Language of document : ECLI:EU:T:2022:109

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

2 mars 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale MOOD MEDIA – Usage sérieux de la marque – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] – Preuve de l’usage sérieux »

Dans l’affaire T‑615/20,

Mood Media Netherlands BV, établie à Naarden (Pays-Bas), représentée par Me A.-M. Pecoraro, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Tailoradio Srl, établie à Milan (Italie), représentée par Mes M. Franzosi, A. Sobol, F. Santonocito et S. Bernardini, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 24 juillet 2020 (affaire R 1767/2019-1), relative à une procédure de déchéance entre Tailoradio et Mood Media Netherlands,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 octobre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 16 février 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 10 février 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 11 mai 2007, Mood Media SAS, dont la requérante, Mood Media Netherlands, est l’ayant droit, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal MOOD MEDIA.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment  des classes 9, 35, 38, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et supports pour l’enregistrement et la reproduction de sons ou d’images » ;

–        classe 35 : « Services relatifs à la publicité par la diffusion de messages et/ou d’images enregistrées, régie publicitaire » ;

–        classe 38 : « Services de transmission et de diffusion des images, sons et messages par radio, télévision, Internet et satellite » ;

–        classe 41 : « Divertissements musicaux, radiophoniques et par télévision et vidéo, production de films, location de films, d’enregistrements sonores et de matériel pour l’enregistrement et la diffusion des sons et images » ;

–        classe 42 : « Services de conseil pour l’aménagement d’espaces et aménagement, agencement technique de ces espaces destinés à la projection de cassettes vidéo, audio, compact-discs, CD-Rom, DVD ; élaboration, mise à jour et maintenance de logiciels pour la transmission et la diffusion des images, sons et messages par Internet, pour le cryptage de données pour la réalisation de produits multimédias ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 5/2008, du 4 février 2008, et la marque a été enregistrée le 14 juillet 2008.

5        Le 7 juin 2017, l’intervenante, Tailoradio Srl, a déposé une demande de déchéance de cette marque en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] auprès de l’EUIPO. Dans cette demande, l’intervenante a soutenu que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pendant une période ininterrompue de cinq ans pour tous les produits et les services pour lesquels elle avait été enregistrée visés au point 3 ci-dessus (ci-après « les produits et les services concernés »).

6        Par décision du 27 mars 2019, rectifiée le 25 juin 2019, la division d’annulation a rejeté la demande de déchéance pour les produits et les services concernés.

7        Le 8 août 2019, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 24 juillet 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a considéré que la requérante n’avait pas prouvé qu’elle avait fait un usage sérieux de la marque contestée pour les produits et les services concernés et a annulé la décision de la division d’annulation. En particulier, la chambre de recours a considéré qu’il ressortait de certains éléments de preuve que la marque contestée était utilisée soit comme une dénomination sociale, soit comme une partie essentielle d’un nom de domaine, soit sous une forme qui différait de celle enregistrée de telle manière que le caractère distinctif de la marque contestée était altéré. La chambre de recours a également considéré que les autres éléments de preuve étaient peu nombreux et insuffisants et qu’il n’était pas démontré qu’un lien pouvait être établi entre la marque contestée et les produits et les services concernés. La chambre de recours a donc annulé la décision de la division d’annulation en ce qu’elle avait rejeté la demande de déchéance pour les produits et les services concernés et a condamné la requérante aux dépens.

II.    Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler  la décision attaquée ;

–        rejeter la demande de déchéance ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la déchéance de la marque contestée ;

–        confirmer en conséquence la décision attaquée prononçant la déchéance de la marque contestée ;

–        condamner la requérante aux dépens de la présente procédure et des étapes antérieures.

III. En droit

12      À titre liminaire et compte tenu de la date d’introduction de la demande de déchéance en cause, en l’occurrence le 7 juin 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 2, et du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 3). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi en principe par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

13      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée, par la requérante dans l’argumentation soulevée, par l’intervenante et par l’EUIPO à l’article 58, paragraphe 1, sous a), et à l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 51, paragraphe 1, sous a), et l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

A.      Sur la recevabilité de certaines annexes de la requête

14      L’intervenante soutient, d’une part, que les annexes 7 et 8.1 à 8.6 de la requête ont été produites pour la première fois devant le Tribunal et qu’elles sont irrecevables en application de l’article 72 du règlement 2017/1001 et, d’autre part, qu’aucun de ces documents n’a été traduit dans la langue de procédure en violation de l’article 46 du règlement de procédure du Tribunal.

15      À cet égard, il convient de rappeler que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des éléments présentés pour la première fois devant lui [voir arrêt du 30 septembre 2015, Gat Microencapsulation/OHMI – BASF (KARIS), T‑720/13, non publié, EU:T:2015:735, point 89 et jurisprudence citée].

16      Premièrement, l’annexe 7 de la requête consiste en une capture d’écran du site Internet français de la requérante de laquelle il ressort qu’elle offre des solutions pour la gestion de toutes les expériences en magasin en ce qui concerne le visuel, le son, l’olfactif, le social et les systèmes. Or, il n’y a aucune indication dans le dossier selon laquelle la requérante n’aurait pas pu produire ce document lors de la procédure devant l’EUIPO pour établir quels étaient les produits et les services auxquels elle se référait, de sorte qu’il doit être déclaré irrecevable conformément à la jurisprudence citée au point 15 ci-dessus.

17      Deuxièmement, les annexes 8.1 à 8.6 de la requête consistent en des recherches de la définition du terme « mood » dans les dictionnaires en ligne de langues française, allemande, portugaise, grecque, espagnole et roumaine afin d’établir que le terme « mood » n’a pas de signification dans de nombreux pays de l’Union. Certes, une partie requérante est en droit de présenter devant le Tribunal des documents afin soit d’étayer, soit de contester devant ce dernier l’exactitude d’un fait notoire [voir arrêt du 19 juin 2018, Erwin Müller/EUIPO – Novus Tablet Technology Finland (NOVUS), T‑89/17, non publié, EU:T:2018:353, point 16 et jurisprudence citée]. Toutefois, la présentation de ces documents doit viser à établir l’existence d’un fait notoire et ne doit pas servir à contester, au moyen de nouveaux éléments de preuve portés devant le Tribunal, les appréciations effectuées par la chambre de recours. En l’espèce, la requérante, en présentant les annexes 8.1 à 8.6 de la requête, vise à contester l’appréciation effectuée par la chambre de recours du terme « mood ». Ces annexes doivent donc être déclarées irrecevables.

18      Troisièmement, s’agissant de la traduction des annexes 8.1 à 8.6 de la requête, dans la mesure où ces annexes ont été déclarées irrecevables au point 17 ci-dessus, l’absence de traduction de celles-ci est sans incidence.

19      Il ressort de ce qui précède qu’il y a lieu de déclarer irrecevables les annexes 7 et 8.1 à 8.6 de la requête.

B.      Sur le premier chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision attaquée

20      Par son premier chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’annuler la décision attaquée, en ce qu’elle a prononcé la déchéance de la marque contestée pour les produits et les services concernés.

21      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique fondé sur la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lequel est divisé en trois branches. Premièrement, la requérante considère que la chambre de recours n’a pas fait une analyse correcte du caractère distinctif des termes composant la marque contestée ainsi que de ladite marque elle-même. Deuxièmement, elle allègue que la chambre de recours a exclu à tort les preuves démontrant un usage de la marque contestée sous des formes légèrement modifiées. Troisièmement, la requérante soutient que la chambre de recours a erronément considéré que les preuves d’usage de la marque contestée rapportées faisaient principalement état d’un usage à titre de nom commercial ou de nom de domaine et qu’elle aurait dû prendre en considération l’ensemble des preuves d’usage soumises dont celles relatives à un usage à titre de nom commercial ou de nom de domaine.

22      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte du considérant 10 du règlement no 207/2009 (devenu considérant 24 du règlement 2017/1001) que le législateur a considéré que la protection d’une marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où cette marque était effectivement utilisée. À cet égard, l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 dispose que le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de juste motif pour son non-usage. Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité de l’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque [voir arrêt du 18 novembre 2015, Menelaus/OHMI – Garcia Mahiques (VIGOR), T‑361/13, EU:T:2015:859, point 85 et jurisprudence citée].

23      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 18 novembre 2015, VIGOR, T‑361/13, EU:T:2015:859, point 86 et jurisprudence citée).

24      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé, au point 63 de la décision attaquée, que les éléments de preuve versés au dossier ne démontraient pas l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits et les services concernés. À cet effet, il y a donc lieu d’analyser, tout d’abord, le caractère distinctif de la marque contestée, pour, ensuite, apprécier les variations qu’elle a subies afin de, enfin, déterminer si la chambre de recours a pris en considération, lors de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée, l’ensemble des éléments de preuve pertinents.

1.      Sur la première branche du moyen, relative au caractère distinctif de la marque contestée

25      À titre liminaire, la requérante conteste la définition du public pertinent donnée par la chambre de recours et considère que le public pertinent est le grand public et non un public de professionnels.

26      Toutefois, au regard des produits et des services proposés par la requérante, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le public pertinent était composé du grand public, mais également de professionnels, comme peuvent en témoigner les factures fournies par la requérante lors de la procédure devant l’EUIPO, qui pour certaines relèvent du domaine de la musique. La requérante elle-même admet que ses produits et ses services sont adressés à des entreprises cherchant à améliorer leur image de marque ou à se développer.

27      Ensuite, tout en ne contestant pas la constatation de la chambre de recours selon laquelle le terme « media » était descriptif des produits et des services concernés, la requérante remet en cause l’analyse du caractère distinctif du terme « mood » effectuée par la chambre de recours. En effet, elle estime qu’il n’est pas aisé de trouver un lien, sans procéder à un cheminement mental difficile de déductions approximatives, entre une humeur et les produits et les services concernés. Le terme « mood » ne décrirait donc en rien ces produits et ces services et serait distinctif, contrairement à ce qu’a affirmé la chambre de recours. De plus, la requérante allègue que le terme « mood » n’a pas de signification dans de nombreux pays de l’Union et ne fait pas partie du vocabulaire basique anglais.

28      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

29      Il y a lieu de rappeler que le caractère distinctif d’une marque signifie que cette marque est apte à identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée). Ce caractère doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 34 et jurisprudence citée).

30      Il convient d’observer, en ce qui concerne la compréhension du terme « mood » par le public pertinent, qu’il ressort de la jurisprudence qu’une grande partie des consommateurs dans l’Union connaît le vocabulaire de base de l’anglais [voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2009, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Redrock Construction (REDROCK), T‑146/08, non publié, EU:T:2009:398, point 53].

31      En l’espèce, les produits et les services concernés relèvent tous du domaine du multimédia et notamment de la diffusion de sons et d’images. L’activité comprend notamment la création de musiques de fond et de solutions en lien avec l’expérience, basée sur l’humeur des consommateurs en magasin.

32      Comme l’a à juste titre relevé la chambre de recours, il serait peu probable, bien que n’ayant pas de signification dans de nombreux pays de l’Union, comme cela est avancé par la requérante, que le terme « mood », signifiant « humeur » en anglais, ne soit pas compris par une grande partie du public pertinent de l’Union composé des personnes anglophones ou de celles qui maîtrisent le vocabulaire élémentaire de cette langue, et ce d’autant plus que ce public est notamment constitué en partie par des professionnels de la musique.

33      Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait écarté volontairement une partie des produits et des services visés par la marque contestée dans son analyse de la distinctivité du terme « mood » en focalisant son examen sur les produits et les services ayant un lien avec la musique et les images, celui-ci résulte d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, bien que, comme cela est avancé par l’intervenante, l’activité principale de la requérante consiste en la création de musiques de fond et de solutions en lien avec l’expérience des consommateurs en magasin, la chambre de recours a, à juste titre, relevé que le mot en cause décrivait notamment des caractéristiques des services de musique et de divertissement ainsi que des services de marketing et de publicité, soit parce que les produits et les services concernés évoquaient directement des activités ou des produits en lien avec la musique et l’expérience des consommateurs, soit parce qu’ils évoquaient directement l’activité de la société elle-même, notamment les services de publicité et la création de solutions d’expériences sensorielles pour les clients, ce qui couvrait les produits et les services concernés.

34      De plus, la requérante soutient qu’aucun lien ne peut être trouvé de façon évidente, sans avoir à procéder à un cheminement mental difficile de déductions approximatives, entre une « humeur » et les produits et les services concernés. Or, force est de constater que l’une des principales activités de la requérante est justement d’influencer les humeurs des consommateurs en ayant recours à des services de divertissement ou de publicité. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a affirmé que les produits et les services concernés pouvaient être liés au terme « mood », sans avoir à effectuer un cheminement compliqué, comme cela est avancé par la requérante.

35      Enfin, la requérante allègue que la chambre de recours aurait dû prendre en considération les positions retenues par la division d’annulation dans la même affaire et également dans l’affaire relative à la marque MOOD : MIX (fig) / Stereo mood tuning my emotions (fig.) (No. 27 843 C, du 28 avril 2020). Au regard de la première décision, comme cela est avancé par l’intervenante, il apparaît évident que la chambre de recours, qui a annulé cette décision, a une position qui diffère complètement de la position retenue par la division d’annulation dans la décision sur la même affaire. L’argument de la requérante doit donc être rejeté. Concernant la deuxième décision, il a été établi qu’une partie requérante ne saurait utilement se prévaloir de la pratique antérieure de l’EUIPO pour contester la légalité de la décision qui est attaquée, y compris s’agissant de décisions concernant des marques antérieures dont la partie requérante serait elle-même titulaire, la légalité des décisions des chambres de recours s’appréciant uniquement sur le fondement du règlement no 207/2009 ou du règlement 2017/1001 [arrêt du 27 novembre 2018, H2O Plus/EUIPO (H 2 O+), T‑824/17, non publié, EU:T:2018:843, point 35]. L’EUIPO n’est lié ni par les enregistrements nationaux, ni par ses décisions antérieures. Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

36      La chambre de recours a donc, à juste titre, affirmé qu’il était possible, pour une partie du public pertinent de comprendre la signification du terme « mood » et, ainsi, de faire le lien entre les produits et les services concernés et la marque contestée qui possédait donc un caractère distinctif tout au plus faible. Ainsi, la chambre de recours a à juste titre retenu le caractère distinctif tout au plus faible de la marque contestée en raison du caractère descriptif du terme « media » et du caractère distinctif tout au plus faible du terme « mood ».

37      La première branche du moyen doit donc être rejetée.

2.      Sur la deuxième branche du moyen, concernant les variations de la marque contestée

38      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir estimé qu’aucune des variations de la marque contestée ne pouvait être considérée comme acceptable, de sorte que l’usage de ces variations ne constituait pas un usage équivalent à celui de la marque telle qu’elle avait été enregistrée.

a)      Observations liminaires

39      Il ressort des termes de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 que l’usage de la marque sous une forme qui diffère de la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée est considéré comme un usage au sens de l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 207/2009 pour autant que le caractère distinctif de la marque sous la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée ne soit pas altéré [voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 21 ; du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 30, et du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 25].

40      L’objet de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en altérer le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque la forme du signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, 6Minutes Media/EUIPO – ad pepper media International (ADPepper), T‑668/18, non publié, EU:T:2019:719, point 34 et jurisprudence citée].

41      De plus, il convient, aux fins d’un tel constat, de tenir compte également des qualités intrinsèques et, en particulier, du degré plus ou moins élevé de caractère distinctif de la marque antérieure. En effet, plus le caractère distinctif de celle-ci est faible, plus il sera aisément altéré par l’adjonction d’un élément lui-même distinctif, et plus la marque en question perdra son aptitude à être perçue comme une indication de l’origine du produit qu’elle désigne. La considération inverse s’impose également [voir, en ce sens, arrêts du 24 septembre 2015, Klement/OHMI – Bullerjan (Forme d’un fourneau), T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 33, et du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 29].

42      Il apparaît dans l’ensemble des pièces fournies par la requérante lors de la procédure devant l’EUIPO qu’il existe trois types de variations du signe en cause.

b)      Sur le signe figuratif MOOD:MEDIA 

43      La chambre de recours a relevé qu’une partie des éléments de preuve montrait que des variations existaient parmi lesquelles, le signe figuratif reproduit ci-après :

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44      À l’égard de ce signe figuratif, l’EUIPO et l’intervenante, à l’instar de la décision attaquée, affirment que les deux points de ponctuation, d’autant plus qu’ils sont insérés dans un signe ayant un caractère distinctif faible, sont susceptibles d’avoir une incidence sur le caractère distinctif de la marque en ce que ces deux points ne passent pas inaperçus aux yeux des consommateurs en raison de leur taille, de leur position centrale et de leur couleur rouge et en ce qu’ils permettent d’introduire un élément qui illustre ou amplifie les informations qui les précèdent, c’est-à-dire le mot « mood ».

45      En effet, la chambre de recours a considéré que l’ajout des deux points de ponctuation consistait en une modification altérant le caractère distinctif de la marque contestée, car, compte tenu du caractère faiblement distinctif des éléments composants le signe, l’ajout des deux points de ponctuation avait une incidence sur l’aspect visuel du signe, mais également sur son contenu sémantique.

46      La requérante conteste les appréciations de la chambre de recours et soutient que l’ajout des deux points de ponctuation est une modification mineure du signe n’altérant en rien le caractère distinctif de la marque contestée, car la signification intellectuelle et la perception visuelle resteraient très voisines, voire identiques à celles du signe tel qu’enregistré.

47      Le signe figuratif mentionné au point 43 ci-dessus est présent sur un cahier des tendances publié par la requérante (pièce no 20 du dossier de procédure devant l’EUIPO), des prospectus (pièce no 20 bis), des photographies de stands de salons et congrès (pièces nos 37, 51 et 52) et un guide de la ville de Paris (France) (pièce no 53).

48      À cet égard, l’intervenante fait référence à l’arrêt du 23 septembre 2009, Arcandor/OHMI – dm drogerie markt (S-HE) (T‑391/06, non publié, EU:T:2009:348), dans lequel le Tribunal a considéré qu’un trait d’union revêtait une certaine importance. Néanmoins, elle rappelle également que, dans ce même arrêt, le Tribunal a affirmé que le caractère distinctif des signes de ponctuation devait être évalué au cas par cas. Alors que l’EUIPO et l’intervenante estiment que les deux points de ponctuation de couleur rouge peuvent avoir une incidence sur le caractère distinctif de la marque contestée au motif qu’ils ne passent pas inaperçus et amplifient le terme « mood » les précédant, il y a lieu de considérer qu’ils sont un élément figuratif d’une calligraphie non particulière et non dominante par rapport aux éléments qu’ils séparent. De plus, et contrairement aux circonstances ayant donné lieu à l’arrêt cité ci-dessus, l’utilisation des deux points de ponctuation entre les termes « mood » et « media » n’altérera pas l’impression visuelle ou la prononciation des termes, car il s’agit de deux mots initialement séparés. Partant, le signe figuratif mentionné au point 43 ci-dessus ne revêt pas de différences de nature à altérer le caractère distinctif de la marque contestée, au sens de la jurisprudence rappelée au point 40 ci-dessus.

49      Ainsi, les éléments de preuve dans lesquels est représenté le signe figuratif mentionné au point 43 ci-dessus auraient dû être examinés par la chambre de recours lors de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée.

c)      Sur le signe figuratif composé de deux lettres majuscules « M » situées au-dessus du signe verbal MOOD MEDIA

50      La chambre de recours a relevé qu’une autre variation de la marque contestée existait dans une partie des éléments de preuve. Il s’agit du signe figuratif reproduit ci-après :

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51      Concernant ce signe figuratif, la chambre de recours a considéré que ce signe était fantaisiste et distinctif, mais qu’il ne saurait servir à établir l’usage du signe tel qu’il avait été enregistré. L’EUIPO, dans son mémoire en réponse, fait valoir que l’élément figuratif composé des lettres majuscules « M » est dominant par sa taille, sa position et sa couleur et que, ainsi, il ne pourrait pas être affirmé qu’il est purement décoratif. L’intervenante soutient que, selon une jurisprudence constante, une partie graphique peut prévaloir sur la partie verbale si elle possède un caractère distinctif, ce qui est le cas en l’espèce.

52      Le signe mentionné au point 50 ci-dessus est présent sur des notices d’utilisation (pièces nos 1 et 3), une capture d’écran de la plateforme YouTube (pièce no 2), un lecteur de musique (pièce no 4), un amplificateur (pièce no 7), une enceinte (pièce n° 14), le site Internet de la requérante (pièce no 13), des offres ou des devis de la requérante à ses clients (pièces nos 18, 25, 26, 49, 50, 56 et 59), un contrat conclu entre la requérante et un client (pièce no 58) et un site Internet (pièce no 39).

53      Comme cela est relevé par la requérante, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une marque consiste à la fois en des éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence aux produits et aux services en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [voir arrêt du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, EU:T:2008:319, point 30 et jurisprudence citée].

54      En l’espèce, les deux lettres majuscules « M » stylisées sont d’une police plus grande et situées au-dessus de l’expression « mood media ». Bien qu’il s’agisse d’une représentation graphique ni négligeable ni banale, les deux lettres majuscules « M » sont en l’espèce difficilement lisibles à première vue et il est difficile de les distinguer, alors que l’expression « mood media » située en dessous est facilement lisible. Ainsi, bien que dominantes par leur taille ou leur couleur les deux lettres majuscules « M » stylisées n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque contestée, car le public pertinent se référera en principe à l’élément « mood media » plutôt qu’au sigle « MM », élément figuratif peu lisible en l’espèce qui n’altère donc pas le caractère distinctif de la marque contestée.

55      De plus, au regard de l’argument de l’intervenante, l’ajout de l’élément figuratif n’altère pas le caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée. En effet, bien que la jurisprudence ait admis qu’il était possible qu’un élément figuratif prévale sur l’élément verbal, dans les circonstances de l’espèce, cet élément figuratif ne peut pas influer de façon considérable sur l’impression globale produite par le signe dans l’esprit du public pertinent, car l’élément figuratif n’est pas aisément et immédiatement identifiable [voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2011, La Sonrisa de Carmen et Bloom Clothes/OHMI – Heldmann (BLOOMCLOTHES), T‑118/09, non publié, EU:T:2011:563, point 32].

56      Ainsi, la chambre de recours aurait dû conclure que l’usage du signe mentionné au point 50 ci-dessus valait usage de la marque contestée et, donc, que les éléments de preuves comportant ce signe devaient être pris en compte lors de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée.

d)      Sur le signe figuratif MOOD :

57      La chambre de recours a relevé également l’existence d’autres variations de la marque contestée tels que les signes figuratifs reproduits ci-après :

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58      S’agissant de ces variations, la requérante conteste les appréciations de la chambre de recours selon laquelle l’omission du terme « media » change le caractère distinctif de la marque contestée et allègue que, selon la jurisprudence, lorsque l’élément omis occupe une position secondaire ou est peu distinctif, son omission n’altère pas le caractère distinctif de la marque contestée.  En effet, le terme « mood » aurait un caractère distinctif plus élevé que tout au plus faiblement distinctif comme cela a été décidé par la chambre de recours et pourrait être perçu par le public pertinent comme le diminutif usuel de la marque contestée.

59      Les signes mentionnés au point 57 ci-dessus sont présents sur des CD (pièces nos 4 et 15), une notice d’utilisation (pièce no 5), un lecteur de musique (pièce no 6), des appareils électroniques (pièces nos 9, 10 et 11), des colis de livraison (pièce no 8), des factures (pièces nos 17, 34, 48 et 69), des contrats conclus par la requérante avec des clients (pièces nos 21, 33, 54, 55 et 63), des pages de sites Internet montrant les applications vendues par la requérante (pièces nos 19 et 35), un cahier des tendances publié par la requérante (pièce no 20), le règlement d’un jeu organisé par la requérante (pièce no 43), un guide de la ville de Paris écrit par la requérante (pièce no 53).

60      En ce qui concerne les pièces nos 4, 20 et 53, il suffit de relever qu’il ressort des points 49 et 56 ci-dessus que le Tribunal a jugé qu’elles auraient dû être prises en considération par la chambre de recours, en raison de la présence d’un signe ayant subi une variation n’affectant pas le caractère distinctif de la marque contestée, lors de son appréciation du caractère sérieux de l’usage.

61      Comme cela est avancé par l’EUIPO, le caractère distinctif de la marque contestée réside dans la combinaison des termes « mood » et « media », combinaison ayant un caractère distinctif faible. En outre, le terme « mood » ayant un caractère distinctif tout au plus faible, l’omission du terme « media », qui représente la moitié du signe, renforce la faiblesse du caractère distinctif de cette variation, bien que le terme « mood » puisse être considéré comme un diminutif, comme cela est avancé par la requérante.

62      Au regard de la jurisprudence rappelée au point 39 ci-dessus, la chambre de recours a donc, à juste titre, décidé que l’omission du terme « media » altérait effectivement le caractère distinctif de la marque contestée en raison de son faible caractère distinctif et que, ainsi, les preuves de l’usage, mentionnées au point 59 ci-dessus, ne devaient pas être prises en considération lors de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée. Toutefois, en ce qui concerne la pièce n° 19, il ressort du point 85 ci-dessous que la chambre de recours aurait dû la prendre en considération lors de l’analyse de l’usage sérieux de la marque contestée parce que le signe constituant la dénomination sociale était utilisé de telle façon qu’il s’établissait un lien entre ce signe et les produits commercialisés ou les services fournis. De plus, en ce qui concerne les pièces nos 5, 8, 9, 11 et 15, il ressort du point 91 ci-dessous que la chambre de recours aurait dû les prendre en considération lors de l’analyse de l’usage sérieux de la marque contestée car il s’agit d’une utilisation de la marque en tant que nom de domaine.

3.      Sur la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits et les services concernés

a)      Observations liminaires

63      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de la règle 22, paragraphes 3 et 4 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303 p. 1), la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 76, paragraphe 1, point f), du règlement n° 40/94 [devenu article 78, paragraphe 1, point f), du règlement n° 207/2009].

64      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque de l’Union européenne consiste à limiter les conflits entre deux marques, pour autant qu’il n’existe pas de juste motif économique découlant d’une fonction effective de la marque sur le marché. En revanche, ladite disposition ne vise ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [arrêt du 13 avril 2011, Alder Capital/OHMI – Gimv Nederland (ALDER CAPITAL), T‑209/09, non publié, EU:T:2011:169, point 47].

65      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque [voir arrêt du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 54 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43]. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (voir, par analogie, arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 39).

66      C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, dans la décision attaquée, que les documents produits par la requérante dans le cadre de la procédure de déchéance ne démontraient pas, s’agissant des produits et des services concernés, un usage sérieux de la marque contestée propre à assurer le maintien des droits durant la période pertinente, à savoir du 7 juin 2012 au 6 juin 2017.

b)      Sur la durée et le lieu de l’usage de la marque contestée

67      L’intervenante fait valoir que la plupart des éléments de preuve de l’usage auraient dû être ignorés par la chambre de recours, car ils ne relevaient pas de la période pertinente.

68      Il y a lieu de rappeler que la jurisprudence a admis que des éléments de preuve non datés pouvaient être pris en compte, dans le cadre de l’appréciation globale des documents, en combinaison avec d’autres éléments de preuve datés de la période pertinente [arrêt du 17 février 2011, J & F Participações/OHMI – Plusfood Wrexham (Friboi), T‑324/09, non publié, EU:T:2011:47, point 33].

69      Par exemple, il n’y a pas de date sur la pièce no 1 représentant une notice d’utilisation d’un lecteur de musique vendu par la requérante. Néanmoins, et contrairement à ce qu’affirme l’intervenante, cet élément de preuve, pris avec l’ensemble des autres éléments fournis, peut être pris en considération dans l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée. En effet, il sert à démontrer que la requérante commercialise, sous le signe mentionné au point 50 ci-dessus, les produits relevant de la classe 9, pour lesquels la marque a été enregistrée.

70      Au regard des éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée ne relevant pas de la période pertinente, il ressort de la jurisprudence que la prise en considération de tels éléments de preuve portant sur un usage fait avant ou après la période pertinente est possible, en ce qu’ils permettent de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque antérieure ainsi que les intentions réelles du titulaire au cours de cette période. Cependant, de tels éléments de preuve ne peuvent être pris en considération que si d’autres éléments de preuve portant, eux, sur la période pertinente ont été produits [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Grupo Textil Brownie/EUIPO – The Guide Association (BROWNIE), T‑598/18, EU:T:2020:22, point 41]. Par conséquent, l’argument de l’intervenante doit être rejeté au motif qu’il s’agissait de documents justificatifs supplémentaires de l’usage de la marque antérieure au cours de la période pertinente. En effet, ces éléments sont proches temporellement de la période pertinente et servent à fournir la preuve de la continuité de l’usage dans le temps. Par exemple, la pièce no 56 du dossier de procédure devant l’EUIPO est une facture liée à un contrat datant du 1er juillet 2010, mais conclu pour une durée de cinq ans, ce qui contribue à prouver une certaine continuité de l’usage de la marque contestée dans le temps.

71      Concernant le lieu de l’usage, la chambre de recours n’a pas remis en cause la conclusion de la division d’annulation selon laquelle les documents produits concernaient différents pays de l’Union tels que le Danemark, l’Allemagne, l’Espagne et la France. En l’espèce, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause cette conclusion, cette appréciation n’étant, au demeurant, pas contestée par les parties. Néanmoins, il reviendra à la chambre de recours de prendre en considération les critères concernant le lieu et la durée dans le cadre d’une éventuelle annulation de la décision attaquée suivie d’un renvoi devant elle.

c)      Sur la nature de l’usage

72      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir effectué une analyse erronée des preuves de l’usage et donc de les avoir écartées de son appréciation alors que, conformément à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, elle avait l’obligation de prendre en considération l’ensemble des preuves soumises incluant celles relatives à la fois à un usage à titre de marque et à un usage à titre de nom commercial ou de nom de domaine.

73      L’EUIPO et l’intervenante considèrent que, dans un grand nombre d’éléments de preuve, l’expression « mood media » est utilisée en tant que dénomination sociale et que cet usage se limite à identifier une société, ce qui ne saurait être considéré comme un usage « pour des produits ou des services », ou en tant que partie d’un nom de domaine, sans que la requérante ait réussi à prouver qu’il existait un lien entre la page du site Internet à laquelle menait le nom de domaine et les produits et les services concernés.

1)      Sur l’usage à titre de nom commercial

74      La chambre de recours a considéré que le signe MOOD MEDIA était utilisé dans un grand nombre des documents produits par la requérante comme dénomination sociale.

75      En principe, une dénomination sociale n’a pas, en soi, pour finalité de distinguer des produits ou des services. En effet, une dénomination sociale a pour objet d’identifier une société. Dès lors, lorsque l’usage d’une dénomination sociale se limite à identifier une société, il ne saurait être considéré comme étant fait « pour des produits ou des services » (voir arrêt du 13 avril 2011, ALDER CAPITAL, T‑209/09, non publié, EU:T:2011:169, point 45 et jurisprudence citée).

76      Cependant, la jurisprudence a également admis qu’il y avait usage « pour des produits ou des services » lorsque le signe constituant la dénomination sociale était utilisé de telle façon qu’il s’établissait un lien entre ce signe et les produits commercialisés ou les services fournis (arrêt du 11 septembre 2007, Céline, C‑17/06, EU:C:2007:497, point 23). Dans la mesure où cette condition est remplie, le fait qu’un élément verbal soit utilisé en tant que nom commercial de l’entreprise n’exclut donc pas qu’il puisse être utilisé en tant que marque pour désigner des produits ou des services [voir arrêt du 30 novembre 2009, Esber/OHMI – Coloris Global Coloring Concept (COLORIS), T‑353/07, non publié, EU:T:2009:475, point 38 et jurisprudence citée].

77      En ce qui concerne les pièces nos 1, 3, 18, 25, 26, 58 et 59, il suffit de relever qu’il ressort du point 56 ci-dessus que le Tribunal a jugé qu’elles auraient dû être prises en considération par la chambre de recours, en raison de la présence d’un signe ayant subi une variation n’affectant pas le caractère distinctif de la marque contestée, lors de son appréciation du caractère sérieux de l’usage.

78      S’agissant des autres pièces, premièrement, il ressort des pièces nos 6, 9, 10, 21 et 60 que l’expression « mood media » suivie du type de société, comme « GmbH » ou « SA », est apposée, en tant qu’en-tête ou en tant que signature, sur les documents et, pour les pièces nos 6, 9, 10 et 21, de manière simultanée avec le signe mentionné au point 57 ci-dessus. Dès lors, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la question de savoir si l’apposition du type de société fait obstacle à l’usage à titre de marque, il suffit de constater que, quoi qu’il en soit, la configuration visuelle des documents soumis ne met pas en valeur la marque contestée. En effet, elle apparaît sous ou à côté du signe mentionné au point 57 ci-dessus, en caractères de petite taille et suivie de l’adresse de la société. Une telle configuration confirme que l’utilisation qui est faite du signe MOOD MEDIA n’est pas conforme à une utilisation en tant que marque, mais correspond à une utilisation en tant que nom commercial.

79      La requérante reproche par ailleurs à la chambre de recours d’avoir écarté les pièces nos 10 et 60 alors même que l’expression « mood media » était associée au symbole « ® » et qu’il s’agit d’une preuve évidente d’un usage à titre de marque, car cela créé un lien entre la marque contestée et les produits et les services en cause.

80      Il y a lieu de rejeter cet argument. En effet, la présence du symbole « ® » n’est pas de nature à remettre en cause l’usage à titre de nom commercial du signe MOOD MEDIA dès lors que le signe en tant que tel est utilisé en tant que dénomination sociale et qu’il a pour effet, aux yeux du consommateur final, d’identifier l’entreprise de la requérante [voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2017, M. I. Industries/EUIPO – Natural Instinct (Natural Instinct Dog and Cat food as nature intended), T‑30/16, non publié, EU:T:2017:77, points 65 à 67].

81      Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a décidé d’écarter ces pièces de son analyse de l’usage sérieux de la marque contestée.

82      Deuxièmement, s’agissant des éléments de preuve nos 16, 23, 24, 27, 28, 44 et 57, force est de constater que l’expression « mood media » est utilisée en tant qu’en-tête précédant l’adresse de la société ou en tant que signature. Pour les mêmes raisons que celles mentionnées au point 78 ci-dessus, la configuration visuelle confirme que l’utilisation qui est faite du signe MOOD MEDIA n’est pas conforme à une utilisation en tant que marque, mais correspond à une utilisation en tant que nom commercial. Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a rejeté ces éléments de preuve dans le cadre de l’appréciation du caractère sérieux de l’usage. Toutefois, en ce qui concerne les pièces nos  27 et 28, il ressort du point 91 ci-dessous que la chambre de recours aurait dû les prendre en considération lors de l’analyse de l’usage sérieux de la marque contestée car il s’agit d’une utilisation de la marque en tant que nom de domaine.

83      Troisièmement, en ce qui concerne l’utilisation de l’expression « mood media » dans les articles de presse des pièces nos 29 à 32, 36, 41 et 42, l’EUIPO fait valoir que ces articles de presse font référence à d’autres marques, ce qui aiderait à démontrer que l’expression « mood media » est utilisée en tant que nom commercial. Or, la référence à d’autres marques dans ces articles de presse ne fait pas obstacle à l’utilisation en tant que marque de la marque contestée, laquelle n’occupe une place ni accessoire ni négligeable dans lesdits articles (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, ADPepper, T‑668/18, non publié, EU:T:2019:719, point 104). De plus, il est par exemple fait état, dans ces articles de presse, des programmes audio ayant pour but d’influencer l’atmosphère d’un magasin et de divertir les clients, vendus sous la marque contestée (pièce no 30), d’un service de streaming musical dédié aux commerçants (pièce no 36), d’une ambiance sonore sur mesure pour des magasins de prêt-à-porter (pièces nos 31 et 32) et de l’organisation d’un festival de musique pour jeunes talents (pièces nos 41 et 42). Notamment, les articles abordent la commercialisation des produits et des services concernés, par exemple au sein de chaînes de magasins de prêt-à-porter ayant fait appel à ces services (voir pièces nos 31 et 32). Ainsi, ces éléments démontrent bien un usage de la marque contestée, puisqu’il ressort de ceux-ci que les produits et les services sont commercialisés par la requérante sous la marque contestée. C’est donc à tort que la chambre de recours a décidé d’écarter ces preuves de son analyse de l’usage de la marque contestée.

84      Quatrièmement, l’expression « mood media » est également utilisée dans le cadre de contrats ou de factures établies par la requérante notamment dans les pièces nos 40, 46, 62, 64 à 66 et 68. Dans la pièce no 40, l’expression « mood media » est clairement utilisée comme le nom de la prestation vendue, il s’agit donc d’une utilisation en tant que marque. Ensuite, dans la pièce no 46, il est fait mention d’« une licence sur le logiciel MVISION créé et développé par MOOD MEDIA », de sorte qu’un lien est établi entre le signe MOOD MEDIA et le produit créé et développé par la requérante. En revanche, toutes les références faites, dans ces documents à la « société Mood Media » ne peuvent être constitutives d’un usage à titre de marque dans la mesure où elles renvoient directement à la société du même nom. La chambre de recours aurait donc dû accepter les éléments de preuve nos 40 et 46 dans lesquels l’expression « mood media » est utilisée en tant que marque et non, uniquement, en tant que dénomination sociale, mais a, à juste titre, écarté les pièces nos 62, 64 à 66 et 68.

85      Cinquièmement, la pièce no 19 aurait également dû être prise en compte lors de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée. En effet, la pièce no 19 montre des applications créées par la requérante qui sont commercialisées sur la plateforme Google Play où les utilisateurs peuvent les télécharger. Dans la mesure où les produits sont disponibles à l’achat directement sous la marque contestée, un lien est clairement établi entre les produits et les services et ladite marque.

86      Sixièmement, les pièces nos 22 et 38 sont des captures d’écran de la plateforme YouTube. La pièce no 22 montre des vidéos présentant les produits et les services vendus par la requérante et la pièce no 38 montre des vidéos de concerts organisés par « Mood Media » dans le cadre de services de divertissement. Il apparaît que ces vidéos ont été publiées par le compte « Mood Media Denmark », soit par le compte « Mood Media UK ». Ces documents démontrent bien un usage de la marque en tant que telle. En effet, les vidéos des pièces nos 22 et 38 ont un lien direct avec les produits et les services vendus sous la marque contestée, car elles présentent ces produits et ces services. Partant, la chambre de recours aurait dû prendre en considération les pièces nos 22 et 38 dans son analyse de l’usage sérieux de la marque.

2)      Sur l’usage à titre de nom de domaine

87      Les éléments de preuve comportant le signe utilisé en tant que nom de domaine proviennent de notices d’utilisation (pièces nos 1, 3 et 5), d’une photographie d’un colis expédié par la requérante (pièce no 8), de photographies d’appareils électroniques (pièces nos 9 et 11), d’une photographie d’un CD (pièce no 15), d’offres faites par la requérante à ses clients qui reprennent le site Internet « www.moodmedia.com » (pièces nos 25 et 26) et qui reprennent le site Internet « www.moodmedia.de » (pièces nos 27 et 28) et également de captures d’écran du site Internet « mymoodmix.moodmedia.fr » (pièce no 35).

88      À titre préliminaire, en ce qui concerne les pièces nos 1, 3, 25 et 26, il n’y a pas lieu de se prononcer encore une fois sur ces pièces à ce stade du raisonnement pour les raisons évoquées au point 77 ci-dessus.

89      Il ressort de la jurisprudence que la preuve de l’usage sérieux d’une marque peut être apportée à partir d’informations fournies par un site Internet ou par l’utilisation de la marque en tant que nom de domaine ou en tant qu’élément du nom de domaine si ce site Internet remplit une fonction commerciale ou publicitaire pour les produits visés par la marque en cause [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, bet365 Group/EUIPO – Hansen (BET 365), T‑304/16, EU:T:2017:912, point 42]. À cet égard, il convient de constater qu’il n’est pas impossible d’utiliser le même élément en tant que marque et dans le cadre d’une autre utilisation, par exemple pour tout ou partie d’un nom de site Internet, si le signe peut être perçu d’emblée par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services visés afin de lui permettre de distinguer sans confusion possible les produits ou les services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance commerciale [voir, par analogie, arrêts du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS), T‑130/01, EU:T:2002:301, point 20, et du 21 novembre 2012, Getty Images/OHMI (PHOTOS.COM), T‑338/11, non publié, EU:T:2012:614, point 58].

90      En l’espèce, au regard des pièces nos 5, 8, 9, 11, 15, 27 et 28, contrairement à ce qu’ont affirmé l’EUIPO et l’intervenante, les sites Internet auxquels fait référence la marque utilisée comme nom de domaine remplissent une fonction commerciale et publicitaire. En effet, ces sites Internet présentent les produits et les services concernés et le signe MOOD MEDIA séparé par deux points de ponctuation apparaît en au haut, à gauche, sur chaque page des sites Internet. De plus, il est possible, sur ces sites Internet, de contacter « Mood Media » afin d’obtenir plus d’informations et de se procurer les produits et les services concernés. Ainsi, ces sites Internet remplissent une fonction commerciale et publicitaire, car ils présentent tous les produits et les services concernés et offrent la possibilité de les obtenir.

91      Par conséquent, la chambre de recours aurait dû prendre en considération les pièces nos 5, 8, 9, 11, 15, 27 et 28 dans son analyse du caractère sérieux de l’usage de la marque contestée.

92      En ce qui concerne la pièce no 35, il est possible de s’abonner directement aux services de la requérante sur le site Internet « mymoodmix.moodmedia.fr », ce qui remplit donc une fonction commerciale. Toutefois, il y a lieu de relever que l’élément « mood mix » occupe une place importante sur les pages du site Internet représentées alors que le signe verbal MOOD MEDIA n’y figure pas. Il ressort de cette configuration que les produits et les services sont commercialisés sous l’élément « mood mix » et non sous la marque contestée. Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a écarté la pièce no 35 de son analyse du caractère sérieux de l’usage de la marque contestée [voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2012, Fruit of the Loom/OHMI – Blueshore Management (FRUIT), T‑514/10, non publié, EU:T:2012:316, points 65 et 66].

d)      Sur l’appréciation des preuves de l’usage sérieux de la marque contestée

93      La chambre de recours a considéré que les éléments de preuves étaient insuffisants pour établir l’usage sérieux de la marque contestée et que, même si certains documents pouvaient démontrer l’usage de la combinaison des termes « mood » et « media », ceux-ci étaient en nombre limité et ne mentionnaient pas tous les produits et les services.

94      Tout d’abord, la requérante soutient que la chambre de recours a instauré un critère de quantité qui n’est pas prévu à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 en considérant que les preuves d’usage soumises étaient de façon prédominante relatives à l’usage de la marque contestée sous une forme modifiée.

95      Cet argument doit être rejeté. En effet, et comme cela est relevé par l’intervenante, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que les variations du signe altéraient le caractère distinctif de la marque contestée dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée et c’est pour cette raison qu’elle a considéré que les éléments de preuve étaient insuffisants pour prouver l’usage de la marque contestée. Elle n’a donc pas interprété de manière extensive les dispositions du règlement no 207/2009 comme cela est affirmé par la requérante.

96      Ensuite, au regard de l’argument de l’intervenante selon lequel la requérante n’a pas contesté la conclusion relative à l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée, il doit être rejeté. En effet, en constatant que la chambre de recours n’avait pas pris en considération l’ensemble des preuves soumises pour attester de l’usage sérieux de la marque contestée à titre de marque, la requérante a également remis en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les éléments de preuve qu’elle avait apportés étaient insuffisants pour établir ledit usage sérieux.

97      Il ressort de tout ce qui précède que la chambre de recours a écarté, de manière erronée, un nombre important d’éléments de preuve qui auraient dû être pris en compte pour apprécier l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée. Ainsi, il n’est pas exclu que si la chambre de recours avait pris ces éléments en compte dans l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée, la conclusion aurait pu être différente. Il convient donc d’annuler la décision attaquée. Il reviendra à la chambre de recours, en prenant en compte ces éléments de preuve, de trancher la question de savoir s’ils sont suffisants pour prouver l’usage sérieux de la marque contestée ou non. Il reviendra également à la chambre de recours de vérifier, pour les pièces qui auraient dû être prises en compte et ne l’ont pas été, si les critères concernant le lieu et la durée sont remplis.

98      Le premier chef de conclusions de la requérante doit donc être accueilli et la décision de la chambre de recours annulée, en ce qu’elle a écarté des éléments de preuve qui auraient dû être pris en compte lors de l’analyse du caractère sérieux de l’usage de la marque contestée et a donc conclu que la requérante n’avait pas prouvé un usage sérieux de cette marque.

C.      Sur le deuxième chef de conclusions de la requérante, tendant au rejet de la demande en déchéance

99      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande en substance au Tribunal d’adopter la décision que l’EUIPO aurait dû prendre, à savoir une décision rejetant la demande en déchéance.

100    Il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par ladite chambre, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre [arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72 ; voir, également, arrêt du 28 janvier 2016, Gugler France/OHMI – Gugler (GUGLER), T‑674/13, non publié, EU:T:2016:44, point 100 et jurisprudence citée].

101    Au regard des circonstances de la présente affaire et du fait que la chambre de recours n’a pas analysé les éléments de preuve comportant les signes mentionnés aux points 43 et 50 ci-dessus et certains signes considérés comme utilisés en tant que nom commercial ou comme nom de domaine, il n’y a pas lieu d’accéder à la demande de la requérante dès lors que cela impliquerait, en substance, l’exercice de fonctions administratives et d’investigation propres à l’EUIPO et serait, de ce fait, contraire à l’équilibre institutionnel dont s’inspire le principe de répartition des compétences entre l’EUIPO et le Tribunal [voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 67 et jurisprudence citée].

102    Le deuxième chef de conclusions de la requérante doit donc être rejeté.

IV.    Sur les dépens

103    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

104    L’EUIPO ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

105    En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens. 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête : 

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 24 juillet 2020 (affaire R 1767/2019-1) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Mood Media Netherlands BV.

4)      Tailoradio Srl supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 mars 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.