Language of document : ECLI:EU:T:2012:316

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

21 juin 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure de déchéance – Marque communautaire verbale FRUIT – Non-usage – Article 15, paragraphe 1, sous a), et article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑514/10,

Fruit of the Loom, Inc., établie à Bowling Green, Kentucky (États-Unis), représentée par M. S. Malynicz, barrister, et Mme V. Marsland, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. S. Schäffner, puis par M. G. Schneider, puis par M. D. Botis, et enfin par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Blueshore Management SA, établie à Cernusco Sul Naviglio (Italie), représentée par Mes S. Corona et G. Ciccone, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 30 août 2010 (affaire R 1686/2008‑4), relative à une procédure de déchéance entre Blueshore Management SA et Fruit of the Loom, Inc.,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas (rapporteur) et K. O’Higgins, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 1er novembre 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 27 janvier 2011,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 9 février 2011,

à la suite de l’audience du 18 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 janvier 1998, la requérante, Fruit of the Loom, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal FRUIT.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18, 24 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 24 : « Textiles (pièces) ; couvertures de lit et de table ; produits textiles non compris dans d’autres classes » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        La marque en cause a été enregistrée le 27 août 1999 sous le numéro 745216 pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        Le 16 janvier 2006, l’intervenante, Blueshore Management SA, a introduit une demande en déchéance de ladite marque sur le fondement de l’article 50, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 [devenu article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009] pour les produits relevant des classes 18 et 25.

6        Le 29 septembre 2008, la division d’annulation a annulé la marque FRUIT pour les produits des classes 18 et 25, avec effet au 16 janvier 2006.

7        Le 24 novembre 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’annulation.

8        Par décision du 30 août 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré, d’une part, qu’aucune des marques figuratives dont la requérante est titulaire ni la marque verbale FRUIT OF THE LOOM ne constituent un usage de la marque FRUIT telle qu’enregistrée ou dans une variation acceptable, conformément à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, et, d’autre part, qu’aucune des preuves apportées par la requérante afin de prouver l’usage sérieux de la marque FRUIT n’était de nature à établir un tel usage.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée et déchoir de ses droits la titulaire de la marque communautaire FRUIT ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du premier chef de conclusions de l’intervenante

12      Il convient de relever, à titre liminaire, que l’intervenante, par son premier chef de conclusions, vise, d’une part, à obtenir du Tribunal un jugement confirmatif. Or, il résulte de l’article 65, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 que le recours ouvert devant le Tribunal vise à examiner la légalité des décisions des chambres de recours et à obtenir, le cas échéant, l’annulation ou la réformation de celles-ci [voir arrêt du Tribunal du 17 mars 2011, Jiménez Sarmiento/OHMI – Oxygène sport international (Q), T‑455/09, non publié au Recueil, point 17, et la jurisprudence citée], de sorte qu’il ne saurait avoir pour objet d’obtenir, au regard de telles décisions, des jugements confirmatifs ou déclaratoires.

13      D’autre part, l’intervenante vise à obtenir du Tribunal qu’il ordonne à l’OHMI de déchoir de ses droits la requérante en ce qui concerne la marque FRUIT. Or, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge communautaire. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser une injonction à l’OHMI. Il incombe, en effet, à ce dernier de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du Tribunal [voir arrêt du Tribunal du 10 mars 2009, Piccoli/OHMI (Forme d’une coquille), T‑8/08, non publié au Recueil, point 9, et la jurisprudence citée].

14      Par conséquent, le premier chef de conclusions de l’intervenante doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le fond

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009.

16      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’OHMI ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

17      Aux termes de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, la preuve de l’usage sérieux d’une marque comprend également la preuve de l’utilisation de celle-ci sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée.

18      Afin de prouver l’usage sérieux de la marque FRUIT, la requérante a déposé un certain nombre d’éléments de preuve, résumés, comme suit, au point 12 de la décision attaquée :

–        copies des catalogues des produits FRUIT OF THE LOOM ;

–        un grand nombre de factures portant la marque ou le logo FRUIT OF THE LOOM ainsi que le nom de l’entreprise de la requérante, délivrées à différentes entreprises dans plusieurs États membres. Les produits traités dans les factures sont identifiés par des codes ou des références génériques ;

–        illustrations des produits FRUIT BUNCH ;

–        extraits obtenus sur Internet du site www.fruit.com (le principal site de la requérante), actif depuis fin 1995 ;

–        copies de demandes de renseignements provenant de personnes de toute l’Europe depuis mai 2006 ;

–        sorties imprimées concernant le site Internet www.fruitoftheloom.be ;

–        exemples de publicités ;

–        tableau indiquant les pays et les publications dans lesquels les publicités pertinentes ont été placées, le tirage et le lectorat des diverses publications ;

–        copies d’étiquettes ou de logos ;

–        copies de publicités ;

–        copies d’une campagne promotionnelle ;

–        article promotionnel ;

–        décision de l’office britannique des brevets ;

–        déclarations d’un certain nombre de membres du personnel de la requérante affirmant que les consommateurs de la requérante et eux-mêmes désignent la requérante et ses produits sous le terme « fruit » ;

–        sorties imprimées d’une recherche sur Internet à l’aide d’un moteur de recherche pour les termes « fruit clothing ».

19      En premier lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a appliqué un critère inapproprié pour évaluer les variations acceptables de l’usage relevant de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009. En effet, elle aurait appliqué un test d’identité stricte en application de cet article, alors que cette disposition permet au titulaire d’une marque communautaire d’utiliser celle-ci avec une présentation différente, dès lors que le caractère distinctif de la marque ne s’en trouve pas altéré.

20      La requérante estime que la chambre de recours n’a pas évalué les différences entre la marque FRUIT OF THE LOOM et la marque FRUIT et n’a pas déterminé si ces différences altéraient le caractère distinctif de la marque FRUIT. La chambre de recours n’aurait pas procédé à une comparaison entre ces deux marques et n’aurait pas réalisé une comparaison du caractère distinctif de ces marques.

21      La chambre de recours aurait dû reconnaître que le mot « fruit » est l’élément dominant de toutes les marques de la requérante et, en particulier, de la marque FRUIT OF THE LOOM. En effet, d’une part, le mot « fruit » occuperait une position dominante dans le signe FRUIT OF THE LOOM et, d’autre part, dans le cas des marques figuratives de la requérante, sa signification et son importance seraient renforcées par les éléments figuratifs représentant des fruits.

22      En outre, les consommateurs des États membres non anglophones sauraient identifier et reconnaître le terme « fruit » dans les marques de la requérante, mais seraient sans doute incapables de reconnaître les autres termes de ces marques, particulièrement le terme « loom ». Pour ces consommateurs, la présence de l’élément figuratif faciliterait la compréhension de ces marques. Ainsi, pour ces derniers, le caractère distinctif de l’expression « fruit of the loom » serait le même que celui de la marque FRUIT.

23      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

24      Il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours s’est livrée, aux points 17 à 19 de la décision attaquée, à une comparaison des différentes marques de la requérante.

25      Ainsi, elle relève que, s’agissant des marques figuratives de la requérante, aucune d’entre elles ne se résume à l’élément « fruit » seul et que l’expression indivisible « fruit of the loom » y est chaque fois contenue (point 17 de la décision attaquée). En outre, elle estime que l’expression « fruit of the loom », « qu’[elle] soit [considérée] comme une marque verbale ou, a fortiori, comme un élément des marques figuratives, tire son caractère distinctif de la combinaison de [ces] quatre mots, créant une expression unique » (point 18 de la décision attaquée). Enfin, elle considère que, « [pour] les États membres où l’anglais n’est ni parlé ni compris, les deux termes [à savoir ‘fruit’ et ‘fruit of the loom’] sont dépourvus de signification et sont simplement différents globalement par leur longueur et leur structure » (point 19 de la décision attaquée).

26      De ce fait, elle en a tiré la conclusion qu’aucune des marques figuratives dont la requérante est la titulaire « ni la marque verbale ‘FRUIT OF THE LOOM’ ne constituent un usage de la marque ‘FRUIT’ telle qu’enregistrée ou dans une variation acceptable conformément à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du [règlement n° 207/2009] » (point 16 de la décision attaquée).

27      La chambre de recours a donc bien analysé le caractère distinctif des marques de la requérante, a déterminé les différences existant entre elles et en a conclu que les éléments ajoutés étaient de nature à altérer le caractère distinctif de la marque FRUIT.

28      Il y a lieu de rappeler que l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 vise l’hypothèse où une marque enregistrée, nationale ou communautaire, est utilisée dans le commerce sous une forme légèrement différente par rapport à la forme sous laquelle l’enregistrement a été effectué. L’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce. En revanche, l’article 15, paragraphe 1, sous a), ne permet pas au titulaire d’une marque enregistrée de se soustraire à l’obligation qui lui incombe de faire usage de cette marque en invoquant à son bénéfice l’utilisation d’une marque similaire faisant l’objet d’un enregistrement distinct [arrêt du Tribunal du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T‑194/03, Rec. p. II‑445, point 50].

29      Ainsi, le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [voir arrêt du Tribunal du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT), T‑482/08, non publié au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée].

30      En l’espèce, la marque FRUIT tire son caractère distinctif de son élément unique, le terme « fruit », s’agissant d’ailleurs d’un terme qui n’est généralement pas utilisé pour désigner les produits compris dans les classes 18 et 25. Il convient, dès lors, d’examiner le caractère distinctif et dominant des éléments de l’expression « fruit of the loom », envisagée en tant que marque verbale ou élément dans les marques figuratives de la requérante, pour déterminer si le terme « fruit » en constitue l’élément dominant, de telle sorte que les éléments ajoutés « of the loom » n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque FRUIT et que la marque verbale FRUIT OF THE LOOM et les marques figuratives de la requérante comprenant cette expression puissent être considérées comme équivalentes à la marque FRUIT et ainsi en constituer un usage dans une variation acceptable, conformément à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009.

31      À cet égard, il convient de faire la distinction entre les consommateurs anglophones et les consommateurs non anglophones.

32      S’agissant des consommateurs anglophones, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours au point 19 de la décision attaquée, que le terme « fruit » (fruit), unique élément de la marque FRUIT, a une signification précise tandis que l’expression « fruit of the loom », composée des quatre mots « fruit » (fruit), « of » (de), « the » (le), « loom » (métier à tisser), est une expression inventée par la requérante dont l’originalité réside dans le fait qu’il n’existe pas, dans la nature, un fruit qui proviendrait d’une plante-métier à tisser. Tout au plus cette expression pourrait-elle renvoyer aux produits résultant de l’utilisation d’un métier à tisser.

33      C’est pourquoi il n’est pas envisageable que l’expression « fruit of the loom » soit naturellement réduite au seul élément « fruit » car la signification attachée à l’élément « fruit » n’est pas la même que celle attachée à « fruit of the loom », expression créée par la requérante. Par conséquent, il s’agit d’un ensemble sémantique dans lequel les deux mots « fruit » et « loom » possèdent un caractère distinctif équivalent.

34      En effet, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 18 de la décision attaquée, c’est la combinaison des quatre mots formant l’expression « fruit of the loom » qui lui donne son caractère distinctif, en créant une expression unique. Cela ne saurait être remis en cause par l’argument de la requérante selon lequel le caractère distinctif du terme « fruit » serait renforcé par la présence d’un élément figuratif représentant des fruits dans le cas des marques figuratives de la requérante.

35      Même si cet élément figuratif pourrait illustrer davantage le terme « fruit », il n’en demeure pas moins que, dans certaines des marques figuratives, les termes « fruit » et « loom » sont écrits dans des tailles de police similaires tandis que les éléments « of the » sont plus petits et superposés l’un à l’autre, accentuant l’impression que les mots « fruit » et « loom » sont d’importance égale dans l’expression.

36      Pour les consommateurs non anglophones, il y a lieu d’admettre, à l’instar de la requérante, au point 22 de sa requête, que le terme « fruit » trouve non seulement un équivalent linguistique dans un certain nombre de langues de l’Union, telles que le français (fruit), l’italien (frutta), l’espagnol (frutas) ou le suédois (frukt), mais que, dans les cas où l’équivalence suscite une hésitation, l’élément figuratif représentant des fruits permettra de lever le doute. En revanche, le terme « loom » n’a pas de tel équivalent linguistique.

37      Cependant, la conclusion qu’en tire la requérante, selon laquelle le terme « fruit » serait l’élément dominant de l’expression « fruit of the loom », ne saurait être retenue. Certes, il y a lieu d’admettre que l’emploi du terme « fruit » pour désigner les produits des classes 18 et 25 n’est pas habituel, mais il y a également lieu de relever que, le terme « loom » n’ayant pas d’équivalent linguistique dans les langues non anglophones de l’Union, celui-ci n’apparaîtra pas comme un terme du langage courant et attirera l’attention du consommateur. Par conséquent, les termes « fruit » et « loom » sont d’importance égale dans l’impression globale créée par le signe.

38      En tout état de cause, il y a lieu de noter que, pour que soit appliqué l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, il est nécessaire que les ajouts à la marque enregistrée n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, notamment en raison de leur position accessoire dans le signe et de leur faible caractère distinctif [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 avril 2011, Alder Capital/OHMI – Gimv Nederland (ALDER CAPITAL), T‑209/09, non publié au Recueil, point 58].

39      Or, en l’espèce, les éléments « of the loom » n’occupent pas une place accessoire dans la marque verbale FRUIT OF THE LOOM, ni dans les autres marques figuratives de la requérante, qui présentent, en outre, de nombreux autres éléments, et sont dotés d’un caractère distinctif équivalent à celui du terme « fruit », comme constaté aux points précédents.

40      Par conséquent, l’ajout de ces éléments, tant en ce qui concerne la marque verbale FRUIT OF THE LOOM que les marques figuratives de la requérante, altère le caractère distinctif de la marque FRUIT.

41      Par ailleurs, la requérante, en invoquant l’arrêt ATLAS TRANSPORT, précité (point 36), fait valoir que le fait que la marque enregistrée soit parfois utilisée avec des éléments additionnels et parfois sans de tels éléments peut constituer l’un des critères permettant de conclure à l’absence d’altération du caractère distinctif de la marque enregistrée.

42      Or, il y a lieu de remarquer que l’application de cette jurisprudence aurait supposé de la part de la requérante qu’elle ait à tout le moins réussi à prouver l’usage de la marque FRUIT, sans éléments additionnels, ce qui, comme il sera établi plus loin, n’est pas le cas en l’espèce.

43      En deuxième lieu, selon la requérante, la décision attaquée ne serait pas conforme à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, dans la mesure où elle n’aurait pas tenu compte de la preuve montrant que la requérante commercialisait ses produits de manière informelle sous le nom « fruit », utilisant souvent cette marque à l’oral dans les négociations et transactions avec ses consommateurs.

44      Ainsi, l’usage de la marque FRUIT ne serait pas purement interne, comme le soutiendrait à tort la chambre de recours, mais les consommateurs et les membres du personnel utiliseraient le terme « fruit » en matière d’habillement, voire l’utiliseraient comme un substitut pour la commercialisation de la marque FRUIT OF THE LOOM. Enfin, la marque aurait été utilisée verbalement avec les consommateurs, ce qui correspondrait à un usage, conformément à l’article 15 du règlement n° 207/2009.

45      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

46      À cet égard, la chambre de recours a déclaré, au point 25 de la décision attaquée, qu’« [aucune] des factures, aucun des catalogues ou extraits de publicité ne fait référence à une marque ‘FRUIT’ sur une base autonome ». S’agissant, en particulier, des déclarations soumises à l’OHMI par la requérante, la chambre de recours a relevé qu’elles provenaient « pour la plupart des membres de son propre personnel » et en a conclu que l’usage de la marque FRUIT « est simplement interne et n’est associé à aucun produit ». Elle ajoute qu’« [il] n’a pas été avancé que les produits en cause, au moment de leur vente, étaient annoncés, même familièrement, en tant que produits ‘fruit’ ». Enfin, s’agissant des déclarations ne provenant pas de son personnel, la chambre de recours a souligné qu’« un usage par des tiers, qui n’est pas [tel que prévu] par la titulaire, est dénué de pertinence » (point 26 de la décision attaquée).

47      Il y a lieu de rappeler qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2010, Engelhorn/OHMI – The Outdoor Group (peerstorm), T‑30/09, Rec. p II‑3803, point 28, et la jurisprudence citée].

48      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt peerstorm, précité, point 25, et la jurisprudence citée).

49      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part (voir arrêt peerstorm, précité, point 26, et la jurisprudence citée).

50      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (voir arrêt peerstorm, précité, point 27, et la jurisprudence citée).

51      L’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (voir arrêt peerstorm, précité, point 29, et la jurisprudence citée).

52      En vertu de la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), les preuves se limitent, en principe, à la production de pièces justificatives comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009 [arrêt du Tribunal du 13 mai 2009, Schuhpark Fascies/OHMI – Leder & Schuh (jello SCHUHPARK), T‑183/08, non publié au Recueil, point 25].

53      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits par la requérante ne sont pas de nature à prouver l’usage sérieux de la marque antérieure pour les produits visés (voir, en ce sens, arrêt jello SCHUHPARK, précité, point 26).

54      À cet égard, il y a tout d’abord lieu de remarquer que la requérante ne remet en cause que l’analyse faite, par la chambre de recours, des déclarations qu’elle a fournies pour prouver l’usage de la marque FRUIT ainsi que des preuves concernant le site Internet www.fruit.com. Ainsi, elle ne conteste pas les conclusions, quant à l’absence de la preuve d’usage sérieux, tirées par la chambre de recours des autres preuves, telles que les catalogues produits, les factures, la décision de l’office britannique des brevets ou encore les documents relatifs à la publicité ou aux campagnes promotionnelles.

55      Ensuite, s’agissant des déclarations, il ressort de la jurisprudence que, même pour apprécier la valeur probante de « déclarations écrites faites sous serment ou solennellement ou qui ont un effet équivalent d’après la législation de l’État dans lequel elles sont faites » au sens de l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009, il y a lieu de vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue en tenant compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et de se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (arrêt jello SCHUHPARK, précité, point 38).

56      Or, ces déclarations proviennent, comme l’a souligné la chambre de recours, pour la plupart d’employés de la requérante et tendent à démontrer que la marque FRUIT est utilisée de manière informelle, tandis que la marque FRUIT OF THE LOOM est utilisée lorsqu’il s’agit de s’adresser à de nouveaux clients, dans le cadre de marketing ou de matériau promotionnel.

57      Autrement dit, ces déclarations, loin de prouver un usage public et vers l’extérieur de la marque FRUIT, prouvent uniquement que cette marque fait l’objet d’un usage interne ou familier entre les personnes qui travaillent pour ou avec la requérante et est souvent utilisée non en tant que telle, mais comme une abréviation de la marque FRUIT OF THE LOOM. C’est la marque FRUIT OF THE LOOM qui est utilisée pour faire connaître les produits de l’entreprise.

58      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a estimé que la marque FRUIT n’est associée à aucun produit. Dès lors que l’usage verbal et informel de la marque FRUIT est simplement interne à l’entreprise de la requérante, il ne saurait être considéré comme un usage sérieux de la marque, au sens de l’article 15 du règlement n° 207/2009 (arrêt de la Cour du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec. p. I‑2439, point 37).

59      En troisième lieu, la requérante soutient que la décision attaquée ne serait pas conforme à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, dans la mesure où elle n’aurait pas tenu compte de la preuve montrant que la requérante avait utilisé la marque FRUIT comme un élément de son site commercial www.fruit.com.

60      À cet égard, selon la requérante, le site Internet de la requérante devrait être considéré comme un outil de commercialisation et de publicité pour les vêtements de la requérante. En outre, l’usage dans le cadre de campagnes publicitaires devrait être considéré comme un usage de la marque portant sur les produits pertinents. Enfin, la fonction commerciale du site Internet de la requérante pourrait être établie au regard des demandes de renseignements des consommateurs.

61      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

62      La chambre de recours a indiqué, au point 27 de la décision attaquée, que, s’agissant de la page imprimée par la requérante concernant le domaine www.fruit.com, « il n’a pas été montré ce que ces pages présentent et si le terme ‘fruit’ apparaît quelque part sur celles-ci ». Elle ajoute qu’« il n’a même pas été montré si les produits sont réellement proposés sous ces autres pages et, le cas échéant, quels étaient ces produits ». Elle conclut que « le seul signe utilisé en relation avec ce site web en tant que marque, si tant est qu’il le soit, a été la marque [FRUIT OF THE LOOM] ».

63      Il y a lieu de rappeler que l’usage de la marque doit porter sur des produits et des services qui sont déjà commercialisés ou dont la commercialisation, préparée par l’entreprise en vue de la conquête d’une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, est imminente (arrêt Ansul, précité, point 37).

64      En l’espèce, il y a lieu de relever que la page reproduite par la requérante n’est pas suffisante pour prouver que le site internet www.fruit.com remplit une fonction commerciale ou publicitaire à l’égard des produits de la marque FRUIT.

65      En effet, la marque figurative FRUIT OF THE LOOM occupe une place importante sur la page d’accueil du site Internet puisqu’elle se trouve au-dessus des différents titres – seuls éléments de cette page présentant un intérêt – faisant référence aux produits de la requérante, aux lieux de vente ainsi qu’à l’adresse de contact.

66      Cette configuration est telle que les titres se rapportent à la marque FRUIT OF THE LOOM et non à la marque FRUIT. Le site Internet constitue, dès lors, tout au plus un moyen de commercialisation et de publicité des produits de la marque FRUIT OF THE LOOM, mais, en tout état de cause, n’est pas un élément suffisant pour prouver l’usage sérieux de la marque FRUIT.

67      Le fait qu’il s’agisse du principal site Internet de la requérante, comme cette dernière le souligne au point 35 de sa requête, n’est pas pertinent dès lors que les éléments relatifs à ce site ne sont pas suffisants pour démontrer l’usage de la marque FRUIT, mais uniquement celui de la marque FRUIT OF THE LOOM.

68      Ainsi, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que la requérante n’a pas prouvé l’usage sérieux de la marque FRUIT. Par conséquent, le recours doit être rejeté comme non fondé.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de l’OHMI, conformément aux conclusions de celui-ci. L’intervenante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Fruit of the Loom, Inc. est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par l’OHMI.

3)      Blueshore Management SA supportera ses propres dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 juin 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.