Language of document : ECLI:EU:T:2018:386

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

26 juin 2018 (*)

« FEOGA – Section “Garantie”– FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Mesures de soutien au développement rural – Zones de handicaps naturels – Correction financière forfaitaire – Dépenses effectuées par la France – Critère de chargement – Contrôles sur place »

Dans l’affaire T‑259/13 RENV,

République française, représentée par MM. D. Colas, S. Horrenberger, R. Coesme, Mmes E. de Moustier et A.-L. Desjonquères, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Sampol Pucurull, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. D. Bianchi, G. von Rintelen et Mme J. Aquilina, puis par MM. Bianchi, von Rintelen et A. Lewis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution 2013/123/UE de la Commission, du 26 février 2013, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2013, L 67, p. 20),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz (rapporteur) et C. Iliopoulos, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 février 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En vertu de l’article 36, sous a), i) et ii), du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2005, L 277, p. 1), les autorités françaises ont adopté un programme de développement rural hexagonal pour la période 2007-2013 (ci-après le « PDRH »), qui prévoit, notamment, l’octroi aux agriculteurs situés dans des zones de handicaps naturels d’indemnités compensatoires de handicaps naturels (ci-après les « ICHN »).

2        Par la décision C(2007) 3446 final, du 19 juillet 2007, la Commission des Communautés européennes a approuvé le PDRH, lequel contient, notamment, des mesures au sens de l’article 36, sous a), i) et ii), du règlement no 1698/2005, à savoir les mesures 211 et 212. La mesure 211 du PDRH permet d’assurer que les agriculteurs situés dans des zones de handicaps naturels respectent des pratiques favorables à la bonne utilisation des terres en subordonnant le versement d’une indemnité pour des surfaces fourragères au respect d’un critère de chargement. Ce critère de chargement, exprimé en unité de gros bétail/ha (ci-après « UGB »), permet d’encadrer la densité de bétail présente sur des surfaces fourragères afin d’éviter les phénomènes de sous-pâturage ou de surpâturage. Conformément à l’article 71, paragraphe 3, du règlement no 1698/2005, le PDRH définit une série de conditions d’éligibilité pour ces mesures, parmi lesquelles figure notamment celle du respect du chargement défini à l’échelle départementale et compris entre des seuils définis par zone ou par sous-zone.

3        Du 15 au 19 septembre 2008, les services de la Commission ont réalisé en France une mission d’audit concernant les paiements effectués par les autorités nationales lors des campagnes 2007 et 2008 dans le cadre de l’axe no 2 du PDRH.

4        Par lettre du 23 février 2009, la Commission a communiqué à la République française, sur le fondement de l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90), les résultats de la mission (ci-après la « communication des résultats »).

5        Au point 4.3 de l’annexe de la communication des résultats, intitulé « Contrôle des animaux », la Commission a indiqué ce qui suit :

« Pendant la mission, il a été constaté que le taux de chargement (un des critères d’éligibilité de la mesure [prime herbagère agro-environnementale]) n’était pas vérifié sur place, lorsqu’il s’agit des ovins pour lesquels une “prime à la brebis” a été demandée, ou lorsqu’il s’agit des bovins.

Il est recommandé aux autorités françaises de se conformer à l’article 10, [paragraphe 1,] du règlement [(CE) no 1975/2006] \/, qui stipule que les “États membres définissent les méthodes et les moyens adéquats pour vérifier les conditions d’octroi de l’aide” ainsi que le paragraphe 4 [qui prévoit que] “les critères d’admissibilité sont vérifiés au moyen de contrôles administratifs et de contrôles sur place”. Il est demandé aux autorités françaises de préciser quels sont les moyens utilisés par les inspecteurs, lors des contrôles sur place, pour s’assurer du respect du taux de chargement minimum et maximum. »

6        Par lettre du 28 avril 2009, la République française a fait part à la Commission de ses observations sur la communication des résultats et a précisé les modalités de contrôle du taux de chargement.

7        Le point 4.3 de ces observations, intitulé « Contrôle des animaux », est libellé comme suit :

« Concernant le contrôle des animaux au titre de la vérification du taux de chargement […], les autorités françaises précisent que les ovins et bovins sont contrôlés sur place au titre de l’identification animale :

–        Dans le cadre de la prime à la brebis […], pour les élevages ovins. Les éleveurs déposent leur demande d’aide au mois de janvier de l’année N et 10 % des ovins engagés font l’objet d’un contrôle en cours d’année, comprenant notamment un comptage des animaux. Ce sont les effectifs ovins déterminés au titre de la [prime à la brebis] qui sont retenus pour le calcul du changement de l’ICHN et des [mesures agro-environnementales] pour l’année concernée.

–        Dans le cadre de la base de données nationale informatisée pour les élevages bovins. Cette base de données, reconnue par la Commission, enregistre en continu les mouvements des animaux. Un contrôle de cohérence est réalisé par le biais des contrôles sur place au titre de l’identification bovine.

Lors des contrôles sur place au titre des [mesures agro-environnementales], ces animaux ne font donc pas l’objet d’un nouveau comptage. En revanche, le contrôleur vérifie systématiquement le registre d’élevage pour ce qui concerne les autres espèces et vérifie également les surfaces de l’exploitation. »

8        La Commission a convoqué une réunion bilatérale, au sens de l’article 8, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (CE) no 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement (CEE) no 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO 1995, L 158, p. 6). Les représentants de la République française et de la Commission se sont rencontrés le 15 octobre 2009 à Bruxelles (Belgique).

9        Le point 4.2 du procès-verbal de cette réunion, établi le 14 décembre 2009, est libellé comme suit :

« Pendant la mission, il a été constaté que le taux de chargement (un des critères d’éligibilité de la [prime herbagère agro-environnementale]) n’était pas vérifié sur place, lorsqu’il s’agit des ovins pour lesquels une “prime à la brebis” a été demandée, ou lorsqu’il s’agit des bovins.

Les autorités françaises avaient été invitées à présenter, au plus tard lors de la [réunion] bilatérale, les documents de référence permettant de s’assurer que le calcul du taux de chargement est effectivement contrôlé pour tous les bénéficiaires qui avaient fait l’objet d’un contrôle sur place.

Pendant la [réunion] bilatérale, les autorités françaises ont insisté sur le fait qu’il revient aux services déconcentrés de contrôler les mouvements des animaux, que 10 % des dossiers font l’objet d’un contrôle d’identification chaque année, et qu’ainsi il s’agit d’une base de données fiable de référence. En conséquence, le chargement est recalculé à partir de l’outil informatique et une procédure contradictoire avec conséquence financière est envoyée en cas d’écart.

Les services de la [direction générale “Agriculture”] prennent note des explications fournies. Avant de prendre une position finale sur ce point, les autorités françaises sont invitées à fournir [dix] exemples de lettres contradictoires avec changement de plage pour l’UGB, ainsi que le report 2008 sur le contrôle d’identification bovine démontrant la fiabilité des données. »

10      Par lettre du 22 mars 2010, les autorités françaises ont répondu qu’elles n’étaient pas en mesure de présenter dans les délais impartis les dix exemples de lettres contradictoires demandées par la Commission et ont joint la décision 2004/315/CE de la Commission, du 26 mars 2004, reconnaissant le système de réseaux de surveillance des exploitations bovines mis en œuvre dans les États membres ou régions d’États membres conformément à la directive 64/432/CEE (JO 2004, L 100, p. 43).

11      Le 22 décembre 2010, la Commission a adressé aux autorités françaises une communication formelle, établie sur la base de l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, et de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 885/2006. La Commission mentionnait à nouveau que, « [p]endant la mission, il [avait] été constaté que le taux de chargement (un des critères d’éligibilité de la [prime herbagère agro-environnementale]) n’était pas vérifié sur place, lorsqu’il s’agit des ovins pour lesquels une “prime à la brebis” a été demandée, ou lorsqu’il s’agit des bovins ». En outre, elle indiquait qu’elle maintenait sa position selon laquelle le versement de l’aide au titre de cette mesure du développement rural financée par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) en France n’avait pas été effectué en pleine conformité avec les règles de l’Union européenne pour les exercices 2008 et 2009 et, ainsi, qu’elle proposait d’exclure du financement des dépenses déclarées au Feader un montant de 34 995 481 euros. D’une part, elle a en particulier souligné que les « autorités françaises n’[avaient] pas été en mesure de présenter les [dix] exemples de lettres contradictoires concernant des cas de modification de plage UGB en matière de respect du taux de chargement ». D’autre part, elle a indiqué qu’elle considérait qu’il « exist[ait] un risque pour le Fonds, car le calcul du taux de chargement n’était pas vérifié lors des contrôles sur place » et qu’il s’agissait d’un cas de non-respect de l’article 14, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1975/2006 de la Commission, du 7 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement no 1698/2005 en ce qui concerne l’application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural (JO 2006, L 368, p. 74). Enfin, sur la base du document n° VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie », elle a estimé qu’il s’agissait d’une faiblesse d’un contrôle clé pour lequel une correction forfaitaire de 5 % était prévue.

12      Par lettre du 8 février 2011, la République française a demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

13      Dans son rapport final du 16 juin 2011, l’organe de conciliation a tout d’abord indiqué que, en ce qui concerne la mesure ICHN, la correction était fondée sur le fait que « l’audit des services de la Commission [avait] révélé des insuffisances en matière de contrôle de la densité du bétail dans les secteurs bovin et ovin [et que ces] services [étaient] d’avis que la densité [devait] être vérifiée sur place alors que les autorités françaises [soutenaient] que cette vérification [pouvait] être faite grâce [à la base de données], donc de manière administrative ». Ensuite, l’organe de conciliation a mentionné que, dans la demande de conciliation, en ce qui concerne le comptage sur place des bovins et des ovins présents sur l’exploitation agricole, les autorités françaises renvoyaient à leur base de données et considéraient que le contrôle administratif complet des bovins sur le fondement de ce registre ne rendrait plus nécessaire le fait de procéder à un comptage distinct sur place. Enfin, après avoir résumé les positions des parties exprimées lors de la procédure de conciliation, l’organe de conciliation a fait part de son appréciation. Il a notamment indiqué ce qui suit :

« L’organe de conciliation ne peut se prononcer sur la question juridique de savoir si la densité des animaux est un critère d’éligibilité à l’aide en cause ; il ne peut pas non plus déterminer si la [base de données] est suffisamment adéquate et mise à jour pour fournir les informations précises exigées au sujet des bovins aux fins d’une demande d’aide ICHN. Toutefois, l’organe de conciliation considère qu’un examen de l’utilité de la [base de données] pour faire des demandes d’ICHN pourrait être digne d’intérêt en l’espèce. S’il peut être conclu que les informations sur le nombre de bovins qui proviennent de la [base de données] sont fiables et que l’aide est calculée automatiquement sur ce fondement, un comptage des bovins sur place semble superflu. L’organe de conciliation estime qu’une approche d’audit cohérente concernant l’usage de diverses bases de données établies dans le cadre de la politique agricole commune, simplifiant les contrôles administratifs, serait souhaitable. Il invite donc les parties à poursuivre leur dialogue à ce sujet. »

14      Par lettre du 27 février 2012, la Commission a adressé au gouvernement français sa position finale, élaborée en tenant compte du rapport de l’organe de conciliation. La Commission a indiqué notamment qu’elle maintenait sa « position en ce qui concerne le contrôle des animaux et la vérification du taux de chargement lors des contrôles sur place » dans la mesure où « le calcul du taux de chargement n’était pas vérifié lors du contrôle sur place, ni même sa plausibilité, alors qu’il s’agit d’un critère d’éligibilité pour les mesures ICHN et [agro-environnementales] ».

15      Le 15 octobre 2012, la Commission a établi le rapport de synthèse, qui mentionnait notamment les résultats des contrôles effectués, ses griefs, les réponses des autorités françaises ainsi que l’opinion de l’organe de conciliation et, enfin, sa position finale.

16      Le 26 février 2013, la Commission a adopté la décision d’exécution 2013/123/UE, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Feader (JO 2013, L 67, p. 20, ci-après la « décision attaquée »).

 Procédure devant le Tribunal et la Cour

17      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 2013, la République française a introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée. Ce recours a été enregistré sous la référence T‑259/13.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 octobre 2013, le Royaume d’Espagne a présenté une demande d’intervention au soutien des conclusions de la République française. Par ordonnance du 2 décembre 2013, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

19      La République française a soulevé, à l’appui de son recours, trois moyens. Le premier moyen était tiré de la violation de l’article 10, paragraphes 2 et 4, ainsi que de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006. Le deuxième moyen portait sur la violation de l’article 2, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1082/2003 de la Commission, du 23 juin 2003, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contrôles minimaux à effectuer dans le cadre du système d’identification et d’enregistrement des bovins (JO 2003, L 156, p. 9), et de l’article 26, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) no 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement (CE) no 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs (JO 2004, L 141, p. 18). Enfin, le troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, était tiré d’une extension illégale par la Commission de l’application de la correction forfaitaire aux exploitations ovines non éligibles à la prime à la brebis et aux exploitations bovines contrôlées dans le cadre de l’identification bovine ou des primes bovines.

20      Par arrêt du 30 avril 2015, France/Commission (T‑259/13, non publié, ci-après l’« arrêt initial », EU:T:2015:250), le Tribunal a, sur la base de la première branche du troisième moyen, annulé partiellement la décision attaquée en ce qu’elle appliquait une correction financière au regard des mesures de soutien au développement rural pour les ovins qui n’avaient pas fait l’objet de demandes de primes ovines pour les exercices financiers 2008 et 2009 et a rejeté le recours pour le surplus.

21      S’agissant du premier moyen, le Tribunal a relevé qu’il y avait lieu d’examiner conjointement les deux branches de ce moyen. Il a considéré, aux points 64 à 69 de l’arrêt initial, qu’il ne ressortait pas expressément des articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006 que les États membres avaient l’obligation de procéder au comptage des animaux lors des contrôles sur place. Toutefois, il a estimé que, en vertu de ces articles et de l’article 35 du règlement no 796/2004, qui prévoient des contrôles sur place, les États membres disposent d’une marge d’appréciation limitée quant aux méthodes et aux moyens adéquats pour vérifier les conditions d’octroi de l’aide. Il a souligné, au point 70 de ce même arrêt, qu’aucune disposition du règlement no 1975/2006 ne pouvait être interprétée en ce sens que, dans l’hypothèse où des contrôles administratifs seraient effectués en utilisant des informations issues d’une base de données fiable, les autorités nationales pouvaient ne pas procéder au comptage des animaux lors de contrôles sur place. Selon lui, une telle interprétation méconnaît l’objectif des contrôles sur place, consistant notamment à vérifier la conformité des informations contenues dans les bases de données établies par les États membres, conformément à l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 1975/2006 et à l’article 35 du règlement no 796/2004.

22      Le Tribunal a, en conséquence, considéré, au point 71 de l’arrêt initial, que la Commission avait à juste titre estimé que les articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006 imposaient de procéder au comptage des animaux lors des contrôles sur place effectués conformément à l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 1975/2006 et à l’article 35 du règlement no 796/2004. Il a ensuite écarté, aux points 73 à 82 de l’arrêt initial, les arguments de la République française, tirés de la conformité aux prescriptions du règlement no 1975/2006 des contrôles mis en œuvre par les autorités nationales.

23      Ainsi, aux points 73 à 76 de l’arrêt initial, le Tribunal a rejeté l’argument tenant au fait que l’existence de contrôles sur place effectués aux fins de l’établissement de bases de données dispensait les autorités françaises de procéder à des contrôles sur place ultérieurs au titre des articles 12 et suivants du règlement no 1975/2006. Selon lui, les arguments de la République française portant sur la fiabilité de la banque de données nationale informatisée (ci-après la « BDNI ») n’étaient à cet égard pas pertinents. D’une part, il a estimé que les règles en matière de gestion et de contrôle prévues par ce règlement constituaient des mesures spécifiques en ces domaines. D’autre part, il a considéré que les vérifications menées pour l’établissement de la BDNI ne pouvaient être regardées comme étant des contrôles sur place au sens dudit règlement, ces vérifications étant destinées non pas à évaluer les conditions particulières des mesures au soutien du développement rural, mais à contrôler l’ensemble des animaux d’une exploitation pour lesquels l’identification bovine est prévue, conformément au règlement (CE) no 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juillet 2000, établissant un système d’identification et d’enregistrement des bovins et concernant l’étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine, et abrogeant le règlement (CE) no 820/97 du Conseil (JO 2000, L 204, p. 1).

24      Aux points 84 à 89 de l’arrêt initial, le Tribunal a écarté le deuxième moyen du recours. Après avoir estimé qu’aucune des dispositions invoquées par le gouvernement français n’était applicable en l’espèce, il a rappelé que le système de contrôles sur place à effectuer en vertu des articles 12 et suivants du règlement no 1975/2006 était un système autonome, en renvoyant à son examen du premier moyen.

25      Quant au troisième moyen, aux points 92 à 110 de l’arrêt initial, le Tribunal a accueilli la première branche de celui-ci, selon laquelle l’application de la correction forfaitaire aux ovins qui ne sont pas éligibles aux primes ovines était dénuée de fondement dans la mesure où les prétendues insuffisances du système de contrôles sur place ne portaient que sur des ovins ayant fait l’objet d’une demande de prime ovine. En revanche, aux points 111 à 114 de l’arrêt initial, il a écarté la seconde branche du troisième moyen en se fondant sur les motifs énoncés aux points 73 à 76 du même arrêt.

26      La République française, soutenue par le Royaume d’Espagne, a introduit un pourvoi contre l’arrêt initial, en soulevant trois moyens.

27      La Cour, par son arrêt du 26 janvier 2017, France/Commission (C‑373/15 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2017:55), a annulé l’arrêt initial et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal. Celle-ci a été enregistrée sous la référence T‑259/13 RENV.

28      En premier lieu, la Cour a écarté le premier moyen du pourvoi, tiré de ce que le Tribunal avait commis une erreur de droit en ne soulevant pas d’office le moyen tiré de la violation par la Commission des formes substantielles pour défaut d’adoption de la décision litigieuse dans un délai raisonnable. Elle a constaté que, en l’occurrence, la réglementation de l’Union en matière d’apurement des fonds agricoles ne fixait pas de délai dans lequel la Commission devait adopter une décision mettant fin à la procédure d’apurement des comptes, de sorte que la jurisprudence issue de l’arrêt du 4 septembre 2014, Espagne/Commission (C‑192/13 P, EU:C:2014:2156), ne pouvait pas trouver application.

29      En deuxième lieu, la Cour a écarté le deuxième moyen du pourvoi, tiré de ce que le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant que la Commission n’avait pas méconnu les articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006, en imposant de procéder au comptage des animaux lors des contrôles sur place. La Cour a constaté qu’il découle des articles 10 et 14 du règlement no 1975/2006 que les États membres sont tenus d’organiser des contrôles sur place pour vérifier le respect des conditions d’octroi des mesures de soutien au développement rural et que, plus précisément, l’article 14, paragraphe 2, de ce règlement impose aux États membres d’effectuer des contrôles sur place qui portent sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire. Par conséquent, la Cour a jugé que les autorités françaises étaient tenues de procéder, lors des contrôles sur place, au comptage des animaux.

30      Enfin, en troisième lieu, la Cour a partiellement accueilli le troisième moyen du pourvoi, tiré de ce que le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant que les vérifications sur place effectuées dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes ovines ne constituaient pas des contrôles sur place au sens du règlement no 1975/2006.

31      S’agissant de ce troisième moyen, la Cour a déclaré qu’il était en partie irrecevable en ce qu’il visait les primes ovines, pour défaut de précision. Pour le surplus, en ce qui concerne la première branche de ce moyen, la Cour a jugé que l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006 permet, en principe, aux États membres de conduire des contrôles sur place au titre des mesures portant sur l’utilisation durable des terres agricoles, prévues à l’article 36, sous a), du règlement no 1698/2005, telles que les ICHN, en même temps que d’autres contrôles prévus par la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles. Il en résulte selon la Cour que, en ayant considéré, au point 74 de l’arrêt initial, que le système de contrôles sur place à effectuer en vertu des articles 12 et suivants du règlement no 1975/2006 était autonome et indépendant des contrôles effectués dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes bovines, sans avoir déterminé, d’une part, si ces derniers contrôles constituaient des contrôles prévus dans la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, au sens de l’article 5, paragraphe 2, dudit règlement et, d’autre part, s’ils pouvaient être effectués en même temps que les contrôles prévus aux articles 12 et suivants de ce règlement, le Tribunal a commis une erreur de droit.

32      Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre branche du troisième moyen, la Cour a annulé l’arrêt initial et renvoyé l’affaire devant le Tribunal afin de répondre à la question de savoir si les contrôles effectués dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes bovines constituent des contrôles prévus dans la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006 et, le cas échéant, d’examiner à nouveau la seconde branche du troisième moyen du recours en annulation.

 Procédure et conclusions des parties après renvoi

33      L’affaire T‑259/13 RENV a été attribuée à la quatrième chambre du Tribunal.

34      Les 23 mars et 3 avril 2017, la Commission et la République française ont soumis leurs observations écrites sur le renvoi, au titre de l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le Royaume d’Espagne n’a, quant à lui, pas déposé d’observations.

35      À l’invitation du Tribunal, la Commission et la République française ont soumis, les 14 et 26 juin 2017, des observations écrites complémentaires conformément à l’article 217, paragraphe 3, du règlement de procédure.

36      Dans ses observations, la République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée en tant qu’elle exclut les dépenses effectuées par elle dans le cadre de l’aide ICHN du PDRH au titre des exercices financiers 2008 et 2009 ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée, en tant qu’elle écarte du financement de l’Union la partie des dépenses effectuées par elle dans le cadre de l’aide ICHN pour des bovins et des ovins ayant fait l’objet de contrôles sur place au titre des contrôles de l’identification animale ou des primes animales ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      Dans ses observations, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République française aux dépens.

38      Le 18 janvier 2018, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre), au titre des mesures d’organisation de la procédure, prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, a invité les parties à répondre à une question à laquelle celles-ci ont répondu par courriers du 31 janvier 2018.

 En droit

 Sur l’objet du litige dans le cadre de la procédure de renvoi

39      Il y a lieu de rappeler que la République française avait invoqué trois moyens au soutien de son recours (voir point 19 ci-dessus).

40      Toutefois, les parties ont indiqué lors de l’audience, ce dont il a été pris acte par le Tribunal dans le procès-verbal d’audience, que, à la suite de l’arrêt sur pourvoi, il incombait désormais au Tribunal d’examiner le recours uniquement en ce qui concerne la seconde branche du premier moyen et, le cas échéant, la seconde branche du troisième moyen.

 Sur la seconde branche du premier moyen

41      Par la seconde branche du premier moyen, la République française soutient que la Commission a violé l’article 10, paragraphes 2 et 4, et l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006 en considérant que le système de contrôle français n’était pas adéquat pour vérifier le respect du critère de chargement.

42      La Commission conteste les arguments invoqués par la République française en faisant valoir qu’ils ne sont pas compatibles avec le système de contrôle exigé par les articles 10 et suivants du règlement no 1975/2006.

43      À titre liminaire, s’agissant des principes en matière de contrôles concernant les mesures ICHN, il convient de rappeler que, selon l’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1975/2006, intitulé « Principes de contrôle généraux » :

« 1.      Sans préjudice des dispositions particulières du présent règlement, les États membres s’assurent que tous les critères d’admissibilité fixés par la législation [de l’Union] ou nationale ou par les programmes de développement rural peuvent être contrôlés au moyen d’un ensemble d’indicateurs vérifiables qu’il leur appartient d’instituer.

2.      Dans la mesure du possible, les contrôles sur place, prévus aux articles 12, 20 et 27, et d’autres contrôles prévus dans la réglementation [de l’Union] sur les subventions agricoles seront effectués en même temps. »

44      L’article 10, paragraphes 1 à 4, du règlement no 1975/2006 prévoit :

« 1.      Les demandes d’aide et les demandes de paiement sont contrôlées de façon à garantir la vérification efficace du respect des conditions d’octroi de l’aide.

2.      Les États membres définissent les méthodes et les moyens adéquats pour vérifier les conditions d’octroi de l’aide pour chaque mesure d’aide.

3.      Les États membres utilisent le système intégré de gestion et de contrôle [...] 

4.      Les critères d’admissibilité sont vérifiés au moyen de contrôles administratifs et de contrôles sur place. »

45      L’article 12, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, intitulé « Contrôles sur place », dispose :

« L’article 26, paragraphe 3, et l’article 4 du règlement […] no 796/2004 s’appliquent aux contrôles sur place prévus au présent article. »

46      Aux termes de l’article 14 du règlement no 1975/2006, intitulé « Principes généraux concernant les contrôles sur place » :

« 1.      Les contrôles sur place sont répartis sur l’année en fonction d’une analyse des risques présentés par les différents engagements pris au titre de chaque mesure de développement rural.

2.      Les contrôles portent sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire qu’il est possible de contrôler au moment de la visite. »

47      L’article 15, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1975/2006, intitulé « Éléments des contrôles sur place et détermination des superficies », prévoit :

« 2.      En ce qui concerne les contrôles des mesures “surfaces”, les contrôles sur place sont effectués conformément aux articles 29, 30 et 32 du règlement […] no 796/2004.

[...]

3.      En ce qui concerne les contrôles des mesures animaux, les contrôles sur place sont effectués conformément à l’article 35 du règlement […] no 796/2004. »

48      L’article 35 du règlement no 796/2004 prévoit :

« 1.      Les contrôles sur place portent sur tous les animaux pour lesquels des demandes d’aide ont été introduites au titre des régimes à contrôler et, pour ce qui concerne les régimes d’aides aux bovins, sur les bovins ne faisant pas l’objet d’une demande d’aide.

2.      Les contrôles sur place comportent notamment :

a)      des vérifications visant à déterminer si le nombre d’animaux présents dans l’exploitation, pour lesquels des demandes d’aide ont été introduites, et le nombre de bovins ne faisant pas l’objet d’une demande d’aide correspondent au nombre d’animaux inscrits dans les registres et, dans le cas des bovins, au nombre d’animaux enregistrés dans la base de données informatique ;

[...] »

49      Enfin, s’agissant du droit français, la circulaire DGPAAT/SDEA/C2008-3016, du 5 septembre 2008, expose les conditions réglementaires des ICHN au titre de l’année 2008 (ci-après la « circulaire ICHN »).

50      Le point 7.2 de la circulaire ICHN, intitulé « Les contrôles sur place », prévoit que ces contrôles comportent trois volets, le premier portant sur la réalité de la surface ayant fait l’objet d’une demande d’aide ICHN, le deuxième portant sur les engagements du bénéficiaire de l’aide autres que la surface et le troisième portant sur la télédéclaration. Dans le cadre du contrôle sur place des engagements autres que la surface, ce point 7.2 précise qu’il convient de procéder notamment au comptage des animaux. En application du système intégré de gestion et de contrôle des aides, les bovins sont contrôlés au titre des aides animales et ne sont pas contrôlés spécifiquement pour l’ICHN. Les ovins utilisés pour le calcul du chargement sont ceux déclarés à la prime à la brebis par une demande ayant cet objet et déposée l’année du dépôt du dossier ICHN. Pour les nouveaux demandeurs, les ovins utilisés sont contrôlés par comptage des animaux présents le jour du contrôle.

51      C’est à la lumière de ces dispositions, des enseignements de l’arrêt sur pourvoi ainsi que des observations des parties sur les conclusions à tirer de ce dernier qu’il appartient au Tribunal d’examiner le bien-fondé de la seconde branche du premier moyen.

52      À cet égard, il convient de rappeler que, même si la réglementation de l’Union relative à l’octroi des aides et des primes n’impose pas expressément aux États membres d’instaurer des mesures de surveillance et des modalités de contrôle spécifiques, il n’en demeure pas moins que, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, il incombe aux États membres d’effectuer des contrôles sur place qui portent sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire, y incluses celles découlant du droit national, qu’il est possible de contrôler au moment de la visite (arrêt du 26 janvier 2017, Espagne/Commission, C‑506/15 P, non publié, EU:C:2017:42, point 69, et arrêt sur pourvoi, point 71).

53      En l’occurrence, le PDRH, tel qu’il a été approuvé par la Commission, prévoyait, aux fins de l’admissibilité aux ICHN, un critère de chargement exprimé en UGB et visant à encadrer la densité du bétail présent sur des surfaces fourragères afin d’éviter des phénomènes de sous-pâturage et de surpâturage. Les autorités françaises étaient donc tenues, lors des contrôles sur place, de déterminer le critère de chargement au moyen d’un comptage des animaux présents sur l’exploitation au moment de la visite d’inspection, comptage d’ailleurs prévu au point 7.2 de la circulaire ICHN, afin de vérifier si ce critère était respecté ponctuellement et, ainsi, de corroborer les données ressortant des contrôles administratifs (voir, en ce sens et par analogie, arrêt sur pourvoi, point 72).

54      À cet égard, il convient de rappeler que, au point 97 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a jugé que le Tribunal, en ayant considéré, au point 74 de l’arrêt initial, que le système de contrôles sur place à effectuer en vertu des articles 12 et suivants du règlement no 1975/2006 était autonome et indépendant des contrôles effectués dans le cadre de la gestion de l’identification bovine ou des primes bovines, sans avoir déterminé, d’une part, si ces derniers contrôles constituaient des contrôles prévus dans la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006 et, d’autre part, s’ils pouvaient être effectués en même temps que les contrôles prévus aux articles 12 et suivants de ce règlement, a commis une erreur de droit.

55      Il est donc permis, en principe, aux États membres de conduire les contrôles sur place, au titre des articles 12 et suivants du règlement no 1975/2006, tels que les contrôles sur place au titre des ICHN, en même temps que les contrôles sur place effectués au titre de l’identification animale ou des primes bovines, dans la mesure où deux conditions sont démontrées, à savoir, premièrement, que ces derniers constituent des contrôles prévus dans la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, et, deuxièmement, qu’ils puissent être effectués en même temps que les contrôles prévus aux articles 12 et suivants de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt sur pourvoi, points 95 et 96).

56      S’agissant de la première condition, les parties s’opposent, dans leurs écritures, sur la question de savoir si les contrôles effectués dans le cadre de la gestion de l’identification bovine constituent des contrôles prévus dans la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles. En revanche, elles s’accordent pour considérer les contrôles sur la gestion des primes bovines comme des contrôles prévus par la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles.

57      Toutefois, lors de l’audience, la Commission a reconnu que, compte tenu de l’arrêt du 1er février 2018, France/Commission (T‑518/15, EU:T:2018:54), il y a désormais lieu de considérer que les contrôles sur place effectués au titre de l’identification bovine constituent des contrôles prévus par la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, de sorte que la première des deux conditions, mentionnées au point 55 ci-dessus, est remplie.

58      S’agissant de la seconde condition, la République française fait valoir, en substance, que les comptages effectués par les autorités françaises lors des contrôles sur place dans le cadre de l’identification bovine et des primes bovines permettent de tenir compte des spécificités du régime des ICHN et de déterminer le critère de chargement dans le cadre de ce régime. Un seul et même comptage des animaux peut valoir au titre de chacun de ces contrôles. Selon la République française, le système de contrôle français était adéquat pour vérifier le respect du critère de chargement conformément à l’article 10, paragraphes 2 et 4, et à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006. À cet égard, elle souligne notamment que les comptages des animaux effectués lors des contrôles sur place dans le cadre de l’identification bovine et des primes bovines font l’objet d’un traitement en continu par la BDNI ainsi que par les bases de données dénommées Pacage-Isis, qui contrôlent le paiement des aides surfaciques telles que les ICHN. À la suite de ces comptages, les bases de données sont d’ailleurs mises à jour avec un effet rétroactif.

59      En particulier, la République française souligne que les deux paramètres permettant de vérifier le critère du taux de chargement pour l’octroi des ICHN, à savoir l’âge des bovins et le temps de présence moyen annuel des animaux sur l’exploitation, sont pris en compte par la BDNI. En effet, la BDNI des bovins contiendrait le numéro d’identification de toutes les exploitations où chaque animal a été détenu, les dates de chaque mouvement de chaque animal ainsi que la date de naissance de chaque animal, ce qui permettrait de déterminer l’âge de chaque animal et, par conséquent, le taux de chargement et de disposer à tout moment du numéro d’identification de tous les animaux de l’espèce bovine présents dans une exploitation ainsi que de connaître le nombre de ces animaux présents sur chaque exploitation. Partant, les données nécessaires au calcul du chargement et relatives au bétail seraient bien récoltées lors des contrôles sur place de l’identification animale ou des primes bovines dès lors que, à cette occasion, il est procédé au comptage des animaux ainsi qu’à la vérification de leur âge et de leur temps de présence sur la surface agricole.

60      Enfin, elle indique qu’il est possible de croiser ces données avec celles recueillies lors des contrôles sur place des aides ICHN relatifs à la surface agricole afin de vérifier de manière adéquate le respect du critère de chargement et donc l’éligibilité de la parcelle agricole aux aides ICHN.

61      La Commission conteste que les contrôles au titre de l’identification bovine ou des primes bovines invoqués par la République française dans la présente affaire puissent servir au contrôle du respect de la condition de chargement en bétail prévue au titre des ICHN. Elle ajoute, en substance, que la République française s’est limitée à des affirmations théoriques sans apporter aucune preuve de ce que les contrôles ont été effectués en même temps ni de ce qu’un croisement des résultats de ces contrôles a eu lieu.

62      À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, dans l’arrêt sur pourvoi, confirmant expressément l’arrêt initial à cet égard, il a été jugé qu’aucune disposition du règlement no 1975/2006 ne saurait être interprétée en ce sens que, dans l’hypothèse où des contrôles administratifs seraient effectués en utilisant des informations issues d’une base de données fiable, les contrôles sur place au titre de ce même règlement ne seraient plus nécessaires. En effet, une telle interprétation méconnaît l’objectif des contrôles sur place, consistant notamment à vérifier la conformité des informations contenues dans les bases de données établies par les États membres, conformément à l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 1975/2006 et à l’article 35 du règlement no 796/2004 (voir, en ce sens, arrêt sur pourvoi, points 27, 60 et 74, et arrêt initial, points 70 et 71).

63      Dès lors, le fait que les contrôles mis en œuvre par les autorités nationales répondent aux exigences posées par l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, en ce que la BDNI consentirait de prendre en compte les deux paramètres permettant de vérifier le critère du taux de chargement, à savoir le paramètre relatif à l’âge des bovins et celui relatif à leur temps de présence moyen annuel sur l’exploitation, ne saurait exempter les autorités françaises de l’obligation du comptage des animaux lors du contrôle sur place pour effectuer les vérifications exigées au titre du règlement no 1975/2006 et pour s’assurer de la conformité des bases de données utilisées pour calculer le taux de chargement (arrêt du 1er février 2018, France/Commission, T‑518/15, EU:T:2018:54, point 70).

64      En deuxième lieu, il convient de souligner qu’il ressort de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1975/2006, que les contrôles sur places au titre des ICHN seront effectués en même temps que d’autres contrôles prévus par la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles « dans la mesure du possible ». Il s’ensuit que, en principe, il peut exister des cas dans lesquels il n’est pas possible d’effectuer les contrôles sur places au titre des ICHN en même temps que d’autres contrôles prévus par la réglementation de l’Union sur les subventions agricoles, les contrôles conjoints n’étant pas une règle absolue mais une simple possibilité susceptible de connaître des exceptions (arrêt du 1er février 2018, France/Commission, T‑518/15, EU:T:2018:54, point 71).

65      En troisième lieu, il convient de relever, à l’instar de la Commission dans ses observations sur les conclusions à tirer de l’arrêt sur pourvoi et lors de l’audience, que la République française ne prouve pas comment, dans le système de contrôle mis en place, les comptages effectués par les autorités françaises lors des contrôles sur place dans le cadre de l’identification bovine ou des primes bovines tiennent pleinement compte des spécificités du régime des ICHN.

66      En effet, ainsi que cela a été observé par la Commission dans lesdites observations et ainsi que l’a jugé le Tribunal au point 73 de l’arrêt du 1er février 2018, France/Commission (T‑518/15, EU:T:2018:54), les contrôles au titre de l’identification animale ou des primes bovines répondent à des critères différents de ceux au titre des ICHN, en ce qui concerne notamment les installations qui font l’objet d’un contrôle, les animaux comptés ou identifiés et la périodicité des contrôles.

67      À titre d’exemple, les animaux faisant l’objet du comptage dans le cadre des ICHN ne correspondent pas forcément à ceux faisant l’objet du comptage dans le cadre de l’identification animale et des primes bovines. En effet, si ce dernier comptage porte sur tous les bovins, ovins, caprins et porcins aux fins de leur enregistrement dans les bases des données animales et de la constitution d’un échantillon représentatif pour les marques auriculaires, les contrôles sur place au titre des mesures ICHN ont pour objet toutes les espèces d’herbivores et portent, par conséquent, sur un échantillon différent, ce qui, au demeurant, a été reconnu par la République française dans ses observations complémentaires.

68      Il en découle que, bien qu’il soit en théorie possible qu’un contrôle effectué au titre de l’identification bovine ou des primes bovines puisse servir au contrôle du respect de la condition de chargement en bétail prévue au titre des ICHN, encore faut-il que toutes les spécificités des deux types de contrôles soient prises en compte lors de ce contrôle.

69      Or, force est de constater que, par ses arguments, la République française est restée en défaut de démontrer que tel était le cas en pratique. Elle n’a notamment pas prouvé que les animaux faisant l’objet de vérifications au titres de mesures ICHN ont été contrôlés lors des contrôles sur place au titre de l’identification animale ou de primes bovines. De même, elle n’a pas prouvé que, lors des contrôles au titre de l’identification animale ou des primes bovines, tout était mis en œuvre pour que les inspecteurs chargés d’effectuer ces contrôles tiennent compte à la fois des critères applicables aux contrôles au titre de l’identification animale ou des primes bovines et de ceux applicables aux contrôles au titre des ICHN afin que les données recueillies puissent être exploitées au titre des deux types de mesures en cause, à savoir les mesures surfaciques et les mesures animales.

70      Ce constat ne saurait, au demeurant, être remis en cause par les trois documents annexés aux observations écrites de la République française déposées au titre de l’article 217, paragraphe 3, du règlement de procédure.

71      En effet, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’éventuelle irrecevabilité de ces documents, évoquée par la Commission lors de l’audience, force est de constater que, s’ils contiennent des indices de ce que des croisements sont parfois effectués, ils ne permettent pas de démontrer que ces croisements sont systématiques. Par ailleurs, et en tout état de cause, quand bien même ces croisements seraient systématiques, comme l’a soutenu la République française lors de l’audience, ces documents ne prouvent nullement que les données recueillies lors du contrôle l’ont été en tenant compte de toutes les spécificités liées aux deux types de contrôles en cause.

72      Dans ces circonstances, l’argument de la République française selon lequel un seul et même comptage des animaux peut valoir au titre des contrôles sur place dans le cadre de l’identification bovine ou des primes bovines ainsi qu’au titre des ICHN ne saurait prospérer.

73      Dès lors, la seconde condition mentionnée au point 55 ci-dessus n’étant pas remplie, la seconde branche du premier moyen du recours doit être rejetée.

74      À titre surabondant, il y a lieu d’ajouter que la conclusion tirée au point 53 ci-dessus ne saurait davantage être remise en question par l’argument de la République française, qui faisait l’objet de la première branche du premier moyen, selon lequel, en substance, le comptage des animaux lors des contrôles sur place ne permettrait pas de vérifier le respect du critère du taux de chargement, en ce que ce dernier serait un taux moyen annuel. Il convient de relever que la République française ne précise pas, dans ses écritures, la base légale, conformément au droit de l’Union, sur laquelle le taux de chargement devrait être considéré comme un taux moyen annuel. En outre, il convient de souligner que, le PDRH, qui a été élaboré par la République française elle-même, n’établit pas que le taux de chargement est un taux moyen annuel.

75      En effet, le PDRH se limite à imposer que le chargement soit compris entre un seuil minimal et un plafond maximal définis par le préfet pour chaque zone ou chaque sous-zone du département, en fonction de ses caractéristiques agroclimatiques, sans préciser qu’il s’agit d’une valeur annuelle. Par ailleurs, à supposer même que la période concernée soit une année, les bénéficiaires doivent respecter les valeurs de la fourchette fixée. Des variations entre les valeurs maximales et valeurs minimales peuvent se produire tout au long de la période concernée et, en raison de l’impossibilité de contrôler quotidiennement ces valeurs, une moyenne pour l’année peut être acceptée. Cependant, afin d’assurer le respect de la condition relative au taux de chargement, cette moyenne doit être calculée sur la base des valeurs qui se trouvent entre les valeurs maximales et les valeurs minimales de la fourchette (voir, par analogie, arrêt du 15 juillet 2015, Espagne/Commission, T‑561/13, non publié, EU:T:2015:496, point 55).

76      Accepter l’interprétation de la République française selon laquelle le respect du critère du taux de chargement doit se baser sur le calcul d’une moyenne sur l’année permettrait aux bénéficiaires de dépasser, pendant certains moments de l’année, les valeurs maximales et minimales de la fourchette prévues dans le PDRH, dans la mesure où de tels dépassements n’auraient pas d’incidence sur la valeur moyenne finale pour l’ensemble de l’année. Cette façon de procéder favoriserait ainsi des comportements stratégiques de la part des bénéficiaires, qui pourraient être peu compatibles avec les objectifs visés par les aides en question, notamment la sauvegarde et la promotion des modes d’exploitation durables. En effet, le dépassement des valeurs maximales à certains moments de l’année pourrait donner lieu à des situations de surexploitation des surfaces concernées et le dépassement des valeurs minimales à des situations de sous-exploitation desdites surfaces (voir, par analogie, arrêt du 15 juillet 2015, Espagne/Commission, T‑561/13, non publié, EU:T:2015:496, point 56).

77      Les autorités nationales sont donc tenues, lors des contrôles sur place, de déterminer le critère du taux de chargement de l’exploitation au moment de la visite d’inspection, au moyen, notamment, d’un comptage des animaux, afin de vérifier si les valeurs maximales et minimales fixées par le PDRH sont ponctuellement respectées et, ainsi, de corroborer les données ressortant des contrôles administratifs (voir, par analogie, arrêt du 26 janvier 2017, Espagne/Commission, C‑506/15 P, non publié, EU:C:2017:42, point 70).

 Sur la seconde branche du troisième moyen

78      Par la seconde branche du troisième moyen, la République française fait valoir que, en incluant dans l’assiette de la correction forfaitaire la partie des dépenses effectuées dans des exploitations bovines ayant fait l’objet de contrôles sur place dans le cadre de l’identification bovine ou des primes bovines, la Commission n’a pas tiré les conséquences nécessaires du fait que, lors de ces contrôles sur place, un comptage des animaux avait eu lieu.

79      La Commission conteste le bien-fondé de cette branche.

80      À cet égard, il y a lieu de relever que, eu égard à la réponse apportée dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, il y a lieu de rejeter la seconde branche du troisième moyen.

81      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a donc lieu de rejeter le recours tel que son objet a été défini au point 40 ci-dessus.

 Sur les dépens

82      Dans l’arrêt initial, la République française avait été condamnée à supporter les trois quarts de ses propres dépens et les trois quarts des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant le quart de ses propres dépens et le quart des dépens exposés par la République française. Dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a réservé les dépens. Il appartient donc au Tribunal de statuer, dans le présent arrêt, sur l’ensemble des dépens afférents aux différentes procédures, conformément à l’article 219 du règlement de procédure.

83      En vertu de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

84      En l’espèce, il y a lieu de relever que la République française, premièrement, a partiellement obtenu gain de cause dans l’arrêt initial, deuxièmement, a obtenu satisfaction dans la procédure sur pourvoi devant la Cour et, troisièmement, a succombé en ce qui concerne le renvoi devant le Tribunal.

85      Dans ces conditions et eu égard à l’ensemble des circonstances de la cause, il y a lieu de décider que la République française et la Commission supporteront leurs propres dépens afférents aux différentes procédures.

86      Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Il convient de décider que le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République française ainsi que la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

      H. Kanninen


*      Langue de procédure : le français.