Language of document : ECLI:EU:T:2014:275

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

23 mai 2014 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de services en matière d’infrastructure et d’applications informatiques au profit de la BCE – Rejet de la candidature – Recours en annulation – Acte attaquable – Recevabilité – Critères de sélection – Conformité d’une candidature avec les conditions prévues par l’appel à candidatures – Obligation de motivation – Défaut d’exercice du pouvoir de demander des précisions concernant une candidature – Erreurs manifestes d’appréciation – Détournement de pouvoir – Recours en indemnité »

Dans l’affaire T‑553/11,

European Dynamics Luxembourg SA, établie à Ettelbrück (Luxembourg), représentée par Mes N. Korogiannakis et M. Dermitzakis, avocats,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par MM. F. von Lindeiner et P. Pfeifhofer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande tendant à l’annulation de la décision de la BCE de rejeter la candidature d’un groupement temporaire d’entreprises, incluant la requérante, à une procédure d’appel d’offres négociée concernant des services informatiques, de la décision de l’autorité de surveillance des marchés publics de la BCE de rejeter le recours formé contre cette décision de rejet, ainsi que de toutes les décisions connexes de la BCE et, d’autre part, une demande de dommages-intérêts,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), faisant fonction de président, MM. A. Popescu et G. Berardis, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 juin 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par un avis de marché publié le 16 avril 2011 au supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2011/S 75), sous la référence 14159/IS/2010, la Banque centrale européenne (BCE) a lancé une procédure d’appel d’offres négociée pour la prestation de services en matière d’infrastructure et d’applications informatiques, conformément à l’article 13 de la décision BCE/2007/5 de la BCE, du 3 juillet 2007, fixant les règles de passation des marchés (JO L 184, p. 34), telle que modifiée. Le 7 mai 2011, un rectificatif à l’avis de marché a été publié au supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2011/S 89).

2        La procédure d’appel d’offres négociée est divisée en deux lots. Le lot n° 1 a pour objectif la sélection de cinq contractants au plus devant fournir à la BCE les services et effectuer les travaux suivants : « Applications et infrastructures informatiques (en totalité ou en partie) : conception, développement, exploitation, assistance et maintenance ».

3        L’appel à candidatures contient des informations sur le processus d’évaluation, les critères de sélection et la méthodologie à appliquer. Le point III.1 décrit le processus d’évaluation comme suit :

« La BCE prévoit d’inviter au plus 8 candidats pour le lot n° 1, et 5 candidats pour le lot n° 2, à présenter une offre, s’il y a un nombre suffisant de candidats remplissant les critères de sélection. La BCE invitera les candidats i) dont les candidatures satisfont aux exigences formelles énoncées dans le présent appel à candidatures ; ii) qui remplissent les critères d’éligibilité énoncés à la section 3 ; et iii) qui remplissent le mieux les critères de sélection énoncés à la section 4 ci-après.

La BCE peut demander aux candidats de compléter leur candidature ou de clarifier des points particuliers dans le cadre des limites établies à l’article 20 de la décision [2007/5]. »

4        S’agissant des critères de sélection, le point III.4.2 de l’appel à candidatures prévoit deux exigences minimales. Le point III.4.2, sous a), impose aux candidats d’avoir eu un chiffre d’affaires minimal au cours des trois exercices précédents. Le point III.4.2, sous b), énonce l’exigence suivante :

« Au moins trois marchés similaires, exécutés au cours des trois derniers exercices, et comparables en termes d’étendue, d’importance et de complexité aux marchés faisant l’objet de la procédure d’appel d’offres de la BCE, couvrant à la fois le cadre des applications et le domaine des infrastructures informatiques. »

5        Le point III.4.2 de l’appel à candidatures prévoit en outre que, « à titre de preuve, les candidats présentent les informations et documents énumérés à l’annexe 1 » de l’appel à candidatures.

6        L’annexe 1 de l’appel à candidatures contient un formulaire de candidature destiné aux candidats dont le point 6.2, intitulé « Expérience et références pertinentes », indique les informations devant être fournies aux fins de satisfaire à la condition minimale définie au point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures.

7        Les candidats ont reçu pour instruction d’insérer les informations requises dans un tableau récapitulatif et dans plusieurs tableaux détaillés, en se limitant à une page de format A4 pour chaque référence contractuelle.

8        Par courriels datés des 27 avril, 2 et 3 mai 2011, European Dynamics SA a posé à la BCE 33 questions relatives à la documentation de l’appel d’offres, auxquelles il a été répondu les 5 et 10 mai 2011. Une question portait sur le nombre de références contractuelles requis pour satisfaire aux critères de sélection du point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures.

9        Le 12 mai 2011, la requérante, European Dynamics Luxembourg SA, a, au nom et pour le compte d’un groupement temporaire d’entreprises la comprenant ainsi que European Dynamics, AlmavivA SpA et KPMG Advisory SpA (ci-après, prises ensemble, le « consortium »), présenté une candidature pour le lot n° 1, laquelle contenait, au titre de la preuve de l’expérience exigée par le point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures, la présentation de six références contractuelles.

10      Le comité d’attribution, qui a conduit la procédure d’appel d’offres négociée en cause, a nommé un comité d’évaluation, lequel a procédé à la vérification des conditions de forme et des critères d’éligibilité des quinze candidatures déposées, examen positif en ce qui concerne la candidature présentée par le consortium.

11      Lors de l’étape suivante, le comité d’évaluation a estimé que cinq candidatures satisfaisaient aux critères de sélection, et en particulier aux exigences minimales concernant les niveaux de capacité. Il a été considéré que la candidature du consortium ne satisfaisait pas aux exigences minimales du point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures.

12      Le 11 juillet 2011, le comité d’attribution a validé le rapport préparé par le comité d’évaluation et a invité les trois candidats qui répondaient le mieux aux critères de sélection à présenter une offre au cours de l’étape suivante de la procédure négociée.

13      Par lettre du 5 août 2011 (ci-après la « décision du 5 août 2011 »), la BCE a informé la requérante, en sa qualité de chef de file et de représentante du consortium, que la candidature de ce dernier avait été rejetée au motif que les informations communiquées ne démontraient pas le respect des exigences minimales prescrites par le point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures.

14      Par lettre du 11 août 2011, la requérante a demandé à la BCE la communication des motifs du rejet de sa candidature, d’un extrait du rapport d’évaluation justifiant du non-respect allégué des exigences de l’appel à candidatures, ainsi que de la copie de tous les documents relatifs à l’évaluation de sa candidature conformément à l’article 28 de la décision 2007/5, et du nom des candidats ou groupements temporaires (avec leur composition) retenus, ainsi que des caractéristiques essentielles et des avantages relatifs de leurs candidatures. La requérante sollicitait également un « gel » de la procédure jusqu’à l’obtention de toutes les informations communiquées.

15      Par lettre du 22 août 2011, la BCE a répondu à la requérante en précisant les raisons ayant justifié sa décision et en fournissant un extrait du rapport d’évaluation et la grille d’évaluation détaillée de la candidature du consortium. En outre, la BCE a indiqué que la demande visant à geler la procédure d’appel d’offres n’était pas recevable dans le cadre d’une demande d’informations fondée sur l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2007/5.

16      Le 31 août 2011, la requérante a introduit un recours en vertu de l’article 33 de la décision 2007/5 en demandant à la BCE, notamment, de réexaminer et d’annuler la décision du 5 août 2011.

17      Par télécopie en date du 29 septembre 2011 (ci-après la « décision du 29 septembre 2011 »), l’autorité de surveillance des marchés publics de la BCE a informé la requérante que son recours était rejeté comme étant irrecevable et non fondé.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 octobre 2011, la requérante a introduit le présent recours.

19      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

20      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 26 juin 2013.

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 5 août 2011 ;

–        annuler la décision du 29 septembre 2011 ;

–        annuler toutes les décisions connexes adoptées par la BCE ;

–        condamner la BCE, en vertu des articles 256 TFUE, 268 TFUE et 340 TFUE, à lui verser la somme de 2 millions d’euros à titre de dommages et intérêts pour la perte d’une chance et l’atteinte portée à sa réputation et à sa crédibilité ;

–        condamner la BCE aux dépens et autres frais exposés dans le cadre du présent recours.

22      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la requête pour irrecevabilité ou, à titre subsidiaire, pour défaut de fondement ;

–        condamner la requérante aux dépens de la présente instance.

 En droit

1.     Sur les demandes en annulation

 Sur la recevabilité

 Sur l’acte attaquable

–       Sur la recevabilité du recours en ce qu’il vise l’annulation de la décision du 29 septembre 2011

23      La BCE soutient que la décision du 29 septembre 2011 est purement confirmative de celle du 5 août 2011. Cette décision n’emporterait pas d’effets juridiques supplémentaires dans la mesure où le recours a été rejeté comme étant irrecevable. Partant, la demande d’annulation de la décision du 29 septembre 2011 serait irrecevable.

24      La requérante fait valoir que la décision de l’autorité de surveillance des marchés publics ne saurait être considérée comme étant un acte purement confirmatif dans la mesure où elle constitue le résultat de la procédure de révision prévue dans la décision 2007/5 et concerne le fond de l’affaire avec l’ajout de nouveaux éléments.

25      En premier lieu, il convient de constater que la décision du 29 septembre 2011 a été prise au terme de la procédure de recours interne prévue par l’article 33 de la décision 2007/5, disposition à laquelle renvoient le point IV.2. de l’appel à candidatures ainsi que le point VI.4) de l’avis de marché.

26      L’article 33 de la décision 2007/5, intitulé « Procédure de recours », dispose :

« 1. Lors des procédures d’appel d’offres public en vertu du chapitre II, les candidats/soumissionnaires peuvent contester par écrit la décision de la BCE de rejeter leur demande de participation ou leur offre dans les 15 jours à compter de la réception des informations précisées à l’article 28, paragraphe 3, ou, si aucune information n’est requise, dans les 15 jours de la réception de la notification. Le recours comprend toutes les informations complémentaires et objections motivées.

2. L’autorité de surveillance des marchés publics (Procurement Review Body, PRB) de la BCE traite le recours. Si le PRB considère que la décision de rejet de la demande de participation ou de l’offre du requérant porte atteinte à la présente décision ou aux principes généraux du droit des marchés publics, il ordonne que la procédure d’appel d’offres ou une partie de cette procédure soit reconduite ou bien il prend une décision définitive. À défaut, l’appel est rejeté. Le PRB notifie sa décision par écrit au requérant dans le mois suivant la réception du recours. La décision précise les raisons sur lesquelles le PRB s’est fondé.

3. Le recours n’a pas d’effet suspensif. S’il le juge opportun, le PRB peut suspendre la procédure de passation de marchés ou l’attribution du marché. »

27      L’article 34 de la décision 2007/5 énonce, sous le titre « Compétence » :

« La Cour de justice […] est seule compétente pour connaître des litiges survenant entre la BCE et le fournisseur dans le cadre de la présente décision ou d’une procédure de passation de marchés spécifique. Si une procédure de recours est possible en vertu de l’article 33, le requérant attend la décision de la BCE sur le recours avant de saisir la Cour de justice. Les délais fixés dans le traité commencent à courir à compter de la réception de la décision de recours. »

28      Il en résulte, d’une part, que, en vertu de l’article 33, paragraphe 2, de la décision 2007/5, l’autorité de surveillance des marchés publics de la BCE a pour mission de contrôler si la décision de rejet de la demande de participation ou de l’offre du requérant porte atteinte à la décision 2007/5 ou aux principes généraux du droit des marchés publics, auquel cas elle a la possibilité d’ordonner que la procédure d’appel d’offres ou une partie de cette procédure soit reconduite, ou de prendre une décision définitive. À défaut, elle rejette l’appel. Elle est tenue de motiver sa décision.

29      D’autre part, l’article 34 de la décision 2007/5 indique que, si « une procédure de recours est possible en vertu de l’article 33, le requérant attend la décision de la BCE sur le recours avant de saisir la Cour de justice », cette disposition étant complétée par la précision que les délais du recours contentieux ne commencent à courir qu’à compter de la réception de la décision adoptée par l’autorité de surveillance des marchés publics de la BCE.

30      En instaurant un tel mécanisme d’autosurveillance et de règlement des différends préalable à un recours juridictionnel, les articles 33 et 34 de la décision 2007/5 visent à donner une garantie supplémentaire aux candidats et soumissionnaires ainsi qu’à préparer ou à éviter un contentieux devant les juridictions de l’Union européenne.

31      De plus, en prévoyant des délais précis et brefs pour l’introduction du recours interne comme pour la notification de la décision de l’autorité de surveillance des marchés publics, ainsi que la possibilité de suspendre la procédure de passation de marchés ou l’attribution du marché en vertu de son article 33, paragraphe 3, la décision 2007/5 poursuit également, dans un souci de bonne administration, l’objectif de permettre la correction d’éventuelles irrégularités en temps utile.

32      En outre, il convient de souligner qu’il découle de l’article 33 de la décision 2007/5 que la procédure prévue par cette disposition n’est pas un simple mécanisme de conciliation destiné à aboutir à une solution extrajudiciaire à l’amiable, mais présente le caractère d’un véritable recours destiné à faire contrôler la régularité de la décision de rejet de la candidature ou de l’offre du requérant par un organe distinct de celui qui a pris cette décision initiale de rejet et donnant lieu à une décision susceptible de faire l’objet d’un recours juridictionnel.

33      En l’espèce, après avoir saisi l’autorité de surveillance des marchés publics de la BCE d’un recours interne contre la décision du 5 août 2011, lequel a été rejeté par la décision du 29 septembre 2011, la requérante a introduit un recours devant le Tribunal visant, notamment, l’annulation de la décision du 5 août 2011 ainsi que celle de la décision du 29 septembre 2011.

34      Le déroulement de la procédure ainsi que les énoncés des décisions des 5 août et 29 septembre 2011 s’avèrent conformes à la procédure de recours interne telle qu’elle vient d’être décrite.

35      Ainsi, la décision du 5 août 2011 renvoie, pour des informations sur les possibilités de recours, au point IV de l’appel à candidatures qui, comme indiqué au point 25 ci-dessus, opère à son tour un renvoi à la procédure de recours interne prévue par la décision 2007/5, qui dispose que le requérant attend la décision de l’autorité de surveillance des marchés publics de la BCE avant d’introduire un recours devant le Tribunal.

36      S’agissant de la décision du 29 septembre 2011, elle s’achève avec la mention « [c]ette décision est susceptible d’être attaquée devant la Cour de justice de l’Union européenne », assortie, notamment, d’un renvoi à l’article 263 TFUE. Contrairement à ce qui a été soutenu, à l’audience, par la BCE, qui a relevé une certaine ambiguïté dans la formulation des trois dernières phrases de la décision du 29 septembre 2011, ladite mention ne saurait être comprise comme un renvoi à la décision du 5 août 2011 qui serait seule susceptible de faire l’objet d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne.

37      À la fin de la décision du 29 septembre 2011, l’autorité de surveillance des marchés publics énonce sa décision, à savoir qu’« [elle] est d’avis que le [comité d’attribution] a correctement évalué [la] candidature [du consortium] et pris une décision légale », puis continue en exprimant son souhait que « cette décision n’empêchera pas [la requérante] de participer à des appels d’offres organisés par la BCE dans le futur ». La décision visée par cette phrase ne peut qu’être la décision énoncée par la phrase précédente, soit la décision de l’autorité de surveillance des marchés publics de considérer que le comité d’attribution a pris une décision légale. Ensuite, la dernière phrase de la décision du 29 septembre 2011 indique que « [c]ette décision peut être contestée devant la Cour de justice de l’Union européenne […] ». Au vu de ce qui précède, la décision à laquelle se réfère cette indication ne peut qu’être la décision visée par la phrase précédente, donc la décision de l’autorité de surveillance des marchés publics de considérer légale la décision du 5 août 2011. Cette lecture découle non seulement de l’énoncé même de la décision du 29 septembre 2011, mais est également la seule conforme à la procédure de recours interne instaurée par les articles 33 et 34 de la décision 2007/5 telle que décrite ci-dessus et comprise par la requérante.

38      Eu égard à tout ce qui précède, la recevabilité du présent recours en ce qui concerne la demande d’annulation de la décision du 29 septembre 2011 ne saurait dépendre de la question de savoir si cette décision revêt ou non un caractère confirmatif de la décision initiale de rejet de la candidature du consortium.

39      Il convient de rappeler à cet égard que, lorsque le juge de l’Union est appelé à déterminer si un acte est confirmatif d’un autre, cela a notamment pour objectif d’éviter de faire renaître de manière abusive des délais de recours expirés. Ainsi, selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’un requérant laisse expirer le délai pour agir contre la décision qui a arrêté de manière non équivoque une mesure comportant des effets juridiques affectant ses intérêts et s’imposant obligatoirement à lui, il ne saurait faire renaître ce délai en demandant à l’institution de revenir sur sa décision et en formant un recours contre la décision de refus confirmant la décision prise antérieurement (ordonnance du Tribunal du 10 octobre 2006, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑106/05, non publiée au Recueil, point 55, et arrêt du Tribunal du 15 septembre 2011, CMB et Christof/Commission, T‑407/07, non publié au Recueil, point 96).

40      Outre le fait que, en l’espèce, la question des délais de recours ne se pose pas, le principe de l’acte confirmatif ne saurait en tout état de cause s’appliquer eu égard à la procédure de recours interne telle que prévue par les articles 33 et 34 de la décision 2007/5 et à l’objectif de ladite procédure décrit aux points 30 à 32 ci-dessus.

41      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demande d’annulation de la décision du 29 septembre 2011 est recevable.

42      En second lieu, il convient d’examiner si, en l’espèce, il est nécessaire, au vu du contenu et de la portée de la décision du 29 septembre 2011, ainsi qu’au vu des conclusions de la requérante formulées à l’encontre de celle-ci, d’examiner spécifiquement la légalité de ladite décision.

43      Premièrement, il importe de relever que ce n’est que dans le cadre de son argumentation tendant à démontrer que c’est à tort que l’autorité de surveillance des marchés publics de la BCE a déclaré le recours irrecevable en arguant que la requérante n’aurait pas qualité pour représenter le consortium que la requérante conteste spécifiquement la décision du 29 septembre 2011.

44      Or, d’une part, il apparaît que cette argumentation de la requérante vise surtout à contrer une prétendue argumentation de la BCE consistant à exciper de l’irrecevabilité du recours contre la décision du 29 septembre 2011 devant le Tribunal en raison de la déclaration d’irrecevabilité du recours de la requérante opérée par ladite décision. Si tant est que l’argumentation de la BCE puisse être comprise en ce sens, il suffit de noter à cet égard qu’il a été constaté au point 41 ci-dessus que le recours était recevable en ce qu’il visait l’annulation de la décision du 29 septembre 2011.

45      D’autre part, force est de constater que l’autorité de surveillance des marchés publics de la BCE ne s’est pas bornée à déclarer irrecevable le recours introduit par la requérante, mais en a également apprécié le bien-fondé, ce qui, au demeurant, rend sans objet la contestation de cette déclaration d’irrecevabilité par la requérante.

46      Deuxièmement, en ce qui concerne la portée de la décision du 29 septembre 2011, il convient d’observer que l’autorité de surveillance des marchés publics de la BCE s’est limitée, dans ladite décision, à affirmer que la décision du comité d’attribution de rejet de la candidature du consortium, à laquelle elle s’est expressément référée, était « légale ». De même, elle a entériné le motif de ce rejet, à savoir le fait qu’aucune des cinq références contractuelles concernant l’infrastructure informatique n’était comparable au marché à attribuer et ne satisfaisait donc au critère de sélection défini au point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures.

47      L’autorité de surveillance des marchés publics de la BCE a également répondu à des arguments de la requérante, présentés à l’appui du recours interne, et a écarté ainsi des griefs relatifs à l’utilisation irrégulière des critères de sélection, au rôle du comité d’attribution et à l’absence de demande d’éclaircissements, pourtant prévue par l’article 20 de la décision 2007/5, ou de prise de contact avec des personnes de référence.

48      Si la décision portant rejet du recours interne contient donc une motivation en droit et en fait plus circonstanciée que la lettre du 5 août 2011, complétée par la lettre du 22 août 2011, cette seconde décision du 29 septembre 2011 n’en a pas moins en substance la même portée que celle objet dudit recours, à savoir le rejet de la candidature du consortium dans le cadre de la procédure d’appel à candidatures mentionnée aux points 1 et suivants ci-dessus.

49      Il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu d’examiner spécifiquement la légalité de la décision du 29 septembre 2011, mais qu’il y a lieu de procéder à l’examen de la légalité du rejet de la candidature du consortium en prenant en compte tous les motifs invoqués pendant la procédure, étant rappelé que, en matière de marchés publics, la motivation d’une décision peut s’effectuer en plusieurs étapes (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 19 mars 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑50/05, Rec. p. II‑1071, point 133, et la jurisprudence citée, et du 22 mai 2012, Sviluppo Globale/Commission, T‑6/10, non publié au Recueil, point 29), et doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont disposait la requérante au moment de l’introduction du recours (arrêts du Tribunal du 25 février 2003, Strabag Benelux/Conseil, T‑183/00, Rec. p. II‑135, point 58, et Renco/Conseil, T‑4/01, Rec. p. II‑171, point 96).

–       Sur la recevabilité du recours en ce qu’il vise l’annulation de « toutes les décisions connexes de la BCE »

50      La BCE soutient que le recours est irrecevable en ce qu’il vise l’annulation de « toutes les décisions connexes de la BCE ». Elle indique que la partie requérante doit identifier précisément, dans la requête, quel acte elle vise à faire annuler et que, à défaut d’une telle précision, comme en l’espèce, la requête est irrecevable sur le fondement du défaut d’objet. La BCE ajoute que, en dépit des indications fournies par la requérante dans la réplique, la contestation de « toutes les décisions connexes » demeure imprécise et doit par conséquent être rejetée.

51      Dans la réplique, la requérante fait valoir que, en utilisant l’expression « toutes les décisions connexes de la BCE » dans le contexte de la présente procédure, elle vise toutes les décisions qui ont été prises par la BCE concernant la procédure de marché en cause, en dehors de celles explicitement identifiées dans la requête, qui ne lui ont pas été notifiées, mais qui affectent ses intérêts et sont nécessairement et par leur nature associées à la présente instance, « par exemple la décision d’octroi de la procédure négociée en cause ».

52      Il convient de rappeler que l’objet du litige et les conclusions du requérant constituent deux indications essentielles devant, conformément à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure du Tribunal, figurer dans la requête introductive d’instance (ordonnance de la Cour du 7 mai 2013, TME/Commission, C‑418/12 P, non encore publiée au Recueil, point 32).

53      Il importe également de rappeler, à cet égard, que, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour, toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige ainsi que l’exposé sommaire des moyens et que cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. De même, les conclusions de la requête introductive d’instance doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief (voir ordonnance TME/Commission, point 52 supra, point 33, et la jurisprudence citée).

54      Des conclusions qui, comme celles figurant dans la requête, tendent à l’annulation d’actes connexes à ceux attaqués sans qu’ils soient identifiés, doivent être déclarées irrecevables comme manquant de précision quant à leur objet (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 novembre 2004, Cantina sociale di Dolianova e.a./Commission, T‑166/98, Rec. p. II‑3991, point 79).

55      Ce constat ne saurait être infirmé par le fait qu’il a déjà été jugé, d’une part, que l’identification de l’acte attaqué pouvait résulter implicitement des mentions reprises dans la requête et de l’ensemble de son argumentation et, d’autre part, qu’un recours dirigé formellement contre un acte faisant partie d’un ensemble d’actes formant un tout pourrait être considéré comme dirigé également, pour autant que de besoin, contre les autres (ordonnance du Tribunal du 13 avril 2011, Planet/Commission, T‑320/09, Rec. p. II‑1673, point 23). En effet, une telle déduction est impossible dès lors que, précisément, l’argumentation contenue dans la requête manque manifestement de clarté et de précision (ordonnance du Tribunal du 6 février 1997, de Jorio/Conseil, T‑64/96, Rec. p. II‑127, point 35), comme c’est le cas en l’espèce (voir point 51 ci-dessus).

56      La requérante a, certes, visé, pour la première fois dans le corps de la réplique, la décision d’attribution du marché concerné, tout en continuant de solliciter, dans le dispositif, l’annulation de « toutes les décisions connexes de la BCE ».

57      L’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure permet la production de moyens nouveaux à la condition que ceux-ci se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Il ressort de la jurisprudence que cette condition régit a fortiori toute modification des conclusions et que, à défaut d’éléments de droit et de fait révélés pendant la procédure écrite, seules les conclusions de la requête peuvent être prises en considération (arrêt de la Cour du 8 juillet 1965, Krawczynski/Commission, 83/63, Rec. p. 773, point 2, et arrêt du Tribunal du 26 octobre 2010, Allemagne/Commission, T‑236/07, Rec. p. II‑5253, point 28).

58      Toutefois, la requérante n’allègue ni a fortiori ne justifie que la modification de ses conclusions ait été imputable à des éléments de droit et de fait révélés pendant la procédure écrite.

59      Il résulte des considérations qui précèdent que le recours est irrecevable en ce qu’il vise l’annulation de « toutes les décisions connexes de la BCE ».

 Sur la recevabilité du recours introduit au nom et pour le compte du consortium

60      Il est constant que le présent recours a été introduit par la requérante tant en son nom propre qu’au nom et pour le compte du consortium.

61      La BCE soutient que ledit recours est irrecevable que la requérante ait agi en tant que représentante du consortium ou à titre individuel.

62      À titre liminaire, il y a lieu de constater que la présente question ne se pose qu’en ce qui concerne la décision du 5 août 2011, adressée à la requérante en sa qualité de chef de file et de représentante du consortium. La décision du 29 septembre 2011 ayant été adressée non au consortium, mais à la requérante uniquement, en sa qualité d’auteur du recours interne, la requérante est parfaitement recevable, en tant que destinataire de ladite décision, à introduire un recours contre celle-ci en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, sans avoir à démontrer qu’elle était directement et individuellement concernée par cet acte.

63      La BCE affirme que la requérante ne produit aucun élément de preuve établissant qu’elle est habilitée à présenter une requête au nom des autres membres du consortium. Tant les procurations que les « accords de partenariat » produits par la requérante seraient, à cet égard, dépourvus de force probante.

64      La requérante excipe, de manière générale, des procurations lui conférant le droit de représenter le consortium et souligne, plus particulièrement, que, aux termes de l’accord de partenariat conclu entre les membres du consortium, elle est investie du droit de représenter ce dernier devant toutes les instances et d’exercer tous les droits de recours.

65      Il convient, tout d’abord, de constater que la requérante a produit aux débats les procurations établies en sa faveur par les autres membres du consortium et jointes au dossier de candidature.

66      Aux termes de ces procurations, la requérante était désignée comme le membre responsable de la version finale de la candidature du consortium ainsi que de toute offre future et était autorisée à agir en tant que maître d’œuvre, coordinateur et organe représentatif « dans toutes les relations avec l’autorité contractante tout au long des étapes de cette procédure d’appel d’offres négociée », différents exemples de mesures particulières liées à cette dernière compétence étant mentionnés par le texte.

67      Si la formulation des procurations révèle que les autres membres du consortium ont autorisé la requérante à les représenter dans le cadre de la procédure d’appel d’offres, il ne peut aucunement en être déduit une quelconque habilitation à introduire, au nom du consortium, un recours devant une juridiction de l’Union contre une décision de la BCE relative au déroulement de ladite procédure.

68      Il y a lieu, ensuite, de relever que la requérante a joint à la réplique des copies d’accords de partenariat afférents au marché en cause, mentionnant le « 4 mai 2011 » comme date d’établissement et prévoyant qu’elle était autorisée, dans le cadre de ce marché, « à représenter le consortium devant toutes les instances compétentes et exercer au nom du consortium tous les droits de recours qui découleraient de la législation applicable et du règlement financier n° 1605/2002 tel que mis en œuvre par les règlements du Conseil n°s 2342/2002, 1261/2005 et 1248/2006 ».

69      La BCE relève que les accords de partenariat, d’une part, n’étaient pas inclus dans la demande de participation à la procédure d’appel d’offres et dans le recours formé auprès de l’organe chargé de l’examen des passations des marchés et qu’ils ne le sont pas, non plus, dans le cadre du recours formé devant le Tribunal et, d’autre part, font référence au « règlement financier n° 1605/2002 », inapplicable en l’espèce. La requérante ne produirait, en outre, aucun document démontrant son habilitation à représenter European Dynamics, autre membre du consortium.

70      Premièrement, il convient de noter que le fait que les accords de partenariat aient pu ne pas être joints dans le dossier de candidature du consortium ou à l’appui du recours interne introduit auprès de l’organe chargé de l’examen des passations des marchés n’est pas de nature à fonder la conclusion selon laquelle la requérante n’aurait pas qualité pour représenter le consortium devant le Tribunal.

71      Deuxièmement, il résulte des écritures de la BCE que cette dernière invoque, en substance, une irrecevabilité des annexes 1 et 2 de la réplique, constituées par les accords de partenariat, motif pris de leur production tardive au cours de la procédure.

72      Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure et de l’article 48, paragraphe 1, dudit règlement, la requête doit contenir les offres de preuve, s’il y a lieu, et que les parties peuvent encore faire des offres de preuve à l’appui de leur argumentation dans la réplique et la duplique, à condition de justifier du retard apporté à la présentation de leurs offres de preuve. Ainsi, la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve fournies à la suite d’une preuve contraire de la partie adverse dans son mémoire en défense ne sont pas visées par la règle de forclusion prévue à l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure. En effet, cette disposition concerne les offres de preuves nouvelles et doit être lue à la lumière de l’article 66, paragraphe 2, dudit règlement qui prévoit expressément que la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve restent réservées (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, points 71 et 72, et du Tribunal du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, Rec. p. II‑4567, point 189).

73      En l’espèce, afin de démontrer sa qualité de représentante du consortium, habilitée à agir, d’une manière générale, au nom et pour le compte de ce dernier et des autres entreprises le composant, y compris devant une juridiction de l’Union, la requérante a joint à sa requête les procurations signées par celles-ci, documents dont la BCE a contesté la valeur probante dans son mémoire en défense.

74      Les accords de partenariat, joints pour la première fois à la réplique, ne constituent donc pas des offres de preuve nouvelles, mais la simple ampliation de preuves qui avaient déjà été produites par la requérante au stade de la requête, ampliation qui vise à répondre en détail à l’argumentation développée par la BCE dans son mémoire en défense. Il s’ensuit que les documents joints par la requérante aux annexes 1 et 2 de sa réplique sont recevables (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Commission/Trends e.a., T‑448/04, non publié au Recueil, point 55).

75      Troisièmement, la citation effectuée par la BCE des accords de partenariat est manifestement partielle. Aux termes de ces accords, la requérante est autorisée à exercer au nom du consortium tous les droits de recours résultant de la « législation applicable », expression générale pouvant englober la décision 2007/5 applicable au marché concerné et les dispositions pertinentes du traité FUE.

76      Quatrièmement, si la requérante a effectivement produit des accords de partenariat avec AlmavivA et KPMG Advisory démontrant son habilitation à ester en justice au nom du consortium, il n’en va pas de même, ainsi que le souligne la BCE, s’agissant de European Dynamics, autre membre du consortium.

77      Interrogée sur ce point lors de l’audience, la requérante s’est bornée à indiquer qu’elle était liée à European Dynamics et a fait état d’un accord plus global sans, toutefois, fournir un quelconque élément concret à l’appui de ses affirmations.

78      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que le recours est irrecevable dans la mesure où il a été formé au nom et pour le compte du consortium.

 Sur la recevabilité du recours introduit au nom de la requérante

79      S’agissant de la contestation de la recevabilité du recours introduit par la requérante en son nom propre, la BCE prétend que, conformément à la jurisprudence de la Cour, le consortium en cause est une personne morale au sens de l’article 263 TFUE et que, dès lors, la requérante, en tant que membre dudit consortium, n’est pas directement concernée par les décisions en question et ne satisfait donc pas à cette condition de recevabilité du recours prévue par la disposition précitée.

80      À cet égard, la BCE se fonde sur l’arrêt du 28 octobre 1982, Groupement des Agences de voyages/Commission (C‑135/81, Rec. p. 3799, point 11), dans lequel la Cour a décidé qu’une association occasionnelle de dix agences de voyages regroupées pour répondre ensemble à un appel d’offres, ayant été admise par la Commission à participer à cet appel et ayant fait l’objet d’un examen et d’un refus de son offre, remplissait les conditions exigées par le droit de l’Union en vue de la reconnaissance de la qualité de « personne morale » au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Tel serait également le cas du consortium en l’espèce.

81      Par conséquent, pour la BCE, le raisonnement du Tribunal dans l’arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 49 supra (point 40), selon lequel un consortium n’ayant jamais disposé de la personnalité juridique est une structure ad hoc transparente au regard de ses membres, qui doivent donc être considérés comme les destinataires d’une décision de rejet de la candidature ou de l’offre soumise par le consortium, n’est pas pertinent en l’espèce.

82      Cette argumentation ne saurait prospérer dans la mesure où les solutions appliquées dans les deux arrêts susmentionnés ne sauraient être considérées comme exclusives l’une de l’autre.

83      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former […] un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement […] »

84      En l’espèce, si la décision du 5 août 2011 est, d’un point de vue formel, adressée au candidat, c’est-à-dire au consortium, il n’en demeure pas moins que, ainsi que l’a précisé la requérante sans être contredite par la BCE, ledit consortium n’a jamais disposé de la personnalité juridique. Partant, sous l’angle de l’article 263 TFUE, cette structure ad hoc étant transparente au regard de ses membres, les quatre sociétés concernées doivent être considérées comme des destinataires de cette décision. Il était donc loisible à la requérante, en tant que destinataire de la décision du 5 août 2011, de contester cette dernière selon les conditions posées par l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêts Evropaïki Dynamiki/Commission, point 49 supra, point 40, et Sviluppo Globale/Commission, point 49 supra, point 19).

85      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les termes de l’arrêt Groupement des Agences de voyages/Commission, point 80 supra, sur lequel est fondé le grief de la BCE.

86      Dans cet arrêt, la Cour s’est prononcée sur la contestation de la recevabilité d’un recours en annulation introduit par une société en cours de formation, regroupant dix agences de voyages, motif pris d’une absence de « capacité à ester en justice » d’une telle entité (arrêt Groupement des Agences de voyages/Commission, point 80 supra, point 8).

87      Après avoir rappelé que la notion de « personne morale » figurant dans les traités ne coïncidait pas nécessairement avec celles des différents ordres juridiques des États membres, la Cour a indiqué que, ayant été admise par la Commission à participer à l’appel d’offres et ayant fait l’objet d’un examen et d’un refus de son offre, la société en cause remplissait les conditions exigées par le droit de l’Union en vue de la reconnaissance de la qualité de personne morale au sens des traités (arrêt Groupement des Agences de voyages/Commission, point 80 supra, points 10 et 11).

88      La Cour a ensuite indiqué que « l’association constituée par les dix agences peut en outre être considérée comme étant ‘directement et individuellement’ lésée par la décision attaquée puisque, si elle pouvait se porter candidate à l’appel d’offres, sous réserve bien entendu de sa transformation subséquente en société formellement constituée, elle avait manifestement un intérêt à obtenir l’adjudication » (arrêt Groupement des Agences de voyages/Commission, point 80 supra, point 13).

89      Le fait qu’une association occasionnelle d’entreprises dépourvue de personnalité juridique ait pu néanmoins être qualifiée de « personne morale » au sens des traités, se voir reconnaître la qualité pour agir et, conséquemment, le droit de saisir le juge de l’Union ne signifie pas que les membres de cette entité soient, de ce fait, nécessairement privés d’un tel droit.

90      Il convient, à cet égard, de relever que cette reconnaissance procédurale ne modifie pas la nature d’une telle entité à l’égard de ses membres, entreprises juridiquement indépendantes réunies, pour les besoins d’une réponse à une procédure d’appel d’offres, dans une structure occasionnelle et provisoire et qui, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 84 ci-dessus, peuvent être considérées comme des destinataires d’une décision négative d’un pouvoir adjudicateur concernant leur candidature ou leur offre exprimée de manière collective.

91      En outre, il n’apparaît pas pourquoi le principe de l’arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 49 supra (point 40), confirmé par l’arrêt Sviluppo Globale/Commission, point 49 supra (point 19), rappelé au point 84 ci-dessus, selon lequel un consortium n’ayant jamais disposé de la personnalité juridique est une structure ad hoc transparente au regard de ses membres, qui doivent donc être considérés comme les destinataires de décisions concernant la candidature ou l’offre soumise par le consortium, ne saurait être pertinent en l’espèce, alors que les consortiums en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts susmentionnés remplissaient également les conditions en vue de la reconnaissance de la qualité de « personne morale » au sens de l’article 263 TFUE, telles que posées dans l’arrêt Groupement des Agences de voyages/Commission, point 80 supra.

92      Il doit, enfin, être observé que, après avoir affirmé que la « décision attaquée ne concern[ait] la requérante ni directement ni individuellement », la BCE indique que la requérante n’est pas en mesure de démontrer un « intérêt à agir suffisant, puisque même s’il était fait droit à la contestation, par un membre isolé d’un consortium, du rejet de l’offre de ce dernier, le marché ne pourrait être attribué à ce membre » et relève, à ce titre, que la requérante ne satisfait pas, à elle seule, aux exigences minimales de la procédure négociée.

93      La requérante soutient à cet égard que la décision de rejet de la candidature du consortium lui cause un préjudice dans la mesure, notamment, où elle a investi des ressources dans la participation à ladite candidature.

94      Pour autant que l’argumentation de la BCE puisse être comprise comme la contestation de l’existence d’un intérêt à agir de la requérante, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette personne a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué, ce qui suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a introduit (voir arrêt du Tribunal du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, Rec. p. II‑4439, point 33, et la jurisprudence citée).

95      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que, même dans l’hypothèse où une décision d’attribution aurait été pleinement exécutée en faveur d’autres compétiteurs, un soumissionnaire conserve un intérêt à voir annuler cette décision, soit pour obtenir du pouvoir adjudicateur une remise en état adéquate de sa situation, soit pour amener le pouvoir adjudicateur à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées aux procédures d’appel d’offres, au cas où celles-ci seraient reconnues comme étant contraires à certaines exigences juridiques (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, point 32 ; du Tribunal du 14 octobre 1999, CAS Succhi di Frutta/Commission, T‑191/96 et T‑106/97, Rec. p. II‑3181, point 63, et du 12 décembre 2012, Evropaïki Dynamiki/EFSA, T‑457/07, non publié au Recueil, point 27).

96      Cette jurisprudence est applicable, par analogie, à la situation du candidat évincé sollicitant l’annulation de la décision de rejet de sa demande de participation, lui interdisant, de ce fait, de soumettre une offre en vue de l’attribution du marché.

97      La circonstance, invoquée par la BCE, que le marché n’aurait pas pu être attribué à la requérante ne saurait donc écarter le fait que l’annulation de la décision de rejet de la candidature du consortium est susceptible de procurer un bénéfice à la requérante.

98      Il découle de tout ce qui précède que le recours est recevable en ce qu’il vise l’annulation des décisions des 5 août et 29 septembre 2011, étant rappelé que ces demandes d’annulation ont en substance le même objet (voir point 48 ci-dessus).

 Sur le fond

 Sur l’imprécision du critère de sélection mentionné au point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures

99      La requérante soutient que le critère de sélection mentionné au point III.4.2 de l’appel à candidatures, auquel le consortium n’aurait prétendument pas satisfait, était trop vague, dans la mesure où il ne fournissait aucune indication sur les « marchés pour lesquels la BCE a lancé un appel d’offres », pas plus que sur les domaines de l’infrastructure informatique concernés par ces marchés. En l’absence d’une documentation d’appel d’offres claire, le contractant en place aurait donc été manifestement bien mieux positionné pour présenter les références « adéquates », en contradiction avec les principes de transparence, d’égalité de traitement et de non‑discrimination, lesquels devraient être respectés, selon la jurisprudence, tout au long de la procédure d’appel d’offres.

–       Sur la recevabilité du grief

100    La BCE fait valoir, en substance, que l’article 21, paragraphe 2, de la décision 2007/5 constitue une mesure administrative, qui frappe de forclusion certaines objections qui ont trait au caractère lacunaire, incohérent ou illégal de la documentation de l’appel d’offres, si elles ne sont pas soulevées à temps. Or, la requérante n’aurait formulé aucune critique de cet ordre dans le délai de quinze jours imparti et ne serait, dès lors, plus recevable à le faire dans le cadre de la présente instance.

101    L’article 21, paragraphe 2, de la décision 2007/5, telle que modifiée, dispose :

« Si les candidats ou les soumissionnaires considèrent que les exigences de la BCE énoncées dans l’avis de marché, l’invitation à soumissionner ou les documents complémentaires sont incomplètes, incohérentes ou illégales, ou que la BCE ou un autre candidat/soumissionnaire a enfreint les règles de passation des marchés applicables, ils notifient leurs objections à la BCE dans un délai de quinze jours. Si les irrégularités concernent l’invitation à soumissionner ou les autres documents envoyés par la BCE, le délai commence à courir à partir de la date de réception de la documentation. Dans les autres cas, le délai commence à courir à compter du moment où les candidats ou les soumissionnaires prennent connaissance de l’irrégularité ou auraient raisonnablement pu en prendre connaissance. La BCE peut alors soit corriger ou compléter les exigences ou remédier à l’irrégularité ainsi qu’il est demandé, soit rejeter la demande en indiquant les motifs du rejet. Les objections qui ne sont pas communiquées à la BCE dans un délai de quinze jours ne peuvent plus être soulevées par la suite. »

102    Ainsi qu’il résulte d’une simple lecture littérale de la disposition précitée, la BCE ne saurait valablement considérer le non-respect du délai de quinze jours qui y est prévu comme une fin de non-recevoir de tout grief soulevé au cours d’une procédure juridictionnelle et tenant au caractère incomplet, incohérent ou illégal de la documentation de l’appel d’offres.

103    La dernière phrase de l’article 21, paragraphe 2, de la décision 2007/5, aux termes de laquelle « [l]es objections qui ne sont pas communiquées à la BCE dans un délai de quinze jours ne peuvent plus être soulevées par la suite », doit nécessairement être lue en combinaison avec celle qui la précède selon laquelle « [l]a BCE peut […] soit corriger ou compléter les exigences ou remédier à l’irrégularité ainsi qu’il est demandé, soit rejeter la demande en indiquant les motifs du rejet ».

104    La citation susvisée traduit l’objectif poursuivi par la disposition en cause qui est, selon les propres écritures de la BCE, de permettre à cette dernière de prendre, si nécessaire, des mesures correctrices dans l’intérêt de tous les participants à la procédure d’appel d’offres.

105    La BCE ne fait état d’aucune mention de l’article 21, paragraphe 2, de la décision 2007/5 permettant de retenir la portée juridictionnelle alléguée de la sanction de forclusion qui y est prévue.

106    Il importe de souligner que l’article 21 de la décision 2007/5 est intitulé « Rectification de la documentation de l’appel d’offres » et relève de la section 2 elle-même intitulée « Déroulement de la procédure ». Cette disposition distingue deux types de situations suivant l’origine de la rectification, à l’initiative de la BCE elle-même, avant l’expiration des délais de présentation des demandes de participation ou des offres, ou à la demande d’un candidat ou d’un soumissionnaire, dans un délai de quinze jours à partir du moment où les candidats ou soumissionnaires ont eu ou auraient raisonnablement pu avoir connaissance des irrégularités en cause, cette contrainte de temps étant imposée à ces derniers pour permettre au pouvoir adjudicateur d’intervenir en temps utile.

107    C’est donc à la BCE et à elle seule qu’il appartient de remédier rapidement, conformément aux exigences d’une bonne administration, aux irrégularités susceptibles d’affecter la procédure d’appel d’offres, dans l’unique but d’assurer son bon déroulement et d’éviter ainsi de devoir, le cas échéant, recommencer à son début la procédure.

108    Il apparaît ainsi que l’article 21, paragraphe 2, de la décision 2007/5, et plus particulièrement le délai de forclusion qu’il prévoit, a une portée limitée au seul déroulement de la procédure d’appel d’offres et ne peut, en aucun cas, être considéré comme une limitation du droit à un recours effectif garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui, conformément à l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE, a la même valeur juridique que les traités.

109    Il convient, au demeurant, de relever que, eu égard à l’étendue du champ d’application de la disposition en cause, qui impose également une obligation de notification d’une objection dans la situation où, selon une formulation très large, « la BCE ou un autre candidat/soumissionnaire a enfreint les règles de passation des marchés applicables », l’interprétation de la BCE serait de nature à porter gravement atteinte à l’effectivité du recours juridictionnel contre la décision d’attribution du marché.

110    Concernant l’argumentation de la BCE sur la prétendue conformité de l’article 21, paragraphe 2, de la décision 2007/5 à l’article 1er, paragraphes 1 et 4, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), telle que modifiée, il y a lieu de constater que, s’il est certes vrai que les dispositions de la décision 2007/5 s’inspirent des directives de l’Union en la matière, notamment, de la directive 89/665 et de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114) (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 juillet 2007, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑250/05, non publié au Recueil, point 1), force est de constater, néanmoins, que, selon l’article 84 de la directive 2004/18 et l’article 6 de la directive 89/665, seuls les États membres sont destinataires de ces directives et que, dès lors, elles régissent uniquement les procédures de passation de marchés publics pour les institutions des États membres. Il s’ensuit que, si l’interprétation de ces directives par les juridictions de l’Union peut être utile, seules les dispositions fixées dans la décision 2007/5 sont applicables en l’espèce (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 juillet 2012, Evropaïki Dynamiki/Frontex, T‑476/07, non encore publié au Recueil, point 48, et du 3 mars 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑589/08, non publié au Recueil, point 23, et la jurisprudence citée).

111    En tout état de cause, la jurisprudence dans le domaine d’application des directives n’est pas de nature à infirmer ce qui vient d’être constaté aux points 101 à 109 ci-dessus.

112    Ainsi, l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 89/665 exige que « [l]es États membres prennent […] les mesures nécessaires pour garantir que les décisions prises par les pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et, en particulier, aussi rapides que possible […], au motif que ces décisions ont violé le droit communautaire en matière de marchés publics ou les règles nationales transposant ce droit ».

113    En vertu de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 89/665, « [l]es États membres peuvent exiger que la personne qui souhaite faire usage d’une procédure de recours ait informé le pouvoir adjudicateur de la violation alléguée et de son intention d’introduire un recours ».

114    Saisie de renvois préjudiciels sur la conformité de réglementations nationales au regard des dispositions susvisées, la Cour a précisé que, ainsi qu’il résulte de ses premier et deuxième considérants, la directive 89/665 vise à renforcer les mécanismes existant, tant sur le plan national que sur le plan communautaire, pour assurer l’application effective des directives en matière de passation des marchés publics, en particulier à un stade où les violations peuvent encore être corrigées. À cet effet, l’article 1er, paragraphe 1, de ladite directive impose aux États membres l’obligation de garantir que les décisions illégales des pouvoirs adjudicateurs peuvent faire l’objet de recours efficaces et aussi rapides que possible (arrêt de la Cour du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C‑470/99, Rec. p. I‑11617, point 74).

115    Pour réaliser l’objectif de célérité poursuivi par la directive 89/665, il est loisible aux États membres d’imposer des délais de recours en vue d’obliger les opérateurs à contester dans de brefs délais des mesures préparatoires ou des décisions intermédiaires prises dans le cadre de la procédure de passation d’un marché, pourvu que les délais en question soient raisonnables [voir, en ce sens, arrêts de la Cour Universale-Bau e.a., point 114 supra, points 75 à 79 ; du 11 octobre 2007, Lämmerzahl, C‑241/06, Rec. p. I‑8415, points 50 et 51 ; du 28 janvier 2010, Uniplex (UK), C‑406/08, Rec. p. I‑817, point 38, et Commission/Irlande, C‑456/08, Rec. p. I‑859, point 60].

116    Cette jurisprudence est fondée sur la considération que la réalisation complète de l’objectif poursuivi par la directive 89/665 serait compromise s’il était loisible aux candidats et soumissionnaires d’invoquer, à tout moment de la procédure d’adjudication, des infractions aux règles de passation des marchés, obligeant ainsi le pouvoir adjudicateur à reprendre la totalité de la procédure afin de corriger ces infractions (arrêts Universale-Bau e.a., point 114 supra, point 75 ; Lämmerzahl, point 115 supra, point 51, et Commission/Irlande, point 115 supra, point 52).

117    Il ne fait pas de doute que des sanctions telles que la forclusion sont de nature à garantir que les décisions illégales des pouvoirs adjudicateurs, dès qu’elles sont connues des intéressés, sont aussitôt que possible dénoncées et corrigées, également en conformité tant avec les objectifs poursuivis par la directive 89/665 qu’avec le principe de sécurité juridique (arrêt Universale-Bau e.a., point 114 supra, point 78).

118    Cependant, si les États membres mettent en place un régime obligeant les opérateurs, sous peine de forclusion, à contester dans de brefs délais des irrégularités soulevées pendant la procédure, les États membres ont l’obligation de veiller à ce qu’un tel régime et ses modalités d’application ne soient pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits que les intéressés tirent, le cas échéant, du droit de l’Union. Ainsi, conformément aux exigences du principe de sécurité juridique, les intéressés doivent être en mesure de déterminer le régime de forclusion avec suffisamment de clarté pour connaître leurs droits et obligations et pouvoir utilement former des recours dans les délais imposés [voir, en ce sens, arrêts Lämmerzahl, point 115 supra, point 52 ; Uniplex (UK), point 115 supra, points 39 et 40, et Commission/Irlande, point 115 supra, points 61 à 63].

119    Dès lors, à supposer que la BCE ait pu, à l’instar des États membres, établir, dans la décision 2007/5, une disposition exigeant, sous peine de forclusion, que les personnes souhaitant faire usage d’une procédure de recours aient informé le pouvoir adjudicateur de la violation alléguée et de leur intention d’introduire un recours, force est de constater que l’article 21, paragraphe 2, de ladite décision ne saurait avoir une telle signification, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le caractère raisonnable du délai instauré par cette disposition, mis en cause par la requérante.

120    En effet, contrairement à ce que prétend la BCE, l’énoncé de l’article 21, paragraphe 2, de la décision 2007/5, selon lequel « [l]es objections qui ne sont pas communiquées à la BCE dans un délai de quinze jours ne peuvent plus être soulevées par la suite », ne permet pas aux candidats et soumissionnaires de déterminer de manière certaine et prévisible si ce délai de forclusion ne vaut que pour la suite de la procédure d’adjudication ou également pour une éventuelle procédure de recours. Ladite disposition n’est donc pas assez claire, précise et explicite pour considérer que le délai de forclusion qui y est prévu ne s’applique pas seulement à la procédure d’appel d’offres, mais également à une procédure de recours (voir, en ce sens, arrêt Commission/Irlande, point 115 supra, point 58).

121    Il s’ensuit que la requérante est recevable à exciper, dans le cadre de la présente instance, du caractère lacunaire de la documentation de l’appel d’offres.

–       Sur le bien-fondé du grief

122    Il convient de rappeler que les principes de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination constituent des principes généraux de droit applicables à la BCE lors de la passation de marchés publics en vertu de l’article 3 de la décision 2007/5.

123    Les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement impliquent une obligation de transparence afin de permettre au pouvoir adjudicateur de s’assurer de leur respect (arrêts de la Cour du 18 novembre 1999, Unitron Scandinavia et 3-S, C‑275/98, Rec. p. I‑8291, point 31 ; du 7 décembre 2000, Telaustria et Telefonadress, C‑324/98, Rec. p. I‑10745, points 60 et 61, et du 18 juin 2002, HI, C‑92/00, Rec. p. I‑5553, point 45).

124    Le principe de transparence a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. Il implique que toutes les conditions et modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque, dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, de façon, d’une part, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, Rec. p. I‑3801, point 111 ; arrêts du Tribunal du 12 mars 2008, European Service Network/Commission, T‑332/03, non publié au Recueil, points 126 et 127, et du 20 mars 2013, Nexans France/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑415/10, non encore publié au Recueil, point 71).

125    En l’espèce, d’une part, il importe de souligner que la BCE a précisé, sans être contredite par la requérante, avoir recouru à une procédure d’appel d’offres négociée sur le fondement de l’article 13, paragraphe 1, sous b), de la décision 2007/5, lequel prévoit une telle possibilité lorsque « la nature de la prestation à fournir est telle que les spécifications ne peuvent être établies avec une précision suffisante pour permettre l’attribution du marché par la sélection de la meilleure offre, conformément aux règles régissant la procédure ouverte ou la procédure restreinte ».

126    D’autre part, il y a lieu de rappeler que le point III.4.2 de l’appel à candidatures, intitulé « Critères de sélection et niveaux de capacité minimale » prévoit la nécessaire satisfaction de deux exigences par les candidats. Le point III.4.2, sous a), impose aux candidats d’avoir eu un chiffre d’affaires minimal au cours des trois exercices précédents. Le point III.4.2, sous b), énonce l’exigence suivante :

« Au moins trois marchés similaires, exécutés au cours des trois derniers exercices, et comparables en termes d’étendue, d’importance et de complexité aux marchés faisant l’objet de la procédure d’appel d’offres de la BCE, couvrant à la fois le cadre des applications et le domaine des infrastructures informatiques.

À titre de preuve, les candidats devront présenter les informations et documents énumérés à l’annexe 1. »

127    Ainsi que l’indique à juste titre la BCE, si la disposition précitée se caractérise par une certaine abstraction concernant les marchés à attribuer dans le cadre de la procédure d’appel d’offres en cause, une lecture d’ensemble de la documentation de l’appel d’offres était de nature à fournir à tous les candidats une information suffisante sur les caractéristiques de ces marchés et, dès lors, à leur permettre de choisir, en toute connaissance de cause, les références contractuelles les plus appropriées.

128    En premier lieu, tant l’avis de marché que l’appel à candidatures contiennent des informations pertinentes sur les marchés à attribuer.

129    Dans l’introduction de l’appel à candidatures, au début du point I, il est indiqué que l’avis de marché a pour objet l’établissement de contrats-cadres couvrant, pour le lot n° 1, les activités de « conseil et services globaux pour la conception, l’exploitation, l’assistance et/ou la maintenance d’applications et de services d’infrastructure », ce qui, selon les propres termes de la requérante, précise la « portée des marchés pour lesquels la BCE a lancé un appel d’offres ».

130    Dans le point II.1.5 de l’avis de marché intitulé « Brève description du contrat ou des fournitures » et dans le point I.1 de l’appel à candidatures, il est indiqué ce qui suit :

« Contexte

Les marchés résultant de la présente procédure d’appel d’offres permettront à la BCE de rechercher des fournisseurs de services informatiques pour l’ensemble du cycle de vie de l’infrastructure informatique et des services d’applications. Ceci comporte également des services de conseil en gestion et de développement stratégique et opérationnel.

Par le biais du cadre IS Conseil et Services, la BCE vise à améliorer l’exécution des projets liés à l’infrastructure et aux applications informatiques de même que les opérations postérieures à leur mise en œuvre, et à améliorer l’efficacité et la flexibilité pour la fourniture d’un grand nombre de ses activités informatiques.

Les contractants relevant de ce cadre fourniront des services de conseil et des travaux dans les domaines suivants :

–        des services de fourniture et de conseil en gestion de l’infrastructure informatique, y compris développement, intégration de systèmes, exploitation et assistance ;

–        des services de fourniture et de conseil en gestion d’applications. Sont inclus le développement et la maintenance d’applications (assistance comprise), sur la base de cadres ouverts (par exemple, Java), de plates-formes basées sur les produits (par exemple, SAP) et/ou de marchés techniques spécialisés (par exemple, sécurité, gestion de documents) ;

[…] »

131    Le point II.1.2 de l’avis de marché énonce que le « [l]ieu principal d’exécution » se situe à la « BCE, Francfort-sur-le-Main » et dans les « [b]anques centrales nationales du SEBC ». Le point I.2 de l’appel à candidatures indique que « [l]es marchés devront être exécutés principalement dans les locaux de la BCE à Francfort-sur-le-Main », mais qu’« [i]l pourra toutefois être demandé aux signataires du contrat-cadre de prester des services en un lieu différent (par exemple dans une autre banque centrale de l’UE dans le cadre d’un projet commun) ou d’effectuer un travail (tel que le développement d’un logiciel ou d’autres livrables) hors site ».

132    Le point II.1.5 de l’avis de marché et le point I.3 de l’appel à candidatures informent les candidats de l’existence de deux lots, le lot n° 1 étant défini, de manière identique, comme suit :

« Services et travaux concernant les applications et infrastructures informatiques (en totalité ou en partie) : conception, développement, exploitation, assistance et maintenance. »

133    Le point II.3 de l’avis de marché et le point I.4 de l’appel à candidatures précisent la durée des relations contractuelles, soit pour le lot n° 1, des contrats-cadres d’une durée de quatre ans susceptible d’être prorogée pour une même période.

134    Le point I.5 de l’appel à candidatures avertit les candidats des contrats en cours d’exécution ou à venir couvrant des activités dans le domaine informatique au sein de la BCE, et ce de manière détaillée, permettant ainsi aux candidats de comprendre l’environnement contractuel de la procédure d’appel d’offres en cause.

135    En deuxième lieu, il importe de souligner que le point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures, qui énonce le critère de sélection incriminé, opère un renvoi exprès à l’annexe 1 du même document.

136    L’annexe 1 de l’appel à candidatures correspond à un formulaire de candidature dont le point 6 est intitulé « Capacités organisationnelle et technique pour le lot n° 1 ».

137    Le point 6.1 du formulaire de candidature contient la liste précise des services escomptés par la BCE, subdivisée en domaines de services distincts et comportant une trentaine de rubriques. Elle donne instruction aux candidats de confirmer qu’ils offrent des services dans tous les domaines concernés et de fournir les informations s’agissant de l’entité responsable et d’une sous-traitance éventuelle pour chaque service.

138    Le point 6.2 du formulaire de candidature, intitulé « Expérience et références pertinentes », est ainsi libellé :

« Merci de bien vouloir fournir des informations détaillées sur trois marchés importants récents de développement d’applications desdits logiciels et de développement de produits spécifiques (y compris la maintenance et l’assistance) et trois marchés de développement d’infrastructure informatique (y compris la maintenance et l’assistance) que vous avez obtenus pour la prestation de services similaires à ceux qui sont requis par la BCE.

Pour chacun des marchés, merci de bien vouloir fournir une référence et d’indiquer clairement :

–        le nom et l’adresse du client

–        la date d’attribution du marché

–        la durée du contrat

–        la valeur approximative du marché

–        les membres du groupement temporaire/sous-traitants utilisés et leurs rôles

–        la description du ou des services fournis.

Si, pour des raisons de confidentialité, vous n’êtes pas en mesure de divulguer le nom de vos clients ou des informations détaillées sur des projets de référence, veuillez fournir les informations de façon anonyme. »

139    Les candidats ont reçu pour instruction d’insérer les informations requises dans un tableau récapitulatif précisant le cadre de chaque marché réalisé et dans plusieurs tableaux détaillés décrivant chacune des références contractuelles requises, en se limitant à une page de format A4.

140    La formulation du point 6.2 du formulaire de candidature, et plus particulièrement la mention d’une demande d’informations sur des marchés importants récents obtenus « pour la prestation de services similaires à ceux qui sont requis par la BCE », révèle un lien explicite entre les points 6.1 et 6.2 du formulaire de candidature, lesquels relèvent de la même problématique, à savoir la nécessaire démonstration par tout candidat de ses capacités organisationnelle et technique à exécuter les marchés objets de la procédure d’appel d’offres concernée, telle qu’exigée par le point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures.

141    Les indications précises sur le nombre et la nature des services requis permettaient aux candidats d’appréhender la taille ou l’importance des marchés à attribuer, de même que leur complexité. De manière plus générale, l’ensemble des informations contenues dans la documentation de l’appel d’offres était de nature à clarifier la triple dimension de comparabilité, mentionnée dans le point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures, entre les marchés exécutés par les candidats et les marchés à attribuer.

142    En troisième lieu, il convient de rappeler les termes de l’article 19, paragraphe 4, de la décision 2007/5, ainsi libellé :

« Les candidats ou soumissionnaires peuvent présenter par écrit à la BCE les questions relatives à l’avis de marché, l’invitation à soumissionner ou les documents complémentaires conformément aux conditions énoncées dans l’avis de marché ou l’invitation à soumissionner. La BCE répond à ces questions dans un délai raisonnable et communique les réponses à tous les candidats/soumissionnaires de façon anonyme si elles présentent un intérêt pour chacun d’entre eux. »

143    À cet égard, la requérante a produit aux débats une liste de 53 questions et les réponses correspondantes de la BCE, étant précisé que European Dynamics a posé 33 questions concernant la procédure d’appel d’offres concernée.

144    Dans le cadre de la question n° 24, European Dynamics a explicitement mis en relation le point II.1.5 de l’avis de marché définissant le lot n° 1 de la procédure d’appel d’offres et le point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures énonçant le critère de sélection relatif au niveau de capacité minimal en indiquant que « [sa] compréhension [était] que l’exigence minimale susmentionnée sera satisfaite par le candidat avec la fourniture des références contractuelles correspondantes visées au point 6.2 Expérience et références pertinentes » et en demandant de « confirme[r] que cette compréhension [était] correcte ». En réponse, la BCE a indiqué : « Oui, votre compréhension est correcte. »

145    S’agissant de la question n° 3, European Dynamics a explicitement mis en relation le point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures avec le point 6.2 du formulaire de candidature, intitulé « Expérience et références pertinentes » en indiquant qu’« [elle] suppos[ait] que, au total, six (6) contrats similaires devraient être présentés, trois (3) pour le ‘domaine applicatif’ et trois (3) concernant l’‘infrastructure informatique’ (comme indiqué dans la section 6.2 du formulaire de candidature) et qu’il n’[était] pas exigé que ces contrats similaires portent à la fois sur le ‘domaine applicatif’ et sur le ‘domaine de l’infrastructure informatique’ ». En réponse, la BCE a indiqué :

« Un minimum de trois marchés analogues est exigé. La preuve peut en être apportée en présentant soit trois contrats couvrant, chacun, à la fois le ‘domaine applicatif’ et l’‘infrastructure informatique’, soit jusqu’à six contrats dans l’hypothèse où chacun de ces derniers ne couvrirait que le ‘domaine applicatif’ ou l’‘infrastructure informatique’ ».

146    Dans le cadre de la question n° 7 visant le point 6.2 du formulaire de candidature, European Dynamics a demandé si des contrats en cours étaient acceptables en tant que références. En réponse, la BCE a indiqué :

« Si par en cours vous voulez parler de contrats signés actifs, la réponse est oui. Si les contrats ne sont pas encore conclus, la réponse est non. »

147    Il apparaît ainsi que la BCE a fourni des réponses claires et précises aux questions de European Dynamics sur le critère de sélection incriminé. La requérante ne fait état d’aucune question portant précisément sur la portée de la notion de « marchés pour lesquels la BCE a lancé un appel d’offres » pas plus que sur la teneur des références contractuelles se rapportant au domaine de l’infrastructure informatique, au regard des services devant être assurés. Il est, en outre, constant que le consortium n’a pas, conformément à l’article 21, paragraphe 2, de la décision 2007/5, notifié à la BCE une quelconque objection quant au caractère incomplet ou incohérent de la documentation de l’appel d’offres en cause.

148    En quatrième lieu, il convient de relever que, après avoir rappelé les termes du point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures, du point I.1 de l’appel à candidatures sur la « portée des marchés pour lesquels la BCE a lancé un appel d’offres » pour le lot n° 1, du point I.2 de l’appel à candidatures concernant le lieu d’exécution de la prestation de services, du point I.3 de l’appel à candidatures définissant la teneur du lot n° 1, des points 6.1 et 6.2 du formulaire de candidature et de la réponse de la BCE à la question n° 3, la requérante indique elle-même clairement avoir « élaboré sa candidature en prenant en compte l’ensemble des éléments exposés précédemment et […] inclus le nombre maximal de références autorisé, à savoir six (6) références de contrats de portée, de dimension et de complexité comparables à celles des marchés pour lesquels la BCE a lancé un appel d’offres, qui portaient à la fois sur le domaine applicatif et sur le domaine de l’infrastructure informatique, et couvraient les services définis en section 6.1 sur la ‘couverture des services’ du document ‘formulaire de candidature’ ». La requérante en conclut, au demeurant, que sa candidature respectait entièrement les critères d’éligibilité et de sélection quant aux niveaux de capacité minimale définis dans la documentation de l’appel d’offres en cause.

149    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief tiré d’une imprécision du critère de sélection mentionné au point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures doit être rejeté.

 Sur la violation de l’obligation de motivation

150    La requérante soutient que la BCE n’a pas expliqué, dans la décision du 29 septembre 2011 et même dans le cadre de la présente instance, en quoi elle avait omis de satisfaire aux critères de sélection, ni même indiqué les critères auxquels elle n’avait pas satisfait.

151    Elle affirme, en outre, que le comité d’attribution n’a présenté aucune justification cohérente au soutien de sa décision négative, faisant apparaître ce que les adjudicataires proposaient prétendument de plus ou de mieux qu’elle. Or, selon la requérante, « tant le règlement financier que les modalités d’exécution de celui-ci » contraignent les pouvoirs adjudicateurs à communiquer au soumissionnaire écarté qui en fait la demande les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire ou des parties à l’accord-cadre, ce que confirme la jurisprudence. La requérante précise, dans la réplique, qu’elle n’a pas demandé la communication des mérites relatifs des soumissionnaires retenus, mais de ceux des candidats retenus. Une telle information aurait permis à la requérante de mesurer, par comparaison avec les autres offres, ce qui manquait dans son offre.

152    À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque, comme en l’espèce, les institutions, organes ou organismes de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation sont réunis (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14 ; du Tribunal du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, non publié au Recueil, point 54, et du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, Rec. p. II‑1403, point 61).

153    Selon une jurisprudence constante, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

154    En outre, il convient de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts de la Cour Commission/Sytraval et Brink’s France, point 153 supra, point 67 ; du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 35, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947, point 146).

155    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la passation du marché en cause est régie par la seule décision 2007/5 dont l’article 28 est ainsi libellé :

« 1. La BCE notifie dans les meilleurs délais et par écrit sa décision à tous les candidats ou soumissionnaires dont les demandes de participation ou offres sont rejetées.

2. La notification est envoyée au moins dix jours avant la signature du marché par la BCE si cet envoi a lieu par télécopie ou de manière électronique, et au moins quinze jours avant la signature du marché si d’autres moyens de communication sont utilisés.

3. Les candidats et les soumissionnaires peuvent, dans les quinze jours à compter de la réception de la notification, demander à la BCE d’exposer les motifs du rejet de leur demande de participation ou de leur offre et de leur fournir une copie de tous les documents relatifs à l’évaluation de leur demande de participation ou de leur offre. Les soumissionnaires écartés dont les offres étaient recevables peuvent également demander le nom de l’attributaire, de même que les caractéristiques essentielles et les avantages relatifs de son offre. Ils peuvent également demander copie de tous les documents relatifs à l’évaluation de l’offre retenue, sous réserve du paragraphe 4.

4. Toutefois, la BCE peut décider de ne pas publier certaines informations au cas où leur divulgation affecterait les intérêts commerciaux légitimes d’autres fournisseurs, ferait obstacle à l’application des lois ou serait contraire à l’intérêt public.

5. En outre, la BCE publie un avis d’attribution donnant les résultats de la procédure de passation de marchés au Journal officiel. L’avis est envoyé dans les 48 jours suivant la signature du marché. »

156    En premier lieu, il est constant que, par la décision du 5 août 2011, la BCE a informé la requérante, en sa qualité de chef de file et de représentant du consortium, que la candidature de ce dernier avait été rejetée au motif que les informations communiquées ne rapportaient pas la preuve du respect des exigences minimales prescrites par le point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures.

157    Par lettre du 11 août 2011, la requérante a demandé à la BCE la communication des motifs du rejet de sa candidature, d’un extrait du rapport d’évaluation justifiant du non-respect allégué des exigences de l’appel à candidatures ainsi que de la copie de tous les documents relatifs à l’évaluation de sa candidature conformément à l’article 28 de la décision 2007/5, et du nom des candidats ou groupements temporaires (avec leur composition) retenus, ainsi que des caractéristiques essentielles et des avantages relatifs de leurs candidatures.

158    Par lettre du 22 août 2011, la BCE a répondu à la requérante en précisant les raisons ayant justifié sa décision, et ce en reprenant les termes du point 3.2 du rapport d’évaluation de la manière suivante :

« [D]ans l’introduction de l’appel à candidatures (sections 1, 2 et 3), les services des contrats-cadres du lot n° 1 sont définis comme i) ‘conseil et services de conception, de développement, d’exploitation, d’assistance et/ou de maintenance d’applications et infrastructures informatiques’ et ii) à fournir principalement dans les locaux de la BCE à Francfort. Le candidat présente un total de cinq références concernant l’infrastructure dans le tableau récapitulatif. Les deux premières références concernant les applications et la première référence concernant l’infrastructure (qui est un système de passation des marchés par voie électronique) décrivent les éléments fonctionnels des applications avec des informations spécifiques insuffisantes concernant l’exécution des activités relatives à l’infrastructure informatique. La deuxième référence concernant l’infrastructure concerne l’hébergement externe/l’externalisation d’un centre de données du client dans les locaux d’AlmavivA, et le troisième marché de référence consiste à évaluer, surveiller, et certifier des systèmes et des produits. En outre, la référence concernant l’application n° 3 et les références concernant l’infrastructure informatique d’AlmavivA et de KPMG contiennent la phrase ‘Services fournis qui sont similaires à ceux du marché envisagé’ ainsi qu’une liste de services et de technologies sans explications, ne pouvant être prise en considération dans l’évaluation.

En somme, les références s’agissant de l’infrastructure ne sont comparables ni dans leur étendue ni dans leur complexité, et elles ne démontrent pas une capacité suffisante à fournir une ingénierie, une intégration et un déploiement de l’infrastructure informatique (par exemple, infrastructure virtuelle, informatique en nuage, ordinateurs de bureau) aux centres de données des clients. »

159    La BCE indiquait également ce qui suit :

« En outre, vous sollicitez l’accès aux noms des candidats retenus et aux caractéristiques essentielles et avantages relatifs des candidatures retenues. Veuillez noter que l’article 28, paragraphe 3, deuxième phrase, de la décision […]2007/5 […] limite expressément le droit d’obtenir des informations détaillées sur les concurrents aux seuls soumissionnaires écartés ayant soumis une offre recevable. En conséquence, les candidats écartés n’ont pas le droit d’obtenir des informations détaillées sur les candidatures soumises par d’autres candidats. Sur ce fondement et en vertu du principe de confidentialité prévu à l’article 19, paragraphe 5, de la décision [2007/5], la BCE ne peut vous transmettre lesdites informations. »

160    À cette lettre du 22 août 2011 étaient joints un extrait du rapport d’évaluation et la grille d’évaluation détaillée de la candidature du consortium.

161    La partie pertinente de la grille d’évaluation détaillée relative aux références contractuelles dans le domaine de l’infrastructure informatique présentées par le consortium fait apparaître ce qui suit :


Élément et description du critère

Évaluation

Explication

Comparable en termes d’étendue

Conseil en gestion et services de livraison d’infrastructure informatique, y compris développement, intégration de systèmes, exploitation et assistance

Non

La référence infrastructure 3, évaluation informatique, surveillance et certification de systèmes, n’inclut pas le déploiement de matériels et logiciels informatiques, ce qui serait pertinent pour le lot 2.

   

La référence infrastructure 1 […] concerne le déploiement d’une application de passation de marchés par voie électronique et ne constitue donc pas une référence qui peut être qualifiée dans le domaine de l’infrastructure.

   

Les deux premières références dans le domaine des applications, sous « Y » dans le tableau d’ensemble, décrivent les éléments fonctionnels des applications sans informations suffisamment précises sur l’exécution des activités relatives aux infrastructures informatiques.

Comparable en termes d’importance/de durée 

 

Non

Il n’y a pas trois références valables à prendre en compte en termes de durée.

Comparable en termes de complexité

Évaluer durée, nombre d’experts, étendue technique, similitude clients

Non

La référence infrastructure 3, évaluation informatique, surveillance et certification de systèmes ne comprend pas le déploiement de matériels et logiciels informatiques, ce qui serait pertinent pour le lot 2.
La référence 2 consiste en un contrat d’externalisation pour l’hébergement du centre de données de leur client dans leurs propres locaux.


162    La grille d’évaluation résume l’évaluation du critère de sélection du point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures comme suit :

« Le candidat fournit une liste de références dans le domaine ‘infrastructure’ comprenant l’externalisation d’un centre de données dans ses propres locaux, un projet d’application (passation de marchés en ligne) et un contrat de référence consistant en l’évaluation, la surveillance, et la certification de systèmes et de produits. En conséquence, il n’y a pas de référence d’intégration et de déploiement d’infrastructure de base (par exemple, outils réseaux, stockage, grands systèmes) dans les centres de données du client. »

163    La décision du 29 septembre 2011 mentionne ce qui suit :

« [Le comité d’attribution] a correctement appliqué l’exigence minimale se rapportant aux projets de référence définie à la section III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures. [Il] n’a pas introduit d’éléments additionnels qui n’étaient pas perceptibles à partir de la documentation de l’appel d’offres. Les documents et formulaires de candidature permettaient aux prestataires potentiels de décider dans quelle mesure leurs propres projets de référence étaient comparables au marché devant être attribué. Par exemple, la section 2 de l’appel à candidatures expliquait que le marché à attribuer serait exécuté principalement dans les locaux de la BCE à Francfort-sur-le-Main. La section 6.1 du formulaire de candidature comportait une liste détaillée de services et d’exigences que comporterait le marché. Il était également évident que le contractant retenu devrait prester des services sur l’infrastructure informatique de base de la BCE.

[Le comité d’attribution] a également dûment évalué les projets de référence du consortium. La grille d’évaluation que vous avez reçue en réponse à votre demande d’information montre que vos projets de référence et l’étendue des services de chaque projet de référence ont été dûment évalués sur la base des exigences minimales et des critères de sélection. Cependant, pour différentes raisons, aucune de vos cinq références concernant l’infrastructure informatique n’était comparable au marché à attribuer. Votre recours réitère, pour l’essentiel, la description des services que le consortium a déjà mentionnée dans sa candidature et ne montre pas d’erreur d’appréciation.

[Le comité d’attribution] n’était pas obligé de demander au consortium de lui fournir une information additionnelle ou de prendre attache avec ses points de contacts. Conformément à l’article 20 de la décision [2007/5], la BCE peut demander aux candidats de fournir une documentation manquante ou de clarifier des points spécifiques mais elle n’a pas l’obligation de le faire. Dans le cas du consortium, une clarification ou un complément de la candidature n’aurait pas été suffisant. Dès lors que ses projets de référence ne satisfaisaient pas aux exigences minimales, le consortium n’aurait pu être invité à soumissionner que s’il avait déposé des projets de référence entièrement nouveaux.

Les lettres émanant d’autres institutions ou organismes de l’Union fournies avec votre recours ne montrent pas que le [comité d’attribution] a agi illégalement. Elles démontrent que European Dynamics a omis de fournir des demandes exhaustives et cohérentes dans d’autres procédures d’appel d’offres.

En vertu du cadre applicable aux passations de marchés, la mission du [comité d’attribution] n’est pas de sélectionner autant de candidats éligibles que possible. [Le comité d’attribution] a indiqué qu’il inviterait jusqu’à huit candidats éligibles et sa décision finale sur la liste des candidats est en parfait accord avec cette indication. La sélection a été faite conformément au critère objectif mentionné à la section III.4.3 de l’appel à candidatures. »

164    Il apparaît ainsi que la BCE a indiqué, de manière non équivoque, que la candidature du consortium ne satisfaisait pas au critère de sélection mentionné au point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures, requérant un niveau de capacités organisationnelle et technique minimal, et précisé les raisons ayant conduit à cette conclusion.

165    Au-delà des reproches à caractère général sur les indications fournies par la BCE, qualifiées de « commentaires vagues », aux fins de justification du rejet de la candidature du consortium, la requérante formule des griefs plus précis quant à l’insuffisance de la motivation de la non-conformité des références contractuelles avec les exigences de la documentation de l’appel d’offres.

166    Tout d’abord, la requérante prétend que l’argumentation avancée par la BCE dans la décision du 29 septembre 2011 « donne à comprendre (de façon très vague et sans le justifier) qu’une référence proposée par un soumissionnaire concernant des services prestés pour un client à l’emplacement de l’infrastructure informatique doit être invalidée si ledit emplacement ne correspond pas aux bureaux administratifs du client », ce qui « n’a aucun sens ».

167    Il convient de relever que, dans le cadre de l’appréciation du respect par la BCE de l’obligation de motivation, il y a lieu de prendre en compte la décision du 5 août 2011, le rapport d’évaluation, la grille d’évaluation et la décision du 29 septembre 2011, étant rappelé que le respect de ladite obligation doit être apprécié en fonction des éléments d’information dont disposait la requérante au moment de l’introduction du recours (arrêts Strabag Benelux/Conseil, point 49 supra, point 58, et Renco/Conseil, point 49 supra, point 96).

168    Or, il résulte de ces documents que la BCE a clairement fait référence au point I.2 de l’appel à candidatures relatif au lieu d’exécution de la prestation et a indiqué que « la référence 2 consist[ait] en un contrat d’externalisation pour l’hébergement du centre de données de leur client dans leurs propres locaux », ce qui ne permettait pas de la considérer comme une référence appropriée.

169    Il apparaît ainsi que la motivation de la BCE est, contrairement aux affirmations de la requérante, explicite, l’allégation de cette dernière selon laquelle lesdits motifs n’ont « aucun sens » relevant de la discussion sur l’existence éventuelle d’une erreur manifeste d’appréciation et non de celle d’une violation des formes substantielles.

170    Ensuite, la requérante fait observer que la grille d’évaluation comporte la mention selon laquelle « il n’y a pas de référence d’intégration et de déploiement d’infrastructure de base (par exemple, outils réseaux, stockage, grands systèmes) dans les centres de données du client » et que, selon la BCE, l’expression « grands systèmes » a été utilisée par le comité d’évaluation pour décrire l’impression générale selon laquelle les infrastructures sur lesquelles les membres du consortium avaient travaillé étaient moins complexes que l’infrastructure informatique concernée par la procédure d’appel d’offres.

171    Elle fait valoir qu’aucune indication n’est donnée dans l’appel à candidatures et/ou dans le formulaire à propos de la dimension de cette dernière infrastructure, de sorte que les candidats puissent fournir des mesures comparables dans leur description en une page de références. Qui plus est, la BCE n’expliquerait pas quels éléments le comité d’évaluation aurait pris en compte pour décider que les infrastructures informatiques visées dans les références seraient « moins complexes » ou « moins étendues » que celle de la BCE. En outre, si cela avait été le cas, quod non, la BCE n’aurait pas expliqué en quoi cela aurait influencé l’évaluation et le défaut de conformité par rapport à l’appel à candidatures ou au formulaire de candidature.

172    Il convient de relever que la citation visée au point 170 ci-dessus correspond à un résumé de l’évaluation des références contractuelles du consortium. Ce résumé, qui contient une brève appréciation d’ensemble, est précédé d’une analyse individuelle explicite de ces références révélant principalement une insuffisance de précision de celles-ci qui, combinée à d’autres éléments tels que la nature même des contrats concernés, leur durée ou le lieu d’exécution, a conduit à la conclusion de l’absence de pertinence de ces références dans le domaine de l’infrastructure informatique.

173    L’expression « grands systèmes » n’est qu’une simple illustration du grief tenant à la carence en matière d’intégration et de déploiement d’infrastructure informatique de base des références produites et l’argumentation de la requérante aboutit à isoler, de manière artificielle, cette indication.

174    Cette expression doit être rapprochée du point 6.1 du formulaire de candidature qui contient la liste précise des services informatiques requis dans le cadre des marchés à attribuer, lesdits services devant couvrir l’ensemble du cycle de vie de l’infrastructure informatique selon les termes du point I.1 de l’appel à candidatures, ce qui traduit la taille et la complexité de l’infrastructure informatique concernée.

175    En outre, l’analyse de l’évaluation du comité en cause, au regard des exigences de l’article 296 TFUE, est elle-même indissociable de la nature du grief formulé par le comité, à savoir le manque de force probante des références né, principalement, d’une insuffisante précision de celles-ci.

176    Il résulte des considérations qui précèdent que la BCE a fourni, de manière claire et à suffisance de droit, les raisons ayant conduit au rejet de la candidature du consortium.

177    Il y a lieu enfin de constater que l’allégation de la requérante selon laquelle la BCE n’a pas respecté son obligation de fournir une copie de tous les documents relatifs à l’évaluation de la demande de participation du consortium, conformément au point IV.1.2 de l’appel à candidatures, lequel ne fait que reprendre les termes de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2007/5, n’est aucunement étayée et se trouve contredite par la constatation de la communication à la requérante d’un extrait du rapport d’évaluation et de la grille d’évaluation détaillée de la candidature du consortium.

178    En second lieu, s’agissant de la communication des noms des candidats retenus et des avantages relatifs de leurs candidatures sollicitée par la requérante dans sa lettre du 11 août 2011, il convient de relever que la référence opérée par cette dernière au règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), ainsi qu’au règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement n° 1605/2002 (JO L 357, p. 1), tels que modifiés, pour fonder sa demande est dépourvue de toute pertinence, ces textes n’étant pas applicables en l’espèce.

179    Il résulte d’une simple lecture littérale de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2007/5, dont les termes ont été rappelés au point 155 ci-dessus, que la requérante ne peut davantage invoquer utilement cette disposition à l’appui de ses prétentions.

180    Cette disposition prévoit de manière explicite que seuls « les soumissionnaires écartés dont l’offre était recevable peuvent également demander le nom de l’attributaire ainsi que les caractéristiques essentielles et avantages relatifs de son offre ».

181    Il importe de souligner que la décision 2007/5 opère une claire distinction entre les candidats et les soumissionnaires. Ainsi, l’article 13, paragraphes 3 à 5, de ladite décision, qui régit la procédure négociée, dispose ce qui suit :

« 3. Dès la publication de l’avis de marché, les fournisseurs intéressés peuvent demander à participer à la procédure négociée […]

4. La BCE vérifie l’éligibilité des candidats et évalue les demandes de participation en fonction des critères de sélection énoncés dans l’avis de marché. La BCE invite au moins trois candidats éligibles satisfaisant aux critères de sélection à présenter une offre […]

5. À la suite de l’évaluation des offres, la BCE peut négocier avec les soumissionnaires afin de faire concorder leur offre avec les exigences de la BCE […] »

182    Les fournisseurs ayant soumis une candidature aux fins de participer à la procédure négociée sont désignés par le terme « candidats », et ceux qui sont invités à présenter une offre sont dénommés « soumissionnaires ». En l’espèce, le consortium doit être qualifié de « candidat » et non de « soumissionnaire » dans le cadre de la procédure négociée en cause, étant donné qu’il a présenté une demande de participation, mais n’a pas été invité à présenter une offre.

183    La requérante soutient, en substance, qu’une offre, qui satisfait aux exigences formelles et aux critères d’éligibilité, mais qui ne remplit pas les critères de sélection fixés par le pouvoir adjudicateur, ne devrait pas être considérée comme « une offre non recevable » au sens de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2007/5, mais comme une « offre écartée » à laquelle s’attachent tous les droits attribués par cet article.

184    Cette argumentation de la requérante traduit une méconnaissance des notions de demandes de participation et d’offres ainsi que, subséquemment, de candidats et de soumissionnaires. Les assertions de la requérante sur ce qu’il conviendrait de considérer comme une « offre non recevable », expression ne figurant pas dans la disposition précitée, ou une « offre écartée » sont dépourvues de pertinence dans la mesure où le consortium n’a pas, en tout état de cause, été invité à prendre part à la seconde étape de la procédure négociée et n’a donc pas présenté d’offre.

185    Il en va de même de la référence au point 136 de l’arrêt CMB et Christof/Commission, point 39 supra, selon lequel « la vérification des critères de sélection représente une partie très importante de la procédure de passation des marchés publics », de sorte qu’il y a lieu de « contrôler si le pouvoir adjudicateur a bien vérifié si les offres des soumissionnaires comportaient [un] élément de preuve » relatif à la réalisation d’installations de référence requise dans l’avis de marché.

186    Cette motivation s’inscrit dans une problématique juridique radicalement distincte de celle, spécifique, du respect de son obligation de motivation par la BCE dans l’exercice de ses attributions de pouvoir adjudicateur à l’égard d’un candidat dont la demande de participation a été rejetée.

187    En effet, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt CMB et Christof/Commission, point 39 supra, la partie requérante, en l’occurrence deux entreprises dont l’offre n’avait pas été retenue, prétendait que l’attributaire du marché n’avait pas rapporté la preuve de la réalisation d’installations de référence, laquelle constituait un critère de sélection prévu par l’avis de marché.

188    Il convient, en outre, de relever que la requérante n’a pas allégué que le soumissionnaire retenu, ni aucun des autres candidats invités à prendre part à la seconde étape de la procédure dont le début correspond à une invitation à déposer une offre, ne satisfaisaient aux critères de sélection. La requérante s’est bornée à affirmer que sa propre demande de participation satisfaisait à tous les critères et aurait dû être retenue aux fins de la seconde étape de la procédure négociée.

189    La requérante prétend encore, dans le cadre de la réplique, que l’interprétation par la BCE de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2007/5, qui constitue une exception au principe de transparence prévu à l’article 3 de cette décision devant être interprétée restrictivement, serait en contradiction directe avec ledit principe « s’il pouvait être considéré qu’il exclut les offres qui satisfont aux exigences formelles et aux critères d’éligibilité et étaient considérées par l’équipe d’évaluation comme ne remplissant pas les critères de sélection fixés dès lors que cela signifierait que plus grande serait l’erreur d’appréciation lors de la procédure d’évaluation, moins la partie désavantagée aurait de droits dans le cadre du contrôle administratif puis juridictionnel de la décision d’attribution ».

190    De manière plus précise, la requérante a également fait valoir ce qui suit :

« [L]a divulgation des mérites relatifs des candidats retenus permettrait de vérifier si les critères de sélection ont effectivement été respectés par les différents candidats et si la procédure de sélection suivie était celle prévue par la décision de la BCE telle que spécifiée dans les documents de l’appel à candidatures applicable. C’est de cette façon que la requérante pourrait établir de façon certaine que l’évaluation des candidatures a été menée correctement et conformément aux critères de sélection. En outre, une telle information sur les offres des autres candidats mettrait la requérante en situation de vérifier quels genres de contrats ont été considérés comme liés au marché envisagé et ont constitué une preuve appropriée de l’expérience requise des candidats. »

191    Interrogée lors de l’audience sur la portée exacte de cette argumentation et, plus particulièrement, sur la possibilité que cette dernière puisse s’analyser en une exception d’illégalité de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2007/5, la requérante a répondu par la négative. En tout état de cause, une telle exception, qui n’est fondée sur aucun élément de droit ou de fait qui se serait révélé au cours de la procédure au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, Rec. p. II‑3923, point 51), aurait été déclarée irrecevable comme ayant été soulevée, pour la première fois, au stade de la réplique (arrêt de la Cour du 15 mai 2008, Espagne/Conseil, C‑442/04, Rec. p. I‑3517, point 23).

192    S’agissant de l’argumentation rappelée au point 189 ci-dessus, il y a lieu de constater qu’elle correspond à de simples déclarations spéculatives à caractère général insusceptibles de caractériser une violation de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2007/5 et qu’une interprétation de cette disposition ne saurait, en tout état de cause, aboutir à une dénaturation des termes clairs de celle-ci, lesquels prévoient que seuls les soumissionnaires seront informés du nom du soumissionnaire retenu et des caractéristiques essentielles et mérites relatifs de son offre.

193    En ce qui concerne les allégations de la requérante mentionnées au point 190 ci-dessus, il importe de souligner que l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2007/5 constitue une règle spécifique concernant la motivation des actes de la BCE, adoptés en sa qualité de pouvoir adjudicateur, de nature à affecter la situation juridique des candidats ou des soumissionnaires.

194    Ainsi qu’il a été rappelé au point 153 ci-dessus, la motivation a pour finalité de permettre à l’intéressé de connaître les justifications de la mesure prise, afin de pouvoir défendre ses droits et de vérifier si la décision est ou non fondée, et au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité.

195    La requérante ne saurait, dès lors, valablement revendiquer la divulgation des mérites relatifs des candidats retenus aux fins de vérifier, de manière générale, si les critères de sélection ont effectivement été respectés par les différents candidats et si la procédure de sélection suivie était celle prévue par la décision 2007/5 telle que spécifiée dans la documentation de l’appel d’offres concerné.

196    Il résulte, en outre, du rapport d’évaluation que la candidature du consortium a fait l’objet d’une évaluation individuelle au regard du critère de sélection, prévu au point III.4.2 de l’appel à candidatures, visant la démonstration d’un niveau de capacités organisationnelle et technique minimal, et qu’elle a été rejetée en raison de l’insuffisance des références contractuelles fournies au titre de la preuve de ladite capacité.

197    Compte tenu de cette situation, la candidature du consortium n’a pas été prise en compte lors de l’étape suivante de la procédure d’évaluation, laquelle comportait une comparaison des candidatures préalablement sélectionnées, et ce conformément au point III.4.3 de l’appel à candidatures.

198    Le texte en cause prévoit, en effet, que c’est parmi les candidats satisfaisant aux exigences minimales déterminées au point III.4.2 de l’appel à candidatures que la BCE sélectionne ceux qui répondent au mieux à divers critères de sélection affectés de coefficients de pondération.

199    Il apparaît ainsi que la requérante ne fait état d’aucun élément de nature à démontrer que les informations concernant les candidatures retenues lui étaient nécessaires afin de déterminer si l’évaluation de la demande de participation du consortium a été effectuée conformément à la décision 2007/5.

200    Il s’ensuit que le grief tiré d’une violation par la BCE de l’obligation de motivation doit être rejeté, sans qu’il y ait lieu d’ordonner, comme le sollicite la requérante, la production des références des candidatures retenues, ladite mesure ne présentant pas d’utilité pour la solution du litige.

 Sur l’introduction de nouveaux critères de sélection

201    La requérante soutient que la BCE a manifestement méconnu la documentation de l’appel d’offres et disqualifié sa candidature en introduisant a posteriori des critères nouveaux, ignorés des candidats, et ce en contradiction avec le principe d’égalité de traitement des opérateurs et avec l’obligation corrélative de transparence.

202    En premier lieu, elle allègue que, en prétendant que les services auraient dû être fournis « dans les centres de données du client », la BCE a introduit a posteriori un nouveau critère, inconnu des candidats.

203    Force est de constater que cette conclusion ne repose que sur une simple affirmation de la requérante qui n’est aucunement étayée. Les écritures de la requérante comportent même, au contraire, le rappel des termes du point I.2 de l’appel à candidatures sur le lieu d’exécution de la prestation de services.

204    Il résulte de ce point ainsi que du point II.1.2 de l’avis de marché que les candidats devaient fournir des références contractuelles démontrant l’exécution de prestations de services sur des infrastructures informatiques situées dans les locaux du client, la seule mention de la réalisation d’un « travail », hors site, correspondant manifestement à une activité mineure relative à des applications et non à l’infrastructure informatique.

205    Il ne s’agit en aucun cas d’un critère de sélection en lui-même, mais d’un élément de l’évaluation, indissociable du critère de sélection concernant l’exigence d’un niveau de capacités organisationnelle et technique minimal et la production subséquente de références contractuelles comparables en termes d’étendue, d’importance et de complexité aux marchés faisant l’objet de la procédure d’appel d’offres (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/OEDT, T‑63/06, non publié au Recueil, points 51 et 53).

206    L’argumentation de la requérante développée aux points 32 à 38 de la requête, dans le cadre du grief lié à l’introduction de nouveaux critères de sélection, relève, en réalité, de la critique du bien-fondé de la décision de rejet de la candidature du consortium et, plus particulièrement, de l’allégation de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation s’agissant de la distinction entre la prestation de services effectuée dans les « locaux de la BCE » et dans les locaux de fournisseurs hébergeurs.

207    En deuxième lieu, la requérante prétend que la durée n’est pas un critère de sélection valable, car il n’est pas mentionné dans la documentation de l’appel d’offres que les candidats devaient seulement présenter des références portant sur des durées de quatre ans. En outre, le but d’une référence serait de permettre à un candidat de démontrer qu’il a la capacité d’entreprendre des projets d’une dimension et d’une complexité technologique minimales et le fait que la plupart des références de la requérante aient une durée de deux ans ne les rendrait pas inappropriées et montrerait, au contraire, une capacité à fournir la prestation de services sur quatre ans.

208    Il suffit de constater que le point II.3 de l’avis de marché et le point I.4 de l’appel à candidatures précisent clairement la durée des relations contractuelles, soit pour le lot n° 1, des contrats-cadres d’une durée de quatre ans susceptible d’être prorogée pour une même période, et que les candidats avaient donc la possibilité de choisir, en toute connaissance de cause, des références contractuelles comparables sur le plan ratione temporis.

209    Il ne s’agit pas, là encore, d’un nouveau critère de sélection, mais d’un élément connu de l’évaluation, indissociable du critère de sélection exigeant la fourniture de références contractuelles comparables en termes d’étendue, d’importance et de complexité aux marchés faisant l’objet de la procédure d’appel d’offres.

210    Les considérations de la requérante sur le caractère néanmoins approprié de références contractuelles d’une durée de deux ans ne sont pas pertinentes dans le cadre de l’appréciation du grief lié à l’introduction de nouveaux critères de sélection.

211    En troisième lieu, la requérante prétend que, en invoquant le fait qu’elle avait omis de prouver sa « capacité à concevoir, intégrer et déployer une infrastructure informatique (par exemple une infrastructure virtuelle, une informatique en nuage, des moniteurs) dans les centres de données des clients » et de fournir des références « sur l’intégration et le déploiement de l’infrastructure de base (par exemple, outil réseau, stockage et grands systèmes) dans les centres de données du client », la BCE a introduit et appliqué, « pour les besoins de la cause », de nouveaux critères de sélection.

212    La requérante fait valoir que lesdits éléments ne sont pas mentionnés explicitement dans l’appel à candidatures comme faisant partie des critères de sélection. Nulle part dans l’appel à candidatures et dans le formulaire de candidature, il ne serait mentionné que les références pour les infrastructures informatiques fournies par les candidats devraient également démontrer la couverture de tous les domaines listés dans le point 6.1 dudit formulaire, ce qui serait confirmé par une constatation objective tenant à la disparité entre la longueur de l’exposé desdits domaines et la brève description de chaque référence, limitée à une seule page. La requérante conteste que ces éléments puissent être considérés comme « indissociables » du critère de sélection figurant au point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures, simplement du fait qu’ils se rapportent à une « infrastructure informatique » et, pour certains d’entre eux, sont mentionnés au point 6.1 du formulaire de candidature.

213    Premièrement, il y a lieu de rappeler que, afin de satisfaire au critère de sélection figurant au point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures, les candidats devaient fournir des références concernant trois marchés récents de développement d’infrastructure informatique (y compris la maintenance et l’assistance) comparables en termes d’étendue, d’importance et de complexité avec les marchés faisant l’objet de l’appel d’offres de la BCE.

214    L’appréhension complète de cette exigence implique de se référer, notamment, au formulaire de candidature et, plus particulièrement, aux points 6.1 et 6.2 de ce texte.

215    La formulation explicite du point 6.2 du formulaire de candidature contredit l’allégation de la requérante selon laquelle le point 6.1 constitue un critère de sélection autonome ayant trait à la nécessaire et seule confirmation par le candidat du fait que les services qui y sont mentionnés seront fournis. Il résulte du point 6.2 du formulaire de candidature que les références contractuelles doivent porter sur des marchés concernant la « prestation de services similaires à ceux qui sont requis par la BCE » et donc à ceux mentionnés dans le point 6.1 du formulaire de candidature.

216    L’argument fondé sur le format prétendument très limité imposé pour la description des références n’est pas de nature à infirmer la conclusion susvisée, sauf à dénaturer les termes clairs et précis du point 6.2 du formulaire de candidature.

217    Outre que la requérante s’appuie sur l’hypothèse, dépourvue de sens, de la nécessaire reproduction de chaque terme du point 6.1 du formulaire de candidature dans le format imposé, il y a lieu surtout de constater que le point 1 dudit formulaire indique clairement que, « lorsque l’espace accordé pour chaque réponse est insuffisant, s’il vous plaît continuez votre réponse sur une page séparée, en faisant, à nouveau, clairement apparaître le nom de votre société et le numéro de la question à laquelle elle se rapporte ».

218    Deuxièmement, il convient de relever que les citations mises en exergue par la requérante, rappelées au point 211 ci-dessus, correspondent à des résumés de l’évaluation des références contractuelles du consortium figurant, respectivement, dans le rapport et la grille d’évaluation. Ces résumés, qui contiennent une brève appréciation d’ensemble, sont précédés d’une analyse individuelle explicite de ces références révélant principalement une insuffisance de précision de celles-ci qui, combinée à d’autres éléments tels que la nature même des contrats concernés, leur durée ou le lieu d’exécution, a conduit à la conclusion de l’absence de pertinence de ces références dans le domaine de l’infrastructure informatique.

219    Les éléments figurant entre parenthèses, à savoir « infrastructure virtuelle », « informatique en nuage », « ordinateurs de bureau », « outil réseau », « stockage » et « grands systèmes », ne sont que des illustrations du grief conclusif tenant à la carence en matière d’ingénierie, d’intégration et de déploiement de l’infrastructure informatique que la requérante ne saurait valablement isoler, de manière artificielle, de la motivation d’ensemble pour les qualifier abusivement de nouveaux critères de sélection.

220    La requérante ne conteste pas et ne fournit, en tout état de cause, aucun élément concret contredisant la constatation objective de la BCE selon laquelle l’ingénierie, l’intégration et le déploiement constituent des compétences de base en matière d’infrastructure informatique.

221    Ainsi que le souligne à juste titre la BCE, les éléments « infrastructure virtuelle », « informatique en nuage » et « ordinateurs de bureau » sont évoqués dans la documentation de l’appel d’offres et plus particulièrement aux points 1.1.4 et 2.1 du tableau figurant au point 6.1 du formulaire de candidature, ce que la requérante ne conteste pas. La requérante elle-même complète les déclarations de la BCE en précisant, dans le cadre de son argumentation visant à établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, que lesdits éléments sont également mentionnés aux points 1.4.2 et 1.4.4 du tableau figurant au point 6.1 du formulaire de candidature.

222    La BCE ajoute, à bon droit, qu’il était « clair pour tous [les candidats] qu’ils auraient à fournir des services s’agissant des outils réseaux et du stockage tant ces systèmes sont essentiels à toute infrastructure informatique ».

223    Loin de contester une telle affirmation, la requérante l’approuve expressément, puisqu’elle indique elle-même, dans la note en bas de page n° 28 de la réplique, que les « outils réseaux et le système de stockage font toujours partie de l’infrastructure de toute organisation ».

224    La BCE précise encore que l’expression « systèmes étendus » a été utilisée par le comité d’évaluation pour décrire l’impression générale selon laquelle les infrastructures sur lesquelles les membres du consortium avaient travaillé étaient moins complexes que l’infrastructure informatique concernée par la procédure d’appel d’offres.

225    Cette expression doit être rapprochée du point 6.1 du formulaire de candidature qui contient la liste précise des services informatiques requis dans le cadre des marchés à attribuer, lesdits services devant couvrir l’ensemble du cycle de vie de l’infrastructure informatique selon les termes du point I.1 de l’appel à candidatures, ce qui traduit la taille et la complexité de l’infrastructure informatique concernée.

226    À cet égard, il est constant que la taille des systèmes, objet des références contractuelles, est un élément significatif de l’évaluation, étant rappelé que les candidats devaient fournir des références portant sur des marchés comparables en termes d’étendue, d’importance et de complexité avec les marchés faisant l’objet de l’appel d’offres de la BCE dans le domaine de l’infrastructure informatique.

227    Il résulte des considérations qui précèdent que la requérante reste en défaut de démontrer que la BCE a introduit de nouveaux critères de sélection aux fins de « disqualifier » la candidature du consortium, et le grief avancé en ce sens doit donc être écarté.

 Sur l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation

228    La requérante soutient qu’elle a inclus, dans sa candidature, six références concernant des contrats de portée, de dimension et de complexité comparables à celles des marchés pour lesquels la BCE a lancé un appel d’offres, qui portaient à la fois sur le domaine applicatif et sur le domaine de l’infrastructure informatique, et couvraient les services définis au point 6.1 du formulaire de candidature. Dans le cadre de son appréciation de ces références l’ayant conduite au rejet de cette candidature en raison d’un prétendu non-respect du critère de sélection défini au point III.4.2 de l’appel à candidatures, la BCE aurait commis des erreurs manifestes.

229    Selon une jurisprudence constante, les institutions, organes et organismes de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres et le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur grave et manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 23 novembre 1978, Agence européenne d’intérims/Commission, 56/77, Rec. p. 2215, point 20 ; du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, Rec. p. II‑4239, point 56, et Evropaïki Dynamiki/OEDT, point 205 supra, point 73).

230    En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la BCE a rejeté la candidature du consortium en raison du fait que cette dernière ne satisfaisait pas au critère de sélection prévu au point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures, lequel impose aux candidats de rapporter la preuve d’au moins « trois marchés similaires, exécutés au cours des trois derniers exercices, et comparables en termes d’étendue, d’importance et de complexité aux marchés faisant l’objet de la procédure d’appel d’offres de la BCE, couvrant à la fois le cadre des applications et le domaine des infrastructures informatiques ».

231    En réponse à une question de European Dynamics sur le nombre exact de références contractuelles devant être fourni, la BCE a indiqué ce qui suit :

« Un minimum de trois marchés analogues est exigé. La preuve peut en être apportée en présentant soit trois contrats couvrant, chacun, à la fois le ‘domaine applicatif’ et l’‘infrastructure informatique’, soit jusqu’à six contrats dans l’hypothèse où chacun de ces derniers ne couvrirait que le ‘domaine applicatif’ ou l’‘infrastructure informatique’. »

232    Il ressort du dossier que six références contractuelles ont été effectivement fournies dans le cadre de la candidature du consortium avec, d’un point de vue formel, trois références concernant les applications et trois références relatives à l’infrastructure informatique.

233    Les trois références concernant les applications se décomposent comme suit :

–        Référence 1 : « ESP DESIS – Prestation de services externes pour le développement, les études et le soutien de systèmes d’information », contrat exécuté par European Dynamics, débuté en octobre 2006 et achevé en avril 2011 ;

–        Référence 2 : « MARS – Archivage militaire et système de récupération des données », contrat exécuté par European Dynamics, débuté en décembre 2005 et achevé en décembre 2010 ;

–        Référence 3 : « RUN – Réseau sur les ressources humaines », contrat exécuté par AlmavivA et conclu pour la période allant de janvier 2007 à décembre 2009, avec reconduction annuelle, en cours.

234    Les trois références relatives à l’infrastructure informatique se présentent ainsi :

–        Référence 1 : « Introduction, application et déploiement d’une solution complète pour la mise en œuvre de procédures électroniques de passation de marchés publics à Chypre », contrat exécuté par European Dynamics, débuté en octobre 2007 et achevé en novembre 2009 ;

–        Référence 2 : « Service d’hébergement pour le ministère de la Santé », contrat exécuté par AlmavivA, débuté le 1er septembre 2008 et achevé le 31 août 2009 ;

–        Référence 3 : « Évaluation, contrôle et certification de système informatique », contrat exécuté par KPMG Advisory, débuté en 2008 et achevé en 2009.

235    Il importe de souligner que les candidats avaient l’obligation de compléter un tableau récapitulatif précisant le cadre de chaque référence et comportant, notamment, deux rubriques intitulées « Conseil en gestion des applications et services de livraison » et « Conseil en gestion d’infrastructure informatique et services de livraison ».

236    Il est constant que la requérante a complété ce tableau en indiquant que relèvent :

–        de la rubrique « Conseil en gestion des applications et services de livraison » non seulement les trois références en matière d’applications, mais aussi la référence 5 concernant l’infrastructure informatique ;

–        de la rubrique « Conseil en gestion d’infrastructure informatique et services de livraison » non seulement les trois références en matière d’infrastructure informatique, mais aussi les références 1 et 2 concernant les applications.

237    Le tableau récapitulatif des références contractuelles du consortium comporte donc un total de cinq références concernant l’infrastructure informatique.

238    En premier lieu, la requérante conteste l’analyse faite par le comité d’évaluation de la force probante des trois références spécifiquement répertoriées comme concernant l’infrastructure informatique et prétend que les éléments prétendument indissociables du critère de sélection, c’est-à-dire « l’infrastructure virtuelle, l’informatique en nuage, les ordinateurs de bureau, les outils réseau, le stockage, les systèmes étendus » sont présents dans au moins trois références, à savoir la référence 3 relative aux applications « RUN – Réseau sur les ressources humaines », la référence 2 relative à l’infrastructure informatique « Service d’hébergement pour le ministère de la Santé » et la référence 3 relative à l’infrastructure informatique « Évaluation, contrôle et certification de système informatique ».

239    La requérante soutient que le comité d’évaluation n’a pas considéré la référence 3 relative aux applications « RUN – Réseau sur les ressources humaines » de la société AlmavivA comme une référence valide dans le domaine de l’infrastructure informatique et a commis, ce faisant, une erreur manifeste d’appréciation. Il s’agirait, en effet, d’une référence valable, à la fois, en matière d’applications et d’infrastructure informatique et le fait qu’elle n’ait pas été répertoriée dans le tableau récapitulatif serait manifestement dû à une erreur de plume qui ne la rendrait pas inappropriée pour être prise en compte en tant que référence d’infrastructure informatique. Un simple contrôle de la description de la référence démontrerait immédiatement sa nature, la description des services fournis étant équivalente à celle des références 2 et 3 relatives à l’infrastructure informatique. La requérante fait observer que le comité d’évaluation a considéré, à juste titre, que « la référence d’infrastructure n° 1 [était] également valide en tant qu’application », ce qu’il aurait dû également relever pour la référence 3 relative aux applications.

240    Premièrement, il convient de relever que l’argumentation de la BCE présentée en réponse au grief susvisé de la requérante comporte une contradiction intrinsèque en ce qui concerne le rôle du comité d’évaluation.

241    Elle indique qu’il n’était pas tenu de corriger les références mentionnées par les candidats, ni autorisé à le faire, que la façon dont le tableau en cause est complété relève de la seule responsabilité des candidats et qu’il ne peut aller à l’encontre des choix opérés par ces derniers.

242    Or, elle admet, dans le même temps, que le comité d’évaluation a effectivement considéré que la référence 1 relative à l’infrastructure informatique, « Introduction, application et déploiement d’une solution complète pour la mise en œuvre de procédures électroniques de passation de marchés publics à Chypre », était également valable en tant que référence concernant une application, alors même que ladite référence n’était pas répertoriée comme telle dans le tableau récapitulatif établi par la requérante.

243    La BCE reconnaît même explicitement que la tâche du comité d’évaluation consiste à « déterminer le contenu de la référence dans son ensemble », qu’il a le « devoir d’évaluer le contenu des projets de référence afin de déterminer s’ils satisfont ou non aux exigences minimales » et que ledit comité « a pris en considération le contenu intégral de chacune des références et en a conclu qu’elles n’étaient pas de qualité suffisante ».

244    En tout état de cause, il suffit de constater qu’il résulte du rapport et de la grille d’évaluation que le comité concerné a effectivement pris en compte et analysé chacune des références produites par le consortium, y compris la référence 3 relative aux applications « RUN – Réseau sur les ressources humaines », aux fins d’apprécier sa capacité technique à exécuter les marchés à attribuer, conformément au critère de sélection de la section III.4.2 de l’appel à candidatures.

245    Deuxièmement, s’agissant de la force probante de la référence 3 relative aux applications « RUN – Réseau sur les ressources humaines » et des deux dernières références spécifiquement répertoriées comme concernant l’infrastructure informatique, intitulées « Service d’hébergement pour le ministère de la Santé » et « Évaluation, contrôle et certification de système informatique », le comité d’évaluation a clairement indiqué que la description de ces références, comportant la mention « Services fournis qui sont similaires à ceux du marché envisagé » suivie d’une liste de services et de technologies sans explications, ne pouvait être prise en considération dans l’évaluation.

246    À cet égard, il convient de relever que la description de la référence 3 relative aux applications « RUN – Réseau sur les ressources humaines », dans la demande de participation du consortium, comporte deux parties. La première contient des éléments de description du marché en question et se réfère au logiciel et à ses fonctionnalités, aucune composante d’infrastructure informatique n’apparaissant dans cette partie.

247    La seconde partie, intitulée « Services fournis similaires au marché envisagé », est ainsi libellée :

« Conception, développement et intégration de l’infrastructure informatique ; analyse de l’infrastructure technique informatique ; mise au point de la gestion du service et des exigences opérationnelles ; conseil en matière de sécurité : établissement de documents sur les exigences de sécurité, sur les procédures opérationnelles et sur les évaluations des risques ; services de développement, de conception, d’assistance et d’exploitation concernant l’infrastructure informatique ; services de conception relatifs à des systèmes et à des services d’hébergement basés sur Unix/Linux/Windows, sur Citrix et sur VMware ESX ; services de conception relatifs à l’informatique en nuage et aux nuages privés ; exploitation du centre de données, bureau des services, bureau du matériel informatique, assistance informatique ; services de conception, d’intégration et d’assistance concernant le poste de travail incluant des moniteurs, des clients légers, des périphériques portables et mobiles, ainsi qu’une virtualisation du client/de l’application, intégration et déploiement des logiciels ; intégration et déploiement de l’infrastructure ; développement et assistance basés sur Microsoft et sur Office ; développement basé sur des services relatifs à un progiciel SAP, maintenance et assistance pour l’ensemble de ses différents modules (spécifier le degré de couverture pour chaque module) ; développement du stockage des renseignements et données commerciaux incluant le développement, la maintenance et l’assistance concernant un extracto-chargeur (Extract-Transform-Load – ‘ETL’) (basé principalement sur Business Objects et sur SAP) ; conception de services de courriers électroniques, d’une gestion d’identité, de services d’annuaire téléphonique et de solutions de gestion d’accès en recourant à Microsoft, aux produits Oracle et aux technologies LDAP ; sécurité active et surveillance interne : investigation numérique légale, analyse des programmes malveillants, rétroconception ; gestion du dispositif de sécurité ; exploitation et conception de la sécurité du système (Microsoft, Sun, Linux, UNIX, Oracle, SAP) ; développement de système, intégration et assistance pour des outils et des plates-formes de gestion des ressources de l’entreprise ; développement de système, intégration et assistance pour des outils et des plates-formes de gestion du service informatique ».

248    Ainsi que le souligne à juste titre la BCE, cette description consiste en une longue suite de termes, assimilable à une énumération de mots-clés, sans explications sur le lien entre ces termes et le marché en question.

249    Dans ses écritures, la requérante se borne à reproduire purement et simplement cette seconde partie de la description de la référence en cause et à affirmer qu’elle est quasi identique à celle des références 2 et 3 relatives à l’infrastructure informatique.

250    Ces seules assertions sont insuffisantes pour démontrer que le comité d’évaluation a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne considérant pas la référence 3 relative aux applications « RUN – Réseau sur les ressources humaines » comme étant une référence valable dans le domaine de l’infrastructure informatique, étant rappelé que c’est à la requérante qu’incombe la charge de la preuve d’une irrégularité dans le cadre de l’examen des candidatures soumises (voir, par analogie, arrêt CMB et Christof/Commission, point 39 supra, point 183).

251    La seule mention de l’expression « infrastructure informatique » ou d’autres termes se rapportant à celle-ci dans le cadre d’une énumération abstraite d’éléments se succédant sans ordre apparent et sans explications d’aucune sorte quant à la question de savoir comment et dans quelle mesure ces éléments étaient réellement fournis et mis en œuvre aux fins de l’exécution du marché concerné ne permet pas de conclure que le comité d’évaluation aurait dû considérer la référence 3 relative aux applications « RUN – Réseau sur les ressources humaines » comme une référence valable pour la démonstration de la capacité technique requise dans le domaine de l’infrastructure informatique.

252    La constatation opérée par la requérante du fait que la seconde partie de la description de la référence 3 relative aux applications « RUN – Réseau sur les ressources humaines » est quasi identique à celle des deux dernières références spécifiquement répertoriées comme concernant l’infrastructure informatique, alors même qu’il s’agit de trois marchés distincts, ne fait que souligner le défaut de précision des descriptions de toutes ces références et, subséquemment, la carence qualitative de la candidature du consortium.

253    Il convient de relever que la requérante ne fournit pas davantage d’éléments concrets et objectifs de nature à contredire l’appréciation faite par le comité d’évaluation de la force probante de ses deux dernières références intitulées « Service d’hébergement pour le ministère de la Santé » et « Évaluation, contrôle et certification de système informatique ».

254    La requérante se borne, de nouveau, à reproduire, dans ses écritures, la partie de la description des références débutant par la mention « Services fournis similaires au marché envisagé » et à choisir, dans cette énumération de style télégraphique de services informatiques et de technologies, des termes pouvant se rapporter au domaine de l’infrastructure informatique et plus particulièrement aux notions d’infrastructure virtuelle, d’informatique en nuage, d’ordinateurs de bureau, d’outils réseau et de stockage mentionnées par le comité d’évaluation dans une synthèse conclusive quant à la constatation générale d’une insuffisance des références en matière d’infrastructure informatique, prises en compte et analysées individuellement.

255    Ces citations effectuées par la requérante ne sont pas de nature à contredire la constatation d’une absence d’explications suffisantes sur l’articulation entre l’énumération de services dans les références en cause, qui est la reproduction pour l’essentiel du point 6.1 du formulaire de candidature, et la teneur du marché référencé.

256    Troisièmement, s’agissant de la référence 1 relative à l’infrastructure informatique, « Introduction, application et déploiement d’une solution complète pour la mise en œuvre de procédures électroniques de passation de marchés publics à Chypre », la requérante conteste le fait que le comité d’évaluation ne la considère pas comme une référence valable dans le domaine de l’infrastructure informatique eu égard à la nature du marché en cause et au fait que ladite référence décrit « les éléments fonctionnels des applications avec des informations spécifiques insuffisantes concernant l’exécution des activités relatives à l’infrastructure informatique ».

257    Force est de constater que, à l’appui de son grief, la requérante se contente d’exciper de la mention, dans la description de la référence en cause, du terme « environnement », qui « inclut la fourniture à la fois du matériel et des programmes », et de celui de « déploiement », qui vise « le déploiement à la fois des infrastructures informatiques (matériel et le logiciel système) et l’application (système de passation de marchés par Internet) », sans autres précisions.

258    Outre ces déclarations péremptoires, la requérante reproduit une partie de la description de la référence en cause de la manière suivante :

« Matériel : serveurs (Linux), répartiteurs de charges, équipement de réseau (routeurs et commutateurs), pare-feux, infrastructure dédiée à l’assistance, dispositifs de détection des intrusions, antivirus, base de données de sauvegarde, solution complète de sauvegarde du système, serveur de stockage en réseau (network attached storage – ‘NAS’). »

259    Il s’agit, là encore, d’une énumération abstraite d’éléments se succédant sans ordre apparent et sans explications d’aucune sorte quant à la question de savoir comment et dans quelle mesure ces éléments étaient réellement fournis et mis en œuvre aux fins de l’exécution du marché concerné.

260    Ces allégations ne permettent pas de caractériser l’existence d’une erreur manifeste dans l’appréciation, par le comité d’évaluation, de la référence 1 relative à l’infrastructure informatique « Introduction, application et déploiement d’une solution complète pour la mise en œuvre de procédures électroniques de passation de marchés publics à Chypre ».

261    Les écritures de la requérante ne font, en réalité, que refléter et souligner le défaut de précision des références contractuelles du consortium, la requérante se bornant à un raisonnement purement déductif fondé sur la valeur évocatrice d’une certaine terminologie technique.

262    Or, la satisfaction du critère de sélection concernant la capacité organisationnelle et technique du candidat et la pertinence des références contractuelles censées la démontrer ne peuvent être inférées, comme le prétend en substance la requérante, de la seule mention de divers éléments se rapportant à la notion d’infrastructure informatique, sans explications sur leur mise en œuvre concrète dans le cadre de l’exécution du marché concerné, étant rappelé que le consortium était soumis, comme tous les autres candidats, à un devoir de diligence dans la rédaction de sa candidature (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 8 mai 1996, Adia interim/Commission, T‑19/95, Rec. p. II‑321, point 47).

263    En deuxième lieu, la requérante conteste l’appréciation du comité d’évaluation de la référence 2 relative à l’infrastructure informatique « Service d’hébergement pour le ministère de la Santé », laquelle a été considérée comme inappropriée, car ne correspondant pas à une prestation réalisée dans les locaux du client.

264    Selon la requérante, il ressort de la documentation de la procédure d’appel d’offres que les candidats devaient avoir l’expérience de prester des services à la fois dans les locaux du client et dans d’autres locaux et démontrer la fourniture de services au même endroit que le lieu d’implantation de l’infrastructure informatique, peu importe que ce dernier coïncide avec les locaux du client ou non. La référence 2 relative à l’infrastructure informatique « Service d’hébergement pour le ministère de la Santé » serait parfaitement conforme à l’exigence de la BCE que le contrat soit exécuté sur les lieux où se trouve l’infrastructure informatique. Son exclusion et l’admission corrélative des seules références concernant des services fournis dans les locaux du client seraient discriminatoires, car le prestataire proposant des services à partir d’un centre d’hébergement assumerait bien plus de responsabilités que celui se contentant de mettre à disposition des experts chargés d’effectuer des missions dans les locaux du client.

265    Il convient de rappeler les termes pertinents de la documentation de la procédure d’appel d’offres.

266    Le point II.1.2 de l’avis de marché énonce que le « [l]ieu principal d’exécution » se situe à la « BCE, Francfort-sur-le-Main » et dans les « [b]anques centrales nationales du SEBC ». Le point I.2 de l’appel à candidatures indique que « [l]es marchés devront être exécutés principalement dans les locaux de la BCE à Francfort-sur-le-Main », mais qu’« [i]l pourra toutefois être demandé aux signataires du contrat-cadre de prester des services en un lieu différent (par exemple dans une autre banque centrale de l’UE dans le cadre d’un projet commun) ou d’effectuer un travail (tel que le développement d’un logiciel ou d’autres livrables) hors site ».

267    Ainsi que le souligne à juste titre la BCE, les candidats pouvaient clairement déduire de ces textes que leurs références devaient se focaliser sur des prestations de services fournies dans les locaux des clients, la seule mention de la réalisation d’un « travail », hors site, correspondant manifestement à une activité mineure relative à des applications et non à l’infrastructure informatique.

268    Or, il est constant que la référence 2 relative à l’infrastructure informatique « Service d’hébergement pour le ministère de la Santé » est ainsi décrite dans le formulaire de candidature du consortium :

« Le site proposé pour héberger l’infrastructure du centre de données du ministère de la Santé est localisé sur le site d’AlmavivA à Rome. »

269    C’est au regard de cette description que le comité d’évaluation a qualifié correctement ladite référence en indiquant ce qui suit :

« La référence 2 consiste en un contrat d’externalisation pour l’hébergement du centre de données de leur client dans leurs propres locaux. »

270    Indépendamment du fait que ces formulations laissent à penser que l’infrastructure informatique concernée était bien celle du client, il est incontestable que cette dernière était hébergée dans les locaux d’AlmavivA, ce qui contredisait les termes clairs de la documentation de la procédure d’appel d’offres.

271    Les assertions de la requérante sur la préférence de la plupart des organisations pour l’implantation de leur centre de données dans un centre d’hébergement externe, la responsabilité plus importante de la société qui fournit des services dans le cadre d’un tel centre ou l’équivalence des services fournis pour l’utilisateur final, que l’infrastructure informatique soit ou non située physiquement dans les locaux du client, sont dépourvues de pertinence comme n’étant pas de nature à infirmer la constatation objective visée au point précédent.

272    Ces considérations, non étayées, constituent, en réalité, une remise en cause de la définition du critère de sélection se rapportant à la démonstration de la capacité technique des candidats à exécuter les marchés à attribuer, laquelle relève de la marge d’appréciation de la BCE.

273    En tout état de cause, la requérante reste en défaut de démontrer que le comité d’évaluation a commis une erreur manifeste d’appréciation en distinguant la situation d’une société fournissant des services en matière d’infrastructure informatique dans ses propres locaux de celle où cette prestation de services s’effectue dans les locaux d’un tiers.

274    Dans cette dernière situation, et ainsi que le relève à bon droit la BCE, la société concernée doit s’adapter à des exigences, à des processus et à des infrastructures externes, lesquels caractérisent une réelle complexité de l’environnement professionnel, et la qualité de ces services dépend grandement d’une parfaite adaptation à ces contingences externes. Force est de constater que la référence 2 relative à l’infrastructure informatique « Service d’hébergement pour le ministère de la Santé » était, à cet égard, inappropriée, dans la mesure où elle n’était pas susceptible de démontrer une expérience en termes d’adaptabilité.

275    En troisième lieu, la requérante conteste l’appréciation du comité d’évaluation selon laquelle « il n’y a pas trois références valables à prendre en compte en termes de durée » dans le domaine de l’infrastructure informatique. Outre l’allégation selon laquelle la notion de durée correspond à un nouveau critère de sélection, déjà examinée et rejetée aux points 208 à 210 ci-dessus, la requérante affirme que le fait que la plupart des références aient une durée de deux ans ne les rend pas inappropriées.

276    Il est constant que les trois références spécifiquement répertoriées comme afférentes au domaine de l’infrastructure informatique portent sur des contrats dont la durée d’exécution est inférieure à quatre ans, soit la durée des relations contractuelles prévue par le point II.3 de l’avis de marché et le point I.4 de l’appel à candidatures pour les contrats-cadres relevant du lot n° 1, une prorogation pour une même période étant également envisagée.

277    L’assertion de la requérante selon laquelle un contractant qui fournit des services pendant plus de deux ans démontre par là sa capacité à fournir des services pendant une période de quatre ans, pouvant aller jusqu’à huit ans, repose sur un simple présupposé subjectif qui n’est pas de nature à compenser la constatation objective d’une absence de références contractuelles appropriées sur le plan temporel.

278    En ce qui concerne les trois références spécifiquement inventoriées comme concernant le domaine des applications, il convient de relever que les deux premières satisfont à l’exigence temporelle contenue dans la documentation de l’appel d’offres, puisque portant sur des contrats d’une durée effective de plus de quatre ans, et ont été présentées par la requérante, dans le tableau récapitulatif du formulaire, comme concernant également le domaine de l’infrastructure informatique.

279    La référence 3 relative aux applications « RUN – Réseau sur les ressources humaines » concerne un contrat exécuté par AlmavivA, conclu pour la période allant de janvier 2007 à décembre 2009, avec reconduction annuelle, et mentionné comme étant « En cours » lors de l’introduction de la candidature.

280    Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la question n° 7 visant le point 6.2 du formulaire de candidature, European Dynamics a demandé si des contrats en cours étaient acceptables en tant que références. En réponse, la BCE a indiqué :

« Si par en cours vous voulez parler de contrats signés actifs, la réponse est oui. Si les contrats ne sont pas encore conclus, la réponse est non. »

281    Eu égard à cette réponse de la BCE, la référence 3 relative aux applications « RUN – Réseau sur les ressources humaines » pouvait être prise en compte dans le cadre de l’appréciation du critère de sélection défini au point III.4.2 de l’appel à candidatures et, compte tenu de son renouvellement annuel, le marché concerné avait atteint une durée effective d’exécution de plus de quatre ans lors du dépôt de la candidature du consortium le 12 mai 2011.

282    Toutefois, ces considérations ne sont pas de nature à contredire la conclusion négative du comité d’évaluation visant les références contractuelles dans le domaine de l’infrastructure informatique.

283    En effet, ainsi qu’il a été exposé, la requérante n’a pas démontré que le comité d’évaluation a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne considérant pas la référence 3 relative aux applications « RUN – Réseau sur les ressources humaines » comme étant une référence valable dans le domaine de l’infrastructure informatique (voir points 246 à 252 ci-dessus).

284    En outre, il convient de rappeler que, pour justifier sa conclusion négative, le comité d’évaluation a indiqué que « [l]es deux premières références concernant les applications […] décrivent les éléments fonctionnels des applications avec des informations spécifiques insuffisantes concernant l’exécution des activités relatives à l’infrastructure informatique ».

285    Cette constatation est confirmée par une simple lecture de la description des références contractuelles concernées, étant observé que celle relative à la référence intitulée « ESP DESIS – Prestation de services externes pour le développement, les études et le soutien de systèmes d’information » fait même état de l’utilisation de l’infrastructure fournie par la Commission.

286    S’agissant de ces deux premières références spécifiquement inventoriées comme concernant le domaine des applications, la requérante fait uniquement valoir ce qui suit au point 35 de la réplique :

« En ce qui concerne les deux premières références applicatives, qui sont désignées avec un Y[es] dans le tableau de la page 42 de l’annexe 6 à la candidature, le titre de la colonne concernée est ‘Conseil en gestion et services de livraison d’infrastructure informatique, y compris développement, intégration de systèmes, exploitation et assistance’ considérée dans un domaine général de l’informatique. En conséquence, une évaluation Y[es] est justifiée. Le comité d’évaluation a là encore mal interprété les indications de l’appel à candidatures. »

287    Il apparaît ainsi que la requérante se borne à souligner la pertinence de sa propre classification des deux références en cause dans le tableau récapitulatif au regard de l’intitulé d’une des rubriques de ce dernier. Elle ne présente aucun argument se rapportant à la teneur de la description de ces références aux fins de contredire l’appréciation du comité d’évaluation.

288    Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré que le comité d’évaluation a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il n’y avait pas « trois références valables à prendre en compte en termes de durée » dans le domaine de l’infrastructure informatique.

289    Il importe enfin de souligner que la requérante a produit un tableau synoptique censé démontrer que les contrats fournis à titre de référence ont couvert l’intégralité des services relatifs à une infrastructure informatique relevant du marché de la BCE, tels que ces services sont définis au point 6.1 du formulaire de candidature.

290    Dans ce tableau, la requérante s’est contentée de relier chacune des six références de la candidature avec certains des services informatiques mentionnés au point 6.1 du formulaire de candidature, sans autres précisions ou explications.

291    Ce document, établi par la requérante elle-même pour les besoins de la présente procédure, ne saurait être considéré comme la preuve de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation du comité d’évaluation.

292    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation doit être rejeté.

 Sur la violation de l’article 20 de la décision 2007/5 et des principes de bonne administration, de proportionnalité et d’égalité de traitement

293    La requérante indique que, si l’article 20 de la décision 2007/5 et le point III.1.2 de l’appel à candidatures donnent au comité d’évaluation la possibilité de demander des éclaircissements, la BCE ne s’en trouve pas pour autant libérée de son obligation d’agir comme une autorité équitable et impartiale et de respecter les attentes légitimes de la requérante, nées de ces dispositions, dans le fait que, si cela s’avérait nécessaire, le pouvoir adjudicateur ferait un bon usage de cette compétence afin de faire une juste évaluation des candidatures. Elle souligne que le juge de l’Union a lié ce pouvoir discrétionnaire du pouvoir adjudicateur au principe de bonne administration, avec pour corollaire une obligation d’exercer ce pouvoir dans des circonstances où, comme en l’espèce, il est à la fois clairement possible matériellement et nécessaire d’obtenir des précisions concernant une offre, et au principe de proportionnalité. Cette conclusion s’imposerait d’autant plus dans des affaires dans lesquelles le cahier des charges ne serait pas clair et dans lesquelles il serait demandé aux soumissionnaires de présenter leur offre sur une seule page. La requérante affirme que tous les comités placés dans une situation analogue demandent des explications, ainsi que cela résulte de l’annexe 12 de la requête, et que la BCE est elle-même coutumière d’une telle approche.

294    L’article 20 de la décision 2007/5 est libellé dans les termes suivants :

« Après ouverture des demandes de participation ou des offres par la BCE, celle-ci peut demander aux candidats et soumissionnaires de compléter la documentation fournie ou de clarifier des points spécifiques. Ces demandes ne doivent pas fausser une concurrence loyale ou créer une inégalité de traitement entre les candidats/soumissionnaires et ne doivent pas conduire à une altération des termes des demandes de participation ou des offres. »

295    Le point III.1.2 de l’appel à candidatures prévoit ce qui suit :

« La BCE pourra demander aux candidats de compléter leur candidature ou d’éclaircir certains points dans les limites exposées à l’article 20 de la décision […]2007/5. Les candidats devront répondre à ces demandes dans le délai raisonnable imparti par la BCE. »

296    Le point III.1.3 de l’appel à candidatures dispose :

« Pour les besoins de l’évaluation, la BCE pourra également prendre en considération toute autre information pertinente, que celle-ci émane d’une source publique ou de spécialistes. Elle pourra en outre contacter les personnes de référence mentionnées par les candidats et leur poser des questions spécifiques. Les questions et les réponses seront formulées par écrit. »

297    Il convient de relever que, de même que la BCE dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption d’une décision de passer un marché public par appel d’offres, elle jouit également d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer tant le contenu que la mise en œuvre des règles applicables à la passation, pour son propre compte, d’un marché public par appel d’offres (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 février 2006, TEA-CEGOS e.a./Commission, T‑376/05 et T‑383/05, Rec. p. II‑205, points 50 et 51, et Evropaïki Dynamiki/EFSA, point 95 supra, point 61).

298    Il ressort des termes mêmes de l’article 20 de la décision 2007/5 qu’il confère à la BCE la faculté de prendre contact avec des candidats ou des soumissionnaires dans les circonstances limitées qu’il énonce. Il en va de même de l’interrogation, au titre du point III.1.3 de l’appel à candidatures, des personnes dites de référence mentionnées par les candidats.

299    Néanmoins, le respect des principes généraux du droit peut engendrer une obligation pour le pouvoir adjudicateur de prendre contact avec un candidat ou un soumissionnaire (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Adia interim/Commission, point 262 supra, point 45, et Evropaïki Dynamiki/OEDT, point 205 supra, point 97).

300    Tel est le cas, notamment, lorsqu’il est à la fois clairement possible matériellement et nécessaire d’obtenir des précisions concernant une candidature. Lorsque le libellé d’une candidature et les circonstances de l’affaire dont le pouvoir adjudicateur a connaissance indiquent que l’ambiguïté peut vraisemblablement s’expliquer de manière simple et qu’elle peut être facilement levée, il est, en principe, contraire au principe de bonne administration qu’un comité d’évaluation rejette une candidature sans exercer son pouvoir de demander des précisions (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 27 septembre 2002, Tideland Signal/Commission, T‑211/02, Rec. p. II‑3781, point 37, et Antwerpse Bouwwerken/Commission, point 94 supra, point 56). En revanche, si le pouvoir adjudicateur n’a pas la possibilité d’établir, rapidement et efficacement, ce à quoi ladite candidature correspond effectivement, il n’a pas d’autre choix que de rejeter celle-ci, étant rappelé qu’il est essentiel, dans l’intérêt de la sécurité juridique, que le pouvoir adjudicateur soit en mesure de s’assurer avec précision du contenu de la candidature et, notamment, de la conformité de celle-ci avec les conditions prévues dans l’appel d’offres (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Tideland Signal/Commission, précité, point 34, et arrêt Evropaïki Dynamiki/OEDT, point 205 supra, point 98).

301    Il convient également de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions, organes et organismes de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis et que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 mai 1998, National Farmers’ Union e.a., C‑157/96, Rec. p. I‑2211, point 60).

302    Il y a lieu encore de relever que le pouvoir adjudicateur est tenu de traiter tous les candidats ou soumissionnaires de la même manière au regard de l’exercice du pouvoir de demander des précisions sur les candidatures ou les offres (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Tideland Signal/Commission, point 300 supra, point 38, et arrêt Antwerpse Bouwwerken/Commission, point 94 supra, point 79).

303    En l’espèce, la requérante se contente de citer deux observations du comité concerné figurant dans le rapport d’évaluation des références contractuelles du consortium, à savoir « Sans informations suffisamment précises sur l’exécution d’activités relatives à l’infrastructure informatique » et « Sans aucune explication pouvant être prise en compte dans l’évaluation », pour prétendre à l’existence d’ambigüités pouvant être levées par « une simple explication ».

304    Force est de constater que, ce faisant, la requérante n’excipe, ni a fortiori ne justifie, de l’existence d’ambigüités portant sur des points spécifiques des références en cause qui auraient pu être expliquées de manière simple et levées facilement. Au contraire, la requérante soutient encore que la BCE ayant reçu un nombre suffisant de références contractuelles au contenu connexe à l’objet de l’appel à candidatures, elle devait, dans la mesure où le comité d’évaluation était tenu d’évaluer l’adéquation de ces références, lui « demander, en cas d’incertitude, des éclaircissements », considérations qui vont manifestement bien au-delà de la notion d’ambiguïté pouvant être levée facilement et expliquée de manière simple (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 avril 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑554/08, non publié au Recueil, point 59).

305    Ces déclarations à caractère général de la requérante ne font que souligner l’insuffisance de précision, elle aussi générale, des références contractuelles qui, combinée à d’autres éléments tels que la nature même des contrats concernés, leur durée ou le lieu d’exécution, a conduit à la conclusion de l’absence de pertinence de ces références.

306    Les considérations qui précèdent ne sauraient être infirmées par l’allégation, vague et non étayée, d’une absence de clarté du « cahier des charges » et par le rappel d’un grief, déjà rejeté au point 217 ci-dessus, tenant au format de présentation des références.

307    Il découle également desdites considérations que la requérante reste en défaut de démontrer que la mise en œuvre de l’article 20 de la décision 2007/5 pouvait se traduire par une interruption et un retard minimes pour la procédure d’appel d’offres en cause (voir, en ce sens, arrêt Tideland Signal/Commission, point 300 supra, point 43).

308    S’agissant du respect du principe d’égalité de traitement, il importe de souligner que la requérante n’a ni démontré ni même et surtout allégué que la BCE a pris contact, dans le cadre de la procédure litigieuse, avec d’autres candidats se trouvant dans une situation comparable à la sienne, pour obtenir des renseignements ou des précisions concernant leurs références contractuelles, ou avec des personnes dites de référence mentionnées dans la candidature du consortium.

309    Il convient encore de relever que la BCE a clairement indiqué qu’elle n’a demandé à aucun candidat de fournir des informations supplémentaires sur ses références contractuelles et qu’aucun élément du dossier ne permet de douter de la véracité de cette assertion.

310    Au vu de ce qui précède, il apparaît que la requérante n’a pas établi que le comité d’évaluation a méconnu l’article 20 de la décision 2007/5 en décidant de ne pas faire usage de son pouvoir de demander des clarifications ou les termes du point III.1.3 de l’appel à candidatures en n’interrogeant pas des personnes dites de référence mentionnées dans la candidature du consortium.

311    Cette conclusion ne saurait être infirmée par deux arguments soulevés par la requérante dans ses écritures.

312    En premier lieu, la requérante affirme que tous les comités d’évaluation placés dans une situation analogue à celui de la BCE demandent des éclaircissements et produit un tableau comportant des « extraits de demandes similaires » qui lui ont été adressées par des pouvoirs adjudicateurs. Elle communique également une lettre de la Commission, adressée à la BCE, rapportant les déclarations de European Dynamics sur une demande du comité d’évaluation de la BCE d’entretien téléphonique avec un agent de cette institution pour obtenir des informations sur l’exécution d’un contrat-cadre, objet d’une référence produite dans le cadre d’un appel d’offres de la BCE.

313    De tels documents ne permettent pas, toutefois, une comparaison utile et une assimilation entre les exigences du présent appel à candidatures ainsi que la teneur de la candidature présentée dans ce cadre et ces mêmes éléments existant ou ayant existé dans le cadre d’autres procédures d’appel d’offres.

314    En second lieu, la requérante indique que l’article 20 de la décision 2007/5 et la jurisprudence relative à des textes équivalents ont suscité des attentes légitimes dans le fait que, si cela s’avérait nécessaire, le pouvoir adjudicateur ferait un bon usage de la possibilité de demander des éclaircissements afin de faire une juste évaluation des candidatures.

315    Il résulte ainsi des propres écritures de la requérante que cette dernière reconnaît elle-même la conditionnalité du pouvoir, conféré à une institution ou à un organe adjudicateur, de demander des éclaircissements aux candidats ou aux soumissionnaires. Or, la requérante n’a pas apporté la preuve que la BCE aurait dû, au regard des circonstances de l’espèce, mettre en œuvre cette prérogative. Elle ne saurait, dès lors, utilement invoquer une quelconque violation de ses attentes légitimes.

316    Il convient, enfin, de relever que la requérante fait valoir que, pour évaluer la pertinence de la décision du comité d’évaluation, il est « nécessaire que la juridiction de céans soit en mesure de vérifier si le pouvoir adjudicateur a demandé (dans le cadre de l’appel d’offres ou de l’appel à candidatures en cause, ou dans le cadre d’autres appels d’offres et appels à candidatures) à d’autres candidats de fournir une ou plusieurs précisions, et, dans l’affirmative, le type de précision demandée ».

317    Conformément à l’article 64, paragraphe 1, du règlement de procédure, les mesures d’organisation de la procédure visent à assurer, dans les meilleures conditions, la mise en état des affaires, le déroulement des procédures et le règlement des litiges. Les mesures d’instruction au titre des articles 65 à 67 du même règlement visent à permettre de prouver la véracité des allégations factuelles faites par une partie à l’appui de ses moyens. Il n’y a pas lieu d’ordonner une mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction proposée par un requérant lorsque celle-ci n’a pas pour objet de préciser les griefs qu’il a soulevés ou de prouver la véracité de ses allégations factuelles, mais se présente plutôt comme une tentative d’obtenir de nouveaux éléments à l’appui de son recours, dès lors que le requérant ne soulève pas de reproches concrets, susceptibles d’être vérifiés ou précisés par une demande de renseignements ou de documents spécifiques (arrêt du Tribunal du 8 novembre 2000, Bareyt e.a./Commission, T‑175/97, RecFP p. I‑A‑229 et II‑1053, points 89 à 91).

318    La partie qui fait la demande d’une mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction doit fournir au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité de la mesure pour les besoins de l’instance (arrêt du Tribunal du 18 janvier 2005, Entorn/Commission, T‑141/01, Rec. p. II‑95, point 132, confirmé sur pourvoi par ordonnance de la Cour du 12 janvier 2006, Entorn/Commission, C‑162/05 P, non publiée au Recueil).

319    Au regard du fait que la requérante n’allègue même pas l’existence d’un quelconque contact entre la BCE et d’autres candidats visant à obtenir, sur le fondement de l’article 20 de la décision 2007/5, des renseignements ou des clarifications, et des déclarations de la BCE sur l’inexistence de tels contacts, que le Tribunal n’a aucune raison de mettre en doute, il n’y a pas lieu, conformément à la jurisprudence susmentionnée, de faire droit à la demande, au demeurant imprécise, de la requérante visée au point 316 ci-dessus.

320    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief tiré d’une violation de l’article 20 de la décision 2007/5 et des principes de bonne administration, de proportionnalité et d’égalité de traitement, doit être rejeté.

 Sur le détournement de pouvoir

321    À titre liminaire, il convient de relever que, dans le cadre du grief tiré de la violation de l’article 20 de la décision 2007/5 et des principes de bonne administration, de proportionnalité et d’égalité de traitement, la requérante a également développé une argumentation visant, en réalité, à démontrer l’existence d’un détournement de pouvoir, commis par la BCE au cours de la procédure d’appel d’offres.

322    La requérante allègue ainsi que la phase de sélection a été utilisée comme une phase d’attribution sans en suivre les règles et critères spécifiques prévus par la législation applicable, la BCE ayant méconnu l’objet même d’une procédure de sélection. Or, les pouvoirs adjudicateurs n’auraient ni le droit ni intérêt à empêcher de manière déraisonnable des soumissionnaires éligibles d’accéder aux étapes subséquentes.

323    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir se réfère au fait, pour une autorité administrative, d’avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise à une telle fin (arrêts de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, Rec. p. I‑4023, point 24, et du 10 mai 2005, Italie/Commission, C‑400/99, Rec. p. I‑3657, point 38).

324    En l’espèce, il importe de souligner l’imprécision de l’allégation de la requérante selon laquelle « la phase de sélection a été utilisée comme une phase d’attribution sans en suivre les règles et critères spécifiques prévus par la législation applicable », aucune indication n’étant fournie sur la nature exacte des « règles » ou des « critères » visés.

325    La requérante se borne à affirmer que « des critères de sélection ne sauraient être utilisés pour éliminer de manière arbitraire des soumissionnaires éligibles en prétendant qu’ils ne sont pas parvenus à faire la preuve de leur éligibilité par exemple a) en recourant à un cahier des charges imprécis et ambigu ; b) en exigeant qu’ils présentent leurs références antérieures sur une page seulement, etc. ». Ce faisant, la requérante ne fait que réitérer un grief, déjà rejeté au point 217 ci-dessus, tenant au format de présentation des références et exciper, de manière vague et sans justifications, de l’imprécision du « cahier des charges », ce qui ne peut constituer la preuve d’indices objectifs, pertinents et concordants de l’existence d’un détournement de pouvoir.

326    Elle soutient également que le comité d’évaluation a fait une « utilisation irrégulière des critères de sélection en ce qu’il a ignoré que l’on recourt à de tels critères pour établir si un soumissionnaire est admissible ou non à prendre part à un appel d’offres » et que, « de fait, les pouvoirs adjudicateurs invitent les candidats à présenter leurs références antérieures aux fins de prouver qu’ils respectent ces critères ».

327    Il convient de rappeler que la vérification de la capacité des opérateurs à exécuter le marché est effectuée par le pouvoir adjudicateur conformément aux critères de sélection, c’est-à-dire aux critères de capacités économique, financière, technique et professionnelle (voir, en ce sens, arrêt Evropaïki Dynamiki/EFSA, point 95 supra, points 64 et 68, et la jurisprudence citée).

328    Or, en l’espèce, la fourniture des références contractuelles a été précisément demandée dans le cadre du critère de sélection défini au point III.4.2 de l’appel à candidatures et visant la vérification des capacités organisationnelle et technique des candidats à exécuter les marchés à attribuer.

329    Dans ces circonstances, la requérante ne saurait valablement reprocher à la BCE une « utilisation irrégulière des critères de sélection ».

330    La requérante fait encore observer que le nombre de candidats finalement sélectionnés par la BCE, en l’occurrence trois, coïncide avec celui des contractants pour les marchés concernés.

331    Si l’authenticité factuelle de cette observation n’est pas contestée par la BCE, cette dernière prétend que l’argument de la requérante est irrecevable pour « défaut d’intérêt à agir », la décision du comité d’attribution relative au nombre de candidats à inviter à participer à la procédure d’appel d’offres ne concernant pas la requérante.

332    Il convient de relever que c’est précisément en considération du fait que la candidature du consortium ne satisfaisait pas au critère de sélection prévu au point III.4.2 de l’appel à candidatures, en raison de l’insuffisance de ses références contractuelles, que ladite candidature n’a pas fait l’objet d’une analyse comparative au titre du point III.4.3 de l’appel à candidatures et que le consortium n’a donc pas été invité à présenter une offre. La requérante est, dès lors, parfaitement recevable à faire valoir tout argument visant à démontrer l’illégalité du rejet de la candidature du consortium, y compris un argument censé caractériser un indice objectif et pertinent d’un détournement de pouvoir tiré de la coïncidence du nombre de candidats sélectionnés avec celui des contractants pour les marchés concernés.

333    Si cet argument est recevable, il est, en revanche, dénué de fondement.

334    Conformément aux termes de l’avis de marché, le point III.1.1 de l’appel à candidatures prévoit que la BCE « entend inviter 8 candidats au plus pour le lot n° 1 […] à présenter une offre, s’il y a un nombre suffisant de candidats remplissant les critères de sélection », l’objectif étant la sélection de cinq contractants au plus pour les contrats-cadres relevant du lot n° 1 selon le point I.4 de l’appel à candidatures.

335    Le point III.4.3 de l’appel à candidatures précise que, parmi les candidats satisfaisant aux exigences minimales définies au point III.4.2 du même texte, la BCE sélectionnerait ceux répondant au mieux à différents critères de sélection mentionnés dans ce dernier point.

336    Les textes susmentionnés traduisent la marge d’appréciation de la BCE quant à la détermination du nombre total de candidats pouvant être invité à présenter une offre et de contractants pour le lot n° 1 de la procédure négociée en cause.

337    Il convient, en outre, de rappeler que l’article 13, paragraphe 4, de la décision 2007/5 relatif à la procédure négociée requiert de la BCE qu’elle invite « au moins trois candidats éligibles satisfaisant aux critères de sélection à présenter une offre pour autant qu’elle dispose d’un nombre suffisant de candidats satisfaisant à ces critères ».

338    Il s’ensuit que le grief tiré d’un détournement de pouvoir doit être rejeté.

339    Il résulte des considérations qui précèdent que les demandes d’annulation des décisions de la BCE des 5 août et 29 septembre 2011 doivent être rejetées.

2.     Sur la demande en indemnité

340    La requérante sollicite l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice constitué par la perte d’une chance et l’atteinte portée à sa réputation ainsi qu’à sa crédibilité et découlant de la décision illégale de la BCE de rejeter la candidature du consortium.

341    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 340, troisième alinéa, TFUE, la BCE doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par elle-même ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

342    Selon une jurisprudence bien établie, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, Rec. p. II‑729, point 44). Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêts de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, points 19 et 81, et du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37). Cette jurisprudence est applicable à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la BCE prévue à l’article 340, troisième alinéa, TFUE.

343    En l’espèce, il a été relevé dans le cadre de l’examen des demandes d’annulation que les décisions des 5 août et 29 septembre 2011 ne sont entachées d’aucune illégalité.

344    Par conséquent, la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché à la BCE n’étant pas remplie, il convient de rejeter la demande en indemnité comme étant non fondée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle, ni de faire droit à la demande de la requérante visant à ce que le Tribunal invite la BCE à fournir « les documents et les informations pertinentes qu’elle est seule à posséder » afin qu’elle puisse estimer le montant précis du préjudice allégué.

345    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

346    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de la BCE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      European Dynamics Luxembourg SA supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Banque centrale européenne (BCE).

Martins Ribeiro

Popescu

Berardis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 mai 2014.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur les demandes en annulation

Sur la recevabilité

Sur l’acte attaquable

–  Sur la recevabilité du recours en ce qu’il vise l’annulation de la décision du 29 septembre 2011

–  Sur la recevabilité du recours en ce qu’il vise l’annulation de « toutes les décisions connexes de la BCE »

Sur la recevabilité du recours introduit au nom et pour le compte du consortium

Sur la recevabilité du recours introduit au nom de la requérante

Sur le fond

Sur l’imprécision du critère de sélection mentionné au point III.4.2, sous b), de l’appel à candidatures

–  Sur la recevabilité du grief

–  Sur le bien-fondé du grief

Sur la violation de l’obligation de motivation

Sur l’introduction de nouveaux critères de sélection

Sur l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation

Sur la violation de l’article 20 de la décision 2007/5 et des principes de bonne administration, de proportionnalité et d’égalité de traitement

Sur le détournement de pouvoir

2.  Sur la demande en indemnité

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.