Language of document : ECLI:EU:T:2013:141

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

20 mars 2013 (*)

« Marchés publics de fournitures – Euratom – Procédure d’appel d’offres de l’entreprise commune Fusion for Energy – Fourniture de matériel électrique – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Procédure ouverte – Offre comportant des réserves – Sécurité juridique – Confiance légitime – Proportionnalité – Conflit d’intérêts – Décision d’attribution – Recours en annulation – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité – Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑415/10,

Nexans France, établie à Paris (France), représentée par Mes J.‑P. Tran Thiet, J.‑F. Le Corre et M. Pigeat, avocats,

partie requérante,

contre

Entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Mme A. Verpont, en qualité d’agent, assistée de Mme C. Kennedy-Loest, M. C. Thomas, solicitors, Mes J. Derenne, N. Pourbaix, avocats, et M. M. Farley, solicitor,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision rejetant l’offre présentée par la requérante et de la décision d’attribuer le marché à un autre soumissionnaire ainsi que, d’autre part, une demande de dommages et intérêts,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi, président, S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 novembre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1.     Présentation de l’entreprise commune

1        Le 21 novembre 2006, la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom), la République populaire de Chine, la République d’Inde, le Japon, la République de Corée, la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique ont conclu l’accord sur l’établissement de l’organisation internationale ITER pour l’énergie de fusion en vue de la mise en œuvre conjointe du projet ITER (JO 2006, L 358, p. 62).

2        Par décision 2007/198/Euratom, du 27 mars 2007, instituant une entreprise commune pour ITER et le développement de l’énergie de fusion et lui conférant des avantages (JO L 90, p. 58), le Conseil de l’Union européenne a constitué une entreprise commune au sens de l’article 45 EA, dénommée « entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion (Fusion for Energy) » (ci-après l’« entreprise commune »).

3        Aux termes de l’article 1er de la décision 2007/198, l’entreprise commune a pour mission d’apporter la contribution de l’Euratom à l’organisation internationale ITER [article 1er, paragraphe 2, sous a)], d’apporter la contribution de l’Euratom aux activités relevant de l’« approche élargie » avec le Japon en vue de la réalisation rapide de l’énergie de fusion [article 1er, paragraphe 2, sous b)] et d’élaborer et de coordonner un programme d’activités en préparation de la construction d’un réacteur de fusion de démonstration et des installations associées [article 1er, paragraphe 2, sous c)]. Les missions de l’entreprise commune incluent ainsi, notamment, l’organisation, à la demande de l’organisation internationale ITER, de procédures d’appel d’offres pour la fourniture des équipements et des services nécessaires à la contribution européenne au projet ITER ainsi que, dans le cadre d’un accord spécifique conclu entre l’Euratom et le Japon, la fourniture de certains composants pour le réacteur expérimental de fusion nucléaire japonais JT-60SA (ci-après le « projet JT-60SA »).

4        L’article 5 de la décision 2007/198 prévoit que l’entreprise commune est dotée d’un règlement financier propre, fondé sur les principes du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), mais dont il peut s’écarter lorsque les besoins opérationnels spécifiques de l’entreprise commune l’exigent et sous réserve d’une consultation préalable de la Commission des Communautés européennes.

5        Par deux décisions du 22 octobre 2007, modifiées le 18 décembre 2007, le conseil de direction de l’entreprise commune a adopté, d’une part, son règlement financier (ci-après le « règlement financier de l’entreprise commune ») et, d’autre part, les règles de mise en œuvre dudit règlement (ci-après le « règlement d’application »).

2.     Passation du marché

6        En 2007, en 2008 et en 2009, l’entreprise commune a conclu des accords d’approvisionnement avec l’organisation internationale ITER. Aux termes de ces accords, l’entreprise commune s’est notamment engagée à fournir certains supraconducteurs requis pour le développement des projets ITER et JT-60SA.

7        Parallèlement à ces accords, l’entreprise commune a conclu avec l’agence nationale russe participant au projet ITER un accord de mise en œuvre des achats, aux termes duquel l’agence russe devait fournir les câbles nécessaires à la fabrication des supraconducteurs pour bobines de champ poloïdal (ci-après les « conducteurs PF ») devant faire l’objet de la contribution de l’entreprise commune au projet ITER, tandis que l’entreprise commune se chargerait du gainage des conducteurs PF devant faire l’objet de la contribution russe au projet ITER.

8        Le 6 août 2009, l’entreprise commune a publié, dans le Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2009/S 149-218279), l’avis de marché F4E-2009-OPE-018 pour l’attribution, dans le cadre d’une procédure ouverte, d’un marché de fournitures (ci-après le « marché ») pour l’achat de conducteurs PF, d’une part, et de supraconducteurs pour bobines de champ toroïdal (ci-après les « conducteurs TF »), d’autre part.

9        L’objet du marché concernait, premièrement, le câblage et le gainage des conducteurs TF devant être fournis par l’Euratom au projet ITER, deuxièmement, le gainage des conducteurs PF devant être fourni par l’Euratom et par la Fédération de Russie au projet ITER et, troisièmement, le câblage et le gainage des conducteurs TF devant être fournis, pour le compte de l’Euratom, par la République française et par la République d’Italie au projet JT-60SA.

10      L’avis de marché précisait qu’il s’agissait d’une procédure ouverte soumise aux dispositions du règlement financier de l’entreprise commune et du règlement d’application.

11      Les documents de l’appel d’offres comprenaient un cahier des charges et 18 annexes, dont les « Spécifications de gestion » (annexe A, ci-après les « Spécifications de gestion »), les « Spécifications techniques pour la fourniture de conducteurs TF et PF » (annexe B, ci-après les « Spécifications techniques ») et un modèle de contrat (annexe 1, ci-après le « contrat type »). Les Spécifications techniques comportaient notamment un calendrier de livraison.

12      Le point 3.1 du cahier des charges indiquait que les différents conducteurs faisant l’objet du marché devaient être livrés en conformité avec le calendrier précisé à la section 3 des Spécifications techniques. Aux termes du point 3.2 du cahier des charges, les livraisons de fournitures devaient être conformes aux stipulations du contrat type, des Spécifications de gestion et des Spécifications techniques.

13      Le point 4.1 du cahier des charges, intitulé « Conditions générales », énonçait ce qui suit :

« La présentation d’une offre implique l’acceptation de toutes les stipulations du contrat type et de ses annexes, y compris les [Spécifications techniques] et les [Spécifications de gestion], ainsi que la renonciation du soumissionnaire à ses propres conditions générales ou particulières.

[L’entreprise commune] peut ignorer toute réserve ou clause d’irresponsabilité à cet effet qui serait contenue dans l’offre et se réserve le droit de rejeter de telles offres, sans devoir procéder à une évaluation détaillée des motifs qui les rendent non conformes au cahier des charges.

Cette section définit les conditions applicables à la soumission des offres, c’est-à-dire les conditions que les soumissionnaires doivent remplir dans la préparation et la présentation de leur offre, pour permettre l’acceptation de celles-ci et favoriser, de la part des évaluateurs, une bonne compréhension et une correcte appréciation des informations communiquées.

Les offres doivent être claires et concises. Elles doivent être parfaitement lisibles et éliminer tout doute portant sur le sens des termes et des données chiffrées. Puisque les soumissionnaires seront jugés exclusivement sur le contenu de leur offre écrite, ils doivent faire apparaître clairement qu’ils sont capables de se conformer aux exigences contenues dans les [Spécifications techniques] et dans les [Spécifications de gestion] et qu’ils sont en mesure d’exécuter les tâches requises.

[...]

Les offres doivent être rédigées conformément au présent cahier des charges et utiliser les formulaires annexés.

Les offres doivent être signées par le ou les représentants qualifiés du soumissionnaire. Les dépenses exposées à l’occasion de la préparation et de la soumission des offres ne seront pas remboursées par [l’entreprise commune].

Aucune information d’aucune sorte ne sera donnée sur l’état d’avancement de l’évaluation des offres.

Le fait que les conditions de l’appel d’offres soient remplies et/ou le lancement d’une procédure d’appel d’offres n’impose aucune obligation à [l’entreprise commune] d’attribuer le marché. [L’entreprise commune] n’est pas tenue d’indemniser les soumissionnaires dont l’offre n’a pas été acceptée, y compris au cas où elle déciderait de ne pas attribuer le marché. »

14      Le cahier des charges, dont le point 6 était intitulé « Stipulations contractuelles », précisait en outre que le contrat type joint en annexe 1 était applicable à la procédure et que les stipulations de ce contrat faisaient partie intégrante du cahier des charges.

15      Le point 13.1.1 du cahier des charges prévoyait que les informations techniques fournies dans les offres devaient être conformes aux Spécifications de gestion et aux Spécifications techniques. Ce point indiquait, en outre, ce qui suit :

« Eu égard à la documentation mentionnée ci-dessus, l’omission totale ou partielle d’une information substantielle nécessaire ou le défaut de conformité de l’offre avec les exigences minimales des [Spécifications de gestion] et des [Spécifications techniques] conduira au rejet de l’offre. En conséquence, le soumissionnaire est invité à étudier soigneusement les spécifications en cause et à fournir dans son offre toute l’information requise ainsi que tout élément supplémentaire susceptible de faciliter l’évaluation de l’offre par [l’entreprise commune]. »

16      Selon le point 3 des Spécifications techniques, un calendrier de livraison déterminait, en nombre de mois à compter de l’entrée en vigueur du contrat type, la date à laquelle les différents types de conducteurs devaient être livrés par le contractant à l’entreprise commune.

17      La requérante, Nexans France, a soumis une offre (ci-après l’« Offre ») le 23 octobre 2009. Celle-ci comprenait une annexe C 1, intitulée « Liste des aménagements principaux au contrat type qui aboutiront à la reformulation de certaines clauses », proposant plusieurs amendements au contrat type (ci-après les « réserves »). Les réserves portaient notamment sur les conditions suivantes : premièrement, la requérante souhaitait subordonner l’entrée en vigueur du contrat au versement d’une avance par l’entreprise commune ainsi qu’à l’obtention d’un permis de construire pour son usine de Cortaillod (Suisse) ; deuxièmement, la requérante souhaitait décliner toute responsabilité en cas de problèmes liés au design des câbles déterminé par l’entreprise commune ou causés par des produits intermédiaires fournis par l’entreprise commune, ou encore causés par des produits fabriqués par elle-même, mais retravaillés par l’entreprise commune ; troisièmement, la requérante souhaitait remettre en cause le calendrier de livraison ; elle présentait un calendrier différent, prévoyant de décaler la première livraison de douze mois et la dernière livraison d’un mois, soit d’exécuter la dernière livraison du contrat au bout de 55 mois au lieu de 54 ; quatrièmement, la requérante demandait que les pénalités pour défaut d’exécution soient calculées sur la base du montant des produits non livrés en temps et en heure et non sur la valeur totale du marché et que le taux des pénalités applicables soit de 1 % par semaine, dans la limite de 15 % des produits non livrés en temps et en heure et de 10 % de la valeur totale du marché ; cinquièmement, la requérante entendait remettre en cause les clauses relatives aux reports de livraison, le régime des règlements partiels, la durée de garantie de ses produits, le montant maximal de sa responsabilité et le principe du prix fixe ; sixièmement, la requérante revendiquait le droit, en cas de difficultés techniques, de bénéficier d’un accès gratuit à une nouvelle technologie qui lui serait fournie par l’entreprise commune ou, à défaut, le droit de procéder à la résiliation unilatérale du marché ; septièmement, la requérante souhaitait se voir reconnaître des droits de propriété intellectuelle plus étendus que ceux prévus par le contrat type ; huitièmement, la requérante souhaitait se voir reconnaître un pouvoir de résiliation unilatérale sans compensation au cas où l’entreprise commune n’effectuerait pas les paiements dans les délais prévus, contesterait ses demandes de paiements ou au cas où elle ne serait pas en mesure de fabriquer les conducteurs requis conformément aux spécifications techniques définies par l’entreprise commune ; neuvièmement, enfin, la requérante a formulé une réserve, portant sur l’article II.26 du contrat type, dont le texte est incomplet.

18      Par courrier du 19 novembre 2009, un membre du service des contrats et des marchés publics de l’entreprise commune, Mme R., a demandé à la requérante des précisions en ce qui concerne l’Offre. Mme R. rappelait à la requérante la teneur du point 4.1 du cahier des charges (voir point 13 ci-dessus) et l’invitait, en outre, à présenter un exemplaire signé du contrat type et à confirmer son acceptation de l’ensemble de ses stipulations. Le point A de ce courrier se concluait par les deux alinéas suivants :

« Pouvez-vous confirmer votre acceptation des stipulations du contrat type et de ses annexes ? Si tel est le cas, pouvez-vous confirmer que les [réserves] sont simplement des indications et non des stipulations contractuelles ? Pouvez-vous fournir un exemplaire du contrat type paraphé, à chaque page, et signé par une personne de votre société habilitée à le faire ?

Au cas où vous ne confirmeriez pas votre acceptation des stipulations contractuelles, [l’Offre] sera rejetée sans évaluation ultérieure. »

19      Dans l’original de la lettre adressée à la requérante, les termes « rejetée sans évaluation ultérieure » étaient soulignés.

20      Le courrier de Mme R. comportait également un point B, intitulé « Critères d’exclusion », et un point C, intitulé « Capacité technique et professionnelle ». Les questions figurant à ces deux points dudit courrier étaient introduites par le passage suivant, figurant en caractères gras :

« Sous réserve de la confirmation de votre acceptation des stipulations du contrat ainsi qu’il est indiqué ci-dessus, veuillez répondre aux questions ci-après [...] »

21      Le vice-président de la requérante, M. B., a répondu à ce courrier par lettre du 26 novembre 2009. Dans cette réponse, il estimait que les réserves devaient être prises en considération et servir de base aux négociations entre la requérante et l’entreprise commune, puisque les conditions financières de l’Offre avaient été définies en fonction des réserves. Il ajoutait qu’il comprenait d’une conversation téléphonique intervenue le 23 novembre 2009 que l’entreprise commune considérait que l’acceptation du contrat type était une condition préalable à l’évaluation de l’Offre. Il faisait cependant valoir que le point 4.1 du cahier des charges (voir point 13 ci-dessus) ne fixait pas une règle impérative, mais conférait un pouvoir d’appréciation à l’entreprise commune. C’est pourquoi il invitait celle-ci à reconsidérer son interprétation du point 4.1 du cahier des charges et à accepter l’Offre compte tenu des réserves. Il indiquait en outre les raisons justifiant la formulation des réserves. À ce courrier, étaient également annexées les réponses de la requérante aux questions figurant aux points B et C du courrier du 19 novembre 2009 (voir point 20 ci-dessus).

22      Au cours et à la suite de cet échange de courriers, des contacts téléphoniques ont eu lieu entre la requérante et l’entreprise commune.

23      Par courrier du 26 février 2010, le président-directeur général de la requérante, M. V., a réitéré les réserves et a invité l’entreprise commune à prendre position sur celles-ci. En outre, dans ce courrier, le président-directeur général de la requérante attirait l’attention de l’entreprise commune sur une situation de conflit d’intérêts éventuelle dans laquelle se trouverait l’un de ses concurrents.

24      La requérante a de nouveau expliqué sa position lors d’une réunion organisée avec l’entreprise commune le 25 mars 2010.

25      Par courrier du 13 avril 2010, le chef du service des contrats et des marchés publics de l’entreprise commune a répondu aux courriers des 26 novembre 2009 (voir point 21 ci-dessus) et 26 février 2010 (voir point 23 ci-dessus). Le chef du département des achats de l’entreprise commune a indiqué à cette occasion que celle-ci prendrait en considération les allégations de conflit d’intérêts présentées par la requérante. Ce courrier comportait également le passage suivant :

« En ce qui concerne l’appel d’offres auquel vous vous référez […], veuillez noter que l’évaluation est en cours et que, en conséquence, [l’entreprise commune] ne peut dévoiler aucune information supplémentaire à ce sujet. Cependant, nous sommes persuadés que les échanges intervenus entre le service des contrats et des marchés publics de [l’entreprise commune] et Nexans ont été utiles pour clarifier les conditions générales et les limites qui régissent les procédures de passation d’appel d’offres. À cet égard, en réponse à votre courrier du 26 novembre 2009, nous devons souligner que ce courrier a été adressé par Nexans en réponse à une demande d’éclaircissements émanant de [l’entreprise commune]. Nexans ayant fourni toutes les précisions nécessaires dans ce courrier, il n’y avait pas lieu pour l’entreprise commune d’y apporter une réponse dans le contexte de l’évaluation. »

26      Dans un courrier adressé le 16 avril 2010 au chef du service des contrats et des marchés publics de l’entreprise commune, le vice-président de la requérante a confirmé qu’il existait, selon lui, un conflit d’intérêts en raison de la présence au conseil de direction de l’entreprise commune d’une personne employée par l’Agenzia nazionale per le nuove tecnologie, l’energia e lo sviluppo economico sostenibile (Agence nationale pour les nouvelles technologies, l’énergie et le développement économique durable, Italie, ci-après l’« ENEA »). Dans ce courrier, il était également fait état de la possibilité d’un détournement d’informations confidentielles concernant la requérante ainsi que de la violation de droits de propriété intellectuelle détenus par celle-ci.

27      Dans deux rapports respectivement adressés au directeur et au comité exécutif de l’entreprise commune, établis, en application de l’article 122 du règlement d’application, les 25 mars et 6 avril 2010, le comité d’évaluation des offres a proposé de rejeter l’Offre et d’attribuer le marché à un consortium dénommé Italian Consortium for Applied Superconductivity (ICAS) (ci-après le « consortium ICAS »), l’unique autre soumissionnaire, composé de l’ENEA, de Tratos Cavi SpA et de Criotec Impianti Srl.

28      En ce qui concerne l’Offre, le comité d’évaluation des offres a indiqué ce qui suit. Premièrement, la déclaration sur l’honneur relative aux critères d’exclusion était incomplète. Deuxièmement, la requérante n’a pas produit d’exemplaire signé du contrat type, mais, au contraire, a formulé une série de réserves portant sur les clauses contractuelles relatives au calendrier de livraison, aux conditions techniques et financières ainsi qu’à l’étendue de la garantie à la charge du contractant. Troisièmement, en réponse à une demande d’éclaircissements, la requérante a maintenu ses réserves et a fourni des compléments d’information en ce qui concerne les critères d’exclusion, dont il ressort qu’elle a été condamnée en 2007 en raison d’une infraction aux règles de concurrence commise en 2001. En conclusion, le comité d’évaluation des offres a proposé le rejet de l’Offre en raison, notamment et sans qu’il soit besoin de se prononcer au regard des critères d’exclusion, du maintien par la requérante de réserves incompatibles avec plusieurs exigences essentielles découlant du cahier des charges, du contrat type et des Spécifications techniques.

29      En conséquence, seule l’offre du consortium ICAS a fait l’objet d’une évaluation. Dès lors que ce consortium demeurait le seul en lice pour l’attribution du marché, des négociations se sont engagées, sur la base de l’article 139, paragraphe 6, du règlement d’application, à la demande de l’entreprise commune.

30      Lors de sa 21e réunion, les 19 et 20 mai 2010, le comité exécutif de l’entreprise commune, saisi sur le fondement de l’article 124, paragraphe 2, du règlement d’application, dès lors que le marché était d’une valeur supérieure à un million d’euros, a confirmé la régularité de la procédure d’attribution.

31      Le 8 juillet 2010, le directeur de l’entreprise commune a rejeté l’Offre (ci-après la « décision de rejet ») et a attribué le marché au consortium ICAS (ci-après la « décision d’attribution »).

32      Par lettre du 16 juillet 2010, Mme R. a informé la requérante du rejet de l’Offre en application de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application, celle-ci ne satisfaisant pas à certaines « conditions essentielles » prévues dans le cahier des charges, en raison du refus de la requérante de signer un exemplaire du contrat type ainsi que des réserves. Dans cette lettre, la décision d’attribution a également été portée à la connaissance de la requérante. La décision d’attribution a par ailleurs été adressée le même jour au consortium ICAS.

33      Le 23 juillet 2010, le vice-président de la requérante a écrit à l’entreprise commune pour lui demander de rapporter la décision d’attribution et la décision de rejet (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées ») ainsi que de recommencer la procédure d’appel d’offres. En outre, l’entreprise commune était avertie qu’elle pourrait être poursuivie en justice pour recel d’informations confidentielles protégées.

34      Ce courrier a fait l’objet d’une réponse de la part du chef du service des contrats et des marchés publics de l’entreprise commune le 3 août 2010.

 Procédure et conclusions des parties

35      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

36      Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande de sursis à l’exécution des décisions attaquées.

37      Par courrier enregistré au greffe du Tribunal le 5 octobre 2010, l’entreprise commune a informé le Tribunal du lancement d’une enquête interne portant sur le conflit d’intérêts allégué dans la requête et a demandé la suspension de la présente affaire dans l’attente du résultat de cette enquête.

38      La demande en référé présentée par la requérante a été rejetée par ordonnance du président du Tribunal du 15 octobre 2010 et les dépens ont été réservés.

39      Par courrier du 27 octobre 2010, la requérante a fait connaître son accord en ce qui concerne la suspension envisagée de la présente procédure.

40      Par ordonnance du 19 novembre 2010, en application de l’article 77, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, le président de la première chambre du Tribunal a suspendu la présente affaire jusqu’au 15 décembre 2010.

41      Dans le cadre de l’enquête interne mentionnée au point 37 ci-dessus, la requérante et le consortium ICAS ont été invités à présenter des observations. Les services de l’entreprise commune ont ensuite préparé un rapport, lequel a été soumis au directeur de l’entreprise commune le 29 novembre 2010. Au vu de ce rapport, le directeur de l’entreprise commune a décidé de confirmer les décisions attaquées. En conséquence, le contrat a été signé avec le consortium ICAS le 9 décembre 2010 et la requérante en a été informée le jour même. Le rapport d’enquête a été communiqué à la requérante le 18 janvier 2011.

42      Par courrier enregistré au greffe du Tribunal le 12 avril 2011, la requérante a demandé, à titre de mesures d’organisation de la procédure, que le Tribunal ordonne à l’entreprise commune de produire, éventuellement dans une version non confidentielle, l’offre technique et commerciale présentée par le consortium ICAS et le contrat signé avec ce consortium le 9 décembre 2010.

43      Par courrier enregistré au greffe du Tribunal le 17 mai 2011, l’entreprise commune a demandé au Tribunal de rejeter cette demande. Toutefois, elle a produit une version non confidentielle du contrat conclu avec le consortium ICAS ainsi que l’annexe B de ce contrat, comportant le calendrier de livraison.

44      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé par écrit des questions aux parties, auxquelles celles-ci ont répondu dans les délais qui leur avaient été impartis.

45      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 27 novembre 2012.

46      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        annuler tous les actes adoptés subséquemment ;

–        condamner l’entreprise commune à lui verser une somme de 175 453 euros, à parfaire, assortie des intérêts, en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis ;

–        à titre subsidiaire, au cas où une nouvelle procédure d’appel d’offres ne pourrait être organisée, condamner l’entreprise commune à lui verser une somme de 50 175 453 euros, à parfaire, assortie des intérêts, en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis ;

–        condamner l’entreprise commune aux dépens.

47      L’entreprise commune conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur les demandes en annulation

 Sur la recevabilité des demandes en annulation

 En ce qui concerne la recevabilité du deuxième chef de conclusions présenté par la requérante

48      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande, outre l’annulation des décisions attaquées, celle de « tous les actes adoptés subséquemment ».

49      En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en application de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige. Cette indication doit être suffisamment précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel (voir arrêt du Tribunal du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, point 27, et la jurisprudence citée).

50      Or, en l’espèce, la requérante n’indique pas quelles sont les décisions autres que les décisions attaquées qui sont visées par sa demande d’annulation. Un tel chef de conclusions est, ainsi, dépourvu des précisions suffisantes pour permettre d’en apprécier la portée et doit, dès lors, être rejeté comme irrecevable (voir, en ce sens, arrêt Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, point 49 supra, points 25 à 28, et ordonnance du Tribunal du 24 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑442/11, point 92, et la jurisprudence citée).

 En ce qui concerne la qualité pour agir de la requérante à l’encontre de la décision d’attribution

51      L’entreprise commune fait valoir que, l’Offre n’étant pas conforme au cahier des charges, elle était tenue, en conséquence, de la rejeter. Dans ces conditions, selon elle, la requérante n’a aucun intérêt à contester la décision d’attribution. En ce qui concerne cette dernière décision, le recours devrait donc être rejeté comme irrecevable.

52      La requérante, en revanche, fait valoir, en se référant à l’ordonnance du président du Tribunal du 20 juillet 2006, Globe/Commission (T‑114/06 R, Rec. p. II‑2627, points 30 et suivants), qu’un candidat évincé lors d’une procédure d’appel d’offres serait toujours directement et individuellement concerné par la décision attribuant un marché à un autre candidat. Elle s’estime donc recevable à demander l’annulation de la décision d’attribution.

53       En vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, applicable au présent litige en vertu de l’article 106 bis EA, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement. Dès lors qu’il est constant que le destinataire de la décision d’attribution est le consortium ICAS et non la requérante, il convient de vérifier si cette dernière est directement et individuellement concernée par cette décision.

54      À cet égard, selon une jurisprudence constante, une personne physique ou morale ne saurait être directement concernée par un acte, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, qu’à la condition que celui-ci produise directement des effets sur sa situation juridique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, points 43 et 45, et arrêt du Tribunal du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, Rec. p. II‑3099, point 61).

55      Or, il a été itérativement jugé que, lorsque l’offre d’un soumissionnaire est rejetée avant le stade précédant la décision d’attribution du marché, de sorte qu’elle n’est pas comparée aux autres offres, la recevabilité du recours introduit par le soumissionnaire concerné contre la décision attribuant le marché est subordonnée à l’annulation de la décision rejetant son offre (arrêts du Tribunal du 13 septembre 2011, Dredging International et Ondernemingen Jan de Nul/EMSA, T‑8/09, Rec. p. II-6123, points 134 et 135, et du 22 mai 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑17/09, points 118 et 119).

56      En effet, ce n’est que si cette dernière décision est annulée que la décision attribuant le marché est susceptible de produire des effets directs sur la situation juridique du soumissionnaire dont l’offre a été rejetée avant le stade précédant la décision d’attribution du marché. En revanche, lorsque la demande d’annulation de la décision rejetant l’offre est rejetée, la décision attribuant le marché n’est pas susceptible d’avoir des conséquences juridiques pour le soumissionnaire dont l’offre a été rejetée avant le stade précédant la décision d’attribution. Dans cette hypothèse, la décision rejetant l’offre fait obstacle à ce que le soumissionnaire concerné soit directement affecté par la décision attribuant le marché à un autre soumissionnaire.

57      Ainsi, dans le cas où, comme en l’espèce, l’offre d’un candidat a été rejetée comme ne répondant pas aux exigences essentielles du cahier des charges, ce n’est que si ce candidat parvient à démontrer que c’est à tort que son offre a été rejetée pour ce motif qu’il peut ainsi établir qu’il avait vocation à voir celle-ci comparée à celle des autres soumissionnaires et, partant, que la décision attribuant le marché à un autre candidat produit directement des effets sur sa situation juridique.

58      Par conséquent, en l’espèce, la recevabilité de la demande d’annulation de la décision d’attribution dépend du succès de la requérante à obtenir l’annulation de la décision de rejet. Il s’ensuit qu’il convient d’examiner d’abord l’ensemble des arguments relatifs à la légalité de la décision de rejet.

 Sur le bien-fondé de la demande d’annulation de la décision de rejet

 Considérations liminaires

59      À l’appui de ses demandes en annulation, dirigées indistinctement contre la décision de rejet et contre la décision d’attribution, la requérante invoque quatre moyens. Le premier, lequel se divise en trois branches, est tiré, respectivement, de la violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de transparence. Le deuxième moyen s’articule en quatre branches et il est pris de la violation des principes d’égalité de traitement et d’égalité des chances entre les candidats durant la procédure. Le troisième moyen est relatif à la violation du principe de bonne administration et des articles 84 et 94 du règlement financier de l’entreprise commune. Par le quatrième moyen, enfin, la requérante allègue une erreur de droit dans l’application de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application.

60      Il convient de rappeler que l’Offre a été rejetée par l’entreprise commune avant la phase comparative d’examen, motif pris de ce qu’elle n’était pas conforme aux conditions prescrites aux soumissionnaires dans la documentation de l’appel d’offres. La troisième branche du deuxième moyen, étant tirée de ce que, pour la préparation de son offre, le consortium ICAS a bénéficié d’informations qui l’ont avantagé, est ainsi dépourvue d’incidence sur la légalité de la décision de rejet.

61      Par son argumentation, la requérante tend, en substance, d’une part, à remettre en cause la légalité des conditions imposées aux soumissionnaires par la documentation de l’appel d’offres et au regard desquelles l’entreprise commune a apprécié l’Offre.

62      En premier lieu, le Tribunal considère donc opportun d’examiner ensemble les arguments présentés à cet égard dans le cadre des première et troisième branches du premier moyen, des première et deuxième branches du deuxième moyen ainsi que des troisième et quatrième moyens, relatifs à l’irrégularité de la documentation de l’appel d’offres.

63      De plus, même à supposer légales les conditions de l’appel d’offres, la requérante considère, d’autre part, que c’est à tort que l’entreprise commune s’est estimée être en droit de rejeter l’Offre avant la phase de comparaison des mérites.

64      Par suite, en deuxième lieu, le Tribunal estime approprié d’examiner les arguments relatifs à l’application en l’espèce des conditions prévues par la documentation relative à l’appel d’offres, présentés par la requérante dans le cadre du premier moyen, des deuxième et quatrième branches du deuxième moyen ainsi que des troisième et quatrième moyens.

65      En troisième lieu, le Tribunal examinera les allégations relatives à la violation du principe de protection de la confiance légitime présentées par la requérante dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen.

 En ce qui concerne la légalité de la documentation relative à l’appel d’offres

66      Les critiques adressées par la requérante à la documentation de l’appel d’offres peuvent être regroupées en trois séries d’arguments. Premièrement, dans le cadre de la première et de la troisième branches du premier moyen ainsi que du quatrième moyen, la requérante reproche à l’entreprise commune l’imprécision des termes de la documentation de l’appel d’offres, laquelle, selon elle, l’a empêchée de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qui lui incombaient, en violation des principes de sécurité juridique et de transparence. Deuxièmement, dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, la requérante excipe de l’illégalité du cahier des charges et des Spécifications techniques, au motif que les délais de livraison ont été prévus de manière à écarter toute autre candidature que celle du consortium ICAS. Dans le cadre du troisième moyen, la requérante estime, de plus, que l’imposition de ce calendrier de livraison constitue une violation du principe de bonne administration. Troisièmement, dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, la requérante reproche à l’entreprise commune d’avoir permis à l’ENEA d’influencer à son profit les conditions de l’appel d’offres, ce qui serait constitutif d’une situation de conflit d’intérêts.

–       Sur la clarté des règles applicables à la procédure d’appel d’offres

67      Dans le cadre de la première et de la troisième branches du premier moyen, la requérante reproche à l’entreprise commune l’imprécision des termes de la documentation de l’appel d’offres, laquelle, selon elle, l’a empêchée de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qui lui incombaient, en violation des principes de sécurité juridique et de transparence. Ces critiques sont reprises par la requérante dans son argumentation relative au quatrième moyen.

68      À cet égard, la requérante soutient que la documentation de l’appel d’offres ne précisait pas clairement que les soumissionnaires étaient tenus d’accepter le contrat type sans disposer de la faculté d’y proposer des amendements. Le courrier qui lui a été adressé par l’entreprise commune le 19 novembre 2009 (voir point 18 ci-dessus) n’aurait pas non plus indiqué que le rejet de l’Offre était inéluctable en raison de la formulation des réserves, mais l’entreprise commune se serait bornée à indiquer que ce rejet était possible. À aucun moment avant l’adoption de la décision de rejet, l’entreprise commune n’aurait fait état de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application. La requérante estime qu’elle ne pouvait donc raisonnablement supposer que l’entreprise commune appliquerait cette disposition en l’espèce ni que les « conditions générales » mentionnées dans le cahier des charges constituaient des « conditions essentielles » au sens de cette disposition. De même, rien n’indiquerait que le respect du calendrier de livraison constituait une « condition essentielle » au sens de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application. Dans ces conditions, la requérante estime que l’entreprise commune a violé le principe de sécurité juridique.

69      De plus, selon elle, le point 4.1 du cahier des charges permettait à l’entreprise commune d’apprécier la question de savoir si les modifications au contrat type proposées par un soumissionnaire pouvaient être acceptées. L’entreprise commune n’aurait donc pas été dans une situation de compétence liée, mais elle disposerait d’un pouvoir d’appréciation. Or, à aucun moment, l’entreprise commune n’aurait permis à la requérante de comprendre que son interprétation de la portée du point 4.1 du cahier des charges était différente. Au contraire, l’entreprise commune aurait occulté la base juridique sur laquelle elle a adopté la décision de rejet. Elle aurait ainsi méconnu le principe de transparence.

70      L’entreprise commune conteste ces allégations.

71      Le principe de sécurité juridique exige que les intéressés soient mis en mesure de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qui leur incombe (arrêts de la Cour du 10 mars 2009, Heinrich, C‑345/06, Rec. p. I‑1659, point 44, et du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, Rec. p. I‑7027, point 79). Quant au principe de transparence, lequel constitue un principe général, applicable à l’entreprise commune, lors de la passation de marchés publics, en vertu de l’article 79 de son règlement financier, il implique que toutes les conditions et les modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque, dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, afin, d’une part, de permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, de mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (arrêts de la Cour du 18 juin 2002, HI, C‑92/00, Rec. p. I‑5553, point 45, et du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, Rec. p. I‑3801, points 109 à 111 ; arrêt du Tribunal du 12 mars 2008, European Service Network/Commission, T‑332/03, non publié au Recueil, points 126 et 127).

72      Il convient donc, tout d’abord, de rechercher si la documentation de l’appel d’offres respecte les exigences susmentionnées. Les critiques formulées à cet égard par la requérante peuvent se résumer à deux griefs. D’une part, selon elle, il n’était pas évident que l’acceptation par les soumissionnaires du contrat type et du calendrier de livraison était obligatoire. D’autre part, il n’aurait pas été évident non plus que l’offre d’un soumissionnaire refusant de se conformer à cette obligation ne pouvait qu’être rejetée.

73      S’agissant du premier grief, il suffit de renvoyer au premier alinéa du point 4.1 du cahier des charges (voir point 13 ci-dessus), lequel énonce ce qui suit :

« La présentation d’une offre implique l’acceptation de toutes les stipulations du contrat type et de ses annexes, y compris les [Spécifications techniques] et les [Spécifications de gestion], ainsi que la renonciation du soumissionnaire à ses propres conditions générales ou particulières. »

74      Il résulte clairement et sans la moindre équivoque de cette stipulation du cahier des charges que l’acceptation du contrat type et du calendrier de livraison (lequel fait partie des Spécifications techniques) était obligatoire pour les soumissionnaires et que ceux-ci étaient tenus, sans exception, de renoncer à toute clause qui leur serait propre.

75      L’obligation de se conformer au calendrier de livraison résulte par ailleurs des points 3.1 et 13.1.1 du cahier des charges (voir points 12 et 15 ci-dessus). En ce qui concerne l’acceptation du contrat type, le point 6 du cahier des charges précise que celui-ci, joint en annexe 1 au cahier des charges, est applicable à la procédure et que ses stipulations font partie intégrante du cahier des charges (voir point 14 ci-dessus).

76      Il est, de plus, précisé au troisième alinéa du point 4.1 du cahier des charges que les conditions énoncées dans l’ensemble de ce point – à savoir, notamment, l’acceptation du contrat type et du calendrier de livraison – sont « applicables à la soumission des offres » et qu’il s’agit, en d’autres termes, des « conditions que les soumissionnaires doivent remplir dans la préparation et la présentation de leur offre, pour permettre l’acceptation de celle-ci ». De même, au quatrième alinéa du même point, il est précisé que « les soumissionnaires seront jugés exclusivement sur le contenu de leur offre écrite » et que, en conséquence, « ils doivent faire apparaître clairement dans leur offre qu’ils sont capables de se conformer aux exigences contenues dans les [Spécifications techniques] et dans les [Spécifications de gestion] ».

77      Lors de l’audience, la requérante a déclaré que, si le sens de ces stipulations prises isolément pouvait paraître clair, le caractère équivoque de la portée des obligations incombant aux soumissionnaires résultait cependant de l’économie générale de l’ensemble de la documentation relative à l’appel d’offres. Toutefois, la requérante est restée en défaut d’identifier plus précisément la moindre stipulation du cahier des charges ou des autres documents de l’appel d’offres susceptibles de donner lieu à une telle équivoque et n’a présenté aucun argument permettant d’établir que, à la lecture des stipulations de la documentation de l’appel d’offres, notamment celles mentionnées aux points 73 à 76 ci-dessus, il n’apparaissait pas clairement, aux yeux d’un opérateur normalement diligent, que l’acceptation par les soumissionnaires du contrat type et du calendrier de livraison était obligatoire et constituait une condition de conformité de leur offre aux exigences prévues par le cahier des charges.

78      Il s’ensuit qu’il convient d’écarter comme non fondé le premier grief allégué par la requérante.

79      Il convient donc d’examiner le second grief relatif à la violation des principes de sécurité juridique et de transparence, la requérante soutenant, à cet égard, que le rejet des offres non conformes aux exigences rappelées au point 77 ci-dessus ne résultait pas clairement du cahier des charges.

80      Il convient de rappeler d’emblée que, lorsque, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur définit les conditions qu’il entend imposer aux soumissionnaires, il s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait en outre se départir des conditions qu’il a ainsi définies à l’égard de l’un quelconque des soumissionnaires sans violer le principe d’égalité de traitement entre les candidats. C’est donc au regard des principes d’autolimitation et de respect de l’égalité de traitement entre les candidats qu’il convient d’interpréter le cahier des charges, aux fins d’établir si celui-ci, ainsi que le soutient la requérante, était de nature à permettre à l’entreprise commune d’accepter les réserves.

81      À cet égard, il suffit de se reporter derechef au point 4.1 du cahier des charges, dont le deuxième alinéa se lit ainsi qu’il suit :

« [L’entreprise commune] peut ignorer toute réserve ou clause d’irresponsabilité à cet effet qui serait contenue dans l’offre et se réserve le droit de rejeter de telles offres, sans devoir procéder à une évaluation détaillée des motifs qui les rendent non conformes au cahier des charges. »

82      Force est de constater que le sens littéral de cette stipulation s’oppose manifestement à l’interprétation qu’en donne la requérante, selon laquelle l’entreprise commune devait disposer d’un pouvoir d’appréciation et de la faculté d’admettre des dérogations aux exigences mentionnées au premier alinéa du point 4.1 du cahier des charges (voir points 13 et 73 ci-dessus). En effet, le deuxième alinéa du point 4.1, loin de donner à l’entreprise commune la possibilité de prendre en considération d’éventuels amendements au contrat type et au calendrier de livraison, ne l’autorisait qu’à ignorer d’éventuelles propositions de dérogation et lui permettait de rejeter légalement toute offre non conforme.

83      Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’estime la requérante, l’entreprise commune ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation lui permettant de ne pas rejeter une offre comportant des dérogations par rapport au contrat type ou au calendrier de livraison, mais que sa seule marge d’appréciation portait sur le point de savoir si les dérogations dont résultait la non-conformité de l’offre à ces exigences pouvaient être ignorées, étant entendu que, dans le cas contraire, elle était tenue de rejeter cette offre.

84      De plus, le point 13.1.1 du cahier des charges (voir point 15 ci-dessus), lequel énonce que « le défaut de conformité de l’offre avec les exigences minimales des [Spécifications de gestion] et des [Spécifications techniques] conduira au rejet de l’offre », constitue une mise en garde supplémentaire en ce qui concerne les conséquences qui s’attachaient à l’absence de respect, par les soumissionnaires, des délais indiqués dans le calendrier de livraison.

85      Par ailleurs, les points 1 et 14 du cahier des charges, joint en annexe A 2 à la requête, indiquent, à deux reprises, que le règlement financier de l’entreprise commune et le règlement d’application régissent la procédure d’appel d’offres. De plus, le point 4.2 du cahier des charges précise que la procédure en cause est une procédure ouverte au sens de l’article 81, paragraphe 4, du règlement financier de l’entreprise commune et de l’article 84 du règlement d’application. Or, de telles procédures sont caractérisées par l’impossibilité pour le pouvoir adjudicateur de négocier avec les différents soumissionnaires, ceux-ci étant jugés exclusivement sur le contenu de leur offre écrite, ainsi qu’il est précisé au point 4.1, quatrième alinéa, du cahier des charges.

86      En outre, le courrier adressé à la requérante par l’entreprise commune le 19 novembre 2009 (voir point 18 ci-dessus) était tout à fait explicite quant à la portée des règles régissant la procédure en cause. En effet, au sujet des réserves formulées dans l’Offre, l’entreprise commune indiquait ce qui suit :

« Pouvez-vous confirmer votre acceptation des stipulations du contrat type et de ses annexes ? Si tel est le cas, pouvez-vous confirmer que les [réserves] sont simplement des indications et non des stipulations contractuelles ? Pouvez-vous fournir un exemplaire du contrat type paraphé, à chaque page, et signé par une personne de votre société habilitée à le faire ?

Au cas où vous ne confirmeriez pas votre acceptation des stipulations contractuelles, votre offre sera rejetée sans évaluation ultérieure. »

87      Les conséquences encourues par la requérante au cas où elle indiquerait que ses réserves avaient valeur contractuelle et qu’elle entendait les opposer à l’entreprise commune étaient également soulignées par le caractère conditionnel des questions qui suivaient, dans le même courrier, le passage reproduit ci-dessus. En effet, ces questions, qui étaient relatives aux critères d’exclusion et de sélection, étaient introduites par la mise en garde suivante :

« Sous réserve de la confirmation de votre acceptation des stipulations du contrat ainsi qu’il est indiqué ci-dessus, veuillez répondre aux questions ci-après [...] »

88      La requérante n’est donc pas fondée à soutenir que l’entreprise commune, que ce soit dans la rédaction de la documentation de l’appel d’offres ou par son comportement durant la procédure de passation du marché en cause, a « occulté » la base juridique, à savoir l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application, sur laquelle elle a fondé la décision de rejet.

89      En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 85 ci-dessus, la requérante, à la lecture de la documentation de l’appel d’offres, ne pouvait ignorer que la procédure à laquelle elle s’est soumise était régie par le règlement d’application, dont l’article 120, paragraphe 4, est rédigé comme suit :

« Les offres qui ne se conforment pas à toutes les exigences essentielles décrites dans la documentation relative à des appels d’offres ou aux exigences spécifiques précisées dans ces documents sont rejetées.

Le comité d’évaluation ou [l’entreprise commune] peuvent demander aux soumissionnaires de fournir des informations complémentaires ou de clarifier les documents remis avec leur offre, dans les délais qu’ils précisent. »

90      Dès lors, le second grief, tiré par la requérante de ce que le rejet des offres non conformes à l’obligation de respecter les stipulations du contrat type ainsi que les délais prévus dans le calendrier de livraison ne revêtait pas un caractère suffisamment prévisible pour les soumissionnaires doit également être écarté comme non fondé.

91      Il résulte ainsi de ce qui précède que la requérante n’est fondée à soutenir ni que l’obligation pour les soumissionnaires d’accepter le contrat type et le calendrier de livraison contenu dans les Spécifications techniques ainsi que le rejet des offres non conformes à ces exigences ne résultaient pas de façon évidente de la documentation de l’appel d’offres ni que ces conditions ne lui ont pas été rendues accessibles avec une clarté suffisante. Il s’ensuit que ses allégations relatives à la violation des principes de sécurité juridique et de transparence doivent être écartées.

–       Sur la justification des délais imposés par le calendrier de livraison

92      Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen et à l’appui du troisième moyen, la requérante excipe de l’illégalité du cahier des charges et des Spécifications techniques, au motif que les délais de livraison ont été prévus de manière à écarter toute autre candidature que celle du consortium ICAS. La requérante estime ainsi que l’imposition de ce calendrier de livraison constitue une violation du principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, ayant pour origine une situation de conflit d’intérêts, ainsi qu’une violation du principe de bonne administration.

93      Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, la requérante soutient que les délais résultant du calendrier de livraison imposé dans les Spécifications techniques constituent une contrainte disproportionnée, dès lors que seules les entreprises disposant, à la date prévue pour l’attribution du marché, d’une ligne de production adaptée avaient une chance d’emporter le marché. Ces délais excessivement courts n’auraient donc eu pour but que de favoriser la candidature du consortium ICAS, dont était membre l’ENEA, ce qui serait corroboré par le fait qu’aucune autre offre n’a été présentée. Le retard de neuf mois avec lequel l’entreprise commune aurait signé le contrat avec le consortium ICAS démontrerait que les délais imposés n’étaient pas objectivement justifiés.

94      Dans le cadre du troisième moyen, la requérante fait valoir en outre que l’entreprise commune, en fixant les délais de livraison de sorte que seul le consortium ICAS puisse remporter le marché, s’est privée de la possibilité d’obtenir des offres plus avantageuses que celle de ce consortium. Dès lors, la détermination des délais de livraison ne violerait pas seulement le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, mais également celui de bonne administration.

95      L’entreprise commune conteste ces allégations.

96      Il convient de constater d’emblée que, ainsi que le fait valoir à juste titre l’entreprise commune, les arguments par lesquels la requérante entend mettre en cause la légalité des conditions de l’appel d’offres portant sur les délais de livraison sont inopérants, dès lors que la décision de rejet est fondée sur l’impossibilité d’admettre une offre présentant des réserves et que les réserves formulées dans l’Offre ne portaient pas exclusivement sur les délais de livraison.

97      En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 17 ci-dessus, la demande de dérogation aux délais prévus dans le calendrier de livraison ne constituait que l’une des nombreuses réserves formulées dans l’Offre. La requérante demandait en outre, notamment, à l’entreprise commune d’accepter que l’entrée en vigueur du contrat soit conditionnée à l’obtention d’un permis de construire et repoussée jusqu’à l’obtention de ce permis, refusait d’accepter la clause de prix fixes et réclamait un allègement des pénalités contractuelles ainsi qu’une atténuation de sa responsabilité. En d’autres termes, pour des raisons étrangères à la question du respect des délais prévus par le calendrier de livraison dont chacune constituait une dérogation par rapport aux stipulations du contrat type, la requérante refusait d’accepter en l’état les conditions du marché telles qu’elles avaient été définies par l’entreprise commune.

98      Dans ces conditions, même en admettant que les critiques adressées par la requérante au calendrier de livraison soient fondées, il n’en demeure pas moins que celle-ci a refusé d’accepter le contrat type et que ce seul refus suffisait pour mettre l’entreprise commune dans l’obligation de rejeter l’Offre, ainsi qu’il résulte des points 71 à 91 ci-dessus. Ainsi, l’exception d’illégalité tirée par la requérante du caractère discriminatoire et disproportionné du calendrier de livraison ne saurait aboutir à ce qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation de la décision de rejet. Il s’ensuit que ce grief doit être écarté comme inopérant.

99      En tout état de cause, ledit grief est, au surplus, dépourvu de fondement.

100    En effet, selon la jurisprudence, les pouvoirs adjudicateurs disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption d’une décision de passer un marché public par appel d’offres. Dans ce contexte, ils jouissent également d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer tant le contenu que la mise en œuvre des règles applicables à la passation d’un marché public par appel d’offres (voir arrêt du Tribunal du 25 octobre 2012, Astrim et Elyo Italia/Commission, T‑216/09, point 17, et la jurisprudence citée).

101    Il convient de rappeler également que, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur, le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt Astrim et Elyo Italia/Commission, point 100 supra, point 20, et la jurisprudence citée).

102    Néanmoins, ainsi que le fait valoir la requérante à juste titre, l’entreprise commune est soumise au respect des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination. En vertu de l’article 79 de son règlement financier, en tant que pouvoir adjudicateur, elle est tenue de veiller, à chaque étape d’une procédure d’appel d’offres, au respect du principe d’égalité de traitement et, par voie de conséquence, à l’égalité des chances de tous les soumissionnaires. En outre, le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, lequel a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les soumissionnaires (arrêts de la Cour du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C‑19/00, Rec. p. I‑7725, point 34, et Commission/CAS Succhi di Frutta, point 71 supra, point 108 ; arrêt du Tribunal du 19 mars 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑50/05, Rec. p. II‑1071, points 55 et 56).

103    En l’espèce, la requérante ne prétend pas que tous les candidats n’ont pas été soumis à des conditions identiques, mais elle soutient que les conditions qui ont été imposées à l’ensemble des candidats ont été conçues de manière à favoriser le consortium ICAS. À l’appui de cette allégation, elle fait valoir que seule une entreprise disposant d’une ligne de production appropriée était en mesure de remporter le marché et qu’aucun autre candidat que le consortium ICAS n’a présenté d’offre satisfaisant aux délais imposés par les Spécifications techniques de l’appel d’offres.

104    À cet égard, premièrement, s’il est exact qu’aucune autre offre recevable que celle du consortium ICAS n’a été présentée, l’allégation selon laquelle seule une entreprise disposant d’une ligne de production adaptée pouvait se porter candidate, compte tenu des délais imposés, n’est pas établie.

105    Deuxièmement, l’entreprise commune soutient que les délais de livraison ont été définis pour lui permettre de se conformer aux obligations qu’elle a souscrites envers l’organisation internationale ITER, la Russie et le Japon et qui constituent l’objet du marché en cause en l’espèce (voir points 6 et 7 ci-dessus). Ces allégations sont corroborées par la production des trois contrats concernés ainsi que du calendrier imposé par l’organisation internationale ITER, joints au mémoire en défense (annexes B 7, B 8, B 10, B 31 à B 35). Dans ces conditions, l’entreprise commune doit être regardée comme ayant démontré que les délais imposés dans les Spécifications techniques étaient objectivement justifiés et n’ont pas eu pour objet de favoriser une candidature particulière quelle qu’elle soit.

106    En revanche, l’argument contraire, tiré par la requérante de ce que, en différant de neuf mois la signature du contrat avec le consortium ICAS, l’entreprise commune aurait montré par son comportement qu’elle n’était pas tenue par ces délais ainsi qu’elle le prétend, est sérieusement contredit par l’entreprise commune. En effet, celle-ci a fait valoir, lors de l’audience, que la signature du marché n’avait pu intervenir durant l’été 2010, en raison de l’incapacité des membres du consortium ICAS de transmettre les documents administratifs et financiers nécessaires à la conclusion du contrat. En outre, il est constant que, à la suite des allégations de conflit d’intérêts qui lui ont été présentées directement par la requérante avant l’introduction du présent recours et qui constituent également un élément dudit recours, l’entreprise commune a décidé de suspendre la décision d’attribution et d’ouvrir une enquête sur ces allégations. Or, la signature du contrat est effectivement intervenue dès la clôture de cette enquête (voir points 37 et 39 à 41 ci-dessus).

107    Troisièmement, enfin, la violation alléguée du principe de bonne administration consiste, selon la requérante, en ce que l’entreprise commune s’est volontairement privée de la possibilité de recevoir des offres plus avantageuses en décidant de définir le calendrier de livraison de manière à écarter toute candidature autre que celle du consortium ICAS. Or, il résulte de ce qui précède que les délais prescrits dans le calendrier de livraison trouvaient une justification objective dans les engagements internationaux souscrits par l’entreprise commune. Celle-ci, en estimant, dans l’exercice du large pouvoir qui lui est reconnu en la matière par la jurisprudence (voir point 100 ci-dessus), que l’obligation dans laquelle elle se trouvait de se conformer à ces engagements internationaux devait l’emporter sur la perspective éventuelle, au cas où elle aurait fixé des délais de livraison moins contraignants, de bénéficier d’un plus grand nombre de candidatures, n’a entaché son appréciation d’aucune erreur manifeste.

108    Il résulte ainsi de ce qui précède que la requérante n’est pas parvenue à établir ni que les délais prévus par le calendrier de livraison ont été conçus de manière à favoriser la candidature du consortium ICAS ni qu’ils présentaient un caractère disproportionné. Dès lors, les griefs tirés par la requérante de l’irrégularité du calendrier de livraison, étant inopérants, sont, en tout état de cause, également non fondés et doivent être écartés.

–       Sur l’existence d’un conflit d’intérêts entachant la détermination des conditions imposées aux soumissionnaires

109    Dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, la requérante reproche à l’entreprise commune d’avoir permis à l’ENEA, qui est représentée dans différents organes de l’entreprise commune et est aussi l’un des membres du consortium ICAS, d’influencer à son profit les conditions de l’appel d’offres, ce qui serait constitutif d’une situation de conflit d’intérêts.

110    En effet, MM. M. et P., tous deux agents de l’ENEA et respectivement membres du comité exécutif et du conseil de direction de l’entreprise commune, auraient été associés à la préparation de l’appel d’offres. Ils auraient ainsi eu la possibilité d’influencer la détermination des conditions imposées aux candidats dans un sens favorable à la candidature de l’ENEA.

111    De plus, l’ENEA aurait été associée au design des conducteurs TF destinés au projet JT-60SA et les Spécifications techniques auraient été adressées à l’ENEA pour validation avant le lancement de l’appel d’offres.

112    Enfin, un agent de l’ENEA aurait bénéficié d’un accès, au cours d’une visite des installations de Nexans Corée, à des informations de nature confidentielle concernant la requérante.

113    L’entreprise commune conteste ces allégations.

114    Selon la jurisprudence, la faculté pour un soumissionnaire, alors même qu’il n’en aurait pas l’intention, d’influencer les conditions d’un appel d’offres dans un sens qui lui est favorable est constitutive d’une situation de conflit d’intérêts. À cet égard, le conflit d’intérêts constitue une rupture de l’égalité de traitement entre les candidats et de l’égalité des chances entre les soumissionnaires (arrêt de la Cour du 3 mars 2005, Fabricom, C‑21/03 et C‑34/03, Rec. p. I‑1559, points 29 et 30, et arrêt du Tribunal du 17 mars 2005, AFCon Management Consultants e.a./Commission, T‑160/03, Rec. p. II‑981, point 74).

115    Premièrement, il résulte de la jurisprudence que la notion de conflit d’intérêts présente un caractère objectif et, pour la caractériser, il convient de faire abstraction des intentions des intéressés, en particulier de leur bonne foi (arrêt de la Cour du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, C‑315/99 P, Rec. p. I‑5281, points 44 à 48).

116    Deuxièmement, il convient de relever qu’il n’existe pas d’obligation absolue qui incomberait aux pouvoirs adjudicateurs d’exclure systématiquement les soumissionnaires en situation de conflit d’intérêts, une telle exclusion n’étant pas justifiée dans les cas dans lesquels il est possible de démontrer que cette situation est demeurée sans incidence sur leur comportement dans le cadre de la procédure d’appel d’offres et qu’elle ne comporte pas de risque réel de survenance de pratiques susceptibles de fausser la concurrence entre les soumissionnaires (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Fabricom, point 114 supra, points 33 à 36 ; du 19 mai 2009, Assitur, C‑538/07, Rec. p. I‑4219, points 26 à 30, et du 23 décembre 2009, Serrantoni et Consorzio stabile edili, C‑376/08, Rec. p. I‑12169, points 39 et 40).

117    Troisièmement, en revanche, l’exclusion d’un soumissionnaire en situation de conflit d’intérêts est indispensable lorsqu’il n’existe pas de remède plus adéquat pour éviter toute violation des principes d’égalité de traitement entre les soumissionnaires et de transparence (arrêt du Tribunal du 12 mars 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑345/03, Rec. p. II‑341, points 71 et suivants ; voir également, en ce sens, arrêts Assitur, point 116 supra, point 21, et Serrantoni et Consorzio stabile edili, point 116 supra, points 39 et 40).

118    Il convient donc d’examiner, à la lumière des considérations qui précèdent, les allégations selon lesquelles la participation de l’ENEA, l’un des soumissionnaires au travers du consortium ICAS, à la rédaction des documents d’appel d’offres, et, en particulier, selon la requérante, à la détermination des Spécifications techniques, constitue une situation de conflit d’intérêts qui aurait entaché d’illégalité les conditions découlant de la documentation relative à l’appel d’offres, en raison de ce que celles-ci auraient été conçues de manière à favoriser la candidature de ce consortium.

119    À cet égard, en premier lieu, les allégations de l’entreprise commune selon lesquelles les représentants de l’ENEA qui siègent au conseil de direction et au comité directeur ne sont pas membres de ces organes en qualité de représentants de l’ENEA ne permettent pas d’écarter l’existence d’un conflit d’intérêts de nature à porter atteinte au principe d’égalité des soumissionnaires. L’entreprise commune fait valoir, en effet, que M. P., membre du conseil de direction, représente la République italienne et non l’ENEA et que M. M. siège au comité exécutif non pas en tant que représentant de l’ENEA, mais en sa qualité d’expert reconnu en matière de fusion nucléaire. Le fait que ce ne soit pas en leur qualité d’agents de l’ENEA que ces personnalités qualifiées font partie des organes dirigeants de l’entreprise commune n’est pourtant pas en soi de nature à les empêcher d’utiliser leur situation au sein de l’entreprise commune pour servir les intérêts de l’agence nationale italienne, ce qui constituerait, précisément, une situation de conflit d’intérêts.

120    Dès lors, cette justification présentée par l’entreprise commune ne peut être admise, mais il convient plutôt d’examiner le rôle effectif que ces agents de l’ENEA, ainsi que l’ENEA elle-même, ont pu jouer dans la rédaction des documents de l’appel d’offres et, en particulier, dans la définition des Spécifications techniques.

121    Ainsi, en deuxième lieu, l’entreprise commune précise que ni le conseil de direction ni le comité exécutif n’ont été impliqués dans la rédaction de la documentation relative à l’appel d’offres. En réponse aux questions écrites qui lui ont été adressées avant l’audience, l’entreprise commune a fourni une relation particulièrement minutieuse des différentes étapes successives de l’élaboration des documents en cause. La requérante s’est abstenue, avant et lors de l’audience, de toute critique en ce qui concerne ces déclarations de l’entreprise commune. Or, celles-ci corroborent les allégations de l’entreprise commune selon lesquelles ni le conseil de direction ni le comité exécutif n’ont joué le moindre rôle dans la rédaction de la documentation de l’appel d’offres. Dans ces conditions, il convient d’écarter comme non fondé le grief tiré par la requérante de la présence d’agents de l’ENEA au sein de ces organes de l’entreprise commune.

122    En troisième lieu, en ce qui concerne l’allégation de la requérante, admise par l’entreprise commune, selon laquelle les Spécifications techniques en ce qui concerne les conducteurs TF destinés au projet JT-60SA ont été soumises à l’ENEA pour validation avant le lancement de l’appel d’offres, il convient de rappeler que la contribution de l’Euratom au projet JT-60SA devait être fournie, pour le compte de l’Euratom, par la République italienne et par la République française et que c’est à ce titre que les agences nationales de ces États membres, à savoir, respectivement, l’ENEA et le CEA, ont été consultées, l’entreprise commune s’étant substituée à ces agences pour passer le marché en cause.

123    Toutefois, il résulte des explications fournies par l’entreprise commune lors de l’audience et non contestées par la requérante qu’il n’est avéré ni que l’ENEA ait pu tirer un bénéfice de la transmission des Spécifications techniques préalable au lancement de l’appel d’offres ni qu’elle ait pu influer sur la détermination des Spécifications techniques dans un sens qui se serait avéré ultérieurement favorable à ses intérêts. En effet, l’entreprise commune a indiqué, sans être contredite, que les Spécifications techniques proposées par l’ENEA n’avaient en définitive pas été retenues. Elle a fait valoir en outre, sans être davantage contredite par la requérante, que la connaissance préalable que l’ENEA avait pu retirer de son association, d’une part, à la phase de développement des prototypes en cause dans le projet JT-60SA ainsi que, d’autre part, à la détermination des Spécifications techniques finalement retenues pour ce projet n’a pas pu avoir pour effet de lui procurer un avantage comparatif, les spécifications en cause n’emportant de conséquence qu’en termes de calibrage et de paramétrage des installations utilisées dans le processus de câblage et de gainage et non sur la nature de ces installations, alors que l’évaluation des offres ne portait que sur la capacité des candidats à disposer des installations en cause et à les exploiter.

124    En quatrième lieu, faute pour la requérante de préciser en quoi les informations confidentielles obtenues par un expert de l’ENEA lors d’une visite des installations de Nexans Corée ont pu avoir une incidence sur la rédaction de la documentation de l’appel d’offres, ces allégations ne peuvent suffire à établir l’illégalité de ces documents.

125    Il résulte de ce qui précède que la requérante n’est pas parvenue à établir que les exigences qui découlent de la documentation de l’appel d’offres ont été conçues sous l’influence et au bénéfice de l’ENEA et n’ont pu être imposées légalement à l’ensemble des soumissionnaires.

126    Il s’ensuit que les allégations tirées de ce que les conditions prévues par la documentation de l’appel d’offres étaient entachées d’illégalité en raison d’un conflit d’intérêts doivent être écartées comme non fondées.

127    Dès lors, la requérante n’est pas fondée à se plaindre de ce que la conformité de l’Offre à ces exigences était une condition nécessaire pour que celle-ci puisse être prise en considération par l’entreprise commune. Il convient donc, par conséquent, d’examiner à présent si c’est à juste titre que l’entreprise commune a estimé que l’Offre ne respectait pas ces exigences.

 En ce qui concerne la légalité de la décision de rejet au regard des conditions prévues par la documentation relative à l’appel d’offres

128    Pour contester la décision de rejet au regard des conditions prévues par la documentation relative à l’appel d’offres, la requérante invoque cinq griefs supplémentaires. Premièrement, dans le cadre du quatrième moyen, la requérante soutient que l’obligation d’accepter le contrat type et celle de respecter le calendrier de livraison ne constituent pas des « conditions essentielles » au sens de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application. Deuxièmement, dans le cadre du premier moyen, la requérante reproche à l’entreprise commune de ne pas l’avoir avertie, avant l’adoption de la décision de rejet, de son interprétation selon laquelle elle s’estimait tenue de rejeter son offre comme non conforme. Troisièmement, dans le cadre de la quatrième branche du deuxième moyen, elle estime que les exigences excessives imposées aux soumissionnaires ont eu une incidence négative sur le prix de son offre. Quatrièmement, dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, la requérante se plaint de la participation d’un agent de l’ENEA à la procédure d’évaluation des offres. Cinquièmement, enfin, la requérante soutient que l’ENEA détenait des informations privilégiées la concernant.

–       Sur l’application de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application

129    Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante soutient que les réserves qu’elle a formulées portaient sur des « conditions générales » du cahier des charges et non sur des « conditions essentielles » au sens de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application. Partant, la requérante estime que l’entreprise commune a commis une erreur de droit en se fondant sur cette disposition pour rejeter son offre. Selon la requérante, seules les conditions identifiées comme « essentielles » dans la documentation de l’appel d’offres pouvaient donner lieu à l’application de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application. De plus, selon la requérante, l’entreprise commune aurait pu, en application du point 4.1 du cahier des charges, ignorer les réserves plutôt que rejeter son offre.

130    L’entreprise commune conteste ces allégations.

131    Ainsi qu’il a été rappelé au point 89 ci-dessus, l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application dispose :

« Les offres qui ne se conforment pas à toutes les exigences essentielles décrites dans la documentation relative à des appels d’offres ou aux exigences spécifiques précisées dans ces documents sont rejetées.

Le comité d’évaluation ou [l’entreprise commune] peuvent demander aux soumissionnaires de fournir des informations complémentaires ou de clarifier les documents remis avec leur offre, dans les délais qu’ils précisent. »

132    Par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé aux points 73 et 81 ci-dessus, le point 4.1, premier et deuxième alinéas, du cahier des charges est ainsi rédigé :

« La présentation d’une offre implique l’acceptation de toutes les stipulations du contrat type et de ses annexes, y compris les [Spécifications techniques] et les [Spécifications de gestion] ainsi que la renonciation du soumissionnaire à ses propres conditions générales ou particulières.

[L’entreprise commune] peut ignorer toute réserve ou clause d’irresponsabilité à cet effet qui serait contenue dans l’offre et se réserve le droit de rejeter de telles offres, sans devoir procéder à une évaluation détaillée des motifs qui les rendent non conformes au cahier des charges. »

133    L’interprétation excessivement formaliste proposée par la requérante selon laquelle seules les conditions expressément identifiées comme « essentielles » dans la documentation relative aux appels d’offres peuvent donner lieu à l’application de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application ne saurait être retenue. Il convient, au contraire, de considérer comme « essentielles » au sens de cette disposition les conditions dont il résulte clairement, à la lecture de la documentation relative à un appel d’offres, dans l’esprit d’un opérateur normalement attentif et diligent, qu’elles présentent un caractère impératif et qu’elles ne revêtent pas une importance négligeable, eu égard à l’objet du marché en cause ou aux buts poursuivis par la réglementation régissant les marchés publics.

134    Ainsi qu’il vient d’être dit aux points 72 à 91 ci-dessus, il résulte clairement de la documentation relative à l’appel d’offres que l’acceptation du contrat type et du calendrier de livraison constituaient des conditions impératives, dont le respect était nécessaire pour que les offres des soumissionnaires puissent faire l’objet d’un examen.

135    De plus, il est constant que les réserves formulées par la requérante visaient à remettre en cause ces conditions, puisqu’elles portaient tant sur de très nombreuses clauses du contrat type que sur le calendrier de livraison (voir point 17 ci-dessus) et affectaient de manière substantielle les termes mêmes du marché, tels la date d’entrée en vigueur, le calendrier de livraison, les principes de détermination des prix et la responsabilité du cocontractant.

136    Eu égard à leur importance ainsi qu’à la portée des conséquences qui étaient clairement attachées à la violation éventuelle de ces conditions, les exigences sur lesquelles portaient les réserves formulées par la requérante doivent, à l’évidence, être regardées comme constituant des « conditions essentielles » au sens de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application. À cet égard, pour les raisons invoquées au point 133 ci-dessus, la circonstance que les exigences en cause ont été dénommées « conditions générales » dans le cahier des charges ne fait pas obstacle à une telle qualification juridique.

137    Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’entreprise commune ne pouvait légalement rejeter l’Offre, au motif que l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application, dès lors qu’il prévoyait le rejet des seules offres qui ne se conforment pas à toutes les exigences essentielles décrites dans la documentation relative à des appels d’offres, n’était pas applicable en l’espèce.

138    Cependant, la requérante soutient également que, même à supposer que les réserves portent sur des conditions essentielles au sens de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application, l’entreprise commune n’était pas tenue de rejeter son offre, puisqu’elle aurait pu, selon elle, en application du point 4.1 du cahier des charges, décider d’ignorer ces réserves.

139    Cet argument, tout d’abord, est inopérant, puisque, ainsi qu’il vient d’être jugé aux points 131 à 137 ci-dessus, l’Offre pouvait légalement être rejetée. Ainsi, un soumissionnaire ayant présenté une offre non conforme aux exigences du cahier des charges ne saurait tirer aucun droit du point 4.1 du cahier des charges à ce que son offre soit examinée, et ce même au cas où l’entreprise commune aurait pu être également fondée à ignorer les dérogations proposées. En effet, aux termes du point 4.1, deuxième alinéa, du cahier des charges, l’entreprise commune « peut ignorer toute réserve ou clause d’irresponsabilité à cet effet qui serait contenue dans l’[O]ffre » et, en outre, elle « se réserve le droit de rejeter de telles offres, sans devoir procéder à une évaluation détaillée des motifs qui les rendent non conformes au cahier des charges ». Il résulte de ces stipulations, ainsi qu’il a été jugé au point 82 ci-dessus, que le deuxième alinéa du point 4.1, loin de donner à l’entreprise commune la possibilité de prendre en considération d’éventuels amendements au contrat type et au calendrier de livraison, ne l’autorisait qu’à ignorer d’éventuelles propositions de dérogations et lui permettait de rejeter légalement toute offre non conforme.

140    En tout état de cause, en ce qui concerne le bien-fondé de cet argument, il convient d’observer que la portée dérogatoire des réserves tant par rapport aux clauses du contrat type que par rapport au calendrier de livraison résultait de l’offre même présentée par la requérante et que celle-ci a elle-même confirmé au moins à deux reprises par écrit (voir points 21 et 23 ci-dessus), en réponse à une demande d’éclaircissement qui lui a été adressée par l’entreprise commune (voir point 18 ci-dessus), qu’elle entendait conférer à ses réserves une valeur contractuelle. Compte tenu de ces précisions, l’entreprise commune ne pouvait plus choisir d’ignorer les réserves sans dénaturer l’Offre, et, d’ailleurs, sans porter atteinte au principe d’égalité entre les candidats, lequel suppose, dans une procédure ouverte, que les offres présentées soient évaluées littéralement et non réinterprétées à la guise du pouvoir adjudicateur.

141    Dès lors, l’entreprise commune ne pouvait faire abstraction des réserves formulées par la requérante et elle était tenue de rejeter l’Offre sans examen de ses mérites, sur le fondement des dispositions combinées du point 4.1 du cahier des charges et de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application.

142    Il s’ensuit que le grief tiré par la requérante de ce que l’entreprise commune ne pouvait adopter la décision de rejet sans violer l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application doit être écarté comme étant en partie inopérant et, pour le surplus et en tout état de cause, comme non fondé.

–       Sur le grief tiré de ce que l’entreprise commune n’a averti la requérante ni de son interprétation de la portée de l’article 4.1 du cahier des charges ni de son intention de rejeter l’offre sur le fondement de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application

143    Dans le cadre du premier moyen, la requérante reproche à l’entreprise commune de ne pas l’avoir avertie, avant l’adoption de la décision de rejet, de son interprétation selon laquelle elle s’estimait tenue de rejeter son offre comme non conforme. Selon elle, le silence gardé sur ce point par l’entreprise commune l’aurait empêchée d’adapter son offre, de contester la teneur du cahier des charges ou encore d’introduire un recours administratif ou contentieux avant la notification de la décision d’attribution.

144    L’entreprise commune conteste cette argumentation.

145    D’une part, il convient d’observer que cet argument manque en fait, dès lors que l’entreprise commune a indiqué à la requérante, dans la demande d’éclaircissements qu’elle lui a adressée (voir point 18 ci-dessus), que, « [a]u cas où [elle] ne confirmer[ait] pas [son] acceptation des stipulations contractuelles, [l’Offre] sera[it] rejetée sans évaluation ultérieure ».

146    D’autre part, et à titre surabondant, cet argument est inopérant, dès lors qu’aucune règle ni aucun principe général n’impose au pouvoir adjudicateur, dans une procédure ouverte, d’avertir un soumissionnaire de la non-conformité de son offre au regard des exigences du cahier des charges. Ainsi, même si l’entreprise commune n’avait pas averti la requérante de ce qu’elle estimait que les réserves rendaient l’Offre non conforme, le silence gardé sur ce point aurait été sans incidence sur la légalité de la décision de rejet.

147    Il convient donc d’écarter comme manquant en fait et, au surplus, comme inopérant le grief tiré par la requérante de ce que l’entreprise commune a omis de l’avertir que, en raison des réserves, l’Offre était susceptible d’être rejetée.

–       Sur le grief tiré de ce que les conditions disproportionnées de l’appel d’offres ont diminué la qualité de l’Offre

148    Dans le cadre de la quatrième branche du deuxième moyen, la requérante estime que les exigences excessives imposées aux soumissionnaires ont eu une incidence négative sur le prix de son offre, les coûts de production se trouvant augmentés de manière injustifiée.

149    L’entreprise commune conteste cette argumentation.

150    Dès lors que l’Offre a été rejetée sans examen, le présent argument s’avère inopérant et ne peut qu’être écarté. En effet, le prix de l’Offre et les autres caractéristiques de celle-ci n’ont eu aucune incidence sur son rejet.

151    En tout état de cause, en ce qui concerne le bien-fondé de cet argument, le caractère disproportionné des exigences imposées par l’entreprise commune aux soumissionnaires n’est pas établi.

152    D’une part, pour les raisons indiquées aux points 96 à 108 ci-dessus, la requérante n’est pas parvenue à établir que le calendrier de livraison était dépourvu de justifications objectives.

153    D’autre part, la requérante n’a pas même exposé les raisons pour lesquelles elle estime disproportionnées les exigences autres que le calendrier de livraison sur lesquelles portent les réserves qu’elle a formulées.

154    Dans ces conditions, la violation alléguée du principe de proportionnalité ne saurait être établie. Par suite, la requérante ne saurait être fondée à se plaindre de ce que ces exigences ont eu une incidence sur la qualité de l’Offre.

155    Il s’ensuit que le grief tiré par la requérante de ce que les conditions disproportionnées de l’appel d’offres ont diminué la qualité de l’Offre doit être écarté comme inopérant et qu’il est, en tout état de cause et au surplus, non fondé.

–       Sur les conséquences de la participation d’agents de l’ENEA à la procédure d’évaluation des offres

156    Dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen, la requérante se plaint de la participation d’un agent de l’ENEA à la procédure d’évaluation des offres. En effet, M. M., siégeant au comité exécutif, aurait pu ainsi prendre une part déterminante à l’exclusion de l’Offre.

157    L’entreprise commune conteste cette argumentation.

158    Pour les mêmes raisons que celles énoncées aux points 120 et 121 ci-dessus, le bien-fondé de l’argument tiré par la requérante de ce que des agents de l’ENEA ont pu user de leur appartenance au conseil de direction et au comité exécutif de l’entreprise commune pour influer sur l’adoption de la décision de rejet dépend du rôle effectif joué par ces organes dans l’adoption de ladite décision.

159    Or, il résulte des déclarations de l’entreprise commune, non contestées par la requérante, que les offres soumises par la requérante et par le consortium ICAS ont fait l’objet d’une évaluation par un comité d’évaluation, lequel a proposé le rejet de l’Offre en raison de son manque de conformité aux exigences essentielles prescrites dans la documentation relative à l’appel d’offres. Par ailleurs, il est constant qu’aucun agent de l’ENEA n’a fait partie de ce comité.

160    Il convient, tout d’abord, d’observer que la présence d’un agent de l’ENEA au conseil de direction ne saurait avoir eu d’incidence sur l’adoption de la décision de rejet, la requérante ne contestant pas que cet organe n’est intervenu à aucune étape de la procédure de sélection des offres.

161    Il en va de même en ce qui concerne la présence de M. M. au comité exécutif, bien que cet organe ait pourtant été consulté avant l’adoption des décisions attaquées.

162    En effet, il résulte de l’article 124, paragraphe 2, du règlement d’application que la compétence du comité exécutif se limite à entériner les résultats de l’évaluation faite par le comité de sélection et, plus précisément, à attester la régularité de la procédure. Il est par ailleurs constant entre les parties que le comité exécutif s’est borné, en ce qui concerne l’Offre, à entériner les observations du comité d’évaluation selon lesquelles celle-ci n’était pas conforme aux exigences découlant de la documentation de l’appel d’offres. Or, ainsi qu’il a été jugé aux points 131 à 141 ci-dessus, l’entreprise commune était tenue de rejeter l’Offre en raison de sa non-conformité. Ainsi, l’intervention du comité exécutif, dans les circonstances particulières de l’espèce, n’a eu aucune incidence sur le sens de la décision que l’entreprise commune était tenue de prendre en ce qui concerne l’Offre. Dans ces conditions, la situation de conflit d’intérêts alléguée par la requérante en ce qui concerne la présence d’un membre de l’ENEA lors de la réunion du comité exécutif ayant attesté la régularité de la procédure d’évaluation n’est pas constituée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé des justifications avancées par l’entreprise commune et relatives à la passivité de ce membre lors de la réunion en cause.

163    Il s’ensuit que le grief tiré par la requérante de l’existence d’un conflit d’intérêts en raison de la participation d’un agent de l’ENEA à la réunion au cours de laquelle le comité exécutif s’est prononcé sur la régularité de la procédure d’évaluation des offres doit être écarté comme non fondé.

–       Sur l’allégation relative à la détention, par l’ENEA, d’informations privilégiées concernant la requérante

164    Quant à l’argument tiré par la requérante de ce qu’un agent de l’ENEA, dans le cadre d’une mission accomplie pour le compte de l’organisation internationale ITER, aurait pu avoir accès à des informations concernant une société du groupe Nexans établie en Corée, il suffit de relever que cette circonstance, à la supposer exacte, n’a pu avoir aucune incidence sur la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision de rejet et que, par suite, ce grief doit être écarté comme inopérant.

165    Il résulte de ce qui précède que, sous réserve de l’examen des arguments tirés de la violation du principe de protection de la confiance légitime auquel il convient de procéder à présent, la requérante n’est pas fondée à se plaindre du rejet de son offre par l’entreprise commune.

 Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

166    Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, la requérante se prévaut de la violation du principe de protection de la confiance légitime. Selon elle, l’entreprise commune a méconnu ce principe pour lui avoir fourni, à plusieurs reprises, des assurances quant au fait qu’elle ne rejetterait pas son offre.

167    À cet égard, la requérante se prévaut du point 4.1 du cahier des charges, du courrier du 19 novembre 2009 (voir point 18 ci-dessus), d’assurances qui lui auraient été données au cours de la réunion du 25 mars 2010 (voir point 24 ci-dessus), du courrier du 13 avril 2010 (voir point 25 ci-dessus) et, enfin, du fait que l’entreprise commune a volontairement, selon elle, « créé une situation ambiguë entre novembre 2009 et mai 2010, laissant planer le doute en ce qui concerne la recevabilité de son offre ».

168    L’entreprise commune conteste ces allégations.

169    Le principe de protection de la confiance légitime peut être invoqué lorsque des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union européenne, ces assurances devant en outre être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auxquelles elles s’adressent et être conformes aux normes applicables (voir arrêts du Tribunal du 8 mai 2007, Citymo/Commission, T‑271/04, Rec. p. II‑1375, points 108 et 138, et du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, Rec. p. II‑145, point 117, et la jurisprudence citée).

170    Force est de constater qu’aucune des prises de position attribuées par la requérante à l’entreprise commune ne répond aux exigences susmentionnées.

171    Premièrement, ainsi qu’il vient d’être jugé, le point 4.1 du cahier des charges ne peut venir au soutien de la thèse de la requérante, puisqu’il indique clairement que le respect sans dérogation du contrat type et du calendrier de livraison constitue une condition de la conformité des offres à l’objet du marché. Ce même point fait, en outre, clairement état de la possibilité pour l’entreprise commune d’ignorer toute réserve et de rejeter les offres non conformes. Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le point 4.1 du cahier des charges constituait une assurance précise que l’Offre serait examinée en dépit des réserves.

172    Deuxièmement, dans le courrier du 19 novembre 2009 (voir point 18 ci-dessus), il a été clairement indiqué à la requérante que, à moins que les réserves formulées soient dépourvues de toute valeur contractuelle, l’Offre était susceptible d’être rejetée. Une telle indication ne constitue à l’évidence pas une assurance précise que, en dépit des réserves, l’Offre ferait l’objet d’une évaluation.

173    Troisièmement, la requérante n’apporte aucun élément de preuve susceptible d’établir que de telles assurances lui ont été fournies au cours de la réunion du 25 mars 2010. L’entreprise commune, quant à elle, conteste fermement les allégations de la requérante en produisant des témoignages circonstanciés de la part de ses agents. Dans ces conditions, la requérante n’a pas satisfait à la charge de la preuve, qui lui incombe en l’espèce.

174    Quatrièmement, le courrier du 13 avril 2010 ne comportait, lui non plus, aucune assurance permettant à la requérante d’espérer que son offre serait évaluée. Dans ce courrier (voir point 25 ci-dessus), en effet, il a simplement été précisé à la requérante que la procédure d’évaluation était en cours, qu’il n’appartenait pas à l’entreprise commune de dévoiler des informations relatives à cette procédure jusqu’à son achèvement et que la requérante avait fourni les précisions qui lui avaient été demandées. En effet, les précisions auxquelles se réfère ce courrier sont celles qui ont été fournies par la requérante en réponse à la demande d’éclaircissement qui lui avait été adressée et qui portaient sur le point de savoir si les réserves formulées dans l’Offre pouvaient ou non être ignorées (voir points 18 à 21 ci-dessus).

175    Cinquièmement, enfin, même à supposer que, comme le prétend la requérante, l’entreprise commune ait « créé une situation ambiguë entre novembre 2009 et mai 2010, laissant planer le doute en ce qui concerne la recevabilité de son offre », ce qui est d’ailleurs démenti par tout ce qui précède, une telle circonstance ne satisferait pas, en tout état de cause, aux exigences de la jurisprudence mentionnée au point 169 ci-dessus, laquelle requiert que soient fournies des assurances précises, inconditionnelles et concordantes.

176    Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision de rejet a été adoptée en violation du principe de protection de la confiance légitime.

177    Par suite, il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision de rejet et que les conclusions tendant à l’annulation de cette décision doivent être rejetées.

 Sur la demande d’annulation de la décision d’attribution

178    Il résulte des considérations exposées aux points 54 à 58 ci-dessus que le rejet des conclusions aux fins d’annulation de la décision de rejet a pour conséquence que la requérante reste en défaut d’établir qu’elle est directement concernée par la décision d’attribution. Il s’ensuit que la requérante est dépourvue de qualité pour agir contre cette décision et que les conclusions tendant à l’annulation de celle-ci doivent être rejetées comme irrecevables.

2.     Sur la demande en indemnité

179    En vertu de l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2007/198, en matière de responsabilité non contractuelle, l’entreprise commune doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par elle-même ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. À cet égard, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’entreprise commune est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir, par analogie, s’agissant de la responsabilité de l’Union et de l’Euratom, arrêts de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et du 27 mars 1990, Grifoni/Commission, C‑308/87, Rec. p. I‑1203, point 6 ; arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, Rec. p. II‑729, point 44).

180    Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, la demande en indemnité doit être rejetée dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, points 19 et 81, et arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37).

181    À l’appui de sa demande en indemnité, la requérante invoque, s’agissant de la condition relative à la faute, l’illégalité des décisions attaquées.

182    Or, il résulte de l’examen des demandes en annulation présentées par la requérante que celle-ci n’est pas fondée à soutenir que la décision de rejet ait été entachée d’illégalité. La présente demande en indemnité doit donc être rejetée en ce qu’elle est fondée sur les prétendues illégalités entachant la décision de rejet.

183    En ce qui concerne l’étendue de la responsabilité de l’entreprise commune susceptible d’être engagée en raison de la décision d’attribution, dont la légalité n’a pas été appréciée dans le cadre de l’examen des demandes en annulation présentées par la requérante, il convient d’examiner d’abord si un lien de causalité peut être établi entre les chefs de préjudice allégués par la requérante et ladite décision et si ces chefs de préjudice sont établis et présentent un caractère indemnisable.

184    Le premier chef de préjudice dont se prévaut la requérante est constitué par les frais engagés pour participer à la procédure d’appel d’offres. Or, il résulte de l’examen de la légalité de la décision de rejet que la requérante ne pouvait à aucun titre prétendre à ce que le marché lui soit attribué, dès lors que l’Offre devait être rejetée sans examen. Les dépenses exposées par la requérante pour participer à la procédure d’appel d’offres doivent donc demeurer à sa charge indépendamment de la légalité de la décision d’attribution, puisqu’elle s’est mise elle-même dans une situation excluant qu’elle puisse obtenir le marché. Dans ces conditions, le lien de causalité entre le premier chef de préjudice allégué et la décision d’attribution n’est pas établi. En outre, il convient de relever que ce chef de préjudice n’est pas indemnisable, puisqu’il résulte du point 4.1 du cahier des charges que « les dépenses exposées à l’occasion de la préparation et de la soumission des offres ne seront pas remboursées par [l’entreprise commune] ».

185    Le deuxième chef de préjudice allégué est constitué par les frais exposés par la requérante pour contester la légalité des décisions attaquées. À cet égard, dès lors que la requérante demande la condamnation de l’entreprise commune aux dépens, il ne saurait être fait droit à la demande visant l’indemnisation du deuxième chef de préjudice, sauf à permettre à la requérante d’être doublement indemnisée pour la même cause. En tout état de cause, il convient d’observer que, même à supposer que la décision d’attribution soit illégale, il vient d’être jugé que la requérante n’était pas recevable à en demander l’annulation et que les frais qu’elle prétend avoir exposés à cette fin ne sauraient, dans ces conditions, constituer un préjudice indemnisable.

186    Les troisième et quatrième chefs de préjudice allégués concernent, respectivement, la perte de chance d’obtenir le marché ainsi que la perte de l’avantage concurrentiel qu’aurait procuré l’attribution du marché à la requérante. À cet égard, il résulte de l’examen de la légalité de la décision de rejet que la requérante n’avait aucune chance d’obtenir le marché. Il n’existe donc aucun lien de causalité entre la décision d’attribution et la perte de chance et d’avantage concurrentiel alléguée.

187    Il s’ensuit que, pour chacun des chefs de préjudice allégués par la requérante, l’une au moins des conditions exigées par la jurisprudence fait défaut, que la demande en indemnité doit, dès lors, être rejetée et qu’il convient, par suite, de rejeter le recours dans son ensemble.

3.     Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

188    La requérante a demandé, à titre de mesures d’organisation de la procédure, que le Tribunal ordonne à l’entreprise commune de produire, éventuellement dans une version non confidentielle, l’offre technique et commerciale présentée par le consortium ICAS et le contrat signé avec ce consortium le 9 décembre 2010.

189    L’entreprise commune a produit une version non confidentielle du contrat ainsi que le calendrier de livraison repris à l’annexe B du contrat, mais s’oppose au surplus de cette demande.

190    Le contrat signé par le consortium ICAS ayant été produit et la requérante n’ayant pas contesté l’étendue de la confidentialité imposée par l’entreprise commune, il n’y a plus lieu de statuer sur la demande de mesures d’organisation de la procédure en ce qui concerne ce document.

191    L’offre présentée par le consortium ICAS n’apparaissant pas comme utile à la solution du présent litige, puisqu’elle est sans incidence aucune sur la légalité de la décision de rejet, la demande de mesure d’organisation de la procédure tendant à ce qu’elle soit produite doit être écartée.

 Sur les dépens

192    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris à ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de l’entreprise commune.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :


1)      Le recours est rejeté.

2)      Nexans France est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Azizi

Frimodt Nielsen

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

1.  Présentation de l’entreprise commune

2.  Passation du marché

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur les demandes en annulation

Sur la recevabilité des demandes en annulation

En ce qui concerne la recevabilité du deuxième chef de conclusions présenté par la requérante

En ce qui concerne la qualité pour agir de la requérante à l’encontre de la décision d’attribution

Sur le bien-fondé de la demande d’annulation de la décision de rejet

Considérations liminaires

En ce qui concerne la légalité de la documentation relative à l’appel d’offres

–  Sur la clarté des règles applicables à la procédure d’appel d’offres

–  Sur la justification des délais imposés par le calendrier de livraison

–  Sur l’existence d’un conflit d’intérêts entachant la détermination des conditions imposées aux soumissionnaires

En ce qui concerne la légalité de la décision de rejet au regard des conditions prévues par la documentation relative à l’appel d’offres

–  Sur l’application de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application

–  Sur le grief tiré de ce que l’entreprise commune n’a averti la requérante ni de son interprétation de la portée de l’article 4.1 du cahier des charges ni de son intention de rejeter l’offre sur le fondement de l’article 120, paragraphe 4, du règlement d’application

–  Sur le grief tiré de ce que les conditions disproportionnées de l’appel d’offres ont diminué la qualité de l’Offre

–  Sur les conséquences de la participation d’agents de l’ENEA à la procédure d’évaluation des offres

–  Sur l’allégation relative à la détention, par l’ENEA, d’informations privilégiées concernant la requérante

Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

Sur la demande d’annulation de la décision d’attribution

2.  Sur la demande en indemnité

3.  Sur la demande de mesures d’organisation de la procédure

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.