Language of document : ECLI:EU:T:2013:447

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

16 septembre 2013 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale MBP – Marque communautaire verbale antérieure ip_law@mbp. – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] – Signe national utilisé dans la vie des affaires mbp.de –Article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑338/09,

Müller-Boré & Partner Patentanwälte . Rechtsanwälte, établie à Munich (Allemagne), représentée par Mes C. Osterrieth et T. Schmitz, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. S. Schäffner, puis par M. A. Pohlmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Eugen Popp, demeurant à Munich (Allemagne),

Wolf E. Sajda, demeurant à Munich,

Johannes Bohnenberger, demeurant à Munich,

Volkmar Kruspig, demeurant à Munich,

représentés par Mes C. Rohnke, M. Jacob et J. Herrlinger, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 23 juin 2009 (affaire R 1176/2007‑4), relative à une procédure d’opposition entre Eugen Popp, Wolf e. Sajda, Johannes Bohnenberger, Volkmar Kruspig et Müller-Boré & Partner Rechtsanwälte . Patentanwälte,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi, président, S. Frimodt Nielsen et E. Buttigieg (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 août 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2009,

vu le mémoire en réponse des intervenants déposé au greffe du Tribunal le 4 décembre 2009,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 22 février 2010,

vu le mémoire en duplique déposé au greffe du Tribunal le 19 février 2010,

à la suite de l’audience du 16 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 décembre 1999, la requérante, Müller-Boré & Partner Patentanwälte . Rechtsanwälte, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p.1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal MBP.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 35 : « Conseil en matière commerciale » ;

–        classe 42 : « Services d’un avocat-conseil en matière de brevets ; services d’un avocat ; services d’un représentant de l’Office européen des brevets (mandataire de l’Office européen des brevets) ; conseils, représentation, expertise et recherches (techniques et juridiques), en particulier dans le domaine de la propriété intellectuelle relative aux brevets, échantillons, marques, typographies, droits d’obtenteur, droits d’auteur, droits de licence des employés et licences de propriété intellectuelle ; administration de droits d’auteur, y compris contrôle rémunéré ; recherches légales en matière de droits d’auteur, en particulier recherches en matière de droits internationaux de propriété intellectuelle ; conseils techniques ; traductions techniques et juridiques ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 69/2000, du 28 août 2000.

5        Le 28 novembre 2000, les intervenants, MM. Eugen Popp, Wolf E. Sajda, Johannes Bohnenberger et Volkmar Kruspig, ont formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les services visés au point 3 ci‑dessus. L’opposition était fondée, d’une part, sur la marque communautaire verbale ip_law@mbp., qui avait été enregistrée le 26 février 1999 sous le numéro 667105 pour les « services d’un bureau d’avocats » (classe 42) et, d’autre part, sur la « dénomination commerciale particulière » mbp.de, au sens de l’article 5, paragraphes 1 et  2, première phrase, du Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen (loi allemande sur les marques, ci-après le « Markengesetz »), que les intervenants prétendent utiliser depuis les mois de novembre et décembre 1997 pour les « services d’un bureau d’avocats ».

6        Les motifs de l’opposition étaient, respectivement, ceux visés à l’article  8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article  8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009].

7        Par décision du 31 mai 2007, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité.

8        La division d’opposition a indiqué que, si les services de la classe 42 désignés par la marque antérieure ip_law@mbp. et ceux mentionnés dans la demande de marque étaient identiques ou hautement similaires et si les services relevant de la classe 35 et ceux du droit antérieur ip_law@mbp. étaient similaires, une comparaison des signes permettait d’établir que la marque antérieure et la marque demandée n’étaient pas similaires, excluant ainsi tout risque de confusion. Par ailleurs, les preuves de l’usage du droit antérieur mbp.de, à supposer qu’il s’agisse d’un usage en tant que marque et non pas seulement d’un usage en tant que nom de domaine sur Internet, seraient toutes postérieures à la date de dépôt de la demande de marque contestée et une partie des preuves aurait été produite tardivement, outre qu’elle ne concernerait pas la période pertinente.

9        Le 27 juillet 2007, les intervenants ont formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition. 

10      Par décision du 23 juin 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a partiellement annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté la demande de marque communautaire pour tous les services désignés de la classe 42. Le recours a été rejeté pour le surplus et la chambre de recours a autorisé la poursuite de la procédure d’enregistrement de la marque demandée pour les services « conseil en matière commerciale » de la classe 35. 

11      S’agissant des services concernés relevant de la classe 42, la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion avec la marque antérieure ip_law@mbp., en tout cas pour les publics allemand et du Royaume-Uni. 

12      D’abord, la chambre de recours a indiqué que les services de la classe 42 visés par la demande de marque étaient identiques à ceux de la marque antérieure (point 19 de la décision attaquée). Une similitude entre les « services d’un bureau d’avocats » de la classe 42 et les services de « conseil en matière commerciale » de la classe 35 serait en revanche exclue (points 20 à 25 de la décision attaquée).

13      Ensuite, la chambre de recours a estimé que, considérée dans son ensemble, la marque antérieure ip_law@mbp. possédait un caractère distinctif moyen (point 27 de la décision attaquée).

14      En outre, la chambre de recours a indiqué, en ce qui concerne la similitude des signes en cause, que la marque antérieure apparaissait comme étant constituée de deux éléments perçus distinctement et que l’identité entre le deuxième élément de ladite marque et l’unique élément constitutif de la marque demandée amenait à conclure à l’existence d’une similitude visuelle et d’une similitude phonétique, du moins en Allemagne et en Grande-Bretagne. En tant qu’élément purement descriptif et, en tout état de cause, moins distinctif, « ip_law » ne saurait être considéré comme étant l’élément dominant ou un élément dominant de même poids que l’autre élément au sein de la marque antérieure, « ip law » désignant seulement le domaine juridique de la propriété intellectuelle (« IP ») dans lequel les intervenants offraient leurs services de conseil et de représentation. Même si certains milieux n’auraient aucune idée de la signification de « IP », il s’agirait toujours de la mention d’un « XY-law », c’est-à-dire d’un domaine juridique particulier quel qu’il soit. En outre, le symbole @ ne présenterait pas de caractère distinctif. Enfin, selon la chambre de recours, la marque antérieure apparaît comme une variante du signe postérieur « MBP », en ce sens qu’il est possible de s’informer sur le droit « IP » « chez », « at », « @ » MBP, même si le consommateur ne connaît pas encore cette société (points 29 à 41 de la décision attaquée).

15      Au regard de ces considérations, la chambre de recours a conclu que, dans la mesure où les services étaient identiques, il existait, compte tenu du caractère distinctif normal de la marque demandée, un risque de confusion dans l’esprit du public, du moins en Allemagne et en Grande-Bretagne, même dans l’hypothèse d’un niveau d’attention accru de la part d’un public spécialisé. Un tel public n’aurait aucune difficulté à discerner l’indication « IP law » comme relevant du domaine juridique concerné par les services en cause et, surtout, le public pertinent concevrait le signe antérieur uniquement comme une variante du signe postérieur, qui ferait référence à une spécialisation professionnelle particulière de la même société MBP (point 43 de la décision attaquée).

16      S’agissant des services de la classe 35 qui sont visés par la demande de marque, la chambre de recours a conclu que, dans la mesure où lesdits services et ceux de la classe 42 désignés par la marque antérieure ip_law@mbp. n’étaient pas similaires, les conditions de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’étaient pas remplies (point 44 de la décision attaquée).

17      En tant que l’opposition se basait sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 et sur la « dénomination commerciale particulière » mbp.de, au sens de l’article 5, paragraphe 2, première phrase, du Markengesetz, la chambre de recours a jugé qu’elle n’était pas fondée. La chambre de recours a observé à cet égard que, pour des raisons d’exhaustivité, elle estimait utile d’examiner ce motif au regard non seulement de la classe 35, mais également de la classe 42 (point 47 de la décision attaquée). Selon ladite chambre, les intervenants n’ont pas prouvé l’usage, au cours de la période pertinente, du signe mbp.de en tant que tel, ni, de surcroît, d’où ils inféraient qu’une dénomination commerciale au sens de l’article 5, précité, pouvait conférer des droits par rapport à des services de « conseil en matière commerciale », non similaires aux « services d’un bureau d’avocats », alors que l’article 5 prévoit une protection limitée en principe à des secteurs identiques ou proches (points 59 et 60 de la décision attaquée). La chambre de recours a dès lors conclu que l’opposition ne saurait aboutir pour les services en cause de la classe 35 (point 61 de la décision attaquée).

18      À cet égard, la chambre de recours a indiqué que ladite dénomination aurait dû, avant la date de priorité de la demande de marque communautaire contestée, faire l’objet d’un usage comme marque en Allemagne dont la portée n’était pas seulement locale. Le droit allemand n’imposerait pas que le signe mbp, intrinsèquement distinctif, soit notoirement connu (point 49 de la décision attaquée). Eu égard à l’article 5, précité, il conviendrait de prouver qu’un domaine ou un site Internet www.mbp.de. aurait servi à offrir les services litigieux et que, dans le cadre de cette offre, l’indication www.mbp.de aurait servi de référence aux intervenants dont elle désigne la société (points 50 et 51 de la décision attaquée).

19      Une lettre de l’OHMI du 6 février 2001 aurait, conformément aux règles 16, paragraphe 3, et 20, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), dans sa version applicable à l’époque (ci-après le « règlement d’exécution »), fixé un délai aux intervenants en leur donnant jusqu’au 6 juin 2001 pour présenter tous les faits et les preuves utiles à l’appui de leur opposition. Or, ils auraient uniquement produit, dans ce délai, des documents postérieurs au mois de décembre 1999. Ils ne seraient d’ailleurs eux-mêmes pas convaincus que leurs allégations puissent être prouvées (points 52 et 54 de la décision attaquée).

20      En outre, selon la chambre de recours, les preuves qui ont accompagné le mémoire du 4 octobre 2004 ont été produites tardivement, ce mémoire étant censé permettre uniquement de répondre à la requérante. La lettre de l’OHMI, fondée sur la règle 20, paragraphe 4, du règlement d’exécution, aurait été explicitement formulée en ce sens (point 55 de la décision attaquée). La chambre de recours a indiqué que, conformément à l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, elle décidait librement de tenir compte ou non des faits et des preuves invoqués. Or, il serait essentiel que la preuve de l’usage soit produite dans les délais et il conviendrait d’éviter que la requérante ne doive examiner continuellement de nouvelles preuves. Selon la chambre de recours, si l’opposition est fondée sur plusieurs droits antérieurs, la procédure d’opposition doit se concentrer immédiatement sur ceux dont l’existence a été prouvée dans les délais (point 56 de la décision attaquée).

21      La chambre de recours a ajouté qu’aucun problème ne se posait par ailleurs au regard de l’égalité des armes, dans la mesure où elle ne fondait pas sa décision sur les éléments produits par la requérante le 18 mai 2005, le 23 août 2005 et le 19 mai 2006, si ce n’est de manière favorable aux intervenants en ce qui concerne l’application de l’article 5, précité, aux signes commerciaux constitués sur le modèle de noms de domaines (point 57 de la décision attaquée).

22      En tout état de cause, les documents produits par les intervenants le 4 octobre 2004 n’amèneraient pas à une appréciation qui leur serait plus favorable. Il s’agirait, pour l’essentiel, de documents à partir de l’année 2000 uniquement et l’extrait de « waybackmachine » attesterait seulement l’existence, avant l’année 2000, d’une seule page datant du mois d’août 1999, alors que d’innombrables pages seraient mentionnées pour les années 2002 et 2003. Quant aux lettres d’avocat de l’année 1999 dont l’en-tête porte, en petits caractères et sous le nom des avocats et de l’adresse postale, la mention « Homepage : www.mbp.de », il serait clair que, d’une part, il s’agirait uniquement d’une référence à un site internet et non pas d’une utilisation en tant que marque d’entreprise et, d’autre part, le contenu du site internet à l’époque ne serait pas clairement déterminé (point 58 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

23      Par requête, déposée au greffe du Tribunal le 27 août 2009, la requérante a introduit le présent recours.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et la modifier de façon à rejeter entièrement le recours et l’opposition ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

25      L’OHMI et les intervenants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit 

26      À l’appui de son recours, la requérante invoque un seul moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Selon la requérante, il n’existe aucune similitude entre la marque antérieure ip_law@mbp. et la marque demandée MBP, de sorte que tout risque de confusion est exclu.

27      Les intervenants allèguent que le recours doit être rejeté pour deux raisons. D’une part, ils font valoir, à l’instar de l’OHMI, que la chambre de recours a considéré à bon droit qu’il existait un risque de confusion entre la marque demandée MBP et la marque antérieure ip_law@mbp. pour les services en cause relevant de la classe 42. D’autre part, ils considèrent que la chambre de recours a décidé, en méconnaissance de leur droit d’être entendus et de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, qu’ils n’étaient pas titulaires d’un droit antérieur sur la « dénomination commerciale particulière » mbp.de, au sens de l’article 5, paragraphe 2, première phrase, du Markengesetz. Dans la mesure où ils seraient titulaires d’un tel droit, en application de l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, un second motif de refus s’opposerait à l’enregistrement de la marque demandée pour les services relevant de la classe 42. 

 Sur le risque de confusion avec la marque antérieure ip_law@mbp.

 Observations liminaires

28      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

29      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

30      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II-43, point 42, et la jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent et la comparaison des services

31      La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait que, eu égard à la nature des prestations en cause, le public pertinent fait forcément preuve d’un niveau d’attention nettement plus élevé que dans le cas de services ordinaires utilisés régulièrement. Le choix d’un bon avocat serait précédé de mûres réflexions et d’examens approfondis. Généralement, les consommateurs incluraient d’autres prestataires présents sur le marché dans leur processus de sélection, en sorte qu’ils seraient davantage susceptibles de prendre conscience des différences entre les marques en présence. 

32      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

33      Par ailleurs, lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de la Communauté, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des services en cause sur ce territoire. Toutefois, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 existe dans une partie de la Communauté [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p.II‑5409, point 76, et la jurisprudence citée].

34      À cet égard, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de la circonstance que le niveau d’attention des consommateurs des services d’un avocat est supposé être nettement plus élevé que dans le cas de services ordinaires utilisés régulièrement, en raison du fait que le choix du prestataire de services d’un avocat est opéré au terme d’un examen particulièrement attentif (arrêt de la Cour du 12 janvier 2006, Ruiz-Picasso e.a./OHMI, C‑361/04 P, Rec. p. I‑643, point 40).

35      Ce grief repose sur une lecture erronée de la décision attaquée et doit être rejeté. En effet, la chambre de recours a pris en compte l’hypothèse d’un public particulièrement attentif en indiquant, au point 43 de la décision attaquée, qu’un public spécialisé percevrait d’autant plus l’élément « ip_law » comme une indication du domaine juridique dont relèvent les services en cause et qu’il n’y reconnaîtrait que la spécialisation professionnelle particulière du prestataire MBP.

36      Quant à la définition géographique du public pertinent, la requérante n’a pas contesté l’appréciation retenue par la chambre de recours aux points 34 et 35 de la décision attaquée. Il est dès lors constant entre les parties, appréciation qu’il y a lieu d’approuver, qu’il importe de prendre en compte le point de vue du public pertinent dans les États membres anglophones ou ceux dans lesquels le public pertinent comprend l’anglais, tels notamment le Royaume-Uni ou l’Allemagne, dans lesquels « ip law » sera compris comme étant l’abréviation d’un domaine juridique déterminé. Ainsi que la chambre de recours l’a précisé à juste titre au point 37 de la décision attaquée, il n’est pas nécessaire, aux fins de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, d’examiner la situation dans d’autres États membres dans lesquels les connaissances de l’anglais sont traditionnellement bonnes, tels que les Pays-Bas ou les pays scandinaves.

37      Enfin, si, lors de l’audience devant le Tribunal, la requérante a émis des réserves sur l’appréciation de la chambre de recours quant à l’identité totale entre les services de la marque antérieure et les services de la classe 42 désignés par la marque demandée, la décision attaquée a constaté à juste titre que les services désignés par la demande de marque, y compris les recherches et les traductions dans le domaine de la propriété intellectuelle, font partie des activités principales d’un avocat ou d’un conseil en brevets et peuvent être considérés comme étant couverts par les « services d’un avocat » de la marque antérieure, en sorte qu’il ne saurait être valablement contesté que les services en cause sont identiques, sinon du moins, comme l’admet la requérante elle-même, en grande partie identiques et en partie hautement similaires.

 Sur la comparaison des signes en conflit

38      S’agissant de la comparaison des signes en conflit, la requérante indique d’abord que la partie identique « mbp » desdits signes est placée à la fin de la marque antérieure, alors que le consommateur dirige surtout son attention sur le début du mot, qu’il considère comme marquant. Par ailleurs, la chambre de recours n’aurait pas dû procéder à un examen isolé d’un élément individuel du signe. Le constat d’une similitude entre les marques en cause dépendrait surtout du poids relatif des différents éléments constitutifs « ip », « _ », « law », « @ » et « mbp » de la marque antérieure. L’appréciation de la chambre de recours, selon laquelle seul l’élément « mbp » produirait un effet dominant, ne serait pas exempte d’erreurs de droit.

39      Les indications placées après le symbole « @ » caractériseraient généralement le fournisseur d’accès ou le titulaire d’une page d’accueil, alors que celles figurant avant ledit symbole désigneraient généralement l’utilisateur ou un service. Le public pertinent reconnaîtrait que « mbp » désignerait une entreprise (voir, à cet égard, décision de droit allemand Oberlandesgericht Hamburg GRUR‑RR 2007, 319, 326), alors que, dans l’impression d’ensemble, cet élément serait relégué au second plan, car le public ne distinguerait pas les produits ou les services d’après le nom de l’entreprise qui les proposerait, mais porterait son attention sur les autres éléments constitutifs de la marque. 

40      Par ailleurs, d’autres éléments de la marque antérieure seraient en eux-mêmes distinctifs, en particulier les éléments « ip » et « law ». Les services d’un avocat ou d’un bureau d’avocats concerneraient de la même manière tous les domaines du droit. Supposer que des particuliers puissent saisir facilement la signification des éléments « ip » et « law » relèverait de la spéculation, d’autant plus que la propriété industrielle et commerciale constituerait une partie restreinte et spécifique de l’éventail des activités d’un avocat. L’élément « ip_law » ne saurait avoir une quelconque connotation descriptive de la majeure partie des services décrits de manière générale. Écarter le public qui n’est pas concerné par la propriété industrielle et commerciale négligerait l’importance déterminante des services pour lesquels la marque est enregistrée. Par conséquent, il conviendrait de dénier à l’abréviation « ip » un caractère descriptif, car l’on ne saurait considérer que celle-ci est familière au consommateur moyen des prestations en cause. L’abréviation « ip » aurait des significations tout à fait différentes, comme « Internet Protocol », signification qui viendrait très facilement à l’esprit dans la mesure où le symbole « @ » établirait un lien avec Internet.

41      Dès lors, l’on ne saurait attribuer aux éléments « ip » et « law » un contenu descriptif de premier plan. En outre, comme la marque antérieure se présenterait comme une adresse électronique, l’on pourrait facilement imaginer que le public identifie de toute façon l’élément placé avant le symbole « @ » comme le nom d’un utilisateur. En tout cas, l’ambiguïté des éléments « ip » et « law » et la nécessité de les interpréter seraient de nature à exclure un éventuel caractère descriptif de ces éléments. De manière générale, le fait que les éléments « ip » et « law » soient reliés par l’élément « _ » exclurait l’éventualité d’une connotation descriptive, ce dernier ne servant d’habitude pas à séparer deux mots, et l’élément « ip_law » s’éloignerait graphiquement de l’objet du service qu’il désignerait éventuellement, à savoir « Intellectual Property Law ». 

42      De toute façon, le faible caractère distinctif d’un élément d’une marque complexe n’impliquerait pas nécessairement que celui-ci ne saurait constituer un élément dominant. La marque antérieure ressemblerait beaucoup à une adresse électronique et, partant, elle ne se diviserait pas en différents éléments individuels. Le fait que l’élément « ip_law » soit placé en début de mot s’opposerait également à ce qu’on l’ignore, d’autant plus que, généralement, le nom de l’utilisateur ou du service, placé avant le symbole « @ », serait plus important pour le destinataire que les éléments placés après ledit symbole. 

43      Dès lors, il ne saurait être question de similitude des marques sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. Sur le plan visuel, il serait facile de distinguer clairement les signes en présence du fait de la nette différence de longueur entre les deux signes et dans la mesure où les éléments « ip_law@ » n’auraient pas de pendant dans la marque antérieure. En outre, dans la marque antérieure, l’élément « mbp » serait relégué au second plan dans l’impression d’ensemble, étant donné que l’attention du public se porterait plutôt sur le début d’un mot. Pour ces raisons, il y aurait également de nettes différences sur le plan phonétique, d’autant plus que le public aurait tendance à accentuer le début de la marque antérieure. Il n’y aurait pas non plus de similitude conceptuelle entre les deux signes, car l’élément commun « mbp » n’aurait pas de signification claire et facilement reconnaissable, alors que l’élément « ip_law » de la marque antérieure serait perçu comme signifiant « Intellectual Property Law » et au moins comme un nom d’utilisateur ou le nom d’un service dans une adresse électronique. L’expérience montrerait que de telles différences conceptuelles seraient de nature à neutraliser dans une mesure telle les similitudes visuelles et phonétiques que le risque de confusion serait exclu. 

44      Le Tribunal relève, de façon générale, que deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, sont pertinents les aspects visuel, phonétique et conceptuel [voir arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p.II‑4335, point 30, et la jurisprudence citée].

45      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p.  I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

46      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, point 45 supra, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, point 45 supra, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

47      Quant à l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants (arrêt MATRATZEN, point 44 supra, point 35).

48      Enfin, un éventuel caractère distinctif faible d’un élément d’une marque complexe n’implique pas nécessairement que celui-ci ne saurait constituer un élément dominant, dès lors que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, il est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci [voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 54, et la jurisprudence citée].

49      À titre liminaire, il y a lieu de constater que la requérante conteste l’affirmation contenue au point 27 de la décision attaquée selon laquelle la marque antérieure, considérée dans son ensemble, possède un caractère distinctif moyen à défaut d’une notoriété accrue acquise auprès du public grâce à une utilisation intensive avant le mois de décembre 1999. Le caractère distinctif de celle-ci serait tout au plus faible, l’ajout du symbole « @ » donnant l’impression au public pertinent qu’il s’agirait d’une simple adresse électronique que le public ne percevrait généralement pas comme un signe distinctif.

50      Mais, le seul fait, relevé par la requérante, que la marque antérieure contient le symbole « @ », qui est utilisé dans les adresses électroniques, ne s’oppose pas à la conclusion à laquelle est parvenue la chambre de recours en ce qui concerne le caractère distinctif de la marque antérieure.

51      La chambre de recours a pu, sans commettre d’erreur, indiquer que, considérée dans son ensemble, la marque antérieure possède un caractère distinctif moyen, les éléments « ip_law » et « mbp », qui précèdent et suivent, respectivement, le symbole « @ », étant aptes à distinguer les services en cause de ceux d’autres entreprises et à remplir une fonction d’indication de l’origine commerciale.

52      Abstraction faite de la circonstance que le signe antérieur, considéré dans son ensemble, ne présente pas toutes les caractéristiques d’une adresse électronique dans la mesure où il ne se termine pas par un suffixe de domaine de premier niveau tel que « .de » ou « .com », il convient de relever que le public peut s’attendre précisément à trouver une identification d’origine commerciale après le symbole « @ » [voir, en ce sens arrêt du Tribunal du 24 septembre 2008, HUP Uslugi Polska/OHMI–Manpower (I.T.@MANPOWER), T‑248/05, non publié au Recueil, points 41 et 44], typique des adresses électroniques.

53      Ensuite, s’agissant de la comparaison des signes en conflit des points de vue visuel et phonétique, il y a lieu de relever que la marque antérieure se compose des éléments « ip_law » et « mbp. », écrits en minuscules et séparés par le symbole « @ », alors que la marque demandée se compose uniquement de l’élément « mpb », écrit en majuscules. Les marques en conflit possèdent dès lors un élément commun, « mbp », identique pour les deux marques tant du point de vue visuel que du point de vue phonétique, en sorte que les deux signes présentent une certaine similitude sur les plans visuel et phonétique [voir, en ce sens, notamment, arrêt du Tribunal du 16 mai 2007, Merant/OHMI – Focus Magazin Verlag (FOCUS), T‑491/04, non publié au Recueil, point 47].

54      Comme il est énoncé au point 39 de la décision attaquée, il est sans importance dans ce contexte que les signes en conflit s’écrivent en majuscules ou en minuscules, les marques verbales qui diffèrent seulement par des majuscules ou par des minuscules étant jugées identiques. Ainsi que cela a été constaté dans la jurisprudence, une marque verbale est une marque constituée exclusivement de lettres, de mots ou d’associations de mots, écrits en caractères d’imprimerie dans une police normale, sans élément graphique spécifique. Par conséquent, la protection qui découle de l’enregistrement d’une marque verbale porte sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement et non pas sur les aspects graphiques ou stylistiques particuliers que cette marque pourrait éventuellement revêtir [arrêt du Tribunal du 21 septembre 2012, Wesergold Getränkeindustrie /OHMI – Lidl Stiftung GmbH & Co. (WESTERN GOLD), T‑278/10, non encore publié au Recueil, point 44].

55      Dès lors, la chambre de recours a indiqué sans commettre d’erreur que, dans le cadre de la comparaison des signes pris dans leur ensemble, l’identité entre le deuxième élément de la marque antérieure ip_law@mbp. et l’unique élément constitutif de la marque demandée MBP amène à conclure à l’existence d’une similitude visuelle et d’une similitude phonétique, en relevant pertinemment que les deux éléments de la marque antérieure, qui sont séparés par le symbole « @ » typique pour des adresses électroniques, seront perçus distinctement, nonobstant le fait que le signe antérieur, considéré dans son ensemble, n’est pas une adresse électronique dans la mesure où il ne se termine pas par un suffixe de domaine de premier niveau tel que « .de » ou « .com ».

56      À cet égard, contrairement aux allégations de la requérante, l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle l’élément identique « mbp » est nettement plus dominant que l’élément « ip_law » qui le précède et qui sera compris dans les États membres anglophones ou dans ceux dans lesquels le public pertinent comprend l’anglais comme étant l’abréviation d’un domaine juridique déterminé n’est pas critiquable.

57      Ainsi que la chambre de recours l’a indiqué correctement, en tant qu’élément descriptif et, en tout état de cause, moins distinctif, « ip_law » ne saurait être considéré comme étant l’élément dominant ou un élément de même poids que l’élément « mbp » de la marque antérieure. Dans ce contexte, la chambre de recours a d’ailleurs ajouté à juste titre que, aux fins de l’appréciation de la similitude des signes en conflit et du risque de confusion, il n’est pas nécessaire que l’élément verbal « ip_law » soit jugé dépourvu de tout caractère distinctif, mais qu’il suffit qu’il soit faiblement distinctif et, partant, moins distinctif que l’élément identique « mbp », dont il est constant qu’il n’est pas descriptif par rapport aux services désignés et dont le caractère distinctif n’est pas réduit.

58      En particulier, s’agissant des « services d’un bureau d’avocats » visés par les deux marques, il convient de considérer que l’élément « ip_law » possède un caractère distinctif très faible et qu’il doit donc être considéré comme négligeable dans l’impression d’ensemble produite par ces marques [voir, en ce sens, notamment arrêt du Tribunal du 25 juin 2008, Otto/OHMI – L’Altra Moda (l’Altra Moda), T‑224/06, non publié au Recueil, point 34].

59      En effet, à l’instar de ce qui est indiqué au point 37 de la décision attaquée, il convient de relever que « IP » est une abréviation consacrée et usuelle dans les domaines de la propriété industrielle (« industrial property ») ou intellectuelle (« intellectual property ») et que « ip law » désigne le domaine juridique dans lequel les intervenants offrent leurs services de conseil et de représentation. Étant donné que, dans lesdits domaines, l’anglais est l’une des langues véhiculaires d’usage général, l’élément « ip_law » présente tout au plus un caractère faiblement distinctif dans les États membres anglophones ou dans ceux dans lesquels le public pertinent comprend l’anglais.

60      Par ailleurs, c’est à juste titre que la chambre de recours a indiqué que ni le tiret bas entre « ip » et « law », qui représente uniquement une espace telle qu’elle est utilisée dans les adresses électroniques, ni le symbole « @ », qui se prononce « at » et qui symbolise uniquement le lien avec une adresse, ne présentent un caractère distinctif dans la perception du consommateur et ne sauraient, contrairement aux allégations de la requérante, modifier l’appréciation comparative telle qu’elle ressort des développements qui précèdent quant à la perception de l’objet des services que l’élément « ip_law » désigne.

61      C’est dès lors à bon droit que, en l’espèce, la chambre de recours a conclu à l’existence d’une similitude visuelle et d’une similitude phonétique des signes en conflit.

62      À cet égard, la requérante invoque à tort une neutralisation des similitudes sur les plans visuel et phonétique des marques en conflit par des différences sur le plan conceptuel. En effet, rien ne permet de considérer que l’élément « ip_law » soit de nature à conférer à la marque antérieure une signification différente de celle de la marque demandée. À supposer même qu’une différence conceptuelle entre les signes en conflit puisse être établie, elle ne serait en tout cas pas suffisante pour neutraliser le degré élevé de similitude visuelle et de similitude phonétique existant entre lesdits signes [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2012, Hairdreams/OHMI – Bartmann (MAGIG LIGHT), T‑34/10, non publié au Recueil, point 39].

63      Les autres griefs formulés par la requérante à l’encontre de cette appréciation ne sauraient non plus prospérer.

64      Premièrement, au vu des développements qui précèdent, il convient de rejeter l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours n’aurait pas pris en considération l’élément « ip_law » dans son appréciation de la marque antérieure.

65      Deuxièmement, est également infondé le reproche de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait à tort procédé à un examen isolé des différents éléments constitutifs de la marque antérieure. D’une part, il ressort de la jurisprudence citée au point 46 ci-dessus que le risque de confusion doit être apprécié en tenant compte de l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit, tout en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants. Rien ne permet de considérer que tel ne devrait pas être le cas en présence d’un signe qui comporte, comme en l’espèce, certaines ressemblances avec les adresses électroniques sans d’ailleurs en revêtir, en l’occurrence, toutes les caractéristiques. D’autre part, ainsi qu’il résulte des développements qui précèdent, la chambre de recours a bel et bien fondé son appréciation sur l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit.

66      Troisièmement, contrairement aux allégations de la requérante, il est indifférent que l’élément « ip » puisse, le cas échéant, renvoyer à d’autres sens tel que « Internet Protocol », dans la mesure où l’une des significations pertinentes de l’élément verbal en cause suffit aux fins de l’appréciation de la faiblesse du caractère distinctif (voir, en ce sens, notamment, arrêt de la Cour du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland,C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 97). En outre, ainsi que les intervenants l’ont relevé à juste titre, dans un contexte caractérisé par la combinaison de l’élément « ip » avec le mot « law » et se rapportant aux « services d’un bureau d’avocats », le public pertinent, qui plus est, comme l’admet la requérante, est un public souvent bien informé et attentif, n’aura pas d’hésitation à comprendre l’élément « ip_law » comme désignant le droit de la propriété intellectuelle.

67      Quatrièmement, contrairement à la thèse soutenue par la requérante, c’est encore à juste titre que la chambre de recours a rejeté l’argumentation tirée de la circonstance alléguée par la requérante selon laquelle le consommateur moyen des « services d’un avocat », qui concernent de la même manière tous les domaines du droit, ignore la signification de l’abréviation « ip_law » d’autant plus que la propriété intellectuelle est une partie restreinte et spécifique de l’éventail des activités d’avocat. Comme la chambre de recours l’a indiqué pertinemment, même si les « services d’un avocat » incluent les questions juridiques que toute personne peut être amenée à poser en rapport avec la vie quotidienne, il ne s’ensuit pas qu’il y ait lieu de prendre en considération un public autre que celui visé par l’élément « industrial property » dans son acception descriptive.

68      D’abord, pour le public spécialisé, ladite abréviation est directement descriptive. Ensuite, la constatation qu’une indication donnée désigne, dans l’esprit du public, un domaine juridique particulier dans lequel les avocats se sont spécialisés ne dépend pas de la circonstance que le public est ou non personnellement concerné par ce domaine juridique. En outre, comme l’a encore correctement relevé la chambre de recours au point 38 de la décision attaquée, le domaine de la propriété industrielle est très vaste et concerne toutes les entreprises, y compris les petites et moyennes entreprises, ainsi que les particuliers dans la mesure où ils exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale, les inventeurs et même les particuliers qui sont à l’origine de copies pirates d’œuvres protégées.

69      En tout état de cause, ainsi que la décision attaquée l’énonce à juste titre, l’indication « ip_law » est pour le moins peu distinctive même si certains milieux ne connaissent pas l’abréviation « ip ». En effet, il s’agit de toute manière de la mention d’un domaine du droit, l’indication « law » étant à la portée du public pertinent et celle qui précède, en l’occurrence « ip », étant comprise comme désignant le domaine juridique concerné, quel qu’il soit concrètement.

70      Par ailleurs, même si, comme le soutient la requérante, les activités d’un bureau d’avocats ne se limitent pas au seul domaine juridique de la propriété industrielle, il suffit, aux fins de l’appréciation du caractère descriptif d’un élément de la marque, que tel soit le cas par rapport à une partie seulement des services relevant d’une catégorie mentionnée dans la demande d’enregistrement [voir, en ce sens, notamment, arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, DaimlerChrysler/OHMI, (TELE AID), T‑355/00, Rec. p. II‑1939, point 40]. Dans la mesure où le public pertinent n’est pas sans savoir que les domaines juridiques dans lesquels un bureau d’avocats offre ses services peuvent être très variés, il percevra d’ailleurs d’autant plus facilement que l’élément placé avant le symbole « @ », tel que « ip_law », constitue l’indication du domaine juridique dans lequel il fournit lesdits services.

71      Cinquièmement, la chambre de recours a indiqué correctement qu’il est concevable que le public pertinent perçoive la marque antérieure comme une variante du signe postérieur MBP [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI–Petit Liberto, (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 49], en ce sens qu’il peut s’informer sur le droit de la propriété industrielle (« ip_law ») chez (« @ ») MBP, même si le consommateur ne connaît pas encore cette société (voir, en ce sens, arrêt I.T.@MANPOWER, point 52 supra, points 41 et 44).

72      Sixièmement, l’argument de la requérante selon lequel l’élément « mbp » ne saurait être jugé dominant du fait qu’il s’agit d’une « dénomination sociale » qui serait éclipsée dans l’impression d’ensemble, au motif que le public porterait son attention sur les autres éléments constitutifs, doit être rejeté, à supposer même que, comme l’affirme la requérante, un tel principe existe en droit allemand. En effet, la requérante est restée en défaut d’étayer à suffisance son argumentation, alors surtout qu’en l’occurrence l’élément « ip_law » présente tout au plus un caractère distinctif faible et que le tiret bas ainsi que le symbole « @ » sont, pour leur part, dénués de caractère distinctif.

73      Septièmement, c’est encore à tort que la requérante soutient que la différence de longueur entre les signes en conflit et la place de l’élément commun au sein de la marque antérieure remettent en cause la similitude sur les plans visuel et phonétique entre les marques en conflit qui a été relevée au point 55 du présent arrêt.

74      D’une part, ainsi qu’il résulte des développements qui précèdent, l’élément « ip_law » est tout au plus faiblement distinctif et revêt une importance bien moindre que l’élément commun dominant « mbp » dans le cadre de l’appréciation globale de similitude (voir arrêt FOCUS, point 53 supra, point 54). D’autre part, la circonstance que l’élément distinctif « mbp » se trouve à la fin du signe antérieur ne permet pas de conclure qu’il retiendra nécessairement moins l’attention [voir arrêt du Tribunal du 16 mai 2007, Trek Bicycle/OHMI – Audi (ALLTREK), T‑158/05, non publié au Recueil, point 70, et la jurisprudence citée]. Cela est d’autant plus vrai lorsque, comme en l’occurrence, le signe en cause présente, dans une certaine mesure, les caractéristiques d’une adresse électronique et que l’élément initial n’est pour le moins pas particulièrement distinctif en ce qu’il renvoie au domaine juridique dont relèvent les services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 novembre 2008, ecoblue/OHMI–Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (Ecoblue), T‑281/07, non publié au Recueil, point 32].

75      Huitièmement, même si, comme l’observe la requérante par référence à la jurisprudence du Tribunal, le caractère distinctif faible d’un élément d’une marque complexe n’implique pas nécessairement que celui-ci ne saurait constituer un élément dominant dès lors que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, il est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci, tel n’est pas le cas en l’occurrence, ainsi qu’il résulte des développements qui précèdent.

76      Enfin, il résulte de ces mêmes développements que, contrairement aux allégations de la requérante, la chambre de recours a bel et bien fondé sa conclusion relative à l’existence d’une similitude des signes en évaluant le poids respectif des différents éléments constitutifs de la marque antérieure.

77      Au vu de toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, s’agissant de l’examen de la similitude des marques en conflit, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur. Par conséquent, il convient de rejeter les griefs formulés par la requérante à cet égard.

 Sur le risque de confusion

78      La requérante fait valoir que, malgré l’identité partielle entre les services, les différences sur les plans visuel, phonétique et conceptuel entre les marques en présence sont suffisantes pour exclure tout risque de confusion. Tel serait notamment le cas en raison du caractère distinctif inférieur à la moyenne de la marque antérieure et du fait que le public pertinent serait composé de personnes dont le niveau d’attention est supposé être plus élevé.

79      La requérante ajoute que le fait qu’un signe soit de nature à susciter de simples associations avec une autre dénomination ne suffit pas pour considérer qu’il existe un risque de confusion. Par ailleurs, le public percevrait la marque antérieure comme un tout, en raison de sa présentation sous la forme d’une adresse électronique. Dépourvu de fonction propre dans le signe dans son ensemble, l’élément « mbp » ne resterait pas dans la mémoire des consommateurs, de sorte que, pris isolément, il ne saurait justifier un risque de confusion résultant d’une association. Il n’en irait pas autrement, même si l’on décidait d’appliquer les principes traditionnels du signe de série qui existe lorsqu’un grand nombre de marques présentent une structure commune et lorsque le public pense que le signe litigieux pourrait s’y intégrer. La dénomination commerciale mbp.de invoquée par les opposants ne remplirait pas ces conditions, puisqu’il n’aurait même pas été prouvé que ce signe avait déjà été utilisé à l’époque à prendre en considération.

80      Le Tribunal rappelle que l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt VENADO avec cadre e.a., point 33 supra, point 74).

81      Le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 24).

82      La chambre de recours a pu considérer sans commettre d’erreur qu’un examen des marques en conflit considérées dans leur ensemble permet de constater, globalement, une similitude visuelle et une similitude phonétique qui, ainsi qu’il ressort des développements qui précèdent, reposent sur l’identité des éléments distinctifs « mbp », tandis que les autres éléments de la marque antérieure sont descriptifs ou, en tout état de cause, clairement peu distinctifs, notamment en Allemagne, en Irlande et au Royaume-Uni.

83      Par conséquent, à supposer même que les services en cause ne soient pas en totalité identiques, mais, ainsi que l’admet la requérante, pour le moins en grande partie identiques et en partie hautement similaires, alors que le caractère distinctif de la marque antérieure doit être jugé normal, il y a lieu de constater qu’il existe un risque de confusion même dans l’hypothèse d’un niveau d’attention accru de la part d’un public spécialisé pertinent qui n’aura aucune difficulté à comprendre l’élément « ip_law » comme une référence au domaine juridique dont relèvent les services et qui concevra le signe antérieur uniquement comme une variante du signe demandé MBP, lequel fait référence à une spécialisation professionnelle particulière de la même société MBP.

84      Eu égard à ces considérations, il convient de conclure que la chambre de recours a pu valablement constater que, s’agissant des services visés de la classe 42, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public, du moins dans certains États membres, tels l’Allemagne ou le Royaume-Uni, dans la mesure où ledit public pourra croire que les services de la marque demandée MBP proviennent de la société qui fournit des services sous la marque ip_law@mbp. et constituent une variante de ces derniers.

85      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le moyen tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sans qu’il y ait lieu de statuer sur le grief de l’OHMI, tiré de l’irrecevabilité de la partie des conclusions de la requérante tendant à faire rejeter intégralement le recours et l’opposition comme conséquence de l’annulation de la décision attaquée.

 Sur le risque de confusion avec le signe antérieur mbp.de

86      Les intervenants font valoir que la constatation par le Tribunal d’un risque de confusion de la marque demandée avec la marque antérieure mbp.de n’importe plus, dans la mesure où il est constaté qu’un tel risque existe avec la marque antérieure ip_law@mbp. Si toutefois cette dernière appréciation n’était pas partagée par le Tribunal, l’enregistrement de la marque communautaire demandée devrait être refusé pour les mêmes services de la classe 42 sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 en raison du risque de confusion de la marque demandée avec le signe antérieur mbp.de. Selon les intervenants, les motifs invoqués par la chambre de recours aux points 47 à 61 de la décision attaquée méconnaissent non seulement l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, mais également leur droit d’être entendus et l’article 76, paragraphe 2, du même règlement. 

87      La requérante fait valoir que, en omettant d’introduire dans les délais un recours contre la décision attaquée, les intervenants ont accepté le rejet de leurs prétentions par la chambre de recours, en sorte qu’il convient d’écarter l’argumentation des intervenants concernant le prétendu droit antérieur sur le signe mbp.de.  Toutefois, une prise en compte de ladite argumentation ne conduirait pas à une conclusion différente. 

88      L’OHMI considère de même que l’argumentation des intervenants est irrecevable et, de toute façon, non fondée.

89      Il convient de constater que les intervenants font valoir à titre subsidiaire que, contrairement à ce que la chambre de recours a décidé, ils sont par ailleurs titulaires d’un droit antérieur sur la « dénomination commerciale particulière » mbp.de au sens du Markengesetz, qui, en application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, s’opposerait également à l’enregistrement de la marque demandée pour les services en cause de la classe 42. Ainsi que les intervenants l’ont rappelé à l’audience devant le Tribunal, ils demandent en conséquence à ce dernier d’examiner ce motif et de rejeter le recours sur ce fondement, seulement au cas où l’existence d’un risque de confusion avec la marque antérieure ip_law@mbp. s’agissant des mêmes services de la classe 42 ne serait pas retenue.

90      Dans la mesure où, compte tenu des développements qui précèdent, la chambre de recours a pu valablement conclure à l’existence d’un risque de confusion avec la marque antérieure ip_law@mbp. pour les services de la classe 42, en sorte que le recours doit être rejeté pour ce seul motif, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité ni, le cas échéant, sur le bien-fondé de la demande présentée à titre subsidiaire par les intervenants.

 Sur les dépens

91      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et des intervenants.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Müller-Boré & Partner Patentanwälte . Rechtsanwälte est condamnée aux dépens.


Azizi

Frimodt Nielsen

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.