Language of document : ECLI:EU:C:2021:1038

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

21 décembre 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Transports aériens – Règlement (CE) no 261/2004 – Règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas d’annulation ou de retard important d’un vol – Articles 2 et 3 – Notions de “transporteur aérien effectif”, de “réservation confirmée” et d’“heure d’arrivée prévue” – Articles 5, 7 et 8 – Avancement de l’heure de départ du vol par rapport à l’heure de départ initialement prévue – Qualification – Réduction du montant de l’indemnisation – Offre de réacheminement – Article 14 – Obligation d’informer les passagers de leurs droits – Portée »

Dans les affaires jointes C‑146/20, C‑188/20, C‑196/20 et C‑270/20,

ayant pour objet quatre demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, dont une demande introduite par le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche), par décision du 16 juin 2020, parvenue à la Cour le 18 juin 2020 (C‑270/20), et trois demandes introduites par le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne), par décision du 17 février 2020 (C‑146/20) ainsi que du 6 avril 2020 (C‑188/20 et C‑196/20), parvenues à la Cour le 20 mars 2020 (C‑146/20), le 30 avril 2020 (C‑188/20) et le 6 mai 2020 (C‑196/20), dans les procédures

AD,

BE,

CF

contre

Corendon Airlines (C‑146/20),

et

JG,

LH,

MI,

NJ,

contre

OP, agissant en qualité de liquidateur d’Azurair GmbH,

en présence de :

alltours flugreisen GmbH (C‑188/20),

et

Eurowings GmbH

contre

flightright GmbH (C‑196/20),

et

AG,

MG,

HG,

contre

Austrian Airlines AG (C‑270/20),

LA COUR (première chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. J.‑C. Bonichot et M. Safjan (rapporteur), juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 juin 2021,

considérant les observations présentées :

–        pour JG, LH, MI, NJ, par Me H. Hopperdietzel, Rechtsanwalt,

–        pour Eurowings GmbH, par Mes Y. Pochyla et W. Bloch, Rechtsanwälte,

–        pour AG, MG et HG, par Me F. Puschkarski, Rechtsanwältin,

–        pour Corendon Airlines et OP, agissant en qualité de liquidateur d’Azurair GmbH, par Me N. Serfort, Rechtsanwalt,

–        pour flightright GmbH, initialement par Me T. Mauser, puis par Mes R. Weist et M. Michel, Rechtsanwälte,

–        pour Austrian Airlines AG, par Me C. Krones, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller, M. Hellmann, J. Heitz, U. Kühne et U. Bartl, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement autrichien, par MM. A. Posch et G. Kunnert ainsi que par Mme J. Schmoll, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. K. Simonsson, R. Pethke et G. Braun, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 2, sous b), f) à h) et l), de l’article 3, paragraphe 2, sous a), de l’article 5, paragraphe 1, de l’article 7, paragraphes 1 et 2, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), ainsi que de l’article 14, paragraphe 2, du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (JO 2004, L 46, p. 1).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant des passagers aériens à des compagnies aériennes (C‑146/20, C‑188/20 et C‑270/20) ainsi qu’une compagnie aérienne à flightright GmbH venant aux droits de passagers aériens (C‑196/20) au sujet de l’indemnisation de ces passagers au titre du règlement no 261/2004.

 Le cadre juridique

3        Aux termes des considérants 1 et 20 du règlement no 261/2004 :

« (1)      L’action de [l’Union] dans le domaine des transports aériens devrait notamment viser à garantir un niveau élevé de protection des passagers. Il convient en outre de tenir pleinement compte des exigences de protection des consommateurs en général.

[...]

(20)      Les passagers devraient être pleinement informés de leurs droits en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, afin d’être en mesure d’exercer efficacement ces droits. »

4        L’article 2 de ce règlement prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

b)      “transporteur aérien effectif”, un transporteur aérien qui réalise ou a l’intention de réaliser un vol dans le cadre d’un contrat conclu avec un passager, ou au nom d’une autre personne, morale ou physique, qui a conclu un contrat avec ce passager ;

[...]

f)      “billet”, un document en cours de validité établissant le droit au transport, ou quelque chose d’équivalent sous forme immatérielle, y compris électronique, délivré ou autorisé par le transporteur aérien ou son agent agréé ;

g)      “réservation”, le fait pour un passager d’être en possession d’un billet, ou d’une autre preuve, indiquant que la réservation a été acceptée et enregistrée par le transporteur aérien ou l’organisateur de voyages ;

h)      “destination finale”, la destination figurant sur le billet présenté au comptoir d’enregistrement, ou, dans le cas des vols avec correspondances, la destination du dernier vol ; les vols avec correspondances disponibles comme solution de remplacement ne sont pas pris en compte si l’heure d’arrivée initialement prévue est respectée ;

[...]

l)      “annulation”, le fait qu’un vol qui était prévu initialement et sur lequel au moins une place était réservée n’a pas été effectué. »

5        L’article 3 dudit règlement dispose :

« 1.      Le présent règlement s’applique :

a)      aux passagers au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité ;

b)      aux passagers au départ d’un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre soumis aux dispositions du traité, à moins que ces passagers ne bénéficient de prestations ou d’une indemnisation et d’une assistance dans ce pays tiers, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur [de l’Union].

2.      Le paragraphe 1 s’applique à condition que les passagers :

a)      disposent d’une réservation confirmée pour le vol concerné et se présentent, sauf en cas d’annulation visée à l’article 5, à l’enregistrement :

–        comme spécifié et à l’heure indiquée à l’avance et par écrit (y compris par voie électronique) par le transporteur aérien, l’organisateur de voyages ou un agent de voyages autorisé,

ou, en l’absence d’indication d’heure,

–        au plus tard quarante-cinq minutes avant l’heure de départ publiée, ou

b)      aient été transférés par le transporteur aérien ou l’organisateur de voyages, du vol pour lequel ils possédaient une réservation vers un autre vol, quelle qu’en soit la raison.

[...] »

6        L’article 5 du même règlement dispose, à son paragraphe 1 :

« En cas d’annulation d’un vol, les passagers concernés :

a)      se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 8 ;

b)      se voient offrir par le transporteur aérien effectif une assistance conformément à l’article 9, paragraphe 1, point a), et paragraphe 2, de même que, dans le cas d’un réacheminement lorsque l’heure de départ raisonnablement attendue du nouveau vol est au moins le jour suivant le départ planifié pour le vol annulé, l’assistance prévue à l’article 9, paragraphe 1, points b) et c), et

c)      ont droit à une indemnisation du transporteur aérien effectif conformément à l’article 7, à moins qu’ils soient informés de l’annulation du vol :

i)      au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue, ou

ii)      de deux semaines à sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt deux heures avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de quatre heures après l’heure d’arrivée prévue, ou

iii)      moins de sept jours avant l’heure de départ prévue si on leur offre un réacheminement leur permettant de partir au plus tôt une heure avant l’heure de départ prévue et d’atteindre leur destination finale moins de deux heures après l’heure prévue d’arrivée. »

7        Aux termes de l’article 7 du règlement no 261/2004 :

« 1.      Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à :

[...]

b)      400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 kilomètres ;

[...]

Pour déterminer la distance à prendre en considération, il est tenu compte de la dernière destination où le passager arrivera après l’heure prévue du fait du refus d’embarquement ou de l’annulation.

2.      Lorsque, en application de l’article 8, un passager se voit proposer un réacheminement vers sa destination finale sur un autre vol dont l’heure d’arrivée ne dépasse pas l’heure d’arrivée prévue du vol initialement réservé :

[...]

b)      de trois heures pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 kilomètres, [...]

[...]

le transporteur aérien effectif peut réduire de 50 % le montant de l’indemnisation prévue au paragraphe 1.

[...] »

8        L’article 8, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Lorsqu’il est fait référence au présent article, les passagers se voient proposer le choix entre :

a)      –      le remboursement du billet, dans un délai de sept jours, selon les modalités visées à l’article 7, paragraphe 3, au prix auquel il a été acheté, pour la ou les parties du voyage non effectuées et pour la ou les parties du voyage déjà effectuées et devenues inutiles par rapport à leur plan de voyage initial, ainsi que, le cas échéant,

–        un vol retour vers leur point de départ initial dans les meilleurs délais ;

b)      un réacheminement vers leur destination finale, dans des conditions de transport comparables et dans les meilleurs délais, ou

c)      un réacheminement vers leur destination finale dans des conditions de transport comparables à une date ultérieure, à leur convenance, sous réserve de la disponibilité de sièges. »

9        L’article 13 dudit règlement prévoit :

« Lorsqu’un transporteur aérien effectif verse une indemnité ou s’acquitte d’autres obligations lui incombant en vertu du présent règlement, aucune disposition de ce dernier ne peut être interprétée comme limitant son droit à demander réparation à toute personne, y compris des tiers, conformément au droit national applicable. En particulier, le présent règlement ne limite aucunement le droit du transporteur aérien effectif de demander réparation à un organisateur de voyages ou une autre personne avec laquelle le transporteur aérien effectif a conclu un contrat. De même, aucune disposition du présent règlement ne peut être interprétée comme limitant le droit d’un organisateur de voyages ou d’un tiers, autre que le passager avec lequel un transporteur aérien effectif a conclu un contrat, de demander réparation au transporteur aérien effectif conformément aux lois pertinentes applicables. »

10      Aux termes de l’article 14, paragraphe 2, du même règlement :

« Le transporteur aérien effectif qui refuse l’embarquement ou qui annule un vol présente à chaque passager concerné une notice écrite reprenant les règles d’indemnisation et d’assistance conformément aux dispositions du présent règlement. Il présente également cette notice à tout passager subissant un retard d’au moins deux heures. Les coordonnées de l’organisme national désigné visé à l’article 16 sont également fournies par écrit au passager. »

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

 L’affaire C-146/20

11      Les passagers aériens AD, BE et CF ont réservé, par l’intermédiaire d’une agence de voyages, un voyage à forfait à destination d’Antalya (Turquie). À la suite de cette réservation, la compagnie aérienne Corendon Airlines a confirmé que le vol aurait lieu le 18 mai 2018 au départ de Düsseldorf (Allemagne) et à destination d’Antalya, l’heure de départ étant fixée à 10 h 20. Par la suite, Corendon Airlines a avancé ce vol d’une heure et quarante minutes, le fixant à 08 h 40 le même jour, conservant cependant le même numéro de vol.

12      Ces passagers, n’ayant pas pu prendre le vol ainsi avancé, ont introduit un recours contre Corendon Airlines devant l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf, Allemagne), tendant à obtenir, notamment, une indemnisation au titre de l’article 5, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004. Au soutien de leur recours, lesdits passagers ont fait valoir qu’ils n’avaient pas été informés de l’avancement de leur vol et que cet avancement constituait en réalité une « annulation » dudit vol, au sens de l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement. Corendon Airlines a, en revanche, considéré que les mêmes passagers avaient été informés de l’avancement de leur vol par l’organisateur de voyages le 8 mai 2018.

13      L’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) a considéré que l’avancement d’une heure et quarante minutes d’un vol ne constituait pas une « annulation » de ce vol dans la mesure où cet avancement était négligeable et a, en conséquence, rejeté le recours desdits passagers.

14      Ceux-ci ont interjeté appel du jugement de cette juridiction devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne), la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑146/20. Cette dernière s’interroge sur le point de savoir si le raisonnement retenu par l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) est conforme au règlement no 261/2004.

15      C’est dans ces conditions que le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Y-a-t-il annulation d’un vol au sens de l’article 2, sous l), et de l’article 5, paragraphe 1, du [règlement no 261/2004] lorsque le transporteur aérien effectif avance le vol réservé dans le cadre d’un voyage à forfait avec une heure de départ prévue à 10 h 20 [heure locale] à 8 h 40 [heure locale] le même jour ?

2)      L’information donnée [dix] jours avant le début du voyage sur l’avancement d’un vol de 10 h 20 [heure locale] à 8 h 40 [heure locale] le même jour est‑elle une offre de réacheminement au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement ? »

 L’affaire C188/20

16      LH a réservé, pour elle-même et d’autres passagers aériens, un voyage à forfait à destination de Side (Turquie) auprès d’une agence de voyages, comprenant un transport aérien aller-retour reliant Düsseldorf à Antalya.

17      Un document intitulé « inscription au voyage », transmis à LH, mentionnait deux vols opérés par la compagnie aérienne Azurair GmbH, à savoir un premier vol, portant le numéro ARZ 8711, du 15 juillet 2018, reliant Düsseldorf à Antalya, dont l’heure de départ était prévue à 6 h 00 et l’heure d’arrivée à 10 h 30 et un second vol, portant le numéro ARZ 8712, du 5 août 2018, reliant Antalya à Düsseldorf, dont l’heure de départ était prévue à 12 h 00 et l’heure d’arrivée à 14 h 45. Sur ce document, aux côtés de ces données, figurait la mention suivante, écrite en majuscule : « Horaires provisoires – Pour votre propre sécurité, veuillez vérifier le vol dans vos billets ».

18      Les passagers ont pris les vols portant les numéros indiqués sur ledit document. Toutefois, pour le vol aller, ils ont atteint Antalya à 01 h 19 le 16 juillet 2018 et, pour le vol retour, l’avion a décollé à 05 h 10, le 5 août 2018. Dans ces conditions, ces passagers ont réclamé à Azurair le paiement d’indemnisations en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 devant l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf). S’appuyant sur les données indiquées dans l’« inscription au voyage », ils ont fait valoir que le vol aller avait subi un retard de plus de trois heures à l’arrivée, tandis que le vol retour avait été annulé, l’avancement du vol devant être qualifié d’« annulation », au sens de l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement.

19      Azurair a, pour sa part, fait valoir qu’elle n’avait pas programmé les vols en question aux horaires indiqués dans l’« inscription au voyage », mais que sa programmation correspondait aux indications figurant dans la « confirmation de voyage/facture » adressée le 22 janvier 2018 à alltours flugreisen GmbH, en sa qualité d’organisateur de voyages.

20      Selon cette programmation, le vol aller devait décoller le 15 juillet 2018 à 20 h 05 et atterrir à 0 h 40 le lendemain, et le vol retour devait décoller le 5 août 2018 à 8 h 00 et atterrir à 10 h 50. Quant au vol aller, tel qu’indiqué sur ladite programmation, le retard à l’arrivée ne constituerait pas un retard de trois heures ou plus. Pour le vol retour, si celui-ci a été effectivement avancé, également par rapport à la programmation indiquée par Azurair, cet avancement ne constituerait pas une « annulation », au sens de l’article 2, sous l), dudit règlement. Azurair a, par ailleurs, demandé qu’une éventuelle indemnisation soit réduite en vertu de l’article 7, paragraphe 2, sous b), du même règlement, au motif que les passagers seraient arrivés à leur destination finale seulement deux heures et cinquante minutes avant l’heure d’arrivée prévue.

21      L’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) a rejeté ce recours au motif que l’« inscription au voyage » ne constituait pas une confirmation de « réservation », au sens de l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004, dès lors qu’il ressortait clairement de cette inscription que les horaires de vol n’étaient que provisoires. Il ressort de la décision de renvoi qu’il n’existait pas de document pouvant être identifié en tant que « billet », au sens de l’article 2, sous f), de ce règlement.

22      Les passagers aériens ont interjeté appel du jugement de cette juridiction devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf), la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑188/20. Cette dernière s’interroge sur le point de savoir si la position retenue par l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) est conforme aux dispositions du règlement no 261/2004.

23      C’est dans ces conditions que le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Un passager dispose-t-il d’une “réservation confirmée” au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), du [règlement no 261/2004], lorsqu’il a reçu d’un organisateur de voyages, auquel il est lié contractuellement, une “autre preuve” au sens de l’article 2, sous g), [de ce règlement], qui contient une promesse de le transporter sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, sans que l’organisateur de voyages ait fait de réservation pour ce vol auprès du transporteur aérien concerné et qu’il ait reçu de confirmation de ce dernier ?

2)      Pour qu’un transporteur aérien soit considéré comme un “transporteur aérien effectif” au sens de l’article 2, sous b), du règlement no 261/2004 par rapport à un passager, est-il suffisant que ce passager soit lié contractuellement à un organisateur de voyages, qui a promis de le transporter sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, lorsque l’organisateur de voyages n’a pas fait de réservation pour le passager et n’a donc pas établi de relation contractuelle avec le transporteur aérien concernant ce vol ?

3)      L’“heure d’arrivée prévue” d’un vol au sens de l’article 2, sous h), de l’article 5, paragraphe 1, sous c), de l’article 7, paragraphe 1, deuxième phrase, et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 peut-elle résulter, aux fins de l’indemnisation pour cause d’annulation ou de retard important, d’une “autre preuve” qui a été transmise par un organisateur de voyages à un passager ou faut-il se fonder à cet égard sur le billet au sens de l’article 2, sous f), [de ce règlement] ?

4)      Y a-t-il annulation d’un vol au sens de l’article 2, sous l), et de l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 lorsque le transporteur aérien effectif avance le vol réservé dans le cadre d’un voyage à forfait d’au moins deux heures et dix minutes le même jour ?

5)      Le transporteur aérien effectif peut-il réduire l’indemnisation prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 261/2004, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement, lorsque l’heure à laquelle le vol a été avancé se situe dans les limites visées dans cette disposition ?

6)      L’information donnée avant le début du voyage sur l’avancement d’un vol est-elle une offre de réacheminement au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 ?

7)      L’article 14, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 impose-t-il au transporteur aérien effectif d’informer le passager de la dénomination exacte de l’entreprise et de l’adresse auprès desquelles il peut réclamer l’indemnité calculée en fonction de la distance, ainsi que du montant de celle‑ci, et, le cas échéant, de préciser quels sont les documents qu’il doit joindre à sa demande ? »

 L’affaire C-196/20

24      Le 24 octobre 2017, deux passagers aériens ont réservé, auprès d’une agence de voyages, un voyage à forfait comprenant un transport aérien aller-retour reliant Hambourg (Allemagne) à Palma de Majorque (Espagne).

25      Un document intitulé « inscription au voyage » a été transmis par l’organisateur de voyages ITS à ces passagers, lequel indiquait, pour l’aller, que le vol serait effectué le 22 mai 2018, par la compagnie aérienne Eurowings, portant le numéro EW 7582, avec une heure de départ prévue à 7 h 30 et une heure d’arrivée prévue à 10 h 05.

26      Lesdits passagers ont effectivement pris le vol portant ce numéro. Toutefois, ils ont atteint leur destination finale non pas à 10 h 05, mais à 21 h 08. Ces passagers ayant cédé leurs éventuels droits à indemnisation à flightright au titre du règlement no 261/2004, cette dernière a introduit un recours devant l’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) en faisant valoir que les mêmes passagers disposaient d’une réservation confirmée pour le vol en question, dont l’arrivée était prévue à 10 h 05.

27      Eurowings a rétorqué que les passagers disposaient d’une réservation confirmée pour le vol portant le numéro EW 7582, dont l’arrivée était prévue à 19 h 05. Partant, le retard subi était de moins de trois heures, ce qui ne donnerait pas droit à une indemnisation au titre du règlement no 261/2004.

28      L’Amtsgericht Düsseldorf (tribunal de district de Düsseldorf) a fait droit à la demande de flightright au motif que l’« inscription au voyage » émise par l’organisateur de voyages ITS constituait une confirmation de « réservation », au sens de l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004, lu conjointement avec l’article 2, sous f), de ce règlement. En effet, cette juridiction a considéré que l’« inscription au voyage » transmise aux passagers concernés constituait une « autre preuve », au sens dudit article 2, sous g), cette disposition exigeant uniquement que la réservation ait été acceptée par l’organisateur de voyage. Il ressort de la décision de renvoi qu’il n’existait pas de document pouvant être identifié en tant que « billet », au sens de l’article 2, sous f), dudit règlement.

29      Eurowings a interjeté appel du jugement de ladite juridiction devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf), la juridiction de renvoi dans l’affaire C-196/20. Cette dernière s’interroge, en substance, sur le point de savoir si une confirmation de réservation émanant d’un organisateur de voyages, laquelle ne repose pas sur une réservation effectuée auprès du transporteur aérien visé par la demande d’indemnisation, peut être considérée comme une « réservation confirmée », au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement no 261/2004.

30      C’est dans ces conditions que le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Un passager dispose-t-il d’une “réservation confirmée” au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), du [règlement no 261/2004], lorsqu’il a reçu d’un organisateur de voyages, auquel il est lié contractuellement, une “autre preuve” au sens de l’article 2, sous g), [de ce règlement], qui contient une promesse de le transporter sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, sans que l’organisateur de voyages ait fait de réservation pour ce vol auprès du transporteur aérien concerné et qu’il ait reçu de confirmation de ce dernier ?

2)      Pour qu’un transporteur aérien soit considéré comme un “transporteur aérien effectif” au sens de l’article 2, sous b), du règlement no 261/2004, par rapport à un passager, est-il suffisant que ce passager soit lié contractuellement à un organisateur de voyages, qui a promis de le transporter sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, lorsque l’organisateur de voyages n’a pas fait de réservation pour le passager et n’a donc pas établi de relation contractuelle avec le transporteur aérien concernant ce vol ?

3)      L’“heure d’arrivée prévue” d’un vol, au sens de l’article 2, sous h), de l’article 5, paragraphe 1, sous c), de l’article 7, paragraphe 1, deuxième phrase, et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 peut-elle résulter, aux fins de l’indemnisation pour cause d’annulation ou de retard important, d’une “autre preuve” qui a été transmise par un organisateur de voyages à un passager ou faut-il se fonder à cet égard sur le billet au sens de l’article 2, sous f), [de ce règlement] ? »

 L’affaire C-270/20

31      Les passagers aériens AG, MG et HG ont réservé un vol reliant Vienne (Autriche) au Caire (Égypte) auprès de la compagnie aérienne Austrian Airlines. L’heure de départ était prévue à 22 h 15, le 24 juin 2017, et l’heure d’arrivée à 01 h 45 le lendemain. Le jour du vol, Austrian Airlines a annulé celui-ci et a proposé à ces passagers un vol avec un départ le même jour à 10 h 20 et une arrivée au Caire à 13 h 50, ce qu’ils ont accepté. Ainsi, ces derniers ont atteint leur destination finale 11 heures et 55 minutes avant l’heure d’arrivée initialement prévue.

32      Par voie extrajudiciaire, Austrian Airlines a versé à chacun de ces passagers une indemnisation de 200 euros en application de l’article 7, paragraphe 2, sous b), du règlement no 261/2004 qui prévoit une réduction de 50 % du montant de l’indemnisation prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

33      Lesdits passagers ont introduit un recours contre Austrian Airlines devant le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat, Autriche), tendant à obtenir une indemnisation complète, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. Au soutien de leur recours, ils ont fait valoir que, bien qu’ils ne soient pas arrivés en retard au Caire, leur arrivée anticipée leur a causé un préjudice équivalent à celui qui aurait résulté d’un retard important, affirmant qu’ils avaient accepté la proposition d’Austrian Airlines de prendre un vol anticipé au motif que l’autre option proposée par cette dernière leur aurait fait perdre deux jours de vacances.

34      Le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat) a rejeté ce recours au motif qu’il ressortait des termes clairs de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 que cette disposition était également applicable dans des situations dans lesquelles le passager atteignait sa destination finale avec un vol avancé.

35      Les passagers au principal dans l’affaire C-270/20 ont interjeté appel du jugement de cette juridiction devant le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche), la juridiction de renvoi dans cette affaire. Cette dernière s’interroge sur le point de savoir si l’article 7, paragraphe 2, sous b), du règlement no 261/2004, aux termes duquel une indemnisation peut être réduite de 50 % lorsque le retard à l’arrivée ne dépasse pas trois heures, peut être appliqué également pour une arrivée anticipée par rapport à la programmation du vol initial. À cet égard, la juridiction de renvoi relève qu’un décollage qui a lieu avec beaucoup d’avance peut entraîner pour le passager des désagréments aussi sérieux qu’une arrivée tardive au regard des critères prévus à cette disposition.

36      C’est dans ces conditions que le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 7, paragraphe 2, sous b), du [règlement no 261/2004] doit-il être interprété en ce sens que le transporteur aérien peut également réduire le montant de l’indemnisation prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement lorsque, à la suite de l’annulation du vol réservé, les passagers se voient proposer un autre vol dont le départ et l’arrivée sont prévus onze heures et cinquante-cinq minutes avant les heures de départ et d’arrivée du vol annulé ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les premières questions dans les affaires C188/20 et C196/20

37      Par sa première question dans l’affaire C‑188/20, qui est identique à sa première question dans l’affaire C‑196/20, le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens que le passager dispose d’une « réservation confirmée », au sens de cette disposition, lorsque l’organisateur de voyages transmet à ce passager, auquel il est contractuellement lié, une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), de ce règlement, laquelle contient une promesse de transporter ledit passager sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, alors que cet organisateur de voyages n’a pas reçu confirmation par le transporteur aérien concerné des heures de départ et d’arrivée de ce vol.

38      En l’occurrence, il ressort des décisions de renvoi dans les affaires C‑188/20 et C‑196/20 que le document transmis aux passagers aériens par l’organisateur de voyages contenait des informations sur les horaires des vols, différentes de celles que le transporteur aérien avait transmises, en dernier lieu, à l’organisateur de voyages. Or, ces dernières informations n’avaient pas été transmises à ces passagers, de sorte qu’ils ne disposaient que des informations contenues dans le document transmis par l’organisateur de voyages.

39      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 3 du règlement n° 261/2004 régit le champ d’application de ce dernier en exigeant, en vertu de son paragraphe 2, sous a), que le passager dispose d’une réservation confirmée pour le vol concerné.

40      Le règlement no 261/2004 ne définit pas la notion de « réservation confirmée ». Cependant, la notion de « réservation » est quant à elle définie à l’article 2, sous g), de ce règlement comme le « fait pour un passager d’être en possession d’un billet, ou d’une autre preuve, indiquant que la réservation a été acceptée et enregistrée par le transporteur aérien ou l’organisateur de voyages ».

41      Il découle de cette définition qu’une réservation peut être constituée d’une « autre preuve » indiquant que la réservation a été acceptée et enregistrée soit par le transporteur aérien, soit par l’organisateur de voyages. Il s’ensuit qu’une réservation acceptée et enregistrée par ce dernier a la même valeur que celle acceptée et enregistrée par le transporteur aérien.

42      Par conséquent, si le passager aérien dispose d’une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004, émise par l’organisateur de voyages, cette autre preuve équivaut à une « réservation », au sens de la même disposition.

43      En l’occurrence, la juridiction de renvoi dans les affaires C‑188/20 et C‑196/20 part de la prémisse selon laquelle les inscriptions au voyage transmises par l’organisateur de voyages aux passagers en cause au principal dans ces affaires constituent une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004. Toutefois, il y a lieu de relever, notamment dans le cadre de la situation en cause dans l’affaire C‑188/20, que cette inscription mentionne explicitement la nature provisoire des horaires de vols. Dans ces conditions, il incombe à cette juridiction de déterminer si lesdites inscriptions constituent effectivement une réservation acceptée et enregistrée, au sens de cet article 2, sous g).

44      Dans l’affirmative, la juridiction de renvoi se demande, plus particulièrement, si une réservation peut également être « confirmée », au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement no 261/2004, par l’organisateur de voyages et non pas seulement par le transporteur aérien.

45      À cet égard, il y a lieu de constater que l’article 3, paragraphe 2, sous a), de ce règlement ne précise pas si l’organisateur de voyages peut confirmer une réservation.

46      Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a., C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

47      S’agissant du contexte dans lequel s’insère cette disposition, il convient de relever que plusieurs dispositions du règlement no 261/2004 ne distinguent pas l’organisateur de voyages et le transporteur aérien aux fins de leur application. Tel est notamment le cas de l’article 3, paragraphe 2, sous a), premier tiret, de ce règlement, lequel prévoit que l’heure à laquelle il conviendrait de se présenter à l’enregistrement peut être communiquée par le transporteur aérien, un organisateur de voyages ou un agent de voyages autorisé. Tel est également le cas s’agissant de l’article 3, paragraphe 2, sous b), dudit règlement, selon lequel le passager peut être transféré vers un autre vol tant par le transporteur aérien que par l’organisateur de voyages.

48      En outre, il serait contraire à l’objectif consistant à garantir un niveau élevé de protection des passagers aériens, consacré au considérant 1 du même règlement, de considérer qu’une réservation ne peut être confirmée que par le transporteur aérien, faisant ainsi peser sur le passager la charge de vérifier les informations fournies par l’organisateur de voyages.

49      En effet, le règlement no 261/2004 vise à ce que le risque que des organisateurs de voyages fournissent des informations inexactes aux passagers dans le cadre de leurs activités soit assumé par le transporteur aérien. Dans ce contexte, le passager ne participe pas à la relation existant entre le transporteur aérien et l’organisateur de voyages et il ne saurait être exigé de lui qu’il se procure des informations à cet égard.

50      Il découle également de ces dernières considérations que la circonstance que l’organisateur de voyages n’a pas reçu de confirmation par le transporteur aérien concerné des heures de départ et d’arrivée du vol n’est pas de nature à influencer l’appréciation, visée au point 43 du présent arrêt, qu’il revient à la juridiction de renvoi d’effectuer.

51      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux premières questions dans les affaires C‑188/20 et C‑196/20 que l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens que le passager dispose d’une « réservation confirmée », au sens de cette disposition, lorsque l’organisateur de voyages transmet à ce passager, auquel il est contractuellement lié, une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), de ce règlement, laquelle contient une promesse de le transporter sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, et ce même dans l’hypothèse où cet organisateur de voyages n’aurait pas reçu de confirmation par le transporteur aérien concerné relative aux heures de départ et d’arrivée de ce vol.

 Sur les deuxièmes questions dans les affaires C188/20 et C196/20

52      Par sa deuxième question dans l’affaire C‑188/20, qui est identique à sa deuxième question dans l’affaire C‑196/20, le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) demande, en substance, si l’article 2, sous b), du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’un transporteur aérien peut être qualifié de « transporteur aérien effectif », au sens de cette disposition, au regard d’un passager, lorsque ce dernier a conclu un contrat avec un organisateur de voyages pour un vol précis opéré par ce transporteur aérien sans que ledit transporteur aérien ait confirmé les horaires du vol ou sans que l’organisateur de voyages ait effectué de réservation pour ce passager auprès du même transporteur aérien.

53      À cet égard, il convient de rappeler que la notion de « transporteur aérien effectif » est définie à l’article 2, sous b), de ce règlement comme désignant un transporteur aérien qui réalise ou a l’intention de réaliser un vol non seulement dans le cadre d’un contrat conclu avec un passager, mais également au nom d’une autre personne, morale ou physique, qui a conclu un contrat avec ce passager.

54      Cette définition pose donc deux conditions cumulatives pour qu’un transporteur aérien puisse être qualifié de « transporteur aérien effectif » tenant, d’une part, à la réalisation du vol en cause et, d’autre part, à l’existence d’un contrat conclu avec un passager (arrêt du 4 juillet 2018, Wirth e.a., C‑532/17, EU:C:2018:527, point 18).

55      En ce qui concerne la première condition, celle-ci met en avant la notion de « vol » qui en constitue l’élément central. Or, la Cour a déjà jugé que cette notion doit être comprise comme « une opération de transport aérien, étant ainsi, d’une certaine manière, une “unité” de ce transport, réalisée par un transporteur aérien qui fixe son itinéraire » (arrêt du 4 juillet 2018, Wirth e.a., C‑532/17, EU:C:2018:527, point 19 ainsi que jurisprudence citée).

56      Il en découle que doit être considéré comme étant le transporteur aérien effectif le transporteur qui, dans le cadre de son activité de transport de passagers, prend la décision de réaliser un vol précis, y compris d’en fixer l’itinéraire et, ce faisant, de créer, à l’intention des intéressés, une offre de transport aérien. L’adoption d’une telle décision implique en effet que ce transporteur assume la responsabilité de la réalisation dudit vol, y compris, notamment, de ses éventuels annulation ou retard important à son arrivée (arrêt du 4 juillet 2018, Wirth e.a., C‑532/17, EU:C:2018:527, point 20).

57      En l’occurrence, il est constant que, dans les situations en cause dans les affaires C‑188/20 et C‑196/20, la seule modification effectuée par le transporteur aérien par rapport à l’inscription de voyage transmise aux passagers en cause concernait les horaires de vol.

58      Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 66 de ses conclusions, la seule circonstance que la réservation du passager auprès de l’organisateur de voyages comporte des horaires de vol qui n’ont pas été confirmés par le transporteur aérien dans le cadre de la réservation interne entre ce transporteur et cet organisateur ne saurait suffire à considérer que les conditions prévues à l’article 2, sous b), du règlement no 261/2004 ne sont pas remplies.

59      En effet, un transporteur aérien qui a constitué une offre de transport aérien qui correspond à celle visée par un organisateur de voyages dans le cadre de sa relation avec un passager, alors même que des changements par rapport à cette offre sont susceptibles de se produire, doit être considéré comme ayant l’intention de réaliser un vol, au sens de l’article 2, sous b), du règlement n° 261/2004.

60      Une telle interprétation est corroborée par l’objectif d’assurer un niveau élevé de protection des passagers aériens, énoncé au considérant 1 du règlement no 261/2004, dès lors qu’elle permet de garantir que les passagers transportés seront indemnisés ou pris en charge sans avoir à tenir compte des arrangements pris par le transporteur aérien ayant décidé de réaliser le vol en cause à un horaire différent de celui prévu initialement en vue d’assurer concrètement ce vol (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2018, Wirth e.a., C‑532/17, EU:C:2018:527, point 23).

61      Il convient également de préciser que, dans l’hypothèse où le transporteur aérien effectif serait tenu de verser une indemnité aux passagers en vertu du règlement no 261/2004 en raison du comportement de l’organisateur de voyages, ce transporteur dispose de la possibilité de demander réparation pour les dommages subis à l’organisateur de voyages conformément à l’article 13 de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Krijgsman, C‑302/16, EU:C:2017:359, point 29 et jurisprudence citée).

62      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux deuxièmes questions dans les affaires C-188/20 et C-196/20 que l’article 2, sous b), du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’un transporteur aérien peut être qualifié de « transporteur aérien effectif », au sens de cette disposition, au regard d’un passager, lorsque ce dernier a conclu un contrat avec un organisateur de voyages pour un vol précis opéré par ce transporteur aérien sans que ledit transporteur aérien ait confirmé les horaires du vol ou sans que l’organisateur de voyages ait effectué de réservation pour ce passager auprès du même transporteur aérien.

 Sur les troisièmes questions dans les affaires C188/20 et C196/20

63      Par sa troisième question dans l’affaire C‑188/20, qui est identique à sa troisième question dans l’affaire C‑196/20, le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) demande, en substance, si l’article 2, sous h), l’article 5, paragraphe 1, sous c), et l’article 7, paragraphe 1, seconde phrase, et paragraphe 2, du règlement no 261/2004 doivent être interprétés en ce sens que l’heure d’arrivée prévue d’un vol, au sens de ces dispositions, peut résulter, aux fins de l’indemnisation due au titre de l’article 7 de ce règlement, d’une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), dudit règlement, qui a été transmise au passager par l’organisateur de voyages ou s’il est nécessaire qu’elle figure sur un « billet », au sens de l’article 2, sous f), du même règlement.

64      Il convient de relever, à titre liminaire, que l’article 2, sous h), l’article 5, paragraphe 1, sous c), ainsi que l’article 7, paragraphe 1, seconde phrase, et paragraphe 2, du règlement no 261/2004, qui font, en substance, mention des termes « heure d’arrivée prévue », concernent les conditions auxquelles une indemnisation forfaitaire pourrait être due conformément à l’article 7 de ce règlement. Toutefois, ledit règlement ne contient pas de définition de la notion d’« heure d’arrivée prévue ».

65      En l’occurrence, il est constant, dans les situations en cause dans les affaires C‑188/20 et C‑196/20, que les passagers aériens disposaient d’un seul document, dénommé « inscription au voyage », sans être en possession d’un document pouvant être qualifié de « billet », au sens de l’article 2, sous f), dudit règlement.

66      Néanmoins, ainsi que cela a été relevé dans le cadre de l’examen des premières questions dans les affaires C‑188/20 et C‑196/20, les passagers peuvent disposer d’une réservation en présence non seulement d’un billet, mais également d’une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), du même règlement. Partant, en l’occurrence, dans l’hypothèse où le document fourni aux passagers en cause au principal dans ces affaires constitue une « autre preuve », il y a lieu de considérer que ces passagers disposaient d’une « réservation », au sens de cette disposition, qui indiquait les horaires de vol. Ils pouvaient donc légitimement considérer que, puisqu’ils n’avaient été informés d’aucune modification de la part de l’organisateur de voyages ou du transporteur aérien, les horaires indiqués sur cette réservation identifiaient les heures de départ et d’arrivée prévues, au sens des dispositions visées au point 64 du présent arrêt.

67      En outre, il y a lieu de préciser que l’arrêt du 26 février 2013, Folkerts (C‑11/11, EU:C:2013:106), n’infirme pas l’interprétation selon laquelle l’heure d’arrivée prévue d’un vol est susceptible de ressortir d’une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), du règlement no 261/2004. En effet, à la différence des circonstances sous-tendant les situations en cause dans les affaires C‑188/20 et C‑196/20, il y a lieu de constater que, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, aucun organisateur de voyages n’est intervenu et le passager disposait d’un « billet », au sens de l’article 2, sous f), de ce règlement.

68      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux troisièmes questions dans les affaires C‑188/20 et C‑196/20 que l’article 2, sous h), l’article 5, paragraphe 1, sous c), ainsi que l’article 7, paragraphe 1, seconde phrase, et paragraphe 2, du règlement no 261/2004 doivent être interprétés en ce sens que l’heure d’arrivée prévue d’un vol, au sens de ces dispositions, peut résulter, aux fins de l’indemnisation due au titre de l’article 7 de ce règlement, d’une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), dudit règlement, qui a été transmise au passager par l’organisateur de voyages.

 Sur la quatrième question dans l’affaire C188/20 et la première question dans l’affaire C146/20

69      Par sa quatrième question dans l’affaire C‑188/20, qui est analogue à sa première question dans l’affaire C‑146/20, le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) demande, en substance, si l’article 2, sous l), et l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’un vol est considéré comme étant « annulé » lorsque le transporteur aérien effectif avance ce vol de plusieurs heures.

70      À cet égard, il convient de relever que la notion d’« annulation » est définie à l’article 2, sous l), de ce règlement comme étant « le fait qu’un vol qui était prévu initialement et sur lequel au moins une place était réservée n’a pas été effectué ».

71      La notion de « vol » n’est pas définie par ledit règlement. Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé au point 55 du présent arrêt, un vol consiste, en substance, en une « opération de transport aérien, étant ainsi, d’une certaine manière, une “unité” de ce transport, réalisée par un transporteur aérien qui fixe son itinéraire ».

72      En outre, la Cour a précisé, d’une part, que l’itinéraire constitue un élément essentiel du vol, ce dernier étant effectué conformément à une programmation fixée à l’avance par le transporteur aérien (arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a., C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, point 30).

73      D’autre part, il ne découle nullement de la définition visée à l’article 2, sous l), du règlement no 261/2004 que, au-delà du fait que le vol initialement prévu n’a pas été effectué, l’« annulation » de ce vol, au sens de cette disposition, requerrait l’adoption d’une décision explicite d’annuler celui-ci (arrêt du 13 octobre 2011, Sousa Rodríguez e.a., C‑83/10, EU:C:2011:652, point 29).

74      Certes, l’article 2, sous l), et l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement ne précisent pas le sort qu’il convient de réserver à un avancement de vol. Toutefois, conformément à la jurisprudence rappelée au point 46 du présent arrêt, l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union doit tenir compte des termes de celle-ci, ainsi que de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie.

75      À cet égard, s’agissant du contexte dans lequel s’inscrivent l’article 2, sous l), et l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 261/2004, il convient de relever que ce règlement se réfère à des hypothèses d’avancement d’un vol dans le cadre des réacheminements prévus à l’article 5, paragraphe 1, sous c), ii) et iii), dudit règlement. En effet, cette dernière disposition prévoit que le transporteur aérien effectif est tenu d’indemniser le passager dont le vol a été annulé sauf si ce transporteur l’informe de l’annulation dans les délais prévus à cette disposition et offre un réacheminement permettant au passager de partir au plus tôt une à deux heures, selon le cas, avant l’heure de départ prévue, ainsi que d’atteindre sa destination finale moins de quatre ou deux heures, selon le cas, après l’heure d’arrivée initialement prévue.

76      Il s’ensuit que le législateur de l’Union a reconnu qu’un avancement important d’un vol est susceptible d’engendrer des désagréments sérieux pour les passagers, au même titre qu’un retard de vol, dès lors qu’un tel avancement fait perdre à ceux-ci la possibilité de disposer librement de leur temps ainsi que d’organiser leur voyage ou leur séjour en fonction de leurs attentes.

77      Tel est notamment le cas lorsqu’un passager, ayant pris toutes les précautions requises, n’est pas en mesure d’embarquer dans l’avion en raison de l’avancement du vol qu’il a réservé. Tel est également le cas lorsque le passager se voit contraint de s’adapter de manière significative à la nouvelle heure de départ de son vol afin de pouvoir prendre celui-ci.

78      Par ailleurs, il convient de rappeler que l’objectif principal poursuivi par le règlement no 261/2004 consiste, comme cela ressort notamment de son considérant 1, à assurer un niveau élevé de protection des passagers (arrêt du 17 septembre 2015, van der Lans, C‑257/14, EU:C:2015:618, point 26 et jurisprudence citée).

79      La Cour a ainsi jugé que, conformément à cet objectif, les dispositions octroyant des droits aux passagers aériens doivent être interprétées largement (arrêt du 22 avril 2021, Austrian Airlines, C‑826/19, EU:C:2021:318, point 61 et jurisprudence citée).

80      Ainsi, dès lors que le règlement no 261/2004 vise à réparer, d’une manière standardisée et immédiate, les différents préjudices que constituent les désagréments sérieux dans le transport aérien des passagers (arrêt du 3 septembre 2020, Delfly, C‑356/19, EU:C:2020:633, point 25 et jurisprudence citée) et eu égard aux désagréments sérieux susceptibles d’être occasionnés aux passagers dans des circonstances telles que celles visées au point 76 du présent arrêt, il convient d’interpréter la notion d’« annulation » en ce sens qu’elle englobe la situation dans laquelle un vol fait l’objet d’un avancement important.

81      À cet égard, il convient de distinguer les situations dans lesquelles l’avancement n’entraîne aucune incidence ou une incidence négligeable sur la possibilité pour les passagers aériens de disposer librement de leur temps de celles qui donnent lieu à des désagréments sérieux en raison de l’avancement important du vol, tels que décrits aux points 76 et 77 du présent arrêt.

82      Aux fins de distinguer un avancement important d’un avancement négligeable d’un vol, il convient de s’inspirer des seuils prévus à l’article 5, paragraphe 1, sous c), ii) et iii), du règlement no 261/2004.

83      Il y a lieu de souligner que le cas d’un avancement diffère de celui d’un retard, pour lequel la Cour a retenu que les passagers acquièrent un droit à l’indemnisation lorsqu’ils subissent une perte de temps qui est égale ou supérieure à trois heures par rapport à la durée qui avait été prévue initialement par le transporteur (voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a., C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, point 57), dès lors que les passagers doivent se mobiliser afin d’être en mesure d’embarquer dans l’avion en raison de l’avancement du vol réservé. Cette différence ressort également de la circonstance que le législateur de l’Union, à l’article 5, paragraphe 1, sous c), iii), du règlement no 261/2004, accepte des retards de moins de deux heures, tandis que pour les avancements, ceux-ci ne sauraient dépasser une heure.

84      Il ressort de l’article 5, paragraphe 1, sous c), iii), de ce règlement que tout avancement d’une heure ou moins est susceptible d’exonérer le transporteur aérien effectif de son obligation d’indemniser le passager au titre de l’article 7 dudit règlement. Ainsi, il convient de considérer qu’un avancement de plus d’une heure ou d’une heure ou moins constitue la référence pour déterminer si l’avancement est important ou négligeable aux fins de l’application de l’article 5 du même règlement.

85      Cette interprétation demeure respectueuse de la mise en balance des intérêts des passagers aériens et de ceux des transporteurs aériens effectifs que le législateur de l’Union a visée par l’adoption du règlement no 261/2004 (voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2012, Nelson e.a., C‑581/10 et C‑629/10, EU:C:2012:657, point 39 ainsi que jurisprudence citée).

86      En effet, tout en permettant aux passagers d’être indemnisés pour des désagréments sérieux lors d’un avancement important d’un vol, cette interprétation dispense les transporteurs aériens effectifs de l’obligation de verser une indemnité, lorsque ceux-ci informent les passagers aériens de l’avancement du vol dans les conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1, sous c), i) à iii), dudit règlement.

87      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la quatrième question dans l’affaire C‑188/20 et à la première question dans l’affaire C‑146/20 que l’article 2, sous l), et l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’un vol est considéré comme étant « annulé » lorsque le transporteur aérien effectif avance ce vol de plus d’une heure.

 Sur la cinquième question dans l’affaire C188/20 et la question unique dans l’affaire C270/20

88      Par la cinquième question dans l’affaire C‑188/20 et la question unique dans l’affaire C-270/20, le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) et le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg) demandent respectivement, en substance, si l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 est applicable à une situation dans laquelle l’heure d’arrivée d’un vol avancé se situe dans les limites visées à cette disposition.

89      À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 2 de l’article 7 de ce règlement prévoit que, lorsque, en application de l’article 8 dudit règlement, un passager se voit proposer un réacheminement vers sa destination finale sur un autre vol dont l’heure d’arrivée ne dépasse pas l’heure d’arrivée prévue du vol initialement réservé de deux à quatre heures en fonction de la distance du vol, le transporteur aérien effectif dispose du droit de réduire de 50 % l’indemnisation forfaitaire prévue au paragraphe 1 de cet article 7.

90      Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 105 de ses conclusions, il ressort explicitement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 que le droit de réduire le montant de l’indemnisation vise le cas de figure dans lequel le transporteur aérien effectif propose un réacheminement limitant le retard à la destination finale. Cette disposition n’évoque en revanche nullement la situation dans laquelle le passager arrive, en raison d’un avancement de son vol, à la destination finale avant l’heure d’arrivée initialement prévue.

91      Il convient d’ajouter, à cet égard, que le législateur de l’Union a pris en considération tant un avancement qu’un retard du vol dans le cadre de l’offre de réacheminement visée à l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement no 261/2004. Pour autant, tout en étant conscient des désagréments liés aux avancements de vol, ce législateur n’a pas considéré qu’un réacheminement proposé par le transporteur aérien effectif, permettant de limiter l’ampleur des conséquences préjudiciables d’un départ anticipé, pouvait donner lieu à une réduction du montant de l’indemnisation.

92      Si une telle possibilité devait être accordée à un transporteur aérien effectif qui propose un réacheminement donnant lieu à une arrivée anticipée, elle aurait pour résultat d’autoriser systématiquement une réduction du montant de l’indemnisation lorsque ce transporteur procède à un avancement important du vol.

93      Or, à l’instar de ce qui a été relevé dans le cadre de la quatrième question dans l’affaire C‑188/20 et de la première question dans l’affaire C‑146/20, un avancement important d’un vol donne lieu à des désagréments sérieux justifiant une indemnisation. La circonstance qu’une réduction du montant de l’indemnisation devrait toujours être admise dans une telle situation, du seul fait que le passager n’accuse pas un retard à l’arrivée à sa destination finale et se trouve donc dans les limites posées à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004, irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par ce règlement visant à renforcer les droits des passagers rencontrant des désagréments sérieux.

94      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la cinquième question dans l’affaire C‑188/20 et à la question unique dans l’affaire C‑270/20 que l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas applicable à une situation dans laquelle l’heure d’arrivée d’un vol avancé se situe dans les limites visées à cette disposition.

 Sur la sixième question dans l’affaire C188/20 et la seconde question dans l’affaire C146/20

95      Par sa sixième question dans l’affaire C‑188/20, qui est analogue à sa seconde question dans l’affaire C‑146/20, le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 1, sous a), et l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 doivent être interprétés en ce sens que l’information sur l’avancement du vol, communiquée au passager avant le début du voyage, peut constituer une « offre de réacheminement », au sens de cette dernière disposition.

96      À cet égard, il ressort de la lecture combinée de l’article 5, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement que les passagers concernés par l’annulation d’un vol doivent se voir offrir par le transporteur aérien effectif un réacheminement vers leur destination finale, dans des conditions de transport comparables et dans les meilleurs délais.

97      Or, il y a lieu de relever que l’avancement du vol, tel que celui s’étant produit dans les situations en cause dans les affaires C‑188/20 et C‑146/20, peut constituer un réacheminement « dans des conditions de transport comparables », au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, dès lors que seuls les horaires de vol ont été modifiés.

98      En outre, une offre de réacheminement proposant un vol dont l’heure de départ est avancée par rapport à l’heure de départ du vol annulé peut constituer un réacheminement effectué « dans les meilleurs délais », au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 261/2004, dès lors que cette offre permet au passager d’atteindre sa destination finale le plus rapidement possible.

99      Il convient d’ajouter que le transporteur aérien effectif est tenu de proposer au passager dont le vol a été annulé les différentes options visées à l’article 8, paragraphe 1, sous a) à c), de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Rusu, C‑354/18, EU:C:2019:637, point 58).

100    Ainsi, afin de mettre le passager en mesure d’exercer efficacement ses droits en cas d’annulation, au sens du considérant 20 dudit règlement, il incombe au transporteur aérien effectif de lui fournir l’intégralité de l’information relative aux droits découlant de l’article 8, paragraphe 1, du même règlement.

101    Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la sixième question dans l’affaire C‑188/20 et à la seconde question dans l’affaire C‑146/20 que l’article 5, paragraphe 1, sous a), et l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 doivent être interprétés en ce sens que l’information sur l’avancement du vol, communiquée au passager avant le début du voyage, peut constituer une « offre de réacheminement », au sens de cette dernière disposition.

 Sur la septième question dans l’affaire C-188/20

102    Par sa septième question dans l’affaire C‑188/20, le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) demande, en substance, si l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’il impose au transporteur aérien effectif d’informer le passager aérien de la dénomination exacte et de l’adresse de l’entreprise auprès de laquelle celui-ci peut réclamer une indemnisation au titre de l’article 7 de ce règlement, ainsi que du montant exact de cette dernière et, le cas échéant, de préciser les documents qu’il doit joindre à sa demande d’indemnisation.

103    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 14, paragraphe 2, dudit règlement, le transporteur aérien effectif qui refuse l’embarquement ou qui annule un vol doit présenter à chaque passager concerné une notice écrite reprenant les règles d’indemnisation et d’assistance conformément aux dispositions du même règlement. En vertu de cette disposition, le transporteur aérien effectif présente également cette notice à tout passager subissant un retard d’au moins deux heures.

104    Il y a lieu de lire ladite disposition à la lumière du considérant 20 du règlement no 261/2004, dont il ressort que les passagers devraient être pleinement informés de leurs droits notamment en cas d’annulation d’un vol, afin d’être en mesure d’exercer efficacement ces droits.

105    En effet, l’exercice efficace des droits découlant de ce règlement suppose que le passager soit mis en mesure de s’adresser utilement à l’entreprise auprès de laquelle celui-ci peut réclamer une indemnisation au titre de l’article 7 dudit règlement, de sorte qu’il doit, à cet effet, disposer de la dénomination exacte de cette entreprise et de son adresse.

106    En outre, l’information relative aux règles d’indemnisation que doit fournir le transporteur aérien effectif, conformément à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 261/2004, implique que le passager soit également informé de la procédure à suivre afin de faire valoir ses droits. À cet égard, il incombe au transporteur aérien effectif d’informer le passager des documents qu’il doit joindre, le cas échéant, à sa demande d’indemnisation.

107    En revanche, le transporteur aérien effectif n’est pas tenu d’informer le passager du montant exact de l’indemnisation que ce dernier peut éventuellement obtenir au titre de l’article 7 de ce règlement. En effet, une telle information concerne non pas les « règles d’indemnisation et d’assistance conformément aux dispositions du présent règlement », au sens de l’article 14, paragraphe 2, dudit règlement, mais leur application à un cas individuel.

108    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la septième question dans l’affaire C‑188/20 que l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’il impose au transporteur aérien effectif d’informer le passager aérien de la dénomination exacte et de l’adresse de l’entreprise auprès de laquelle celui-ci peut réclamer une indemnisation au titre de l’article 7 de ce règlement ainsi que, le cas échéant, de préciser les documents qu’il doit joindre à sa demande d’indemnisation, sans toutefois imposer à ce transporteur d’informer le passager aérien du montant exact de l’indemnisation que ce dernier peut éventuellement obtenir au titre de l’article 7 dudit règlement.

 Sur les dépens

109    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant les juridictions de renvoi, il appartient à celles-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      L’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91, doit être interprété en ce sens que le passager dispose d’une « réservation confirmée », au sens de cette disposition, lorsque l’organisateur de voyages transmet à ce passager, auquel il est contractuellement lié, une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), de ce règlement, laquelle contient une promesse de le transporter sur un vol précis, individualisé par l’indication des lieux et des heures de départ et d’arrivée, ainsi que du numéro de vol, et ce même dans l’hypothèse où cet organisateur de voyages n’aurait pas reçu de confirmation par le transporteur aérien concerné relative aux heures de départ et d’arrivée de ce vol.

2)      L’article 2, sous b), du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’un transporteur aérien peut être qualifié de « transporteur aérien effectif », au sens de cette disposition, au regard d’un passager, lorsque ce dernier a conclu un contrat avec un organisateur de voyages pour un vol précis opéré par ce transporteur aérien sans que ledit transporteur aérien ait confirmé les horaires du vol ou sans que l’organisateur de voyages ait effectué de réservation pour ce passager auprès du même transporteur aérien.

3)      L’article 2, sous h), l’article 5, paragraphe 1, sous c), ainsi que l’article 7, paragraphe 1, seconde phrase, et paragraphe 2, du règlement no 261/2004 doivent être interprétés en ce sens que l’heure d’arrivée prévue d’un vol, au sens de ces dispositions, peut résulter, aux fins de l’indemnisation due au titre de l’article 7 de ce règlement, d’une « autre preuve », au sens de l’article 2, sous g), dudit règlement, qui a été transmise au passager par l’organisateur de voyages.

4)      L’article 2, sous l), et l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 261/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’un vol est considéré comme étant « annulé » lorsque le transporteur aérien effectif avance ce vol de plus d’une heure.

5)      L’article 7, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas applicable à une situation dans laquelle l’heure d’arrivée d’un vol avancé se situe dans les limites visées à cette disposition.

6)      L’article 5, paragraphe 1, sous a), et l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 261/2004 doivent être interprétés en ce sens que l’information sur l’avancement du vol, communiquée au passager avant le début du voyage, peut constituer une « offre de réacheminement », au sens de cette dernière disposition.

7)      L’article 14, paragraphe 2, du règlement no 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’il impose au transporteur aérien effectif d’informer le passager aérien de la dénomination exacte et de l’adresse de l’entreprise auprès de laquelle celui-ci peut réclamer une indemnisation au titre de l’article 7 de ce règlement ainsi que, le cas échéant, de préciser les documents qu’il doit joindre à sa demande d’indemnisation, sans toutefois imposer à ce transporteur d’informer le passager aérien du montant exact de l’indemnisation que ce dernier peut éventuellement obtenir au titre de l’article 7 dudit règlement.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.