre du requérant reposait donc, tout comme dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 11 juillet 2019, Yanukovych/Conseil (T‑245/16 et T‑286/17, non publié, EU:T:2019:505), du 24 septembre 2019, Yanukovych/Conseil (T‑301/18, non publié, EU:T:2019:676), du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil (T‑302/19, non publié, EU:T:2021:333), et du 30 mars 2022, Yanukovych/Conseil (T‑292/20, non publié, EU:T:2022:188), sur la décision des autorités ukrainiennes d’engager et de mener des procédures d’enquêtes pénales portant sur une infraction de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien.

99      Il y a également lieu de relever que, en modifiant, par les actes attaqués, l’annexe de la décision 2014/119 et l’annexe I du règlement no 208/2014, le Conseil a ajouté à celles-ci, ainsi qu’il l’avait déjà fait lors de l’adoption des actes de mars 2019, une nouvelle section, entièrement consacrée aux droits de la défense et au droit à une protection juridictionnelle effective, qui se subdivise en deux parties.

100    Dans la première partie de cette section figure un simple rappel, d’ordre général, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective en vertu du code de procédure pénale ukrainien. En particulier, tout d’abord, sont rappelés les différents droits procéduraux dont jouit toute personne soupçonnée ou poursuivie dans le cadre d’une procédure pénale en vertu de l’article 42 du code de procédure pénale. Ensuite, d’une part, il est rappelé que, en vertu de l’article 306 de ce même code, toute plainte contre des décisions, des actes ou des omissions de l’enquêteur ou du procureur doit être examinée par le juge d’instruction d’un tribunal local, en présence du plaignant, de son avocat ou de son représentant légal. D’autre part, il est indiqué, notamment, que l’article 309 dudit code précise les décisions du juge d’instruction qui peuvent être contestées par la voie d’un recours. Enfin, il est précisé qu’un certain nombre de mesures d’enquête, telles que la saisie de biens et les mesures de détention, ne sont possibles que moyennant une décision du juge d’instruction ou d’un tribunal.

101    La seconde partie de la section concerne le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de chacune des personnes dont le nom est inscrit sur la liste. S’agissant plus particulièrement du requérant, dans les actes attaqués dans l’affaire T‑263/21, il est précisé que, selon les informations figurant dans le dossier du Conseil, ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective ont été respectés au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’est fondé, ainsi qu’en témoignerait, la fait que « [l]e Conseil dispose d’informations selon lesquelles les autorités ukrainiennes ont pris des mesures pour faire rechercher M. Yanukovych, qui séjourne en Fédération de Russie et se soustrait à l’enquête ».

102    Cette motivation a, en substance, été également fournie dans la lettre du 5 mars 2021 adressée au requérant (voir point 40 ci-dessus)

103    Ainsi, il ressort d’une lecture combinée des motifs exposés dans les actes attaqués dans l’affaire T‑263/21 et dans la lettre du 5 mars 2021 que la procédure no [confidentiel] est la seule pour laquelle le Conseil atteste avoir effectivement vérifié le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant  dans le cadre des actes attaqués dans ladite affaire.

104    En outre, il convient de relever d’emblée que le Conseil, dans le cadre des actes attaqués dans l’affaire T‑263/21, pour démontrer avoir effectivement vérifié le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant, ne se fonde sur aucune décision de justice, mais se limite à faire référence au fait qu’il dispose « d’informations selon lesquelles les autorités ukrainiennes ont pris des mesures pour faire rechercher M. Yanukovych, qui séjourne en Fédération de Russie et se soustrait à l’enquête ». Ainsi que le relève à juste titre le requérant, le Conseil n’indique pas une seule pièce de son dossier ou une décision de justice susceptible de démontrer qu’il a procédé à la vérification du respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective à l’égard de l’unique procédure sur laquelle il se fonde. Dans ces conditions, le Conseil ne parvient nullement à démontrer que, s’agissant des actes attaqués dans l’affaire T-263/21, il a vérifié le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant.

105    S’agissant des actes attaqués dans l’affaire T‑257/22, la seconde partie de la section concernant le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de chacune des personnes dont le nom est inscrit sur la liste précise, s’agissant plus particulièrement du requérant, que, selon les informations figurant dans le dossier du Conseil, ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective ont été respectés au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’est fondé, ainsi qu’en témoigneraient, notamment, « les décisions de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine ». En effet, selon le Conseil, « [d]ans la procédure pénale [n° [confidentiel], la Haute Cour anticorruption d’Ukraine, par sa décision du 25 août 2021, a autorisé l’ouverture d’une enquête préliminaire spéciale en ce qui concerne M. O. Yanukovych », « le juge d’instruction a confirmé le statut de suspect de M. O. Yanukovych et a conclu que les éléments de preuve donn[ai]ent des motifs raisonnables de soupçonner M. O. Yanukovych d’avoir commis les infractions pénales dont il [était] suspecté » et « [i]l a également conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire que M. O. Yanukovych se soustra[ya]it délibérément à l’enquête et au tribunal afin d’échapper à sa responsabilité pénale ».

106    De plus, le Conseil a ajouté que, « dans sa décision du 13 octobre 2021, la Haute Cour anticorruption d’Ukraine a[vait] imposé une mesure préventive de détention à M. O. Yanukovych », elle « a[vait] confirmé le statut de suspect de M. O. Yanukovych ainsi que les motifs raisonnables de soupçonner M. O. Yanukovych d’avoir commis des infractions pénales » et « [l]e juge a également souligné qu’il exist[ait] un risque que le suspect se soustraie à l’enquête et au tribunal afin d’échapper à sa responsabilité pénale ».

107    Cette motivation a, en substance, été également fournie dans la lettre du 4 mars 2022 adressée au requérant (voir point 45 ci-dessus).

108    Ainsi, il ressort d’une lecture combinée des motifs exposés dans les actes attaqués dans l’affaire T‑257/22 et dans la lettre du 4 mars 2022 que la procédure no [confidentiel] est la seule procédure pour laquelle le Conseil atteste avoir effectivement vérifié le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant  dans le cadre des actes attaqués dans ladite affaire.

109    À cet égard, il doit être observé, d’emblée, que le Conseil reste en défaut de démontrer dans quelle mesure les décisions de justice mentionnées aux points 105 et 106 ci-dessus témoigneraient du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant au cours de la procédure no [confidentiel]. En effet, ainsi qu’il a été rappelé aux points 88 et 89 ci-dessus, en l’espèce, le Conseil était tenu de vérifier, avant de décider du maintien des mesures restrictives en cause, si la décision de l’administration judiciaire ukrainienne d’engager et de mener des procédures d’enquêtes pénales portant sur des infractions inhérentes au détournement de fonds ou d’avoirs publics prétendument commises par le requérant avait été adoptée dans le respect desdits droits de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑302/19, non publié, EU:T:2021:333, point 92).

110    Dans cette perspective, ni la décision de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine du 25 août 2021, par laquelle elle a autorisé l’ouverture d’une enquête préliminaire spéciale en ce qui concernait le requérant et a confirmé son statut de suspect dans le cadre de la procédure pénale mentionnée au point 105 ci-dessus, ni la décision de la Haute Cour anticorruption d’Ukraine du 13 octobre 2021, par laquelle elle a confirmé sa décision 25 août 2021 et a imposé une mesure préventive de détention au requérant, concernant la même procédure pénale, ne sauraient être identifiées comme étant des décisions d’engager et de mener la procédure d’enquête justifiant le maintien des mesures restrictives en cause étant donné qu’il s’agit de deux décisions incidentes. Cela étant, il est possible d’admettre que, d’un point de vue substantiel, dès lors que ces décisions ont été rendues par une juridiction, elles ont réellement été prises en compte par le Conseil comme étant la base factuelle justifiant le maintien des mesures restrictives en cause (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑302/19, non publié, EU:T:2021:333, point 93).

111    Il y a donc lieu de vérifier si c’est à juste titre que le Conseil a pu considérer que de telles décisions de justice témoignaient du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant.

112    Or, s’agissant des décisions du 25 août et du 13 octobre 2021 adoptées dans le cadre de la procédure no [confidentiel], il convient de relever que, même si lesdites décisions ont été prises en audience publique, avec la participation des avocats du requérant, il n’en reste pas moins que le Conseil lui-même indique dans ses écritures qu’il s’agit de décisions de nature procédurale qui n’affectent pas directement les droits ou la situation juridique de la personne à l’encontre de laquelle elles sont prises et, de ce fait, ne sont pas susceptibles de recours selon le code de procédure pénale ukrainien. Dans ces conditions, il y a lieu de souligner, à l’instar du requérant, qu’il ne saurait être valablement soutenu qu’une décision qui n’affecte pas ses droits ou sa situation juridique et, de ce fait, n’est pas susceptible de recours puisse démontrer le respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective.

113    En tout état de cause, il doit également être relevé que toutes les décisions de justice mentionnées aux points 105 et 106 ci-dessus s’insèrent, notamment, dans le cadre de procédures pénales ayant justifié le maintien du nom du requérant sur la liste et ne sont qu’incidentes par rapport à celles-ci, dans la mesure où elles sont de nature soit conservatoire, soit procédurale. De telles décisions, qui peuvent servir tout au plus à établir l’existence d’une base factuelle suffisamment solide, en ce que, conformément au critère d’inscription applicable, le requérant faisait l’objet d’une procédure pénale portant sur une infraction de détournement de fonds ou d’avoirs appartenant à l’État ukrainien, ne sont pas ontologiquement susceptibles, à elles seules, de démontrer que la décision de l’administration judiciaire ukrainienne d’engager et de mener lesdites procédures pénales, sur laquelle repose, en substance, le maintien des mesures restrictives à l’encontre du requérant, a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de celui-ci, ainsi qu’il incombe au Conseil de le vérifier, conformément à la jurisprudence rappelée au point 89 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêts du 3 février 2021, Klymenko/Conseil, T‑258/20, EU:T:2021:52, point 94 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑302/19, non publié, EU:T:2021:333, point 110).

114    À cet égard, il doit également être observé que le Conseil était tenu d’effectuer une telle vérification indépendamment de tout élément de preuve apporté par le requérant pour démontrer que, en l’espèce, celui-ci avait subi une violation de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective, la simple possibilité d’invoquer la violation de ces droits devant les juridictions ukrainiennes en vertu de dispositions du code de procédure pénale n’étant pas suffisante en soi pour démontrer le respect desdits droits par l’administration judiciaire ukrainienne (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑303/19, non publié, EU:T:2021:334, point 121 et jurisprudence citée).

115    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument du Conseil selon lequel le requérant n’a pas avancé d’élément susceptible de démontrer que sa situation particulière avait été affectée par les problèmes allégués du système judiciaire ukrainien. En effet, selon une jurisprudence constante, c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2020, Saleh Thabet e.a./Conseil, C‑72/19 P et C‑145/19 P, non publié, EU:C:2020:992, point 45 et jurisprudence citée).

116    D’ailleurs, le Conseil n’explique pas non plus comment, en particulier, la simple existence des décisions de justice mentionnées aux points 105 et 106 ci-dessus permettrait de considérer que le respect du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant avait été garanti. À cet égard, il y a lieu de relever que la procédure no [confidentiel] se trouvait encore au stade de l’enquête préliminaire, récemment transférée au bureau national anticorruption, de sorte qu’elle n’avait pas été soumise à un tribunal ukrainien sur le fond, un tel tribunal n’en ayant eu connaissance que pour des questions procédurales.

117    Or, l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, qui constitue le paramètre à l’aune duquel le Conseil apprécie le respect du droit à une protection juridictionnelle effective (voir arrêts du 3 février 2021, Klymenko/Conseil, T‑258/20, EU:T:2021:52, point 98 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑302/19, non publié, EU:T:2021:333, point 116), prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi.

118    Dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la CEDH, tels que ceux prévus à l’article 6 de celle-ci, leur sens et leur portée sont, aux termes de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, les mêmes que ceux que leur confère la CEDH.

119    À cet égard, il convient de rappeler que, en interprétant l’article 6 de la CEDH, la Cour EDH a relevé que l’objectif du principe du délai raisonnable était, notamment, de protéger la personne inculpée contre les lenteurs excessives de la procédure et d’éviter qu’elle ne demeure trop longtemps dans l’incertitude de son sort et que ledit principe soulignait l’importance de rendre la justice sans les retards propres à compromettre l’efficacité et la crédibilité de l’administration de la justice (voir Cour EDH, 7 juillet 2015, Rutkowski et autres c. Pologne, CE:ECHR:2015:0707JUD007228710, point 126 et jurisprudence citée). De plus, la Cour EDH a considéré que la violation de ce principe pouvait être constatée notamment lorsque la phase d’instruction d’une procédure pénale se caractérisait par un certain nombre de périodes d’inactivité imputables aux autorités compétentes pour cette instruction (voir, en ce sens, Cour EDH, 6 janvier 2004, Rouille c. France, CE:ECHR:2004:0106JUD005026899, points 29 à 31 ; 27 septembre 2007, Reiner et autres c. Roumanie, CE:ECHR:2007:0927JUD000150502, points 57 à 59, et 12 janvier 2012, Borisenko c. Ukraine, CE:ECHR:2012:0112JUD002572502, points 58 à 62).

120    Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que, lorsqu’une personne fait l’objet de mesures restrictives depuis plusieurs années, et ce en raison de l’existence, en substance, des mêmes enquêtes préliminaires, comme c’est le cas en l’espèce, le Conseil est tenu, préalablement à l’adoption d’une décision prorogeant l’application de ces mesures, de s’assurer du respect du droit de cette personne d’être jugée dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêts du 3 février 2021, Klymenko/Conseil, T‑258/20, EU:T:2021:52, point 101, et du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑302/19, non publié, EU:T:2021:333, point 119 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 octobre 2020, Ben Ali/Conseil, T‑151/18, EU:T:2020:514, point 114 et jurisprudence citée).

121    À cet égard, ainsi qu’il a été relevé au point 93 ci-dessus, il importe de rappeler la nature conservatoire du gel des avoirs du requérant et leur objet, à savoir, faciliter la constatation par les autorités ukrainiennes des détournements de fonds publics commis, au terme des procédures judiciaires engagées, et préserver la possibilité, pour ces autorités, de recouvrer, in fine, le produit de ces détournements. Il incombe donc au Conseil d’éviter qu’une telle mesure, qui se justifie précisément en vertu de sa nature temporaire, soit prolongée inutilement, au détriment des droits et des libertés du requérant, sur lesquels elle a une incidence négative importante, du seul fait que les procédures pénales, encore au stade de l’enquête préliminaire, sur lesquelles elle repose ont été laissées ouvertes, en substance, indéfiniment (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 mars 2022, Yanukovych/Conseil, T‑292/20, non publié, EU:T:2022:188, point 115).

122    Il ressort également de la jurisprudence de la Cour EDH ayant trait à l’interprétation de l’article 6 de la CEDH que des retards causés par des suspensions de la procédure par les autorités, les décisions de joindre et de disjoindre les différentes procédures pénales ainsi que les renvois d’une affaire pour un complément d’enquête dans le cadre d’une même procédure peuvent être considérés comme des indices révélateurs d’une grave défaillance dans le fonctionnement du système de justice pénale ukrainien (voir, en ce sens, Cour EDH, 23 juin 2016, Krivoshey c. Ukraine, CE:ECHR:2016:0623JUD000743305, point 97 et jurisprudence citée). En l’espèce, eu égard à la durée prolongée des enquêtes préliminaires en cause, il résulte de ce qui a été indiqué au point 120 ci-dessus que le Conseil était tenu, préalablement à l’adoption des actes attaqués, de s’assurer que la durée desdites enquêtes n’était pas déraisonnable. Dans cette perspective, le Conseil aurait dû, par ailleurs, tenir compte de tout indice de défaillances éventuelles dans le système de justice pénale ukrainien ressortant du dossier des affaires, à savoir, en l’espèce, le fait que les procédures no [confidentiel] et no [confidentiel] avaient toutes les deux été dissociées d’une autre procédure, qu’elles avaient été suspendues et rouvertes à plusieurs reprises et que les enquêtes préliminaires dans le cadre de celles-ci avaient été transférées, plusieurs années après leur ouverture, à une autre autorité investigatrice (voir, notamment, s’agissant de la procédure no [confidentiel], point 116 ci-dessus), sans que cela ait impliqué la moindre progression, au lieu de se contenter des explications fournies par le BPG et de fonder son appréciation exclusivement sur celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2022, Pshonka/Conseil, T‑242/21, non publié, EU:T:2022:839, point 99).

123    S’agissant de l’argument avancé par le Conseil  selon lequel, conformément à la jurisprudence de la Cour EDH, la fuite d’un accusé aurait par elle‑même des répercussions sur l’étendue de la garantie offerte par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, quant à la durée de la procédure, il doit être observé que, même en admettant que le requérant se soit illégalement soustrait à l’enquête et à la justice, le Conseil reste en défaut de démontrer que cette circonstance a eu des répercussions sur la durée de la procédure qui seraient imputables au requérant. En revanche, il convient d’observer que les autorités ukrainiennes, en réponse à la demande du Conseil, concernant la procédure n° [confidentiel], d’obtenir des précisions sur l’impact de l’absence du requérant sur les retards de l’enquête, ont indiqué [confidentiel]. De plus, il y a lieu de constater que tant la procédure n° [confidentiel], relative à des faits prétendument commis par le requérant entre 2007 et 2012, que la procédure n° [confidentiel], relative à des faits prétendument commis par le requérant entre 2003 et 2013, sur lesquelles s’appuie le Conseil, étaient encore, respectivement sept et à huit années après leur ouverture, au stade de l’enquête préliminaire.

124    Par ailleurs, il convient de relever, à l’instar du requérant, que la question posée par le Conseil au BPG concernant les raisons qui l’aurait empêché de porter les procédures no [confidentiel] et no [confidentiel] devant un tribunal ukrainien pour être jugé sur le fond n’a obtenu aucune réponse de la part du BPG.

125    En définitive, le Conseil aurait dû à tout le moins apprécier tous les éléments fournis par le BPG et par le requérant et indiquer les raisons pour lesquelles, au terme d’une analyse autonome et approfondie de ces éléments, il pouvait considérer que le droit du requérant à une protection juridictionnelle effective devant l’administration judiciaire ukrainienne avait été respecté en ce qui concernait son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑303/19, non publié, EU:T:2021:334, point 131 et jurisprudence citée).

126    Il ne saurait donc être conclu, au vu des pièces des dossiers, que les éléments dont le Conseil disposait lors de l’adoption des actes attaqués lui ont permis de vérifier si les décisions de l’administration judiciaire ukrainienne d’engager et de mener les procédures pénales en cause avaient été adoptées et mises en œuvre dans le respect des droits du requérant à une protection juridictionnelle effective et, plus particulièrement, à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable.

127    À cet égard, il convient également de relever que la jurisprudence bien établie selon laquelle, en cas d’adoption d’une mesure de gel de fonds telle que celle adoptée à l’égard du requérant, il appartient au Conseil ou au juge de l’Union de vérifier le bien-fondé non pas des enquêtes dont la personne visée par ces mesures restrictives faisait l’objet en Ukraine, mais uniquement de la décision de gel des fonds au regard du ou des documents sur lesquels cette décision a été fondée, ne saurait être interprétée en ce sens que le Conseil n’est pas tenu de vérifier si la décision de l’État tiers sur laquelle il entend fonder l’adoption desdites mesures restrictives a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêts du 3 février 2021, Klymenko/Conseil, T‑258/20, EU:T:2021:52, point 104 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑302/19, non publié, EU:T:2021:333, point 123).

128    Enfin, l’argument du Conseil selon lequel, en substance, il ne lui appartient pas de mettre en cause les décisions des juridictions ukrainiennes, qui bénéficieraient d’une sorte de présomption de légalité, doit être rejeté. En effet, s’il est vrai, ainsi qu’il le prétend, qu’il est en droit de se fonder sur de telles décisions comme preuves de l’existence d’une procédure pénale relative à des allégations de détournement de fonds publics à l’encontre du requérant, il n’en va pas de même en ce qui concerne les preuves du bon déroulement de cette procédure pénale, y compris pour ce qui est du respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective. Ainsi qu’il a été rappelé au point 89 ci-dessus, pour s’assurer que le maintien de l’inscription du nom du requérant sur la liste repose sur une base factuelle suffisamment solide, le Conseil doit vérifier non seulement s’il existe des procédures judiciaires en cours concernant le requérant pour des faits qualifiables de détournement de fonds publics, mais également si, dans le cadre de ces procédures, lesdits droits du requérant ont été respectés (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑302/19, non publié, EU:T:2021:333, point 125).

129    Cela est d’autant plus vrai lorsque, comme en l’espèce, d’une part, le Conseil n’était pas en possession de certaines décisions ainsi que de certaines informations sur lesquelles il entendait se fonder et, d’autre part, le requérant a soulevé des doutes quant au respect de ses droits dans le contexte de l’adoption des décisions de justice sur lesquelles le Conseil entendait se fonder. En tout état de cause, il ne saurait être exclu que, au regard notamment des observations présentées par le requérant, cette institution soit tenue de solliciter auprès des autorités ukrainiennes des éclaircissements ultérieurs concernant le respect desdits droits (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Yanukovych/Conseil, T‑302/19, non publié, EU:T:2021:333, point 128), ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

130    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il n’est pas établi que le Conseil, avant l’adoption des actes attaqués, se soit assuré du respect, par l’administration judiciaire ukrainienne, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant dans le cadre des procédures pénales sur lesquelles il s’est fondé. Il s’ensuit que, en décidant de maintenir son nom sur la liste, le Conseil a commis une erreur d’appréciation.

131    Dans ces circonstances, il y a lieu d’annuler les actes attaqués en tant qu’ils visent le requérant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens et arguments invoqués par ce dernier.

132    Au regard de la demande présentée par le Conseil à titre subsidiaire (voir point 48, deuxième tiret, ci-dessus) tendant, en substance, au maintien des effets respectivement de la décision 2021/394 et de la décision 2022/376 jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’introduction d’un pourvoi visant le présent arrêt, en tant qu’il annulerait respectivement le règlement d’exécution 2021/391 et le règlement d’exécution 2022/375 dans la mesure où ils concernent le requérant et, au cas où un pourvoi serait introduit à cet égard, jusqu’à la décision statuant sur celui-ci, il suffit de relever que la décision 2021/394 n’a produit d’effets que jusqu’au 6 mars 2022 et la décision 2022/376 n’a produit d’effets que jusqu’au 6 septembre 2022. Par conséquent, l’annulation de celles-ci par le présent arrêt n’a pas de conséquence sur la période postérieure à ces dates, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la question du maintien des effets de ces décisions (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, Klymenko/Conseil, T‑195/21, EU:T:2021:925, point 113 et jurisprudence citée).

 Sur les dépens

133    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T-263/21 et T-257/22 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      La décision (PESC) 2021/394 du Conseil, du 4 mars 2021, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine, et le règlement d’exécution (UE) 2021/391 du Conseil, du 4 mars 2021, mettant en œuvre le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine, ainsi que la décision (PESC) 2022/376 du Conseil, du 3 mars 2022, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine, et le règlement d’exécution (UE) 2022/375 du Conseil, du 3 mars 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine, sont annulés dans la mesure où le nom de M. Oleksandr Viktorovych Yanukovych a été maintenu sur la liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquent ces mesures restrictives.

3)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

Spielmann

Mastroianni

Brkan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 décembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1 Données confidentielles occultées.