Language of document : ECLI:EU:T:2024:44

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

31 janvier 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale AMAZING AIR – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑269/23,

AirDoctor, LLC, établie à Sherman Oaks, Californie (États-Unis), représentée par Me K. Rantala, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. N. Lamsters et T. Klee, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni et S. L. Kalėda (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, AirDoctor, LLC, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 8 mars 2023 (affaire R 2299/2022-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 13 juin 2022, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal AMAZING AIR.

3        La marque demandée désignait les produits relevant de la classe 11 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Purificateurs d’air ».

4        Par une décision du 23 septembre 2022, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1) lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement.

5        Le 23 novembre 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En substance, elle a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 pour le grand public et le public professionnel anglophone de l’Union européenne, dès lors qu’elle serait perçue comme signifiant « un très bon air » et comme constituant donc une expression élogieuse en rapport avec les produits en cause, à savoir des purificateurs d’air.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

 En droit

9        Au soutien de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement. Elle reproche à la chambre de recours d’avoir conclu à tort à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

10      À cet égard, la requérante soutient que le fait que la marque demandée puisse être considérée comme une formule promotionnelle ou un slogan publicitaire, ou qu’elle soit de nature élogieuse, n’empêche pas qu’elle revête un caractère distinctif.

11      En outre, le mot « amazing » ne serait pas immédiatement compris dans le sens de « très bon », mais plutôt dans le sens de « très surprenant », « étonnant », « stupéfiant » ou « provoquant l’émerveillement ». Dès lors que la qualité de l’air n’est généralement pas définie par de tels adjectifs, le public pertinent ne percevrait pas la marque demandée comme un message élogieux. La marque demandée serait une combinaison inhabituelle de mots, nécessitant une certaine interprétation par le public pertinent. Ainsi, le lien entre le signe en cause et les produits visés par la marque demandée ne serait pas suffisant pour que ce signe soit dépourvu de caractère distinctif à l’égard de ces produits.

12      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

13      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

14      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

15      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

16      La notion d’intérêt général sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 48).

17      Il résulte également de la jurisprudence que, si toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif même simple, elles peuvent néanmoins être aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné [arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 56 et 57, et du 22 mars 2017, Hoffmann/EUIPO (Genius), T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 28].

18      Il s’ensuit qu’une marque constituée de tels signes ou d’indications doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée  par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés [voir arrêt du 17 septembre 2015, Volkswagen/OHMI (COMPETITION), T‑550/14, EU:T:2015:640, point 17 et jurisprudence citée].

19      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le prétend la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement, en concluant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

20      En premier lieu, s’agissant du public pertinent, la chambre de recours a considéré que les produits concernés s’adressaient au grand public et au public professionnel dont le niveau d’attention varie de moyen à élevé.

21      En outre, étant donné que la marque demandée se compose de mots anglais, la chambre de recours a fondé son appréciation sur le public anglophone de l’Union.

22      Ces appréciations de la chambre de recours ne sont pas contestées par la requérante.

23      En second lieu, s’agissant de la perception par le public pertinent de la signification de la marque demandée au regard des produits visés, la chambre de recours a considéré que l’expression « amazing air », serait comprise comme signifiant « very good air » et faisait donc référence à l’air d’une bonne qualité. Elle en a ainsi déduit que le public anglophone pertinent percevrait la marque demandée comme fournissant l’information purement élogieuse selon laquelle les purificateurs d’air améliorent la qualité de l’air. Il en irait de même si le mot « amazing » (étonnant) était perçu comme étant un synonyme ou un superlatif de l’expression « very good » (très bon). Relevant ensuite qu’il n’y avait pas d’éléments stylistiques dans la marque demandée, elle en a déduit que le public pertinent comprendrait immédiatement que la marque demandée était un message promotionnel et élogieux qui soulignait les aspects positifs des produits pour lesquels l’enregistrement était demandé.

24      Cette appréciation est exempte d’erreur.

25      Tout d’abord, il convient de constater que, ainsi que la chambre de recours l’a retenu à juste titre, le signe demandé est construit conformément aux règles de la grammaire anglaise, ne constitue aucun jeu de mots et ne présente aucune caractéristique inhabituelle. Si de très légères nuances dans sa compréhension sont possibles, cette circonstance n’implique nullement que sa signification serait vague, imprécise ou ambiguë [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Knauf/EUIPO (upgrade your personality), T‑102/18, EU:T:2018:932, point 28]. Concernant les produits en cause, ce signe renvoie toujours au même sens, à savoir que les consommateurs peuvent s’attendre à une qualité de l’air supérieure.

26      Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le mot « amazing » serait compris dans le sens de « très surprenant », « étonnant », « stupéfiant » ou « provoquant l’émerveillement », il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que ces significations seront perçues comme des synonymes ou des superlatifs de l’expression « très bon », transmettant la même idée, à savoir que les produits en cause améliorent la qualité de l’air.

27      Enfin, contrairement aux arguments de la requérante, le signe en cause ne présente aucune originalité ou prégnance, ne nécessite pas un minimum d’effort d’interprétation, ni ne déclenche un processus cognitif auprès du public pertinent au sens de la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus.

28      Dans la mesure où le public pertinent est peu attentif à l’égard d’un signe qui ne lui donne pas d’emblée une indication sur la provenance ou la destination de ce qu’il souhaite acheter, mais plutôt une information exclusivement promotionnelle et abstraite, il ne s’attardera ni à rechercher les différents sens éventuels de l’expression constituant le signe demandé ni à la mémoriser en tant que marque [voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2019, Daimler/EUIPO (ROAD EFFICIENCY), T‑749/18, non publié, EU:T:2019:688, point 39].

29      Par conséquent, conformément à la jurisprudence exposée aux points 17 et 18 ci-dessus, la chambre de recours a à juste titre considéré que la marque demandée serait perçue par le public pertinent comme un simple slogan promotionnel visant à mettre en avant les caractéristiques positives des produits en cause.

30      Il résulte de ces considérations que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif pour les produits visés.

31      Au vu de tout ce qui précède, il convient d’écarter le moyen unique comme étant non fondé et, partant, de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

32      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

33      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas de convocation à une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      AirDoctor, LLC et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporteront leurs propres dépens.

Spielmann

Mastroianni

Kalėda

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 31 janvier 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.