Language of document : ECLI:EU:T:2018:280

Affaires T429/13 et T451/13

Bayer CropScience AG e.a.

contre

Commission européenne

« Produits phytopharmaceutiques – Substances actives clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride – Réexamen de l’approbation – Article 21 du règlement (CE) no 1107/2009 – Interdiction d’utilisation et de vente de semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives en cause – Article 49, paragraphe 2, du règlement no 1107/2009 – Principe de précaution – Proportionnalité – Droit d’être entendu – Responsabilité non contractuelle »

Sommaire – Arrêt du Tribunal (première chambre élargie) du 17 mai 2018

1.      Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Affectation directe – Critères – Règlement de la Commission imposant aux États membres ayant accordé des autorisations pour des produits phytopharmaceutiques contenant une certaine substance active de les modifier ou de les retirer – Recours d’une entreprise produisant et commercialisant cette substance – Recevabilité

(Art. 263, al. 4, TFUE ; règlements de la Commission no 540/2011 et no  485/2013)

2.      Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes les concernant directement et individuellement – Affectation individuelle – Critères – Règlement de la Commission imposant aux États membres ayant accordé des autorisations pour des produits phytopharmaceutiques contenant une certaine substance active de les modifier ou de les retirer – Recours d’une entreprise produisant et commercialisant cette substance – Recevabilité

(Art. 263, al. 4, TFUE ; règlements de la Commission no 540/2011 et no 485/2013)

3.      Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Notion d’acte réglementaire – Tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs – Règlement de la Commission imposant aux États membres ayant accordé des autorisations pour des produits phytopharmaceutiques contenant une certaine substance active de les modifier ou de les retirer – Inclusion

[Art. 263, al. 4, TFUE ; règlements du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009, art. 21, § 3, et 79, § 3, et no 182/2011, art. 2, § 2, 5, et 13, § 1, c) ; règlement de la Commission no 485/2013, art. 1er ; décision du Conseil 1999/468]

4.      Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Actes réglementaires – Actes ne comportant pas de mesures d’exécution et concernant le requérant directement – Notion de mesures d’exécution – Critères – Règlement de la Commission imposant aux États membres ayant accordé des autorisations pour des produits phytopharmaceutiques contenant une certaine substance active de les modifier ou de les retirer – Acte ne comportant pas de mesures d’exécution

(Art. 263, al. 4, TFUE ; règlement du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009 ; règlements de la Commission no 540/2011, annexe, et no 485/2013, art. 1er, 3 et 4)

5.      Recours en annulation – Conditions de recevabilité – Personnes physiques ou morales – Recours introduit par plusieurs requérants à l’encontre de la même décision – Qualité pour agir de l’un d’entre eux – Recevabilité du recours dans son ensemble

(Art. 263, al. 4, TFUE)

6.      Protection de la santé publique – Évaluation des risques – Application du principe de précaution – Portée – Notions de risque et de danger – Détermination du niveau de risque jugé inacceptable pour la société – Compétence de l’institution de l’Union désignée par la réglementation pertinente

(Art. 191, § 2, TFUE)

7.      Agriculture – Rapprochement des législations – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement no 1107/2009 – Réexamen de l’approbation d’une substance active – Retrait ou modification de l’approbation pour non-satisfaction des critères d’approbation – Charge de la preuve incombant à la Commission

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009, art. 4 et 21, § 3 ; directive du Conseil 91/414)

8.      Agriculture – Rapprochement des législations – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement no 1107/2009 – Adoption de mesures restrictives d’utilisation et de vente de produits contenant une certaine substance active – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Contrôle juridictionnel – Portée

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009)

9.      Agriculture – Rapprochement des législations – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement no 1107/2009 – Réexamen de l’approbation d’une substance active – Engagement de la procédure en présence d’études nouvelles soulevant des doutes quant à la satisfaction des critères d’approbation – Admissibilité – Notion d’études nouvelles

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009, art. 4 et 21, § 1)

10.    Agriculture – Rapprochement des législations – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement no 1107/2009 – Réexamen de l’approbation d’une substance active – Demande de réexamen de la part d’un État membre au regard des nouvelles connaissances scientifiques et techniques et des données de contrôle – Notion de données de contrôle

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009, art. 21, § 1)

11.    Agriculture – Rapprochement des législations – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement no 1107/2009 – Réexamen de l’approbation d’une substance active – Demande de réexamen de la part d’un État membre au regard des nouvelles connaissances scientifiques et techniques et des données de contrôle – Pouvoir d’appréciation de la Commission quant à la nécessité d’un réexamen

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009, art. 21, § 1)

12.    Agriculture – Rapprochement des législations – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement no 1107/2009 – Réexamen de l’approbation d’une substance active – Obligation de concordance entre les motifs justifiant l’ouverture de la procédure et ceux fondant la modification de l’approbation – Absence

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009, art. 4 et 21, § 1 et 3)

13.    Agriculture – Rapprochement des législations – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement no 1107/2009 – Réexamen de l’approbation d’une substance active – Évaluation des risques – Obligation d’utiliser uniquement des documents disponibles au moment de la demande d’approbation – Absence – Violation du principe de sécurité juridique – Absence

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009, art. 12, § 2, et 21)

14.    Agriculture – Rapprochement des législations – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement no 1107/2009 – Approbation d’une substance active – Évaluation des risques – Critères – Absence d’effets inacceptables pour les abeilles – Modalités de l’examen par l’Autorité européenne de sécurité alimentaire et la Commission

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009, annexe II, point 3.8.3)

15.    Droit de l’Union européenne – Principes – Protection de la confiance légitime – Conditions – Assurances précises fournies par l’administration

16.    Droit de l’Union européenne – Principes – Sécurité juridique – Réglementation pouvant comporter des conséquences financières

17.    Droit de l’Union européenne – Principes – Principe de précaution – Portée

(Art. 191, § 2, TFUE)

18.    Agriculture – Rapprochement des législations – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement no 1107/2009 – Adoption de mesures restrictives d’utilisation et de vente de produits contenant une certaine substance active – Évaluation préalable des risques pour la santé humaine et l’environnement – Application du principe de précaution – Portée

(Art. 191, § 2, TFUE ; règlement du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009, considérant 8 et art. 1er, § 4)

19.    Droit de l’Union européenne – Principes – Principe de précaution – Portée – Lignes directrices pour le recours au principe – Modalités de l’examen des avantages et des charges résultant de l’action ou de l’absence d’action

(Art. 191, § 2, TFUE ; communication de la Commission COM(2000)1 final, point 6.3.4)

20.    Droit de l’Union européenne – Principes – Proportionnalité – Portée – Pouvoir discrétionnaire du législateur de l’Union en matière de politique agricole commune – Contrôle juridictionnel – Limites

(Art. 40 TFUE à 43 TFUE)

21.    Agriculture – Rapprochement des législations – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement no 1107/2009 – Approbation d’une substance active – Évaluation des risques – Critères – Prise en compte de la probabilité d’une utilisation inappropriée – Imposition d’une interdiction des usages non professionnels en présence de données démontrant un taux élevé de personnes ne respectant pas les instructions d’usage – Admissibilité

(Règlements du Parlement européen et du Conseil no 178/2002, 19e considérant et no 1107/2009)

22.    Agriculture – Rapprochement des législations – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement no 1107/2009 – Réexamen de l’approbation d’une substance active – Demande de réexamen de la part d’un État membre au regard des nouvelles connaissances scientifiques et techniques et des données de contrôle – Obligation pour la Commission de tenir compte des données de contrôle – Portée

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009, art. 21)

23.    Droit de l’Union européenne – Principes – Droits fondamentaux – Droit de propriété – Libre exercice de la liberté d’entreprise – Restrictions – Admissibilité – Conditions

(Art. 11 TFUE et 114, § 3, TFUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 16, 17, 37 et 52, § 1)

24.    Agriculture – Rapprochement des législations – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement no 1107/2009 – Réexamen de l’approbation d’une substance active – Retrait ou modification de l’approbation pour non-satisfaction des critères d’approbation – Violation des droits de propriété et de la liberté d’entreprise – Absence

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 16 et 17 ; règlement du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009, art. 4 et 21)

25.    Agriculture – Rapprochement des législations – Mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – Règlement no 1107/2009 – Adoption de mesures restrictives d’utilisation et de vente de produits contenant une certaine substance active – Interdiction par la Commission de mise sur le marché de semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant une certaine substance active – Conditions d’application

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1107/2009, art. 4 et 49, § 2)

26.    Responsabilité non contractuelle – Conditions – Illégalité – Préjudice – Lien de causalité – Absence de l’une des conditions – Rejet du recours en indemnité dans son ensemble

(Art. 340, al. 2, TFUE)

1.      Voir le texte de la décision.

(voir points 57, 59-67)

2.      Voir le texte de la décision.

(voir points 69, 70)

3.      Voir le texte de la décision.

(voir points 82-87)

4.      Voir le texte de la décision.

(voir points 88-91)

5.      Voir le texte de la décision.

(voir point 96)

6.      Voir le texte de la décision.

(voir points 109, 110, 112, 113, 115-126)

7.      Il ressort de la formulation et de l’économie des dispositions pertinentes du règlement no 1107/2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, que c’est en principe sur l’auteur de la demande d’approbation que pèse la charge de la preuve qu’il est satisfait aux conditions d’approbation de l’article 4 dudit règlement, comme cela était expressément prévu dans la directive 91/414, concernant la mise sur le marché des produits pharmaceutiques.

Toutefois, dans le cadre d’un réexamen intervenant avant la fin de la période d’approbation, il appartient à la Commission de démontrer que les conditions d’approbation ne sont plus réunies. En effet, c’est la partie qui se prévaut d’une disposition légale – ici l’article 21, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009 – qui doit prouver que les conditions d’application de celle-ci sont remplies. À cet égard, le fait d’admettre que, en cas d’incertitude scientifique, des doutes raisonnables concernant l’innocuité d’une substance active approuvée au niveau de l’Union sont susceptibles de justifier une mesure de précaution ne saurait être assimilé à un renversement de la charge de la preuve. Néanmoins, la Commission satisfait à la charge de la preuve si elle établit que la conclusion, lors de l’approbation initiale, qu’il était satisfait aux critères d’approbation prévus à l’article 4 du règlement no 1107/2009 est invalidée par des développements ultérieurs en matière réglementaire ou technique.

Ainsi, la Commission s’acquitte à suffisance de droit de la charge de la preuve lui incombant au regard de l’article 21, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009, si elle parvient à démontrer que, au regard d’une modification du contexte réglementaire, ayant entraîné un renforcement des conditions d’approbation, les données générées par les études effectuées aux fins de l’approbation initiale étaient insuffisantes pour rendre compte de la totalité des risques pour les abeilles liés à la substance active en cause, s’agissant par exemple de certaines voies d’exposition. Le principe de précaution impose en effet de retirer ou de modifier l’approbation d’une substance active en présence de données nouvelles invalidant la conclusion antérieure selon laquelle cette substance satisfait aux critères d’approbation prévus à l’article 4 du règlement no 1107/2009. Dans ce contexte, la Commission peut se limiter à fournir, conformément au régime commun du droit de la preuve, des indices sérieux et concluants, qui, sans écarter l’incertitude scientifique, permettent raisonnablement de douter du fait que la substance active en cause satisfait auxdits critères d’approbation.

(voir points 137, 140-142)

8.      Afin de pouvoir poursuivre efficacement les objectifs qui lui sont assignés par le règlement no 1107/2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et en considération des évaluations techniques complexes qu’elle doit opérer, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission. Cela vaut, notamment, pour les décisions en matière de gestion du risque qu’elle doit prendre en application dudit règlement.

L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. À cet égard, dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir. Afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué, les éléments de preuve apportés par le requérant doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans l’acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de l’acte.

En outre, dans le cas où une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance fondamentale. Parmi ces garanties figurent notamment pour l’institution compétente l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et celle de motiver sa décision de façon suffisante. Ainsi, l’accomplissement d’une évaluation scientifique des risques aussi exhaustive que possible sur la base d’avis scientifiques fondés sur les principes d’excellence, de transparence et d’indépendance constitue une garantie procédurale importante en vue d’assurer l’objectivité scientifique des mesures et d’éviter la prise de mesures arbitraires.

(voir points 143-147)

9.      Il est suffisant, pour que la Commission puisse procéder à un réexamen de l’approbation d’une substance active, en vertu de l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, qu’il existe des études nouvelles (à savoir des études qui n’ont pas encore été prises en compte par l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ou la Commission dans le cadre d’une évaluation précédente de la substance en cause) dont les résultats soulèvent, par rapport aux connaissances disponibles lors de l’évaluation précédente, des préoccupations quant à la question de savoir s’il est toujours satisfait aux conditions d’approbation de l’article 4 du règlement no 1107/2009, sans qu’il soit nécessaire, à ce stade, de vérifier si ces préoccupations sont réellement fondées, cette vérification étant réservée au réexamen lui-même.

En effet, afin de pouvoir constater s’il n’est plus satisfait aux conditions de l’article 4 du règlement no 1107/2009, compte tenu, notamment, de l’objectif de protection poursuivi par ce règlement, la Commission doit pouvoir lancer un examen même si le degré de doute suscité par les nouvelles connaissances scientifiques et techniques n’est que relativement faible. Pour autant, cela ne saurait impliquer que la Commission serait totalement libre dans son appréciation. En effet, la notion de « nouvelles connaissances scientifiques et techniques » ne saurait être comprise exclusivement de manière temporelle, mais elle comprend également une composante qualitative, qui se rattache d’ailleurs tant au qualificatif « nouveau » qu’à celui de « scientifique ». Il s’ensuit que le seuil d’application de l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 n’est pas atteint si les « nouvelles connaissances » ne concernent que de simples répétitions de connaissances antérieures, des nouvelles suppositions sans fondement solide ainsi que des considérations politiques sans lien avec la science. En fin de compte, les « nouvelles connaissances scientifiques et techniques » doivent donc revêtir une réelle pertinence aux fins de l’appréciation du maintien des conditions d’approbation de l’article 4 du règlement no 1107/2009.

En outre, s’agissant de la définition du niveau des connaissances scientifiques et techniques antérieures, le niveau antérieur des connaissances ne saurait être celui précédant immédiatement la publication des nouvelles connaissances, mais plutôt celui de la date de la précédente évaluation des risques de la substance concernée. En effet, d’une part, cette précédente évaluation constitue un seuil de référence stable puisqu’elle contient un récapitulatif des connaissances disponibles à l’époque. D’autre part, si la nouveauté des connaissances se rapportait au niveau de connaissances précédant directement leur publication, il ne serait pas possible de tenir compte d’une évolution graduelle des connaissances scientifiques et techniques, dont chaque étape ne suscite pas nécessairement en soi des préoccupations, mais qui peut donner lieu à des préoccupations dans son ensemble.

(voir points 161-164)

10.    Les « données de contrôle » au sens de l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, sont des données recueillies à la suite de l’application réelle sur le terrain des produits phytopharmaceutiques contenant une substance approuvée au titre de ce règlement. De telles données, qu’elles aient été recueillies dans le cadre d’un programme de surveillance ou en dehors, ne sauraient être assimilées à des données générées par des études de terrain en ce qui concerne leur aptitude à servir de fondement à des conclusions spécifiques sur l’existence ou sur l’absence de relations de cause à effet. En effet, les études de terrain sont des études scientifiques expérimentales, clairement paramétrées et comportant un groupe de contrôle, alors que les études de surveillance sont des études d’observation (non interventionnelles) dont les paramètres ne sont pas définis. Par conséquent, la qualité des données générées par ces deux types d’études est différente, en ce qui concerne en particulier leur aptitude à fonder des conclusions relatives à des relations entre causes et effets d’un phénomène observé ou relatives à une absence de causalité, en l’absence de phénomène observé.

Il s’ensuit que si les études de surveillance peuvent révéler des indices de l’existence d’un risque, elles ne sauraient, contrairement aux études sur le terrain, servir à démontrer l’absence d’un risque.

(voir points 202, 208, 210, 212)

11.    Il ressort de l’article 21, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1107/2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, que, même si la Commission doit tenir compte de la demande d’un État membre visant à réexaminer l’approbation d’une substance active, elle reste libre dans son appréciation de la question de savoir si un tel réexamen doit être entrepris, compte tenu des nouvelles connaissances scientifiques disponibles. Cela constitue d’ailleurs une protection des producteurs de substances actives approuvées contre des demandes de réexamen non fondées, voire abusives, qui pourraient être présentées par des États membres.

S’agissant du rôle des données de contrôle dans le cadre de la décision de procéder à un réexamen, de telles données sont mentionnées audit alinéa, deuxième phrase, uniquement pour décrire les conditions dans lesquelles les États membres peuvent demander un réexamen d’une approbation, et non celles régissant la décision de la Commission d’ouvrir une procédure de réexamen. Ces dernières sont en effet fixées à l’article 21, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 1107/2009, qui ne prévoit que la prise en compte des nouvelles connaissances scientifiques et techniques.

(voir points 213, 214)

12.    Il n’existe aucune obligation de concordance ou d’équivalence entre les motifs justifiant l’ouverture de la procédure de réexamen de l’approbation d’une substance active, en application de l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, d’une part, et les motifs fondant une modification de l’approbation, en application de l’article 21, paragraphe 3, dudit règlement, d’autre part.

En effet, la procédure de réexamen doit, en vertu de l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, permettre à la Commission, dans l’hypothèse de l’apparition de nouvelles connaissances scientifiques portant à croire que la substance en cause pourrait ne plus satisfaire aux critères d’approbation de l’article 4 dudit règlement, de vérifier si tel est effectivement le cas. L’article 21 du règlement no 1107/2009 ne comporte aucune restriction quant aux motifs permettant de constater que les critères d’approbation ne sont plus remplis et, en particulier, il n’indique pas que le réexamen devrait porter uniquement sur les « nouvelles connaissances scientifiques et techniques » ayant motivé son ouverture. En outre, une telle restriction serait contraire au principe de bonne administration et à l’objectif de protection poursuivi par ledit règlement.

(voir points 222-224)

13.    En ce qui concerne la procédure de réexamen de l’approbation d’une substance active au titre de l’article 21 du règlement no 1107/2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, l’article 12, paragraphe 2, de ce règlement ne saurait être interprété en ce sens qu’il exige que l’évaluation des risques des substances actives soit réalisée en utilisant les documents d’orientation disponibles au moment de la demande d’approbation de la substance en cause.

En effet, dans le cadre de la procédure de réexamen, l’établissement d’un projet de rapport d’évaluation n’est pas prévu, ni d’ailleurs une mise à la disposition du public de ce projet. L’article 12, paragraphe 2, deuxième alinéa, dont l’objet est, notamment, de fixer un délai à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour la présentation de ses conclusions, n’est donc pas applicable dans le cadre du réexamen, faute de pouvoir déterminer le point de départ du délai. En revanche, l’article 21, paragraphe 2, du règlement no 1107/2009 prévoit un délai différent pour la présentation des résultats de l’évaluation des risques par l’EFSA dans le cadre du réexamen, à savoir dans les trois mois à compter de la date de la requête formulée par la Commission. En outre, au regard des objectifs de protection poursuivis par le règlement no 1107/2009, il paraîtrait difficilement acceptable que les méthodes d’évaluation des risques pour une substance approuvée doivent rester figées à la date de la demande d’approbation, dans le cadre du réexamen qui peut avoir lieu, le cas échéant, plus de dix ans après ladite date. Par conséquent, l’article 12, paragraphe 2, du règlement no 1107/2009 ne peut être utilement invoqué pour contester l’application, dans le cadre du réexamen d’une substance active, de méthodes et de critères différents de ceux appliqués lors de leur approbation.

Par ailleurs, il ne saurait exister aucun droit général des demandeurs d’approbation, découlant du principe de sécurité juridique, à ce que les critères d’appréciation et de gestion du risque d’une substance active restent figés, dans l’hypothèse d’un réexamen, à la situation existant à la date de la demande d’approbation. En effet, l’article 114, paragraphe 3, TFUE, sur lequel est notamment fondé le règlement no 1107/2009, dispose que, dans ses propositions en matière, notamment, de protection de l’environnement, faites au titre du rapprochement des législations ayant pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur, la Commission prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques. De plus, cette protection de l’environnement a une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques, de sorte qu’elle est de nature à justifier des conséquences économiques négatives, même considérables, pour certains opérateurs. Il découle de ces principes, qui constituent le fondement du règlement no 1107/2009, que, sauf indication contraire, les décisions que la Commission est appelée à prendre dans le cadre de ce règlement doivent toujours tenir compte des connaissances scientifiques et techniques les plus récentes.

(voir points 260, 265-267, 288, 289)

14.    L’inclusion du nouveau point 3.8.3 dans l’annexe II du règlement no 1107/2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, constitue une modification des conditions d’approbation des substances actives quant au risque que présentent les pesticides pour les abeilles. À cet égard, le contexte réglementaire a évolué par l’adoption dudit règlement et des règlements d’exécution afférents, qui prévoient désormais qu’une attention particulière soit prêtée aux risques posés pour les abeilles par les substances actives et, notamment, par les pesticides. Cette modification est supposée être appliquée à tout examen des risques effectué dès l’entrée en vigueur dudit règlement, qu’il s’agisse d’une première approbation ou d’un réexamen.

Dans ces conditions, il convient de considérer que non seulement le point 3.8.3 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 n’interdit pas l’application, par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), de critères et de méthodes différentes de ceux ayant été appliqués lors de l’approbation initiale d’une substance active, mais que, au contraire, et conformément aux intentions du législateur de l’Union, l’application de critères modifiés a été commandée par le règlement no 1107/2009.

Par ailleurs, il découle dudit point 3.8.3 que l’approbation d’une substance active n’est pas seulement exclue si la survie des colonies d’abeilles est mise en danger, mais déjà dans l’hypothèse d’effets inacceptables sur le développement des colonies. À cet égard, il existe une corrélation entre le risque pour les abeilles individuelles et le risque pour les colonies, en ce sens qu’un grand nombre de pertes individuelles d’abeilles peut se transformer en un risque pour la colonie concernée. En revanche, il existe à ce stade une incertitude scientifique quant au taux de mortalité d’abeilles individuelles à partir duquel des effets inacceptables aigus ou chroniques sur la survie et le développement de la colonie sont susceptibles de se produire. Dans ces conditions, la Commission peut considérer à juste titre que, au regard des valeurs de quotients de danger identifiés pour les substances en cause dans les conclusions de l’EFSA, un risque pour les colonies ne peut être exclu et qu’il lui appartient donc, sur le fondement du principe de précaution, de prendre des mesures de protection, sans avoir à attendre qu’il soit pleinement établi sous quelles conditions et à partir de quel taux de mortalité la perte d’abeilles individuelles est susceptible de mettre en péril la survie ou le développement de colonies.

(voir points 273-276, 496, 498-500)

15.    Voir le texte de la décision.

(voir point 278)

16.    Voir le texte de la décision.

(voir points 285, 286)

17.    Le fait de prendre, en l’absence de certitude scientifique, des mesures préventives qui, une fois cette certitude acquise, pourraient se révéler trop prudentes ne saurait être considéré en soi comme une violation du principe de précaution et est, au contraire, inhérent à ce principe.

(voir point 324)

18.    Voir le texte de la décision.

(voir points 339, 340)

19.    Le point 6.3.4 de la communication de la Commission sur le recours au principe de précaution prévoit que soit effectué un examen des avantages et des charges résultant de l’action ou de l’absence d’action. En revanche, le format et l’envergure de cet examen ne sont pas précisés. Notamment, il n’en découle nullement que l’autorité concernée serait obligée de lancer une procédure d’évaluation spécifique et aboutissant par exemple à un rapport formel d’évaluation écrit. En outre, il découle du texte que l’autorité appliquant le principe de précaution jouit d’une marge d’appréciation considérable quant aux méthodes d’analyse. En effet, si la communication indique que l’examen devrait inclure une analyse économique, l’autorité concernée doit en tout état de cause également intégrer des considérations non économiques. De plus, il est expressément souligné qu’il se peut, dans certaines circonstances, que des considérations économiques doivent être considérées comme moins importantes que d’autres intérêts reconnus comme majeurs ; sont expressément mentionnés, à titre d’exemple, des intérêts tels que l’environnement ou la santé.

Par ailleurs, il n’est pas nécessaire que l’analyse économique des coûts et des bénéfices soit faite sur le fondement d’un calcul exact des coûts respectifs de l’action envisagée et de l’inaction. De tels calculs exacts seront dans la plupart des cas impossibles à effectuer, étant donné que, dans le contexte de l’application du principe de précaution, leurs résultats dépendent de différentes variables par définition inconnues. En effet, si toutes les conséquences de l’inaction comme de l’action étaient connues, il ne serait pas nécessaire de recourir au principe de précaution, mais il serait possible de décider sur le fondement de certitudes. En conclusion, il est satisfait aux exigences de la communication sur le principe de précaution dès lors que l’autorité concernée a effectivement pris connaissance des effets, positifs et négatifs, économiques et autres, susceptibles d’être induits par l’action envisagée ainsi que par l’abstention d’agir, et qu’elle en a tenu compte lors de sa décision. En revanche, il n’est pas nécessaire que ces effets soient chiffrés avec précision, si cela n’est pas possible ou nécessiterait des efforts disproportionnés.

À cet égard, l’analyse d’impact à effectuer par la Commission peut tenir compte, d’une part, du fait qu’il est possible, si cela devait se révéler nécessaire, d’accorder des autorisations dérogatoires au niveau national et, d’autre part, du fait que, dans certains États membres, l’agriculture a, dans le passé, pu fonctionner de manière satisfaisante sans avoir recours à des produits phytopharmaceutiques contenant les substances en cause. Le caractère politiquement sensible d’un sujet constitue un élément dont la Commission, en tant qu’organe politique, peut et doit tenir compte dans le cadre de la détermination de ses priorités et dans ses décisions. Cela ne signifie pas pour autant que la mesure prise soit le résultat d’une pression politique inappropriée.

(voir points 459, 460, 466, 467)

20.    Voir le texte de la décision.

(voir points 505, 506)

21.    La détermination du niveau de risque jugé inacceptable pour la société revient aux institutions chargées du choix politique que constitue la fixation d’un niveau de protection approprié pour ladite société. À cet égard, d’après la conception de la gestion du risque qu’a le législateur de l’Union, telle qu’elle se manifeste, par exemple, au considérant 19 du règlement no 178/2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, la Commission est en droit de tenir compte de facteurs tels que le fait que certains groupes d’utilisateurs pourraient être susceptibles, plus que d’autres, de ne pas respecter les consignes données dans les instructions d’utilisation des produits phytopharmaceutiques, ainsi que de l’impossibilité de contrôler la manière dont ils appliquent ces produits.

Ainsi, dès lors qu’un sondage conduit dans la totalité des États membres fait apparaître que 34 % des sondés ne lisent que « parfois » ou « jamais » les instructions figurant sur les étiquettes des produits phytopharmaceutiques, et compte tenu, en particulier, du degré élevé de toxicité des substances en cause, la Commission peut à juste titre conclure que les utilisateurs non professionnels sont susceptibles, davantage que les utilisateurs professionnels, de ne pas respecter les instructions d’usage. Dans ces conditions, une interdiction des usages non professionnels à l’extérieur des substances en cause ne saurait être qualifiée de « manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif poursuivi ». De même, s’agissant des utilisations non professionnelles à l’intérieur, une mauvaise utilisation, ne respectant pas les instructions d’usage, ne saurait être exclue, et ce surtout en ce qui concerne les utilisateurs non professionnels. Par conséquent, et étant donné qu’une utilisation qui est totalement interdite est en tout état de cause plus sûre qu’une utilisation pour laquelle il faut se fier à la conscience des utilisateurs, la restriction de ces utilisations non professionnelles à l’intérieur ne saurait pas non plus être qualifiée de « manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif poursuivi ».

(voir points 551, 552, 556-559)

22.    Il doit être tenu compte des données de contrôle disponibles, au même titre que de toute autre information pertinente, dans le cadre du réexamen de l’approbation d’une substance active au titre de l’article 21 du règlement no 1107/2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Quant à la portée exacte de cette obligation, il y a lieu de faire une distinction entre la phase d’évaluation des risques et celle de la gestion du risque.

Dans le cadre de l’évaluation des risques, étant donné que les enseignements à tirer des données de contrôle sont intégrés aux conclusions de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA), les risques que cette dernière a constatés ou ceux dont elle a estimé que l’absence n’a pas pu être démontrée sont donc ceux subsistant ou ne pouvant pas être exclus compte tenu notamment des données de contrôle disponibles. Dans le cadre de la décision de gestion de ces risques, qu’il lui incombe de prendre au titre de l’article 21, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009, il n’appartient donc pas à la Commission de remettre en cause les constatations faites dans les conclusions de l’EFSA, à la lumière des données dont cette dernière a déjà tenu compte. En revanche, elle doit examiner si, à la lumière des données de contrôle, les risques dont l’existence a été constatée ou n’a pas pu être exclue peuvent être palliés par l’adoption de mesures d’atténuation.

(voir points 569, 571)

23.    Voir le texte de la décision.

(voir points 585-588)

24.    À supposer que l’approbation d’une substance active au titre du règlement no 1107/2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, ait créé de nouveaux droits à l’égard du demandeur qui sont protégés par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux, cela n’implique pas pour autant une interprétation restrictive de l’article 21 dudit règlement concernant le réexamen de l’approbation, puisque celui-ci contient des garanties suffisantes pour les personnes ayant obtenu l’approbation d’une substance active. En particulier, le retrait ou la modification d’une approbation existante présuppose que la Commission, sur le fondement de nouvelles connaissances scientifiques, arrive à la conclusion qu’il n’est plus satisfait aux critères d’approbation.

Il ne saurait davantage être soutenu que la modification ou le retrait de l’approbation à la suite du réexamen porte atteinte à la substance même de la liberté d’entreprise ou du droit de propriété. En effet, le demandeur reste libre d’exercer ses activités de production de produits phytopharmaceutiques. En particulier, les substances en cause restent approuvées pour certains usages au sein de l’Union et peuvent également faire l’objet d’une exportation.

(voir points 592, 593)

25.    Ainsi qu’il ressort de l’article 49, paragraphe 2, du règlement no 1107/2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, lequel consacre la possibilité pour la Commission de restreindre ou d’interdire la mise sur le marché de semences traitées à l’aide de produits phytopharmaceutiques, l’application de cette disposition présuppose que soient remplies deux conditions : premièrement, doivent exister de réelles préoccupations quant au risque grave présenté par les semences traitées, notamment, pour l’environnement et, deuxièmement, ce risque ne doit pas pouvoir être contenu de manière satisfaisante par des mesures prises par les États membres. L’exigence selon laquelle, avant d’arrêter des mesures de restrictions ou d’interdiction, la Commission examine les éléments disponibles n’a qu’un caractère déclaratoire, puisque la Commission est en tout état de cause tenue, ne serait-ce qu’en application du principe de bonne administration, d’examiner les éléments disponibles avant d’adopter des mesures.

S’agissant de la première condition, relative à l’existence de réelles préoccupations, elle est automatiquement remplie s’il s’agit de semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives dont l’approbation ne couvre plus l’application concernée et pour lesquels les autorisations ayant existé au niveau national ont été retirées, parce que la Commission a considéré qu’il n’était plus satisfait aux conditions d’approbation de l’article 4 du règlement no 1107/2009. En effet, dans un tel cas de figure, la Commission a déjà constaté, dans le cadre de la modification ou du retrait de l’approbation de la substance active en cause, l’existence de réelles préoccupations liées à l’utilisation des substances concernées.

(voir points 608, 609)

26.    Voir le texte de la décision.

(voir points 617, 618)