Language of document : ECLI:EU:T:2012:480

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

27 septembre 2012 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché néerlandais du bitume routier – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Imputabilité du comportement infractionnel – Amendes – Coopération durant la procédure administrative – Valeur ajoutée significative – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑347/06,

Nynäs Petroleum AB, établie à Stockholm (Suède),

Nynas Belgium AB, établie à Stockholm,

représentées par Mme A. Howard, barrister, MM. M. Dean et D. McGowan, solicitors,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Castillo de la Torre, en qualité d’agent, assisté de Me L. Gyselen, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision C (2006) 4090 final de la Commission, du 13 septembre 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] [Affaire COMP/F/38.456 – Bitume (Pays-Bas)], et, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes par ladite décision,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, N. Wahl et S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 juin 2011,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Le groupe Nynas a essentiellement pour activité la production et la commercialisation de bitume et d’huiles naphténiques. Nynäs Petroleum AB (ci-après « Nynäs AB »), société mère du groupe Nynas, située en Suède, exerçait ses activités dans le domaine du bitume en Europe continentale par l’intermédiaire de la société belge Nynas NV /SA (ci-après « Nynas NV »), qu’elle détenait à 100 %, qui produisait du bitume dans une raffinerie située à Anvers (Belgique) et en commercialisait une partie aux Pays-Bas. Le 14 février 2003, les activités de commercialisation du bitume en Europe de Nynas NV ont été transférées à Nynas Belgium AB (ci-après « Nynas Belgium »), filiale suédoise détenue à 100 % par Nynäs AB. Le 31 décembre 2007, les actifs de Nynas Belgium ont été transférés à Nynas NV, mais Nynas Belgium continue à détenir 99,99 % des actions de cette dernière.

2        Par lettre du 20 juin 2002, l’entreprise British Petroleum (ci-après « BP ») a informé la Commission des Communautés européennes de l’existence présumée d’une entente relative au marché du bitume routier aux Pays-Bas et a présenté une demande visant à obtenir une immunité d’amendes au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 »).

3        Les 1er et 2 octobre 2002, la Commission a procédé à des vérifications surprises, notamment dans les locaux belges de Nynas NV. La Commission a adressé des demandes de renseignements à plusieurs sociétés, dont Nynas NV le 30 juin 2003. Nynas Belgium l’ayant informée qu’elle avait racheté l’activité bitume de Nynas NV, la Commission lui a adressé une nouvelle demande de renseignements le 23 juillet 2003, à laquelle celle-ci a répondu le 2 octobre 2003. La Commission a envoyé une nouvelle demande de renseignements le 10 février 2004, à laquelle Nynäs AB a répondu le 25 mars 2004, et une dernière le 5 avril 2004, à laquelle Nynas Belgium a cette fois répondu le 22 mai 2004 et, de manière complémentaire, le 19 octobre 2004.

4        Le 18 octobre 2004, la Commission a engagé une procédure et a adopté une communication des griefs, adressée le 19 octobre 2004 à plusieurs sociétés, dont les requérantes, Nynäs AB et Nynas Belgium. Le 24 mai 2005, les requérantes ont répondu de manière séparée à cette communication des griefs.

5        À la suite de l’audition des sociétés concernées les 15 et 16 juin 2005, les requérantes ont apporté des précisions à leurs déclarations relatives à ExxonMobil, société fournisseur de bitume non sanctionnée par la Commission, qui avaient été utilisées dans la communication des griefs et avaient été contestées par plusieurs participants à l’audition. Ces précisions ont été communiquées à l’ensemble des participants à l’audition, suscitant plusieurs réactions.

6        Le 13 septembre 2006, la Commission a adopté la décision C (2006) 4090 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] [Affaire COMP/F/38.456 – Bitume (Pays-Bas)] (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 28 juillet 2007 (JO L 196, p. 40) et qui a été notifiée aux requérantes le 26 septembre 2006.

7        La Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que les sociétés destinataires de celle-ci avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 81 CE, consistant à fixer ensemble régulièrement, durant les périodes concernées, pour la vente et l’achat de bitume routier aux Pays-Bas, le prix brut, une remise uniforme sur le prix brut pour les constructeurs routiers participant à l’entente et une remise maximale réduite sur le prix brut pour les autres constructeurs routiers.

8        Les requérantes ont été reconnues coupables de cette infraction pour la période du 1er avril 1994 au 15 avril 2002 et se sont vu infliger, solidairement, une amende de 13,5 millions d’euros.

9        S’agissant du calcul du montant des amendes, la Commission a qualifié l’infraction de très grave, eu égard à sa nature, et ce même si le marché géographique concerné était limité (considérant 316 de la décision attaquée).

10      Afin de tenir compte de l’importance spécifique du comportement illicite de chaque entreprise impliquée dans l’entente et de son impact réel sur la concurrence, la Commission a opéré une distinction entre les entreprises concernées en fonction de leur importance relative sur le marché en cause, mesurée par leurs parts de marché, et les a regroupées en six catégories.

11      Sur la base de ces éléments, la Commission a retenu un montant de départ de 7,5 millions d’euros pour les requérantes (considérant 322 de la décision attaquée).

12      En ce qui concerne la durée de l’infraction, la Commission a estimé que les requérantes avaient commis une infraction de longue durée, celle-ci étant supérieure à cinq ans, et a retenu une durée totale de huit ans, du 1er avril 1994 au 15 avril 2002, augmentant ainsi le montant de départ de 80 % (considérant 326 de la décision attaquée). Le montant de base de l’amende, déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction, a donc été fixé à 13,5 millions d’euros pour les requérantes (considérant 335 de la décision attaquée).

13      La Commission n’a retenu aucune circonstance aggravante à l’égard des requérantes. Elle a par ailleurs estimé qu’aucune circonstance atténuante ne pouvait être retenue, l’éventuelle existence d’un troisième niveau d’activité de l’entente, dont l’entreprise Nynas (ci-après « Nynas ») aurait été exclue, ne pouvant être prise en compte à ce titre (considérant 354 de la décision attaquée). Elle a enfin rejeté leur demande tendant à considérer leur coopération effective, à savoir les réponses aux demandes de renseignements, la reconnaissance des faits et la mise en place de politiques de sanctions et de prévention à ce sujet, comme une circonstance atténuante (considérants 367 à 371 de la décision attaquée).

14      La Commission n’a pas fait application de la communication sur la coopération de 2002, considérant que les informations fournies par les requérantes n’avaient pas de valeur ajoutée significative (considérants 389 à 393 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 décembre 2006, les requérantes ont introduit le présent recours.

16      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

17      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 15 juin 2011.

18      Un membre de la sixième chambre ayant été empêché de siéger, le président du Tribunal s’est désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure, pour compléter la chambre.

19      Par ordonnance du 18 novembre 2011, le Tribunal (sixième chambre), dans sa nouvelle composition, a rouvert la procédure orale et les parties ont été informées qu’elles seraient entendues lors d’une nouvelle audience.

20      Par lettres, respectivement, des 25 et 28 novembre 2011, la Commission et les requérantes ont informé le Tribunal qu’elles renonçaient à être entendues une nouvelle fois.

21      En conséquence, le président du Tribunal a décidé de clore la procédure orale.

22      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er de la décision attaquée en tant qu’il impute à Nynäs AB la responsabilité conjointe et solidaire de l’infraction ;

–        annuler l’article 2 de la décision attaquée en ce qu’il leur inflige une amende de 13,5 millions d’euros ou, à titre subsidiaire, réduire le montant de cette amende de manière appropriée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

1.     Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée

24      À l’appui de leurs conclusions tendant à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée, les requérantes soulèvent un moyen unique, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une erreur de droit commises par la Commission en imputant à Nynäs AB la responsabilité de sa filiale Nynas NV.

 Sur l’erreur de droit

 Arguments des parties

25      Les requérantes estiment que la Commission a fait une application erronée de la jurisprudence relative à l’imputation des agissements d’une filiale à sa société mère (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, points 27 à 30) et qu’une société mère doit avoir été effectivement impliquée de manière active dans le comportement infractionnel de sa filiale pour s’en voir imputer la responsabilité.

26      Toutefois, en réponse à une question écrite du Tribunal relative aux conséquences à tirer des arrêts de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission (C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237), et du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission (C‑90/09 P, Rec. p. I‑1), les requérantes ont renoncé aux arguments de la première branche de leur unique moyen d’annulation, relatifs à l’interprétation de la jurisprudence issue de l’arrêt Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 25 supra, ce dont le Tribunal a pris acte. Elles ont cependant maintenu leurs arguments relatifs aux modalités de renversement de la présomption d’exercice d’une influence déterminante d’une société mère sur sa filiale détenue à 100 %.

27      Ainsi, les requérantes soulignent qu’une présomption selon laquelle une société mère exerce une influence décisive sur le comportement de ses filiales peut être renversée à partir du moment où la société mère démontre que sa filiale agissait de manière indépendante. Or, la Commission aurait mal interprété la jurisprudence en exigeant d’une société mère qu’elle établisse qu’elle n’a pas utilisé son pouvoir d’exercer une influence déterminante sur sa filiale et que cette filiale a pris toutes ses décisions stratégiques sans lui en référer. Une telle preuve serait impossible à apporter en pratique et serait contraire au principe de responsabilité personnelle (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 63).

28      Les requérantes considèrent en effet qu’une société mère est toujours tenue d’exercer une influence, même minime, sur sa filiale. Elles précisent que le droit suédois, dans un souci de protection des actionnaires et des tiers, impose ainsi aux sociétés mères de satisfaire à certaines conditions de contrôle sur leurs filiales, telles que l’approbation de transactions à partir d’un certain seuil, le respect d’obligations internes d’information ou la préparation des comptes consolidés. Dès lors, il appartiendrait à la Commission d’apprécier si la société mère a exercé une influence déterminante sur le comportement de la filiale sur le marché en cause, et non de manière générale et abstraite.

29      La Commission rejette l’ensemble des arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

30      La Commission a estimé dans la décision attaquée (considérants 252 à 264) que, bien que Nynas NV ait été la personne morale ayant participé directement à l’entente, Nynäs AB, en tant que société mère la détenant à 100 %, avait été capable d’exercer une influence déterminante sur sa politique commerciale pendant la période infractionnelle.

31      Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 59) et que la notion d’entreprise au sens de l’article 81 CE inclut des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à ce qu’une infraction visée par cette disposition soit commise (voir arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 54, et la jurisprudence citée). La notion d’entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêt de la Cour du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C‑217/05, Rec. p. I‑11987, point 40).

32      Le comportement anticoncurrentiel d’une entreprise peut être imputé à une autre lorsqu’elle n’a pas déterminé son comportement sur le marché de manière autonome, mais a appliqué pour l’essentiel les directives émises par cette dernière, eu égard en particulier aux liens économiques et juridiques qui les unissaient (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C‑294/98 P, Rec. p. I‑10065, point 27 ; du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 117, et Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra, point 58). Ainsi, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère, ces deux entreprises constituant une entité économique (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, Rec. p. 619, points 133 et 134).

33      Ce n’est donc pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise, au sens susmentionné, qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d’un groupe de sociétés. En effet, il y a lieu de rappeler que le droit de la concurrence de l’Union reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise au sens des articles 81 CE et 82 CE, si les sociétés concernées ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 290).

34      Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale auteur d’un comportement infractionnel, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra, point 60, et la jurisprudence citée).

35      Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêts Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, point 25 supra, point 29, et Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra, point 61).

36      Les requérantes estiment que l’interprétation retenue par la Commission de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante d’une société mère sur sa filiale détenue à 100 % rend son renversement impossible.

37      Il ressort cependant de la jurisprudence de la Cour que, afin de renverser la présomption selon laquelle une société mère détenant 100 % du capital social de sa filiale exerce effectivement une influence déterminante sur celle-ci, il incombe à ladite société mère de soumettre à l’appréciation de la Commission, puis, le cas échéant, du juge de l’Union, tout élément qu’elle considère de nature à démontrer qu’elles ne constituent pas une entité économique unique, relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre sa filiale et elle-même, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra, point 65, et General Química e.a./Commission, point 26 supra, points 51 et 52). Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il s’agit dès lors d’une présomption réfragable qu’il leur appartient de renverser.

38      Les requérantes estiment en outre que les obligations auxquelles une société mère est contrainte en droit national rendent tout renversement de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante sur une filiale impossible. Il convient cependant de rappeler qu’une société ne saurait se prévaloir de la réglementation nationale pour échapper aux règles de l’Union, les notions juridiques utilisées par le droit de l’Union devant être en principe interprétées et appliquées de façon uniforme dans l’ensemble de l’Union (arrêt de la Cour du 1er février 1972, Hagen, 49/71, Rec. p. 23, point 6). En tout état de cause, au regard de l’ensemble des principes rappelés précédemment concernant l’existence d’une telle présomption et les critères permettant de la renverser, il apparaît que les éléments relatifs aux obligations imposées aux sociétés mères par le droit suédois à l’égard de leurs filiales, qui sont destinés à mettre en place un contrôle étroit sur ces dernières, dans un souci de protection des actionnaires et des tiers, renforcent la présomption appliquée par la Commission à l’égard de Nynäs AB en ce qui concerne le contrôle exercé sur sa filiale Nynas NV.

39      Enfin, les requérantes estiment que l’interprétation retenue par la Commission de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante d’une société mère sur sa filiale détenue à 100 % est contraire au principe de responsabilité personnelle. Les requérantes se réfèrent à la jurisprudence issue de l’arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 27 supra, en vertu de laquelle une personne, physique ou morale, ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés. Elles estiment que, en vertu de ce principe, la Commission ne saurait exiger d’une société mère d’établir qu’elle n’a pas utilisé son pouvoir d’exercer une influence déterminante sur sa filiale et que cette filiale a pris toutes ses décisions stratégiques sans lui en référer pour ne pas lui imputer la responsabilité du comportement infractionnel de sa filiale.

40      Néanmoins, selon la jurisprudence, le fait que la société mère d’un groupe, qui exerce une influence déterminante sur ses filiales, puisse être déclarée responsable solidairement des infractions au droit de la concurrence commises par ces dernières ne constitue nullement une exception au principe de la responsabilité personnelle, mais est au contraire une expression de ce principe, car la société mère et les filiales soumises à son influence déterminante forment ensemble une entreprise unique au sens du droit de la concurrence de l’Union, entreprise dont elles sont responsables, et, si de propos délibéré ou par négligence, cette entreprise viole les règles de concurrence, elle engagera la responsabilité personnelle et solidaire de l’ensemble des personnes juridiques entrant dans la structure du groupe (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra, point 77, et la jurisprudence citée). Ainsi, le principe de la responsabilité personnelle est reconnu par la jurisprudence (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 145 ; du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C‑279/98 P, Rec. p. I‑9693, point 78, et du 11 décembre 2007, ETI e.a., C‑280/06, Rec. p. I‑10893, point 39), mais il s’applique aux entreprises et non aux sociétés. Ce grief doit donc également être écarté.

41      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en imputant à Nynäs AB la responsabilité de l’infraction commise par sa filiale Nynas NV.

 Sur les erreurs manifestes d’appréciation commises en l’espèce dans l’imputation de la responsabilité à Nynäs AB

 Arguments des parties

42      En premier lieu, selon les requérantes, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ignorant l’autonomie commerciale importante dont bénéficient les filiales au sein de leur groupe. Leur organigramme montrerait que les opérations commerciales et les orientations stratégiques de la division « Bitume » aux Pays-Bas relevaient de Nynas NV et que ses sociétés sœurs actives dans le bitume en Europe lui avaient transféré des décisions politiques et opérationnelles importantes. La société mère n’aurait été en charge que d’approuver certaines opérations exceptionnelles, sans entamer l’autonomie de Nynas NV.

43      En deuxième lieu, la Commission aurait apprécié de façon manifestement erronée le comportement de Nynäs AB et de sa filiale Nynas NV sur le marché en cause. La Commission aurait ainsi ignoré, d’une part, que le rôle de Nynas NV était exclusivement limité à la négociation des contrats et à la nomination de personnel sur le marché du bitume aux Pays-Bas et, d’autre part, que la fonction de Nynäs AB se limitait clairement aux questions de gestion stratégique, de risque global et de coordination du groupe et qu’elle n’avait aucun rôle sur le marché en cause. La Commission aurait ainsi attribué de manière manifestement erronée un rôle déterminant à Nynäs AB eu égard à la fixation des objectifs et de la stratégie sur ce marché, alors même que les seuils à partir desquels celle-ci était chargée d’intervenir dans les décisions de Nynas NV étaient très élevés et que les transactions devant être approuvées par elle demeuraient exceptionnelles. La Commission n’aurait par ailleurs présenté aucun élément permettant d’apprécier le rôle de Nynäs AB sur le comportement anticoncurrentiel en cause de Nynas NV.

44      En troisième lieu, les éléments sur lesquels la Commission s’est fondée pour considérer que Nynäs AB exerçait effectivement une influence déterminante sur Nynas NV seraient très formalistes. Elle aurait ainsi accordé une trop grande importance à des éléments tels que l’existence de mécanismes d’information (reporting) entre Nynas NV et Nynäs AB et de comptes consolidés ou la participation de membres du conseil d’administration de Nynas NV à la direction exécutive de Nynäs AB. Elle n’aurait, en outre, pas pris en considération le fait que les fonctions du « chief business executive » (ci-après le « CBE ») de la division « Bitume » de Nynas NV se limitaient à la transmission d’informations et à l’analyse des résultats financiers auprès du comité exécutif de Nynäs AB.

45      La Commission réfute l’ensemble des arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

46      Il s’agit, en répondant aux griefs tirés des erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission en imputant à Nynäs AB la responsabilité de l’infraction commise par Nynas NV, de déterminer si les requérantes ont apporté des éléments permettant de renverser la présomption selon laquelle Nynäs AB avait exercé une influence déterminante sur Nynas NV.

47      Aux considérants 252 à 264 de la décision attaquée, la Commission expose qu’elle pouvait faire application de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante de Nynäs AB sur Nynas NV pendant la période du 1er avril 1994 au 15 avril 2002 en raison de la structure de participation à 100 % existant entre ces sociétés. Elle a ensuite estimé que plusieurs éléments relatifs à la structure hiérarchique du groupe venaient renforcer, à titre subsidiaire, cette présomption. Ainsi, tout d’abord, si Nynas NV exerce une fonction de siège européen au sein du groupe pour l’activité bitume, elle ne serait cependant pas habilitée, au-delà d’un seuil, à prendre certaines décisions sans en référer à Nynäs AB (dépenses d’investissement, négociation et conclusion de contrats, consentement de crédits aux clients et mise au rebut des installations). Par ailleurs, la société mère, par le biais de son comité exécutif, est en charge de la détermination des objectifs, des stratégies et des orientations globales du groupe, ainsi que des décisions de haut niveau relatives au budget du groupe, à ses grands projets et à la coordination fonctionnelle. En outre, la société mère serait organisée de manière verticale, celle-ci délégant certains de ses pouvoirs à ses filiales, par le biais de comités. Enfin, deux des trois membres du conseil d’administration de Nynas NV appartiendraient à Nynäs AB, au sein de laquelle ils occuperaient les fonctions de directeur général et de « chief refining officer », le troisième membre du conseil d’administration de Nynas NV étant son propre directeur général, qui siège également au conseil d’administration de Nynäs AB.

–       Sur l’autonomie de la politique commerciale de Nynas NV

48      Comme rappelé au point 37 ci-dessus, si, selon la jurisprudence, l’appréciation de l’influence de la société mère sur sa filiale ne se limite pas à l’examen de la politique commerciale stricto sensu, le juge de l’Union conserve cependant la possibilité de prendre en compte des éléments relatifs à la politique commerciale afin d’apprécier si les deux sociétés forment une entité économique unique.

49      Il ressort notamment de l’« organisation book » du groupe Nynas que la structure de celui-ci est très intégrée et hiérarchisée. Le groupe est organisé par activité, en trois divisions, chacune étant dirigée par un CBE. Nynas NV constitue ainsi la division responsable de la gestion opérationnelle et commerciale quotidienne de l’ensemble des filiales relevant de la division « Bitume ».

50      La coordination globale des divisions est assurée par le président de Nynäs AB, tandis que la coordination quotidienne de l’ensemble des filiales relève de comités spécialisés par fonction (« corporate functional managers » et « coordinators »), notamment en matière commerciale, qui opèrent au niveau du groupe. Ces comités, dont la plupart dépendent directement de la société mère alors que certains sont hébergés directement par les filiales, sont tenus de transmettre toutes les informations directement au président et au vice-président de la société mère. Les CBE de chaque division sont membres permanents du comité exécutif de la société mère Nynäs AB, lequel est composé, en outre, du président et du vice-président de Nynäs AB. Ce comité exécutif est chargé de définir mensuellement les objectifs, la stratégie, les orientations et les décisions budgétaires de haut niveau du groupe, ses grands projets et sa coordination fonctionnelle.

51      Si les requérantes soutiennent que les CBE ne transmettent à la société mère qu’une analyse mensuelle de leurs performances financières, sans l’informer des décisions courantes relatives aux achats et aux ventes, l’examen de l’organisation du groupe montre cependant que la société mère est impliquée de manière étroite et régulière dans l’activité de ses filiales, par le biais du comité exécutif et des comités spécialisés. Les requérantes n’ont d’ailleurs fourni aucun élément permettant d’établir que Nynäs AB n’aurait pas fait usage de son pouvoir d’exercer une influence déterminante sur Nynas NV. Par ailleurs, le fait que Nynas NV ait mené une politique commerciale relativement autonome, en deçà d’un certain seuil, ne permet pas, à lui seul, d’infirmer le constat selon lequel, en tant qu’actionnaire à 100 % et compte tenu de la structure sociale du groupe, Nynäs AB exerçait effectivement une influence déterminante sur Nynas NV.

52      Les requérantes estiment par ailleurs que la circonstance selon laquelle Nynas NV était chargée de la gestion opérationnelle et commerciale quotidienne de l’ensemble des filiales relevant de la division « Bitume », celles-ci lui ayant délégué leurs pouvoirs d’adoption des décisions politiques et opérationnelles fondamentales en vertu d’un « management service agreement », permet d’établir que ses fonctions s’étendaient au-delà des fonctions habituelles d’une filiale et qu’elle jouissait ainsi d’une autonomie très étendue. Cependant, le juge de l’Union admet que, lorsqu’une société supervise une société sœur impliquée dans un comportement infractionnel, la Commission peut présumer que c’est la société mère commune qui a confié ces pouvoirs de supervision à cette société sœur (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, point 129). Ainsi, le fait que Nynas NV ait exercé un certain contrôle sur d’autres sociétés du groupe dans le secteur du bitume, bien que ces dernières n’aient pas été ses propres filiales, constitue un indice supplémentaire de l’existence de voies hiérarchiques entre Nynäs AB et Nynas NV, le contrôle exercé par cette dernière sur ses sociétés sœurs ne pouvant lui avoir été délégué que par la société mère.

–       Sur le comportement de la société mère sur le marché en cause et son rôle dans l’infraction

53      Les requérantes estiment que la Commission aurait dû s’appuyer sur des éléments permettant d’apprécier le rôle de la société mère sur le comportement anticoncurrentiel en cause afin de considérer qu’elle pouvait être responsable de l’infraction commise par sa filiale. Cependant, comme rappelé au point 33 ci-dessus, il est de jurisprudence constante que le contrôle exercé par la société mère sur sa filiale ne doit pas nécessairement avoir un lien avec le comportement infractionnel (arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra, point 59, et General Química e.a./Commission, point 26 supra, points 38, 102 et 103). Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la Commission n’était pas tenue d’apporter des éléments de preuve complémentaires à la détention de la totalité du capital de sa filiale par Nynäs AB pour présumer que cette dernière exerçait une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner si Nynäs AB a effectivement exercé une influence sur le comportement infractionnel de Nynas NV.

–       Sur la prise en compte d’éléments trop formalistes

54      Les requérantes soutiennent que la Commission a accordé une trop grande importance à des éléments tels que l’existence de mécanismes d’informations entre Nynas NV et Nynäs AB et de comptes consolidés et la participation de membres du conseil d’administration de Nynas NV à la direction exécutive de Nynäs AB.

55      Comme rappelé au point 37 ci-dessus, la jurisprudence considère cependant que, lors de son appréciation de l’existence d’une entité économique unique entre la société mère et sa filiale, le juge de l’Union doit tenir compte de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties, relatifs aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre les deux sociétés, dont le caractère et l’importance peuvent varier selon les caractéristiques propres à chaque cas d’espèce (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 26 supra, point 65). Si certaines circonstances, telles que la consolidation des comptes au niveau du groupe, sont dépourvues de pertinence (arrêt General Química e.a./Commission, point 26 supra, point 108), d’autres éléments, qui ne sauraient, à eux seuls, permettre d’établir l’existence d’une entité économique unique, peuvent néanmoins constituer dans leur ensemble un faisceau d’indices concordants suffisants.

56      Il convient ainsi de prendre en compte des éléments qui permettent de constater l’existence de liens hiérarchiques forts entre les deux sociétés, tels que, en l’espèce, les mécanismes d’information entre la filiale et la société mère et la présence croisée de membres dirigeants d’une société dans les organes décisionnels de l’autre. Par ailleurs, la circonstance selon laquelle la décision attaquée mentionne de manière erronée la présence du CBE de Nynas NV au conseil d’administration de Nynäs AB, alors même que cette personne siégeait au comité exécutif de Nynäs AB, est sans influence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu’il ressort du dossier que le comité exécutif de Nynäs AB joue un rôle fondamental dans les décisions de haut niveau du groupe (voir point 50 ci-dessus).

57      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les éléments présentés par les requérantes ne permettent pas de renverser la présomption selon laquelle, en détenant 100 % du capital de Nynas NV, Nynäs AB a effectivement exercé une influence déterminante sur la politique de Nynas NV. Il y a, dès lors, lieu de conclure que Nynäs AB constitue avec Nynas NV une entreprise au sens de l’article 81 CE, sans qu’il soit besoin de vérifier si Nynäs AB a exercé une influence sur le comportement en cause. Le premier moyen doit, par conséquent, être rejeté dans son ensemble.

58      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête tendant à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée.

2.     Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’article 2 de la décision attaquée

59      Les requérantes invoquent deux moyens à l’appui de leurs conclusions tendant à l’annulation de l’article 2 de la décision attaquée. Le premier moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, d’erreurs de droit et d’une méconnaissance du principe d’égalité commises par la Commission dans l’application des dispositions du titre B de la communication sur la coopération de 2002 et le second moyen vise à établir que la Commission aurait dû prendre en compte leur coopération effective en dehors des dispositions de la communication sur la coopération de 2002, conformément au point 3 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »).

 Sur le refus d’octroi d’une réduction sur le fondement des dispositions du titre B de la communication sur la coopération de 2002

60      Aux termes du paragraphe 20 de la communication sur la coopération de 2002, « [l]es entreprises qui ne remplissent pas les conditions [d’exemption de l’amende] prévues au titre A peuvent toutefois bénéficier d’une réduction de l’amende qui à défaut leur aurait été infligée ». Le paragraphe 21 de la communication sur la coopération de 2002 précise que, « [a]fin de pouvoir prétendre à une telle réduction, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative eu égard aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve ». Par ailleurs, le paragraphe 22 de la communication sur la coopération de 2002 indique que « [l]a notion de ‘valeur ajoutée’ vise la mesure dans laquelle les éléments de preuve fournis renforcent, par leur nature même et/ou leur niveau de précision, la capacité de la Commission d’établir les faits en question », que, « [l]ors de cette appréciation, la Commission estimera généralement que les éléments de preuve écrits datant de la période à laquelle les faits se rapportent ont une valeur qualitative plus élevée que les éléments de preuve établis ultérieurement » et que, « [d]e même, les éléments de preuve se rattachant directement aux faits en question seront le plus souvent considérés comme qualitativement plus importants que ceux qui n’ont qu’un lien indirect avec ces derniers ».

61      La Commission a indiqué dans la décision attaquée que Nynas, sans présenter une demande formelle de réduction de son amende au titre de la communication sur la coopération de 2002, avait fourni des informations détaillées dans sa réponse du 2 octobre 2003 à sa demande de renseignements. Ces informations comportaient notamment un exposé précis de neuf pages du système de réunions de l’entente qui ne lui avait pas été demandé et étaient ainsi dotées d’une valeur ajoutée. Cependant, la Commission a considéré que ces éléments n’avaient pas renforcé sa capacité à prouver les faits, car elle disposait déjà, à cette date, des documents saisis lors des inspections, des demandes de clémence de BP et de Kuwait Petroleum et de certaines réponses à sa première série de demandes de renseignements envoyée le 30 juin 2003. En outre, ces éléments de preuve ne lui auraient pas permis d’établir de nouvelles caractéristiques importantes de l’entente, notamment en raison de la reformulation par Nynas de certaines déclarations relatives à ExxonMobil. La Commission a donc considéré que, Nynas n’ayant pas apporté d’informations ayant une valeur ajoutée significative, elle ne pouvait lui accorder une réduction de l’amende en application de la communication sur la coopération de 2002 (considérants 389 à 393 de la décision attaquée).

62      Il ressort de la jurisprudence que la Commission jouit d’une certaine marge d’appréciation en la matière et que le contrôle du juge est limité à celui de l’erreur manifeste d’appréciation. En effet, il est de jurisprudence constante qu’une coopération à l’enquête qui ne dépasse pas ce qui résulte des obligations incombant aux entreprises en vertu de l’article 18, paragraphes 3 et 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), ne justifie pas une réduction de l’amende (arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T‑12/89, Rec. p. II‑907, points 341 et 342, et du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T‑308/94, Rec. p. II‑925, point 260). En revanche, une telle réduction est justifiée lorsque l’entreprise a fourni des renseignements allant bien au-delà de ceux dont la production peut être exigée par la Commission en vertu de l’article 18 du règlement no 1/2003 (arrêts du Tribunal Cascades/Commission, précité, points 261 et 262, et du 9 juillet 2003, Daesang et Sewon Europe/Commission, T‑230/00, Rec. p. II‑2733, point 137). Pour justifier la réduction du montant d’une amende au titre de la communication sur la coopération de 2002, le comportement d’une entreprise doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles de la concurrence et témoigner d’un véritable esprit de coopération. D’une part, il appartient donc au Tribunal d’examiner si la Commission a méconnu la mesure dans laquelle la coopération des entreprises en cause avait dépassé ce qui était requis conformément à l’article 18 du règlement no 1/2003. À cet égard, il exerce un contrôle entier, concernant notamment les limites à l’obligation de répondre aux demandes de renseignements qui résultent des droits de la défense des entreprises. D’autre part, le Tribunal est appelé à vérifier, comme en l’espèce, si la Commission a correctement apprécié, au regard de la communication sur la coopération de 2002, l’utilité d’une coopération pour l’établissement de l’infraction. Dans les limites tracées par ladite communication, la Commission jouit d’un pouvoir d’appréciation pour évaluer si les renseignements ou documents, volontairement fournis par les entreprises, ont facilité sa tâche et s’il y a lieu de concéder une réduction à une entreprise au titre de cette communication. Cette évaluation fait l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint (arrêt de la Cour du 9 juillet 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑511/06 P, Rec. p. I‑5843, point 152 ; arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, points 529 à 532, confirmé par la Cour dans l’arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 249).

63      Par ailleurs, si la Commission est tenue de motiver les raisons pour lesquelles elle estime que des éléments fournis par des entreprises dans le cadre de la communication sur la coopération de 2002 constituent une contribution justifiant ou non une réduction de l’amende infligée, il incombe en revanche aux entreprises souhaitant contester la décision de la Commission à cet égard de démontrer que celle-ci, en l’absence de tels éléments fournis volontairement par ces entreprises, n’aurait pas été en mesure de prouver l’essentiel de l’infraction et donc d’adopter une décision infligeant des amendes (arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 62 supra, point 297).

64      Dans le cadre de l’application de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération de 1996 »), le juge de l’Union a estimé que l’octroi d’une réduction du montant de l’amende en application de ces dispositions requiert, notamment, que l’entreprise concernée ait été la première à fournir des éléments déterminants pour prouver l’existence de l’entente et que, si de tels éléments ne doivent pas nécessairement être en eux-mêmes suffisants pour prouver l’existence de l’entente, ils doivent néanmoins être déterminants à cette même fin. Il ne doit donc pas s’agir simplement d’une source d’orientation pour les investigations à mener par la Commission, mais d’éléments susceptibles d’être utilisés directement comme base probatoire principale pour une décision de constatation d’infraction (arrêts du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, points 492, 493, 517, 518, 521, 522, 526 et 568, et Daiichi Pharmaceutical/Commission, T‑26/02, Rec. p. II‑713, points 150, 156, 157 et 162).

65      Aux termes des paragraphes 7, 21 et 22 de la communication sur la coopération de 2002, la Commission doit apprécier la contribution effective de chaque entreprise, tant en ce qui concerne sa qualité et sa date, à l’établissement de la preuve de l’infraction et la notion de « valeur ajoutée significative » vise la mesure dans laquelle les éléments de preuve fournis renforcent, par leur nature et leur degré de précision, sa capacité à établir les faits constitutifs de l’infraction. La Commission accorde ainsi une valeur particulière à des éléments qui pourraient lui permettre, avec d’autres éléments déjà en sa possession, d’établir l’existence d’une entente ou à des éléments qui lui permettraient de corroborer des preuves déjà existantes, ou à ceux qui auraient des conséquences directes sur la gravité ou la durée de l’entente. En revanche, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le critère déterminant ne se limite pas à celui de savoir si une entreprise « a facilité la tâche de la Commission ». Il convient de souligner que la jurisprudence dont les requérantes cherchent à se prévaloir à cet égard (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T‑347/94, Rec. p. II‑1751, point 331) ne concerne pas l’application de la communication sur la coopération de 2002 et se borne, en tout état de cause, à affirmer qu’une entreprise qui déclare expressément ne pas contester les allégations de fait sur lesquelles la Commission fonde ses griefs peut être considérée comme ayant contribué à faciliter la tâche de la Commission et peut bénéficier, à ce titre, d’une réduction de l’amende.

66      Par ailleurs, le caractère continu de la coopération apportée par une entreprise ne saurait être pris en compte par la Commission au stade de l’appréciation de la valeur ajoutée significative des éléments fournis, le paragraphe 23 de la communication sur la coopération de 2002 limitant la prise en compte de l’étendue et de la continuité de la coopération de l’entreprise au stade de la détermination du niveau exact de réduction de l’amende au sein de certaines fourchettes, lorsque la Commission a déjà considéré que les éléments fournis sont dotés d’une valeur ajoutée significative.

67      C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner les arguments présentés par les requérantes à l’appui du moyen tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, d’erreurs de droit et d’une méconnaissance du principe d’égalité commises par la Commission dans l’application des dispositions du titre B de la communication sur la coopération de 2002.

 Sur les erreurs de droit

–       Arguments des parties

68      Les requérantes soutiennent que la Commission a commis trois erreurs de droit. Ainsi, en premier lieu, afin d’évaluer la valeur ajoutée des informations fournies, elle aurait appliqué à tort les mêmes critères au stade de la conclusion provisoire, qui doit intervenir au plus tard à la date de la notification de la communication des griefs, et à celui de la décision finale. En deuxième lieu, elle aurait considéré de manière irrationnelle que la reformulation des déclarations relatives à ExxonMobil diminuait la valeur des autres éléments de preuve que les requérantes avaient fournis volontairement. Enfin, en troisième lieu, la Commission aurait injustement accordé une trop grande importance à la chronologie dans l’appréciation de la valeur ajoutée de leurs informations. Selon la jurisprudence, l’appréciation du degré de coopération fournie par une entreprise ne saurait dépendre de facteurs purement hasardeux tels que l’ordre dans lequel elle a été interrogée par la Commission (arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 27 supra, point 246).

69      La Commission rejette l’ensemble des arguments des requérantes.

–       Appréciation du Tribunal

70      En premier lieu, les requérantes ont soutenu, au stade de la réplique, que la Commission ne pouvait pas appliquer les mêmes critères d’évaluation de la valeur ajoutée des informations fournies au stade de la conclusion provisoire et à celui de la décision finale. Elles considèrent ainsi que, au stade provisoire, la Commission ne doit apprécier les éléments transmis par une entreprise que de manière isolée, eu égard à ceux transmis par les autres entreprises.

71      En ce qui concerne la recevabilité de cet argument au regard des dispositions de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, discutée par la Commission dans la duplique, il convient de souligner que cet argument soulevé dans la réplique ne vise qu’à développer le moyen tiré des erreurs de droit commises par la Commission en refusant d’accorder à Nynas une réduction de l’amende en vertu de la communication sur la coopération de 2002, soulevé dans la requête, et que, conformément à la jurisprudence, il doit dès lors être considéré comme recevable (arrêt de la Cour du 12 juin 1958, Compagnie des hauts fourneaux de Chasse/Haute Autorité, 2/57, Rec. p. 129, 131).

72      Par ailleurs, sur le fond, il ressort des dispositions des paragraphes 26 et 27 de la communication sur la coopération de 2002, relatifs à la procédure, que, « [s]i la Commission parvient à la conclusion provisoire que les éléments de preuve communiqués par une entreprise apportent une valeur ajoutée au sens du [paragraphe] 22, elle informe l’entreprise par écrit, au plus tard à la date de notification d’une communication des griefs, de son intention de réduire le montant de l’amende dans une des fourchettes visées au [paragraphe] 23, [sous] b), » et que, « [d]ans toute décision qu’elle arrêtera au terme de la procédure administrative, la Commission fournira une appréciation de la position finale de chaque entreprise ayant sollicité une réduction du montant de l’amende ».

73      Les requérantes estiment que la seule référence, dans ce paragraphe 26, au paragraphe 22 de la communication sur la coopération de 2002, et non au paragraphe 21 comme l’a indiqué la Commission, permet de considérer que le paragraphe 26 ne vise que la simple « valeur ajoutée » et non la « valeur ajoutée significative » des éléments fournis par une entreprise.

74      Il apparaît pourtant que le paragraphe 22 de la communication sur la coopération de 2002, qui propose une définition de la notion de « valeur ajoutée », n’a pour objet que d’éclairer le paragraphe 21, qui fait référence à la notion de « valeur ajoutée significative ». Par ailleurs, la notion même de « valeur ajoutée » indique bien que la Commission, quel que soit le stade de la procédure administrative, doit apprécier la valeur des éléments fournis en comparaison avec les autres éléments de preuve qui sont à sa disposition, soit à la suite des inspections, soit parce qu’ils lui ont été communiqués par les autres entreprises. Enfin, même à suivre le raisonnement des requérantes, la reconnaissance éventuelle au stade provisoire d’une valeur ajoutée des éléments transmis n’aurait en tout état de cause aucune conséquence sur l’appréciation finale de la Commission et sur le niveau de réduction accordé à l’entreprise, qui ne s’effectue qu’à ce moment-là. Il convient dès lors de rejeter cet argument.

75      En deuxième lieu, les requérantes estiment que la Commission n’était pas en droit de les pénaliser pour être revenues sur leurs déclarations relatives à la participation d’ExxonMobil à l’entente. Il convient cependant de préciser que la Commission, dans la décision attaquée, n’a fait que mentionner que les éléments fournis par Nynas ne lui avaient pas permis d’établir de nouvelles caractéristiques importantes de l’entente, notamment en raison de la reformulation par Nynas de certaines déclarations relatives à ExxonMobil. Ainsi, la Commission n’a pas pénalisé Nynas pour ces reformulations, mais s’est bornée à apprécier les éléments relatifs à ExxonMobil, figurant dans sa réponse du 2 octobre 2003 à la demande de renseignements, comme ne lui ayant apporté aucune valeur ajoutée significative. Il convient dès lors de rejeter cet argument.

76      En troisième lieu, les requérantes estiment que la Commission a accordé une trop grande importance à la chronologie dans l’appréciation de la valeur ajoutée de leurs informations. Elles invoquent à l’appui de cette affirmation la jurisprudence Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 27 supra. Il convient cependant de constater que cet arrêt concerne l’application de la communication sur la coopération de 1996 et non celle de 2002, qui est applicable en l’espèce. De plus, ledit arrêt concerne l’application des dispositions du titre D de la communication sur la coopération de 1996, relatif aux entreprises pouvant bénéficier d’une réduction significative du montant de leur amende, laquelle ne prévoyait pas un traitement différent des entreprises concernées en fonction de l’ordre dans lequel celles-ci avaient coopéré avec la Commission. A contrario, la jurisprudence relative aux titres B et C de la communication sur la coopération de 1996, relatifs aux entreprises bénéficiant d’une non-imposition d’amende, ou d’une réduction très importante ou importante du montant de celle-ci, qui faisaient explicitement référence au critère chronologique, a consacré la possibilité pour la Commission de tenir compte du facteur chronologique (arrêts du Tribunal BASF/Commission, point 64 supra, point 550 ; du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, Rec. p. II‑3137, points 237 à 239, et Archer Daniels Midland, T‑329/01, Rec. p. II‑3255, points 319 à 321 et 341). En ce qui concerne la communication sur la coopération de 2002, il ressort expressément de ses paragraphes 7 et 23 que la Commission doit tenir compte, dans son appréciation de la valeur des informations fournies, de la date à laquelle ils lui ont été communiqués. La jurisprudence relative à cette communication a d’ailleurs confirmé l’importance de la date de transmission des informations (arrêt du Tribunal du 18 décembre 2008, General Química e.a./Commission, T‑85/06, non publié au Recueil, points 147, 148 et 152 à 154). Il convient donc également de rejeter cet argument.

77      En conclusion, le Tribunal estime que la Commission n’a pas commis d’erreurs de droit en refusant d’octroyer aux requérantes une réduction d’amende sur le fondement des dispositions du titre B de la communication sur la coopération de 2002.

 Sur les erreurs manifestes d’appréciation

–       Arguments des parties

78      En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Commission a sous-estimé l’étendue et la valeur de leur coopération volontaire. Elle n’aurait ainsi pas tenu compte de l’ampleur et de la précision des renseignements fournis, ni du caractère déterminant de certaines informations qu’elles auraient été les seules à apporter et qui auraient été utilisées de manière approfondie dans la communication des griefs et dans la décision attaquée. Elle aurait également ignoré le comportement exceptionnel dont elles ont fait preuve durant la procédure, en indiquant spontanément les changements organisationnels intervenus au sein du groupe et en renonçant ainsi à l’exercice de leurs droits de la défense, en fournissant des éléments relatifs à un autre niveau d’entente et en transmettant des informations obtenues auprès d’une société tierce. Or la Commission est tenue, aux termes des dispositions du paragraphe 23, sous b), de la communication sur la coopération de 2002, de prendre en compte l’étendue et la continuité de la coopération des sociétés.

79      En deuxième lieu, elles estiment que le fait qu’elles n’aient fourni leur réponse à la Commission que le 2 octobre 2003 ne serait imputable qu’à la Commission, qui avait initialement adressé sa demande de renseignements à Nynas NV au lieu de Nynas Belgium.

80      En troisième lieu, la Commission aurait considéré à tort que, dans sa réponse du 2 octobre 2003, Nynas Belgium n’aurait pas exprimé le souhait de bénéficier d’une réduction de l’amende alors même que celle-ci avait précisé qu’elle cherchait à assister la Commission dans son enquête en fournissant une valeur ajoutée significative.

81      La Commission réfute l’ensemble des arguments des requérantes.

–       Appréciation du Tribunal

82      À titre préalable, il convient de souligner que les requérantes ne sauraient se prévaloir d’un comportement prétendument exceptionnel pour pouvoir bénéficier des dispositions de la communication sur la coopération de 2002. En effet, en ce qui concerne le fait que Nynas Belgium se soit présentée spontanément à la Commission comme le successeur de Nynas NV, il convient de souligner que la Commission aurait probablement pu, en tout état de cause, imputer la responsabilité de l’infraction au successeur économique de Nynas NV. Par ailleurs, en ce qui concerne les informations que les requérantes auraient apportées, relatives à l’existence d’un troisième niveau d’activité de l’entente, il convient de souligner que la Commission a estimé dans la décision attaquée (considérant 354) qu’elle ne disposait pas de suffisamment de preuves à cet égard et qu’elle n’a dès lors pas utilisé les éléments fournis à ce sujet par les requérantes. Enfin, en obtenant des informations de Petroplus, les requérantes ont certes permis à la Commission d’éviter d’envoyer des demandes de renseignements à cette société, mais ce seul élément ne saurait justifier l’application de la communication sur la coopération de 2002.

83      En premier lieu, au regard des principes rappelés aux points 62 à 66 ci-dessus, il apparaît que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en refusant de faire bénéficier les requérantes de la communication sur la coopération de 2002.

84      En effet, si, comme l’a reconnu la Commission, les informations fournies spontanément par les requérantes le 2 octobre 2003 étaient très détaillées, elles n’ont cependant pas renforcé la capacité de la Commission à établir l’infraction, celle-ci disposant déjà, à cette date, des informations transmises par BP et des documents saisis lors des inspections effectuées en octobre 2002, de la demande de clémence de BP et des autres informations fournies par elle lors de la suite de la procédure, de la demande de clémence de Kuwait Petroleum du 12 septembre 2003 ainsi que des réponses de la plupart des sociétés à la série de demandes de renseignements adressée le 30 juin 2003.

85      Il ressort en outre des écritures des parties que les éléments que les requérantes considèrent comme ayant été exclusivement apportés par elles n’étaient pas déterminants pour la Commission afin de pouvoir établir l’infraction.

86      Il en va ainsi de la participation de Nynas aux réunion préparatoires et aux réunions de concertation sur le prix du bitume, que la Commission était déjà en mesure de prouver à partir d’éléments de preuve et de témoignages d’autres sociétés, tels que des documents saisis lors des vérifications dans les locaux de Heijmans Infrastructuur en Milieu BV (ci-après « Heijmans »), et des informations fournies par Kuwait Petroleum le 16 septembre 2003 et par BP en 2002 (voir considérants 57, 68 et 77 de la décision attaquée).

87      De même, en ce qui concerne les noms des sociétés et des personnes ayant participé à l’entente, il ressort du dossier que ceux-ci avaient déjà été communiqués par d’autres sociétés (voir notes en bas de page 145, 201, 202, 224 et 226 de la décision attaquée) et que, pour ce qui est des noms des salariés d’ExxonMobil et d’autres salariés de Shell dont elle ne disposait pas encore, la Commission n’a pas été en mesure de corroborer ces informations et ne les as pas utilisées dans la décision attaquée. En ce qui concerne les noms des salariés d’Esha (groupe qui produisait et commercialisait du bitume aux Pays-Bas et qui a été considéré comme ayant participé à l’infraction et s’est vu infliger une amende de 11,5 millions d’euros) ayant participé à l’entente, s’il est vrai que la décision attaquée (note en bas de page 216) fait mention de la déclaration de Kuwait Petroleum en date du 9 octobre 2003 et de la réponse d’Esha à une demande de renseignements en date du 30 décembre 2003, qui sont postérieures à la réponse à une demande de renseignements fournie par les requérantes, ce seul élément n’apparaît cependant pas suffisant, à lui seul, pour considérer que les requérantes ont apporté un élément doté d’une valeur ajoutée significative à la Commission, dès lors que cette dernière avait déjà connaissance de la participation d’Esha à l’entente par le biais de documents antérieurs de Heijmans, HGB, BP et Kuwait Petroleum (voir considérants 57 et 68 de la décision attaquée).

88      En ce qui concerne les lieux des réunions préparatoires des fournisseurs de bitume , il convient de souligner que les requérantes n’ont mentionné qu’un seul lieu supplémentaire eu égard aux déclarations de BP de 2002 et à la réponse à une demande de renseignements de Kuwait Petroleum en date du 16 septembre 2003, et que cette information n’a pas pu être corroborée, a été remise en cause lors des auditions et n’a dès lors pas été utilisée dans la décision attaquée (considérant 69 de la décision attaquée, notes en bas de page 176 et 177). De même, si la Commission a cité un extrait de la réponse des requérantes à une demande de renseignements en date du 2 octobre 2003 afin d’affirmer que les réunions de l’entente se déroulaient généralement dans les locaux de Koninklijke Wegenbouw Stevin BV (ci-après « KWS ») (considérant 59 de la décision attaquée), il convient de souligner qu’elle disposait déjà de cette information par le biais de documents saisis lors des vérifications chez KWS, d’une réponse à une demande de renseignements de Kuwait Petroleum en date du 16 septembre 2003 et d’une déclaration de cette dernière en date du 1er octobre 2003 (voir annexe 2 de la communication des griefs).

89      De même, en ce qui concerne la participation de Ballast Nedam et de Dura Vermeer à l’entente, il convient de noter que la Commission détenait déjà des preuves permettant de l’établir grâce à des documents saisis lors des vérifications effectuées dans les locaux de NBM Noord-West BV, de Hollandsche Beton Groep Civiel BV et de KWS et à la réponse, le 12 septembre 2003, de Dura Vermeer à une demande de renseignements (voir considérants 76 et 77 de la décision attaquée, notes en bas de page 200, 220, 223, 224 et 226).

90      Enfin, en ce qui concerne les mécanismes de sanction à l’égard des fournisseurs de bitume ne respectant pas les accords de l’entente, les documents transmis par Nynas (télécopie envoyée par Hollandsche Beton Groep et facture incriminant Heijmans et Ballast Nedam) n’ont également fait que confirmer et préciser des preuves déjà détenues par la Commission. En effet, BP, dans ses déclarations du 12 juillet 2002 et du 16 septembre 2003, avait notamment déjà transmis des éléments à ce sujet, tout comme Kuwait Petroleum dans sa déclaration du 12 septembre 2003 (considérants 84 et 86 de la décision attaquée). Le mécanisme de sanction était aussi évoqué dans des documents saisis lors des vérifications menées chez Shell Nederland Verkoopmaatschappij BV et KWS (notes de bas de page 238 et 286).

91      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les requérantes n’ont pas établi que, en l’absence des informations qu’elles ont volontairement fournies à la Commission, celle-ci n’aurait pas été en mesure de prouver l’essentiel de l’infraction et donc d’adopter une décision infligeant des amendes.

92      En conclusion, il y a lieu de constater que la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en excluant que les informations apportées exclusivement par les requérantes aient eu une valeur ajoutée significative.

93      En deuxième lieu, les requérantes estiment que la date tardive à laquelle elles ont transmis leurs informations à la Commission serait imputable à cette dernière, qui aurait adressé sa demande de renseignements à Nynas NV au lieu de Nynas Belgium, celle-ci n’ayant reçu cette demande que le 23 juillet 2003, soit trois semaines après les autres entreprises, qui l’avaient reçue dès le 30 juin 2003.

94      Il ressort cependant du dossier, et notamment d’échanges écrits entre l’avocat de Nynas et la Commission, que la première demande de renseignements avait été adressée à Nynas NV, à la même personne de contact et à la même adresse que celle indiquée par la suite par Nynas Belgium, et que cette dernière avait reconnu avoir reçu cette demande au même moment que les autres destinataires, soit le 4 juillet 2003. En tout état de cause, la date d’envoi ou de réception de la demande formelle de renseignements de la Commission est sans influence sur l’appréciation de la chronologie des demandes de clémence formées par les entreprises en l’espèce, dès lors que celles-ci pouvaient être présentées à tout moment, notamment à la suite des vérifications surprises effectuées par la Commission, et indépendamment de la date d’envoi de la demande de renseignements.

95      En troisième lieu, les requérantes soulignent que la Commission aurait considéré à tort que, dans sa réponse du 2 octobre 2003, Nynas Belgium n’aurait pas exprimé le souhait de bénéficier d’une réduction de l’amende. Aux termes des dispositions des paragraphes 24 et 25 de la communication sur la coopération de 2002, « [t]oute entreprise souhaitant bénéficier d’une réduction d’amende devra fournir à la Commission les éléments de preuve relatifs à l’entente en question » et « [l]’entreprise recevra un accusé de réception de la direction générale de la concurrence portant la date à laquelle les éléments en question ont été remis ». La communication sur la coopération de 2002 ne prévoit donc pas d’obligation formelle spécifique pour l’introduction d’une demande de clémence. Cependant, les termes utilisés par Nynas dans sa réponse du 2 octobre 2003 à la demande de renseignements n’indiquent pas clairement qu’elle entendait se prévaloir des dispositions de la communication sur la coopération de 2002, son conseil s’étant borné à indiquer qu’elle avait réussi à obtenir « des copies de documents dont elle espère qu’elles assisteront l’enquête de la Commission en fournissant une valeur ajoutée significative ». En tout état de cause, le fait de déterminer si la réponse du 2 octobre 2003 de Nynas Belgium constituait déjà une demande de clémence est sans influence sur l’issue du litige, étant donné que l’appréciation définitive sur la qualité des preuves fournies n’est portée par la Commission qu’à l’issue de la procédure administrative et qu’il ressort de la décision attaquée que la Commission, tout en estimant que Nynas n’avait pas présenté de demande formelle de réduction de son amende au titre de la communication sur la coopération de 2002, a pris ce document en compte pour apprécier la possibilité de réduire l’amende infligée à Nynas au titre de la communication sur la coopération de 2002.

96      En conclusion, le Tribunal estime que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que les informations apportées par les requérantes n’avaient aucune valeur ajoutée significative et qu’elle ne pouvait dès lors leur accorder une réduction de l’amende en application de la communication sur la coopération de 2002.

 Sur le principe d’égalité

–       Arguments des parties

97      Les requérantes considèrent que la Commission a méconnu le principe d’égalité en leur réservant, sans que cela soit justifié, un traitement différent de celui accordé à Kuwait Petroleum. Tout d’abord, elles estiment qu’aucune autre entreprise n’a été pénalisée pour avoir reformulé ses déclarations à l’encontre d’ExxonMobil et que Kuwait Petroleum a notamment pu bénéficier d’une réduction de 30 % du montant de son amende, alors même qu’elle avait agit de la même manière qu’elles. Par ailleurs, elles reprochent à la Commission d’avoir traité différemment ses renseignements de ceux fournis par Kuwait Petroleum. Cette dernière n’aurait ainsi fourni des informations décisives que le 9 octobre 2003, qui n’auraient que corroboré des informations obtenues lors des vérifications surprises et seraient en tout état de cause moins détaillées que celles fournies par Nynas Belgium. Dans la décision attaquée, la Commission aurait pourtant choisi de se fonder sur des déclarations fournies par Kuwait Petroleum plutôt que sur celles des requérantes et aurait en outre omis de les citer comme source de nombreux éléments factuels. En agissant de la sorte, la Commission aurait méconnu ses obligations de bonne administration et de motivation de ses décisions.

98      La Commission rejette les arguments des requérantes.

–       Appréciation du Tribunal

99      À titre préalable, il convient de rappeler, conformément au point 75 ci-dessus, que la Commission, dans sa décision, n’a fait que mentionner que les éléments fournis par Nynas ne lui avaient pas permis d’établir de nouvelles caractéristiques importantes de l’entente, notamment en raison de la reformulation par Nynas de certaines déclarations relatives à ExxonMobil, mais qu’elle n’a pas pénalisé Nynas pour ces reformulations. Il convient donc d’écarter les arguments des requérantes relatifs à une violation du principe d’égalité avec Kuwait Petroleum sur ce point.

100    Selon la jurisprudence, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation de la coopération des entreprises, la Commission ne saurait méconnaître le principe d’égalité de traitement, qui est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié et que ce principe s’oppose à ce que la Commission traite différemment la coopération des entreprises concernées par une même décision (voir arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, point 62 supra, point 533, et la jurisprudence citée). Elle considère cependant que la Commission ne méconnaît pas ce principe lorsqu’elle accorde, ou non, une réduction du montant des amendes en fonction de la coopération de l’entreprise concernée avec elle durant la procédure administrative (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, points 309 à 313, et Weig/Commission, T‑317/94, Rec. p. II‑1235, points 287 à 289). En outre, elle estime qu’une différence de traitement des entreprises en cause doit être imputable à des degrés de coopération non comparables, notamment dans la mesure où ils ont consisté en la fourniture d’informations différentes ou en la fourniture de ces informations à des stades différents de la procédure administrative, ou dans des circonstances non analogues (arrêt du Tribunal du 6 décembre 2005, Brouwerij Haacht/Commission, T‑48/02, Rec. p. II‑5259, points 108 et 109).

101    Il convient en outre de préciser que, s’il a pu être considéré que, pour pouvoir être considérées comme comparables, les coopérations des entreprises ne devaient pas nécessairement intervenir le même jour, mais au même stade de la procédure (arrêt du Tribunal 30 avril 2009, Nintendo et Nintendo of Europe/Commission, T‑13/03, Rec. p. II‑947, point 178), ce principe s’appliquait au titre D de la communication sur la coopération de 1996, qui ne prévoyait pas un traitement différent des entreprises concernées en fonction de l’ordre dans lequel elles avaient coopéré avec la Commission, contrairement à la communication sur la coopération de 2002 (voir point 76 ci-dessus).

102    Enfin, lorsqu’une entreprise ne fait, au titre de la coopération, que confirmer, et ce de manière moins précise et explicite, certaines des informations déjà fournies par une autre entreprise au titre de la coopération, le degré de la coopération fournie par cette entreprise, quoiqu’il puisse ne pas être dénué d’une certaine utilité pour la Commission, ne saurait être considéré comme comparable à celui fourni par la première entreprise à avoir fourni lesdites informations. Une déclaration se limitant à corroborer, dans une certaine mesure, une déclaration dont la Commission disposait déjà ne facilite en effet pas la tâche de la Commission de manière significative. Partant, elle ne saurait être suffisante pour justifier une réduction du montant de l’amende au titre de la coopération (arrêts du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 455, et du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T‑343/08, Rec. p. II‑2287, point 137).

103    En l’espèce, il apparaît que la Commission n’a pas méconnu le principe d’égalité en accordant à Kuwait Petroleum une réduction d’amende de 30 % sur le fondement de la communication sur la coopération de 2002 et en refusant d’accorder une telle réduction aux requérantes, ces entreprises se trouvant dans des situations différentes. En effet, il convient de rappeler que Kuwait Petroleum a introduit une demande d’application de la communication sur la coopération de 2002 dès le 12 septembre 2003, à laquelle était jointe une déclaration d’entreprise, et qu’elle a demandé à ce qu’une partie des informations communiquées le 16 septembre 2003 soit prise en compte au titre de sa demande de clémence. Le 18 septembre 2003, une réunion entre la Commission et Kuwait Petroleum a été organisée et, les 1er et 9 octobre 2003, trois anciens salariés de Kuwait Petroleum ont été entendus par la Commission. La Commission a estimé dans la décision attaquée que les informations fournies les 12 et 16 septembre 2003 ainsi que les 1er et 9 octobre 2003 avaient renforcé, par leur niveau de précision, sa capacité à établir l’existence de l’infraction, mais qu’elle devait prendre en compte le fait que la demande de clémence n’avait été introduite que onze mois après l’intervention des vérifications surprises et après l’envoi de sa demande de renseignements, qu’elle disposait déjà de certains éléments de preuve communiqués par d’autres sociétés et que Kuwait Petroleum était revenue sur certaines de ses déclarations formulées à l’encontre d’ExxonMobil. Ainsi, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, Kuwait Petroleum n’a pas attendu le 9 octobre 2003 pour fournir des informations décisives, mais, dès le 12 septembre 2003, elle a permis à la Commission de corroborer les informations existantes et d’établir ainsi l’existence de l’infraction, notamment en fournissant la première des preuves directes des réunions de concertation sur le bitume, BP, première entreprise à informer la Commission de l’existence de l’entente, n’ayant pas participé régulièrement à ces réunions (considérant 383 de la décision attaquée).

104    En définitive, il ressort des différents éléments du dossier que la situation des requérantes n’était pas comparable à celle de Kuwait Petroleum, tant en ce qui concerne la date de communication des informations à la Commission que leur contenu. Les requérantes ont d’ailleurs elles-mêmes reconnu dans la réplique que la qualité des éléments de preuve fournis par Kuwait Petroleum était supérieure. Il convient en outre de constater que les requérantes, interrogées notamment sur ce point lors de l’audience, n’ont aucunement étayé leur affirmation selon laquelle la Commission se serait fondée sur les éléments qu’elles lui ont transmis le 2 octobre 2003 pour conduire l’audition d’un ancien salarié de Kuwait Petroleum le 9 octobre 2003. Enfin, la circonstance selon laquelle la Commission a considéré que les éléments apportés par Kuwait Petroleum lors de l’audition du 9 octobre 2003 avaient une valeur ajoutée significative est sans influence sur l’appréciation par la Commission de la valeur des éléments apportés précédemment par cette société et, dès lors, sans influence sur l’appréciation portée sur la valeur des informations fournies par les requérantes.

105    Dès lors, les situations de Kuwait Petroleum et des requérantes n’étant pas comparables, dans la mesure où ces dernières n’ont fourni que tardivement des éléments d’information à la Commission et que celles-ci n’avaient pas le même niveau qualitatif, la Commission n’a pas méconnu le principe d’égalité en refusant d’accorder aux requérantes une réduction d’amende sur le fondement de la communication sur la coopération de 2002.

106    Les requérantes évoquent en outre sous ce moyen des griefs relatifs à une violation du principe de bonne administration et à l’obligation de motivation, en se bornant à souligner qu’il appartenait à la Commission d’attribuer la source de ses conclusions et d’octroyer une reconnaissance équitable à des éléments de preuve équivalents.

107    Selon l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (arrêts du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T‑102/92, Rec. p. II‑17, point 68, et du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, point 333).

108    En l’espèce, la formulation du grief relatif à la violation du principe de bonne administration par la Commission est trop imprécise pour permettre au Tribunal d’en identifier l’objet même. En effet, les requérantes ne précisent pas les points spécifiques de la décision attaquée dans lesquels la Commission aurait choisi de se fonder de manière arbitraire sur des déclarations fournies par Kuwait Petroleum plutôt que sur les leurs et dans lesquels elle aurait en outre omis de les citer comme source. Ce grief devra donc être rejeté comme irrecevable.

109    En ce qui concerne le grief tiré du défaut de motivation de la décision attaquée, celui-ci est également formulé de manière très vague. Toutefois, à supposer même ce grief recevable, l’obligation de motivation doit, selon la jurisprudence, d’une part, permettre à l’intéressé de connaître les justifications de la mesure prise, afin de faire valoir, le cas échéant, ses droits et vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, mettre le juge communautaire à même d’exercer son contrôle de légalité. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte en cause, de la nature des motifs invoqués et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 27 supra, point 129).

110    En l’espèce, il apparaît que la Commission a exposé de manière suffisamment claire et précise les raisons pour lesquelles elle a décidé d’accorder une réduction de l’amende à Kuwait Petroleum et aucune réduction aux requérantes. En effet, il ressort des considérants 382 à 385 et 389 à 393 de la décision attaquée que la Commission a estimé que les informations fournies par Kuwait Petroleum les 12 et 16 septembre 2003 ainsi que les 1er et 9 octobre 2003 avaient renforcé, par leur niveau de précision, sa capacité à établir l’existence de l’infraction, alors que les informations fournies par Nynas le 2 octobre 2003, bien qu’elles aient été très détaillées et fournies spontanément, n’ont pas renforcé la capacité de la Commission à établir l’infraction, celle-ci disposant déjà, à cette date, des informations nécessaires pour établir les principaux éléments constitutifs de l’infraction. La Commission a notamment précisé les autres sources dont elle disposait déjà et qui lui permettaient, selon elle, d’établir les principaux éléments de l’infraction.

111    Ce grief devra donc être rejeté comme non fondé. Compte tenu de tout ce qui précède, il convient donc de rejeter dans son ensemble le moyen tiré d’un refus d’octroi d’une réduction sur le fondement des dispositions du titre B de la communication sur la coopération de 2002.

 Sur le refus d’octroi d’une réduction sur le fondement des lignes directrices

 Arguments des parties

112    Les requérantes estiment, de manière subsidiaire, que la Commission aurait dû prendre en compte leur coopération effective en dehors des dispositions de la communication sur la coopération de 2002, conformément au point 3 des lignes directrices.

113    La Commission rejette les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

114    Aux termes des dispositions du point 3, sixième tiret, des lignes directrices, la Commission peut diminuer le montant de base de l’amende pour « collaboration effective de l’entreprise à la procédure, en dehors du champ d’application de la communication [sur la coopération de] 1996 concernant la non-imposition ou la réduction du montant des amendes ». Le juge de l’Union a ainsi précisé que la Commission ne pouvait accorder à une entreprise ayant coopéré au cours d’une procédure pour violation des règles de concurrence une réduction d’amende au titre de ces dispositions des lignes directrices que dans les cas où la communication sur la coopération de 1996 n’était pas applicable (voir, en ce sens, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 32 supra, points 380 à 382, et BASF/Commission, point 64 supra, points 585 et 586).

115    Or, de manière analogue à la communication sur la coopération de 1996 qu’elle a remplacée, sous certaines conditions, à compter du 14 février 2002, la communication sur la coopération de 2002 s’applique aux ententes secrètes entre entreprises consistant à fixer des prix, des quotas de production ou de vente et à répartir les marchés, y compris par le truquage d’appels d’offres, ou encore à restreindre les importations ou les exportations, et exclut ainsi les ententes verticales ou relevant du champ d’application de l’article 82 CE.

116    En l’espèce, dès lors que l’infraction en cause relève bien du champ d’application de la communication sur la coopération de 2002, les dispositions de l’article 3, sixième tiret, des lignes directrices n’étaient pas applicables aux requérantes. Le présent moyen, tiré de la méconnaissance de dispositions qui ne sont donc pas applicables en l’espèce, doit être rejeté comme inopérant.

117    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il convient de rejeter les conclusions de la requête tendant à l’annulation de l’article 2 de la décision attaquée.

3.     Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende

118    S’agissant des conclusions tendant à la réformation de la décision attaquée, aucun élément n’étant en l’espèce de nature à justifier une réduction du montant de l’amende, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande. Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

119    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Nynäs Petroleum AB et Nynas Belgium AB sont condamnées aux dépens.

Jaeger

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 septembre 2012.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1. Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée

Sur l’erreur de droit

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les erreurs manifestes d’appréciation commises en l’espèce dans l’imputation de la responsabilité à Nynäs AB

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur l’autonomie de la politique commerciale de Nynas NV

– Sur le comportement de la société mère sur le marché en cause et son rôle dans l’infraction

– Sur la prise en compte d’éléments trop formalistes

2. Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’article 2 de la décision attaquée

Sur le refus d’octroi d’une réduction sur le fondement des dispositions du titre B de la communication sur la coopération de 2002

Sur les erreurs de droit

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur les erreurs manifestes d’appréciation

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le principe d’égalité

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le refus d’octroi d’une réduction sur le fondement des lignes directrices

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

3. Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.