Language of document : ECLI:EU:T:2015:649

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

18 septembre 2015 (*)

  « Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Droit d’être entendu – Obligation de motivation – Droits de la défense – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité – Droit de propriété – Égalité de traitement et non-discrimination » 

Dans l’affaire T‑428/13,

Iranian Oil Company UK Ltd (IOC-UK), établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par M. J. Grayston, solicitor, Mes P. Gjørtler, G. Pandey, D. Rovetta, M. Gambardella, D. Sellers et N. Pilkington, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. V. Piessevaux et M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mmes S. Behzadi-Spencer et V. Kaye, puis par Mme Kaye, en qualité d’agents, assistées de Mme M. Gray, barrister,


partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation, d’une part, de la décision 2013/270/PESC du Conseil, du 6 juin 2013, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 156, p. 10), et, d’autre part, du règlement d’exécution (UE) n° 522/2013 du Conseil, du 6 juin 2013, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 156, p. 3),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 février 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Iranian Oil Company UK Ltd (IOC-UK), est une société établie au Royaume-Uni, détenue à 100 % par Naftiran Intertrade Co. (ci-après « NICO »), elle-même détenue à 100 % par National Iranian Oil Co. (ci-après « NIOC »). La requérante opère, en vertu d’une licence accordée par le gouvernement du Royaume-Uni en 1972, dans le domaine de l’exploration et de l’exploitation de réserves d’hydrocarbures situées en mer du Nord, comprenant le champ gazier de Rhum dont les droits d’exploitation sont détenus en commun par elle-même et BP Exploration Operating Company Ltd. (ci-après « BP »).

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

3        Le 9 juin 2010, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 1929 (2010) [ci-après la « résolution 1929 »], destinée à élargir la portée des mesures restrictives instituées par ses résolutions 1737 (2006), 1747 (2007) et 1803 (2008) et à instaurer des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de la République islamique d’Iran.

4        Le 17 juin 2010, le Conseil européen a souligné qu’il était de plus en plus préoccupé par le programme nucléaire iranien et il s’est félicité de l’adoption de la résolution 1929. Rappelant sa déclaration du 11 décembre 2009, il a invité le Conseil de l’Union européenne à adopter des mesures mettant en œuvre celles prévues dans la résolution 1929 ainsi que des mesures d’accompagnement, en vue de contribuer à répondre, par la voie des négociations, à l’ensemble des préoccupations que continuait de susciter le développement par la République islamique d’Iran de technologies sensibles à l’appui de ses programmes nucléaire et balistique. Ces mesures devaient porter sur le secteur du commerce, le secteur financier, le secteur des transports iraniens et les grands secteurs de l’industrie gazière et pétrolière, ainsi que sur des désignations supplémentaires, en particulier le Corps des gardiens de la révolution islamique.

5        Le 26 juillet 2010, le Conseil a adopté la décision 2010/413 PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), dont l’annexe II énumère les noms des personnes et des entités, autres que celles désignées par le Conseil de sécurité ou par le comité des sanctions créé par la résolution 1737 (2006), mentionnées à l’annexe I, dont les avoirs sont gelés. Le considérant 22 de ladite décision se réfère à la résolution 1929 et mentionne que cette résolution relève le lien potentiel entre les recettes que la République islamique d’Iran tire de son secteur de l’énergie et le financement de ses activités nucléaires posant un risque de prolifération.

6        En conséquence, dans le cadre du traité FUE, le Conseil a adopté, le 25 octobre 2010, le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1).

7        Mettant en œuvre l’article 4 de la décision 2010/413, les articles 8 et 9 du règlement n° 961/2010 ont instauré des interdictions frappant, notamment, la vente, la fourniture ou le transfert d’équipements ou de technologies essentiels destinés aux grands secteurs de l’industrie iranienne du pétrole et du gaz naturel ainsi que la fourniture d’une assistance technique, de services de courtage ou d’une aide financière en rapport avec ces équipements ou technologies à toute personne, toute entité ou tout organisme iraniens ou aux fins d’une utilisation en Iran. Toutefois, l’article 10 de ce même règlement prévoit que :

« Les interdictions visées aux articles 8 et 9 ne s’appliquent pas aux opérations requises par un contrat commercial conclu avant la date d’entrée en vigueur du présent règlement, ou par un contrat ou accord conclu avant le 26 juillet 2010 et relatif à un investissement en Iran réalisé avant le 26 juillet 2010 et n’empêchent pas l’exécution d’une obligation qui en découle, pour autant que la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme souhaitant se livrer à l’opération ou fournir une assistance ait notifié, au moins 20 jours ouvrables auparavant, l’opération ou l’assistance aux autorités compétentes de l’État membre sur le territoire duquel il est établi, telles qu’elles sont indiquées sur les sites Internet énumérés à l’annexe V ».

8        À la suite de l’adoption du règlement n° 961/2010, BP a écrit, d’une part, le 27 octobre 2010, au Department of Energy and Climate Change (ministère de l’Énergie et du Changement climatique du Royaume-Uni, ci-après le « DECC ») afin de l’informer que, selon elle, la requérante constituait une entité iranienne au sens dudit règlement et qu’elle ne voyait dès lors pas d’autre alternative que de cesser la production jusqu’à ce qu’une clarification ait été obtenue et, d’autre part, le 28 octobre 2010, au Her Majesty’s Treasury (ministère des Finances du Royaume-Uni) et au Department for Business, Innovation & Skills (ministère du Commerce, de l’Innovation et du Savoir-faire du Royaume-Uni, ci-après le « BIS ») afin d’obtenir des précisions sur le règlement en cause.

9        Le 4 novembre 2010, BP a informé la requérante que, en attendant une clarification au sujet du règlement n° 961/2010, les préparatifs visant à suspendre la production étaient en cours. La requérante a contesté cette position, considérant que l’article 10 dudit règlement autorisait la poursuite de la production.

10      Le 10 novembre 2010, BP a informé les autres cocontractants en vertu de diverses conventions de transport et de transformation de la suspension de la production.

11      Le 31 mars 2011, en réponse aux lettres de BP du 28 octobre, le Her Majesty’s Treasury et le BIS ont indiqué que la production pouvait se poursuivre. Toutefois, BP invoquant le fait qu’elle n’avait pas trouvé de prestataires de services tant techniques que financiers, la suspension de la production a été maintenue.

12      Le 23 janvier 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/35 PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 19, p. 22). Selon le considérant 13 de cette décision, les restrictions à l’admission et le gel des fonds et des ressources économiques devraient être appliqués à l’égard d’autres personnes et entités qui fournissent un appui au gouvernement iranien lui permettant de poursuivre des activités nucléaires posant un risque de prolifération ou la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, en particulier les personnes et entités apportant un soutien financier, logistique ou matériel audit gouvernement.

13      L’article 1er, paragraphe 7, sous a), ii), de la décision 2012/35 a ajouté à l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, prévoyant le gel des fonds appartenant aux personnes et entités, le point suivant :

« c) les autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II ».

14      En conséquence, le Conseil a adopté, le 23 mars 2012, le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1). En vue de mettre en œuvre l’article 1er, paragraphe 7, sous a), ii), de la décision 2012/35, l’article 23, paragraphe 2, de ce règlement prévoit le gel des fonds des personnes, des entités et des organismes énumérés à son annexe IX, qui ont été reconnus :

« d) comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui au gouvernement iranien, notamment un soutien matériel, logistique ou financer, ou qui lui sont associés ».

15      Le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/635/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 282, p. 58). Selon le considérant 16 de cette décision, il convient d’inscrire les noms d’autres personnes et entités sur la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives qui figure à l’annexe II de la décision 2010/413, en particulier les entités détenues par l’État iranien se livrant à des activités dans le secteur du pétrole et du gaz, étant donné qu’elles fournissent une source de revenus substantielle au gouvernement iranien.

16      L’article 1er, paragraphe 8, sous a), de la décision 2012/635 a modifié l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, en insérant dans ledit paragraphe les dispositions suivantes qui mentionnent ainsi que certaines personnes et entités feront l’objet de mesures restrictives :

« c) d’autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et aux entités qui sont leur propriété ou qui sont sous leur contrôle ou les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II ».

17      En outre, l’article 1er, paragraphe 8, sous e), de la décision 2012/635 a ajouté un paragraphe 13 à l’article 20 de la décision 2010/413 qui se lit comme suit :

« 13. Les paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas aux actes et opérations effectués à l’égard des entités énumérées à l’annexe II qui sont titulaires de droits résultant de l’octroi initial intervenu avant le 27 octobre 2010, par un État souverain autre que l’Iran, d’un accord de partage de production de gaz, dans la mesure où ces actes et opérations concernent la participation de ces entités audit accord. »

18      L’article 2 de la décision 2012/635 a inscrit, à l’annexe II de la décision 2010/413, d’une part, le nom de NIOC, aux motifs que cette entité, détenue et gérée par l’État iranien, fournissait des ressources financières au gouvernement iranien, et, d’autre part, le nom de NICO, aux motifs que cette entité était détenue à 100 % par NIOC.

19      En conséquence, le même jour, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 945/2012 mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO L 282, p. 16). L’article 1er dudit règlement d’exécution a inscrit le nom de NIOC et de NICO à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 respectivement pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans la décision 2012/635.

20      À la suite de l’adoption de la décision 2012/635, qui a introduit, au paragraphe 13 de l’article 20 de la décision 2010/413, une dérogation aux mesures restrictives afin de protéger la sécurité énergétique de l’Union européenne, le Conseil a adopté, le 14 novembre 2012, le règlement (UE) n° 1067/2012 modifiant le règlement n° 267/2012 (JO L 318, p. 1). L’article 1er de ce règlement a introduit un article 28 bis dans le règlement n° 267/2012 qui prévoit :

« Les interdictions visées à l’article 23, paragraphes 2 et 3, ne s’appliquent pas aux actes et opérations effectués à l’égard des entités énumérées à l’annexe IX :

a) qui sont titulaires de droits résultant de l’octroi initial intervenu avant le 27 octobre 2010, par un État souverain autre que l’Iran, d’un accord de partage de production visé à l’article 39, dans la mesure où ces actes et opérations concernent la participation de ces entités audit accord ;

b) dans la mesure où ils sont nécessaires à l’exécution, jusqu’au 31 décembre 2014, des obligations découlant des contrats visés à l’article 12, paragraphe 1, point b), pour autant que ces actes et opérations aient été autorisés au préalable, au cas par cas, par l’autorité compétente concernée et que l’État membre concerné ait informé les autres États membres et la Commission de son intention d’accorder une autorisation. »

21      Le 21 décembre 2012, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 1263/2012 modifiant le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 34). L’article 1er, paragraphe 11, de ce règlement a modifié l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, qui prévoit ainsi le gel des fonds des personnes, des entités et des organismes énumérés à son annexe IX, qui ont été reconnus « comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui, notamment matériel, logistique ou financier, au gouvernement iranien et comme des entités qu’ils ou elles détiennent ou contrôlent ou des personnes et entités qui leur sont associées ».

22      Selon le considérant 10 du règlement n° 1263/2012, lorsqu’un État membre accorde une licence permettant à une personne, une entité ou un organisme désigné d’exercer des activités d’exploitation d’hydrocarbures avant que cette personne, cette entité ou cet organisme ne soit désigné, l’autorité compétente de l’État membre concerné peut accorder une dérogation à certaines interdictions prévues par le règlement n° 267/2012, si cette dérogation est nécessaire pour éviter ou remédier à des dommages environnementaux ou une annihilation permanente de la valeur de la licence.

23      L’article 1er, paragraphe 22, du règlement n° 1263/2012 a ainsi inséré un article 43 bis dans le règlement n° 267/2012, lequel prévoit :

« 1. Par dérogation aux articles 8 et 9, à l’article 17, paragraphe 1, concernant une personne, une entité ou un organisme iranien visé à l’article 17, paragraphe 2, [sous] b), à l’article 23, paragraphes 2 et 3, dans la mesure où ils font référence aux personnes, entités et organismes énumérés à l’annexe IX et aux articles 30 et 35, les autorités compétentes d’un État membre peuvent autoriser, dans les conditions qu’elles jugent appropriées, des activités d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures dans l’Union, dans le cadre d’une licence d’exploration ou d’exploitation délivrée par un État membre à une personne, une entité ou un organisme énuméré à l’annexe IX, pour autant qu’il soit satisfait aux conditions suivantes :

a) la licence d’exploration ou d’exploitation d’hydrocarbures dans l’Union a été délivrée avant la date de désignation de la personne, de l’entité ou de l’organisme énuméré à l’annexe IX ; et

b) l’autorisation est nécessaire pour éviter ou remédier à des dommages environnementaux dans l’Union ou pour empêcher une annihilation permanente de la valeur de la licence, y compris en assurant la sécurité de l’oléoduc et des infrastructures utilisées dans le cadre de l’activité couverte par la licence, à titre provisoire. Cette autorisation peut comprendre des mesures prises en vertu de la législation nationale.

2. La dérogation prévue au paragraphe 1 est accordée uniquement pour la période nécessaire et sa durée de validité n’est pas supérieure à celle de la licence délivrée à la personne, à l’entité ou à l’organisme énuméré à l’annexe IX. Lorsque l’autorité compétente estime que la subrogation aux contrats ou l’octroi d’indemnités est nécessaire, la période de validité de la dérogation n’est pas supérieure à cinq ans.

3. L’État membre concerné notifie aux autres États membres et à la Commission, au moins dix jours ouvrables avant la délivrance de l’autorisation, son intention d’accorder une autorisation. En cas de risque pour l’environnement dans l’Union, nécessitant des mesures urgentes pour éviter des dommages environnementaux, l’État membre concerné peut délivrer une autorisation sans notification préalable. Il en informe les autres États membres et la Commission dans les trois jours ouvrables suivant la délivrance de l’autorisation. »

24      En vertu de l’article 43 bis du règlement n° 267/2012, le gouvernement du Royaume-Uni a adopté le 4 juin 2013 un acte règlementaire portant sur les hydrocarbures permettant au DECC d’appliquer un régime temporaire aux intérêts détenus dans le domaine des hydrocarbures par une personne faisant l’objet de mesures restrictives et de reprendre ainsi la gestion des activités de cette personne, les gains étant versés sur un compte bloqué au bénéfice de cette dernière.

25      Le 6 juin 2013, le Conseil a adopté la décision 2013/270/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 156, p. 10). En vertu de l’article 1er de cette décision, le nom de la requérante a été inscrit à l’annexe II de la décision 2010/413 qui contient la liste des « Personnes et entités concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques et [des] personnes et entités appuyant le gouvernement de l’Iran ».

26      En conséquence, le même jour, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 522/2013 mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO L 156, p. 3 ; ci-après, pris ensemble avec la décision 2013/270, les « actes attaqués »). L’article 1er de ce règlement a inscrit le nom de la requérante à l’annexe IX du règlement n° 267/2012 qui contient la liste des « Personnes et entités concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques et [des] personnes et entités appuyant le gouvernement de l’Iran ».

27      Le nom de la requérante a été inscrit par les actes attaqués sur les listes des « Personnes et entités concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques et [des] personnes et entités appuyant le gouvernement de l’Iran » pour les motifs suivants :

« L’IOC appartient entièrement à la Naftiran Intertrade Company (NICO). Celle-ci est elle-même inscrite au titre de sanctions de l’UE car elle est entièrement détenue par la National Iranian Oil Co. (NIOC), qui est à son tour également une entité inscrite par l’UE au motif qu’elle fournit des moyens financiers au gouvernement iranien. À la date du 18 décembre 2012, les trois membres du conseil d’administration de l’IOC étaient des personnes ayant précédemment exercé des fonctions de direction au sein de la NIOC, ce qui confirme les liens étroits unissant l’IOC et la NIOC. »

28      Par lettre du 10 juin 2013, les actes attaqués ont été communiqués à la requérante.

29      Le 8 juillet 2013, le DECC a adressé à la requérante un préavis l’informant de son intention d’appliquer un régime de gestion temporaire en ce qui concernait ses intérêts en matière d’hydrocarbures et a invité celle-ci à présenter ses observations à cet égard. Par lettre du 23 juillet 2013, la requérante a communiqué ses arguments au DECC.

30      Par lettre du 12 août 2013, la requérante a demandé au Conseil de lui communiquer, d’une part, un résumé des motifs de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et, d’autre part, les éléments de preuve pertinents justifiant cette inscription ainsi que tout écrit échangé entre le Conseil et les autres institutions de l’Union, les États membres et leurs autorités ainsi qu’avec des pays tiers et leurs autorités concernant les motifs de cette inscription et tout écrit échangé, y compris au stade préparatoire, entre les agents et les services du Conseil sur cette question.

31      Le même jour, le Conseil a accusé réception de la lettre de la requérante et a indiqué que cette lettre était en cours d’examen.

 Procédure et conclusions des parties

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 août 2013, la requérante a introduit le présent recours.

33      Par acte déposé au greffe le 16 décembre 2013, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 20 février 2014, le président de la septième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

34      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

35      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        ordonner la production par le Conseil d’une copie du dossier administratif la concernant ;

–        annuler les actes attaqués, dans la mesure où ils la concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

36      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de la requérante relative à des mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction ;

–        déclarer le recours non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

37      À l’appui de son recours, la requérante invoque sept moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation du droit d’être entendu. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le troisième moyen est tiré d’une violation des droits de la défense. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation. Le cinquième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité. Le sixième moyen est tiré d’une violation du droit de propriété. Le septième moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité et de non-discrimination.

38      Le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner ensemble les trois premiers moyens qui portent, en substance, sur la violation des droits de la défense.

 Sur les premier, deuxième et troisième moyens, tirés d’une violation de l’obligation de motivation et des droits de la défense

39      La requérante fait valoir, tout d’abord, que la motivation des actes attaqués résulte d’une formulation stéréotypée qui n’indique aucunement les motifs de son inscription et qui n’est pas étayée par le moindre élément de preuve. À cet égard, elle indique que la simple détention, directe ou indirecte, par une entité elle-même désignée au titre des mesures restrictives en cause ne constitue pas une motivation suffisante et elle considère qu’une inscription doit être motivée par des motifs qui tiennent à la personne concernée.

40      En outre, elle soutient que, si une motivation limitée peut être acceptée dans les affaires liées au terrorisme, en l’espèce, la motivation aurait dû être plus détaillée du fait qu’elle est une société anglaise opérant en conformité avec toutes les obligations découlant de la législation anglaise. En outre, elle souligne que les mesures en cause sont des sanctions unilatérales, en ce sens qu’elles n’ont pas été convenues au sein du Conseil de sécurité, et invite dès lors le Tribunal à préciser que, dans ces circonstances, le Conseil est soumis à une obligation renforcée de fournir une motivation plus précise et complète.

41      Ensuite, la requérante estime qu’aucune circonstance exceptionnelle ne permettait de la priver de son droit d’être entendue. Elle précise que, depuis 2010, elle ne percevait plus de revenus et qu’elle était, en tant que société enregistrée dans l’Union, empêchée de transférer des revenus à une entreprise inscrite sur les listes de sorte qu’il n’était pas nécessaire de geler ses avoirs sans avertissement et sans audition préalable. En outre, elle fait valoir que, du fait qu’il ne lui est pas reproché de participer activement à des activités illicites, il n’était pas proportionné d’écarter son droit d’être entendue.

42      Enfin, elle soutient que, en lui notifiant des actes comportant une motivation insuffisante, en violant son droit d’être entendue et en ne répondant pas à sa demande d’accès aux pièces du dossier, le Conseil a violé ses droits de la défense.

43      Dans la réplique, elle indique par ailleurs que ce n’est qu’à la date du dépôt du mémoire en défense, le 14 novembre 2013, que le Conseil a enfin donné un accès partiel aux documents demandés.

44      Il convient de rappeler, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 49 et jurisprudence citée).

45      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications des mesures prises et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt Conseil/Bamba, point 44 supra, EU:C:2012:718, point 50).

46      En ce qui concerne les mesures restrictives adoptées dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, il y a lieu de souligner que, dans la mesure où la personne concernée ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption d’une décision initiale d’inscription, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (arrêts Conseil/Bamba, point 44 supra, EU:C:2012:718, point 51, et du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec, ci-après l’« arrêt OMPI I », EU:T:2006:384, point 140).

47      Partant, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne doit pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêts Conseil/Bamba, point 44 supra, EU:C:2012:718, point 52 ; OMPI I, point 46 supra, EU:T:2006:384, point 146, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec, EU:T:2009:401, point 83).

48      Cependant, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts Conseil/Bamba, point 44 supra, EU:C:2012:718, points 53 et 54 ; OMPI I, point 46 supra, EU:T:2006:384, point 141, et Bank Melli Iran/Conseil, point 47 supra, EU:T:2009:401, point 82).

49      En second lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une entité et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 47 supra, EU:T:2009:401, point 91 et jurisprudence citée).

50      Le principe du respect des droits de la défense exige, d’une part, que les éléments retenus à la charge de l’entité intéressée pour fonder l’acte lui faisant grief lui soient communiqués. D’autre part, elle doit être mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments (voir, par analogie, arrêt OMPI I, point 46 supra, EU:T:2006:384, point 93). En revanche, ni la réglementation en cause, à savoir la décision 2010/413 et le règlement n° 267/2012, ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une audition formelle (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec, EU:T:2008:461, point 93 et jurisprudence citée).

51      S’agissant d’un premier acte par lequel les fonds d’une entité sont gelés, il a été jugé que la communication des éléments à charge doit avoir lieu soit concomitamment à l’adoption de l’acte concerné, soit aussitôt que possible après ladite adoption. Sur demande de l’entité concernée, cette dernière a également le droit de faire valoir son point de vue au sujet de ces éléments une fois l’acte adopté (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec, EU:C:2008:461, point 342, et OMPI I, point 46 supra, EU:T:2006:384, point 137).

52      En effet, une communication des éléments à charge et une audition des intéressés, préalablement à l’adoption de la décision initiale de gel des fonds, seraient de nature à compromettre l’efficacité des sanctions et s’avéreraient ainsi incompatibles avec l’objectif d’intérêt général poursuivi par l’Union. Une mesure initiale de gel des fonds doit, par sa nature même, pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer avec effet immédiat. Une telle mesure ne saurait, dès lors, faire l’objet d’une notification préalable à sa mise en œuvre (voir, en ce sens et par analogie, arrêt OMPI I, point 46 supra, EU:T:2006:384, point 128).

53      C’est à la lumière de la jurisprudence rappelée ci-dessus qu’il convient d’examiner les arguments invoqués par la requérante dans le cadre des premier, deuxième et troisième moyens.

 Sur l’obligation de motivation

54      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle, est distincte de celle de la preuve du comportement allégué, laquelle relève de la légalité au fond de l’acte en cause et implique de vérifier la réalité des faits mentionnés dans cet acte ainsi que la qualification de ces faits comme constituant des éléments justifiant l’application de mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (voir, en ce sens, arrêt Conseil/Bamba, point 44 supra, EU:C:2012:718, point 60).

55      Partant, en l’espèce, la question de savoir si la motivation des actes attaqués est étayée par des éléments de preuve ainsi que celle de savoir si les liens indirects existant entre NIOC et la requérante ou le fait que d’anciens membres du conseil d’administration de cette dernière aient précédemment exercé des fonctions de direction au sein de NIOC permettent de conclure à l’existence d’un contrôle ne sont pertinentes que dans le cadre du quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation. En revanche, ces questions ne sont pas pertinentes dans le cadre du présent moyen.

56      En premier lieu et à titre principal, le Tribunal considère que les principes qui ressortent de la jurisprudence mentionnée aux points 44 à 48 ci-dessus sont identiquement applicables à toute décision de gel de fonds, quelle que soit l’entité concernée par cette décision ou l’origine de son inscription.

57      En effet, d’une part, il convient de souligner que ces principes, relevant du respect des droits fondamentaux, sont également appliqués lors du contrôle de la légalité d’une décision imposant des mesures restrictives dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, Rec, ci-après l’« arrêt Kadi II », EU:C:2013:518, point 116). C’est donc à tort que la requérante soutient qu’une motivation limitée peut être acceptée lorsqu’il s’agit de sanctionner des personnes ou des entités impliquées dans des actes de terrorisme et qu’une motivation plus détaillée s’imposerait dans un cas comme en l’espèce.

58      D’autre part, il y a lieu de relever que ces principes relatifs à l’obligation de motivation s’appliquent en toutes circonstances, y compris lorsque la motivation de l’acte correspond à des motifs exposés par une instance internationale, telle que le Conseil de sécurité (voir, en ce sens, arrêt Kadi II, point 57 supra, EU:C:2013:518, point 116). Bien que, dans ces circonstances, le Conseil puisse se référer à la motivation énoncée dans la décision du Conseil de sécurité, il ressort clairement de la jurisprudence que le Conseil n’est aucunement déchargé de son obligation de vérifier que cette motivation satisfait aux principes énoncés aux points 44 à 48 ci-dessus. Si l’intensité du contrôle du respect des droits fondamentaux en ce qui concerne la motivation d’un acte de l’Union n’est ainsi pas affectée par le fait que cet acte résulte d’une décision adoptée au sein des Nations Unies, il ne peut toutefois en être conclu, comme l’affirme la requérante, que l’obligation de motivation doit être renforcée lorsque des mesures restrictives sont imposées de manière autonome par le Conseil. L’obligation de motivation s’applique en effet de manière identique à toute décision visant à imposer des mesures restrictives, quelle que soit l’origine de cette décision.

59      Partant, c’est à tort que la requérante soutient qu’une obligation renforcée de motiver les actes attaqués s’imposait en l’espèce au Conseil.

60      En second lieu, le Tribunal estime que, examinés dans leur ensemble, les motifs mentionnés dans les actes attaqués étaient suffisants, en ce qu’ils permettaient à la requérante d’identifier leur base juridique et de comprendre les motifs pour lesquels des mesures restrictives ont été adoptées à son encontre.

61      En effet, il y a lieu de rappeler que les motifs constituant la motivation des actes attaqués indiquent que la requérante est détenue entièrement par NICO, « elle-même inscrite au titre de sanctions de l’[Union] car elle est entièrement détenue par [NIOC], qui est à son tour également une entité inscrite par l’[Union] au motif qu’elle fournit des moyens financiers au gouvernement iranien ». En outre, la dernière phrase desdits motifs indique que, « [à] la date du 18 décembre 2012, les trois membres du conseil d’administration de [la requérante] étaient des personnes ayant précédemment exercé des fonctions de direction au sein de [NIOC], ce qui confirme les liens étroits unissant [la requérante] et [NIOC] ».

62      S’agissant, premièrement, de la question de savoir si cette motivation identifie la base juridique des mesures prises par le Conseil à l’encontre de la requérante, conformément à la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus, il ressort clairement des motifs invoqués par le Conseil dans les actes attaqués que celui-ci s’est fondé, d’une part, sur l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, et, d’autre part, sur l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, ces articles prévoyant le gel des fonds des entités détenues ou contrôlées par une entité reconnue comme fournissant un appui au gouvernement iranien, ou associées à une telle entité.

63      Deuxièmement, s’agissant de la question de savoir si les motifs invoqués par le Conseil pour justifier l’inscription du nom de la requérante sur les listes exposent les motifs spécifiques et concrets de cette inscription, il y a eu de constater, tout d’abord, que ces motifs indiquent clairement les liens qui unissent la requérante à NICO et à NIOC et qu’ils rappellent que cette dernière a elle-même été inscrite au motif qu’elle fournissait des moyens financiers au gouvernement iranien. En effet, la requérante est identifiée dans les actes attaqués comme une société détenue à 100 % par NICO, elle-même détenue à 100 % par NIOC. En outre, le Conseil a indiqué que ces liens étroits qui unissaient la requérante à NIOC étaient confirmés par la présence d’anciens dirigeants de NIOC au sein du conseil d’administration de la requérante.

64      Ensuite, il y a lieu de rappeler que l’indication de tels liens entre NICO, NIOC et la requérante suffit à motiver l’inscription de cette dernière sur la base de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012. En effet, outre le critère juridique relatif à l’appui fourni au gouvernement iranien, ces dispositions incluent également un critère de détention ou de contrôle qui impose au Conseil de geler les fonds des entités détenues ou contrôlées par une entité fournissant un tel appui au gouvernement iranien.

65      Par conséquent, le Conseil n’était pas tenu de motiver sa décision d’inscrire le nom de la requérante sur les listes par le fait que cette dernière fournissait elle-même un appui au gouvernement iranien, mais il pouvait se contenter d’indiquer les liens de détention ou de contrôle qui, selon lui, existaient entre elle et NIOC.

66      Enfin, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le fait qu’elle n’ait pas été inscrite sur les listes au même moment que NIOC et que NICO, en octobre 2012, alors que le Conseil avait connaissance du fait qu’elle était également une filiale indirecte de NIOC, ne permet aucunement de considérer que le Conseil aurait dû davantage motiver sa décision lorsqu’il adopta, huit mois plus tard, des mesures restrictives à l’encontre de la requérante. En effet, dans la mesure où le Conseil est tenu au respect des dispositions de la décision 2010/413 et du règlement n° 267/2012 qui lui imposent, notamment, de geler les fonds des entités détenues ou contrôlées par une entité fournissant un appui au gouvernement iranien (voir points 89 à 100 ci-après), sa pratique divergente éventuelle ne saurait permettre d’y déroger valablement, ni ne saurait, a fortiori, créer une confiance légitime chez les entité concernées (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, Rec, EU:T:2009:266, point 75). Partant, en l’espèce, à supposer que le Conseil ait eu connaissance de l’existence d’un lien de détention ou de contrôle entre NIOC et la requérante en octobre 2012 mais ait cependant omis d’inscrire le nom de cette dernière sur les listes litigieuses à ce moment-là, cette circonstance ne pouvait l’empêcher de geler ultérieurement les fonds de la requérante ou l’obliger à motiver davantage sa décision en indiquant, outre l’existence dudit lien de détention ou de contrôle, d’autres éléments, comme l’émergence d’une situation ou préoccupation nouvelle.

67      Au vu de ces circonstances, il y a donc lieu de conclure que la motivation permettait à la requérante de comprendre que le Conseil s’était fondé sur les liens capitalistiques ou de contrôle qui l’unissaient à des sociétés déjà inscrites sur les listes litigieuses, en l’occurrence NICO et NIOC, liens qui étaient par ailleurs connus de la requérante et dont elle ne conteste pas la réalité.

68      Partant, le Conseil n’a pas violé l’obligation de motivation.

 Sur le droit d’être entendu

69      La requérante soutient, en substance, que le Conseil était tenu de l’avertir et de lui accorder une audition avant d’adopter les actes attaqués étant donné que l’exigence de rapidité et de surprise ne se justifiait pas dans son cas.

70      À cet égard, force est de constater qu’il ressort sans équivoque de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus qu’une mesure initiale de gel des fonds et des ressources économiques doit, par sa nature même, bénéficier d’un effet de surprise et ne saurait dès lors donner lieu à une notification ou une audition préalable à sa mise en œuvre. La requérante ne saurait dès lors valablement soutenir que les conditions tenant à la nécessité d’un effet de surprise n’étaient, en l’espèce, pas satisfaites et reprocher au Conseil d’avoir violé son droit à une audition préalable.

71      En outre, à supposer même que, dans des circonstances exceptionnelles, une mesure de gel de fonds et des ressources économiques ne doive pas bénéficier d’un effet de surprise et que le Conseil soit dès lors tenu de notifier, à l’avance, son intention d’adopter une telle mesure, il y a lieu de constater que, en l’espèce, les circonstances invoquées par la requérante n’auraient pas permis de garantir l’efficacité des sanctions.

72      En effet, d’une part, la seule existence de règles interdisant d’effectuer des transactions avec des entités dont les noms sont inscrits sur les listes de personnes et/ou d’entités faisant l’objet de mesures restrictives ne garantit pas que de telles transactions ne soient pas effectuées, en particulier lorsque l’entité dont le Conseil envisage de geler les fonds et les ressources économiques est détenue ou contrôlée par une des entités dont le nom est déjà inscrit sur les listes litigieuses, comme en l’espèce. Or, une violation éventuelle ne pouvant être décelée que a posteriori, l’existence de ces règles n’est pas à même d’assurer un effet préventif équivalant à celui des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt Melli Bank/Conseil, point 66 supra, EU:T:2009:266, point 127).

73      D’autre part, le fait que la requérante ne perçoit plus de revenus depuis 2010 ne signifie aucunement qu’elle ne dispose pas de fonds ou d’autres ressources économiques. Il n’était donc pas exclu que la requérante puisse transférer certains fonds en dehors de l’Union si elle avait été avertie à l’avance de l’intention du Conseil de lui imposer des mesures restrictives, ce qui aurait dès lors affecté l’efficacité de ces mesures.

74      Partant, le Conseil n’a pas violé le droit d’être entendu de la requérante.

 Sur le droit d’accès au dossier

75      La requérante reproche au Conseil de ne lui avoir donné qu’un accès partiel aux documents auxquels elle demandait l’accès et seulement à la date du dépôt du mémoire en défense, le 14 novembre 2013, soit deux mois après sa demande initiale.

76      Le Tribunal estime toutefois que, en l’espèce, ni le caractère tardif de la réponse du Conseil à la demande d’accès aux documents de la requérante ni le caractère partiel de cette réponse ne permettent de conclure à une violation des droits de la défense de la requérante.

77      En effet, en premier lieu, il convient de rappeler que, lorsque des informations suffisamment précises, permettant à l’entité intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour cette institution de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 47 supra, EU:T:2009:401, point 97 et jurisprudence citée).

78      En l’espèce, le Conseil a communiqué individuellement à la requérante, par lettre du 10 juin 2013, les motifs des mesures restrictives prises à son encontre, lesquels étaient suffisants pour permettre à cette dernière de comprendre les éléments retenus à sa charge et, dès lors, de faire valoir utilement son point de vue à cet égard (voir ci-dessus points 54 à 67). Le Conseil n’a donc pas violé les droits de la défense de la requérante en ce qui concerne la communication initiale des éléments à charge.

79      S’agissant de la demande de la requérante visant à obtenir un accès aux éléments de preuve justifiant l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, il convient de relever, tout d’abord, que cette demande a été communiquée au Conseil par lettre du 12 août 2013, soit sept jours seulement avant l’introduction du présent recours. Il ne saurait dès lors être reproché au Conseil de ne pas avoir répondu à cette demande avant le 19 août 2013, date du dépôt de la requête devant le Tribunal.

80      Ensuite, s’agissant des documents communiqués par le Conseil lors du dépôt du mémoire en défense, le 14 novembre 2013, il y a lieu de constater que la requérante a été en mesure d’en prendre connaissance et d’adapter, pour autant que de besoin, ses arguments en cours de procédure.

81      Partant, la réponse tardive du Conseil à la demande d’accès aux documents de la requérante n’a pas empêché cette dernière d’exercer ses droits de la défense.

82      En second lieu, il convient de rappeler que l’absence de communication d’un document sur lequel le Conseil s’est fondé pour adopter ou pour maintenir les mesures restrictives visant une entité ne constitue une violation des droits de la défense justifiant l’annulation des actes concernés que s’il est établi que les mesures restrictives concernées n’auraient pas pu être adoptées ou maintenues à bon droit si le document non communiqué devait être écarté comme élément à charge (arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, Rec, EU:T:2013:397, point 100).

83      Par conséquent, en l’espèce, à supposer même que le Conseil n’ait donné qu’un accès partiel au dossier concernant l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses en refusant, notamment, la communication de certains documents relatifs aux discussions qui ont eu lieu avec certains États membres au sujet de ladite inscription, cette circonstance ne pourrait justifier l’annulation des actes attaqués que s’il était par ailleurs établi que l’adoption des mesures restrictives visant la requérante ne pouvait pas être justifiée par les seuls éléments communiqués à cette dernière en temps utile, à savoir les motifs figurant dans les actes attaqués. Or, cette question du bien-fondé de la justification des mesures restrictives visant la requérante, telle que reprise dans la motivation des actes attaqués, sera examinée ci-après dans le cadre du quatrième moyen (points 86 à 107).

84      Il s’ensuit que le Conseil n’a pas violé les droits de la défense de la requérante en ce qui concerne l’accès aux éléments du dossier et que, pour autant que les motifs repris dans les actes attaqués étaient suffisants pour justifier le gel des fonds de la requérante, ce qui relève de l’examen du quatrième moyen, il n’y a aucune raison pour le Tribunal d’ordonner au Conseil la production d’une copie du dossier administratif concernant la requérant ni d’autres documents contenus dans ce dossier.

85      Au vu de tout ce qui précède, les premier, deuxième et troisième moyens doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

86      La requérante estime que la décision du Conseil est fondée sur un ensemble de suppositions factuelles manifestement inexactes qui démontre que le Conseil n’a pas procédé à une évaluation appropriée de la situation en cause.

87      Par la première branche de ce moyen, la requérante soutient que son inscription est fondée sur une interprétation superficielle des liens sociaux qui l’unissent à NICO et à NIOC et que le Conseil n’a pas démontré que les relations de société mère à filiale entre elle et NICO et entre NICO et NIOC étaient telles que ses activités apporteraient des ressources financières au gouvernement iranien.

88      Par la deuxième branche de ce moyen, la requérante fait valoir que le Conseil n’a pas apprécié si elle était en mesure, tant en fait qu’en droit, de fournir des fonds à l’État iranien.

89      Le Conseil conteste cette argumentation. Il rappelle que le nom de la requérante a été inscrit sur les listes litigieuses non pas parce qu’elle fournissait un appui financier au gouvernement iranien, mais parce qu’elle était détenue, contrôlée par et associée à une entité qui fournissait un tel appui. Il précise qu’il n’est pas nécessaire, dans un tel cas, de démontrer que l’entité détenue ou contrôlée remplit elle-même le critère sur la base duquel l’entité qui la détient ou la contrôle a été inscrite.

 Sur la première branche du quatrième moyen

90      Tout d’abord, il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur les listes, le juge de l’Union s’assure que cette décision repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt Kadi II, point 57 supra, EU:C:2013:518, point 119).

91      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée. Si ces éléments ne permettent pas de constater le bien-fondé d’un motif, le juge de l’Union écarte ce dernier en tant que support de la décision d’inscription ou de maintien de l’inscription en cause (arrêt Kadi II, point 57 supra, EU:C:2013:518, points 121 à 123).

92      Ensuite, il y a lieu de souligner que, étant donné le risque non négligeable qu’une entité reconnue comme fournissant un appui au gouvernement iranien exerce une pression sur les entités qu’elle détient ou contrôle pour contourner l’effet des mesures de gel de fond qui la visent, en les incitant soit à lui transférer directement ou indirectement leurs fonds, soit à effectuer des transactions qu’elle ne peut pas opérer elle-même du fait du gel de ses fonds, l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, et l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 imposent l’adoption d’une mesure de gel des fonds à l’encontre de ces entités détenues ou contrôlées par une entité reconnue comme fournissant un appui au gouvernement iranien, le Conseil ne disposant pas de pouvoir d’appréciation à cet égard (voir, en ce sens, arrêts du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, C‑380/09 P, Rec, EU:C:2012:137, points 39 et 58, et Melli Bank/Conseil, point 66 supra, EU:T:2009:266, point 63).

93      Partant, lors de l’adoption d’une décision en vertu de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012, le Conseil doit procéder à une appréciation des circonstances de l’espèce pour déterminer quelles entités ont la qualité d’entités détenues ou contrôlées. En revanche, la nature de l’activité de l’entité concernée et l’absence éventuelle de lien entre cette activité et la fourniture d’un appui au gouvernement iranien ne sont pas des critères pertinents dans ce contexte, l’adoption d’une mesure de gel des fonds visant l’entité détenue ou contrôlée n’étant pas motivée par le fait qu’elle fournit elle-même directement un appui audit gouvernement (voir, en ce sens, arrêts Melli Bank/Conseil, point 92 supra, EU:C:2012:137, points 40 à 42, et Melli Bank/Conseil, point 66 supra, EU:T:2009:266, point 69).

94      Enfin, toujours selon la jurisprudence, lorsque le capital social d’une entité est détenu intégralement par une entité fournissant un appui au gouvernement iranien, le critère d’inscription prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, ainsi qu’à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 est rempli (voir, en ce sens, arrêt Melli Bank/Conseil, point 92 supra, EU:C:2012:137, point 79).

95      Il s’ensuit que l’adoption des mesures restrictives visant une entité détenue à 100 % par, ou appartenant à 100 % à, une entité considérée comme fournissant un appui au gouvernement iranien (ci-après l’« entité détenue ») ne résulte pas d’une appréciation du Conseil quant au risque qu’elle soit amenée à contourner l’effet des mesures adoptées à l’encontre de son entité mère, mais découle directement de la mise en œuvre des dispositions pertinentes de la décision 2010/413 et du règlement n° 267/2012, telles qu’interprétées par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 20 février 2013, Melli Bank/Conseil, T‑492/10, Rec, EU:T:2013:80, point 57).

96      En l’espèce, le Conseil a considéré que, du fait que NIOC détenait 100 % du capital social de NICO, laquelle détenait intégralement le capital social de la requérante, cette dernière devait être considérée comme détenue et contrôlée par NIOC au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012.

97      Au regard de cette chaîne de détention, le Tribunal estime que le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en adoptant des mesures restrictives à l’égard de la requérante.

98      En effet, conformément à la jurisprudence citée au point 94 ci-dessus, la détention intégrale du capital social d’une entité par une entité fournissant un appui au gouvernement iranien implique, à elle seule, que le critère d’inscription prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, ainsi qu’à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 est rempli. En outre, il convient de relever que, dans le domaine du droit de la concurrence, dans lequel est également abordée la question des rapports entre une filiale et sa société mère, la présence de sociétés intermédiaires entre ces deux sociétés n’affecte aucunement l’application de la présomption réfragable selon laquelle la société mère en question exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Il est en effet considéré qu’une telle influence peut être exercée indirectement, par le biais des sociétés intermédiaires (voir, en ce sens, arrêts du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, Rec, EU:C:2011:21, point 88, et du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, Rec, EU:T:2012:478, point 52).

99      Partant, il y a lieu de considérer que, lorsque le capital social d’une entité est détenu indirectement par une entité fournissant un appui au gouvernement iranien, le critère d’inscription prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, ainsi qu’à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 est rempli et ce, indépendamment de la présence et du nombre de sociétés intermédiaires entre cette entité mère et l’entité détenue, pour autant que chacune des entités ainsi présentes dans la chaîne de détention soit elle-même détenue intégralement par sa société mère directe. Dans ces circonstances, en effet, l’entité mère placée en situation faîtière conserve un contrôle unique et exclusif sur l’ensemble de ses filiales et est donc en mesure, par le biais des sociétés intermédiaires, d’exercer une pression sur l’entité qu’elle détient indirectement pour contourner l’effet des mesures qui la visent, justifiant dès lors l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de cette entité indirectement détenue.

100    Dès lors que, en l’espèce la requérante ne conteste ni le fait qu’elle est détenue indirectement par NIOC ni les motifs d’inscription du nom de cette dernière sur les listes, il convient de conclure que la condition de détention visée à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/13, telle que modifiée, et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 est satisfaite, sans procéder à un contrôle complémentaire.

101    Il y a donc lieu de rejeter la première branche du quatrième moyen comme non fondée.

 Sur la seconde branche du quatrième moyen

102    Dans le cadre de la seconde branche de son quatrième moyen, la requérante soutient que la présomption selon laquelle elle est en mesure de fournir des ressources financières au gouvernement iranien est inexacte, d’une part, parce qu’elle ne perçoit plus de revenus depuis la suspension en 2010 de l’exploitation du champ gazier de Rhum, et, d’autre part, parce qu’elle est tenue de se conformer à l’ensemble des interdictions et restrictions relatives aux transferts en faveur de personnes et d’entités iraniennes dont les noms sont inscrits ou non sur les listes litigieuses.

103    En premier lieu, par analogie avec les principes issus de la jurisprudence mentionnée aux points 92 et 93 ci-dessus, il convient de rejeter l’argumentation de la requérante comme inopérante. En effet, lorsque, comme en l’espèce, une entité est détenue à 100 %, directement ou indirectement, par une entité fournissant un appui au gouvernement iranien, l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, et l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012 imposent au Conseil de geler les fonds de l’entité ainsi détenue. Ce dernier ne dispose dès lors aucunement du pouvoir d’apprécier l’appui qu’une telle entité fournirait au gouvernement iranien ou le risque que cette entité soit amenée à contourner l’effet des mesures adoptées à l’encontre de son entité mère.

104    Dès lors, en contestant l’application de mesures restrictives à son égard, la requérante ne vise pas la légalité d’une appréciation quelconque des circonstances de l’espèce opérée par le Conseil, mais la légalité de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée, et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 267/2012. Or, il ne saurait être considéré que la requérante ait invoqué une exception d’illégalité fondée sur les arguments invoqués dans le cadre du quatrième moyen. En effet, ces arguments ne sont fondés que sur des circonstances qui lui sont propres et ne sont dès lors pas pertinents au regard de l’examen de la légalité des règles générales prévues aux articles susvisés.

105    En second lieu, en tout état de cause, le Tribunal considère, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 72 et 73 ci-dessus, que les arguments avancés par la requérante, tirés de sa situation particulière, ne permettent pas de remettre en question la nécessité de geler ses fonds afin d’assurer l’efficacité des mesures restrictives imposées à l’encontre de sa société mère. En effet, il ressort clairement de la jurisprudence que la seule existence de règles interdisant, notamment, aux sociétés établies au sein de l’UE d’effectuer des transactions avec des entités inscrites sur les listes ne garantit pas que de telles transactions ne soient pas effectuées (arrêt Melli Bank/Conseil, point 66 supra, EU:T:2009:266, point 71). Le fait que la requérante soit soumise aux restrictions et interdictions prévues par la décision 2010/413 et le règlement n° 267/2012 ne saurait dès lors remettre en cause la légalité des mesures restrictives la visant. En outre, l’absence de revenus de la requérante ne signifie aucunement qu’elle ne dispose pas de fonds ou autres ressources économiques susceptibles d’être utilisés par NIOC aux fins de contourner l’effet des mesures restrictives la visant. Le gel des fonds de la requérante constituait donc bien une mesure nécessaire pour assurer l’efficacité des sanctions prises à l’encontre de sa société mère.

106    Il convient donc de rejeter la seconde branche du quatrième moyen comme inopérante et, en toute hypothèse, comme non fondée.

107    Au vu de tout ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

108    La requérante soutient que les actes attaqués ne satisfont pas au critère de proportionnalité qui devrait, selon elle, être renforcé en raison de la nature autonome des mesures prises à son encontre. À cet égard, elle fait valoir que l’inscription de son nom sur les listes litigieuses n’est ni appropriée ni nécessaire pour empêcher d’éventuels versements au profit de l’État iranien, d’une part, parce que, depuis 2010, elle n’a perçu aucun revenu à la suite de l’arrêt de la production du champ gazier de Rhum, et, d’autre part, parce qu’elle est déjà soumise, en vertu de la règlementation de l’Union sur l’Iran, à certaines restrictions en ce qui concerne le transfert de ses fonds à des entités, inscrites ou non sur les listes litigieuses.

109    Force est de constater que l’argumentation de la requérante avancée dans le cadre du cinquième moyen se limite à réitérer celle invoquée à l’appui de la deuxième branche du quatrième moyen et doit dès lors être rejetée pour les mêmes motifs (voir points 102 à 106 ci-dessus).

110    Il a par ailleurs déjà été jugé que, en raison du risque non négligeable qu’une entité fournissant un appui au gouvernement iranien exerce une pression sur les entités qu’elle détient ou contrôle, pour contourner l’effet des mesures qui la visent, le gel des fonds de ces entités constitue une mesure nécessaire et appropriée pour assurer l’efficacité des mesures adoptées et garantir que ces mesures ne seront pas contournées (voir, en ce sens, arrêt Melli Bank/Conseil, point 92 supra, EU:C:2012:137, point 58).

111     Partant, il convient de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du droit de propriété

112    La requérante soutient, en substance, que le Conseil a inscrit son nom sur les listes litigieuses uniquement pour permettre au gouvernement du Royaume-Uni de la soumettre à un régime temporaire prévu par un acte adopté dans le cadre de la législation nationale sur les hydrocarbures, cet acte ayant été adopté en application de l’article 43 bis du règlement n° 267/2012, deux jours avant l’inscription de son nom sur les listes litigieuses. En procédant à cette inscription, le Conseil s’est dès lors rendu complice d’un acte équivalent à une expropriation par le gouvernement du Royaume-Uni.

113    Tout d’abord, il y lieu de souligner que l’argument de la requérante selon lequel le Conseil aurait inscrit son nom sur les listes litigieuses uniquement pour permettre au gouvernement du Royaume-Uni de la soumettre à un régime temporaire et de prendre ainsi le contrôle du champ gazier de Rhum n’est en l’espèce pas pertinent pour examiner la légalité des actes attaqués. En effet, dès lors que les mesures restrictives adoptées à l’encontre de la requérante, d’une part, sont justifiées au regard du critère de détention et de contrôle par une entité fournissant un appui au gouvernement iranien et, d’autre part, ne violent pas les droits fondamentaux de la requérante, les éventuelles intentions imputées au Conseil lors de l’adoption de ces mesures ne sauraient remettre en cause leur légalité, dans la mesure où la requérante n’allègue explicitement ni ne démontre l’existence d’un détournement de pouvoir par le Conseil.

114    Ensuite, il y a lieu de constater que ce n’est pas le gel des fonds de la requérante qui constituerait, selon elle, une violation de son droit de propriété, mais bien le transfert du contrôle du champ gazier de Rhum au profit du gouvernement du Royaume-Uni, lequel résulte de l’application de la législation du Royaume-Uni relatives aux hydrocarbures adoptée sur la base de l’article 43 bis du règlement n° 267/2012. Ce sont donc, en substance, les mesures nationales prises par le gouvernement du Royaume-Uni qui sont contestées devant le Tribunal.

115    Or, les actes des États membres ne sauraient faire l’objet d’un contrôle dans le contexte d’un recours en annulation tel que celui introduit, en l’espèce, devant le Tribunal.

116    Enfin, quand bien même le gouvernement du Royaume-Uni aurait été à l’origine de l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses, ce qui n’est au demeurant pas démontré, il n’en reste pas moins que les actes attaqués sont des actes du Conseil qui, en l’espèce, n’a pas manqué de s’assurer que leur adoption était justifiée (voir points 96 à 100 ci-dessus).

117    Partant, il y aurait lieu de rejeter le sixième moyen comme irrecevable.

 Sur le septième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité et de non-discrimination

118    La requérante fait valoir que, en adoptant l’article 43 bis du règlement n° 267/2012 et en inscrivant son nom sur les listes litigieuses, le Conseil a donné la possibilité aux autorités du Royaume-Uni de reprendre la production du champ gazier de Rhum en l’expropriant de ses intérêts, au lieu de lui accorder un traitement égal à celui accordé à sa société mère, NICO. La requérante précise que cette dernière peut continuer, en vertu de l’article 28 bis du règlement n° 267/2012, à travailler avec des entreprises pétrolières basées dans l’Union dans le cadre d’un projet énergétique international en Azerbaïdjan, à savoir le projet de Shah Deniz. Elle estime dès lors que, en ne prévoyant pas une exclusion de ses activités de la même manière que ce qui est prévu en faveur de NICO dans le cadre du projet Shah Deniz, le Conseil a violé le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination.

119    La requérante reproche ainsi au Conseil d’avoir octroyé, via l’introduction de l’article 28 bis dans le règlement n° 267/2012, une exemption en faveur de NICO afin de permettre à cette entité, malgré son inscription sur les listes litigieuses, de poursuivre ses activités dans le cadre d’un projet énergétique international sur le champ gazier de Shah Deniz en Azerbaïdjan, sans adopter une exemption similaire à son égard alors qu’elle se trouve dans une situation comparable à celle de NICO. Au contraire, en adoptant l’article 43 bis du règlement n° 267/2012, qui, selon la requérante, la visait clairement, le Conseil a permis au gouvernement du Royaume-Uni de l’exproprier de ses intérêts dans l’exploitation du champ gazier de Rhum, la soumettant dès lors à un régime plus restrictif que celui prévu à l’égard de NICO.

120    À cet égard, le Tribunal constate que les actes attaqués imposent à la requérante des sanctions similaires à celles imposées à NICO, à savoir le gel de ses fonds et ressources économiques. Partant, l’allégation de la requérante selon laquelle le Conseil aurait violé le principe d’égalité et de non-discrimination en adoptant les actes attaqués doit être rejetée comme non fondée.

121    La requérante ne saurait par ailleurs invoquer l’illégalité des articles 28 bis et/ou 43 bis du règlement n° 267/2012 dès lors que les actes attaqués ne sont pas fondés sur ces dispositions. En tout état de cause, il y a lieu de relever que la différence de traitement entre la requérante et NICO résulte uniquement des mesures nationales adoptées par le gouvernement du Royaume-Uni. En effet, les articles 28 bis et 43 bis du règlement n° 267/2012 constituent des dispositions à caractère général qui ne peuvent être considérées comme instituant un traitement particulier à l’égard de NICO ou de la requérante. Le régime temporaire auquel est soumise cette dernière n’est en réalité que la conséquence de l’application d’un acte adopté dans le cadre de la législation du Royaume-Uni relative aux hydrocarbures. Bien que cet acte ait été adopté en application de l’article 43 bis du règlement n° 267/2012, force est de constater que cette dernière disposition permet seulement aux États membres d’autoriser certaines entités désignées à poursuivre leurs activités d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures, sans toutefois imposer aucune obligation à cet égard ni spécifier les conditions auxquelles une telle autorisation devrait être soumise.

122    Dans ces circonstances, il convient de rejeter le septième moyen comme non fondé ou comme irrecevable, selon que ce moyen visait les actes attaqués ou les articles 28 bis et 43 bis du règlement n° 267/2012.

123    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

124    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en l’ensemble de ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente instance, conformément aux conclusions du Conseil.

125    En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, partie intervenante, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Iranian Oil Company UK Ltd (IOC-UK) supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportera ses propres dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 septembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.