Language of document : ECLI:EU:T:2024:419

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

26 juin 2024 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Procédure pénale nationale – Enquête de l’OLAF – Article 22 du statut – Fautes personnelles graves commises dans l’exercice des fonctions – Engagement de la responsabilité financière de l’agent temporaire – Droit d’être entendu – Lien de causalité – Devoir de sollicitude – Réparation du préjudice subi par l’Union – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑3/23,

UA, représenté par Me É. Boigelot, avocat,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA), représentée par Mmes P. Eyckmans, M. Stamatopoulou et C. Allante, en qualité d’agents, assistées de Mes T. Bontinck et A. Guillerme, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mmes N. Półtorak et T. Pynnä (rapporteure), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 décembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, UA, demande, d’une part, l’annulation de la décision EUAA/MB/2022/019 de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA), du 3 mars 2022, en tant que celle-ci le condamne à réparer le préjudice subi par l’Union européenne en raison de fautes personnelles graves commises dans l’exercice de ses fonctions et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’il aurait subi du fait de cette décision.

 Antécédents du litige

2        [confidentiel] (1) le requérant a été nommé chef de l’administration du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), devenu l’AUEA.

3        [confidentiel] le requérant a été nommé directeur exécutif par intérim de l’AUEA.

4        [confidentiel] le contrat de travail de A, qui avait été recrutée [confidentiel] au sein de l’AUEA, a été résilié à la fin de la période de stage.

5        Le 28 janvier 2016, A a envoyé une lettre à plusieurs membres du Parlement européen, afin de les alerter sur le manque d’intégrité du requérant et de leur demander de ne pas confirmer la nomination de ce dernier comme directeur exécutif de l’AUEA.

6        Le 16 février 2016, A a introduit une réclamation concernant la décision de résiliation de son contrat.

7        [confidentiel] le requérant est devenu directeur exécutif de l’AUEA.

8        Le 7 avril 2016, le requérant a déposé, en son nom propre, une plainte avec constitution de partie civile contre A du chef de calomnie et de diffamation devant les juridictions pénales belges (ci-après la « procédure pénale »).

9        Le 5 août 2016, A a introduit un premier recours devant le Tribunal contre l’AUEA en ce qui concerne notamment la décision de résiliation de son contrat.

10      Les 11 septembre 2016 et 16 mars 2017, A a introduit des réclamations concernant notamment la procédure pénale. A a également déposé une plainte devant le Médiateur européen.

11      En mai 2017, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a commencé une enquête portant, notamment, sur la procédure de sélection et de recrutement, ainsi que sur la procédure de passation de marchés publics au sein de l’AUEA.

12      Le 18 août 2017, A a introduit un second recours devant le Tribunal contre l’AUEA.

13      Le 26 septembre 2017, A a été renvoyée devant le tribunal correctionnel dans le cadre de la procédure pénale.

14      Le 4 octobre 2017, le conseil du requérant a adressé à l’AUEA une facture d’un montant de 2 500 euros (hors TVA) pour la procédure pénale.

15      Le 6 octobre 2017, le requérant, en tant que représentant de l’AUEA, et A ont conclu un accord de règlement amiable. Par cet accord, A a accepté de retirer toutes ses plaintes et tous ses recours contre l’AUEA et a renoncé à toute plainte ou toute action en justice future contre l’AUEA et ses agents. L’AUEA s’engageait, quant à elle, à verser à A une compensation de 30 000 euros, à retirer sa plainte devant les juridictions pénales belges, en cas de poursuite de cette action par le ministère public, à prendre en charge les honoraires d’avocat éventuellement dus par A pour assurer sa défense dans le cadre de cette procédure et à renoncer à toute action en justice future contre A devant les juridictions nationales.

16      Le 9 octobre 2017, le requérant a demandé aux juridictions pénales belges qu’aucune suite ne soit donnée à sa plainte.

17      Le 10 avril 2018, dans le cadre de la procédure pénale, le ministère public belge a informé le conseil du requérant que, le dossier ayant fait l’objet d’un renvoi correctionnel, l’existence d’un accord intervenu entre les parties n’éteignait pas l’action publique.

18      Le 24 avril 2018, dans le cadre de la procédure pénale, le requérant a confirmé se désister en tant que partie civile.

19      Le 6 juin 2018, le requérant a démissionné.

20      Le 5 juillet 2018, le conseil du requérant a réclamé à l’AUEA un montant additionnel de 2 000 euros (hors TVA) pour la procédure pénale.

21      Le 9 juillet 2018, le conseil de A a adressé à l’AUEA une facture d’un montant de 5 000 euros pour la procédure pénale.

22      Le 29 octobre 2018, l’OLAF a transmis son rapport au conseil d’administration de l’AUEA, en tant qu’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »). Dans celui-ci, l’OLAF recommandait, outre des poursuites disciplinaires, que la responsabilité financière du requérant soit engagée conformément à l’article 22 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), et évaluait le dommage subi à la somme de 141 180,05 euros au moins, en raison de la signature irrégulière par le requérant de trois accords de règlement amiable avec d’anciens membres du personnel de l’AUEA dont A.

23      Le 15 novembre 2018, le conseil de A a adressé à l’AUEA une facture d’un montant de 9 000 euros pour la procédure pénale.

24      Le 26 novembre 2018, l’AHCC a ouvert une procédure prédisciplinaire à l’encontre du requérant.

25      Le 17 décembre 2018, le rapport de l’OLAF a été communiqué au requérant.

26      Le 15 janvier 2019, l’AHCC a tenu une audition prédisciplinaire avec le requérant et son conseil, conformément à l’article 3 de l’annexe IX du statut portant sur les faits présentés dans le rapport de l’OLAF dont l’accord de règlement amiable conclu avec A.

27      Le 28 janvier 2019, le requérant a soumis des observations écrites complémentaires dans le cadre de l’audition prédisciplinaire.

28      Le 18 février 2019, l’AHCC a ouvert une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline de l’AUEA (ci-après le « conseil de discipline ») à l’encontre du requérant sur le fondement de l’article 86 et de l’annexe IX du statut.

29      Le 19 février 2019, le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique), dans le cadre de la procédure pénale, a acquitté A et condamné le requérant au paiement des frais de l’action publique.

30      Le 21 avril 2020, l’AHCC a informé le requérant, par courriel, de son intention d’ouvrir, en parallèle de la procédure disciplinaire en cours, une procédure au titre de l’article 22 du statut, comme l’a recommandé l’OLAF dans son rapport. À défaut de pouvoir organiser une audition, en raison de la pandémie de COVID-19, l’AHCC a invité le requérant à communiquer ses observations écrites dans un délai de dix jours ouvrables.

31      Par une lettre datée du 1er mai 2020, le conseil du requérant a répondu à cette invitation en se plaignant de l’absence d’audition et en demandant que ce dernier soit entendu une fois que la situation sanitaire le permettrait. Sous cette réserve, le conseil du requérant présentait des observations concernant les trois accords de règlement amiable conclus avec d’anciens membres du personnel de l’AUEA.

32      Le 12 juin 2020, l’AHCC a ouvert une procédure au titre de l’article 22 du statut à l’encontre du requérant pour un montant de 141 180,05 euros et sans préjudice de la possibilité d’ouvrir ultérieurement une procédure additionnelle concernant des montants supplémentaires qui auraient été supportés par l’AUEA.

33      Le 30 juillet 2020, l’AHCC a présenté son rapport au conseil de discipline, conformément à l’article 12 de l’annexe IX du statut.

34      Le 17 novembre 2020, le requérant a soumis au conseil de discipline ses observations écrites sur ce rapport avant la tenue de son audition. En ce qui concerne l’ouverture de la procédure au titre de l’article 22 du statut, le requérant a de nouveau indiqué qu’il considérait ne pas avoir été entendu et qu’il ne renonçait pas à son droit d’être entendu une fois que la situation sanitaire le permettrait.

35      Le 3 décembre 2020 a eu lieu, par vidéoconférence, l’audition du requérant devant le conseil de discipline. Pendant cette audition, le requérant a présenté des objections quant au fait d’être entendu par vidéoconférence.

36      Le 22 juillet 2021, le conseil de discipline a recommandé à l’AHCC, en premier lieu, de prendre à l’encontre du requérant une sanction disciplinaire consistant en une retenue de 1 000 euros par mois sur sa pension d’ancienneté pendant une période de trois ans et, en second lieu, de recouvrir un montant de 30 000 euros, au titre de l’article 22 du statut, compte tenu de la faute personnelle grave commise par le requérant en concluant un accord de règlement amiable avec A.

37      Le 4 octobre 2021 a eu lieu, par vidéoconférence, l’audition du requérant avec les représentants de l’AHCC, conformément à l’article 22 de l’annexe IX du statut.

38      Le 3 mars 2022, l’AHCC a adopté la décision EUAA/MB/2022/019 (ci-après la « décision du 3 mars 2022 »). Par l’article 1er de cette décision relatif à la sanction disciplinaire, l’AHCC a infligé au requérant une retenue d’un montant de 1 000 euros par mois sur sa pension d’ancienneté pendant une période de trois ans. Par l’article 2 de cette même décision, relatif à la responsabilité financière, l’AHCC a condamné le requérant à payer à l’AUEA une somme de 30 000 euros au titre de l’article 22 du statut.

39      En ce qui concerne l’infliction de la sanction disciplinaire, l’AHCC l’a motivée par le fait que le requérant s’était rendu coupable de violations des règles en matière de marchés publics, de sélection et de recrutement, d’un comportement inapproprié à l’égard de trois membres du personnel et, en raison de la signature d’accords de règlement amiable avec trois autres membres du personnel, de violations du principe de bonne gestion financière. L’AHCC a conclu que, par ces différentes violations, le requérant avait méconnu les articles 7, 11, 12 et 21 du statut.

40      En ce qui concerne l’engagement de la responsabilité financière du requérant, l’AHCC l’a motivé par le fait que ce dernier avait commis une faute personnelle grave en signant l’accord de règlement amiable avec A, au nom de l’AUEA et en utilisant les ressources de l’AUEA, dans le but de régler un litige d’ordre principalement personnel (à savoir la plainte en diffamation déposée, en son nom propre, contre A devant les juridictions belges), et d’obtenir le silence de A concernant ses propres actes répréhensibles.

41      Le 25 mai 2022, la directrice exécutive de l’AUEA a envoyé une lettre au requérant, lui demandant, en application de la décision du 3 mars 2022, de verser la somme de 30 000 euros à l’AUEA.

42      Le 7 juin 2022, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision du 3 mars 2022, en tant que cette dernière l’a condamné à payer un montant de 30 000 euros (ci-après la « décision attaquée »). Le requérant a également demandé réparation du dommage matériel et moral qu’il aurait subi.

43      Dans sa réclamation, le requérant a fait valoir, en ce qui concerne la procédure, qu’il aurait dû être entendu oralement par l’AHCC, et non pas seulement être invité à faire part de ses observations écrites, concernant l’intention de cette dernière d’ouvrir une procédure au titre de l’article 22 du statut. De même, son audition devant le conseil de discipline aurait dû avoir lieu sous la forme d’une réunion en présentiel, et non pas par vidéoconférence.

44      En ce qui concerne le fond, le requérant a fait valoir que l’obligation juridique qu’il aurait prétendument violée n’aurait pas été définie à suffisance de droit. L’accord de règlement amiable aurait été conclu dans l’intérêt de l’AUEA, et non pas afin de mettre un terme à l’action en diffamation qu’il aurait intentée au nom de cette dernière. Par ailleurs, la décision attaquée serait dénuée de proportionnalité en ce qui concerne le montant du préjudice prétendument subi par l’AUEA et serait erronée en ce qui concerne le lien de causalité entre sa prétendue faute et le préjudice allégué.

45      Le 7 octobre 2022, l’AHCC a rejeté la réclamation du requérant.

46      Depuis le mois d’août 2023, la somme due de 30 000 euros fait l’objet de paiements progressifs mensuels par le requérant.

 Conclusions des parties

47      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’AUEA au paiement d’une indemnité provisionnelle de 25 000 euros en réparation du préjudice matériel et moral qu’il aurait subi ;

–        condamner l’AUEA aux dépens.

48      L’AUEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant partiellement irrecevable et, en tout état de cause, comme étant infondé dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la demande en annulation

49      À l’appui de son recours, le requérant invoque deux moyens. Par son premier moyen, il fait valoir que son droit d’être entendu aurait été violé. Le second moyen est tiré d’une violation de l’article 22 du statut, dès lors que les conditions pour engager sa responsabilité financière ne seraient pas remplies.

50      L’article 22 du statut, applicable par analogie aux agents temporaires en vertu de l’article 11, premier alinéa, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), dispose :

« Le fonctionnaire peut être tenu de réparer, en totalité ou en partie, le préjudice subi par l’Union en raison de fautes personnelles graves qu’il aurait commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

La décision motivée est prise par l’autorité investie du pouvoir de nomination, après observation des formalités prescrites en matière disciplinaire.

La Cour de justice de l’Union européenne a une compétence de pleine juridiction pour statuer sur les litiges nés de la présente disposition. »

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

51      Le requérant fait valoir, dans une première branche, qu’il n’a pas eu la possibilité d’être entendu oralement par l’AHCC, mais uniquement par écrit, concernant l’intention de cette dernière d’ouvrir la procédure d’engagement de sa responsabilité financière en vertu de l’article 22 du statut.

52      Or, premièrement, alors que le rapport de l’OLAF lui avait été remis au mois d’octobre 2018, l’AHCC aurait décidé d’annoncer l’ouverture possible d’une procédure au titre de l’article 22 du statut au mois d’avril 2020, soit en pleine crise sanitaire, plutôt que d’attendre une amélioration de la situation pour organiser une audition. Deuxièmement, l’article 4 de l’annexe IX du statut ne permettrait de remplacer une audition orale par des observations écrites qu’à la demande de l’agent concerné. Troisièmement, l’AHCC ne saurait profiter de la crise sanitaire pour violer son droit d’être entendu.

53      Dans une seconde branche, le requérant fait valoir que son audition devant le conseil de discipline aurait dû avoir lieu lors d’une réunion en présentiel, une fois que la situation sanitaire se serait améliorée, et non pas par vidéoconférence. En effet, cette dernière solution n’offrait pas, selon lui, les garanties requises en termes de sécurité et ne lui aurait pas permis de communiquer avec son conseil lors de l’audition.

54      Dans ces conditions, l’AUEA aurait commis une violation du droit à une bonne administration, du devoir de sollicitude, des droits de la défense et du droit d’être entendu ainsi que de ses obligations en matière de santé et de sécurité des travailleurs, protégés à l’article 41, paragraphes 1 et 2, à l’article 48 et à l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi qu’à l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut.

55      L’AUEA conteste l’argumentation du requérant.

–       Sur la première branche du premier moyen, relative à l’absence d’audition avant l’ouverture de la procédure au titre de l’article 22 du statut

56      Le 21 avril 2020, l’AHCC a informé le requérant de son intention d’ouvrir une procédure au titre de l’article 22 du statut et a indiqué que, en raison des contraintes objectives résultant de la pandémie de COVID-19, une audition ne pouvait avoir lieu. L’AHCC a donc invité le requérant à communiquer ses observations écrites dans un délai de dix jours ouvrables (voir point 30 ci-dessus). Par une lettre du 1er mai 2020, le conseil du requérant a répondu à cette invitation (voir point 31 ci-dessus).

57      Dans sa décision du 12 juin 2020 concernant l’ouverture d’une procédure au titre de l’article 22 du statut à l’encontre du requérant (voir point 32 ci-dessus), l’AHCC a indiqué avoir pris note de la demande de ce dernier de tenir une audition, mais a précisé également avoir considéré la solution retenue comme étant proportionnée compte tenu, premièrement, du caractère préparatoire de cette décision, deuxièmement, de la situation causée par la pandémie de COVID-19, troisièmement, du fait que le requérant avait déjà été entendu sur les mêmes questions lors de son audition prédisciplinaire du 15 janvier 2019 au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut et, quatrièmement, du fait que, dans sa lettre du 1er mai 2020, il avait présenté des observations écrites détaillées et qu’il n’apportait pas la preuve que le caractère écrit de ses observations nuisait à sa défense.

58      L’article 22, deuxième alinéa, du statut dispose que « [l]a décision motivée est prise par l’autorité investie du pouvoir de nomination, après observation des formalités prescrites en matière disciplinaire » (voir point 50 ci-dessus).

59      La procédure disciplinaire est prévue à l’annexe IX du statut.

60      L’article 3 de l’annexe IX du statut, applicable par analogie aux agents temporaires en vertu de l’article 50 bis du RAA, dispose :

« 1.      Sur la base du rapport d’enquête, après avoir communiqué au fonctionnaire concerné toutes les pièces du dossier et après l’avoir entendu, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut :

[...]

c)      en cas de manquement aux obligations, conformément à l’article 86 du statut,

i)      décider de l’ouverture de la procédure disciplinaire prévue à la section 4 de la présente annexe, ou

ii)      décider de l’ouverture d’une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline. »

61      L’article 4 de l’annexe IX du statut, applicable par analogie aux agents temporaires en vertu de l’article 50 bis du RAA, dispose :

« Si, pour des raisons objectives, le fonctionnaire ne peut être entendu au titre des dispositions de la présente annexe, il peut être invité à formuler ses observations par écrit ou peut se faire représenter par une personne de son choix. »

62      Ainsi, s’il est vrai que l’article 3 de l’annexe IX du statut prévoit que la personne concernée soit entendue avant l’ouverture d’une procédure au titre de l’article 22 du statut, l’article 4 de ladite annexe indique clairement que cette personne peut être invitée à formuler ses observations par écrit lorsque, pour des raisons objectives, elle ne peut pas être entendue.

63      Or, l’AHCC pouvait légitimement considérer que c’était bien le cas en l’espèce, étant donné que, au mois d’avril 2020, les déplacements non essentiels étaient interdits sur le territoire de l’Union en raison de la pandémie de COVID-19.

64      Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir le requérant, il ne ressort pas de l’article 4 de l’annexe IX du statut que seul le membre du personnel concerné peut décider du recours aux observations écrites.

65      La première branche du premier moyen, relative à l’absence d’audition avant l’ouverture de la procédure au titre de l’article 22 du statut, ne permet donc pas d’établir une violation du droit d’être entendu et doit être rejetée.

–       Sur la seconde branche du premier moyen, relative à la tenue de l’audition devant le conseil de discipline sous la forme d’une vidéoconférence

66      Dans la seconde branche, le requérant fait valoir que son audition devant le conseil de discipline aurait dû avoir lieu lors d’une réunion en présentiel, une fois que la situation sanitaire se serait améliorée, et non pas par vidéoconférence.

67      Le 3 décembre 2020 a eu lieu, par vidéoconférence, grâce à la plateforme Webex, l’audition du requérant devant le conseil de discipline. Pendant l’audition, le requérant a présenté des objections quant au fait d’être entendu au cours d’une vidéoconférence, en raison de risques en termes de sécurité et de l’impossibilité de consulter son conseil de manière confidentielle pendant cette audition (voir point 35 ci-dessus).

68      Dans son avis du 22 juillet 2021 (voir point 36 ci-dessus), le conseil de discipline a noté à cet égard que « tout au long de l’audi[tion], [le requérant et son conseil] n’ont pas été empêchés de communiquer par d’autres moyens de communication, par exemple par téléphone ou messagerie instantanée. [Le requérant et son conseil] ont eu également la possibilité de demander une pause durant l’audi[tion] afin d’avoir un entretien privé, ce qu’ils n’ont pas demandé. Enfin, une pause a été organisée au cours de l’audi[tion] par le président ».

69      Il convient de rappeler que l’audition du requérant devant le conseil de discipline a été tenue par vidéoconférence, car elle a eu lieu le 3 décembre 2020, soit pendant la deuxième période de confinement en raison de la pandémie de COVID-19 sur le territoire de l’Union. En outre, le requérant ne fait pas valoir qu’il n’aurait pas pu présenter son point de vue au cours de cette audition.

70      En ce qui concerne les préoccupations soulevées par le requérant en termes de sécurité, il convient de noter que le conseil de discipline avait utilisé une plateforme en ligne sécurisée, qui assure une communication chiffrée de bout en bout. En ce qui concerne les préoccupations soulevées par le requérant s’agissant du respect des droits de la défense, il convient de noter que le fait que cette audition ait été tenue sous la forme d’une vidéoconférence n’empêchait pas ce dernier de consulter son conseil de manière confidentielle pendant l’audition, par le biais d’autres moyens de communication ou lors d’une pause.

71      Il s’ensuit que la seconde branche du premier moyen, relative à la tenue de l’audition devant le conseil de discipline sous la forme d’une vidéoconférence, ne permet pas d’établir une violation du droit d’être entendu et doit être rejetée.

72      Dans le cadre de son premier moyen, le requérant invoque également une violation de l’article 41, paragraphe 1, de l’article 48 et de l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, de l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut, du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude. Ces griefs, à supposer qu’ils puissent être considérés comme suffisamment clairs et précis pour être recevables, doivent, dès lors qu’ils reposent sur les mêmes arguments que ceux des deux branches examinées ci-dessus, être rejetés comme étant non fondés pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus.

73      Il s’ensuit que le premier moyen dans son ensemble doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 22 du statut

74      Dans une première branche, le requérant fait valoir que les lignes directrices pour l’application de l’article 22 du statut adoptées par la Commission européenne le 9 juin 2004 (ci-après les « lignes directrices pour l’article 22 du statut ») seraient applicables à l’AUEA, contrairement à ce qu’aurait soutenu cette dernière, et que l’AUEA ne les aurait pas respectées.

75      Dans une deuxième branche, concernant la première condition de l’article 22 du statut, relative à l’existence d’une faute personnelle grave, le requérant soutient que cette celle-ci ne serait pas remplie.

76      En premier lieu, la décision attaquée n’aurait pas identifié l’« obligation juridique claire et précise » que le requérant n’aurait pas respectée en concluant l’accord de règlement amiable avec A, comme prévu par le point 2.1 des lignes directrices pour l’article 22 du statut.

77      En deuxième lieu, la conclusion d’une transaction ne pourrait pas constituer une faute, car elle a pour but de mettre fin à un litige. Il considère ainsi que le règlement amiable a bénéficié à l’AUEA et était dans l’intérêt de cette dernière.

78      En outre, la conclusion d’une transaction ne saurait être constitutive d’une faute, car le requérant avait, en tant que directeur exécutif de l’AUEA, le pouvoir d’agir comme il l’a fait. Par ailleurs, la conclusion de l’accord de règlement amiable aurait été recommandée par des avocats et cet accord aurait été signé en l’absence du requérant.

79      En troisième lieu, conformément au point 2.3.2 des lignes directrices pour l’article 22 du statut, la responsabilité financière au titre de cet article ne s’appliquerait qu’en cas de faute intentionnelle et de négligence grossière. Or, aucune de ces deux situations, telles que définies aux points 2.3.2.1 et 2.3.2.2 desdites lignes directrices, ne serait démontrée en l’espèce.

80      Dans une troisième branche, concernant la deuxième condition de l’article 22 du statut, relative au lien de causalité entre l’acte de l’agent concerné et le préjudice subi par l’Union, le requérant affirme que l’AHCC aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que ce lien de causalité se matérialisait, en l’espèce, par les raisons de la conclusion de l’accord de règlement amiable avec A. Le requérant soutient que le lien de causalité serait l’accord de règlement amiable lui-même, dont la conclusion ne pourrait constituer une faute et n’aurait été interdite par aucune obligation légale.

81      Dans une quatrième branche, concernant la troisième condition de l’article 22 du statut, relative au préjudice subi par l’Union, le requérant soutient en substance que l’AHCC aurait violé cet article, en décidant de le tenir financièrement responsable de l’intégralité du montant de 30 000 euros versé à A en vertu de l’accord de règlement amiable.

82      En premier lieu, l’AUEA n’aurait pas pu évaluer ce qui aurait été l’issue du litige avec A en l’absence de règlement amiable ainsi que les conséquences financières qui en auraient découlé pour elle, de sorte que, selon le requérant, aucun préjudice financier ne pourrait raisonnablement être évalué.

83      En deuxième lieu, le point 3.2 des lignes directrices pour l’article 22 du statut prévoirait que, en cas de négligence grossière, l’auteur de l’acte ou de l’omission ne pourrait être condamné à réparer qu’une partie du préjudice subi par l’Union.

84      En troisième lieu, conformément au point 3.2.1 des lignes directrices pour l’article 22 du statut, au devoir de sollicitude et au principe de proportionnalité, l’AUEA aurait dû prendre en compte la situation personnelle du requérant lors de la détermination du préjudice.

85      En quatrième lieu, les honoraires d’avocat de A supportés par l’AUEA ne seraient pas liés à l’accord de règlement amiable et n’auraient donc pas à être pris en compte dans la détermination du préjudice.

86      Pour ces raisons, le requérant invoque également la violation des principes d’unicité de la fonction publique et d’égalité de traitement, de sécurité juridique, de proportionnalité et de « foi due aux actes », du droit à une bonne administration, de l’obligation de motivation et l’existence d’un abus de pouvoir.

87      L’AUEA conteste l’argumentation du requérant.

–       Sur la première branche du second moyen, relative à la violation des lignes directrices pour l’article 22 du statut

88      Le requérant fait valoir que les lignes directrices pour l’article 22 du statut seraient applicables à l’AUEA, contrairement à ce qu’aurait soutenu cette dernière, et que l’AUEA ne les aurait pas respectées.

89      Il convient cependant de noter que les lignes directrices pour l’article 22 du statut ont été adoptées par la Commission. Elles indiquent que « [l]e Commissaire chargé du personnel veillera à la mise en œuvre de ces lignes directrices et invitera les autres institutions à étudier la possibilité d’étendre le système de l’application des règles statutaires à l’ensemble des fonctionnaires [de l’Union] ».

90      L’AUEA fait valoir qu’elle n’a jamais approuvé ces lignes directrices et qu’elle n’a pas adopté de lignes directrices similaires, ni annoncé que ces lignes directrices seraient appliquées au sein de l’AUEA.

91      À cet égard, il y a effectivement lieu de constater que l’AUEA n’était pas obligée d’appliquer les lignes directrices pour l’article 22 du statut.

92      Par conséquent, la première branche du second moyen, relative à la violation des lignes directrices pour l’article 22 du statut, doit être rejetée.

–       Sur la deuxième branche du second moyen, relative à l’existence d’une faute personnelle grave

1)      Sur le grief relatif aux obligations violées par le requérant

93      Le requérant fait valoir que la décision attaquée n’aurait pas identifié l’« obligation juridique claire et précise » qu’il n’aurait pas respectée en concluant l’accord de règlement amiable avec A et que les obligations identifiées par l’AUEA dans la décision de rejet de sa réclamation constitueraient des justifications a posteriori.

94      Il convient de rappeler que, dans la décision du 3 mars 2022, l’AHCC a estimé que, en concluant l’accord de règlement amiable avec A, le requérant avait violé le RAA, le principe de bonne gestion financière et les articles 11 et 21 du statut, qui imposent respectivement à l’agent concerné de « s’acquitter de ses fonctions et régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts de l’Union » et d’être « responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées » (voir point 39 ci-dessus).

95      À cet égard, il ressort du point 94 ci-dessus que l’AHCC a bien identifié, dans la décision du 3 mars 2022, les obligations auxquelles le requérant aurait dérogé et les dispositions en cause.

96      Par conséquent, il convient de rejeter le grief du requérant selon lequel la décision attaquée n’aurait pas identifié l’« obligation juridique claire et précise » qu’il n’aurait pas respectée en concluant l’accord de règlement amiable avec A et selon lequel les obligations identifiées par l’AUEA dans la décision de rejet de sa réclamation constitueraient des justifications a posteriori.

2)      Sur le grief relatif à l’intérêt de l’AUEA

97      Le requérant fait valoir que l’accord de règlement amiable ne pouvait pas constituer une faute, car il avait pour but de mettre fin à plusieurs litiges et, partant, était dans l’intérêt de l’AUEA, et qu’il aurait peut-être bénéficié à cette dernière.

98      Pour rappel, dans la décision attaquée, l’AHCC a conclu que l’accord de règlement amiable conclu avec A était principalement motivé par les intérêts personnels du requérant. En effet, alors que la procédure pénale avait exclusivement ou principalement pour objet de protéger ses propres intérêts, dès lors que le requérant l’avait introduite en son nom propre, et non au nom de l’AUEA, quoique cette possibilité soit prévue en droit belge, l’accord de règlement amiable a été conclu au nom de l’AUEA et en utilisant les ressources de cette dernière. L’AHCC a estimé que, par conséquent, le requérant n’avait pas agi en ayant uniquement en vue les intérêts de l’AUEA et de l’Union, contrairement à ce que prévoit l’article 11 du statut.

99      À cet égard, c’est à juste titre que, dans la décision attaquée, l’AHCC a conclu, en tenant compte de la partie de l’accord de règlement amiable relative à la procédure pénale, que cet accord était principalement motivé par les intérêts personnels du requérant. L’AHCC pouvait alors estimer que, par conséquent, le requérant n’avait pas agi en ayant uniquement en vue les intérêts de l’AUEA et de l’Union, contrairement à ce que prévoit l’article 11 du statut. L’argument du requérant, selon lequel cet accord de règlement amiable aurait aussi peut-être bénéficié à l’AUEA, n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

100    Par ailleurs, il convient de constater que plusieurs des allégations factuelles présentées par le requérant dans le cadre du présent grief manquent en fait à la lumière des éléments figurant dans le dossier.

101    En particulier, le requérant soutient que ce serait l’AUEA qui aurait attaqué A pour diffamation. Il ressort cependant de la déclaration de désistement de partie civile du requérant du 24 avril 2018 et du jugement du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles du 19 février 2019, fournis par l’AUEA, que c’est le requérant qui avait déposé plainte dans le cadre de la procédure pénale, et non l’AUEA en tant que personne morale, quoique cette possibilité soit prévue en droit belge (voir point 8 ci-dessus).

102    Le requérant soutient également que l’accord de règlement amiable aurait été conclu en son absence, ce qui est contredit par la version dudit accord fournie par l’AUEA, qui comporte la signature de celui-ci.

103    Lors de l’audience, le requérant a en outre soutenu qu’il serait inexact que l’AUEA devait, en application de l’accord de règlement amiable, supporter les frais d’avocat de A. Toutefois, l’obligation de l’AUEA de prendre en charge les honoraires d’avocat éventuellement dus par A pour assurer sa défense dans le cadre de la procédure pénale ressort clairement de l’article 2 de cet accord (voir point 15 ci-dessus).

104    En ce qui concerne la procédure pénale, le requérant soutient, par ailleurs, que « s’il n’y a pas eu de jugement de condamnation, ce n’est pas[,] comme l’AHCC voudrait le faire croire[,] parce que les faits n’étaient pas prouvés, mais parce qu’il y a eu un arrangement et qu[’il] a renoncé au bénéfice d’obtenir un jugement de condamnation dans l’intérêt de l’[AUEA] ». Cette allégation est cependant contredite par le jugement du Tribunal de première instance francophone de Bruxelles du 19 février 2019, fourni par l’AUEA, qui indique que ledit Tribunal a acquitté A parce que la publicité requise pour l’infraction de calomnie n’était pas établie.

105    Il convient donc de conclure que l’AHCC a pu légitimement considérer, dans la décision attaquée, que l’accord de règlement amiable était principalement dans l’intérêt du requérant et que la conclusion de cet accord constituait une faute personnelle, dans la mesure notamment où le principal litige en question, à savoir la procédure pénale, avait été initié par le requérant.

106    Par ailleurs, outre l’article 1er de l’accord de règlement amiable par lequel A s’est engagée à retirer toutes ses actions en justice introduites contre l’AUEA devant le Tribunal et toutes ses plaintes en cours, l’article 4 dudit accord contient également une clause par laquelle A a renoncé à toute plainte ou action en justice future contre l’AUEA et ses agents, que ce soit concernant cette affaire ou tout autre problème passé ou en cours entre elle et l’AUEA et que ce soit devant la Cour de justice de l’Union européenne, le Médiateur, le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) ou l’OLAF, ou encore devant les juridictions nationales.

107    Comme l’AHCC l’a noté dans la décision attaquée, cette clause allait notamment à l’encontre de l’obligation pour tout agent, prévue à l’article 22 bis du statut, d’informer son supérieur hiérarchique ou l’OLAF de tout fait pouvant laisser présumer une activité illégale éventuelle. En ce sens, cette clause créait un risque juridique et un risque en termes de réputation pour l’AUEA. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que l’accord de règlement amiable était à titre principal dans l’intérêt de l’AUEA.

108    Au vu des considérations qui précèdent, il convient donc de rejeter le grief du requérant selon lequel l’accord de règlement amiable ne pouvait pas constituer une faute personnelle grave, car celui-ci était dans l’intérêt de l’AUEA.

3)      Sur le grief relatif à l’existence d’une faute intentionnelle ou d’une négligence grossière

109    Le requérant s’appuie sur l’article 2.3.2 des lignes directrices pour l’article 22 du statut qui indique notamment que « [b]ien que toute faute puisse donner lieu à une procédure disciplinaire, seules la faute intentionnelle et la négligence grossière peuvent conduire à l’application de l’article 22 ». Il fait valoir qu’aucune de ces deux situations ne pourrait être identifiée en l’espèce.

110    En ce qui concerne la faute intentionnelle, le requérant s’appuie également sur l’article 2.3.2.1 des lignes directrices pour l’article 22 du statut qui indique notamment que « [l]a finalité de l’acte de l’intéressé dans un tel cas est l’enrichissement personnel et/ou la volonté de nuire [à l’Union] ». Il fait valoir qu’aucune de ces deux finalités ne pourrait être identifiée, notamment parce qu’il n’aurait réalisé aucun gain financier en concluant l’accord de règlement amiable.

111    À cet égard, il convient de noter, comme l’AUEA l’a fait valoir à juste titre, que l’article 22 du statut ne fait pas de distinction entre le caractère délibéré ou négligent de la faute personnelle grave. Seules les dispositions des lignes directrices pour l’article 22 du statut contiennent une telle distinction.

112    L’AUEA n’étant pas tenue d’appliquer les lignes directrices pour l’article 22 du statut (voir point 91 ci-dessus), celle-ci n’était donc pas dans l’obligation de qualifier la faute personnelle grave du requérant de faute intentionnelle ou de négligence grossière et, le cas échéant, de respecter les indications fournies dans ces lignes directrices quant aux finalités d’une telle faute intentionnelle.

113    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter ce grief et, par conséquent, la deuxième branche du second moyen dans son ensemble.

–       Sur la troisième branche du second moyen, relative à l’existence d’un lien de causalité entre la faute personnelle grave et le préjudice subi par l’AUEA

114    Il ressort de l’article 22, premier alinéa, du statut qu’il doit exister un lien de causalité entre la faute personnelle grave de l’agent et le préjudice subi par l’Union.

115    À cet égard, l’AHCC a estimé, dans la décision attaquée, que le préjudice de 30 000 euros subi par l’AUEA était le résultat inévitable des manquements du requérant à ses obligations résultant du statut, du RAA et des règles financières, du fait de la conclusion du règlement amiable avec A.

116    L’AHCC a estimé, en outre, que le préjudice de 30 000 euros subi par l’AUEA résultait des actes répréhensibles du requérant et de la nécessité en découlant pour lui de conclure un accord de règlement amiable afin de couvrir ses actes et d’obtenir le silence de A à ce sujet.

117    Le requérant affirme que l’AHCC aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le lien de causalité entre son acte et le préjudice subi par l’Union se matérialisait par les raisons de la signature de l’accord de règlement amiable avec A. Il soutient que le lien de causalité serait l’accord de règlement amiable lui-même, dont la signature ne pourrait constituer une faute et n’aurait été interdite par aucune obligation légale.

118    En ce qui concerne l’allégation du requérant selon laquelle la conclusion de l’accord de règlement amiable ne pourrait constituer une faute, il y a lieu de rappeler que celle-ci a déjà été rejetée dans le cadre de la deuxième branche du second moyen.

119    En ce qui concerne le grief selon lequel l’AHCC aurait erronément établi un lien de causalité entre le préjudice de 30 000 euros subi par l’AUEA et les raisons ayant poussé le requérant à conclure l’accord de règlement amiable avec A, il convient de noter, comme l’AUEA l’a fait valoir à juste titre, que rien n’empêchait à l’AHCC de prendre en compte, dans le cadre de son appréciation, les raisons qui sous-tendaient la conclusion de l’accord de règlement amiable en cause et résultaient essentiellement, selon l’AHCC, des actes répréhensibles du requérant, en plus du non-respect de ses obligations légales.

120    Lors de l’audience, l’AUEA a expliqué que ces actes répréhensibles correspondaient à l’enchaînement de comportements déraisonnables de la part du requérant qui avait entretenu des relations conflictuelles ouvertes avec A, puis mis fin au contrat de cette dernière, introduit une procédure pénale en son nom propre et décidé unilatéralement de conclure un accord de règlement amiable ainsi que d’utiliser les ressources de l’AUEA pour compenser le préjudice subi par A et payer les frais d’avocat liés à cette procédure pénale.

121    À cet égard, il convient de constater que, le requérant n’ayant pas fourni de raison valable justifiant la conclusion de l’accord de règlement amiable et, en particulier, le paiement d’une somme de 30 000 euros à A, les plaintes et les recours introduits par A étaient susceptibles d’être en partie fondés ou de révéler des actes répréhensibles qu’il a commis.

122    Dans ce contexte, l’AHCC a légitimement pu prendre en compte, dans la décision attaquée, les raisons qui sous-tendaient la conclusion de l’accord de règlement amiable. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure à l’existence d’un lien de causalité entre, d’une part, la conclusion, par le requérant, de cet accord et les raisons majoritairement personnelles, en violation de ses obligations, sous-tendant cette conclusion et, d’autre part, le préjudice de 30 000 euros subi par l’AUEA.

123    Il s’ensuit que la troisième branche du second moyen doit être rejetée.

–       Sur la quatrième branche du second moyen, relative à l’appréciation du préjudice subi par l’AUEA

124    Dans la décision attaquée, l’AHCC a estimé que le montant du préjudice subi par l’AUEA correspondait à l’intégralité de la somme de 30 000 euros versée au titre de l’accord de règlement amiable pour deux motifs. Premièrement, le requérant n’avait pas fourni de justifications quant au choix de cette somme. Deuxièmement, cette somme ne pouvait pas être considérée comme étant compensée en partie par les économies de coûts résultant de la résolution des litiges en cours, dans la mesure où le requérant n’avait pas fourni d’estimation des coûts susceptibles de découler de la poursuite de ces litiges.

125    En premier lieu, le requérant fait valoir que l’AUEA n’aurait pas pu évaluer ce qui aurait été l’issue du litige avec A, en l’absence de règlement amiable, ainsi que les conséquences financières qui en auraient découlé pour elle, de sorte qu’aucun préjudice financier ne pourrait raisonnablement être évalué.

126    À cet égard, il convient de noter que l’absence d’évaluation ex ante dûment documentée des coûts et des avantages devant découler de la conclusion de l’accord de règlement amiable avec A est précisément un des motifs retenus par l’AHCC dans la décision attaquée pour engager la responsabilité financière du requérant et déterminer le montant du préjudice subi par l’AUEA. Le requérant ne peut pas tirer parti de l’absence d’une telle évaluation, à laquelle il lui incombait, selon l’AHCC, de procéder, pour arguer de l’absence totale de préjudice subi par l’AUEA.

127    En tout état de cause, pour ce qui est de la procédure pénale, elle avait été engagée par le requérant, si bien qu’elle n’aurait pas pu, a priori, avoir de conséquences financières pour l’AUEA.

128    Ce grief doit donc être rejeté.

129    En deuxième lieu, le requérant fait valoir que le point 3.2 des lignes directrices pour l’article 22 du statut prévoirait que, en cas de négligence grossière, l’auteur de l’acte ou de l’omission ne pourrait être condamné à réparer qu’une partie du préjudice subi par l’Union.

130    À cet égard, il convient de rappeler que l’AUEA n’était pas tenue d’appliquer les lignes directrices pour l’article 22 du statut (voir point 91 ci-dessus).

131    Ce grief doit donc être rejeté.

132    En troisième lieu, le requérant fait valoir que, conformément au point 3.2.1 des lignes directrices pour l’article 22 du statut, au devoir de sollicitude et au principe de proportionnalité, l’AUEA aurait dû prendre en compte sa situation personnelle lors de la détermination du préjudice.

133    En ce qui concerne le point 3.2.1 des lignes directrices pour l’article 22 du statut, il convient de rappeler que l’AUEA n’était pas tenue d’appliquer les lignes directrices pour l’article 22 du statut (voir point 91 ci-dessus).

134    Quant au devoir de sollicitude des institutions et des organes de l’Union à l’égard de leurs fonctionnaires, il est vrai qu’il implique notamment que, lorsqu’elle statue sur la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2021, Commission/De Esteban Alonso, C‑591/19 P, EU:C:2021:468, point 61 et jurisprudence citée).

135    Cependant, le requérant, qui mentionne uniquement son statut de retraité, n’apporte aucun élément suggérant que le montant du préjudice retenu serait excessif au vu de sa capacité financière. Ce grief doit donc être rejeté.

136    En quatrième lieu, le requérant fait valoir que les honoraires d’avocat de A supportés par l’AUEA seraient sans lien avec l’accord de règlement amiable et n’auraient donc pas à être pris en compte dans la détermination du préjudice.

137    À cet égard, il convient de noter que, par l’accord de règlement amiable, l’AUEA s’était engagée à prendre en charge les honoraires d’avocat éventuellement dus par A pour assurer sa défense dans le cadre de la procédure pénale (voir points 15 et 103 ci-dessus). Contrairement à ce que fait valoir le requérant, les honoraires d’avocat de A supportés par l’AUEA sont donc liés à l’accord de règlement amiable.

138    En tout état de cause, dans la décision attaquée, l’AHCC n’a pas pris en compte le montant des honoraires d’avocat qui restait, à l’époque, à déterminer dans le montant du préjudice subi par l’AUEA.

139    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter ce grief et, par conséquent, la quatrième branche du second moyen dans son ensemble.

140    Par ailleurs, dans le cadre de son second moyen, le requérant invoque également une violation des principes de sécurité juridique, de bonne administration, de proportionnalité et de bonne « foi due aux actes », une violation de l’obligation de motivation, une violation du principe d’unicité de la fonction publique et d’égalité de traitement et l’existence d’un abus de pouvoir. Ces griefs, à supposer qu’ils puissent être considérés comme suffisamment clairs et précis pour être recevables, doivent être rejetés comme étant non fondés, dès lors qu’ils sont soulevés par le requérant comme découlant étroitement de son argumentation relative, d’une part, à l’application des lignes directrices pour l’article 22 du statut et, d’autre part, à une absence de faute personnelle de sa part s’agissant de la conclusion de l’accord de règlement amiable, laquelle a été examinée et rejetée comme non étant fondée dans le cadre des quatre branches exposées ci-dessus.

141    Il s’ensuit que le second moyen dans son ensemble doit être rejeté.

 Sur la demande indemnitaire

142    Le requérant demande au Tribunal de condamner l’AUEA au paiement, d’une part, d’un montant de 10 000 euros pour le préjudice matériel qu’il aurait subi, correspondant à ses frais d’avocat et, d’autre part, d’un montant de 15 000 euros pour le préjudice moral qu’il aurait subi en raison des souffrances causées par la procédure ouverte à son égard, qui aurait gravement affecté sa réputation.

143    S’agissant du préjudice matériel, le requérant, interrogé lors de l’audience sur la question de savoir s’il visait les frais d’avocat exposés durant la procédure précontentieuse ou ceux exposés dans le cadre de la procédure contentieuse, a indiqué, d’une part, qu’il visait les frais exposés dans le cadre de sa défense et, d’autre part, qu’il ne visait pas des dépens de la phase judiciaire.

144    L’AUEA conteste l’argumentation du requérant.

145    Conformément à une jurisprudence constante en matière de fonction publique, si une demande en indemnité présente un lien étroit avec une demande en annulation, le rejet de cette dernière soit comme irrecevable, soit comme non fondée entraîne également le rejet de la demande indemnitaire (voir arrêt du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T‑432/18, EU:T:2019:749, point 73 et jurisprudence citée).

146    En l’espèce, il existe un lien étroit entre les conclusions en indemnité et les conclusions en annulation, puisque le requérant demande à être indemnisé du préjudice qu’il aurait subi du fait de l’illégalité de la décision attaquée et des procédures qui ont conduit à son adoption. L’examen des griefs présentés à l’appui des conclusions en annulation n’a cependant révélé aucune illégalité et donc aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’administration.

147    Par conséquent, la demande d’indemnisation du requérant doit être rejetée.

148    Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

149    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’AUEA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      UA est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Półtorak

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1 Données confidentielles occultées.