Language of document : ECLI:EU:T:2024:426

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

26 juin 2024 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Harcèlement moral – Article 12 bis du statut – Demande d’assistance – Rejet de la demande – Article 24 du statut – Absence de commencement de preuve – Droits de la défense – Droit d’être entendu – Principe d’impartialité – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑789/22,

PB, représenté par Me N. de Montigny, avocate,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mme H. Ehlers et M. L. Forestier, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. M. Jaeger et P. Nihoul (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure, notamment la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 décembre 2022,

à la suite de l’audience du 30 janvier 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, PB, demande, d’une part, l’annulation de la décision du Conseil de résolution unique (CRU) du 15 février 2022 rejetant sa demande d’assistance (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’il aurait subi du fait de cette décision.

I.      Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        Le 1er novembre 2016, le requérant a été engagé par le CRU en qualité d’agent temporaire au titre de l’article 2, sous f), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »). Il a été affecté, en tant que [confidentiel](1), au [confidentiel], au sein de l’unité [confidentiel] de cette agence, et classé au grade [confidentiel].

3        Après avoir participé avec succès à une procédure de recrutement externe organisée par le CRU, à compter du 1er octobre 2017, le requérant a été classé au grade [confidentiel] et a continué d’exercer ses fonctions au sein du [confidentiel], d’abord en tant [confidentiel], puis, à compter de 2018, comme [confidentiel]. Il n’a depuis bénéficié d’aucun autre reclassement.

4        S’estimant victime d’un harcèlement moral de la part de la présidente du CRU (ci-après la « présidente »), le requérant a introduit, le 15 octobre 2021, une demande d’assistance sur le fondement de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 11 du RAA (ci-après la « demande d’assistance »), auprès du service anti-harcèlement du CRU (ci-après le « service anti-harcèlement »).

5        Dans cette demande, premièrement, le requérant a imputé de manière générale à la présidente des commentaires offensants proférés en public, un rabaissement répété de ses contributions professionnelles, une lente mise à l’écart, une absence de communication et des promesses non tenues, qui auraient affecté son bien-être et conduit à un épuisement professionnel.

6        Le requérant a, à cet égard, formellement invoqué les dix allégations suivantes :

–        le déroulement d’une réunion qui a eu lieu le 19 septembre 2018 (ci-après la « réunion du 19 septembre 2018 ») avec la présidente et son chef d’unité d’alors, devenu vice-président du CRU après le 1er mars 2020 (ci-après l’« ancien chef d’unité » ou le « vice-président »), au sujet de son mémoire de master sur la gouvernance du CRU intitulé «[confidentiel]» (ci-après le « mémoire »), soutenu le 31 juillet 2018 ; lors de cette réunion, l’ancien chef d’unité l’aurait accusé de vouloir être au centre du [confidentiel] et il lui aurait été intimé de récupérer les copies dudit mémoire qu’il avait diffusées ;

–        plusieurs jours après cette réunion, la présidente aurait crié sur lui, en présence de plusieurs de ses collègues et elle aurait estimé qu’il l’avait offensée ;

–        dans son rapport d’évaluation pour l’année 2019 (ci-après le « rapport d’évaluation 2019 »), des promesses de mobilité interne au sein du CRU ou de détachement à l’extérieur de cette agence lui auraient été faites, mais n’auraient pas été tenues, alors que certains de ses collègues auraient été détachés ; il cite l’exemple du détachement d’une collègue, alors que le reste du personnel du CRU n’était pas au courant du poste concerné ;

–        une absence de reconnaissance de son travail ressortant de la négociation des rapports d’évaluation et le manque d’objectivité desdits rapports et du processus de comparaison des mérites ;

–        lors d’une réunion du 13 octobre 2020, la présidente aurait refusé son transfert dans un autre service du CRU, alors que deux de ses collègues du [confidentiel] auraient été respectivement transférés dans l’unité 02 du CRU et en tant que « policy assistant » de la présidente ;

–        son absence de reclassement, en dépit de l’ancienneté moyenne dans son grade et des recommandations de ses chefs d’unité, alors que certains de ses collègues ont été reclassés plus rapidement que lui ;

–        une approbation cynique de son congé de convenance personnelle visant à lutter contre l’épuisement professionnel qui le menaçait, démontrant l’absence de confiance dans les raisons de sa demande dudit congé ;

–        le refus, le 18 août 2021, de lui accorder un aménagement de son temps de travail pour suivre une formation en allemand ;

–        l’absence de réponse de la présidente à des courriels qu’il lui a envoyés, notamment à celui qu’il lui a transmis le 28 novembre 2020 avant son départ en congé de convenance personnelle pour trois mois ;

–        le fait que la présidente aurait agi par ouï-dire le concernant et aurait allégué qu’il était incapable de travailler « au-delà des frontières ».

7        Deuxièmement, le requérant s’est plaint, dans la première partie de la demande d’assistance consacrée à la présentation de ses antécédents professionnels au sein du CRU, de divers comportements, à savoir :

–        d’une absence de description de son poste avant le 1er janvier 2019 et d’allocation des tâches appropriée ainsi que de la volonté de le maintenir en poste dans l’unité [confidentiel] après le 1er avril 2020, date à laquelle son unité a été divisée entre le [confidentiel] et le [confidentiel] ;

–        de son obtention du grade [confidentiel] avec retard, car le vice-président s’y serait alors opposé ;

–        de l’absence de soutien de sa hiérarchie concernant sa charge de travail.

8        Troisièmement, le requérant a dénoncé le fait que le comportement de la présidente s’inscrivait dans une « culture et des pratiques » du CRU plus larges, illustrées par les neuf exemples suivants résultant de la gestion du personnel du CRU :

–        l’absence de communication au personnel de l’information à laquelle ce dernier devrait juridiquement avoir accès et le fait qu’il ait demandé en vain la communication, d’une part, de la décision SRB/PS/2019/03 du CRU, du 5 juin 2019, portant délégation des pouvoirs conférés par le statut à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») et par le RAA à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») au président du CRU (ci-après la « décision du 5 juin 2019 ») et, d’autre part, des rapports du comité paritaire de reclassement du CRU ;

–        le caractère erratique de la publication des postes vacants et le transfert de membres du personnel effectué soi-disant dans l’intérêt du service ;

–        le fait que des membres du personnel atteints d’une maladie grave auraient été menacés d’un non-renouvellement de leur contrat s’ils étaient moins productifs ;

–        un accroissement constant du taux de rotation du personnel, des départs « en masse » du CRU et un taux de vacance de postes de 18,7 % à la fin du mois de septembre 2021 ;

–        le reclassement du chef des ressources humaines en dépit du taux de rotation massif du personnel ;

–        l’absence de concours externe pour le recrutement au poste de chef des ressources humaines ;

–        le transfert interne de certains membres du personnel dans l’intérêt du service sans ouvrir le poste en interne ;

–        l’utilisation par la présidente du système de reclassement comme un outil de harcèlement moral ;

–        la conclusion du rapport SRB/PS/2019/05 du CRU, du 3 septembre 2021, intitulé « Stratégie antifraude du CRU 2019-2021 » ne relevant pas de faiblesse en matière de transparence au sein du CRU.

9        Par une décision du 18 novembre 2021, le CRU en session plénière a temporairement suspendu la délégation des pouvoirs de l’AIPN à la présidente en ce qui concernait la demande d’assistance jusqu’à la clôture de la procédure relative à ladite demande et a délégué ces pouvoirs à l’un des membres permanents du CRU (ci-après l’« AHCC désignée ») durant cette période (ci-après la « décision du 18 novembre 2021 »). Le chef du service juridique du CRU a transmis cette décision au requérant le 22 novembre 2021.

10      Le 23 novembre 2021, l’AHCC désignée a confié au service de conformité du CRU (ci-après le « service de conformité ») le soin de procéder à une évaluation préliminaire de la demande d’assistance (ci-après l’« évaluation préliminaire »).

11      Le 24 novembre 2021, le service de conformité a invité le requérant à clarifier certaines allégations figurant dans la demande d’assistance et à fournir des preuves à l’appui. Le requérant a répondu à cette invitation le 22 décembre 2021 (ci-après les « observations du 22 décembre 2021 »).

12      Dans ses observations du 22 décembre 2021, premièrement, le requérant a complété ses allégations de harcèlement à l’encontre de la présidente en invoquant les éléments suivants :

–        la présidente aurait prononcé une insulte en allemand lorsqu’il lui avait annoncé qu’un [confidentiel] ;

–        celle-ci aurait constamment douté du travail du [confidentiel] et proféré des « petites remarques désagréables » ;

–        il aurait été témoin des quatre incidents suivants ; premièrement, lors d’une réunion du CRU en session plénière du 2 octobre 2019, pour exprimer de manière virulente son opposition à l’introduction d’un équilibre entre les femmes et les hommes, la présidente aurait hurlé : « si vous voulez un équilibre entre les hommes et les femmes, il faudra passer sur mon cadavre » ; deuxièmement, elle aurait accusé un ancien membre du CRU de l’avoir trahie ; cet incident serait intervenu en présence du requérant et de plusieurs autres collègues ; troisièmement, elle aurait crié « tue ça » à un agent après que ce dernier lui avait annoncé qu’une banque sicilienne était susceptible de faire défaut ; quatrièmement, elle aurait fait des commentaires publiquement inappropriés en parlant des Italiens ;

–        il lui aurait été rapporté que la présidente, d’une part, avait adressé un commentaire raciste à un autre agent en lui demandant, après le référendum au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord sur le retrait de ce pays de l’Union européenne : « Vous n’êtes pas un vrai Britannique, n’est-ce pas ? » et que, d’autre part, elle n’aimait pas les femmes enceintes et voyait leur situation comme un symbole de manque de loyauté, à cause du congé maternité.

13      Deuxièmement, le requérant a mis en cause le comportement du vice-président, à qui il a reproché les agissements suivants :

–        la volonté de ce dernier et de la présidente de le « sacrifier », à la suite de la diffusion du mémoire, qui était critique sur la gouvernance du CRU ;

–        la coresponsabilité du vice-président et de la présidente pour son absence de reclassement et, plus largement, le comportement concerté de ces deux personnes dans le cadre du système prétendument illégal de reclassement permettant de rejeter systématiquement la candidature d’une personne de la procédure de reclassement ;

–        la contribution du vice-président dans la mise en œuvre du harcèlement de la présidente ;

–        son obtention du grade [confidentiel] avec retard à cause du vice-président, en tant qu’ancien chef d’unité, et son maintien dans ce grade pendant plus de quatre ans ; ce dernier aurait favorisé deux membres du personnel pour les promouvoir rapidement et manipulé l’organisation du concours de [confidentiel], qu’il avait réussi en 2016, en repoussant la date limite d’inscription pour qu’une personne de même nationalité que lui puisse s’inscrire ;

–        le vice-président et la présidente auraient véhiculé une mauvaise image de lui.

14      Le 31 janvier 2022, le service de conformité a rendu son rapport préliminaire, dans lequel il a conclu que le requérant n’avait pas apporté de commencement de preuve des faits de harcèlement dénoncés et que les allégations figurant dans la demande d’assistance ne remplissaient pas les conditions requises par l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut pour établir de tels faits. Il a, par conséquent, recommandé à l’AHCC désignée de rejeter la demande d’assistance sans ouvrir d’enquête, en indiquant que, à ce stade, le requérant pouvait toutefois encore apporter des preuves supplémentaires de ses allégations.

15      Le même jour, l’AHCC désignée a transmis le rapport préliminaire au requérant, en l’invitant à fournir ses observations sur ce rapport et en précisant qu’il pouvait encore apporter des preuves. Elle lui a également rappelé la teneur de la décision du 18 novembre 2021.

16      Le requérant a déposé des observations sur le rapport préliminaire le 7 février 2022, dans lesquelles il a fait valoir que :

–        l’évaluation préliminaire avait été conduite d’une manière biaisée et inégale, en violation de son droit à une procédure équitable et objective ;

–        la demande d’assistance faisait partie d’un dossier très complexe qui devait être analysé comme un tout et il n’avait pas encore été répondu à ses demandes de clarification, de transparence et de complétude des règles et des procédures ;

–        la demande d’assistance concernait aussi le comportement de son ancien chef d’unité ;

–        le rejet de la demande d’assistance envisagé dans le rapport préliminaire était prématuré, car aucune décision n’avait encore été prise sur sa protection en tant que lanceur d’alerte ; cette protection devait être fournie par des acteurs extérieurs et la Commission européenne devait se charger du dossier ; la mesure de protection déjà prise était insuffisante ;

–        cette situation très complexe avait affecté son bien-être et sa santé mentale et physique et il était susceptible de prouver ultérieurement des symptômes d’épuisement professionnel ; sa condition médicale devait être appréciée par le service médical de la Commission et non par le service de conformité ; cette condition médicale résultait du harcèlement moral et non d’une sensibilité anormale préexistante.

17      Par ailleurs, le requérant insistait pour être entendu avant qu’une décision ne soit prise, arguant qu’il ne l’avait pas été jusqu’alors.

18      Par la décision attaquée, notifiée au requérant le 15 février 2022, l’AHCC désignée a rejeté la demande d’assistance sans ouvrir d’enquête, après avoir conclu que ce dernier n’avait pas apporté de commencement de preuve de ses allégations et que les conditions cumulatives caractérisant l’existence du harcèlement énoncées à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut n’étaient pas satisfaites.

19      Le 11 mars 2022, d’une part, le requérant a sollicité l’accès au dossier relatif à la décision attaquée auprès du service de conformité et du service anti-harcèlement (ci-après la « demande d’accès au dossier »). D’autre part, il a demandé à la déléguée à la protection des données du CRU (ci-après la « DPD »), sur le fondement du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39), l’accès aux documents contenant ses données à caractère personnel (ci-après les « données personnelles ») qui avaient été transmis au CRU, au service de la DPD ou au Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) et de l’informer de potentielles violations de ses données personnelles.

20      Le 28 mars 2022, le service de conformité a répondu à la demande d’accès au dossier, en fournissant au requérant les trois documents suivants :

–        un résumé, d’une part, de la recommandation que ledit service avait adressée, le 24 novembre 2021, à la cheffe d’unité du requérant visant à éviter que ce dernier n’aie à travailler directement, et sans la participation d’autres collègues, avec la présidente et à limiter les contacts bilatéraux directs entre eux et, d’autre part, de la réponse du même jour de cette cheffe d’unité confirmant qu’elle allait prendre les mesures nécessaires en ce sens et s’assurer qu’il n’y ait pas d’exposition de la situation aux collègues du requérant (ci-après la « mesure de protection ») ;

–        un résumé, d’une part, de la demande que ledit service avait adressée, le 24 novembre 2021, au service des ressources humaines du CRU (ci-après le « service RH ») sollicitant de ce dernier des informations et ses commentaires sur certaines allégations figurant dans la demande d’assistance et, d’autre part, de la réponse écrite à cette demande du service RH du 26 novembre 2021 (ci-après les « observations du service RH ») ;

–        un résumé, d’une part, de la demande que le service de conformité avait adressée, le 24 novembre 2021, au vice-président sollicitant ses commentaires, en sa qualité d’ancien chef d’unité du requérant, sur certaines allégations de la demande d’assistance et, d’autre part, de la réponse du vice-président à cette demande.

21      Le 9 mai 2022, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 46 du RAA, contre la décision attaquée (ci-après la « réclamation »).

22      Le requérant a également formulé dans la réclamation une demande d’accès aux documents suivants, fondée sur l’article 41, paragraphe 2, sous b), et l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), et sur l’article 17 du règlement 2018/1725 :

–        un rapport de l’administration dans le cadre de l’évaluation préliminaire sur les potentiels conflits d’intérêts entre les différentes parties ;

–        les observations du service RH ;

–        la liste complète et non résumée des échanges intervenus entre le service de conformité et ses supérieurs hiérarchiques, incluant son chef d’unité, la présidente, le vice-président et [confidentiel] du CRU, la date de ces échanges et leur fréquence, ainsi que toute autre information pertinente ;

–        la copie des témoignages recueillis dans le cadre de la réalisation de l’évaluation préliminaire ;

–        la chaîne d’instructions, les personnes impliquées dans la procédure d’évaluation préliminaire et les informations auxquelles il a été accédé et par qui.

23      Le 17 mai 2022, le requérant a rectifié le fondement de la demande visée au point 22 ci-dessus, en précisant au service anti-harcèlement que celle-ci était fondée sur le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43) et, le cas échéant à titre subsidiaire, sur l’article 26 du statut et l’article 17 du règlement 2018/1725.

24      Le requérant a pris un congé de convenance personnelle du 1er septembre 2022 au 28 février 2023.

25      La réclamation a été rejetée par une décision du CRU le 6 septembre 2022, notifiée au requérant le 7 septembre suivant (ci-après la « décision de rejet »).

26      En décembre 2022, la présidente a quitté le CRU au terme de son mandat. Le nouveau président du CRU (ci-après le « nouveau président ») lui a succédé en janvier 2023.

27      Le 9 décembre 2022, le requérant a été informé de l’intention de sa cheffe d’unité de ne pas renouveler son contrat. Par des décisions respectives des 22 et 27 février 2023, le nouveau président a informé le requérant, d’une part, que son contrat n’était pas renouvelé et prendrait fin le 30 septembre 2023 et, d’autre part, qu’il était déchargé de ses fonctions à partir du 1er mars 2023.

II.    Conclusions des parties

28      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision de rejet ;

–        condamner le CRU à indemniser son préjudice à hauteur de 50 000 euros ;

–        condamner le CRU aux dépens.

29      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant partiellement irrecevable et comme étant non fondé dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur l’objet du recours

30      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 5 juillet 2023, OC/SEAE, T‑770/21, non publié, EU:T:2023:378, point 47 et jurisprudence citée).

31      En l’espèce, la décision de rejet confirme la décision attaquée, en reprenant les motifs de celle-ci tout en les précisant. Par conséquent, les conclusions visant l’annulation de la décision de rejet sont dépourvues de contenu autonome et il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci. Toutefois, dans l’examen de la légalité de la décision attaquée, il est nécessaire de prendre en considération la motivation figurant dans la décision de rejet, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêts du 23 mars 2022, OT/Parlement, T‑757/20, EU:T:2022:156, point 52 et jurisprudence citée, et du 5 juillet 2023, OC/SEAE, T‑770/21, non publié, EU:T:2023:378, point 48).

B.      Sur les conclusions en annulation

32      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque trois moyens :

–        le premier est tiré de vices de procédure et d’une violation des droits de la défense ;

–        le deuxième est tiré d’une violation de l’article 24 du statut, des devoirs de sollicitude et d’assistance et d’une mauvaise administration ;

–        le troisième est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des éléments présentés dans la demande d’assistance, d’une contestation de la méthodologie appliquée et d’une violation de l’article 12 bis du statut.

1.      Sur le premier moyen, tiré de vices de procédure et d’une violation des droits de la défense

33      Dans le premier moyen, le requérant soulève en substance trois branches, tirées :

–        d’une absence de transparence et d’impartialité de la procédure ;

–        d’une violation du traitement confidentiel de la demande d’assistance, de l’absence de garanties permettant à des agents du CRU de témoigner en sa faveur et de la violation des points 4.2 et 4.3 de la décision SRB/PS/2017/11 du CRU, du 29 novembre 2017, sur la politique du CRU en matière de protection de la dignité de la personne et de prévention du harcèlement moral et du harcèlement sexuel (ci-après la « décision sur la prévention du harcèlement ») ;

–        d’une absence de procédure juste et équitable et d’une violation du droit d’être entendu de manière effective par l’AHCC désignée en vue d’influencer sa décision.

34      À titre liminaire, en vertu de l’article 12 bis, paragraphes 1 et 3, du statut, « [t]out fonctionnaire s’abstient de toute forme de harcèlement moral et sexuel », le harcèlement s’entendant comme « toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne ».

35      L’article 24 du statut dispose ce qui suit :

« L’Union assiste le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions.

Elle répare solidairement les dommages subis de ce fait par le fonctionnaire dans la mesure où celui-ci ne se trouve pas, intentionnellement ou par négligence grave, à l’origine de ces dommages et n’a pu obtenir réparation de leur auteur. »

36      L’article 24 du statut a été conçu en vue de protéger les fonctionnaires et agents de l’Union contre le harcèlement ou contre un traitement dégradant quel qu’il soit, émanant non seulement des tiers, mais également de leurs supérieurs hiérarchiques ou de leurs collègues (voir arrêt du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, point 135 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 141 et jurisprudence citée).

37      Le statut ne prévoit pas de procédure spécifique à laquelle l’administration serait tenue lorsqu’elle traite une demande d’assistance ayant pour objet une allégation fondée sur l’article 12 bis du statut (arrêt du 13 décembre 2018, CH/Parlement, T‑83/18, EU:T:2018:935, point 70).

38      Néanmoins, en vertu de la jurisprudence, lorsque l’AHCC est saisie, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 dudit statut, cette autorité doit, en vertu de l’obligation d’assistance et si elle est en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. L’administration n’est toutefois pas tenue de prendre des mesures d’instruction sur les simples allégations d’un agent. Il appartient, en effet, à l’agent qui réclame la protection de son agence en vertu de l’article 24 du statut d’apporter, au moins, un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. Ce n’est qu’en présence de tels éléments qu’il appartient à l’agence en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la demande d’assistance, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, points 15 et 16, du 13 décembre 2018, CH/Parlement, T‑83/18, EU:T:2018:935, point 64 et jurisprudence citée, et du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, points 61 et 148 et jurisprudence citée).

39      En présence d’allégations de harcèlement, l’obligation d’assistance comporte, en particulier, le devoir pour l’administration d’examiner sérieusement, avec rapidité et en toute confidentialité, la demande d’assistance dans laquelle un harcèlement est allégué et d’informer le demandeur de la suite réservée à celle-ci (voir arrêts du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 98 et jurisprudence citée, et du 13 décembre 2018, CH/Parlement, T‑83/18, EU:T:2018:935, point 65 et jurisprudence citée).

40      L’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, sous le contrôle du juge de l’Union, dans le choix des mesures et des moyens d’application de l’article 24 du statut (voir arrêts du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 99 et jurisprudence citée, et du 13 décembre 2018, CH/Parlement, T‑83/18, EU:T:2018:935, point 67 et jurisprudence citée).

41      En raison de ce large pouvoir d’appréciation de l’administration, le contrôle du juge de l’Union se limite à la question de savoir si l’institution concernée s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir arrêt du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, EU:T:2011:347, point 86 et jurisprudence citée).

a)      Sur la première branche, tirée d’une absence de transparence et d’impartialité de la procédure

42      Dans la première branche, le requérant invoque une absence de transparence et d’impartialité de la procédure et soulève en substance six griefs.

43      Le CRU conteste l’argumentation du requérant.

1)      Sur la violation du principe de transparence et d’impartialité concernant le service de conformité et la cheffe de ce service

44      Le requérant invoque une absence de transparence et d’impartialité du fait, d’une part, de l’absence de communication des noms des membres du service de conformité ayant eu accès à la demande d’assistance et de l’utilisation par ce service d’une messagerie fonctionnelle et anonyme pour le traitement de cette demande et, d’autre part, de la possible implication de la cheffe de ce service dans le traitement de cette demande.

45      À cet égard, en vertu de l’article 41 de la Charte, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement et équitablement par les institutions, organes et organismes de l’Union. Cette exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution, de l’organe ou de l’organisme concerné qui est chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution, l’organe ou l’organisme doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 et jurisprudence citée ; arrêt du 2 mai 2019, QH/Parlement, T‑748/16, non publié, EU:T:2019:274, point 48).

46      Seule l’impartialité objective fait l’objet du présent grief.

47      Premièrement, il ressort de la décision attaquée que, avant de commencer l’évaluation préliminaire, le service de conformité a, en application du point 3 de l’annexe II de la décision SRB/CH/2020/17 du CRU, du 27 octobre 2020, établissant le cadre d’éthique et de conformité du CRU, vérifié l’absence de conflits d’intérêts avérés ou apparents concernant la conduite de cette évaluation. En outre, le service de conformité a également consulté le chef du service juridique du CRU à ce sujet. Enfin, l’indépendance et l’objectivité dudit service étaient garanties par le fait que la présidente n’était pas impliquée dans la procédure de prise de décision concernant la demande d’assistance.

48      Deuxièmement, le CRU fait valoir, sans que le requérant ait présenté des arguments convaincants de nature à le contredire, que ce dernier était en mesure de connaître les personnes travaillant dans l’équipe du service de conformité chargé de son dossier par le biais de l’intranet et, si besoin, de les contacter individuellement.

49      Par ailleurs, hormis la cheffe du service de conformité, le requérant n’identifie pas les autres agents dudit service qui auraient pu, selon lui, avoir accès à la demande d’assistance et se trouver potentiellement dans une situation de conflit d’intérêts.

50      Troisièmement, s’agissant de l’absence d’impartialité alléguée de la cheffe du service de conformité, c’est le requérant lui-même qui l’a informée de tout ou partie des informations figurant dans la demande d’assistance, précisant qu’elle était l’une de ses amies.

51      En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que l’article 11 bis, paragraphe 1, du statut, applicable par analogie aux agents, prévoit que, dans l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire ne traite aucune affaire dans laquelle il a, directement ou indirectement, un intérêt personnel, notamment familial ou financier, de nature à compromettre son indépendance. Or, le service de conformité a conclu, aux termes de l’évaluation préliminaire, au rejet de la demande d’assistance sans ouverture d’enquête administrative. La suspicion d’absence d’indépendance de la cheffe de ce service, en raison d’un prétendu conflit d’intérêts de cette personne en faveur du requérant n’est donc pas établie.

52      Il convient donc de rejeter le premier grief.

2)      Sur l’absence d’impartialité du service de conformité, de l’AHCC désignée et du vice-président en raison de leur subordination hiérarchique à la présidente

53      Le requérant soutient avoir invoqué, dans les observations du 22 décembre 2021, les éléments de conflit objectifs suivants :

–        tout le personnel du CRU était sous la hiérarchie de la présidente conformément à l’article 56, paragraphe 2, sous b), du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1) ;

–        la présidente était responsable de la gestion quotidienne du CRU et donc des autres membres et directeurs de l’agence ; ces derniers, y compris l’AHCC désignée, se trouvaient ainsi dans un lien de subordination à l’égard de la présidente ; il invoque à cet égard l’article 56, paragraphe 2, sous e), du règlement no 806/2014, une note du service juridique du 25 juillet 2022 adressée au CRU en session plénière sur le rôle de la présidente (ci-après la « note du 25 juillet 2022 ») et une application par analogie des principes d’indépendance et d’impartialité des juges en droit de l’Union ;

–        la note du 25 juillet 2022 démontrerait en particulier le lien hiérarchique entre le vice-président et la présidente et donc la potentielle influence de celle-ci ;

–        le service de conformité était placé sous la supervision directe de la présidente.

54      À cet égard, en premier lieu, ni le service de conformité ni le vice-président n’ont pris la décision relative à la demande d’assistance, la décision attaquée ayant été prise par l’AHCC désignée. Le service de conformité a procédé à l’évaluation préliminaire et a adressé un rapport à cet égard exclusivement à celle-ci, qui avait été désignée, le 18 novembre 2021, en remplacement de la présidente visée par les allégations figurant dans la demande d’assistance. Quant au vice-président, dans la mesure où il était l’ancien chef d’unité du requérant au moment des faits dénoncés dans la demande d’assistance, le CRU en session plénière a, dans la décision du 18 novembre 2021, décidé de l’écarter au profit d’un autre membre du CRU pour exercer les pouvoirs de l’AHCC relatifs au traitement de ladite demande.

55      En deuxième lieu, il convient de vérifier si, comme le prétend le requérant, l’AHCC désignée était hiérarchiquement subordonnée à la présidente d’une manière qui aurait pu affecter son impartialité.

56      À cet égard, en vertu respectivement de l’article 56, paragraphe 2, sous b) et e), du règlement no 806/2014, le président du CRU est chargé de toutes les questions de personnel et de la gestion de cette agence. Cependant, le président ne dispose d’aucun pouvoir concernant la nomination ou la révocation des quatre autres membres permanents du CRU, visés à l’article 43, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, dont faisait en l’espèce partie l’AHCC désignée. En effet, en vertu de l’article 56, paragraphes 6 et 9, dudit règlement, c’est le Conseil de l’Union européenne, sur proposition de la Commission approuvée par le Parlement européen, qui nomme et révoque le président, le vice-président ainsi que les quatre autres membres permanents du CRU.

57      En outre, l’AHCC désignée ne détenait pas son pouvoir décisionnel relatif à la demande d’assistance de la présidente. Ce pouvoir lui avait été accordé par le CRU en session plénière, en vertu de la décision prise le 18 novembre 2021.

58      Sur ce point, il y a lieu de rappeler que l’article 50, paragraphe 1, sous l), du règlement no 806/2014 prévoit que le CRU en session plénière exerce à l’égard de son personnel les compétences qui sont conférées à l’AIPN par le statut et à l’AHCC par le RAA.

59      Par ailleurs, conformément à l’article 50, paragraphe 3, du règlement no 806/2014, le CRU en session plénière délègue ces compétences à son président et peut, dans des circonstances exceptionnelles, suspendre temporairement cette délégation de compétence audit président et les exercer lui-même ou les déléguer à l’un de ses membres. Ces dispositions ont été reprises en substance à l’article 2, paragraphes 1 et 2, et à l’article 4, première phrase, de la décision du 5 juin 2019 et ont été appliquées en l’espèce dans la décision du 18 novembre 2021. Par cette dernière décision, le CRU en session plénière a suspendu temporairement les pouvoirs d’AHCC de la présidente concernant la demande d’assistance jusqu’à la clôture de la procédure relative à ladite demande et a décidé de déléguer ces pouvoirs à un autre de ses membres, à savoir l’AHCC désignée.

60      Il convient d’observer que, dans l’avis de vacance du poste de directeur des plans et décisions de résolution du CRU, pour lequel l’AHCC désignée a été choisie, il était indiqué que ce directeur ferait un rapport au président du CRU en ce qui concernait ses contributions individuelles au titre de cette fonction, c’est-à-dire sur des missions étrangères à celles pour laquelle il est intervenu dans la procédure en cause.

61      Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu que l’AHCC désignée se trouvait dans un lien de subordination à l’égard de la présidente s’agissant du traitement de la demande d’assistance qui aurait pu affecter l’impartialité de ce traitement.

62      Il en est de même d’ailleurs s’agissant du vice-président, entendu par le service de conformité dans le cadre de l’évaluation préliminaire, comme il ressort de l’article 56, paragraphes 6 et 9, du règlement no 806/2014, pour les raisons exposées au point 56 ci-dessus.

63      Quant à la note du 25 juillet 2022, dont le CRU demande le retrait du dossier en raison de son caractère confidentiel et invoque en tout état de cause sa production tardive, elle concerne une question étrangère à la présente affaire et ne contient aucun élément de nature à remettre en cause l’analyse figurant aux points 56 à 62 ci-dessus. Elle n’est donc pas pertinente pour le présent recours.

64      En troisième lieu, et en tout état de cause, le requérant n’apporte aucune preuve de l’existence d’une quelconque influence qu’aurait pu exercer la présidente sur le déroulement de l’évaluation préliminaire et, en particulier, sur le traitement de la demande d’assistance par le service de conformité et l’AHCC désignée.

65      En particulier, si la décision du 18 novembre 2021 suspendant temporairement les pouvoirs de la présidente concernant la demande d’assistance prévoyait qu’elle lui serait communiquée, cette décision précisait uniquement la date à laquelle ladite demande avait été déposée, mais ne donnait aucune indication sur son auteur ou son contenu.

66      En outre, s’agissant du vice-président, il y a lieu de rappeler que, si une simple allégation de crainte de représailles suffisait à discréditer un témoignage, cela impliquerait que, chaque fois qu’un membre du personnel de direction d’une institution est mis en cause par une demande d’assistance, l’administration serait empêchée de s’appuyer sur les témoignages des membres de l’unité administrative placée sous la responsabilité de ce membre du personnel de direction (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2023, OC/SEAE, T‑770/21, non publié, EU:T:2023:378, point 94 et jurisprudence citée).

67      Or, le requérant n’avance pas non plus d’éléments susceptibles d’établir l’existence d’une influence de la présidente sur les déclarations du vice-président recueillies dans le cadre de l’évaluation préliminaire.

68      Il convient donc de rejeter le deuxième grief.

3)      Sur l’absence d’impartialité du vice-président en ce qu’il était concerné par la demande d’assistance

69      Le requérant invoque l’absence d’impartialité objective du vice-président, son ancien chef d’unité, et l’existence d’un conflit d’intérêts apparent à son égard. Il fait valoir que ce conflit d’intérêts a justifié que le vice-président soit exclu de la décision du CRU relative à la suspension des pouvoirs de la présidente et de la décision sur l’ouverture de l’enquête préliminaire et qu’une autre autorité ait été chargée du traitement de la demande d’assistance. Il reproche par conséquent au CRU d’avoir entendu le vice-président dans le cadre de l’évaluation préliminaire, alors que celui-ci était concerné par la demande d’assistance.

70      À cet égard, il convient de renvoyer à la jurisprudence citée aux points 39 et 40 ci-dessus. En outre, en vertu du devoir de confidentialité qui lui incombe, l’administration doit s’abstenir de toute mesure susceptible de compromettre les résultats de l’évaluation préliminaire (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Donati/BCE, F‑63/09, EU:F:2012:193, point 171).

71      Le CRU a ainsi relevé à juste titre dans la décision de rejet que son obligation d’assistance exigeait un examen aussi approfondi que possible des allégations formulées dans la demande d’assistance, ce qui pouvait exceptionnellement nécessiter la divulgation de certaines informations, notamment en posant des questions aux personnes susceptibles de détenir des informations pertinentes sur ces allégations. Cette divulgation devait toutefois être faite sur la base du strict besoin d’en connaître et de manière prudente et très contrôlée, pour ne pas compromettre les résultats de l’évaluation de la demande d’assistance.

72      Par ailleurs, l’administration ne saurait être empêchée de s’appuyer sur les témoignages des membres de l’unité administrative placée sous la responsabilité du membre du personnel de direction mis en cause par une demande d’assistance (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2023, OC/SEAE, T‑770/21, non publié, EU:T:2023:378, point 94 et jurisprudence citée).

73      En l’espèce, si la demande d’assistance visait principalement la présidente, elle mentionnait aussi à plusieurs reprises le vice-président. En outre, dans ses observations du 22 décembre 2021, le requérant a explicitement étendu ses griefs à ce dernier, qui a été son chef d’unité jusqu’au 1er mars 2020.

74      Or, premièrement, dans sa décision du 18 novembre 2021, le CRU en session plénière a suspendu temporairement la délégation des pouvoirs d’AHCC de la présidente concernant la demande d’assistance jusqu’à la clôture de la procédure relative à cette demande et a délégué ces pouvoirs, non au vice-président, mais à l’AHCC désignée, qui était le membre du CRU le plus ancien après la présidente et le vice-président, après avoir estimé qu’il existait un conflit d’intérêts apparent concernant ce dernier.

75      Dans ce contexte, le service de conformité a veillé à ce que le vice-président ne soit pas impliqué dans le traitement de la demande d’assistance. Le requérant a d’ailleurs relevé que le vice-président avait ainsi été exclu de la réunion du bureau du CRU relative à l’ouverture de l’évaluation préliminaire.

76      Deuxièmement, le service de conformité a choisi d’entendre le vice-président, en tant qu’ancien chef d’unité du requérant, au sujet des faits allégués par ce dernier qui le visaient directement ou de ceux attribués à la présidente dont il avait pu être témoin. Le vice-président a ainsi été contacté par ledit service, le 24 novembre 2021, pour fournir des informations complémentaires sur certaines allégations figurant dans la demande d’assistance. Ce service lui a demandé de traiter cette demande de manière confidentielle.

77      Il ressort à cet égard du résumé des échanges entre le service de conformité et le vice-président, repris dans le rapport préliminaire et la décision attaquée, que ce dernier a formulé des observations sur quatre allégations qui le concernaient directement en tant que chef d’unité du requérant jusqu’au 1er mars 2020, à savoir :

–        le déroulement de la réunion du 19 septembre 2018, à laquelle il avait participé ;

–        le caractère prétendument négocié des rapports d’évaluation et l’absence d’objectivité de sa part et, en particulier, son prétendu manque d’objectivité concernant le rapport d’évaluation 2019, le requérant se référant à cet égard à cinq courriels qu’il avait échangés avec lui entre les 18 et 20 février 2020 sur la finalisation de ce rapport ; il ressort du rapport préliminaire et de la décision attaquée que le vice-président a été entendu sur cette allégation dans le cadre de l’évaluation préliminaire, en sa qualité d’ancien chef d’unité du requérant et, à ce titre, en tant que principal responsable à l’époque de la préparation des rapports d’évaluation de ce dernier ;

–        l’absence alléguée de description de poste du requérant avant le 1er janvier 2019 ; le vice-président a été entendu à ce sujet au titre de la période s’étendant du 1er octobre 2015 au 1er mars 2020, durant laquelle il était le chef d’unité du requérant et son supérieur hiérarchique direct ;

–        l’obtention par le requérant du grade [confidentiel] avec retard, car le vice-président s’y serait alors opposé.

78      En outre, il ressort du résumé des observations du vice-président que celui-ci a indiqué :

–        qu’il considérait que l’allégation de promesses prétendument non tenues qui auraient été faites dans le rapport d’évaluation 2019 du requérant n’était pas claire ;

–        qu’il n’avait aucun souvenir des cris allégués de la présidente ;

–        qu’il n’était pas au courant de faits susceptibles d’étayer les allégations selon lesquelles la présidente aurait dévalorisé le travail du requérant et agi par ouï-dire, aurait accusé celui-ci de trop compliquer les choses et d’être trop formaliste et n’aurait pas répondu aux courriels de ce dernier ;

–        qu’il n’était pas au courant non plus de l’absence alléguée de soutien de la hiérarchie du requérant, de la charge de travail et des conditions physiques de celui-ci ;

–        que ce n’était pas à lui de commenter les questions de reclassement.

79      Le CRU relève également dans la décision de rejet que les informations divulguées au vice-président ne concernaient que des allégations n’impliquant aucun autre membre du personnel qui aurait pu craindre d’éventuelles mesures de représailles.

80      Il ressort à cet égard du résumé des observations du vice-président que ce dernier a également répondu à trois autres allégations qui ne concernaient que le comportement de la présidente, en indiquant qu’il ne disposait pas d’information à leur sujet (voir point 78, deuxième à cinquième tirets, ci-dessus).

81      Or, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 39, 40 et 70 ci-dessus, le fait d’avoir entendu le vice-président dans le cadre de l’évaluation préliminaire au sujet des allégations qui le mettaient en cause ou dont il avait pu être témoin, et alors que des mesures avaient été prises pour qu’il ne soit impliqué ni dans le traitement de la demande d’assistance ni dans l’adoption de la décision attaquée, dès lors que, après le 1er mars 2020, il n’était plus le supérieur hiérarchique du requérant, ne saurait entacher la décision attaquée d’irrégularité en raison d’une absence d’impartialité le concernant.

82      Troisièmement, il ressort du dossier que le vice-président a soutenu les demandes de mobilité du requérant, comme en atteste le rapport d’évaluation 2019, portant sur une période durant laquelle il était le chef d’unité du requérant.

83      Or, le soutien du vice-président à ces demandes est difficile à concilier avec les allégations de connivence entre lui et la présidente formulées dans les observations du 22 décembre 2021 et alors que la non-satisfaction de la demande de mobilité fait partie des allégations de harcèlement imputées à la présidente.

84      Il convient donc de rejeter le troisième grief.

4)      Sur l’absence de transparence et de traitement loyal de la demande d’assistance résultant du fait que l’AHCC désignée n’a pas pris la décision à cet égard

85      Le requérant avance que ce n’est pas l’AHCC désignée qui a décidé de rejeter la demande d’assistance, mais le service de conformité. Il invoque au soutien de ce grief le courriel que lui a envoyé l’AHCC désignée le 31 janvier 2022 lui notifiant le rapport préliminaire et la décision attaquée, dans lesquels ladite AHCC reprendrait la position du service de conformité.

86      En outre, le requérant considère que le service RH a pu formuler des recommandations ayant influencé la décision attaquée. Il invoque à cet égard le contexte nébuleux, l’absence de traitement loyal du dossier, les réticences de l’administration à faire preuve de transparence et l’apparente dissimulation d’éléments de preuve, en limitant le droit d’accès aux informations qu’il avait sollicitées, comme le refus du CRU de transmettre les observations du service RH qui, selon lui, fonderaient l’évaluation préliminaire.

87      Le CRU conteste l’argumentation du requérant.

88      À cet égard, en premier lieu, le point 7.3, quatrième alinéa, de la décision sur la prévention du harcèlement prévoit ce qui suit :

« Les demandes d’assistance doivent être introduites auprès de l’entité du CRU chargée des ressources humaines, l’[AIPN] ou l’entité chargée de la conformité […] L’[AIPN] peut ensuite mandater l’entité chargée de la conformité afin que, le cas échéant, une enquête administrative soit menée, dans le but de déterminer la réalité des faits et les éventuelles responsabilités […] Dans le cas de harcèlement moral, un certain degré de preuves doit être fourni par le plaignant. »

89      En l’espèce, l’AHCC désignée a, conformément à cette disposition, mandaté le service de conformité pour réaliser l’évaluation préliminaire, puis a notifié le rapport préliminaire au requérant, le 31 janvier 2022, en l’invitant à déposer des observations sur ce rapport jusqu’au 7 février 2022 et a précisé que ce n’était qu’à la suite de ces éventuelles observations qu’elle prendrait elle-même une décision sur la demande d’assistance, ce qu’elle a fait le 15 février 2022 par la décision attaquée.

90      En outre, la décision attaquée est signée par l’AHCC désignée. Le fait que cette dernière ait suivi les propositions du service de conformité contenues dans le rapport préliminaire ne saurait permettre de conclure qu’elle n’a pas exercé effectivement le pouvoir décisionnel qui lui avait été délégué. Elle a d’ailleurs complété les motifs retenus dans le rapport préliminaire visant à rejeter les allégations de harcèlement et a répondu aux objections formulées par le requérant dans ses observations du 7 février 2022 sur la conduite de la procédure et sur l’analyse au fond desdites allégations retenue dans ledit rapport.

91      En deuxième lieu, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. En vertu d’une jurisprudence constante, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. Il faut, en effet, que, pour qu’un recours soit recevable, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2018, Selimovic/Parlement, T‑61/17, non publié, EU:T:2018:565, point 31 et jurisprudence citée, et du 18 mai 2022, Wieland-Werke/Commission, T‑251/19, non publié, EU:T:2022:296, point 59 et jurisprudence citée).

92      Or, les allégations tirées du contexte nébuleux et de l’absence de traitement loyal du dossier ne sont accompagnées d’aucune explication. Il convient donc de les écarter comme étant irrecevables sur le fondement de l’article 76 du règlement de procédure.

93      En troisième lieu, s’agissant des réticences de l’administration à faire preuve de transparence et de l’apparente dissimulation d’éléments de preuve, en limitant le droit d’accès aux informations sollicitées par le requérant, comme le refus du CRU de transmettre les observations du service RH, il convient de rappeler ce qui suit.

94      Comme cela est indiqué au point 38 ci-dessus, c’est au demandeur d’assistance d’apporter un commencement de preuve de la réalité de la conduite abusive dont il affirme être victime. L’institution en cause ne saurait être tenue de mener une enquête administrative sur la base de simples allégations dénuées de preuve, étant entendu que, dans la définition des mesures qu’elle estime appropriées en vue d’établir la réalité et la portée des faits allégués, l’institution doit également veiller à protéger les droits des personnes mises en cause dans une demande d’assistance et susceptibles d’être visées par une enquête (voir arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 144 et jurisprudence citée).

95      Or, le CRU a fourni au requérant un résumé des observations du service RH, ce qui était suffisant. Il ressort en effet de la jurisprudence que, dans un litige en matière de harcèlement, la personne ayant déposé plainte pour harcèlement est en droit, afin de pouvoir présenter utilement ses observations à l’institution concernée avant que celle-ci ne prenne une décision, de se faire communiquer, à tout le moins, un résumé des déclarations de la personne accusée de harcèlement et des différents témoins entendus au cours de la procédure d’enquête, dans la mesure où ces déclarations ont été utilisées dans le rapport remis à l’autorité qui a pris la décision de ne pas donner suite à la plainte et qui comprenait des recommandations au regard desquelles cette autorité avait fondé sa décision, la communication de ce résumé devant être effectuée dans le respect, le cas échéant, du principe de confidentialité (voir, en ce sens, arrêts du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 60 et jurisprudence citée, et du 2 février 2022, LU/BEI, T‑536/20, non publié, EU:T:2022:40, point 57).

96      En outre, le service de conformité était en droit de solliciter les observations du service RH sur la demande d’assistance pour lui permettre de réaliser l’évaluation préliminaire, s’il estimait que le service RH pouvait disposer d’informations pertinentes susceptibles d’éclairer le dossier. Le requérant ne saurait se prévaloir de prétendues recommandations dudit service, purement spéculatives, susceptibles d’avoir influencé la décision de l’AHCC désignée.

97      Il y a donc lieu de rejeter le quatrième grief.

5)      Sur l’absence de transparence résultant de la signature de la décision de rejet par la nouvelle cheffe d’unité du requérant

98      Le requérant invoque une absence de transparence résultant de la signature de la décision de rejet par sa nouvelle cheffe d’unité, et non par l’autorité désignée pour le traitement de sa réclamation dans le cadre de la procédure relative à son absence de reclassement, alors que les délégations de pouvoirs ne lui ont pas été communiquées.

99      À cet égard, premièrement, le requérant reste en défaut d’établir l’existence d’une quelconque obligation de transparence imposant au CRU de lui fournir des informations allant au-delà de celles identifiées par la jurisprudence rappelée au point 95 ci-dessus lui permettant d’exercer son droit d’être entendu, sachant que, s’agissant des délégations de pouvoirs, la décision du 18 novembre 2021 suspendant temporairement les pouvoirs de la présidente et les transférant à l’AHCC désignée lui a été transmise quatre jours après, le 22 novembre 2021.

100    Deuxièmement, la décision de rejet porte la signature de la cheffe d’unité du requérant, suivie de son nom et de son titre, à savoir « Cheffe du [confidentiel] du CRU ».

101    Il convient de rappeler que, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, applicable par analogie aux agents en vertu de l’article 46 du RAA, l’adoption de la décision de rejet de la réclamation incombe à l’AHCC. En vertu de l’article 50, paragraphe 1, sous l), et de l’article 82, paragraphe 3, du règlement no 806/2014, le CRU en session plénière exerce à l’égard du personnel du CRU les compétences qui sont conférées à l’AIPN par le statut et à l’AHCC par le RAA. L’article 50, paragraphe 3, du règlement no 806/2014 a toutefois imposé au CRU en session plénière de déléguer au président du CRU ces compétences et d’établir les conditions dans lesquelles cette délégation de compétence pouvait être suspendue. Cette disposition prévoit en outre que le président du CRU est autorisé à subdéléguer lesdites compétences.

102    Par ailleurs, en vertu de l’article 2, paragraphe 4, de la décision du 5 juin 2019, lorsque la décision contestée par la réclamation a été adoptée au niveau du président du CRU, cette réclamation est examinée par trois autres membres du CRU désignés parmi les représentants des autorités de résolution nationales (ci-après le « trio »). L’article 2, paragraphe 5, de cette décision prévoit que c’est le trio qui arrête les décisions sur les réclamations et que, si l’un de ses membres se déclare en conflit pour traiter l’affaire, il est remplacé.

103    Enfin, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, de la décision SRB/PS/2020/15 du CRU, du 24 juin 2020, adoptant les règles de procédure du CRU en session plénière (ci-après la « décision du 24 juin 2020 »), les décisions de la session plénière doivent être authentifiées par la signature du président ou du vice-président en son absence. Conformément à l’article 12, paragraphe 2, de cette décision, cette authentification peut être déléguée par le président au chef du [confidentiel].

104    En l’espèce, premièrement, la décision de rejet a indiqué qu’il y avait lieu d’appliquer l’article 2, paragraphe 4, de la décision du 5 juin 2019 par analogie lorsque la décision attaquée avait été adoptée au niveau de l’AHCC et que les pouvoirs de cette dernière étaient exercés par une autre personne que le président du CRU, ce qui était le cas en l’espèce. Deuxièmement, l’exercice des pouvoirs de l’AHCC relatifs à l’examen de la réclamation a ainsi été délégué au trio, composé de trois autres membres permanents du CRU désignés parmi les représentants des autorités de résolution nationales, le CRU ayant précisé dans le mémoire en défense que le trio était composé des représentants des autorités nationales de résolution belge, espagnole et française. Troisièmement, en vertu de l’article 2, paragraphe 5, de la décision du 5 juin 2019, les membres du trio ne se sont pas déclarés en conflit pour traiter l’affaire.

105    Par ailleurs, la réclamation a été instruite par un membre du service RH, ce dont le requérant a été informé par un courriel du 20 mai 2022, et la décision de rejet a été signée par la cheffe d’unité du requérant, qui ne faisait pas partie du trio.

106    Il ressort de ce qui précède que, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, la décision de rejet devait être prise par l’AHCC. Par conséquent, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, sous l), du règlement no 806/2014, cette décision rentrait dans la catégorie des décisions relevant de la compétence du CRU en session plénière et devait, en application de l’article 12, paragraphe 1, de la décision du 24 juin 2020, être authentifiée par la présidente.

107    Or, le 6 septembre 2022, la présidente a, sur le fondement de l’article 12, paragraphe 2, de la décision du 24 juin 2020, délégué l’authentification de la décision de rejet à la cheffe du [confidentiel], qui était également la cheffe d’unité du requérant.

108    La signature de la décision de rejet par la cheffe du [confidentiel] était donc conforme aux règles rappelées aux points 101 et 103 ci-dessus.

109    Il ressort de ce qui précède que la signature de la cheffe du [confidentiel] apposée sur la décision de rejet revêtait un caractère formel et ne pouvait s’apparenter à une délégation de pouvoir au profit de cette personne. Le requérant n’a en outre dirigé aucun grief contre la cheffe du [confidentiel].

110    Il y a donc lieu de rejeter le cinquième grief.

6)      Sur l’absence de transparence résultant du refus du CRU de transmettre des documents au comité d’appel et d’une interprétation restrictive des règles relatives à la protection des données personnelles

111    Le requérant soulève deux arguments.

112    En premier lieu, le requérant invoque une absence de transparence résultant du refus du CRU, dans le cadre de la procédure d’appel contre la décision de rejet de sa demande d’accès aux documents mentionnés au point 22 ci-dessus, de transmettre, même à titre confidentiel, des documents au comité d’appel.

113    Le CRU soulève l’irrecevabilité de cet argument, ainsi que des annexes A.22 à A.26, A.28 à A.31 et C.1 à C.5 qui s’y rapportent. Le requérant conteste l’irrecevabilité alléguée.

114    À cet égard, le CRU cherche en substance à contester, non la recevabilité dudit argument et des annexes citées au point 113 ci-dessus, mais plutôt leur pertinence pour le présent recours, qu’il convient dès lors d’examiner.

115    Le CRU relève à juste titre que l’argument invoqué concerne des faits postérieurs à la décision attaquée et faisant l’objet d’une procédure distincte en cours, fondée sur le règlement no 1049/2001. Le requérant a en effet indiqué au CRU, le 17 mai 2022, que sa demande d’accès aux documents figurant dans la réclamation était fondée à titre principal sur ce texte (voir point 23 ci-dessus). Les annexes A.22 à A.24, A.28 à A.31 et C.1 à C.5 contestées par le CRU se rapportent à cette procédure.

116    En tout état de cause, le requérant ne précise pas en quoi les deux documents que le CRU a refusé de produire devant le comité d’appel dans le cadre de ladite procédure, à savoir le rapport sur les potentiels conflits d’intérêts entre les différentes parties et la version intégrale des observations du service RH, auraient pu influencer la décision attaquée, dans la mesure où il a eu accès à la teneur des déclarations fournies par le vice-président et par le service RH dans le cadre de l’évaluation préliminaire, d’abord par le biais du rapport préliminaire qui lui a été transmis le 31 janvier 2022, puis par le biais des résumés de ces déclarations qui lui ont été communiqués le 28 mars 2022. Or, en vertu de la jurisprudence applicable, la communication au requérant de ces résumés était en principe suffisante (voir, en ce sens, arrêts du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 60 et jurisprudence citée, et du 2 février 2022, LU/BEI, T‑536/20, non publié, EU:T:2022:40, point 57). Ce dernier n’avait donc pas vocation à obtenir la version intégrale des observations du service RH.

117    Le CRU a également communiqué au requérant durant l’évaluation préliminaire les éléments suivants qui ont permis à celui-ci de s’assurer que des mesures suffisantes avaient été prises pour garantir le traitement impartial de la demande d’assistance :

–        la décision du 18 novembre 2021 transférant temporairement les pouvoirs d’AHCC de la présidente à l’AHCC désignée, qui lui a été transmise le 22 novembre 2021 ;

–        la teneur de la mesure de protection dont il a fait l’objet, qui lui a été fournie le 17 décembre 2021, avant qu’un résumé plus complet de ladite mesure et du contexte dans lequel elle avait été adoptée ne lui soit adressé le 28 mars 2022 ;

–        la décision sur la prévention du harcèlement et ses lignes directrices sur le lancement d’alerte, qui lui ont été transmises le 20 janvier 2022.

118    Il ressort de ce qui précède qu’il convient de rejeter le premier argument comme étant inopérant et, en tout état de cause, non fondé et d’écarter les annexes A.22 à A.24, A.28 à A.31 et C.1 à C.5 comme étant non pertinentes.

119    En second lieu, le requérant invoque une interprétation restrictive des règles relatives à la protection des données personnelles, conduisant à ce que les violations de telles données ne soient pas notifiées aux personnes concernées.

120    À cet égard, s’agissant de l’absence de notification de la violation des données personnelles, le requérant s’appuie sur un document postérieur à la décision attaquée, à savoir le courrier du responsable du traitement du CRU du 8 avril 2022 en réponse à sa demande adressée à la DPD le 11 mars 2022, mentionnée au point 19 ci-dessus, que la DPD lui a transmis le 11 avril 2022, dans lequel il est indiqué que :

–        son nom, son prénom, et son adresse électronique professionnelle ont été accidentellement communiqués aux membres de la session plénière du CRU lors de l’envoi à ces derniers d’un projet de lettre qui devait lui être communiqué pour l’informer du possible résultat de la procédure ouverte le 11 novembre 2021 visant à suspendre les pouvoirs d’AHCC de la présidente concernant la demande d’assistance ;

–        ledit projet de lettre n’a toutefois pas été transmis aux membres du CRU faisant l’objet d’un conflit d’intérêts ;

–        la DPD a été consultée sur cette divulgation accidentelle ; en revanche, en vertu des articles 34 et 35 du règlement 2018/1725, le CRU n’avait pas à notifier ladite divulgation au CEPD ni au requérant, car celle-ci ne créait pas de risque pour les droits et libertés de ce dernier ;

–        le 17 novembre 2021, le [confidentiel] a demandé à l’ensemble des destinataires du projet de lettre de supprimer ce document et de confirmer cette suppression ; de son côté, le [confidentiel] a détruit l’original dudit projet de tous ses dossiers et a envoyé une nouvelle lettre n’incluant ni le nom ni l’adresse électronique professionnelle du requérant ;

–        le requérant était invité à déposer une plainte auprès du CEPD s’il considérait que ses droits en vertu du règlement 2018/1725 avaient été violés.

121    En vertu de l’article 34, paragraphe 5, du règlement 2018/1725, le responsable du traitement est tenu d’informer le délégué à la protection des données de la violation des données personnelles. Il ressort en revanche de l’article 34, paragraphe 1, dudit règlement que ledit responsable est dispensé de notifier une telle violation au CEPD lorsque cette violation n’est pas susceptible d’engendrer un risque pour les droits et libertés des personnes physiques.

122    Par ailleurs, l’article 35, paragraphe 1, du règlement 2018/1725 prévoit que le responsable du traitement communique la violation des données personnelles à la personne concernée lorsque cette violation est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés de celle-ci. L’article 35, paragraphe 3, sous a), dudit règlement prévoit en revanche que cette communication n’est pas nécessaire lorsque le responsable du traitement a mis en œuvre des mesures de protection techniques et organisationnelles appropriées qui ont été appliquées aux données personnelles affectées par la violation.

123    En l’espèce, il ressort du courrier du responsable du traitement du CRU du 8 avril 2022 que celui-ci a informé la DPD de la violation des données personnelles du requérant conformément à l’article 34, paragraphe 5, du règlement 2018/1725. Il n’a en revanche pas notifié cette violation au CEPD ni au requérant, estimant que la divulgation accidentelle des données de celui-ci ne créait pas pour lui de risque pour ses droits et libertés.

124    Or, le requérant n’apporte aucune preuve établissant que la violation de ses données personnelles a pu porter atteinte à ses droits et libertés, dans la mesure où le projet de lettre contenant ces données n’a pas été envoyé aux personnes faisant l’objet d’un conflit d’intérêts, dont faisait partie la présidente. Le requérant n’établit donc pas que celle-ci a pu avoir connaissance, par ce document, de l’existence de la demande d’assistance et des allégations de harcèlement qui la visaient.

125    Enfin, le CRU relève à juste titre que le requérant n’a pas saisi le CEPD de cette question, comme le lui permettaient les articles 63 et 68 du règlement 2018/1725.

126    Le second argument est donc inopérant et, en tout état de cause non fondé. Par conséquent, il convient de rejeter le sixième grief et la première branche.

b)      Sur la deuxième branche, tirée d’une violation du traitement confidentiel de la demande d’assistance, de l’absence de garanties permettant à des agents du CRU de témoigner en faveur du requérant et de la violation des points 4.2 et 4.3 de la décision sur la prévention du harcèlement

127    Dans la deuxième branche, le requérant invoque deux griefs.

128    Le CRU conteste l’argumentation du requérant.

1)      Sur la violation du traitement confidentiel de la demande d’assistance

129    Le requérant soutient que la demande d’assistance n’a pas été traitée de manière confidentielle et dans le respect de la présomption d’innocence. Il invoque cinq arguments à ce titre.

130    À cet égard, à titre liminaire, le requérant ne saurait se prévaloir de la présomption d’innocence, puisque, en l’espèce, la procédure relative à la demande d’assistance ne vise pas à rechercher sa culpabilité ou sa responsabilité pénale ou disciplinaire et n’implique pas d’accusations de cette nature.

131    Par ailleurs, le point 4.3 de la décision sur la prévention du harcèlement garantit la confidentialité durant et après la procédure et le respect de la protection des données personnelles durant ladite procédure.

132    Dans la décision de rejet, le CRU a indiqué que le service de conformité avait pris deux mesures de protection de la confidentialité, à savoir, d’une part, l’utilisation d’un logiciel d’encryptage pour envoyer les courriels relatifs à la demande d’assistance et, d’autre part, le stockage de l’ensemble des documents relatifs à cette demande, en tant que « SRB Red », soit la classification réservée aux documents du CRU les plus sensibles, dans un fichier restreint auquel seul ledit service avait accès.

133    En premier lieu, le requérant soutient que, alors que le vice-président était concerné par la demande d’assistance, il a été informé de la procédure et des informations principales de cette demande, a témoigné dans le cadre de cette procédure, alors qu’il était en situation de conflit d’intérêts apparent et que l’objectivité de ses déclarations pouvait être remise en question, et a eu des contacts avec le service de conformité au sujet de cette demande. Or, la clôture sans suite de la demande d’assistance aurait été décidée après avoir recueilli uniquement le témoignage du vice-président, soit une personne qui n’était pas impartiale.

134    À cet égard, il convient de constater que le rejet de la demande d’assistance ne se fonde pas exclusivement sur les déclarations du vice-président, mais s’appuie également sur celles du service RH.

135    Pour le surplus, le premier argument doit être rejeté sur le fondement des motifs exposés dans le troisième grief de la première branche (voir points 70 à 83 ci-dessus).

136    En deuxième lieu, le requérant considère que la présidente a vraisemblablement été informée de la demande d’assistance, du fait des circonstances suivantes :

–        de multiples personnes sous sa hiérarchie directe ont été mises au courant de l’existence et du contenu de la demande d’assistance ;

–        la présidente entretenait une proximité avec le vice-président, requise par le règlement no 806/2014, en raison des fonctions qu’ils exerçaient et de leur travail commun quotidien ; le CRU lui a toutefois refusé l’accès aux documents qui auraient pu permettre d’établir que le vice-président avait divulgué des informations relatives à la demande d’assistance à la présidente ;

–        une réunion a eu lieu entre la présidente et sa cheffe d’unité le 18 octobre 2021, soit juste après la réception de ladite demande.

137    À cet égard, le CRU a considéré à juste titre que le requérant n’apportait pas la preuve que le vice-président, ou toute autre personne, avait divulgué des informations confidentielles à la présidente, y compris lors de la réunion du 18 octobre 2021.

138    Les documents invoqués à cet égard par le requérant ne sont en effet pas probants. Premièrement, dans son courriel du 18 octobre 2021 adressé au service RH, le requérant ne fait que formuler ses soupçons de divulgation d’informations confidentielles à la présidente lors d’une réunion qui aurait eu lieu ce jour-là, mais n’apporte aucun élément corroborant ces soupçons. Deuxièmement, l’extraction du calendrier de la cheffe d’unité du requérant relative à cette date fait simplement état, à 15 h 15, d’un « rendez-vous privé » et ne prouve donc pas non plus que celle-ci aurait alors rencontré la présidente, ni a fortiori qu’elles auraient échangé sur la demande d’assistance et que des informations confidentielles auraient alors été divulguées.

139    En outre, des mesures ont été prises pour que la présidente ne soit pas impliquée dans le traitement de la demande d’assistance. Ainsi, par la décision du 18 novembre 2021, le CRU en session plénière a suspendu temporairement la délégation des pouvoirs d’AHCC de la présidente concernant la demande d’assistance et délégué ces pouvoirs à l’AHCC désignée. La présidente n’a en outre pas pris part à cette décision.

140    La présidente n’a pas non plus été entendue dans le cadre de l’évaluation préliminaire et le service de conformité s’est assuré que les personnes entendues, à savoir le service RH et le vice-président, le soient en respectant la confidentialité de la demande d’assistance, ce que soulignent les résumés des déclarations de ces derniers.

141    Le deuxième argument, spéculatif et non fondé, doit donc être rejeté.

142    En troisième lieu, le requérant fait valoir que l’usage, par le service de conformité, d’une messagerie fonctionnelle pour traiter la demande d’assistance a créé un risque élevé de divulgation d’informations sensibles, alors qu’il ne ressort pas du dossier que des mesures aient été mises en place pour garantir un traitement confidentiel de ladite demande.

143    L’argument n’est étayé par aucun élément concret. En outre, le requérant a lui-même admis avoir révélé au moins en partie la teneur de la demande d’assistance à la cheffe du service de conformité, avec laquelle il entretenait de bonnes relations.

144    Il convient donc de rejeter le troisième argument.

145    En quatrième lieu, le requérant soutient que sa nouvelle cheffe d’unité a eu connaissance de la demande d’assistance, car elle s’est référée, dans le cadre de la procédure de non-renouvellement de son contrat, aux allégations figurant dans ladite demande. Les motifs de la recommandation de ne pas renouveler son contrat, prise par cette personne, s’appuieraient sur des informations provenant de la demande d’assistance.

146    Le CRU excipe de l’irrecevabilité de cet argument et, plus largement, de l’argumentation et des offres de preuves relatives à la procédure de non-renouvellement du contrat du requérant issues des annexes A.34 et C.6 à C.10, car ils s’inscrivent dans le cadre d’une procédure engagée postérieurement au rejet de la demande d’assistance et distincte du recours.

147    Le requérant réplique que la circonstance que sa nouvelle cheffe d’unité se soit référée, dans le cadre de la procédure de renouvellement de son contrat, aux allégations figurant dans la demande d’assistance :

–        prouve que ces informations ont été divulguées en dehors du cadre du traitement de ladite demande et apportent ainsi la preuve de l’absence de traitement confidentiel de celle-ci ; en particulier, sa réponse à la recommandation de ne pas renouveler son contrat, figurant dans l’annexe C.9, fait état de la violation de la confidentialité de la demande d’assistance ; or, étant postérieure à l’introduction du recours, elle n’aurait pas pu être annexée à la requête ;

–        constitue une conséquence de l’absence d’assistance apportée par le CRU ;

–        permet d’apporter une solution au litige et contribue à donner une vision globale du dossier.

148    À cet égard, le CRU conteste en substance, non la recevabilité de l’argument invoqué, mais sa pertinence pour le recours.

149    Premièrement, selon la jurisprudence, la légalité de l’acte individuel attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été pris. En effet, si le Tribunal devait examiner les actes attaqués à la lumière d’éléments de fait qui n’existaient pas à la date où l’acte a été pris, il se substituerait à l’institution dont émane l’acte en cause. En conséquence, seuls les éléments dont la partie défenderesse pouvait avoir connaissance dans le cadre de la procédure administrative peuvent être pris en considération (voir arrêt du 25 mai 2004, W/Parlement, T‑69/03, EU:T:2004:155, point 28 et jurisprudence citée).

150    Or, la décision de ne pas renouveler le contrat du requérant, adoptée le 22 février 2023 et notifiée à ce dernier le même jour, est postérieure à la décision attaquée. En outre, la recommandation préalable de la cheffe d’unité du requérant de ne pas renouveler ledit contrat, notifiée au requérant le 9 décembre 2022, est postérieure à la demande d’assistance et à la réclamation, respectivement déposées le 15 octobre 2021 et le 9 mai 2022, et ne fait donc pas partie des griefs que le requérant a invoqués dans ces deux actes.

151    La qualification des motifs de cette recommandation de mesure de rétorsion, avancée pour la première fois dans la requête, n’a donc pas pu faire l’objet de l’évaluation préliminaire ni d’une prise de position de l’AHCC désignée dans la décision attaquée, ni même dans la décision de rejet, respectivement adoptées le 15 février et le 6 septembre 2022.

152    Deuxièmement, l’auteure de la recommandation de ne pas renouveler le contrat du requérant était la cheffe d’unité de ce dernier, qui était au courant de la demande d’assistance, puisque c’est elle qui avait signé la décision de rejet. Or, cette personne n’est pas visée par les allégations de harcèlement formulées dans la demande d’assistance. En outre, l’auteur de la décision de non-renouvellement, qui a décidé de suivre ladite recommandation, ne l’est pas non plus, puisqu’il s’agit du nouveau président, entré en fonction en janvier 2023.

153    Il convient donc d’écarter les griefs liés à la procédure de non-renouvellement du contrat du requérant ainsi que les offres de preuve s’y rapportant figurant dans les annexes A.34 et C.6 à C.10 comme étant non pertinents pour le recours et donc de rejeter le quatrième argument.

154    En cinquième lieu, le requérant estime que l’absence de traitement confidentiel de la demande d’assistance est de nature à avoir influencé l’absence d’ouverture d’une enquête administrative et lui a causé un préjudice du fait de la divulgation de son statut de plaignant.

155    À cet égard, la raison pour laquelle aucune enquête administrative n’a été ouverte est l’absence de commencement de preuve apportée par le requérant de ses allégations de harcèlement. Ce dernier ne rapporte pas non plus d’éléments suffisants pour étayer ses soupçons de violation du traitement confidentiel de la demande d’assistance.

156    Il convient donc de rejeter le cinquième argument et, par conséquent, le premier grief.

2)      Sur l’absence de garantie permettant à des agents du CRU de témoigner en faveur du requérant et la violation des points 4.2 et 4.3 de la décision sur la prévention du harcèlement

157    Le requérant fait valoir qu’aucune garantie n’a été mise en place pour permettre à ses collègues de témoigner en sa faveur, à savoir l’assurance de la confidentialité de leur identité et de leurs témoignages pour éviter des mesures de rétorsion à leur égard, et invoque une violation des points 4.2 et 4.3 de la décision sur la prévention du harcèlement.

158    Le requérant estime que cette situation a dissuadé ces personnes de témoigner, car la présidente est également leur AHCC et détient donc le pouvoir de prendre des décisions pouvant affecter leurs intérêts individuels. Or, en l’absence de témoignages, la preuve des faits et des comportements dénoncés serait quasiment impossible à rapporter.

159    À tout le moins, l’AHCC désignée aurait dû mettre en place une procédure permettant une libération de la parole pour pouvoir effectuer une évaluation préliminaire à charge et à décharge et avoir une image objective et complète des faits.

160    Or, selon le requérant, les règles internes du CRU prévoyant des mesures de protection pour les lanceurs d’alerte et les témoins seraient insuffisantes pour protéger les personnes qui viendraient à témoigner pour lui, car il aurait lui-même été victime d’une fuite de données et d’une révélation de son identité.

161    Quant à la mesure de transfert offerte aux lanceurs d’alerte, si besoin, le requérant estime qu’une personne n’a pas nécessairement envie de prendre le risque d’un tel transfert si elle témoigne en faveur d’un collègue contre son AHCC.

162    Le requérant invoque en outre le caractère non isolé de la crainte des témoins dans les agences de l’Union, en produisant un communiqué d’un syndicat relatif à l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA).

163    À cet égard, le point 4.2 de la décision sur la prévention du harcèlement prévoit que les victimes et les témoins potentiels bénéficient de la protection du CRU garantie par l’article 24 du statut et rappelle les dispositions de l’article 12 bis, paragraphe 2, dudit statut. Le point 4.3 de ladite décision a été rappelé au point 131 ci-dessus.

164    Or, en premier lieu, des mesures ont été prises pour s’assurer de l’absence d’intervention de la présidente dans le traitement de la demande d’assistance et protéger la confidentialité de cette demande à l’égard de cette dernière.

165    Tout d’abord, le 18 novembre 2021, le CRU en session plénière a suspendu temporairement la délégation des pouvoirs en qualité d’AHCC de la présidente concernant la demande d’assistance et a confié ces pouvoirs à l’AHCC désignée. Cette décision a été transmise au requérant le 22 novembre 2021 et l’avocate du requérant en a été informée le 15 décembre 2021, soit un mois et demi avant de recevoir le rapport préliminaire sur lequel il a été invité à fournir des observations et des preuves de ses allégations.

166    Ensuite, le 24 novembre 2021, la cheffe d’unité du requérant a, sur la recommandation du service de conformité, pris la mesure de protection visant à garantir l’absence de contact bilatéral et direct entre le requérant et la présidente. La cheffe d’unité a également assuré qu’elle ferait en sorte qu’il n’y ait pas d’« exposition de la situation à l’égard des collègues du requérant ». Le service de conformité a informé l’avocate du requérant de la mesure de protection le 17 décembre 2021, soit, là encore, environ un mois et demi avant que le requérant ne soit invité à fournir des observations sur le rapport préliminaire et des preuves de ses allégations.

167    Enfin, le 24 novembre 2021, le service de conformité a également demandé au vice-président et au service RH de traiter la demande d’assistance de manière confidentielle.

168    En deuxième lieu, le requérant n’établit pas que ses collègues auraient pu raisonnablement avoir des craintes de subir des représailles en cas de témoignage et s’en tient à des allégations vagues à ce sujet, après avoir affirmé à plusieurs reprises au cours de la procédure administrative qu’il fournirait des témoignages étayant ses allégations.

169    À cet égard, le 24 novembre 2021, le service de conformité a demandé au requérant de clarifier plusieurs allégations figurant dans la demande d’assistance et de fournir les preuves à même de les étayer, y compris de nommer les potentiels témoins. Ledit service a, à la demande du requérant, étendu à deux reprises le délai de réponse à cette demande, jusqu’au 22 décembre 2021.

170    Le 22 décembre 2021, le requérant a informé le service de conformité de son refus de fournir des noms de témoins, car il n’était pas sûr de la protection qui leur serait offerte, mais qu’il serait prêt à le faire dans un délai de 24 heures maximum une fois cette question clarifiée.

171    Le 12 janvier 2022, le service de conformité a informé le requérant que, dans le cadre de l’évaluation préliminaire, tous les témoins seraient traités de manière objective et que, si besoin, des mesures appropriées analogues à celles protégeant les lanceurs d’alerte figurant dans les lignes directrices du CRU sur le lancement d’alerte pouvaient être prises, à savoir :

–        la protection de l’anonymat et de la confidentialité de l’identité des lanceurs d’alerte ;

–        un transfert interne de ces derniers ;

–        la désignation du représentant de la Commission au CRU comme notateur d’appel des lanceurs d’alerte durant la procédure annuelle d’évaluation ;

–        la sanction des membres du personnel ou des responsables qui prendraient des mesures de représailles contre lesdits lanceurs d’alerte.

172    Le requérant n’a toutefois pas donné suite en fournissant des noms de témoins.

173    Dans la décision de rejet, le CRU a ainsi considéré que le service de conformité avait donné au requérant des assurances que des mesures appropriées seraient envisagées pour protéger les témoins, mais que, dans la mesure où ce dernier n’avait identifié aucun témoin, il n’avait pas été nécessaire de mettre en place des mesures spécifiques pour protéger lesdits témoins.

174    Il ressort de ce qui précède que, ainsi que le fait valoir le CRU, d’une part, le service de conformité a assuré la confidentialité de l’identité de tout témoin potentiel et de tout témoignage et a répondu aux nombreuses questions du requérant concernant la procédure et les garanties qui y étaient afférentes, mais ce dernier n’a à aucun moment communiqué de noms de témoins auxquels ledit service aurait pu s’adresser. D’autre part, l’impossibilité alléguée de tout témoignage en faveur du requérant en raison de suspicions de communication d’informations confidentielles à la présidente ne repose sur aucune preuve.

175    Le requérant soutient que les garanties sur la confidentialité ont été données par une équipe du service de conformité qui n’a jamais remis le mandat par lequel elle agissait et qu’il n’avait dès lors aucune assurance que ces garanties émanaient de l’autorité compétente.

176    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, à la suite de la décision du 18 novembre 2021 ayant confié à l’AHCC désignée le pouvoir de traiter la demande d’assistance, cette dernière a confié au service de conformité le soin de procéder à l’évaluation préliminaire conformément au point 7.3, quatrième alinéa, de la décision sur la prévention du harcèlement rappelé au point 88 ci-dessus. Or, la mesure de protection prise s’inscrit dans le cadre de cette évaluation préliminaire, laquelle a notamment nécessité d’entendre le vice-président au sujet des allégations contre la présidente. Ledit service a donc pris la mesure de protection pour permettre au requérant de recueillir d’éventuels témoignages qu’il avait annoncés, afin d’assurer l’égalité des armes.

177    En troisième lieu, le CRU considère à juste titre qu’un commencement de preuve dans le cadre d’une évaluation préliminaire peut être trouvé notamment dans des écrits, et pas seulement dans des témoignages.

178    En quatrième lieu, le communiqué du syndicat invoqué au point 162 ci-dessus concerne une autre agence et doit donc être écarté comme n’étant pas pertinent pour le recours.

179    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le second grief et, par conséquent, la deuxième branche.

c)      Sur la troisième branche, tirée d’une absence de procédure juste et équitable et d’une violation du droit d’être entendu de manière effective par l’AHCC désignée en vue d’influencer sa décision

180    Dans la troisième branche, le requérant considère ne pas avoir été entendu de manière effective avant l’adoption de la décision attaquée, car il a dû déposer des observations écrites auprès du service de conformité sur le rapport préliminaire sans être en possession de tous les documents qui avaient servi de base à ce rapport, à un moment où il n’était pas informé des intentions de l’AHCC désignée de rejeter la demande d’assistance ni de sa décision sur l’ouverture ou non d’une enquête administrative, et alors que cette dernière aurait pu changer d’avis à la suite desdites observations.

181    Premièrement, le requérant avance à cet égard que le CRU a refusé de lui fournir les décisions sur les mandats, les chaînes d’instructions, les observations du service RH et d’autres documents pour lesquels un tel niveau de confidentialité et de secret n’était pas justifié, y compris sous la forme d’un résumé avant l’adoption de la décision attaquée. Il conteste en particulier un refus d’accès à son dossier et fait valoir que cet accès ne peut être satisfait par la communication d’un résumé subjectif du dossier, sans garantie de sa véracité ni connaissance du nom de son rédacteur.

182    Deuxièmement, le fait de ne pas avoir sollicité l’accès aux documents litigieux au moment de formuler ses observations sur le rapport préliminaire ne serait pas pertinent. D’une part, l’origine des informations contenues dans ledit rapport aurait déjà été questionnée à ce stade. D’autre part, ayant déposé la demande d’accès le 11 mars 2022 et l’ayant réitérée dans la réclamation, le requérant estime avoir ainsi laissé la possibilité au CRU de corriger l’irrégularité procédurale au stade précontentieux, ce que celui-ci n’aurait toutefois pas fait, la plupart des documents demandés n’ayant toujours pas été produits in extenso ni même, pour certains, dans une version résumée.

183    Troisièmement, le requérant considère avoir été privé d’une chance de pouvoir établir les faits dénoncés et que, en l’absence de cette irrégularité, il aurait pu être en mesure de clarifier des contradictions figurant dans le rapport préliminaire, être plus éclairé pour convaincre l’AHCC désignée de la véracité de ses allégations et formuler des demandes visant à ce que d’autres personnes que le vice-président soient entendues.

184    Le CRU conteste l’argumentation du requérant.

185    À cet égard, premièrement, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’une procédure telle que celle en cause, la prétendue victime d’un harcèlement peut se prévaloir du droit d’être entendue, au titre du principe de bonne administration garanti à l’article 41 de la Charte, lequel prévoit, à son paragraphe 1, que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et les organes de l’Union (arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 56).

186    L’article 41, paragraphe 2, de la Charte dispose que le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard, le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires, ainsi que l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions (arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 57).

187    En particulier, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 58 et jurisprudence citée).

188    Le droit d’être entendu vise en particulier à garantir que toute décision faisant grief est adoptée en pleine connaissance de cause et a notamment pour objectif de permettre à l’autorité compétente de corriger une erreur ou à la personne concernée de faire valoir les éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent pour que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (voir arrêts du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 85 et jurisprudence citée, et du 2 mai 2019, QH/Parlement, T‑748/16, non publié, EU:T:2019:274, point 52 et jurisprudence citée).

189    Deuxièmement, la décision qui rejette une demande d’assistance et, partant, conclut à l’absence d’un harcèlement moral est une mesure individuelle prise à l’égard de l’auteur de cette demande qui l’affecte défavorablement, au sens de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 55).

190    Dès lors, l’auteur d’une demande d’assistance doit nécessairement, conformément à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, être utilement entendu avant qu’une décision de rejet de la demande d’assistance ne soit adoptée par l’administration. Cela implique qu’il soit préalablement entendu sur les motifs que l’administration entend invoquer au soutien du rejet de cette demande (voir arrêt du 2 mai 2019, QH/Parlement, T‑748/16, non publié, EU:T:2019:274, point 53 et jurisprudence citée).

191    En outre, il appartient à l’institution, l’organisme ou l’organe de l’Union d’apporter la preuve que l’intéressé a été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet d’un projet de décision rejetant sa demande d’assistance ou sa plainte pour harcèlement moral, dans le cadre d’un échange écrit ou oral amorcé par l’administration (voir, en ce sens, arrêts du 2 mai 2019, QH/Parlement, T‑748/16, non publié, EU:T:2019:274, point 54 et jurisprudence citée, et du 19 avril 2023, OD/Eurojust, T‑61/22, non publié, EU:T:2023:201, point 48 et jurisprudence citée).

192    À ce titre, l’auteur de la demande d’assistance est en droit, pour pouvoir présenter utilement ses observations avant que l’institution concernée ne prenne une décision, de se faire communiquer, à tout le moins, un résumé des déclarations de la personne accusée de harcèlement et des différents témoins entendus au cours de la procédure d’enquête, la communication de ce résumé devant être effectuée, le cas échéant, dans le respect du principe de confidentialité. Il en va ainsi dans la mesure où ces déclarations ont été utilisées dans le rapport remis à l’autorité qui a pris la décision de ne pas donner suite à la plainte pour harcèlement et qui comprenait des recommandations au regard desquelles cette autorité avait fondé sa décision (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 60 et jurisprudence citée).

193    À cet égard, afin de garantir la confidentialité des témoignages et les objectifs que celle-ci protège, tout en s’assurant que c’est utilement que la partie requérante est entendue avant qu’une décision lui faisant grief ne soit adoptée, il peut être recouru à certaines techniques telles que l’anonymisation, voire la divulgation de la substance des témoignages sous la forme d’un résumé, ou encore le masquage de certaines parties du contenu des témoignages (voir arrêt du 25 juin 2020, HF/Parlement, C‑570/18 P, EU:C:2020:490, point 66 et jurisprudence citée ; arrêt du 2 février 2022, LU/BEI, T‑536/20, non publié, EU:T:2022:40, point 58).

194    En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que, pour statuer sur la demande d’assistance, l’AHCC désignée disposait de l’intégralité du rapport préliminaire et des commentaires du vice-président et du service RH sur les allégations formulées dans cette demande.

195    Le requérant a, quant à lui, eu accès, avant la décision attaquée, à la version intégrale et non expurgée du rapport préliminaire, que l’AHCC désignée lui a spontanément transmise le 31 janvier 2022. Celle-ci l’a alors informé qu’elle envisageait de rejeter la demande d’assistance et l’a invité à déposer des observations écrites sur ce rapport, ce que le requérant a fait le 7 février 2022, soit préalablement à la décision attaquée.

196    Le requérant n’a en revanche pas eu accès, avant l’adoption de la décision attaquée, aux observations du vice-président et du service RH fournies dans le cadre de l’évaluation préliminaire. En effet, des résumés de ces observations n’ont été fournis que plusieurs semaines après cette décision, le 28 mars 2022, après que le requérant a demandé, le 11 mars 2022, l’accès au dossier.

197    Toutefois, le rapport préliminaire a exposé de manière détaillée les raisons pour lesquelles le service de conformité recommandait à l’AHCC désignée le rejet de la demande d’assistance et reprenait en substance les observations du vice-président et du service RH sur les allégations figurant dans cette demande et recueillies par le service de conformité dans le cadre de l’évaluation préliminaire, telles qu’elles figurent dans les résumés transmis au requérant le 28 mars 2022.

198    Le requérant a donc eu accès, par le biais du rapport préliminaire, au contenu des déclarations utilisées par le service de conformité pour recommander à l’AHCC désignée de rejeter la demande d’assistance.

199    Or, dans ses observations du 7 février 2022, le requérant s’est contenté de relever que, durant l’évaluation préliminaire, plusieurs personnes, dont le vice-président, avaient été contactées, mais qu’aucune copie ni aucun résumé de leurs déclarations ne lui avaient été transmis. Toutefois, il n’a pas demandé ces documents à ce moment-là et a attendu le 11 mars 2022, soit plus de trois semaines après s’être vu notifier la décision attaquée, pour introduire une telle demande.

200    En outre, si le requérant a relevé que les copies de ces déclarations, ou un résumé de celles-ci, ne lui avaient pas été fournies, c’était pour dénoncer l’absence d’impartialité du vice-président et se plaindre du fait que, au moment où il lui avait été demandé de commenter le rapport préliminaire, le CRU n’avait pas encore pris sa décision sur la reconnaissance de son statut de lanceur d’alerte et ne lui avait pas encore donné selon lui de garanties pour protéger les potentielles personnes susceptibles de témoigner en sa faveur.

201    En revanche, sur le fond, aucun des commentaires du service RH et du vice-président repris dans le rapport préliminaire n’a suscité de réaction de la part du requérant dans ses observations du 7 février 2022.

202    En particulier, le requérant n’a formulé des observations que sur trois allégations sur lesquelles le vice-président et le service RH avaient respectivement réagi, à savoir le déroulement de la réunion du 19 septembre 2018, son absence de reclassement et le transfert de certains de ses collègues dans d’autres services. Toutefois, s’agissant de cette réunion, dans ses observations du 7 février 2022, le requérant n’a pas évoqué les commentaires du vice-président repris dans le rapport préliminaire et s’est contenté de soutenir que le ton et les mots employés lors de cette réunion devaient être considérés comme étant la répétition d’un comportement inapproprié à son égard. S’agissant de son absence de reclassement et du transfert de certains de ses collègues dans d’autres services, le requérant s’est contenté de répéter la teneur du rapport préliminaire et de déplorer l’impossibilité de fournir des témoignages, sans réagir aux commentaires du service RH sur la question du reclassement et des transferts repris dans le rapport préliminaire.

203    Le reste des observations du 7 février 2022 porte sur des allégations de harcèlement pour lesquelles ni le service RH ni le vice-président n’ont formulé de commentaires.

204    Ainsi, premièrement, concernant un hurlement de la présidente contre le requérant dans les jours qui ont suivi la réunion du 19 septembre 2018 et l’insulte que la présidente aurait proférée, à une date non précisée, contre le requérant, ce dernier s’est contenté, d’une part, de répéter la teneur du rapport préliminaire et de reprocher au CRU de ne pas avoir enquêté sur le comportement dénoncé et, d’autre part, de contester le fait que ledit rapport lui reproche de ne pas se souvenir des mots exacts utilisés par le CRU plus de trois ans auparavant. Il a indiqué à cet égard vouloir s’en remettre à des témoins, mais qu’il ne pouvait pas le faire en l’absence de garanties permettant de recueillir des témoignages.

205    Deuxièmement, concernant l’absence de réponse de la présidente aux courriels du requérant, et notamment à celui qu’il lui a envoyé le 28 novembre 2020 avant de partir pour trois mois en congé de convenance personnelle, du 1er décembre 2020 au 1er mars 2021, le requérant a avancé que l’absence de réponse et l’absence d’autre communication de la présidente étaient suffisamment probantes.

206    Troisièmement, le requérant a dénoncé le caractère partial du rapport préliminaire en ce qu’il se serait référé à une information non pertinente et erronée sur le contexte dans lequel il avait pu suivre une formation à distance à l’issue de laquelle il avait soutenu son mémoire, critique sur la gouvernance du CRU, qui avait déclenché une réaction négative de la présidente, et qu’il considérait comme étant le point de départ de son harcèlement. Cette observation n’est explicitement liée à aucun commentaire du vice-président ou du service RH.

207    Par conséquent, aucune des déclarations du service RH et du vice-président fournies durant l’évaluation préliminaire, et reprises dans le rapport préliminaire, n’a suscité de réaction de la part du requérant dans ses observations du 7 février 2022.

208    Enfin, s’agissant des décisions sur les mandats et les chaînes d’instructions réclamés par le requérant, ces documents ne concernent pas le fond des allégations, mais des questions procédurales. En tout état de cause, celui-ci a eu accès, le 22 novembre 2021, à la décision du 18 novembre 2021 suspendant les pouvoirs de la présidente au profit de l’AHCC désignée et, le 17 décembre 2021, au résumé de la mesure de protection prise à son égard le 24 novembre 2021 pour lui éviter tout contact direct avec la présidente.

209    Il y a donc lieu de rejeter la troisième branche et, par conséquent, le premier moyen.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 24 du statut ainsi que des devoirs de sollicitude et d’assistance et d’une mauvaise administration

210    Le deuxième moyen se divise en substance en trois branches respectivement tirées :

–        d’une insuffisance de la mesure de protection adoptée par le service de conformité et de l’absence de mesure de protection prise par l’AHCC désignée ;

–        d’une absence de traitement ou d’un traitement tardif d’autres problématiques dénoncées et n’ayant pas empêché les mesures de représailles contre le requérant ;

–        d’une contestation du comportement de l’administration relatif à la complication de la procédure de traitement de la demande d’assistance.

211    À titre liminaire, selon la jurisprudence, le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut et le RAA ont créé dans les relations entre l’autorité publique et ses agents. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui de l’agent concerné (voir arrêts du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 162 et jurisprudence citée, et du 5 juillet 2023, OC/SEAE, T‑770/21, non publié, EU:T:2023:378, point 163 et jurisprudence citée).

a)      Sur la première branche, tirée d’une insuffisance de la mesure de protection adoptée par le service de conformité et de l’absence de mesure de protection prise par l’AHCC désignée

212    La première branche se divise en substance en trois griefs.

213    Le CRU conteste l’argumentation du requérant.

1)      Sur l’insuffisance et l’inefficacité de la mesure de protection adoptée

214    Le requérant invoque l’insuffisance et l’inefficacité de la mesure de protection en ce que, d’une part, des interactions ont continué d’avoir lieu après l’adoption de cette mesure et que, d’autre part, ladite mesure a conduit à l’isoler encore plus.

215    À cet égard, il ressort du dossier que la mesure de protection, adoptée le 24 novembre 2021, qui consistait à limiter les contacts directs et bilatéraux entre le requérant et la présidente, a été prise par la cheffe d’unité de ce dernier sur recommandation du service de conformité, alors chargé de l’évaluation préliminaire. Ce service en a informé l’avocate du requérant le 17 décembre 2021.

216    En premier lieu, s’agissant des interactions qui auraient continué d’avoir lieu après l’adoption de la mesure de protection, le requérant invoque cinq échanges avec la présidente. Or, la présidente n’est à l’origine d’aucun de ces échanges et n’a fait que répondre aux courriels concernés qui lui étaient envoyés, sur un ton professionnel et courtois qui ne révèle aucune animosité de sa part, notamment à l’encontre du requérant.

217    Ainsi, trois de ces échanges ont été initiés par des courriels du requérant. Le premier l’a été le 17 novembre 2021, soit avant l’adoption de la mesure de protection, et le deuxième les 6 et 13 décembre 2021, soit à des dates où celui-ci n’était pas encore informé de ladite mesure. Le troisième, du 26 janvier 2022, a débuté par un courriel du requérant à la présidente lui demandant son autorisation pour lancer [confidentiel], auquel la présidente a poliment répondu en donnant son accord.

218    Les deux autres échanges sont des courriels dans lesquels le requérant n’était qu’en copie. Le premier a été initié par un courriel du 21 décembre 2021, signé « Session exécutive du CRU », qui transmettait à la présidente un projet de compte rendu d’une réunion pour lui demander de le revoir et d’incorporer ses commentaires, et auquel cette dernière a poliment répondu le 22 décembre 2021. Le second a débuté par un courriel du 11 janvier 2022, envoyé par la cheffe d’unité du requérant, qui demandait à la présidente d’approuver plusieurs documents. Cette dernière y a répondu par un remerciement.

219    Par conséquent, aucun desdits échanges invoqués n’établit l’insuffisance et l’inefficacité alléguées de la mesure de protection.

220    Par ailleurs, le service RH a pris une autre mesure, examinée dans le cadre de la deuxième branche de ce moyen (voir point 250 ci-après), visant à ce que la présidente n’intervienne pas dans l’évaluation du requérant dans le cadre de l’exercice d’évaluation annuelle portant sur l’année 2021, lancé le 12 janvier 2022 (ci-après l’« exercice d’évaluation 2022 »). Cette mesure avait donc le même objectif que la mesure de protection et en renforçait l’efficacité.

221    En second lieu, le requérant considère que la mesure de protection a eu comme conséquence de l’isoler encore plus. Il estime à cet égard que les mesures adoptées par le CRU dans le cadre de son devoir d’assistance doivent être appréciées globalement à l’égard du type de faits de harcèlement dénoncés et sont adoptées par une autorité disposant des pouvoirs d’AHCC à son égard qui s’en sert également comme « véhicule de harcèlement ». Or, d’une part, les faits dénoncés seraient, à une exception près, des actes passifs ou des omissions constitués de promesses non tenues, d’un isolement et d’un rabaissement constant, d’un blocage insidieux de sa carrière et de la prise de décisions injustifiées et non motivées. D’autre part, il aurait continuellement demandé à être détaché dans un autre service pour être soustrait à ces comportements et aurait été peu à peu poussé vers un épuisement professionnel et la démission de ses fonctions par la présidente.

222    À cet égard, la mesure de protection ne saurait constituer un commencement de preuve du harcèlement invoqué, dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’urgence, prise par précaution, sans préjuger de la véracité des allégations du requérant (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 150).

223    Ensuite, l’allégation selon laquelle la mesure de protection aurait eu comme conséquence d’isoler encore plus le requérant est contredite par l’argument précédent dénonçant le fait que ladite mesure aurait été insuffisante et inefficace, car elle n’aurait pas permis de mettre fin aux interactions. En outre, les échanges rappelés aux points 216 à 218 ci-dessus montrent au contraire que, postérieurement à ladite mesure, le requérant est resté impliqué dans les dossiers relevant de son unité.

224    Par ailleurs, les faits de harcèlement invoqués sont antérieurs à la mesure de protection adoptée et le requérant n’explique pas en quoi aurait consisté cet isolement avant ladite mesure.

225    En outre, si le requérant laisse ainsi entendre qu’il était déjà isolé avant la mesure de protection, de nombreux éléments du dossier montrent le contraire.

226    Premièrement, ses demandes de mobilité dans un autre service du CRU ont été refusées au motif que sa présence était nécessaire dans le service dans lequel il travaillait. Le requérant a fait valoir à cet égard que, lors d’une réunion du 13 octobre 2020, la présidente lui avait refusé une telle demande au motif que « ses compétences et son intelligence » étaient nécessaires au sein du [confidentiel], ce qui, comme le souligne le CRU, constituait un compliment adressé au requérant.

227    Deuxièmement, le requérant affirme, en ce qui concerne le grief sur la prétendue approbation cynique de sa demande de congé spécial par la présidente le 20 octobre 2020, qu’« il expliquait constamment dans les réunions avec [cette dernière] que [lui], le [confidentiel] et d’autres collègues dans l’organisation étaient très fatigués et au bord de l’épuisement professionnel ». Ces réunions répétées avec la présidente et la lourde charge de travail alléguée qui pesait sur lui et plusieurs de ses collègues contredisent son prétendu isolement.

228    Troisièmement, la demande de congé spécial du requérant pour suivre une formation et apprendre l’allemand à l’automne 2021, envoyée à la présidente le 17 août 2021, a été rejetée par cette dernière le lendemain, après que celle-ci s’était entretenue à ce sujet avec la cheffe d’unité faisant fonction du requérant sur les besoins et la charge de travail du [confidentiel]. Le motif du refus, fondé sur l’intérêt du service, car cette charge de travail serait à son pic durant la période concernée par la formation demandée, révèle que les deux supérieures hiérarchiques du requérant jugeaient la présence de ce dernier indispensable dans son service.

229    Quatrièmement, dans son courriel envoyé à la présidente le 28 novembre 2020, avant son départ en congé sans solde et de convenance personnelle de trois mois, du 1er décembre 2020 au 1er mars 2021, le requérant informait la présidente de l’achèvement du processus de transfert de ses dossiers auprès de ses collègues durant son absence, s’est plaint de sa lourde charge de travail, a fait valoir l’importance de ses responsabilités et de [confidentiel] dans le cadre de ses fonctions et a cité à titre d’exemple le fait qu’il était chargé de [confidentiel]. Ces éléments contredisent là encore son prétendu isolement professionnel.

230    Cinquièmement, l’allégation d’épuisement professionnel, qui serait dû au fait qu’il avait trop de travail, le contredit aussi.

231    Sixièmement, les rapports d’évaluation du requérant pour les années 2018 à 2021 ne révèlent pas non plus un tel isolement. Ses évaluateurs y ont au contraire souligné la qualité de son travail, l’étendue de ses responsabilités, sa forte implication, la qualité de ses résultats et son efficacité. Ainsi, dans le rapport d’évaluation pour l’année 2020, son évaluatrice a notamment souligné qu’il dirigeait l’équipe chargée de [confidentiel]. Dans ce rapport et dans celui pour l’année 2021 (ci-après le « rapport d’évaluation 2021 »), elle a ajouté qu’il [confidentiel] et elle a loué sa précieuse contribution sur beaucoup de dossiers, sa forte implication, la qualité de ses résultats et son efficacité. Les rapports d’évaluation 2019 et 2021 ont également mentionné la visibilité accrue du requérant au sein du CRU.

232    Dans son auto-évaluation au titre des quatre exercices concernés par lesdits rapports, le requérant a aussi mis en évidence l’importance de ses responsabilités et de ses contributions [confidentiel], la qualité des résultats obtenus, ses nouvelles initiatives et sa charge de travail élevée. Dans le rapport d’évaluation pour l’année 2020, il a en outre fait valoir qu’il avait fait partie du personnel critique qui avait été mobilisé pendant la pandémie de COVID-19. En outre, si, dans le rapport d’évaluation 2019, il a indiqué qu’« il s’était souvent retrouvé seul », il a précisé que cette situation était due à des circonstances extérieures telles que le départ et l’arrivée de personnel d’appui et l’absence de longue durée de l’un de ses collègues. Enfin, si, dans le rapport d’évaluation 2021, il a souligné que sa charge de travail avait diminué, même s’il la jugeait toujours élevée, il avait été absent durant les deux premiers mois de l’année 2021 durant son congé de convenance personnelle et n’avait repris son travail que le 1er mars 2021.

233    Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter le premier grief.

2)      Sur le fait que ce soit le service de conformité qui ait pris la mesure de protection, et non l’AHCC désignée

234    Le requérant conteste le fait que ce soit le service de conformité qui ait pris la mesure de protection, et non l’AHCC désignée. Premièrement, il invoque l’absence de communication de documents concernant la suspension des pouvoirs, le champ des compétences retirées et la durée de cette suspension, laissant présumer que ces documents n’existaient pas, le caractère inconnu de l’entité ayant nommé l’AHCC désignée et l’indication, dans un courriel de cette dernière du 8 mars 2022, que cette désignation aurait été effectuée par la présidente.

235    Deuxièmement, le requérant avance le fait que le service de conformité a pris la mesure de protection, d’une part, sans que l’identité des personnes dudit service investies d’un pouvoir de décision lui soit communiquée, et alors que ce service exerce ses compétences sous la supervision de la présidente, et, d’autre part, sans en informer l’AHCC désignée et sans laisser cette dernière mener seule sa réflexion en vue de la décision finale.

236    À cet égard, premièrement, l’entité qui a nommé le membre du CRU en tant qu’AHCC désignée était connue du requérant. Il s’agit de la session plénière du CRU, ainsi qu’il ressort de la décision de cette dernière du 18 novembre 2021. En outre, cette décision précisait l’étendue et la durée de la suspension des pouvoirs de la présidente (voir points 9 et 59 ci-dessus). Elle a été communiquée par le service juridique au requérant quatre jours après son adoption, le 22 novembre 2021. La décision attaquée indique que la présidente n’a pas pris part à cette décision.

237    Dans ce contexte, le courriel de l’AHCC désignée du 8 mars 2022 indiquant au requérant que c’était la présidente qui lui avait temporairement délégué les pouvoirs d’AHCC pour la procédure relative à la demande d’assistance n’est pas probant à cet égard.

238    Deuxièmement, c’est dans le cadre de l’évaluation préliminaire qu’a été prise la mesure de protection, ce qui explique que ce soit le service de conformité, chargé par l’AHCC désignée de conduire ladite évaluation, qui ait suggéré l’adoption de cette mesure à la cheffe d’unité du requérant et que ce ne soit donc pas cette AHCC qui l’ait prise.

239    Il convient donc de rejeter le deuxième grief.

3)      Sur le fait que l’AHCC désignée n’a jamais pris contact avec le requérant pour déterminer si la mesure de protection était suffisante

240    Le requérant déplore que l’AHCC désignée n’a jamais pris contact avec lui pour déterminer si la mesure de protection était suffisante et que, lorsqu’elle a été contactée en mars 2022, elle a répondu qu’elle n’agissait plus en tant qu’AHCC le concernant.

241    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le service de conformité a informé l’avocate du requérant de la mesure de protection le 17 décembre 2021. Or, dans ses observations du 22 décembre 2021, le requérant n’a pas réagi à ladite mesure.

242    Ensuite, lorsque l’AHCC désignée a notifié au requérant le rapport préliminaire le 31 janvier 2022, elle l’a invité à soumettre des observations. Ladite AHCC lui a donc donné, à cette date, la possibilité de s’exprimer, le cas échéant, sur la mesure de protection prise, dont il était alors informé depuis au moins un mois et demi. C’est ce que le requérant a fait, dans ses observations du 7 février 2022. Le grief est donc factuellement erroné.

243    Il convient donc de rejeter le troisième grief et, par conséquent, la première branche.

b)      Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de traitement ou d’un traitement tardif d’autres problématiques dénoncées et n’ayant pas empêché les mesures de représailles contre le requérant

244    Dans la deuxième branche, le requérant invoque en substance quatre griefs.

245    Le CRU conteste l’argumentation du requérant.

246    En premier lieu, le requérant fait valoir que, après que la présidente a retrouvé ses compétences d’AHCC, le 15 février 2022, elle est restée l’agent validateur de son rapport d’évaluation et son notateur d’appel dans le cadre de l’exercice d’évaluation 2022, ce qui lui donnait la possibilité de poursuivre son harcèlement contre lui. Aussi, à sa demande, par une décision du 2 mars 2022, les rôles d’évaluateur et de validateur auraient été attribués à deux autres personnes dans le cadre dudit exercice d’évaluation, ce qui démontrerait que la mesure de protection n’avait pas été suffisante.

247    Ce changement constituerait toutefois une mesure de rétorsion prise par la présidente à l’égard du requérant, l’évaluateur et le validateur désignés étant sous la hiérarchie de cette dernière et la demande de celui-ci visant à ce que des personnes externes au CRU soient désignées comme évaluateurs le concernant n’aurait pas été suivie.

248    En outre, ledit changement, effectué après le rejet de la demande d’assistance, démontrerait que l’intervention de la présidente demeurait problématique et qu’il était indispensable, dans l’intérêt du service, que le requérant soit détaché ou transféré. La décision de ne pas l’avoir détaché ou transféré serait arbitraire.

249    À titre liminaire, il convient de préciser que, durant le dernier exercice d’évaluation lancé après le dépôt de la demande d’assistance, à savoir l’exercice d’évaluation 2022, l’évaluateur du requérant n’a pas changé. Il s’agissait de sa cheffe d’unité, et non de la présidente. C’est ce qui ressort du rapport d’évaluation 2021, adopté dans le cadre de cet exercice d’évaluation le 14 mars 2022. Cette situation était conforme à l’article 3, paragraphe 1, de la décision du CRU du 25 mars 2015 portant dispositions générales d’exécution de l’article 43 et de l’article 44, premier alinéa, du statut pour les agents temporaires (ci-après les « DGE 43 »), en vertu duquel l’évaluateur est le supérieur direct de l’agent et, en principe, son chef d’unité.

250    Le 2 mars 2022, le service anti-harcèlement a informé le requérant d’un changement de validateur et de notateur d’appel le concernant pour l’exercice d’évaluation 2022, en remplacement de la présidente. Ont été respectivement désignés pour tenir ces rôles deux membres permanents du CRU. Le CRU relève en outre à juste titre que c’est à la demande du requérant que cette mesure a été prise.

251    Or, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, des DGE 43, l’intervention du validateur n’est prévue que lorsque le rapport d’évaluation conclut au caractère insatisfaisant du niveau des prestations de l’agent. Dans ce cas, le validateur doit confirmer ledit rapport. Par ailleurs, l’article 7, paragraphe 1, des DGE 43 prévoit que le notateur d’appel n’intervient que lorsque l’agent refuse le rapport d’évaluation.

252    En l’espèce, le rapport d’évaluation 2021 était satisfaisant et le requérant n’a pas introduit d’appel contre ce rapport. Par conséquent, ni le validateur ni le notateur d’appel désignés par la mesure du 2 mars 2022 n’ont eu à intervenir. Le requérant n’établit donc pas de quelle manière le harcèlement allégué de la présidente se serait manifesté à l’occasion de l’exercice d’évaluation 2022.

253    Il convient donc de rejeter le premier grief.

254    En deuxième lieu, le requérant fait valoir que la présidente a géré la plupart des autres aspects de son dossier jusqu’à la fin de son mandat, qui serait intervenue le 22 décembre 2022. Toutefois, le requérant ne précise pas ce qu’étaient ces « autres aspects » ni, a fortiori, les mesures de représailles qui auraient pu s’ensuivre. Le deuxième grief doit donc être écarté comme étant irrecevable sur le fondement de l’article 76 du règlement de procédure.

255    En troisième lieu, le requérant déplore de ne pas avoir été informé d’un changement de directeur et d’AHCC intervenu dans la procédure de non-renouvellement de son contrat et le fait que la recommandation faite par sa cheffe d’unité était fondée sur les motifs de la demande d’assistance. Ces circonstances confirmeraient ses craintes de représailles et l’insuffisance de la mesure de protection pour éviter tout préjudice futur pour sa carrière.

256    À cet égard, ce grief concerne des faits postérieurs à la décision attaquée. En tout état de cause, le requérant n’invoque aucun élément permettant d’établir que la décision de non-renouvellement de son contrat a été prise par la présidente ou le vice-président et constituerait ainsi, comme il le prétend, une mesure de représailles.

257    En particulier, le requérant a été informé, le 9 décembre 2022, de l’intention de sa cheffe d’unité de ne pas renouveler son contrat, soit treize jours avant la fin du mandat de la présidente, qui serait intervenue le 22 décembre 2022. Il a déposé des observations à cet égard le 13 janvier 2023, soit après l’entrée en fonction du nouveau président, et la décision de non-renouvellement dudit contrat a été prise par ce dernier le 22 février 2023. C’est en outre le nouveau président qui, le 27 février 2023, a pris la décision de le décharger de ses fonctions à compter du 1er mars 2023.

258    Il convient donc de rejeter le troisième grief.

259    En quatrième lieu, le requérant considère que d’autres moyens auraient dû être mis en œuvre, notamment un transfert ou un détachement, et invoque à cet égard le point 7.4 de la décision sur la prévention du harcèlement. Ses demandes de transfert dans un autre directorat auraient été rejetées à cause de sa plainte pour harcèlement, alors qu’un détachement le concernant aurait été possible et que plusieurs de ses collègues auraient bénéficié d’une telle mesure.

260    À cet égard, le requérant a invoqué au titre du harcèlement allégué le rejet par la présidente de plusieurs demandes de transfert interne vers un autre service ou de détachement dans une autre agence pour échapper au contexte de harcèlement et à la suite des recommandations de ses chefs d’unité, dont son ancien chef d’unité devenu vice-président.

261    Or, en vertu de la jurisprudence, le CRU dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de ses services en fonction des missions qui lui sont confiées et dans l’affectation, en vue de de celles-ci, du personnel qui se trouve à sa disposition, à la condition cependant que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et dans le respect de la correspondance entre le grade et l’emploi (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2013, BY/AESA, F‑81/11, EU:F:2013:82, point 52 et jurisprudence citée).

262    En outre, en vertu du point 7.4, premier alinéa, de la décision sur la prévention du harcèlement, le CRU peut transférer une victime alléguée de harcèlement vers une autre unité ou un autre département dans l’intérêt du service. Un tel transfert peut intervenir à titre préventif pour mettre fin à une situation donnée et pour donner une chance à la victime de se rétablir.

263    Les règles et la jurisprudence applicables n’obligeaient donc pas l’autorité compétente à faire droit aux demandes de mobilité interne ou de transfert externe du requérant.

264    Le requérant a d’ailleurs reconnu lors de l’audience que la définition de l’intérêt du service incombait à l’AHCC et donc, le concernant, à la présidente.

265    En outre, la mesure de protection avait été prise pour empêcher tout contact bilatéral direct entre le requérant et la présidente. Or, parmi les demandes de transfert effectuées, lors d’une réunion du 13 octobre 2020, le requérant avait demandé à la présidente une mobilité en tant que « policy assistant » auprès d’elle, demande que la présidente a écartée lors d’une réunion qui se serait tenue en novembre 2020. Ainsi que le relève le rapport préliminaire, cette demande de poste pour travailler auprès de la présidente est difficile à concilier avec les accusations de harcèlement du requérant à l’encontre de cette dernière.

266    Il y a donc lieu de rejeter le quatrième grief et, par conséquent, la deuxième branche.

c)      Sur la troisième branche, contestant le comportement de l’administration relatif à la complication de la procédure de traitement de la demande d’assistance

267    Dans la troisième branche, le requérant invoque une violation du principe de bonne administration et des devoirs d’assistance et de sollicitude résultant de la pression administrative mise sur lui par la démultiplication des procédures et des coûts engendrés par celles-ci. Il se plaint à cet égard :

–        d’un alourdissement considérable du poids temporel et financier de la procédure du fait de la complication inutile de celle-ci par le CRU pour accéder à certains documents ;

–        d’un formalisme excessif en matière linguistique du fait, d’une part, que le CRU a répondu en anglais à la réclamation introduite en français et, d’autre part, du reproche que le CRU lui a fait, dans le cadre de la procédure d’accès aux documents, de ne pas avoir introduit son appel devant le comité d’appel en anglais ;

–        du refus systématique de reporter des dates de réunion fixées pendant des congés de convenance personnelle, des contrôles médicaux ou des périodes de congé de son conseil.

268    Le CRU conteste l’argumentation du requérant.

269    S’agissant, en premier lieu, du traitement des demandes d’accès, celles-ci sont postérieures à la décision attaquée. En tout état de cause, le CRU rappelle à juste titre que les demandes d’accès des 11 mars et 9 mai 2022 étaient très larges et reposaient sur plusieurs bases juridiques, ce qui a nécessité l’intervention de plusieurs services compétents.

270    En outre, le CRU a donné accès au requérant, d’une part, aux déclarations du service RH et du vice-président sur lesquelles se fondent la décision attaquée et, d’autre part, aux informations essentielles sur le traitement de la demande d’assistance, notamment sur les délégations de pouvoir aux entités chargées du traitement de son dossier et la mesure de protection prise à son égard.

271    Le fait que les autres documents demandés (rappelés au point 22 ci-dessus) et non fournis fassent l’objet d’une autre procédure administrative encore en cours (voir sixième grief de la première branche du premier moyen, point 115 ci-dessus) ne saurait donc caractériser une violation du principe de bonne administration, du devoir d’assistance et de sollicitude dans le cadre de la procédure liée à la demande d’assistance.

272    S’agissant, en deuxième lieu, du traitement linguistique de la procédure, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il incombe aux institutions, en vertu du devoir de sollicitude, d’adresser à un fonctionnaire une décision individuelle libellée dans une langue que celui-ci maîtrise de façon approfondie, sans que celles-ci soient tenues d’adresser une telle décision audit fonctionnaire dans la langue du choix de ce dernier (voir, en ce sens, arrêts du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, EU:T:2000:86, point 46 ; du 17 mai 2006, Lavagnoli/Commission, T‑95/04, EU:T:2006:131, point 48, et du 21 octobre 2015, AQ/Commission, F‑57/14, EU:F:2015:122, point 61 et jurisprudence citée).

273    Les institutions ne sont pas non plus tenues de répondre à la demande d’un fonctionnaire dans la même langue que celle utilisée dans ladite demande, sous peine d’aboutir à des difficultés insurmontables pour les institutions (voir ordonnance du 7 octobre 2009, Marcuccio/Commission, F‑122/07, EU:F:2009:134, point 63 et jurisprudence citée).

274    Or, le CRU fait valoir, sans être contredit par le requérant, que sa langue de travail est l’anglais pour tout son personnel. En outre, le requérant a soumis la demande d’assistance en anglais et, avant le dépôt de la réclamation, a toujours communiqué avec le CRU dans le cadre de la procédure relative à cette demande dans cette langue et n’a utilisé le français que dans la réclamation. Par ailleurs, dans le cadre de la procédure portée devant le comité d’appel, ne relevant pas du présent recours, ledit comité a confirmé, le 21 octobre 2022, que l’anglais était la langue de procédure, après que le requérant avait soumis sa demande confirmative d’accès aux documents visés au point 22 ci-dessus en anglais.

275    En troisième lieu, l’argument tiré du refus systématique de reporter des dates de réunion fixées pendant des congés de convenance personnelle, des contrôles médicaux ou des périodes de congé de son conseil n’est pas étayé, le requérant n’indiquant pas à quelles réunions il faisait référence.

276    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter la troisième branche et, par conséquent, le deuxième moyen.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des éléments présentés dans la demande d’assistance, d’une contestation de la méthodologie appliquée et d’une violation de l’article 12 bis du statut

277    Dans le troisième moyen, divisé en quatre branches, le requérant estime que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’article 12 bis du statut concernant :

–        la méthodologie utilisée pour analyser l’existence d’éléments suffisants au soutien de la demande d’assistance ;

–        les remarques désagréables et constantes qui lui auraient été adressées ;

–        le fait pour le CRU d’avoir écarté comme preuves du harcèlement invoqué son absence de reclassement, le rejet de ses demandes de transfert vers un autre service ou de détachement externe, l’utilisation contre lui de la présente procédure comme motif de non-renouvellement de son contrat et le fait pour le CRU d’avoir ainsi compartimenté sa situation sans la prendre en considération de façon globale pour minimiser ses allégations ;

–        l’impact sur sa santé.

278    À titre liminaire, selon une jurisprudence constante, la notion de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut se définit comme une « conduite abusive » qui, premièrement, se matérialise par des comportements, paroles, actes, gestes ou écrits manifestés « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus, qui sont « intentionnels » et non « accidentels ». Deuxièmement, pour relever de cette notion, ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits doivent avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne (voir arrêts du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 59 et jurisprudence citée, et du 5 juillet 2023, OC/SEAE, T‑770/21, non publié, EU:T:2023:378, point 75 et jurisprudence citée).

279    L’agissement en cause devant, en vertu de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, présenter un caractère abusif, la qualification de harcèlement est subordonnée à la condition que celui-ci revête une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, considérerait le comportement ou l’acte en cause comme excessif et critiquable (voir arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 60 et jurisprudence citée).

280    Le fait qu’un fonctionnaire ait des relations difficiles, voire conflictuelles, avec ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques ne constitue pas à lui seul la preuve d’un harcèlement moral (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 78 et jurisprudence citée ; arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 128).

281    Par ailleurs, si l’administration constate une absence de commencement de preuve des allégations de harcèlement invoquées dans la demande d’assistance, elle peut décider de rejeter cette demande sans ouvrir d’enquête administrative (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 148).

282    En l’espèce, bien que le troisième moyen soit formellement tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des éléments présentés dans la demande d’assistance et d’une violation de l’article 12 bis du statut en ce que l’AHCC désignée aurait conclu à tort à l’absence de harcèlement moral, le requérant, ainsi que cela a été confirmé lors de l’audience, conteste en réalité la conclusion selon laquelle il n’a pas apporté de commencement de preuve de la réalité dudit harcèlement. Par conséquent, le contrôle de légalité dans le cadre du recours doit se limiter à examiner le bien-fondé de la décision attaquée pour défaut de commencement de preuve des allégations, sans porter d’appréciation sur l’existence du harcèlement allégué (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 56 et jurisprudence citée).

a)      Sur la première branche, relative aux critiques de la méthodologie utilisée pour analyser l’existence d’éléments suffisants au soutien de la demande d’assistance

283    Dans la première branche, le requérant invoque quatre griefs.

284    Le CRU conteste l’argumentation du requérant.

1)      Sur l’analyse exclusivement individuelle des éléments invoqués à l’appui de la demande d’assistance et l’absence d’appréciation de ces éléments dans leur ensemble

285    Le requérant reproche au CRU d’avoir analysé individuellement les éléments invoqués à l’appui de la demande d’assistance, sans les apprécier dans leur ensemble, et d’avoir ainsi conclu que ces éléments constituaient des faits isolés ne pouvant être qualifiés de harcèlement. Il cite, à titre d’exemple, l’examen de l’attitude de la présidente lors de la réunion du 19 septembre 2018.

286    À cet égard, selon la jurisprudence, lorsqu’est examinée la question de savoir si des comportements invoqués par une partie requérante sont constitutifs d’un harcèlement moral, il convient d’examiner ces faits tant isolément que conjointement en tant qu’éléments d’un environnement global de travail créé par les comportements d’un membre du personnel à l’égard d’un autre membre de ce personnel (voir arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, point 79 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2023, OC/SEAE, T‑770/21, non publié, EU:T:2023:378, points 81, 155 et 156).

287    En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que, reprenant en substance l’analyse développée dans le rapport préliminaire, l’AHCC désignée a regroupé les griefs invoqués dans la demande d’assistance, tels qu’ils sont complétés dans les observations du 22 décembre 2021 et rappelés aux points 5 à 8, 12 et 13 ci-dessus, en quinze allégations distinctes. Elle a conclu qu’aucune d’elles n’était soutenue par un commencement de preuve d’un harcèlement moral au regard de la définition figurant à l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

288    En premier lieu, l’AHCC désignée a estimé en substance que les allégations qui concernaient directement le requérant ne s’appuyaient que sur les dires et les impressions de ce dernier et que, en outre, certaines d’entre elles ne revêtaient objectivement aucun caractère abusif ou inapproprié susceptible de porter atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique du requérant au sens de l’article 12 bis du statut.

289    Premièrement, le requérant avance que l’analyse du comportement de la présidente durant la réunion du 19 septembre 2018 illustre le caractère isolé de l’examen des allégations de harcèlement et conteste la conclusion selon laquelle ce comportement n’était pas qualifiable de harcèlement, car il ne revêtait pas de caractère répétitif.

290    À cet égard, le requérant a soutenu dans la demande d’assistance ce qui suit :

« Malgré un travail acharné pour sauvegarder [confidentiel] du CRU jusqu’à aujourd’hui […], j’ai fait l’objet d’un discrédit professionnel continu et d’un harcèlement moral de la part de la présidente. Depuis une réunion du 19 septembre 2018 (Annexe XXVI), elle a constamment dévalorisé mes réalisations, agissant par ouï-dire à mon sujet, m’accusant de tout compliquer à l’excès et d’être trop formaliste, ne répondant pas à mes courriels, etc.

[…]

Peu de temps après la présentation de mon mémoire […] à la présidente, j’ai été convoqué dans [son] bureau en présence de mon chef d’unité (Annexe XXVI), qui m’accusait de vouloir être au centre du [confidentiel]. J’ai été intimidé pour retirer le mémoire auprès des collègues qui en avaient déjà reçu une copie. »

291    Dans ses observations du 22 décembre 2021, le requérant a précisé que, au cours de la réunion du 19 septembre 2018, qui avait duré environ une heure :

–        il avait soulevé de nombreuses questions, notamment les problèmes de gouvernance tels qu’il les percevait au sein du CRU ; la présidente avait été très réceptive à ses idées, admis qu’elle n’était pas qualifiée pour gérer certaines de ces questions et indiqué que « le poisson sent[ait] de la tête » ;

–        il avait réitéré son engagement (formulé dans des courriels à la présidente) de fournir des copies de son mémoire aux agents du CRU qui avaient été interrogés et qu’il s’agissait d’une pratique académique usuelle ;

–        le vice-président, qui était son chef d’unité à l’époque, ne faisait pas partie des personnes qu’il avait interrogées, mais ce dernier disposait d’une copie du mémoire lors de la réunion du 19 septembre 2018 ;

–        la présidente craignait qu’un journal ne mette la main sur le mémoire, car celui-ci avait été rédigé par une personne [confidentiel] du CRU et contenait des éléments particulièrement « juteux », tout en précisant qu’il n’était pas sûr de l’adjectif que la présidente avait utilisé, et qui étaient susceptibles d’intéresser ce journal ;

–        le vice-président l’a accusé de vouloir être au centre du [confidentiel] et lui a dit « merci » sur un ton sarcastique ;

–        la présidente et le futur vice-président ont préparé une ligne à suivre à l’égard de la presse si le mémoire devait être divulgué, selon laquelle ledit mémoire constituait un document académique et que son auteur avait un droit d’expression ;

–        il a été exigé de lui qu’il demande à ses collègues de rendre les copies du mémoire.

292    Le requérant a également fait valoir que, à la suite de la réunion du 19 septembre 2018, il avait obtempéré à ce qui lui avait été demandé lors de cette réunion, certains collègues ayant rendu son mémoire et d’autres non, et que tous les exemplaires en possession de ses collègues contenaient la mention du caractère confidentiel du document. En outre, il avait montré son mémoire à ses chefs d’unité et à la cheffe du service de conformité pour illustrer son apport à la gouvernance et aux problèmes qui, selon lui, devaient être traités grâce à leur travail commun.

293    Le requérant a ensuite soutenu que la réunion du 19 septembre 2018 s’inscrivait dans un contexte plus large marqué, premièrement, par le départ de deux membres du CRU avant la fin de leur mandat, deuxièmement, la mésentente entre la présidente et le vice-président d’alors, le requérant ayant indiqué à cet égard qu’il fournirait ultérieurement les noms de témoins. En outre, selon le requérant, il était de notoriété publique au sein du CRU que son chef d’unité d’alors déposerait sa candidature pour le poste de vice-président, ce que celui-ci aurait confirmé, et que la présidente, qui entretenait de bien meilleures relations avec cette personne, soutenait cette candidature. Le requérant a ajouté que beaucoup de choses se passaient en coulisse sans laisser de trace par courriel et que la présidente avait appelé un membre du Parlement pour s’assurer que ladite candidature serait retenue.

294    Le requérant a déduit des éléments mentionnés au point 293 ci-dessus que, lors de la réunion du 19 septembre 2018 :

–        la présidente et son chef d’unité avaient un intérêt personnel à se couvrir l’un l’autre ; la première avait intérêt à ne pas compromettre la candidature d’un futur vice-président loyal, qui ne serait pas un autre élément de résistance contre elle ; le second était identifié dans le mémoire comme l’une des nombreuses sources des problèmes au sein du CRU à cause du cumul de ses fonctions et de son manque d’intérêt pour celles relatives au [confidentiel] ;

–        il avait quant à lui intérêt à obtenir une reconnaissance personnelle, qu’il croyait légitime, et une opportunité potentielle pour travailler sur les questions de gouvernance publique qu’il avait identifiées et qui devaient, selon lui, être reconnues ;

–        la présidente et le vice-président avaient toutefois décidé de donner la priorité à leur « profit personnel » et à leur « soif de pouvoir » sur l’intérêt du CRU et, par conséquent, ils avaient décidé de le « sacrifier », parce qu’il avait osé « offenser la présidente » ; depuis lors, il ressentait l’impact de ces décisions et tout ce qu’il pouvait dire était toujours nié par la présidente et le vice-président.

295    À cet égard, dans la décision attaquée, l’AHCC désignée a conclu à juste titre que l’évaluation préliminaire avait permis de confirmer la tenue de la réunion du 19 septembre 2018, mais que, en revanche, le déroulement de cette réunion, tel que relaté par le requérant, n’était soutenu par aucun commencement de preuve. En particulier, selon ladite AHCC, ce défaut de début de preuve concernait :

–        l’allégation selon laquelle le requérant a été intimidé pour récupérer son mémoire auprès de ses collègues qui en avaient reçu une copie ; le vice-président a indiqué au contraire que, en raison du caractère confidentiel du mémoire, et après une discussion constructive avec lui, le requérant avait accepté de demander à ses collègues de retourner les copies du mémoire qu’il avait distribuées ;

–        les éléments permettant de confirmer les impressions subjectives du requérant, notamment qu’il avait soi-disant été décidé de le « sacrifier » ;

–        le fait que la réunion du 19 septembre 2018 ait servi à résoudre de possibles questions de réputation du CRU susceptibles de se poser si le mémoire était divulgué ;

–        les propos qui auraient été tenus lors de ladite réunion et le ton prétendument inapproprié utilisé ;

–        le caractère répété du comportement prétendument inapproprié à l’encontre du requérant.

296    L’AHCC désignée a également considéré que, même s’il avait été démontré que la présidente avait soulevé de possibles questions de réputation du CRU en cas de divulgation du mémoire, elle l’aurait très vraisemblablement fait, non pour porter atteinte au requérant, mais en tant que représentante du CRU pour protéger la réputation de cette agence.

297    Cette argumentation doit être approuvée, dans la mesure où des observations négatives adressées à un agent ne portent pas nécessairement atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité lorsqu’elles sont formulées en des termes mesurés et ne reposent pas sur des accusations abusives et dénuées de tout lien avec des faits objectifs (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 78 et jurisprudence citée).

298    Deuxièmement, l’AHCC désignée a conclu à juste titre que le requérant n’avait pas apporté de commencement de preuve des cris soi-disant proférés par la présidente dans les jours qui avaient suivi la réunion du 19 septembre 2018, dans la mesure où il n’avait notamment produit aucun témoignage à cet égard.

299    Troisièmement, il en est de même concernant les doutes allégués de la présidente qui auraient porté sur l’activité du [confidentiel] et les prétendues remarques désagréables de cette dernière, l’AHCC désignée relevant que le requérant n’avait ni décrit les mots utilisés dans le cadre de ces remarques ni apporté le moindre début de preuve du caractère abusif ou inapproprié de celles-ci.

300    Quatrièmement, l’AHCC désignée a conclu à juste titre que le requérant n’avait pas apporté de commencement de preuve de l’absence alléguée de reconnaissance de son travail ressortant de la négociation des rapports d’évaluation et du manque d’objectivité desdits rapports et du processus de comparaison des mérites, ni d’une action ou d’une inaction pertinente de la présidente et d’un lien de causalité avec l’allégation de harcèlement le concernant dans ce contexte.

301    L’AHCC désignée a considéré à cet égard que le vice-président avait expliqué que les projets de rapports d’évaluation étaient toujours soumis aux agents concernés pour recueillir leurs commentaires et que, si ces derniers étaient considérés comme étant pertinents et corrects, ils étaient pris en compte, ce que reflètent les cinq courriels que le requérant a échangés avec lui entre les 18 et 20 février 2020 sur la finalisation du rapport d’évaluation 2019. Il ressort en effet de ces échanges que l’ancien chef d’unité du requérant avait invité celui-ci à soumettre ses commentaires sur le projet dudit rapport, ce que celui-ci avait fait en le remerciant de lui donner cette possibilité, et qu’il a indiqué qu’il tiendrait compte de la plupart des commentaires du requérant (voir point 77 ci-dessus).

302    Il y a lieu d’ajouter que le requérant n’a contesté aucun de ses rapports d’évaluation pour les années 2018 à 2021 qui, au demeurant, étaient satisfaisants (voir point 231 ci-dessus).

303    L’AHCC désignée a en outre estimé que les allégations de pressions psychologiques exercées par la présidente au sein de sa direction en ne reclassant pas les agents, d’instrumentalisation du vice-président pour le harcèlement moral exercé contre le requérant et de connivence entre celle-ci et le vice-président étaient dépourvues de clarté et n’étaient soutenues par aucun commencement de preuve.

304    Cinquièmement, l’AHCC désignée a conclu à juste titre que le requérant n’avait pas apporté de commencement de preuve de l’absence alléguée de description de poste ni d’un harcèlement qui aurait pu être causé par une action ou une inaction pertinente de la présidente dans ce contexte. S’appuyant sur les observations du service RH et du vice-président, elle a relevé que :

–        tous les agents du CRU étaient à cet égard dans la même situation et que ce n’était qu’à partir du 1er janvier 2019 qu’ils avaient eu une description de poste ; avant cette date, cette description était indiquée dans l’avis de vacance du poste concerné et résultait aussi de contacts réguliers avec les agents et de l’encadrement professionnel au quotidien ; après le 1er avril 2020, les descriptions de poste étaient restées inchangées, dans la mesure où le travail était le même ;

–        les objectifs annuels du requérant avaient figuré dans le système informatique de gestion du personnel de la Commission, dénommé « Sysper », entre le 1er octobre 2017 et le 31 décembre 2020, et le requérant y avait accès et n’avait jamais fait valoir auprès du service RH ni de son chef d’unité qu’il n’avait pas d’objectifs ;

–        le requérant a également eu accès, par le biais de son chef d’unité, à un document sur l’allocation des tâches ;

–        le requérant a indiqué que son rendement était supérieur à la moyenne au sein du CRU ;

–        en tout état de cause, même s’il avait été démontré que le requérant n’avait pas d’objectifs ou de description de poste, il ne pouvait être conclu que cette situation était imputable à la présidente.

305    Sixièmement, l’AHCC désignée a retenu à juste titre que le requérant n’avait pas apporté de commencement de preuve de l’allégation relative à son obtention du grade [confidentiel] avec retard en raison de l’opposition du vice-président et de la manipulation du concours [confidentiel]. Elle a en outre considéré que la position du requérant s’agissant de l’obtention du grade [confidentiel] était contredite par le vice-président et le service RH et a relevé que :

–        selon le vice-président, le requérant s’était vu offrir un poste [confidentiel] au sein de l’unité [confidentiel] et que c’était dans l’intérêt de cette unité, sachant que le requérant n’aurait pas pu être recruté dans l’unité qui avait engagé la procédure de recrutement ;

–        selon le service RH, le délai entre la date à laquelle les candidats du concours [confidentiel] ont été informés de la liste de réserve et la date du recrutement du requérant à la suite de ce concours, de presque huit mois, restait dans la moyenne des procédures de sélection.

306    L’AHCC désignée a aussi relevé que le requérant avait réussi le concours [confidentiel] en 2016, ce qui lui avait permis d’entrer au service du CRU cette année-là et qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre la prétendue manipulation de ce concours et l’allégation de harcèlement visant la présidente.

307    Septièmement, l’AHCC désignée a conclu à juste titre à l’absence de commencement de preuve de harcèlement s’agissant du rejet allégué des demandes de mobilité ou de transfert du requérant, en relevant que :

–        les prétendues promesses de mobilité au sein du CRU ou de détachement en dehors de l’agence qui auraient été faites au requérant dans son rapport d’évaluation 2019 n’étaient pas contraignantes, ces opportunités étaient rares et le nombre d’agents qui en bénéficiaient très limité et le requérant n’avait pas rapporté de commencement de preuve d’un lien de causalité entre cette allégation et une quelconque action ou inaction pertinente de la présidente ;

–        la présidente n’était, en tant qu’AHCC, pas tenue de faire droit auxdites demandes (points 261 à 264 ci-dessus) ;

–        le requérant n’a pas démontré en quoi le transfert de deux de ses collègues dans d’autres services avait pu porter atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité physique ou psychique.

308    Par ailleurs, comme cela est observé au point 265 ci-dessus, la demande de mobilité du requérant dans le service de la présidente était difficilement conciliable avec les allégations de harcèlement contre celle-ci.

309    Huitièmement, l’AHCC désignée a conclu à juste titre que le requérant n’avait pas apporté de commencement de preuve du fait que son absence de reclassement en 2021 constituait un élément relevant d’un harcèlement moral, ni du fait que le système de reclassement aurait constitué un outil supplémentaire de harcèlement de la part de la présidente. Elle a relevé à cet égard que les éventuelles irrégularités du système de reclassement critiqué par le requérant étaient insuffisantes pour démontrer un lien de causalité avec l’impression de ce dernier d’avoir été harcelé par la présidente et que, s’il avait pu être déçu voire blessé par son absence de reclassement, voyant que d’autres collègues l’avaient été, un observateur impartial, raisonnable et doté d’une sensibilité normale se trouvant dans la même situation n’aurait toutefois pas considéré que ce non-reclassement constituait un harcèlement.

310    Il convient d’ajouter que le requérant a également contesté son absence de reclassement au titre de l’exercice de reclassement 2021 dans le cadre d’un recours qui a été rejeté (arrêt du 20 septembre 2023, PB/CRU, T‑293/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:577). Le Tribunal a jugé que les éléments du dossier avaient permis d’établir à suffisance de droit que, dans le cadre de cet exercice, l’absence de reclassement du requérant était intervenue à l’issue d’une procédure régulière.

311    Neuvièmement, l’AHCC désignée a conclu que la prétendue approbation « cynique » du congé de convenance personnelle du requérant visant à lutter contre un épuisement professionnel que celui-ci aurait demandé le 19 octobre 2020 ne constituait pas un commencement de preuve d’un harcèlement. Elle a relevé, à juste titre, que la présidente avait approuvé rapidement la demande du requérant, le lendemain, le 20 octobre 2020, et qu’une lecture objective de sa réponse à ladite demande ne révélait aucun signe de cynisme et était au contraire positive à l’égard de ce dernier, en exprimant la confiance qu’elle avait en lui.

312    Dixièmement, l’AHCC désignée a aussi conclu à juste titre que le requérant n’avait pas apporté de commencement de preuve d’un harcèlement causé par le refus de la présidente, le 18 août 2021, de lui accorder un aménagement de son temps de travail pour suivre une formation en allemand, au motif que :

–        dans sa réponse, la présidente a invoqué la charge de travail élevée du [confidentiel] et l’intérêt du service, soit des motifs permettant de justifier un tel refus en vertu du cadre juridique applicable (voir points 261 et 262 ci-dessus) ;

–        il s’agissait d’un refus isolé, car le requérant avait obtenu auparavant un congé spécial rémunéré pour suivre le master dans le cadre duquel il avait rédigé son mémoire ; il convient en effet de rappeler que celui-ci avait, dès son engagement au CRU, le 1er novembre 2016, bénéficié pendant près de deux ans d’un aménagement de son temps de travail pour lui permettre de suivre cette formation et de rédiger ledit mémoire.

313    Onzièmement, l’AHCC désignée a conclu à juste titre que le requérant n’avait pas non plus apporté de commencement de preuve d’un harcèlement causé par l’absence alléguée de réponses de la présidente à ses courriels.

314    Tout d’abord, selon l’AHCC désignée, d’autres allégations montrent au contraire que le requérant entretenait une communication suivie avec la présidente, comme celle relative à sa demande d’aménagement du temps de travail, ou s’agissant de demandes de transfert en octobre et en novembre 2020 (voir points 307 et 312 ci-dessus).

315    Ensuite, concernant l’absence alléguée de réponse de la présidente au courriel du requérant du 28 novembre 2020 avant son départ en congé de convenance personnelle pour trois mois, mentionné aux points 205 et 229 ci-dessus, comme le relève l’AHCC désignée :

–        il ne ressort pas de ce courriel que le requérant en attendait une réponse ou que la présidente aurait dû y répondre ;

–        dans ce courriel, ce dernier faisait état de ses aspirations de carrière, notamment à un poste rattaché directement à la présidente, ce qui lui aurait permis de travailler auprès d’elle et qui est difficile à concilier avec le harcèlement allégué, tout en laissant à cette dernière une marge d’appréciation pour le contacter à ce sujet ;

–        l’absence de réponse pouvait s’expliquer par un oubli de la présidente, l’étendue des responsabilités de cette dernière lui imposant de gérer constamment un large volume de demandes, et par le souci de permettre au requérant de résoudre ses problèmes de santé avant d’engager une discussion sur les sujets complexes de situation et d’avancement professionnels, alors que le requérant était en congé non rémunéré et absent de l’agence et joignable uniquement par le biais de son adresse électronique personnelle ;

–        dans ce courriel, le requérant avait communiqué à la présidente son adresse électronique personnelle, ce qui s’accommode là encore difficilement avec les accusations de harcèlement émises contre cette dernière.

316    Enfin, l’AHCC considère que, mis à part le courriel du 28 novembre 2020, le requérant n’a apporté aucun autre exemple d’absence de réponse à ses communications.

317    Douzièmement, l’AHCC désignée a conclu à juste titre que le requérant n’avait pas apporté de commencement de preuve de l’allégation selon laquelle la présidente avait agi par ouï-dire et avait prétendu qu’il était incapable de travailler « au-delà des frontières », ni du fait que de tels comportements relèveraient de la notion de harcèlement. Elle a relevé que le requérant s’appuyait uniquement sur ses propres impressions telles qu’elles sont exprimées dans son courriel du 28 novembre 2020 mentionné aux points 205, 229 et 315 ci-dessus et sur les propos qu’auraient prétendument tenus la présidente et l’un de ses collaborateurs, mais sans toutefois le prouver.

318    Treizièmement, la conclusion est la même concernant l’allégation selon laquelle des agents atteints par une maladie grave auraient été menacés d’un non-renouvellement de leur contrat et la prétendue atmosphère de peur instituée par la présidente au sein du CRU, l’AHCC désignée ayant relevé que le requérant n’avait pas identifié les agents concernés par de telles menaces ni allégué qu’il en avait été l’objet.

319    En deuxième lieu, l’AHCC a relevé que le requérant avait prétendu que ses allégations de harcèlement avaient sévèrement détérioré son bien-être psychologique sans en apporter de début de preuve. Elle a écarté à cet égard la valeur probante d’une demande de remboursement de [confidentiel], d’une prescription médicale pour [confidentiel] et d’un certificat médical d’un [confidentiel] attestant que le requérant avait reçu [confidentiel], car ces documents n’établissaient pas que ce dont souffrait le requérant était dû à un harcèlement de la présidente.

320    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que l’état de santé du requérant ne saurait constituer un commencement de preuve de pratiques de harcèlement moral justifiant l’ouverture d’une enquête (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 150).

321    En outre, les avis d’experts médicaux ne sont pas de nature à établir, par eux-mêmes, l’existence, en droit, d’un harcèlement ou d’une faute d’une institution eu égard à son devoir d’assistance. En particulier, si les médecins peuvent mettre en évidence l’existence de troubles psychiques chez des fonctionnaires ou des agents, ils ne sauraient toutefois établir que ces troubles résultent d’un harcèlement moral, dès lors que, pour conclure à l’existence d’un tel harcèlement, les auteurs d’une telle attestation médicale se fondent nécessairement et exclusivement sur la description que les intéressés leur ont faite de leurs conditions de travail au sein de l’institution en cause, sans confronter cette version des faits à celle de la personne mise en cause, dans ses comportements, par lesdits fonctionnaires ou agents (voir arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, point 73 et jurisprudence citée).

322    Les conclusions de l’AHCC désignée sont conformes à la jurisprudence rappelée aux points 320 et 321 ci-dessus.

323    En troisième lieu, l’AHCC désignée a conclu à juste titre à l’absence de commencement de preuve des allégations qui ne concernaient pas le requérant, mais d’autres personnes. Tel est le cas de l’allégation selon laquelle des agents atteints par une maladie grave auraient été menacés d’un non-renouvellement de leur contrat (voir point 318 ci-dessus) et de celle portant sur les prétendus commentaires offensants de la présidente dirigés contre les femmes et des personnes de nationalité italienne et ayant la nationalité du Royaume-Uni (voir point 12, troisième et quatrième tirets, ci-dessus), soit des individus se trouvant dans une situation qui était étrangère à celle du requérant. Par conséquent, même si le requérant avait rapporté un commencement de preuve de ces incidents, ceux-ci ne pouvaient revêtir de valeur probante pour le harcèlement individuel dont il se prétendait victime.

324    En quatrième lieu, l’AHCC désignée a conclu que certaines allégations, à savoir celle relative au déroulement de la réunion du 19 septembre 2018 et celles relatives à des cris soi-disant proférés par la présidente dans les jours qui avaient suivi cette réunion, à l’absence alléguée de description de poste, à des prétendues promesses de mobilité au sein du CRU ou de détachement, à l’obtention du grade [confidentiel] avec retard, à l’absence de reclassement et au refus d’accorder un aménagement du temps de travail du requérant, ne pouvaient, ni à elles seules ni conjuguées à d’autres allégations, confirmer un possible harcèlement moral de la part de la présidente.

325    À cet égard, il ressort de ce qui précède que l’AHCC désignée a rejeté l’intégralité des allégations de harcèlement après les avoir examinées individuellement et conclu qu’aucune d’elles n’était soutenue par un commencement de preuve ainsi qu’après avoir apprécié la valeur probante de plusieurs d’entre elles de manière combinée. L’AHCC désignée ne s’est donc pas limitée à un examen isolé de chaque allégation comme le prétend le requérant.

326    L’AHCC désignée a, à cet égard, relevé à juste titre que les allégations de harcèlement ne reposaient que sur les dires et les impressions du requérant, sans que celui-ci ai apporté de commencement de preuve d’un harcèlement pour chacune des allégations. Le requérant a, à plusieurs reprises, promis d’apporter des témoignages à l’appui, mais ne l’a jamais fait. En outre, ni le vice-président ni le service RH, interrogés lors de l’évaluation préliminaire, n’ont confirmé ces allégations. Par ailleurs, les documents médicaux produits ne sont pas probants (voir points 319 à 321 ci-dessus).

327    Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, le premier grief doit être rejeté.

2)      Sur le fait que le CRU a exigé du requérant des précisions relatives à ses allégations

328    Le requérant reproche au CRU d’avoir exigé de lui des précisions relatives à ses allégations, sans lui permettre de recueillir des témoignages pour appuyer ses dires ni l’assister dans l’établissement des faits.

329    Le requérant invoque en outre la violation de son droit à être entendu de façon effective, dans la mesure où il n’aurait pas disposé des informations utiles au moment de faire valoir ses observations sur le rapport préliminaire. En l’absence de ces informations, le CRU aurait des exigences de preuves disproportionnées.

330    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les allégations de harcèlement ne s’appuient que sur les dires et les impressions du requérant, que ce dernier a, à plusieurs reprises, promis d’apporter des témoignages à l’appui, mais ne l’a jamais fait et que ni son ancien chef d’unité ni le service RH, interrogés lors de l’évaluation préliminaire, ne les ont confirmées. En outre, les allégations relatives à l’absence alléguée de description de poste, à l’absence alléguée de reconnaissance de son travail, au rejet allégué de ses demandes de mobilité ou de transfert, à l’absence de reclassement, au refus d’accorder un aménagement de son temps de travail, au harcèlement causé par l’absence alléguée de réponses de la présidente à ses courriels ne comportent objectivement aucun élément susceptible d’être caractérisé d’abusif et susceptible de relever d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut (voir points 300 à 302, 304 et 307 à 316 ci-dessus).

331    Par ailleurs, sur les huit incidents invoqués dans les observations du 22 décembre 2021, six ne concernaient pas le requérant (voir point 12, troisième et quatrième tirets, et point 323 ci-dessus) et deux d’entre eux lui avaient été simplement rapportés et il n’en avait donc pas été le témoin direct (voir point 12, quatrième tiret, ci-dessus).

332    Ensuite, plusieurs allégations du requérant allaient à l’encontre du prétendu harcèlement de la présidente, à savoir, d’une part, le fait d’avoir demandé à plusieurs reprises de travailler directement auprès d’elle en tant que « policy assistant » et, d’autre part, le fait de lui avoir communiqué son adresse électronique personnelle dans le courriel qu’il lui avait envoyé le 28 novembre 2020 avant de partir en congé de convenance personnelle pour se reposer et soigner son épuisement professionnel.

333    Dans ce contexte, le CRU a considéré que le requérant n’avait pas fourni d’éléments suffisamment précis susceptibles de constituer un commencement de preuve au soutien de ses allégations et de permettre d’engager une enquête administrative, comme l’exigeait la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, points 15 et 16 ; du 13 décembre 2018, CH/Parlement, T‑83/18, EU:T:2018:935, point 64 et jurisprudence citée, et du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, points 61 et 148 et jurisprudence citée).

334    S’agissant de l’allégation relative à l’impossibilité de citer des témoins, il est renvoyé, d’une part, aux mesures prises avant et pendant l’évaluation préliminaire pour empêcher l’immixtion de la présidente dans le traitement de la demande d’assistance et protéger la confidentialité de cette demande, rappelées dans le second grief de la deuxième branche du premier moyen (voir points 164 à 167 ci-dessus) et, d’autre part, à la possibilité soumise au requérant, durant ladite évaluation, de prendre des mesures appropriées analogues à celles protégeant les lanceurs d’alerte pour protéger d’éventuels témoins et au fait que le requérant n’y a toutefois donné aucune suite (voir points 171 et 172 ci-dessus).

335    Enfin, contrairement à ce qu’il prétend, le requérant a disposé des informations utiles au moment de faire valoir ses observations sur le rapport préliminaire (voir troisième branche du premier moyen).

336    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième grief.

3)      Sur la minimisation par le CRU des faits rapportés

337    Le requérant fait valoir que le service de conformité a minimisé les faits rapportés, comme l’injure prononcée à son encontre par la présidente, et a trouvé des excuses à cette dernière, d’une part, en estimant que cette injure ne constituait pas un comportement inapproprié et, d’autre part, en invoquant sa sensibilité supposément trop grande. Or, il conteste toute faiblesse psychologique qui l’aurait conduit à mal vivre les attaques de la présidente contre lui.

338    À cet égard, dans les observations du 22 décembre 2021, le requérant a allégué que la présidente l’avait injurié après qu’il lui avait annoncé qu’un [confidentiel], qu’un témoin était présent et qu’il avait été profondément bouleversé par cet incident.

339    Or, le requérant n’a pas apporté de commencement de preuve de l’injure imputée à la présidente, cette allégation ne reposant que sur ses dires. En tout état de cause, des paroles et des gestes accidentels sont exclus du champ d’application de l’article 12 bis du statut (voir arrêt du 5 juillet 2023, OC/SEAE, T‑770/21, non publié, EU:T:2023:378, point 97 et jurisprudence citée).

340    Le CRU a en outre relevé que l’injure qu’aurait prononcée la présidente était peu courante, voire dépourvue de sens en allemand.

341    Enfin, si le requérant l’a interprétée comme une offense personnelle, le contexte dans lequel elle aurait été prononcée pourrait révéler la frustration que la présidente aurait éprouvée à l’impossibilité de [confidentiel] en question et, le cas échéant, une critique à l’encontre du travail du requérant. Toutefois, selon la jurisprudence, des messages dont le contenu entre dans le cadre habituel d’un rapport hiérarchique ne sauraient constituer un harcèlement moral. Dans l’hypothèse contraire, la critique du travail d’un subordonné deviendrait très compliquée, ce qui rendrait la gestion d’un service pratiquement impossible (voir arrêt du 5 juillet 2023, OC/SEAE, T‑770/21, non publié, EU:T:2023:378, point 117 et jurisprudence citée).

342    Il convient donc de rejeter le troisième grief.

4)      Sur l’absence de mesure mise en place pour recueillir des témoignages et aider le requérant à établir les faits relatifs à la diffusion du mémoire et à la réunion du 19 septembre 2018

343    Le requérant avance qu’aucune mesure n’a été mise en place pour permettre le recueil de témoignages en sa faveur afin de l’aider à établir les faits invoqués concernant la diffusion du mémoire et la réunion du 19 septembre 2018. En outre, le CRU minimiserait l’impact qu’a eu sur lui le fait de devoir récupérer les copies du mémoire auprès de ses collègues. Il n’aurait pas non plus adéquatement enquêté sur cet épisode, n’ayant pas tenté d’objectiver les faits en entendant les personnes concernées pour comprendre leur perception de l’agence.

344    À cet égard, l’allégation relative à l’impossibilité de citer des témoins doit être rejetée pour les motifs exposés dans le second grief de la deuxième branche du premier moyen (voir points 164 à 167, 171, 172 et 334 ci-dessus).

345    Par ailleurs, d’une part, le CRU a relevé à juste titre dans la décision de rejet que la prétendue humiliation ressentie par le requérant lorsqu’il lui aurait été demandé d’aller récupérer les copies de son mémoire ne reflétait que la propre perception de la situation de la part de ce dernier et ne constituait pas un commencement de preuve de harcèlement moral susceptible d’obliger le CRU à enquêter sur cette allégation (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 60 et jurisprudence citée). D’autre part, ainsi que le relève le CRU, des témoignages n’auraient pas pu permettre d’établir la réalité du sentiment d’humiliation allégué.

346    Il résulte de ce qui précède que le quatrième grief et, par conséquent, la première branche doivent être rejetés.

b)      Sur la deuxième branche, relative aux remarques désagréables et constantes adressées au requérant

347    Dans la deuxième branche, le requérant estime que le commencement de preuve des remarques désagréables et constantes qui lui ont été adressées n’aurait pu être rapporté que par des témoignages, mais qu’aucune garantie procédurale n’a été donnée pour permettre de recueillir de tels témoignages. L’AHCC désignée aurait dû diligenter une enquête administrative pour déterminer si les allégations de harcèlement invoquées étaient sérieuses, ce qui aurait offert un cadre plus protecteur pour permettre de confirmer lesdites allégations.

348    Le CRU conteste cette argumentation.

349    À cet égard, le CRU fait valoir à juste titre que le requérant n’ayant pas apporté de commencement de preuve des allégations de remarques désagréables qui lui auraient été adressées (voir point 299 ci-dessus), il ne lui appartenait pas d’engager une enquête administrative, et ce alors qu’il avait donné au requérant des assurances de protection de témoins potentiels pour lui permettre d’apporter un tel commencement de preuve (voir points 164 à 167, 171, 172 et 334 ci-dessus).

350    En tout état de cause, il convient de renvoyer à la jurisprudence citée au point 341 ci-dessus. Ainsi, le fait qu’un fonctionnaire ait des relations difficiles, voire conflictuelles, avec ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques ne constitue pas à lui seul la preuve d’un harcèlement moral (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 78 et jurisprudence citée).

351    Par ailleurs, des observations négatives adressées à un agent ne portent pas nécessairement atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité lorsqu’elles sont formulées en des termes mesurés et ne reposent pas sur des accusations abusives et dénuées de tout lien avec des faits objectifs (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 78 et jurisprudence citée).

352    Il est d’ailleurs paradoxal de la part du requérant de se plaindre de remarques désagréables et constantes de la présidente au titre du harcèlement allégué et de prétendre que ce harcèlement viendrait aussi du fait que la présidente avait refusé sa demande de travailler auprès d’elle en tant que « policy assistant » dans son équipe.

353    Il convient donc de rejeter la deuxième branche.

c)      Sur la troisième branche, relative à un empêchement dans les opportunités de carrière du requérant, d’un blocage dans son grade et d’un refus de faire droit à ses demandes de transfert dans un autre service

354    Dans la troisième branche, qui se divise en substance en quatre griefs, d’une part, le requérant reproche au CRU d’avoir écarté les éléments suivants comme preuves du harcèlement invoqué :

–        son absence de reclassement, au terme d’une procédure biaisée, dans laquelle la présidente disposait de possibilités accrues de bloquer son reclassement ; en tant que directrice, elle était en effet la seule personne qui pouvait proposer de le reclasser et c’est elle qui prenait la décision finale sur le reclassement ;

–        le rejet de ses demandes, formulées à plusieurs reprises, de transfert vers un autre service ou de détachement externe pour échapper au contexte de harcèlement et à la suite des recommandations de ses chefs d’unité, dont l’actuel vice- président ;

–        l’utilisation contre lui de la présente procédure comme motif de non-renouvellement de son contrat, en invoquant l’absence de confiance en sa supérieure qui était aussi l’AHCC ; ce non-renouvellement illustrerait l’intention des personnes visées par la demande d’assistance de mettre un terme à sa carrière au sein du CRU.

355    D’autre part, le requérant estime que, en écartant les trois griefs mentionnés au point 354 ci-dessus et en ne les appréciant pas sous l’angle de la présente procédure, le CRU a compartimenté sa situation sans la considérer de façon globale pour minimiser ses allégations.

356    Le CRU conteste l’argumentation du requérant.

357    À cet égard, les trois griefs énoncés au point 354 ci-dessus concernent des décisions que le requérant impute à la présidente.

358    À titre liminaire, selon la jurisprudence, l’allégation par une partie requérante de l’existence d’un harcèlement moral exercé par ses supérieurs hiérarchiques ne suffit pas pour établir que tout acte adopté par ces personnes serait illégal et il est nécessaire, en vue d’établir cette illégalité, que la partie requérante démontre l’incidence des agissements qui seraient constitutifs d’un harcèlement moral sur la teneur de chaque décision litigieuse (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2023, PV/Commission, C‑640/20 P, EU:C:2023:232, point 182).

359    En premier lieu, s’agissant de l’absence de reclassement du requérant, celui-ci répète en substance les arguments contre la présidente invoqués dans le cadre du recours ayant donné lieu à l’arrêt du 20 septembre 2023, PB/CRU (T‑293/22, non publié, sous pourvoi, EU:T:2023:577), et qui ont été rejetés comme étant non fondés, pour les raisons rappelées au point 310 ci-dessus.

360    Il convient donc d’écarter le premier grief.

361    En deuxième lieu, concernant le rejet des demandes de transfert vers un autre service ou de détachement externe du requérant, le CRU a conclu à l’existence d’un doute quant à l’existence de telles demandes formelles et que, en tout état de cause, il n’y avait pas de commencement de preuve que l’absence de transfert ait été un élément constitutif du harcèlement allégué de la présidente.

362    À cet égard, il ressort du dossier que :

–        dans la demande d’assistance, le requérant a fait valoir que, lors d’une réunion du 13 octobre 2020, la présidente lui avait refusé une demande de mobilité interne dans un autre service du CRU au motif que « ses compétences et son intelligence » étaient nécessaires au sein du [confidentiel] ;

–        dans ses observations du 22 décembre 2021, le requérant a affirmé avoir à deux reprises, en octobre et en novembre 2020, demandé à la présidente à changer de service au sein de l’unité 02 (chargée des relations internationales), de l’unité 05 (service juridique) ou en tant que « policy assistant » dans le service de cette dernière, mais qu’il n’avait pas été retenu ; la présidente lui aurait alors indiqué que le poste vacant au sein de l’unité 02 avait déjà été pourvu et que le service juridique n’avait pas besoin de nouveaux agents ; en outre, le requérant a indiqué avoir passé des entretiens pour le poste de « policy assistant », mais qu’une autre de ses collègues avait été choisie pour ce poste ; il s’est également plaint du fait que plusieurs de ses collègues avaient été détachés sans qu’il soit sollicité ;

–        dans le courriel envoyé à la présidente le 28 novembre 2020, avant son départ en congé de convenance personnelle, le requérant s’est plaint d’un possible épuisement professionnel et a indiqué qu’il réitérait son offre d’aider celle-ci dans un nouveau poste managérial qu’il pourrait occuper dans l’équipe de cette dernière ou dans une autre structure ou un autre service ; il lui a également communiqué son adresse électronique personnelle pour qu’elle puisse discuter avec lui des nouvelles fonctions qu’il pourrait occuper au retour de son congé ;

–        le requérant a formulé une demande de détachement auprès du Mécanisme européen de stabilité (MES) le 1er décembre 2021 et a réitéré son souhait d’un tel détachement dans son rapport d’évaluation 2021 ; le 11 juillet 2022, le MES lui a fait une proposition de détachement d’un an à compter du 1er septembre 2022, mais, le 17 août 2022, le service RH l’a informé que le CRU refusait ce détachement.

363    Premièrement, il ressort de la jurisprudence que le bien-fondé d’une décision rejetant une demande d’assistance sans qu’une enquête administrative ait été ouverte doit être apprécié par le juge au regard des éléments ayant été portés à la connaissance de l’institution, notamment par le demandeur d’assistance, lorsque celle-ci a statué (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, points 82, 129 et 130 et jurisprudence citée).

364    Par conséquent, le refus de détachement auprès du MES, intervenu le 17 août 2022, soit six mois et deux jours après la décision attaquée, ne peut être pris en compte pour apprécier la légalité de cette décision.

365    Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que le CRU dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de ses services en fonction des missions qui lui sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à sa disposition, à la condition cependant que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et dans le respect de la correspondance entre le grade et l’emploi (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2013, BY/AESA, F‑81/11, EU:F:2013:82, point 52 et jurisprudence citée).

366    En vertu du point 7.4 de la décision sur la prévention du harcèlement, c’est également dans l’intérêt du service que le CRU peut, le cas échéant, transférer une victime alléguée de harcèlement vers une autre unité ou un autre département (voir point 262 ci-dessus).

367    Compte tenu de ce large pouvoir d’appréciation, d’une part, ni des décisions administratives sur des questions relevant de l’organisation des services, mêmes si celles-ci sont difficiles à accepter, ni des désaccords avec l’administration sur ces questions ne sauraient à eux seuls prouver l’existence d’un harcèlement moral (voir arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, point 121 et jurisprudence citée). Ces considérations valent également dans le cadre de l’examen de l’existence d’un commencement de preuve d’un harcèlement moral (arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 83).

368    Le rejet des demandes de transfert invoqué par le requérant révèle davantage ses difficultés à accepter les décisions de sa hiérarchie, sans constituer en tant que telles un commencement de preuve d’un harcèlement moral (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 83).

369    Surtout, parmi les demandes de transfert alléguées, le requérant indique avoir demandé à la présidente un transfert en tant que « policy assistant » auprès d’elle, demande que cette dernière aurait écartée en novembre 2020. Or, une nouvelle fois, cette demande de poste pour travailler auprès de la présidente est difficile à concilier avec les accusations de harcèlement contre cette dernière.

370    Il convient donc de rejeter le deuxième grief.

371    En troisième lieu, la recommandation de ne pas renouveler le contrat du requérant, qui lui a été notifiée le 9 décembre 2022, est intervenue après la décision de rejet et la décision de ne pas renouveler ledit contrat a été notifiée au requérant le 22 février 2023, soit postérieurement au dépôt du recours. Ces faits sont donc intervenus bien après l’examen de la demande d’assistance et de la réclamation. Par conséquent, le Tribunal ne peut pas en tenir compte aux fins de l’examen du bien-fondé de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, points 82, 129 et 130 et jurisprudence citée).

372    En outre, ni la recommandation de ne pas renouveler le contrat du requérant ni la décision de ne pas le renouveler n’ont été prises par la présidente, mais l’ont été respectivement par la cheffe d’unité du requérant et par le nouveau président arrivé en janvier 2023. Cette décision fait de surcroît l’objet d’une procédure administrative distincte en cours.

373    Le troisième grief doit donc être écarté comme étant sans lien avec le recours.

374    En quatrième lieu, s’agissant de la compartimentation alléguée de la situation du requérant, le CRU a, dans la décision attaquée, examiné l’ensemble des allégations invoquées dans la demande d’assistance et les observations du 22 décembre 2021.

375    En particulier, le CRU avance à juste titre qu’il n’a pas écarté les allégations relatives aux obstacles à la carrière du requérant au simple motif qu’elles faisaient l’objet d’une autre procédure en cours, dans la mesure où il a constaté dans la décision attaquée que ce dernier n’avait pas rapporté de commencement de preuve de ces allégations. En outre, dans la décision de rejet, après avoir examiné les allégations relatives au refus de transférer le requérant et à son absence de reclassement, il a conclu que le requérant n’avait pas rapporté la preuve d’une erreur dans la décision attaquée.

376    Il convient donc de rejeter le quatrième grief et, par conséquent, la troisième branche.

d)      Sur la quatrième branche, relative à l’impact sur la santé du requérant

377    Dans la quatrième branche, le requérant soutient que, même s’il n’appartient pas au CRU de juger de son état de santé, l’ouverture d’une enquête lui aurait permis de vérifier l’existence d’une relation causale entre les faits de harcèlement dénoncés et la dégradation de son état de santé attestée par des certificats médicaux. Il estime en tout état de cause avoir apporté un commencement de preuve des faits de harcèlement et, à tout le moins, d’un comportement inapproprié de la présidente qui aurait justifié l’ouverture d’une enquête administrative. Il produit en annexe à la requête :

–        une demande de remboursement de [confidentiel] adressée au régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes (RCAM) le 30 novembre 2020 ;

–        un courrier du RCAM du 14 janvier 2022 qui lui a été adressé à propos d’une demande d’autorisation préalable de ce dernier pour [confidentiel] ; dans ce courrier, le RCAM indique avoir donné son « accord pour [confidentiel] […] en 2020 » ;

–        une prescription médicale, datée du 3 janvier 2022, de [confidentiel], ainsi que l’accord donné par le RCAM le 9 février 2022 pour [confidentiel] entre le 3 janvier et le 31 décembre 2022 ; il indique également dans la requête avoir transmis au RCAM un rapport médical du 6 janvier 2022 qui confirmerait [confidentiel] ;

–        une version anonymisée d’une prescription médicale du 30 septembre 2022 et de certificats médicaux et de courriels de janvier et de février 2023, produits en annexe à la réplique.

378    En outre, le requérant se prévaut d’un arrêt maladie s’étendant du 21 mars au 6 avril 2022.

379    Le CRU conteste l’argumentation du requérant.

380    À cet égard, premièrement, la demande de remboursement du 30 novembre 2020 émane du requérant et n’est donc pas de nature à établir l’existence du harcèlement allégué ou d’une faute du CRU eu égard à son devoir d’assistance. En outre, ce document ne fait état d’aucun lien avec les faits de harcèlement invoqués, ni du prétendu épuisement professionnel. Il en est de même du courrier du RCAM du 14 janvier 2022, de la prescription médicale du 3 janvier 2022 de [confidentiel] et de l’accord du RCAM le 9 février 2022 pour [confidentiel]. Aucun de ces documents n’est donc probant.

381    Deuxièmement, le courrier du RCAM du 14 janvier 2022, la prescription médicale du 3 janvier 2022, l’accord du RCAM du 9 février 2022 et le rapport médical du 6 janvier 2022 ne sauraient être pris en compte par le Tribunal, car ces éléments n’ont été produits par le requérant ni dans le cadre de la demande d’assistance, ni au soutien de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, points 82, 129 et 130 et jurisprudence citée).

382    De même, la prescription médicale du 30 septembre 2022 et les certificats médicaux et les courriels de janvier et de février 2023, postérieurs à la décision attaquée, adoptée le 15 février 2022, et à la réclamation, déposée le 9 mai 2022, ne sont pas pertinents pour apprécier la légalité de la décision attaquée.

383    En tout état de cause, la prescription du 30 septembre 2022 concerne [confidentiel] et un courriel du 17 février 2023, dont le contenu est entièrement caviardé, émane du département [confidentiel], sans qu’il soit établi que ces documents étaient liés à l’épuisement professionnel invoqué.

384    Il y a donc lieu de rejeter la quatrième branche et, par conséquent, le troisième moyen ainsi que les conclusions en annulation.

C.      Sur les conclusions indemnitaires

385    Le requérant demande l’indemnisation d’un préjudice matériel et moral résultant du non-respect de ses droits dans le cadre du traitement de la demande d’assistance. Il invoque à cet égard la violation de son droit d’être entendu et de ses droits de la défense, dès lors qu’il n’aurait pas disposé de tous les documents nécessaires avant le rapport préliminaire, et une absence de traitement confidentiel de la demande d’assistance. Il considère que ces irrégularités ont contribué à la dégradation de sa santé et invoque à cet égard le rapport médical du 6 janvier 2022 confirmant selon lui [confidentiel], la prescription de [confidentiel] et l’arrêt maladie du 21 mars au 6 avril 2022.

386    Le requérant estime que l’annulation de la décision attaquée ne peut compenser son préjudice et demande le versement d’une indemnité évaluée ex æquo et bono à 50 000 euros. Il produit à ce titre la liste des prestations de son avocat liées à la procédure et à celle devant le comité d’appel.

387    Le CRU conclut au rejet de la demande indemnitaire.

388    À cet égard, dans le cadre d’une demande en dommages et intérêts formulée par un fonctionnaire ou par un agent, l’engagement de la responsabilité de l’institution présuppose la réunion de trois conditions concernant l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué. Ces trois conditions étant cumulatives, si l’une d’entre elles n’est pas satisfaite, la responsabilité de l’institution ne peut être engagée (voir arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 179 et jurisprudence citée).

389    En outre, en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant non fondées (voir arrêts du 12 janvier 2022, MW/Parlement, T‑630/20, non publié, EU:T:2022:3, point 137 et jurisprudence citée, et du 12 octobre 2022, Paesen/SEAE, T‑88/21, EU:T:2022:631, point 321 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 129).

390    En l’espèce, il existe un lien étroit entre les conclusions indemnitaires et les conclusions en annulation. Dans la mesure où les conclusions en annulation ont été rejetées, les conclusions indemnitaires doivent également l’être.

391    Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la demande de production de documents sollicités par le requérant dans la réclamation, ainsi que des mandats du service de conformité et de l’AHCC désignée, des délégations de signature, dont le pouvoir de délégation de signature et de représentation des différents acteurs durant la procédure concernée.

IV.    Sur les dépens

392    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du CRU.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      PB est condamné aux dépens.

Porchia

Jaeger

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2024.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur l’objet du recours

B. Sur les conclusions en annulation

1. Sur le premier moyen, tiré de vices de procédure et d’une violation des droits de la défense

a) Sur la première branche, tirée d’une absence de transparence et d’impartialité de la procédure

1) Sur la violation du principe de transparence et d’impartialité concernant le service de conformité et la cheffe de ce service

2) Sur l’absence d’impartialité du service de conformité, de l’AHCC désignée et du vice-président en raison de leur subordination hiérarchique à la présidente

3) Sur l’absence d’impartialité du vice-président en ce qu’il était concerné par la demande d’assistance

4) Sur l’absence de transparence et de traitement loyal de la demande d’assistance résultant du fait que l’AHCC désignée n’a pas pris la décision à cet égard

5) Sur l’absence de transparence résultant de la signature de la décision de rejet par la nouvelle cheffe d’unité du requérant

6) Sur l’absence de transparence résultant du refus du CRU de transmettre des documents au comité d’appel et d’une interprétation restrictive des règles relatives à la protection des données personnelles

b) Sur la deuxième branche, tirée d’une violation du traitement confidentiel de la demande d’assistance, de l’absence de garanties permettant à des agents du CRU de témoigner en faveur du requérant et de la violation des points 4.2 et 4.3 de la décision sur la prévention du harcèlement

1) Sur la violation du traitement confidentiel de la demande d’assistance

2) Sur l’absence de garantie permettant à des agents du CRU de témoigner en faveur du requérant et la violation des points 4.2 et 4.3 de la décision sur la prévention du harcèlement

c) Sur la troisième branche, tirée d’une absence de procédure juste et équitable et d’une violation du droit d’être entendu de manière effective par l’AHCC désignée en vue d’influencer sa décision

2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 24 du statut ainsi que des devoirs de sollicitude et d’assistance et d’une mauvaise administration

a) Sur la première branche, tirée d’une insuffisance de la mesure de protection adoptée par le service de conformité et de l’absence de mesure de protection prise par l’AHCC désignée

1) Sur l’insuffisance et l’inefficacité de la mesure de protection adoptée

2) Sur le fait que ce soit le service de conformité qui ait pris la mesure de protection, et non l’AHCC désignée

3) Sur le fait que l’AHCC désignée n’a jamais pris contact avec le requérant pour déterminer si la mesure de protection était suffisante

b) Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de traitement ou d’un traitement tardif d’autres problématiques dénoncées et n’ayant pas empêché les mesures de représailles contre le requérant

c) Sur la troisième branche, contestant le comportement de l’administration relatif à la complication de la procédure de traitement de la demande d’assistance

3. Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des éléments présentés dans la demande d’assistance, d’une contestation de la méthodologie appliquée et d’une violation de l’article 12 bis du statut

a) Sur la première branche, relative aux critiques de la méthodologie utilisée pour analyser l’existence d’éléments suffisants au soutien de la demande d’assistance

1) Sur l’analyse exclusivement individuelle des éléments invoqués à l’appui de la demande d’assistance et l’absence d’appréciation de ces éléments dans leur ensemble

2) Sur le fait que le CRU a exigé du requérant des précisions relatives à ses allégations

3) Sur la minimisation par le CRU des faits rapportés

4) Sur l’absence de mesure mise en place pour recueillir des témoignages et aider le requérant à établir les faits relatifs à la diffusion du mémoire et à la réunion du 19 septembre 2018

b) Sur la deuxième branche, relative aux remarques désagréables et constantes adressées au requérant

c) Sur la troisième branche, relative à un empêchement dans les opportunités de carrière du requérant, d’un blocage dans son grade et d’un refus de faire droit à ses demandes de transfert dans un autre service

d) Sur la quatrième branche, relative à l’impact sur la santé du requérant

C. Sur les conclusions indemnitaires

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.


1 Données confidentielles occultées.