Language of document : ECLI:EU:T:2011:125

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

25 mars 2011 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Recours en partie porté devant une juridiction incompétente – Recours en partie irrecevable – Absence de lien de causalité – Recours en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit – Articles 111 et 114 du règlement de procédure du Tribunal »

Dans l’affaire T‑15/10,

Mariyus Noko Ngele, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me F. Sabakunzi, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. A. Bordes, en qualité d’agent,

AT, demeurant à Joidoigne (Belgique),

AU, demeurant à Bruxelles,

AV, demeurant à Bruxelles,

AW, demeurant à Bruxelles,

parties défenderesses,

ayant pour objet un recours en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice matériel prétendument subi par le requérant en raison de l’impossibilité de procéder au recouvrement d’une créance et du préjudice moral prétendument subi par le requérant en raison de l’engagement de procédures pénales contre lui en Belgique,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona et M. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Au cours de l’année 2000, le Centre pour le développement industriel (CDI), un organisme international au sein duquel étaient représentés la Communauté européenne, d’une part, et les États d’Afrique, du Pacifique et des Caraïbes (ACP), signataires, successivement, des conventions de Lomé (Togo), puis de l’accord de Cotonou (Bénin), d’autre part, a été remplacé, dans des conditions que le requérant, M. Mariyus Noko Ngele, conteste, par le Centre pour le développement des entreprises (CDE).

2        Par acte sous seing privé du 17 septembre 2007, le requérant est devenu cessionnaire d’une créance d’un montant de 200 000 euros (ci-après la « créance litigieuse »), prétendument détenue à l’égard du CDI par un ancien agent de cet organisme.

3        Par lettre du même jour, le requérant a tenté d’obtenir auprès du conseil du CDE le recouvrement de la créance litigieuse. Le 5 octobre 2007, le conseil du CDE a écrit au cédant qu’il reconnaissait l’existence de cette créance et qu’il ne s’opposait pas au paiement de celle-ci au requérant, à la condition qu’un acte de cession régulièrement établi soit adressé au CDE.

4        Le requérant, toutefois, estimant que la créance était détenue sur le CDI et non sur le CDE et considérant le remplacement du CDI par le CDE comme irrégulier, a refusé de signer tout acte de reconnaissance de paiement mentionnant le CDE, ce qui, selon lui, aurait équivalu de sa part à une reconnaissance de l’existence de cet organisme. En conséquence, la créance litigieuse n’a pas été recouvrée.

5        Par courrier du 26 août 2008, le requérant a mis en demeure, AW, directeur général de l’Office de coopération EuropeAid de la Commission des Communautés européennes, de lui transmettre des documents établissant la légalité de la création du CDE. Dans cette lettre, le requérant accusait notamment de fraude, d’escroquerie et de détournement de fonds communautaires pour un montant supérieur à 300 millions d’euros AW ainsi que AT, membre de la Commission, agissant dans ses précédentes fonctions de ministre des Affaires étrangères belge.

6        Le 10 février 2009, le requérant a porté plainte du chef de calomnie contre AT et s’est constitué partie civile entre les mains du juge d’instruction près le tribunal de première instance de Nivelles (Belgique).

7        Le 27 mars 2009, le requérant a mis en demeure, sous peine de poursuites judiciaires, le ministre des Affaires étrangères belge de produire la loi approuvant un accord de siège entre le Royaume de Belgique et le CDE.

8        Par ordonnance du 8 avril 2009, le juge d’instruction près le tribunal de première instance de Nivelles a rejeté comme irrecevable l’action civile introduite par le requérant.

9        Le 16 avril 2009, le requérant a introduit devant le tribunal de première instance de Bruxelles une procédure de référé contre le Royaume de Belgique, visant à obtenir la communication d’un certain nombre de documents relatifs à la légalité de l’installation du CDE en Belgique ainsi que de la substitution du CDE au CDI.

10      Le 27 avril 2009, le requérant a adressé au Premier ministre belge une mise en demeure analogue à celle mentionnée au point 7 ci-dessus.

11      Le 24 juin 2009, AT, AU, directeur général de la direction générale (DG) « Développement » de la Commission, AV, directeur de la direction « Conception des politiques et coordination » de la DG « Affaires maritimes et pêche » de la Commission, et AW ont, en leur nom propre, assigné le requérant à comparaître en référé devant le tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique), afin qu’il lui soit interdit de diffuser par un quelconque moyen des documents ou des thèses portant gravement atteinte à leur honneur et à leur réputation.

12      Le 23 septembre 2009, le secrétaire général de la Commission a fait savoir au requérant que la Commission avait décidé de faire droit à la demande d’assistance financière présentée par AT, AU, AV et AW afin d’entamer des poursuites judiciaires en diffamation.

13      Par courrier du 1er octobre 2009, AW a contesté, d’une part, au nom de la Commission, les allégations du requérant relatives à l’illégalité de la création du CDE et du remplacement du CDI par le CDE ainsi que, d’autre part, les accusations visant personnellement AT et AW (voir point 5 ci-dessus). Dans cette lettre, AW indiquait au requérant qu’il « n’exclu[ait] pas un suivi judiciaire ».

14      Par ordonnance du 19 octobre 2009, le tribunal de première instance de Nivelles (chambre du conseil) a constaté que la plainte déposée par le requérant contre AT n’avait pu régulièrement mettre en mouvement l’action publique, en raison de l’immunité dont bénéficiait ce dernier en tant que membre de la Commission ainsi que du privilège de juridiction dont il bénéficiait en tant que membre du gouvernement belge.

15      Le 29 octobre 2009, AT a porté plainte avec constitution de partie civile contre X du chef de harcèlement.

16      Le 15 décembre 2009, le juge d’instruction près le Tribunal de Bruxelles a inculpé le requérant des chefs de calomnie, de diffamation et de harcèlement électronique et a pris, à son égard, une ordonnance de mise en liberté sous les conditions suivantes : le requérant était tenu de s’inscrire à l’adresse à laquelle il avait déclaré résider à Bruxelles ; il devait cesser de diffuser directement et indirectement sur Internet des propos à caractère calomnieux, diffamatoires, injurieux ou de nature à porter atteinte à l’honneur ou susceptibles d’être considérés comme des faits de harcèlement à l’égard de AT et de deux autres personnes jusqu’à l’issue des procédures judiciaires alors en cours ; il était également contraint de se rendre à toute convocation du parquet et de remettre sur demande les preuves du respect de ces conditions. Les effets de cette ordonnance ont été prorogés par plusieurs actes successifs.

17      L’appel formé par le requérant contre cette ordonnance devant la cour d’appel de Bruxelles a été rejeté comme irrecevable par arrêt de la chambre des mises en accusation du 30 décembre 2009. Le pourvoi du requérant contre cet arrêt a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation belge du 13 janvier 2010.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 25 janvier 2010, le requérant a introduit le présent recours.

19      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande en référé.

20      Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le 2 mars 2010, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. Le requérant a déposé ses observations sur cette exception le 19 avril 2010.

21      Par ordonnance du 26 mai 2010, le président du Tribunal a rejeté comme irrecevable la première demande en référé et a réservé les dépens afférents à cette procédure.

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 août 2010 et complétée par un addendum du 2 septembre suivant, le requérant a introduit une nouvelle demande en référé.

23      Par ordonnance du 8 septembre 2010, le président du Tribunal a rejeté comme irrecevable la seconde demande en référé et a réservé les dépens afférents à cette procédure.

24      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        dire pour droit que le CDE n’a jamais remplacé le CDI et que le CDE n’a pas d’existence légale et de personnalité juridique en Belgique ;

–        condamner solidairement les défendeurs à lui verser une somme de 200 000 euros, augmentée d’intérêts au taux de 10 % par an depuis l’année 1995 ainsi que des « intérêts judiciaires » ;

–        condamner solidairement les défendeurs à lui verser une somme de cinq millions d’euros, augmentée des « intérêts judiciaires » ;

–        dire pour droit que le jugement à intervenir sera exécutoire nonobstant tout recours ;

–        condamner les défendeurs aux dépens et à une indemnité de procédure évaluée à 30 000 euros.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable et, en tout état de cause, manifestement dépourvu de tout fondement en droit ;

–        condamner le requérant aux dépens.

26      Dans les observations qu’il a présentées en réponse à l’exception d’irrecevabilité opposée par la Commission, le requérant conclut, en outre, à ce qu’il plaise au Tribunal, avant dire droit :

–        condamner la Commission à déposer, dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous une astreinte de 100 000 euros par personne ayant participé à la réunion de la Commission du 27 mai 2009 et par jour de retard, l’original du procès-verbal de cette réunion ainsi que l’original de la version intégrale des décisions par lesquelles la Commission a octroyé l’assistance juridique à AT, à AU, à AV et à AW ;

–        condamner la Commission à déposer, dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous une astreinte de 50 000 euros par jour de retard, les procès-verbaux des réunions au cours desquelles ont été adoptées la décision n° 1/2000 du comité des ambassadeurs ACP-CE, du 28 janvier 2000, la décision n° 1/2000 du conseil des ministres ACP-CE, du 2 août 2000, et la décision n° 1/2002 du conseil des ministres ACP-CE, du 31 mai 2002, ainsi que le règlement intérieur du conseil des ministres ACP-CE, le règlement intérieur du comité des ambassadeurs ACP-CE, les convocations aux réunions des membres de ces comités et les décisions de délégation de pouvoirs données aux signataires par le conseil des ministres ACP-CE ;

–        condamner la Commission à déposer, dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous une astreinte de 100 000 euros par jour de retard, le jugement, dont elle a fait état dans son exception d’irrecevabilité, l’ayant condamné pour usurpation de titres ;

–        condamner la Commission à déposer, dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous une astreinte de 100 000 euros par jour de retard, la copie de la plainte avec constitution de partie civile portée par AT contre lui ainsi que la copie de la décision par laquelle elle a accordé l’assistance juridique à ce dernier.

27      Le 10 novembre 2010, le requérant a déposé au greffe de la Cour une demande intitulée « requête en référé », dans laquelle il demande, de nouveau, la condamnation de la Commission à déposer, dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous une astreinte de 100 000 euros par jour de retard, le jugement, dont elle a fait état dans son exception d’irrecevabilité, l’ayant condamné pour usurpation de titres. Au cas où le jugement en cause ne serait pas produit, le requérant demande, en outre, que l’agent de la Commission soit exclu de la procédure.

28      Par décision du président de la Cour du 1er décembre 2010, cette demande a été transmise au Tribunal.

29      Par mémoire enregistré au greffe du Tribunal le 16 décembre 2010, la Commission a présenté des observations sur cette demande.

 En droit

30      Aux termes, d’une part, de l’article 114 du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

31      Aux termes, d’autre part, de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, il peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

32      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces articles, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la compétence du Tribunal

33      Par le présent recours, le requérant impute à AT, à AU, à AV et à AW, respectivement membre et agents de la Commission, la responsabilité du préjudice financier qu’il prétend avoir subi. De plus, le requérant reproche à AT, à AU, à AV et à AW d’avoir engagé contre lui des poursuites judiciaires sans avoir, au préalable, demandé et obtenu l’autorisation de l’autorité investie du pouvoir de nomination et estime que ce comportement lui a causé un préjudice moral devant être évalué ex aequo et bono à une somme de cinq millions d’euros.

34      En outre, le requérant conteste le traitement dont il a fait l’objet devant les institutions judiciaires du Royaume de Belgique ainsi que l’attitude des autorités judiciaires belges à son égard. Le requérant estime, par ailleurs, que la reconnaissance illégale du CDE par les autorités belges est directement à l’origine de son préjudice moral ainsi que de son préjudice financier.

35      Enfin, par le premier chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal de dire pour droit que le CDE n’a jamais remplacé le CDI et que cet organisme n’a pas d’existence légale, ni de personnalité juridique en Belgique. À l’appui de ce chef de conclusions, le requérant se prévaut de la violation de dispositions de droit international, notamment des accords successivement intervenus entre l’Union européenne et les pays ACP et du droit dérivé de ces accords, ainsi que de la violation du droit belge.

36      La Commission conteste la recevabilité du recours en ce que celui-ci est dirigé contre des personnes physiques et oppose une fin de non-recevoir au chef de conclusions du requérant tendant à obtenir du Tribunal une déclaration.

37      Les compétences du Tribunal sont celles énumérées à l’article 256 TFUE, telles que précisées par l’article 51 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et l’article 1er de l’annexe I dudit statut. En application de ces dispositions, les compétences du Tribunal en matière de responsabilité non contractuelle sont celles énumérées à l’article 268 TFUE et à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE. Conformément à ces dispositions, le Tribunal est uniquement compétent pour connaître des recours en réparation de dommages causés par les institutions de l’Union ou par leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions (ordonnance du Tribunal du 22 juillet 2009, Hârsulescu/Roumanie, T‑234/09, non publiée au Recueil, points 6 et 7).

38      Il convient de rappeler, en revanche, que le juge de l’Union n’est pas compétent pour connaître des recours introduits par des personnes physiques ou morales à l’encontre d’autres personnes physiques ou morales (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 14 juillet 1998, Glasoltherm/Commission e.a., C‑399/97, Rec. p. I‑4521, point 7).

39      Il s’ensuit que, en tant qu’il met personnellement en cause AT, AU, AV et AW, le présent recours doit être rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.

40      Il convient de rappeler, en outre, qu’aucune disposition du droit de l’Union ne prévoit la possibilité, pour une personne physique ou morale, d’introduire devant le juge de l’Union un recours dirigé contre un État membre et tendant à la contestation de décisions rendues par des juridictions nationales ou du comportement des autorités nationales (voir, en ce sens, ordonnances de la Cour du 17 décembre 1986, Belkacem/Allemagne, 276/86, Rec. p. 3975, point 3, et Glasoltherm/Commission e.a., point 38 supra, point 9).

41      Dès lors, le présent recours, à supposer qu’il doive être considéré comme tendant à contester certaines décisions rendues par des juridictions belges ainsi que le comportement des autorités gouvernementales du Royaume de Belgique, doit, dans cette mesure, être rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.

42      Enfin, ainsi qu’il a été rappelé au point 37 ci-dessus, les compétences du Tribunal sont limitativement définies à l’article 256 TFUE. Or, les voies de recours énumérées à cet article ne prévoient pas la possibilité pour un particulier d’obtenir du Tribunal qu’il prenne position par la voie d’une déclaration.

43      Il s’ensuit que le premier chef de conclusions du requérant tendant à ce que le Tribunal déclare que le CDE n’a jamais remplacé le CDI et que cet organisme n’a ni existence légale ni personnalité juridique en Belgique doit également être rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.

 Sur le bien-fondé du recours en tant qu’il est dirigé contre la Commission

44      Il résulte d’une jurisprudence constante que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union pour comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir : l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16 ; arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, Rec. p. II‑729, point 44 ; du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T‑336/94, Rec. p. II‑1343, point 30, et du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 20).

45      Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, points 19 et 81, et arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37).

 En ce qui concerne le chef de préjudice financier constitué par la créance non recouvrée

–       Arguments des parties

46      Le requérant fait valoir que la seule organisation ayant une existence légale, en vertu de la loi belge, est le CDI. Il soutient que le CDE s’est illégalement substitué au CDI, à la faveur de manœuvres de certains agents du CDI intervenues à partir de 1995 et de la complaisance des autorités du Royaume de Belgique, dont AT était, à cette époque, le ministre des Affaires étrangères.

47      Le requérant soutient que la Commission et ses agents ont également contribué à la création du CDE et entretenu durant environ quinze ans, avec cet organisme juridiquement inexistant, des relations financières de nature à tromper les citoyens, au grave détriment du budget de l’Union.

48      En outre, la Commission se serait livrée à des manœuvres pour écarter les dirigeants légitimes du CDI et elle aurait produit des faux matériels et intellectuels pour tenter d’écarter les arguments du requérant.

49      Or, la reconnaissance par la Commission de l’existence du CDE serait à l’origine du préjudice financier subi par le requérant, à savoir l’impossibilité dans laquelle il se trouve de recouvrer une créance de 200 000 euros, sauf à se trouver contraint de reconnaître lui-même l’existence du CDE.

50      Ce chef de préjudice devrait être évalué à une somme de 200 000 euros, correspondant au montant de cette créance, augmentée d’intérêts au taux de 10 % par an à compter de l’année 1995, au cours de laquelle le débiteur cédant aurait été irrégulièrement évincé du CDI, ainsi que des « intérêts judiciaires ».

51      La Commission conteste la recevabilité et le bien-fondé des arguments du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

52      Ainsi qu’il a été rappelé aux points 44 et 45 ci-dessus, les conditions d’engagement de la responsabilité des institutions et de leurs agents agissant dans le cadre de leurs fonctions sont cumulatives.

53      En l’espèce, il convient de commencer par examiner si la condition relative à l’existence d’un lien de causalité entre le préjudice allégué par le requérant et le comportement illégal qu’il reproche à la Commission est satisfaite.

54      S’agissant de la condition relative à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, il ressort d’une jurisprudence constante que le préjudice allégué doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice (voir arrêt du Tribunal du 20 janvier 2010, Sungro e.a./Conseil et Commission, T‑252/07, T‑271/07 et T‑272/07, Rec. p. II‑55, point 47, et la jurisprudence citée).

55      Le préjudice matériel allégué par le requérant résulte de l’impossibilité dans laquelle il prétend se trouver d’obtenir le paiement de la créance litigieuse (voir points 2 à 4 ci-dessus).

56      Or, selon ses dires, le requérant a lui-même renoncé au recouvrement de la créance litigieuse (voir points 4 et 49 ci-dessus). À cet égard, le requérant n’est pas fondé à soutenir que c’est en raison des agissements de la Commission qu’il s’est trouvé contraint de renoncer au recouvrement de ladite créance sauf à devoir lui-même reconnaître la légalité de l’existence du CDE. En effet, il lui était loisible d’adresser au CDE une demande de paiement assortie d’une déclaration excluant toute reconnaissance de cet organisme.

57      Il s’ensuit que c’est le comportement du requérant qui doit être regardé comme constituant la cause directe et immédiate du préjudice matériel allégué et non la faute qu’aurait prétendument commise la Commission en reconnaissant l’existence du CDE.

58      Dès lors, sans qu’il soit besoin de statuer sur l’exception d’irrecevabilité opposée par la Commission et sur les autres conditions d’engagement de la responsabilité de cette institution, les conclusions du requérant tendant à l’indemnisation du préjudice matériel qu’il prétend avoir subi doivent être rejetées comme manifestement dépourvues de tout fondement en droit.

 En ce qui concerne le préjudice moral allégué par le requérant

–       Arguments des parties

59      Le requérant fait également valoir qu’il fait l’objet d’un harcèlement judiciaire à l’origine d’un préjudice moral devant être évalué à une somme de cinq millions d’euros.

60      La Commission serait à l’origine de ce préjudice, en particulier en produisant un faux document tendant à faire croire que, par décision du 27 mai 2009, elle a autorisé AT, AU, AV et AW à agir en justice contre lui.

61      La Commission conteste la recevabilité et le bien-fondé de ces allégations.

–       Appréciation du Tribunal

62      Le préjudice moral allégué par le requérant consiste en un prétendu harcèlement judiciaire de la part de AT, de AU, de AV et de AW.

63      Or, il ressort des pièces versées par le requérant au dossier que AT, AU, AV et AW ont poursuivi le requérant en leur propre nom et pour la défense de leurs propres intérêts, et non au nom de la Commission.

64      Il convient à cet égard de préciser que, contrairement à ce que semble estimer le requérant, l’assistance juridique octroyée, au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, à AU, à AV et à AW ainsi que, par analogie, à AT, ne constitue pas une autorisation de plaider en leur nom ou en celui de la Commission, mais a pour seul effet de permettre aux intéressés, à certaines conditions, de demander la prise en charge financière des frais de justice qu’ils peuvent être amenés à exposer.

65      Ainsi, les actions judiciaires engagées contre le requérant, à supposer qu’elles aient été de nature à lui causer un préjudice indemnisable, ne sont aucunement imputables à la Commission, ce qui exclut l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché par le requérant à la Commission et le préjudice allégué.

66      Il s’ensuit que le chef de conclusions du requérant tendant à l’indemnisation du préjudice moral qu’il prétend avoir subi doit être rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit, sans qu’il soit besoin de statuer sur l’exception d’irrecevabilité opposée par la Commission et sur les autres conditions d’engagement de la responsabilité de cette institution.

67      Il résulte de ce qui précède que les demandes indemnitaires dirigées par le requérant contre la Commission doivent être rejetées.

 Sur la demande enregistrée le 10 novembre 2010

68      Par une demande enregistrée le 10 novembre 2010, intitulée « requête en référé », le requérant demande que la Commission soit condamnée à déposer, dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous une astreinte de 100 000 euros par jour de retard, le jugement, dont elle a fait état dans son exception d’irrecevabilité, l’ayant condamné pour usurpation de titres. Au cas où le jugement en cause ne serait pas produit, le requérant demande, en outre, que l’agent de la Commission soit exclu de la procédure.

69      En dépit de son libellé, il convient, eu égard à son objet, de considérer cette demande comme tendant à l’octroi d’une mesure d’organisation de la procédure. Celle-ci aurait pour utilité, selon le requérant, d’établir le caractère fautif des agissements de la Commission.

70      Il résulte cependant de ce qui vient d’être jugé qu’une telle mesure ne présenterait aucune utilité pour la solution du présent litige et que, partant, elle ne peut qu’être rejetée.

71      Il convient également de rejeter la demande du requérant tendant à ce que le Tribunal fasse application de l’article 41, paragraphe 1, second alinéa, du règlement de procédure. En effet, l’erreur que l’agent de la Commission a reconnu avoir commise en prétendant, dans l’exception d’irrecevabilité, que le requérant avait été condamné en Belgique pour usurpation de titre, d’une part, ne constitue pas un motif justifiant son exclusion de la procédure et, d’autre part, trouve sa cause dans l’extrême confusion des écritures déposées par le requérant.

 Sur les autres demandes de mesures d’organisation de la procédure

72      Le requérant demande en outre que, au titre de mesures d’organisation de la procédure, la Commission soit condamnée sous astreinte à la production de plusieurs documents. L’ensemble de ces documents aurait pour utilité, selon le requérant, d’établir les fautes qu’il reproche à cette institution.

73      Il convient de constater que, en raison des motifs pour lesquels les conclusions indemnitaires du requérant doivent être rejetées, la production de ces documents ne présenterait aucune utilité pour la solution du présent litige. Par suite, l’ensemble de ces demandes doit être rejeté.

 Sur la recevabilité du chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne l’exécution du jugement

74      Par le quatrième chef de conclusions, le requérant demande que le Tribunal ordonne que le présent arrêt soit exécutoire nonobstant tout recours.

75      En vertu de l’article 280 TFUE, les arrêts du Tribunal ont force exécutoire dans les conditions fixées à l’article 299 TFUE. Par ailleurs, il résulte de l’article 60 du statut de la Cour de justice que les pourvois formés contre lesdits arrêts n’ont en principe pas d’effet suspensif.

76      Il s’ensuit que le chef de conclusions du requérant tendant à ce que le Tribunal ordonne que le présent arrêt soit exécutoire nonobstant tout recours est par nature dépourvu d’objet et doit, par suite, être rejeté comme irrecevable.

77      Il résulte de tout ce qui précède que le présent recours doit être rejeté, premièrement, comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître en tant, d’une part, qu’il est dirigé contre AT, AU, AV et AW et, d’autre part, qu’il tend à ce que le Tribunal dise pour droit que le CDE n’a jamais remplacé le CDI et que le CDE n’a pas d’existence légale et de personnalité juridique en Belgique, deuxièmement, comme irrecevable en ce qu’il tend à ce que le Tribunal ordonne l’exécution du présent arrêt et, troisièmement, comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit pour le surplus.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens afférents à la présente procédure ainsi qu’aux deux procédures de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

79      Il s’ensuit que la demande du requérant tendant à ce que la Commission soit condamnée à une indemnité de procédure de 30 000 euros ne peut, en tout état de cause, qu’être rejetée.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître en tant qu’il est dirigé contre AT, AU, AV et AW.

2)      Le chef de conclusions de M. Mariyus Noko Ngele tendant à ce que le Tribunal dise pour droit que le Centre pour le développement des entreprises (CDE) n’a jamais remplacé le Centre pour le développement industriel (CDI) et que le CDE n’a pas d’existence légale et de personnalité juridique en Belgique est rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.

3)      La demande de M. Noko Ngele tendant à ce que le Tribunal ordonne l’exécution du présent arrêt est rejetée comme irrecevable.

4)      Le surplus du recours est rejeté comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

5)      M. Noko Ngele est condamné aux dépens afférents à la présente procédure ainsi qu’aux procédures de référé.

Fait à Luxembourg, le 25 mars 2011.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Azizi


* Langue de procédure : le français.



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