Language of document : ECLI:EU:T:2011:396

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

15 juillet 2011 (1)

« Requête introductive d’instance – Exigences de forme – Recours en carence – Absence d’engagement d’une procédure en manquement – Refus de la Commission d’engager une procédure en manquement –Recours en indemnité – Irrecevabilité manifeste – Demande de statuer selon la procédure accélérée »

Dans l’affaire T-185/11,

Smanor SA, établie à Saint-Martin-d’Écublei (France), représentée par Mes P. Goergen, L. Roques et J.-P. Ekeu, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne,

et

Médiateur européen,

parties défenderesses,

ayant pour objet, d’une part, un recours en carence visant à faire constater que la Commission s’est illégalement abstenue d’engager une procédure en manquement contre la République française et, d’autre part, un recours en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi par la partie requérante,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas (rapporteur) et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Procédure et conclusions de la partie requérante

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 mars 2011, la partie requérante a introduit le présent recours.

2        Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        juger « [q]u’aucun des droits fondamentaux de la libre concurrence à l’intérieur des États membres n’a été respecté par les autorités française[s] dans le contentieux de SMANOR » ;

–        juger « [q]ue le Conseil d’État ne dispose et n’a jamais disposé d’aucun texte applicable lui permettant de violer le droit communautaire de la libre concurrence en sa qualité de juge et de partie » ;

–        juger « [q]ue l’inaction de la [C]ommission [européenne] face à ces dérives juridiques dont elle avait pleinement connaissance à compter du 14 juillet 1988, date de l’arrêt SMANOR, reste constitutif de carences manifestes et justifie une indemnité provisoire qui ne saurait être inférieure à la somme de un million d’euros ».

3        La partie requérante conteste en outre les refus d’intervenir du Médiateur européen du 22 février 2011 et de la Commission du 3 mars 2011.

4        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la partie requérante a introduit une demande visant à ce que le Tribunal statue selon la procédure accélérée en application de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal.

 En droit

5        Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

6        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

7        Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnances du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T-85/92, Rec. p. II‑523, point 20, et du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T-154/98, Rec. p. II-1703, point 49 ; arrêt du Tribunal du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T-277/97, Rec. p. II‑1825, point 29).

8        Si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions susmentionnées, doivent figurer dans la requête (ordonnance Asia Motor France e.a./Commission, précitée, point 49).

9        En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêt du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T-84/96, Rec. p. II-2081, point 34).

10      En l’espèce, la partie requérante se borne à affirmer, d’une part, que la République française a violé les règles du droit de l’Union par l’intermédiaire de ses juridictions et, d’autre part, que la Commission s’est illégalement abstenue d’engager une procédure en manquement contre la République française. De plus, les éléments essentiels de droit sur lesquels le recours se fonde ne ressortent pas de façon claire du texte de la requête elle-même. En outre, les conclusions de la partie requérante ne sont pas formulées de manière claire et non équivoque. Il résulte de ces constatations que l’objet du litige, l’exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie requérante ne sont pas suffisamment étayés pour permettre au Tribunal de se prononcer.

11      En conséquence, la requête ne satisfait pas aux exigences minimales de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

12      Pour autant que le recours doive être compris comme visant à obtenir du Tribunal qu’il constate la carence de la Commission en ce qu’elle s’est abstenue d’engager la procédure prévue à l’article 258 TFUE à l’encontre de la République française, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, est irrecevable le recours en carence intenté par une personne physique ou morale et visant à faire constater que, en n’engageant pas contre un État membre une procédure en constatation de manquement, la Commission s’est abstenue de statuer en violation du traité (arrêt de la Cour du 14 février 1989, Star Fruit/Commission, C-247/87, Rec. p. 291, et ordonnance du Tribunal du 12 novembre 1996, SDDDA/Commission, T-47/96, Rec. p. II-1559, point 41). En effet, les personnes physiques ou morales ne peuvent se prévaloir de l’article 265, troisième alinéa, TFUE qu’en vue de faire constater qu’une institution, un organe ou un organisme de l’Union s’est abstenu d’adopter, en violation du traité, des actes, autres que des recommandations ou des avis, dont elles sont les destinataires potentiels ou qui les concerneraient soit de manière directe, soit, selon le cas, de manière directe et individuelle (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 26 novembre 1996, T. Port, C-68/95, Rec. p. I-6065, points 58 et 59).

13      Or, dans le cadre de la procédure en constatation de manquement régie par l’article 258 TFUE, les seuls actes que la Commission peut être amenée à prendre sont adressés aux États membres (ordonnances du Tribunal du 29 novembre 1994, Bernardi/Commission, T-479/93 et T‑559/93, Rec. p. II-1115, point 31, et du 19 février 1997, Intertronic/Commission, T-117/96, Rec. p. II-141, point 32). En outre, il résulte du système prévu par l’article 258 TFUE que ni l’avis motivé, qui ne constitue qu’une phase préalable au dépôt éventuel d’un recours en constatation de manquement devant la Cour, ni la saisine de la Cour par le dépôt effectif d’un tel recours ne sauraient constituer des actes concernant de manière directe les personnes physiques ou morales.

14      Il s’ensuit que la demande de la partie requérante comprise comme visant à faire constater que la Commission s’est abstenue de statuer en violation du traité en n’engageant pas contre un État membre une procédure en constatation de manquement doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable.

15      Enfin, et pour autant que la partie requérante entende contester la légalité de la lettre de la Commission du 3 mars 2011 en ce qu’elle porte refus d’engager une procédure en constatation de manquement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les particuliers ne sont pas recevables à attaquer un refus de la Commission d’engager une telle procédure à l’encontre d’un État membre (ordonnance Asia Motor France e.a./Commission, précitée, point 21 ; ordonnance du Tribunal du 13 novembre 1995, Dumez/Commission, T‑126/95, Rec. p. II‑2863, point 33, et arrêt du Tribunal du 22 mai 1996, AITEC/Commission, T‑277/94, Rec. p. II‑351, point 55).

16      S’agissant de la demande d’indemnisation en relation avec l’absence d’engager une procédure en manquement, il y a lieu de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que, dans la mesure où la Commission n’est pas tenue d’engager une procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, sa décision de ne pas engager une telle procédure n’est, en tout état de cause, pas constitutive d’une illégalité, de sorte qu’elle n’est pas de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté et que le seul comportement pouvant éventuellement être mis en cause comme source de préjudice est le comportement de l’État membre concerné, à savoir, en l’espèce, celui de l’État français (voir, en ce sens, ordonnance Asia Motor France e.a./Commission, précitée, point 13 ; ordonnances du Tribunal du 3 juillet 1997, Smanor e.a./Commission, T-201/96, Rec. p. II-1081, point 30, et du 14 janvier 2004, Makedoniko Metro et Michaniki/Commission, T-202/02, Rec. p. II-181, point 43 ; arrêts du Tribunal du 14 septembre 1995, Lefebvre e.a./Commission, T‑571/93, Rec. p. II‑2379, point 61, et du 18 décembre 2009, Arizmendi e.a./Conseil et Commission, T‑440/03, T-121/04, T-171/04, T-365/04 et T-484/04, Rec. p. II‑4883, point 62).

17      Il en résulte que le chef de conclusions en indemnité est manifestement irrecevable.

18      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le présent recours comme étant manifestement irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de le signifier à la partie défenderesse.

19      Ayant constaté qu’il y a lieu de rejeter le recours, il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’une procédure accélérée présentée au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal.

 Sur les dépens

20      La présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête à la partie défenderesse et avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.


2)      La partie requérante supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 15 juillet 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       S. Papasavvas


1 Langue de procédure : le français.