Language of document : ECLI:EU:T:2015:440

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

29 juin 2015 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire tridimensionnelle – Forme d’une tortilla mexicaine – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑618/14,

Grupo Bimbo, SAB de CV, établie à Mexico (Mexique), représentée par Me N. Fernández Fernández-Pacheco, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par Mme S. Palmero Cabezas, puis par M. J. Garrido Otaola, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 3 juin 2014 (affaire R 2449/2013‑2), relative à une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’une tortilla mexicaine,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood (rapporteur) et E. Bieliūnas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 août 2014,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 novembre 2014,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1         Le 17 avril 2013, la requérante, Grupo Bimbo, SAB de CV, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé (ci-après la « marque demandée ») est le signe tridimensionnel reproduit ci-après :

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et correspond à la description suivante :

« La marque [demandée] est constituée par six vues de snacks d’extrudé de maïs cylindriques et élargis qui simulent le demi pli d’une tortilla qui se superpose au cylindre, dans un dégradé de couleurs de tonalités beige, jaune et brun. Les quatre premières vues montrent le contour latéral des snacks. La vue supérieure droite montre en perspective la partie inférieure et/ou supérieure et la vue inférieure droite montre le snack en perspective. Le tout selon la configuration particulière représentée ».

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Snacks de fritures de maïs ou tortillas chips, extrudés du maïs ».

4        Par décision du 8 octobre 2013, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

5        Le 5 décembre 2013, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de l’examinateur, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

6        Par décision du 3 juin 2014 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 2017/2009. En substance, la chambre de recours a considéré que l’impression d’ensemble dégagée par la marque demandée ne permettrait pas au public concerné de différencier les produits désignés par ladite marque de ceux ayant une autre origine commerciale, au moment de leur achat. La chambre de recours a relevé plus particulièrement ce qui suit :

–        le public pertinent est constitué des consommateurs finaux de tout le territoire de l’Union européenne, dont le niveau d’attention n’est pas plus élevé que la moyenne, dans la mesure où les produits en cause sont des produits alimentaires, de consommation quotidienne, d’acquisition rapide et de prix modéré (point 12 de la décision attaquée) ;

–        la marque demandée est constituée par l’aspect du produit, à savoir la représentation d’un « taco mexicain », constituée de six vues d’un snack d’extrudé de maïs, à la forme cylindrique et allongée, avec des couleurs dégradées de beige, de jaune et de brun (point 19 de la décision attaquée) ;

–        la forme de « taco mexicain » en cause est une forme géométrique de base qui n’est, en substance, pas différente des autres formes variées et similaires habituellement utilisées dans le secteur des snacks, telles qu’on les trouve dans n’importe quel supermarché (points 21 et 22 de la décision attaquée) ;

–        les différences éventuelles existant entre la marque demandée et un simple et banal cylindre ne sont pas aisément perceptibles et, s’agissant de produits qui sont vendus dans des boîtes ou des sachets généralement revêtus d’une marque verbale ou figurative, elles ne permettent pas au public concerné de reconnaître dans cette forme un élément différenciateur au moment de l’achat (point 23 de la décision attaquée) ;

–        cette appréciation étant fondée sur des faits notoires, il appartient, le cas échéant, à la requérante de démontrer qu’il en va autrement des habitudes des consommateurs sur le marché concerné (points 24 et 27 de la décision attaquée) ;

–        la marque demandée constitue une variante des formes habituelles des produits du secteur concerné, le fait qu’aucune combinaison identique n’est présente sur le marché étant, à cet égard, sans pertinence (points 28 et 29 de la décision attaquée) ;

–        les autres marques tridimensionnelles acceptées à l’enregistrement et invoquées en tant que précédents par la requérante diffèrent de la marque demandée en ce qu’elles n’étaient pas couramment utilisées pour les produits en question (point 34 de la décision attaquée) ; en outre, le caractère enregistrable d’une marque communautaire ne saurait être apprécié que sur la base du règlement n° 207/2009, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure des chambres de recours (point 35 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner l’inscription de la marque demandée au registre des marques communautaires ;

–        condamner l’OHMI aux dépens et au remboursement des frais de recours.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        Au soutien de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Par ce moyen, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir conclu à tort, et sans en rapporter la preuve empirique, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque. Selon elle, en effet, la marque demandée n’est pas une forme de base, connue ou attendue, des produits en cause. Elle présenterait une forme cylindrique, allongée et irrégulière, à la manière d’un rouleau, dont les principales caractéristiques seraient toutefois sa façon particulière de s’enrouler, son pli de fermeture et sa combinaison de couleurs assez inhabituelles pour les produits concernés, qui auraient pour conséquence que le consommateur la perçoit immédiatement comme la forme d’un taco et non pas comme un simple et banal cylindre. La combinaison de ces facteurs donnerait lieu à un ensemble unique et distinctif, qui diffère actuellement de tous les autres snacks existant sur le marché et que les consommateurs sont en mesure de reconnaître et d’associer à un fabricant spécifique.

10      L’OHMI conteste cette argumentation.

11      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif sont refusées à l’enregistrement.

12      À titre liminaire, il importe de rappeler que le caractère distinctif d’une marque au sens de cette disposition signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêts du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec, EU:C:2004:260, point 32 et jurisprudence citée, et du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, Rec, EU:C:2011:680, point 42 et jurisprudence citée).

13      Par ailleurs, il n’est pas nécessaire que la marque informe avec précision de l’identité du fabricant du produit ou du prestataire du service. En effet, il suffit qu’elle permette au public intéressé de distinguer le produit ou le service de ceux qui ont une autre provenance, en parvenant ainsi à la conclusion que tous les produits ou services qui en sont revêtus ont été fabriqués sous le contrôle d’une entreprise unique, à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 28).

14      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur de ces produits ou services (voir arrêts Procter & Gamble/OHMI, point 12 supra, EU:C:2004:260, point 33 et jurisprudence citée, et Freixenet/OHMI, point 12 supra, EU:C:2011:680, point 43 et jurisprudence citée).

15      Pour apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit, ce qui n’est pas incompatible avec un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir arrêt du 30 juin 2005, Eurocermex/OHMI, C‑286/04 P, Rec, EU:C:2005:422, points 22 et 23 et jurisprudence citée ; arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec, EU:C:2007:635, point 82).

16      En l’espèce, s’agissant, premièrement, des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé, ceux-ci relèvent de la classe 30 et correspondent à la description « snacks de fritures de maïs ou tortillas chips, extrudés du maïs ». Le Tribunal considère que l’examen du caractère distinctif de la marque demandée doit se faire par référence à la catégorie plus générale des snacks existant sur le marché, ceux-ci étant aisément substituables aux snacks à base de maïs. C’est du reste par référence à cette catégorie que la chambre de recours et les parties à la procédure ont pris position aux fins de cet examen. Contrairement à ce que soutient la requérante, les produits relevant de cette catégorie ont été décrits à juste titre par la chambre de recours comme étant des produits alimentaires de consommation courante, généralement vendus en supermarché, peu onéreux et dont l’achat n’est pas précédé d’une longue période de réflexion.

17      S’agissant, deuxièmement, du public pertinent pour ce type de produits, celui-ci est, selon la jurisprudence, constitué du consommateur moyen dans toute l’Union européenne, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée ; voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, C‑210/96, Rec, EU:C:1998:369, points 30 à 32 et jurisprudence citée). L’argument en sens contraire avancé par la requérante, selon lequel les produits en cause viseraient spécifiquement les enfants et les adolescents, dotés d’un degré d’attention plus élevé, ne saurait être admis au vu de cette jurisprudence. En tout état de cause, la requérante affirme, mais ne démontre nullement, que les enfants et les adolescents sont les consommateurs spécifiques ou uniques de ce type de produits, ni même que le niveau d’attention de ce public particulier lors de l’achat est plus élevé que celui des adultes.

18      Quant à la marque demandée, la description de celle-ci, dans la demande d’enregistrement de marque communautaire (voir point 2 ci-dessus), confirme qu’elle correspond à l’apparence du produit lui-même, ainsi que l’a dûment relevé la chambre de recours au point 19 de la décision attaquée.

19      Il convient toutefois de préciser que la marque demandée a été erronément décrite par la chambre de recours, dans la décision attaquée, et par les parties à la présente procédure dans leurs écritures, comme ayant la « forme d’un taco mexicain ». Dans la mesure où le taco se définit comme étant une crêpe ou une galette à base de farine de maïs (tortilla en espagnol), garnie d’un aliment ou d’une combinaison d’aliments quelconque, cette description n’est pas rigoureusement exacte, en effet, puisque le produit en cause est essentiellement constitué de farine de maïs, le cas échéant épicée et aromatisée, mais sans ajout d’un quelconque aliment.

20      Il y a lieu de relever à cet égard que, ni dans sa description de la marque demandée figurant dans sa demande d’enregistrement de marque communautaire du 17 avril 2013, ni dans ses observations écrites du 5 juillet 2013 en réponse aux premières objections de l’examinateur, la requérante n’a utilisé le terme « taco ». Elle s’est référée, dans le premier de ces documents, à des « snacks d’extrudé de maïs », et, dans le second, à un « signe tridimensionnel composé d’une forme très caractéristique, combinée à des couleurs plutôt inhabituelles pour les produits en question ». De même, dans ses premières objections à l’enregistrement de la marque demandée, datées du 7 mai 2013, l’examinateur n’a pas utilisé le terme « taco », mais s’est borné à relever que la représentation graphique de ladite marque consistait « en diverses perspectives de snacks d’extrudé de maïs de couleur brune ». De même encore, dans sa décision de rejet du 8 octobre 2013, l’examinateur a utilisé les termes « tortilla » et « snack de maïs », mais pas le terme « taco ». Ce n’est que dans ses observations écrites du 7 février 2014 exposant les motifs du recours devant la chambre de recours que la requérante a, pour la première fois, soutenu que la marque demandée consistait « en la représentation figurative d’un snack de maïs en forme de taco mexicain, constituée par six vues montrant clairement sa forme cylindrique, allongée et irrégulière, à la manière d’un rouleau, où l’on peut observer comment la fin ou le pli de la tortilla ou du taco se superpose de façon figurée à sa forme cylindrique », ou bien encore que la marque demandée était un « snack en forme de taco ». La chambre de recours s’est, dès lors, référée elle aussi à la forme d’un taco, dans la décision attaquée.

21      Sur son site commercial Internet www.grupobimbo.com, la requérante décrit par ailleurs les produits en cause comme étant des « rouleaux de farine de maïs frite » (rollitos de maíz en espagnol et corn flour fried rolls en anglais).

22      Cette inexactitude dans la description de la marque demandée opérée par la chambre de recours est toutefois sans incidence sur l’appréciation du caractère distinctif intrinsèque de ladite marque et, dès lors, sur la solution qu’il convient de donner au présent litige. Dans la suite du présent arrêt, il sera fait usage de l’expression « tortilla de maïs » aux fins de la description du signe demandé.

23      Selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques [voir arrêts Freixenet/OHMI, point 12 supra, EU:C:2011:680, point 45 et jurisprudence citée, et du 12 septembre 2007, Neumann/OHMI (Forme d’une tête de microphone), T‑358/04, Rec, EU:T:2007:263 , point 41 et jurisprudence citée].

24      Toutefois, aux fins de l’application de ces critères, il convient de tenir compte du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’aspect du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, alors que les consommateurs moyens ont pour habitude de percevoir immédiatement ces dernières marques en tant que signes identificateurs des produits, il n’en va pas forcément de même lorsque le signe se confond avec l’aspect des produits eux-mêmes ou avec celui de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative (arrêts Henkel/OHMI point 17 supra, EU:C:2004:258, 258, point 38, et du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec, EU:C:2004:592, point 30).

25      Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 [voir arrêts du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec, EU:C:2006:20, point 28 et jurisprudence citée ; Freixenet/OHMI, point 12 supra, EU:C:2011:680, point 47 et jurisprudence citée, et du 25 septembre 2014, Peri/OHMI (Forme d’un tendeur à vis), T‑171/12, Rec, EU:T:2014:817, point 35 et jurisprudence citée]. Selon la jurisprudence, ces divergences doivent permettre au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer le produit concerné de ceux d’autres entreprises, sans procéder à une analyse ou à une comparaison et sans faire preuve d’une attention particulière [voir arrêt du 28 mai 2013, Voss of Norway/OHMI – Nordic Spirit (Forme d’une bouteille cylindrique), T‑178/11, EU:T:2013:272, point 43 et jurisprudence citée].

26      Inversement, plus la forme dont l’enregistrement a été demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (arrêt Mag Instrument/OHMI, point 24 supra, EU:C:2004:592, point 31).

27      Toutefois, lorsqu’une marque tridimensionnelle est constituée de la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé, le simple fait que cette forme soit une «variante» d’une des formes habituelles de ce type de produits ne suffit pas à établir que ladite marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Il convient toujours de vérifier si une telle marque permet au consommateur moyen de ce produit, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, le produit concerné de ceux d’autres entreprises (arrêt Mag Instrument/OHMI, point 24 supra, EU:C:2004:592, point 32).

28      Quant à la preuve du caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée et quant à la violation alléguée des droits de la défense de la requérante, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, les examinateurs de l’OHMI et, le cas échéant, les chambres de recours, doivent procéder à l’examen d’office des faits afin de déterminer si la marque dont l’enregistrement est demandé relève ou non de l’un des motifs absolus de refus d’enregistrement énoncés à l’article 7 du même règlement. Il s’ensuit que les organes compétents de l’OHMI peuvent être amenés à fonder leurs décisions sur des faits qui n’auraient pas été invoqués par le demandeur de marque. Si, en principe, il appartient à ces organes d’établir, dans leurs décisions, l’exactitude de tels faits, tel n’est pas le cas lorsqu’ils allèguent des fait notoires. À cet égard, il y a lieu de souligner qu’un demandeur de marque à qui l’OHMI oppose de tels faits notoires est en mesure de contester leur exactitude tant devant la chambre de recours que devant le Tribunal, et il n’y a donc aucune atteinte aux droits de la défense (arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec, EU:C:2006:422, points 50 à 52).

29      Il y a encore lieu de rappeler que, dans le cadre de l’examen de l’existence de motifs absolus de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, le rôle de l’OHMI est de décider, après avoir apprécié objectivement et impartialement les circonstances du cas d’espèce au regard des règles applicables dudit règlement et de leur interprétation effectuée par le juge de l’Union, et tout en permettant au demandeur de faire valoir ses observations et de connaître les motifs de la décision adoptée, si la demande de marque se heurte à un motif absolu de refus. Cette décision découle d’une appréciation d’ordre juridique qui, par sa nature même, ne saurait être soumise à une obligation de preuve, le bien-fondé de cette appréciation étant, par ailleurs, susceptible d’être contesté en cas de recours devant le Tribunal [arrêt du 15 mars 2006, Develey/OHMI (Forme d’une bouteille en plastique), T‑129/04, Rec, EU:T:2006:84, point 15].

30      Par ailleurs, lorsque la chambre de recours conclut à l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée, elle peut fonder son analyse sur des faits notoires, à savoir des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de large consommation, lesquels faits sont susceptibles d’être connus de toute personne et sont notamment connus des consommateurs de ces produits. Dans un tel cas, la chambre de recours n’est pas obligée de présenter des exemples d’une telle expérience pratique (voir arrêt Forme d’une bouteille en plastique, point 29 supra, EU:T:2006:84, point 19 et jurisprudence citée).

31      C’est sur cette expérience acquise que s’est appuyée la chambre de recours lorsqu’elle a constaté, au point 22 de la décision attaquée, que la marque demandée ne différait pas, en substance, des autres formes habituellement utilisées dans le secteur des snacks et qu’il est courant de trouver dans n’importe quel supermarché des snacks présentant des formes variées et similaires.

32      Dans la mesure où la requérante se prévaut du caractère distinctif de la marque demandée, en dépit de l’analyse de la chambre de recours fondée sur l’expérience susvisée, c’est à elle qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée est dotée soit d’un caractère distinctif intrinsèque, soit d’un caractère distinctif acquis par l’usage, étant donné qu’elle est beaucoup mieux à même de le faire, au vu de sa connaissance approfondie du marché (voir, en ce sens, arrêt Forme d’une bouteille en plastique, point 29 supra, EU:T:2006:84 , point 21 et jurisprudence citée).

33      Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante reproche à la chambre de recours et à l’examinateur de s’être fondés sur leur expérience subjective et de ne pas avoir cherché à étayer leurs « déductions empiriques » par une recherche des formes de snacks existant sur le marché.

34      En l’espèce, comme le fait observer en substance l’OHMI, la marque demandée est constituée essentiellement par la forme d’une tortilla de maïs repliée ou enroulée sur elle-même, de forme cylindrique allongée et irrégulière, avec un pli de fermeture apparent, de couleur oscillant entre le beige et le brun en passant par le jaune. Il convient de relever, à cet égard, que dans son mémoire exposant les motifs du recours devant la chambre de recours, daté du 7 février 2014, la requérante a décrit la marque demandée comme étant une sorte de « rouleau replié sur lui-même » (rollo solapado en espagnol).

35      Force est de constater que ni ces divers aspects caractéristiques de la marque demandée, pris isolément, ni leur combinaison dans l’ensemble qui constitue ladite marque ne suffisent à la distinguer de façon significative des autres formes de snacks présentes sur le marché, de sorte qu’elle puisse remplir la fonction d’identification d’origine commerciale.

36      Comme l’expose à bon droit la chambre de recours, sans contester que la marque demandée soit différente de toutes les autres formes de snacks existant sur le marché, il est courant de trouver dans n’importe quel supermarché des snacks présentant des formes variées et similaires à la marque demandée et les différences existant entre la marque demandée et d’autres snacks cylindriques ne dominent pas l’impression d’ensemble, voire ne sont même pas aisément perceptibles par le consommateur moyen. Ni le fait que le cylindre soit enroulé sur lui-même et présente un pli de fermeture, ni son dégradé de couleurs ne sont inhabituels pour les produits en cause. De même, l’impression d’ensemble produite par ces diverses caractéristiques ne diffère pas suffisamment des formes habituelles dans le secteur des snacks pour produire sur le consommateur une impression capable de doter la marque demandée du degré minimum de caractère distinctif requis.

37      Il convient du reste d’observer, d’une manière plus générale, que la forme cylindrique d’une pièce plate enroulée sur elle-même à la manière d’un tuyau et présentant un pli de fermeture est largement répandue dans la catégorie des produits alimentaires, aussi bien salés que sucrés. Ainsi, par exemple, s’agissant des biscuits sucrés, une telle forme a donné naissance, en espagnol, au nom générique « barquillos », mais aussi aux expressions française « cigarettes russes » et anglaise « brandy snaps ».

38      Quant à l’argument tiré par la requérante de deux exemples d’autres snacks cylindriques existant sur le marché espagnol et différents de la marque demandée, à savoir les « gusanitos » et les « cheetos », il ne suffit pas à établir que les différences en cause sont si significatives qu’elles amèneront le consommateur à percevoir la forme demandée non comme une forme parmi beaucoup d’autres, mais comme la marque d’un fabricant donné.

39      Quant à l’argument de la requérante tiré d’une prétendue violation des directives d’examen des demandes d’enregistrement de marques communautaires de l’OHMI, qui indiqueraient que « les apéritifs (snacks) présentant des formes non communes (…) sont un bon exemple » de signes tridimensionnels distinctifs et dès lors enregistrables en tant que marques, l’OHMI répond à juste titre que la version française actuelle du manuel cité par la requérante, publiée en avril 2008, énonce qu’il importe de « déterminer si la forme se différencie matériellement des formes de base, courantes ou attendues par le consommateur, d’une manière telle qu’elle permet à ce dernier d’identifier les produits uniquement par leur forme et de répéter l’expérience d’achat de ces produits si elle s’est avérée positive » et cite, à titre d’ « [e]xemple particulièrement pertinent », les « en-cas de formes non courantes ». Dès lors qu’il n’a pas été établi, en l’espèce, que la marque demandée était d’une forme non courante, aucune violation des directives d’examen des demandes d’enregistrement de marques communautaires par la chambre de recours ne saurait être constatée.

40      Quant aux arguments tirés par la requérante de la connaissance et de l’acceptation de la marque demandée par le marché, il convient de relever que, dans le contexte de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, le degré de caractère distinctif d’un signe doit être défini indépendamment de sa présence effective sur le marché.

41      Quant à l’argument tiré par la requérante du caractère novateur et original de la marque demandée, il y a encore lieu de souligner que tant le critère du caractère innovant de la forme demandée en tant que marque, que celui de la conception originale de cette forme ou de l’idée sous-jacente, ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’un signe demandé en tant que marque communautaire [voir arrêts du 17 décembre 2010, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI (Forme d’un lapin en chocolat avec ruban rouge), T‑336/08, EU:T:2010:546, point 24 et jurisprudence citée, et du 29 janvier 2013, Germans Boada/OHMI (Carrelette manuelle), T‑25/11, EU:T:2013:40, points 36 et 37 et jurisprudence citée]. Le critère d’appréciation est, en effet, celui de la capacité d’une marque demandée à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

42      Le fait que, au moment de l’introduction de la demande de marque, il n’existait pas sur le marché une forme de produit identique à la marque demandée ne suffit dès lors pas à permettre son enregistrement en tant que marque tridimensionnelle.

43      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que la marque demandée ne contient pas d’éléments qui la différencient intrinsèquement des formes du produit en cause qui existent sur le marché et qu’elle n’est dès lors pas apte à permettre au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, le produit concerné de ceux d’autres entreprises (voir arrêt, en ce sens, Mag Instrument/OHMI, point 24 supra, EU:C:2004:592, point 32).

44      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif intrinsèque.

45      Aucun des autres arguments avancés par le requérante n’est susceptible de remettre en cause le bien-fondé de cette conclusion.

46      Quant à l’argument tiré par la requérante de décisions antérieures de l’OHMI ayant admis l’enregistrement de signes tridimensionnels constitués par la forme du produit et dérivés d’une forme géométrique de base, il ne saurait être pris en considération dès lors que la requérante n’établit aucune analogie concrète entre les affaires à l’origine de ces décisions et celle de l’espèce. Au demeurant, les circonstances factuelles de ces affaires, et notamment les formes en cause, sont entièrement différentes et ne se prêtent, dès lors, à aucune comparaison utile, dès lors que l’enregistrement d’une marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre de circonstances factuelles concrètes, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec, EU:C:2011:139, point 77).

47      En tout état de cause, il convient de rappeler que les décisions que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non pas d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (voir arrêt du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec, EU:C:2005:547, point 47 et jurisprudence citée).

48      Quant à l’argument tiré par la requérante de l’enregistrement auprès de quatorze offices nationaux de la propriété industrielle (à savoir au Panama, en Argentine, au Liban, en Jordanie, à Macao, aux États-Unis d’Amérique, en Équateur, au Mexique, au Pérou, en Corée du Sud, en Suisse, en République du Yémen, à Trinité-et-Tobago et en République dominicaine) de marques tridimensionnelles identiques à la marque demandée, dont elle serait titulaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les enregistrements existant dans les États membres ne constituent qu’un fait qui peut être pris en considération dans le contexte de l’enregistrement d’une marque communautaire, la marque dont l’enregistrement est demandé devant être appréciée sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente. Il s’ensuit que l’OHMI n’est ni tenu de faire siennes les exigences et l’appréciation des autorités nationales compétentes des États membres, ni obligé d’enregistrer la marque en cause en tant que marque communautaire sur la base de telles considérations (voir arrêt du 24 mai 2012, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli/OHMI, C‑98/11 P, Rec, EU:C:2012:307, point 50 et jurisprudence citée). Il en va de même, a fortiori, pour ce qui concerne les enregistrements existant dans les pays tiers [voir arrêt du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec, EU:T:2005:247, point 37 et jurisprudence citée]. Cette appréciation ne saurait être remise en cause par la circonstance d’ordre général, alléguée par la requérante, que la communauté internationale déploie d’intenses efforts en vue d’harmoniser les droits de la propriété industrielle.

49      Enfin, l’argument tiré par la requérante de l’existence de deux brevets dont elle est titulaire au Mexique, en l’occurrence sur la machine et sur le processus de production servant à l’élaboration de tortilla de maïs telle que représentée par la marque demandée, est dénué de pertinence dès lors que, comme le relève à bon droit l’OHMI, les critères d’examen en droit des brevets et en droit des marques sont différents [voir, par analogie, arrêts du 18 juin 2002, Philips, C‑299/99, Rec, EU:C:2002:377, point 65, et du 15 novembre 2007, Enercon/OHMI (Convertisseur d’énergie éolienne), T‑71/06, EU:T:2007:342, points 26, 29 et 30]. Le fait qu’il ait été considéré que la machine et le processus de production nécessaires pour fabriquer des snacks ayant la forme en cause remplissaient les conditions leur permettant d’être brevetés ne démontre pas que la forme résultant de l’utilisation de cette machine et de la mise en œuvre de ce processus est suffisamment différente des formes habituelles pour pouvoir fonctionner comme une indication d’origine commerciale.

50      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen unique doit être rejeté comme non fondé et, avec lui, le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante, contestée par l’OHMI.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

52      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Grupo Bimbo, SAB de CV est condamnée aux dépens.

Papasavvas

Forwood

Bieliūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 juin 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.