Language of document : ECLI:EU:T:2024:423

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

26 juin 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant un poussin éclos – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑595/23,

beckberg GmbH, établie à Nuremberg (Allemagne), représentée par Me M. Krogmann, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représentée par M. T. Klee, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, D. Petrlík (rapporteur) et Mme S. Kingston, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, beckberg GmbH, demande l’annulation et la réformation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 juin 2023 (affaire R 41/2023‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 28 septembre 2021, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant des classes 9, 11 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Dispositifs audio et vidéo pour la surveillance de bébés ; pièces et accessoires pour tous les produits susmentionnés, compris dans cette classe » ;

–        classe 11 : « Éclairage ; veilleuses ; lampes d’orientation nocturne ; lumières douces ; lampes LED ; luminaires LED ; lampes ; luminaires ; lampes de table ; plafonniers intensifs ; appareils d’éclairage fixés au mur ; lampes de bureau ; lampes pour enfant ; lampes de poche ; lampes à piles ; guirlandes lumineuses ; lampes au néon pour l’éclairage ; pièces et accessoires pour tous les produits susmentionnés, compris dans cette classe » ;

–        classe 28 : « Jouets, y compris les jouets électroniques ; jouets ; jeux ; pièces et accessoires pour tous les produits susmentionnés, compris dans cette classe ».

4        Par décision du 8 novembre 2022, l’examinatrice a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Le 6 janvier 2023, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinatrice.

6        Par la décision attaquée, la cinquième chambre de recours a rejeté le recours. À cet égard, elle a constaté que les produits visés par la marque demandée s’adressaient au grand public de l’Union européenne, dont le niveau d’attention variait de normal à élevé. Par ailleurs, la chambre de recours a considéré que, d’une part, la marque demandée se confondait avec l’aspect des produits qu’elle désignait ou avec la présentation de ces produits et que, d’autre part, cette dernière ne s’écartait pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur des dispositifs audio et vidéo pour la surveillance des bébés relevant de la classe 9 (ci-après les « dispositifs pour la surveillance des bébés »), de divers éclairages relevant de la classe 11 et des jouets relevant de la classe 28. Pour ces motifs, la chambre de recours a conclu que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, de sorte qu’elle devait être refusée à l’enregistrement en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        constater que seule une décision allant dans le sens contraire à celui de la décision attaquée aurait été conforme au droit ;

–        enregistrer la marque demandée.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, dans le cas où une audience serait organisée.

 En droit

 Sur la compétence du Tribunal pour connaître du deuxième et du troisième chef de conclusions de la requérante

9        Par son deuxième chef de conclusions, la requérante a demandé au Tribunal de « constater que seule une décision dans le sens contraire à la décision attaquée aurait été conforme au droit ».

10      À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des jugements déclaratoires (voir, en ce sens, ordonnance du 9 décembre 2003, Italie/Commission, C‑224/03, non publiée, EU:C:2003:658, points 20 et 21, et arrêt du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, EU:T:2009:27, point 23).

11      Il s’ensuit que le Tribunal n’est pas compétent pour procéder à la constatation visée par le deuxième chef de conclusions.

12      Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’enregistrer la marque demandée. Ce chef de conclusions peut être compris comme visant à ce que le Tribunal réforme la décision attaquée au sens de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, en adoptant la décision que la chambre de recours aurait dû prendre conformément aux dispositions de ce règlement. Or, les instances de l’EUIPO compétentes en la matière n’adoptent pas de décision formelle constatant l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne qui pourrait faire l’objet d’un recours. Par conséquent, la chambre de recours n’est pas compétente pour connaître d’une demande visant à ce qu’elle enregistre une marque de l’Union européenne. Dans ces circonstances, il n’appartient pas davantage au Tribunal de connaître d’une demande de réformation visant à ce qu’il modifie la décision d’une chambre de recours en ce sens [arrêt du 12 juillet 2023, Tavitova/EUIPO – Cordier (AURUS), T‑662/22, non publié, EU:T:2023:393, point 16].

13      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le deuxième et le troisième chef de conclusions de la requérante pour cause d’incompétence. 

 Sur le fond

14      La requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, qui s’articule, en substance, en deux branches.

 Sur la première branche, portant sur la représentation par la marque demandée de la forme des produits visés

15      Dans le cadre de la première branche du moyen unique, la requérante soutient que la chambre de recours a appliqué un critère d’examen erroné lors de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée. En effet, cette dernière ne consisterait pas en une représentation des produits visés ou de leurs emballages, mais serait un dessin abstrait bidimensionnel sans rapport avec ces produits, qui constituerait une « synthèse originale entre un œuf et un poussin avec coquille ». Dans ces conditions, la chambre de recours aurait appliqué à tort le critère, issu de la jurisprudence, selon lequel ladite marque devait diverger de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur concerné, dans le cadre de son examen du caractère distinctif de celle-ci.

16      L’EUIPO rejette l’argumentation de la requérante.

17      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

18      La notion d’intérêt général sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final de pouvoir identifier l’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance [voir arrêt du 29 mars 2023, Perfetti Van Melle/EUIPO (Représentation d’un récipient cylindrique de lignes ondulées), T‑199/22, non publié, EU:T:2023:173, point 12 et jurisprudence citée].

19      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur de ces produits ou de ces services [arrêt du 30 mars 2022, Daimler/EUIPO (Représentation d’étoiles à trois branches sur fond noir IV), T‑279/21, non publié, EU:T:2022:196, point 12].

20      En l’espèce, aux fins d’examiner le caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a tout d’abord considéré, aux points 18 et 19 de la décision attaquée, que les produits visés par la marque demandée s’adressaient au grand public, dont le niveau d’attention variait de moyen à élevé et qui était composé de l’ensemble des consommateurs de l’Union. En outre, la chambre de recours a relevé, aux points 25 à 27 de cette décision, qu’il était un fait notoire que les dispositifs pour la surveillance des bébés, les éclairages et les jouets pouvaient revêtir la forme d’animaux, d’autant plus que de tels produits étaient, notamment, utilisés dans des chambres d’enfants ou par des enfants. La chambre de recours en a conclu que, si le public pertinent était mis en présence de la marque demandée s’agissant des produits visés par cette marque, il présumerait que cette dernière représentait l’apparence desdits produits. Par conséquent, aux fins d’apprécier le caractère distinctif de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a appliqué les critères propres aux marques se confondant avec la forme des produits visés et a ainsi vérifié si la marque demandée divergeait, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur concerné.

21      La requérante ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle les produits visés par la marque demandée s’adressent au grand public, dont le niveau d’attention varie de moyen à élevé et qui est composé de l’ensemble des consommateurs de l’Union.

22      En revanche, la requérante soutient que la marque demandée ne peut pas être considérée comme une représentation schématique des produits visés par cette marque, de sorte que la chambre de recours n’aurait pas dû apprécier le caractère distinctif de cette marque sur la base du critère portant sur la divergence significative de celle-ci par rapport à la norme ou aux habitudes du secteur concerné.

23      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, si une marque est constituée par l’apparence du produit lui-même, les critères d’appréciation de son caractère distinctif ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (voir arrêt du 30 mars 2022, Représentation d’étoiles à trois branches sur fond noir IV, T‑279/21, non publié, EU:T:2022:196, point 17 et jurisprudence citée).

24      Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, il convient de tenir compte du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque constituée par l’apparence du produit lui-même que dans le cas d’une marque verbale ou figurative qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme en l’absence de tout élément graphique ou textuel, de sorte qu’il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une marque constituée par l’apparence du produit lui-même [voir arrêt du 24 novembre 2016, Azur Space Solar Power/EUIPO (Représentation de lignes et de briques blanches sur fond noir), T‑578/15, non publié, EU:T:2016:674, point 15 et jurisprudence citée].

25      Dans ces conditions, plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 31).

26      Par conséquent, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’identification de l’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition (voir arrêt du 24 novembre 2016, Représentation de lignes et de briques blanches sur fond noir, T‑578/15, non publié, EU:T:2016:674, point 17 et jurisprudence citée).

27      Afin d’examiner si la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus est applicable à la marque demandée, il convient de rappeler que l’élément déterminant pour son applicabilité n’est pas la qualification de la marque concernée de marque figurative, tridimensionnelle ou autre, mais le fait que ladite marque se confond avec l’aspect du produit lui-même. Ainsi, ladite jurisprudence s’applique, outre aux marques tridimensionnelles, à des marques figuratives consistant en une reproduction bidimensionnelle du produit désigné (voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2022, Représentation d’étoiles à trois branches sur fond noir IV, T‑279/21, non publié, EU:T:2022:196, point 20).

28      Plus concrètement, la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus est applicable lorsque, une fois mis en présence d’une marque tridimensionnelle, figurative ou autre s’agissant des produits concernés, une partie non négligeable du public pertinent la perçoit comme une représentation de la forme desdits produits (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2023, Représentation d’un récipient cylindrique de lignes ondulées, T‑199/22, non publié, EU:T:2023:173, point 21).

29      En l’espèce, d’une part, il convient de relever que la marque demandée consiste en un poussin pourvu d’une tête chauve et arrondie, doté de petits yeux noirs et d’un bec ovale, assis dans une coquille dont le bord est uniformément ondulé en haut et aplati en bas.

30      D’autre part, comme cela ressort des aperçus des produits visés par la marque demandée, qui sont reproduits aux points 4, 26 et 29 de la décision attaquée, ainsi que de certains aperçus de produits soumis par la requérante devant l’EUIPO, il est fréquent que, dans le secteur des produits visés par la marque demandée, à savoir celui des dispositifs pour la surveillance des bébés, des éclairages et des jouets, de nombreux produits revêtent la forme de divers animaux, parmi lesquels figurent des poussins.

31      Or, l’existence d’une multitude de produits tels que ceux mentionnés au point 30 ci-dessus dans ledit secteur a une incidence sur la perception par le public pertinent de la marque demandée, de sorte que, lorsqu’il sera mis en présence de cette marque s’agissant des produits pour lesquels elle a été demandée, ce public ou, à tout le moins, une partie non négligeable de celui-ci la percevra comme une représentation de la forme de ces produits.

32      Dans ces conditions, la chambre de recours a pu, sans commettre d’erreur, apprécier le caractère distinctif de la marque demandée en application de la jurisprudence citée aux points 23 à 26 ci-dessus, en particulier en examinant dans quelle mesure cette marque divergeait, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur.

33      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation de la requérante.

34      Tout d’abord, la requérante ne saurait soutenir que l’usage conjoint de la marque demandée et du signe verbal qui apparaît sur quatre photographies d’emballages produites à l’appui de sa requête démontre que cette marque est en réalité un logotype abstrait bidimensionnel ne représentant aucun produit.

35      En effet, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de ces éléments de preuve, laquelle est contestée par l’EUIPO, il suffit de relever que ces photographies portent sur l’usage effectif dont a fait l’objet la marque demandée conjointement avec un signe verbal. Un tel usage ne constitue pourtant pas un facteur pertinent dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, car ce n’est que dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement qu’il y a lieu d’apprécier l’usage effectif d’un signe dont l’enregistrement est demandé, cette disposition permettant l’enregistrement d’un signe dépourvu, à l’origine, de caractère distinctif, lorsque celui-ci a acquis, pour les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement est demandé, un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait [arrêt du 6 juin 2019, Ortlieb Sportartikel/EUIPO (Représentation d’un polygone octogonal), T‑449/18, non publié, EU:T:2019:386, points 34 et 35].

36      Or, en l’espèce, la requérante n’a invoqué ni devant les instances de l’EUIPO ni devant le Tribunal le fait que la marque demandée aurait acquis un caractère distinctif par l’usage qui en a été fait au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

37      Ensuite, bien qu’il ne soit pas exclu que, comme le soutient la requérante, une partie du public pertinent puisse appréhender la marque demandée comme un signe sans rapport avec la forme des produits visés par cette marque, il n’en reste pas moins que, pour les motifs énoncés aux points 29 à 31 ci-dessus, une autre partie non négligeable de ce public la percevra comme représentant la forme desdits produits.

38      Enfin, la requérante ne saurait s’appuyer sur la prétendue originalité de la marque demandée, cette circonstance n’excluant pas non plus qu’une partie non négligeable du public pertinent perçoive cette marque comme représentant l’apparence des produits visés, ainsi que cela ressort des points 29 à 31 ci-dessus.

39      Eu égard à ce qui précède, la première branche du moyen unique doit être rejetée.

 Sur la seconde branche, portant sur la divergence significative de la marque demandée par rapport à la norme ou aux habitudes du secteur

40      Par la seconde branche du moyen unique, la requérante soutient que, à supposer même que la marque demandée soit perçue comme représentant la forme des produits visés, relevant des classes 9, 11 et 28, elle ne correspond pas à une forme à laquelle le consommateur de ces produits s’attend ou à laquelle il peut s’attendre selon l’« expérience générale de la vie », de sorte que ladite marque possède un caractère distinctif suffisant.

41      En effet, la marque demandée présenterait des particularités inhabituelles et caractéristiques. Sa forme renverrait à celle d’un œuf, doté de petits yeux noirs et d’un bec ovale, ce qui permettrait de la considérer en même temps comme la tête trapue, large et chauve d’un poussin dépourvu de membres et assis dans une coquille en forme de coupe et munie d’un bord supérieur. De même, les surfaces de la coquille et du poussin seraient entièrement lisses et délicatement arrondies. En raison de ces particularités, la marque demandée serait originale et nouvelle et se différencierait de manière significative des formes usuelles dans le secteur concerné. Le consommateur pourrait dès lors distinguer ladite marque des produits visés, qui revêtiraient, au contraire, une forme ovoïde ou, à tout le moins, une forme animale fidèle à la nature.

42      L’EUIPO rejette l’argumentation de la requérante.

43      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus, une marque dont la forme se confond avec celle des produits visés est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, si elle ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur.

44      À cet égard, il n’est pas nécessaire de prouver qu’une forme identique ou quasi identique à la marque demandée existe déjà sur le marché, mais il y a lieu d’examiner si le secteur concerné se caractérise par une importante diversité de formes dont cette marque est simplement considérée comme une variante [arrêt du 26 mars 2020, Muratbey Gida/EUIPO (Forme d’un fromage tressé), T‑572/19, non publié, EU:T:2020:129, point 21]. En effet, la présence sur le marché d’un nombre important de formes que le consommateur peut rencontrer rend peu probable que ce dernier considère un type particulier de forme comme relevant d’un fabricant spécifique plutôt que comme relevant de la diversité caractérisant ledit marché [voir arrêt du 30 mars 2022, Daimler/EUIPO (Représentation d’étoiles à trois branches sur fond noir I), T‑277/21, non publié, EU:T:2022:194, point 21 et jurisprudence citée].

45      En outre, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble que cette marque produit. Un tel principe ne s’oppose pas, toutefois, à ce qu’il soit procédé, dans un premier temps, à un examen successif de chacun des éléments constitutifs de ladite marque [voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2022, Voco/EUIPO (Forme d’un emballage), T‑700/21, non publié, EU:T:2022:565, point 38].

46      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que la marque demandée ne s’éloignait pas de façon significative de la norme ou des habitudes du secteur des dispositifs pour la surveillance des bébés, des éclairages et des jouets et qu’elle pouvait ainsi être perçue comme une variante des produits existant dans ce secteur, qui revêtaient souvent diverses formes d’animaux ou de figures animales. Sur ce point, la chambre de recours s’est appuyée sur des faits notoires ainsi que sur plusieurs exemples des produits visés par la marque demandée, dont les aperçus apparaissent aux points 4, 26 et 29 de la décision attaquée, pour estimer que les caractéristiques de ladite marque étaient non seulement usuelles dans le secteur des produits visés par celle-ci, mais aussi attendues par les consommateurs pertinents. Par ailleurs, elle a considéré que le fait que la marque demandée ne revête pas la forme d’un animal naturaliste était dépourvu de pertinence, puisque, en tout état de cause, ladite marque correspondait à la configuration attendue, conformément à l’expérience générale de la vie, pour des produits revendiqués comme étant destinés aux enfants. La chambre de recours en a conclu que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

47      À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que, ainsi qu’il ressort des aperçus de produits mentionnés au point 30 ci-dessus, il est courant que les produits du secteur des dispositifs pour la surveillance des bébés, des éclairages et des jouets revêtent la forme d’animaux.

48      En outre, il ressort des aperçus de produits mentionnés au point 30 ci-dessus que ces produits revêtent des formes diverses, dont certaines s’écartent, en particulier, des formes naturelles d’animaux. De tels produits peuvent ainsi avoir des surfaces lisses et arrondies et être représentés sous la forme d’animaux dépourvus de membres ou avec des membres disproportionnellement petits par rapport au reste du corps. Ils peuvent également avoir des têtes, des yeux, des museaux ou encore des becs qui, s’agissant de leur taille et de leur couleur, divergent de ceux qu’ont en réalité les animaux représentés.

49      Dans ces conditions, il convient de constater que le secteur des dispositifs pour la surveillance des bébés, des éclairages et des jouets se caractérise par l’existence d’un grand éventail de produits qui revêtent des formes diverses d’animaux, dont certaines s’écartent, en particulier, de leurs formes naturelles.

50      Ensuite, il y a lieu de rappeler que la marque demandée est représentée sous la forme d’un poussin dont la forme s’éloigne également de la forme naturelle de cet animal. En effet, ce poussin dispose d’une tête chauve, arrondie et relativement large par rapport au reste du corps. Il est également doté de petits yeux noirs et d’un bec ovale et se trouve dans une coquille, dont la surface est lisse et arrondie et dont le bord est uniformément ondulé en haut et aplati en bas.

51      Toutefois, de telles caractéristiques, prises isolément ainsi que dans leur ensemble, ne présentent pas d’écarts significatifs par rapport aux formes habituelles des produits qui existent dans le secteur des dispositifs pour la surveillance des bébés, des éclairages et des jouets, qui peuvent s’éloigner, ainsi que cela est évoqué aux points 47 et 48 ci-dessus, des formes naturelles des animaux représentés.

52      Il en va d’autant plus ainsi qu’il ressort des aperçus de produits figurant aux points 4, 26 et 29 de la décision attaquée et de certains aperçus de produits invoqués par la requérante devant l’EUIPO qu’un certain nombre des produits visés est représenté, sur le marché, sous la forme de poussins dont les contours divergent de leur forme naturelle.

53      Dans ces conditions, l’apparence de la marque demandée doit être considérée comme une simple variante des formes non naturelles d’animaux que peuvent revêtir les produits du secteur des dispositifs pour la surveillance des bébés, des éclairages et des jouets, de sorte que cette marque ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes de ce secteur.

54      Eu égard à ce qui précède, la chambre de recours a pu constater, sans commettre d’erreur, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

55      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

56      Premièrement, il est vrai que, ainsi que le soutient en substance la requérante, certains des produits du secteur concerné revêtent des formes d’animaux plus proches de la forme naturelle de ces derniers et que d’autres, tels que les dispositifs de surveillance pour les bébés, possèdent, en revanche, des boutons de commande, des lentilles de caméra et des dispositifs d’affichage visibles. Cependant, au regard de la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus, une telle circonstance suffit uniquement à démontrer que ledit secteur est caractérisé par une importante diversité de formes. En revanche, elle n’est pas de nature à remettre en cause la constatation selon laquelle la marque demandée peut être considérée comme une variante de certaines de ces formes (voir points 47 à 52 ci-dessus).

57      Deuxièmement, il est également vrai qu’il ressort de certains aperçus de produits que la requérante a soumis devant l’EUIPO que les dispositifs de surveillance pour les bébés, les éclairages et les jouets peuvent revêtir des formes différentes de celles d’animaux.

58      À cet égard, il suffit cependant de rappeler que la norme et les habitudes du secteur concerné ne sauraient être réduites aux seules formes statistiquement les plus répandues, mais comprennent toutes les formes que le consommateur a l’habitude d’apercevoir sur le marché [arrêt du 25 novembre 2020, Brasserie St Avold/EUIPO (Forme d’une bouteille foncée), T‑862/19, EU:T:2020:561, points 55 et 56].

59      Or, ainsi qu’il ressort des aperçus de produits mentionnés aux points 30 et 52 ci-dessus, parmi de telles formes figurent, notamment, celles d’animaux et, plus particulièrement, celles s’écartant des formes naturelles d’animaux, de sorte qu’il suffit que l’apparence de la marque demandée ne s’éloigne pas, de façon significative, de ces dernières formes pour qu’un caractère distinctif lui soit refusé.

60      Troisièmement, la requérante ne saurait faire valoir que la forme de la marque demandée est originale et que le caractère individuel et personnel de son apparence la distingue de l’ensemble des produits qu’elle vise. En effet, la tête large, aplatie et chauve du poussin représenté dans ladite marque ne saurait conférer à cette dernière un degré d’originalité suffisant pour qu’il soit considéré qu’elle s’écarte, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur. À cet égard, ainsi qu’il ressort des aperçus de produits reproduits aux points 4, 26 et 29 de la décision attaquée et de certains aperçus de produits invoqués par la requérante devant l’EUIPO, certains des produits visés sont représentés sous la forme de poussins dont les caractéristiques sont similaires à celles du poussin représenté dans la marque demandée.

61      Quatrièmement, contrairement à ce que prétend la requérante, la circonstance selon laquelle certains aperçus de produits pris en compte par l’examinatrice et mentionnés aux points 4 et 25 de la décision attaquée n’étaient pas destinés au public de l’Union, à la supposer vraie, est dépourvue d’incidence. D’une part, l’appréciation de la chambre de recours, selon laquelle la forme de la marque demandée ne s’éloigne pas de façon significative de la norme ou des habitudes du secteur, reposait avant tout sur des faits notoires qui sont susceptibles d’être connus par toute personne. D’autre part, ces faits sont illustrés par de nombreux autres aperçus de produits figurant aux points 4, 26 et 29 de cette décision, qui étaient extraits des pages Internet destinées aux publics allemand, espagnol et irlandais, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la requérante. Or, ces derniers aperçus de produits se suffisaient à eux-mêmes pour étayer l’appréciation de la chambre de recours.

62      Dans ces conditions, la seconde branche du moyen unique doit être rejetée et, partant, le moyen unique dans son ensemble.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

64      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas d’organisation d’une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kornezov

Petrlík

Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.