Language of document : ECLI:EU:T:2013:142

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

20 mars 2013(*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Entité détenue à 100 % par une entité reconnue comme étant impliquée dans la prolifération nucléaire – Exception d’illégalité – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective »

Dans l’affaire T‑495/10,

Bank Saderat plc, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée initialement par MM. S. Gadhia, S. Ashley, solicitors, D. Anderson, QC, et R. Blakeley, barrister, puis par MM. Ashley, S. Jeffrey, A. Irvine, solicitors, D. Wyatt, QC, et Blakeley,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et Mme R. Liudvinaviciute-Cordeiro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par Mme S. Boelaert et M. M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), du règlement d’exécution (UE) n° 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 195, p. 25), de la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81), du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1), de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO L 319, p. 11), et du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), pour autant que ces actes concernent la requérante, et, d’autre part, une demande de déclaration d’inapplicabilité de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1), de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 à la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, la Bank Saderat plc, est une société anonyme immatriculée et ayant son siège social au Royaume-Uni, agréée et réglementée par la Financial Services Authority (autorité des services financiers au Royaume-Uni). Elle est détenue à 100 % par la Bank Saderat Iran (ci-après la « BSI »), une banque iranienne.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci‑après la « prolifération nucléaire »).

3        Le 26 juillet 2010, la BSI et la requérante ont été inscrites sur la liste des entités concourant à la prolifération nucléaire iranienne qui figure à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39).

4        Par voie de conséquence, la BSI et la requérante ont été inscrites sur la liste de l’annexe V du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1), par le règlement d’exécution (UE) n° 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007 (JO L 195, p. 25). Cette inscription a eu pour conséquence le gel des fonds et des ressources économiques de la requérante.

5        Dans la décision 2010/413, le Conseil de l’Union européenne a retenu les motifs suivants s’agissant de la BSI :

« La banque Saderat est une banque d’État iranienne (détenue à 94 % par le gouvernement iranien). Elle fournit des services financiers à des entités achetant pour le compte des programmes nucléaires et de missiles [balistiques] de l’Iran. Parmi ces entités figurent des entités désignées dans la résolution 1737 du [Conseil de sécurité des Nations unies]. En mars 2009, la banque Saderat s’occupait encore des [paiements] et des lettres de crédit de l’Organisation des industries de la défense (qui fait l’objet de sanctions au titre de la résolution 1737 du [Conseil de sécurité des Nations unies]) et d’Iran Electronics Industries. En 2003, la banque Saderat a traité des lettres de crédit pour le compte de la société Mesbah Energy Company, qui est liée au programme nucléaire iranien (et qui a par la suite fait l’objet de sanctions au titre de la résolution 1737 du [Conseil de sécurité des Nations unies]). »

6        Les motifs retenus dans le règlement d’exécution n° 668/2010 à l’égard de la BSI sont les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/413.

7        Tant dans la décision 2010/413 que dans le règlement d’exécution n° 668/2010, la requérante a été identifiée comme étant « [d]étenue à 100 % » par la BSI.

8        L’inclusion du nom de la requérante dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe V du règlement n° 423/2007 a été communiquée à celle‑ci par une lettre du HM Treasury (ministère des Finances du Royaume-Uni) du 27 juillet 2010.

9        Par lettres du 24 août et des 2, 9 et 30 septembre 2010, la requérante a invité le Conseil à lui communiquer les informations et les documents sur lesquels il s’était basé pour adopter les mesures restrictives à son égard et à l’égard de la BSI. Par lettre du 15 septembre 2010, elle a également demandé au Conseil de procéder à un réexamen de la décision de l’inclure dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe V du règlement n° 423/2007.

10      L’inscription de la BSI et de la requérante dans l’annexe II de la décision 2010/413 a été maintenue par la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81). Le motif concernant la requérante est identique à celui retenu dans la décision 2010/413. Les motifs retenus à l’égard de la BSI sont les suivants :

« La banque Saderat est une banque iranienne détenue en partie par le gouvernement iranien. Elle fournit des services financiers à des entités achetant pour le compte des programmes nucléaires et de missiles [balistiques] de l’Iran. Parmi ces entités figurent des entités désignées dans la résolution 1737 du [Conseil de sécurité des Nations unies]. En mars 2009, la banque Saderat s’occupait encore des [paiements] et des lettres de crédit de l’Organisation des industries de la défense (qui fait l’objet de sanctions au titre de la résolution 1737 du [Conseil de sécurité des Nations unies]) et d’Iran Electronics Industries. En 2003, la banque Saderat a traité des lettres de crédit pour le compte de la société iranienne Mesbah Energy Company, qui est liée au programme nucléaire (et qui a par la suite fait l’objet de sanctions au titre de la résolution 1737 du [Conseil de sécurité des Nations unies]). »

11      Le règlement n° 423/2007 ayant été abrogé par le règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 281, p. 1), la BSI et la requérante ont été incluses par le Conseil dans l’annexe VIII de ce dernier règlement. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante ont été gelés en vertu de l’article 16, paragraphe 2, dudit règlement. Le motif concernant la requérante est identique à celui retenu dans la décision 2010/413. Les motifs retenus s’agissant de l’inscription de la BSI sont, en substance, les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/644.

12      Par lettre du 28 octobre 2010, le Conseil a répondu à la lettre de la requérante du 15 septembre 2010 en indiquant que, après réexamen, il rejetait sa demande tendant à ce que son nom soit supprimé de la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de celle de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. D’une part, il a exposé que le motif retenu à l’égard de la requérante était suffisant au regard des textes applicables et de la jurisprudence. D’autre part, il a précisé que, à son avis, le maintien des mesures restrictives visant la BSI était justifié au vu des raisons exposées dans les actes concernés. En annexe à la lettre du 28 octobre 2010, le Conseil a communiqué à la requérante deux propositions d’adoption des mesures restrictives visant la BSI et une proposition visant la requérante.

13      Par lettre du 5 janvier 2011, la requérante a fait valoir que, à son avis, le réexamen des mesures restrictives la visant était vicié par des erreurs. Elle a notamment soutenu que le Conseil n’avait pas motivé à suffisance de droit, dans la lettre du 28 octobre 2010, le maintien desdites mesures.

14      En annexe à la duplique, le Conseil a communiqué à la requérante la copie d’une quatrième proposition d’adoption des mesures restrictives visant la BSI, présentée par un État membre.

15      Par lettre du 29 juillet 2011, la requérante a demandé au Conseil de procéder à un réexamen de la décision de la maintenir dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. Elle a soutenu, dans ce contexte, que l’objectif poursuivi par le Conseil aurait pu être assuré par des mesures alternatives moins restrictives.

16      L’inscription de la BSI et de la requérante dans l’annexe II de la décision 2010/413 et dans l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 n’a pas été affectée par l’entrée en vigueur de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO L 319, p. 71), et du règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 (JO L 319, p. 11).

17      Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé la requérante du maintien de son nom dans les listes de l’annexe II de la décision 2010/413 et de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. Il a constaté que les observations présentées par la requérante le 29 juillet 2011 ne justifiaient pas la levée des mesures restrictives la visant, étant donné qu’elle était détenue à 100 % par la BSI.

18      Par lettre du 26 janvier 2012, la requérante a fait valoir que, à son avis, le réexamen du maintien des mesures restrictives la visant était vicié par des erreurs. Elle a notamment constaté que, à son avis, le Conseil n’avait pas motivé à suffisance de droit, dans la lettre du 5 décembre 2011, le refus de prendre en considération les mesures alternatives qu’elle avait évoquées dans la lettre du 29 juillet 2011.

19      Le règlement n° 961/2010 ayant été abrogé par le règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 88, p. 1), la BSI et la requérante ont été incluses par le Conseil dans l’annexe IX de ce dernier règlement. Le motif concernant la requérante est identique à celui retenu dans la décision 2010/413. Les motifs retenus s’agissant de l’inscription de la BSI sont les mêmes que ceux retenus dans la décision 2010/644. Par conséquent, les fonds et les ressources économiques de la requérante ont été gelés en vertu de l’article 23, paragraphe 2, dudit règlement.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 octobre 2010, la requérante a introduit le présent recours.

21      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 novembre 2010, la requérante a adapté ses chefs de conclusions à la suite de l’adoption, le 25 octobre 2010, de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010.

22      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 janvier 2011, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 8 mars 2011, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 janvier 2012, la requérante a, d’une part, adapté ses chefs de conclusions à la suite de l’adoption, le 1er décembre 2011, de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution n° 1245/2011 et, d’autre part, demandé que les actes attaqués fussent, le cas échéant, annulés avec effet immédiat.

24      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 avril 2012, la requérante a adapté ses chefs de conclusions à la suite de l’adoption, le 23 mars 2012, du règlement n° 267/2012.

25      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit des questions aux parties en ce qui concerne les conséquences à tirer, pour la présente affaire, de l’arrêt de la Cour du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil (C‑380/09 P, non encore publié au Recueil), et la recevabilité du quatrième moyen de la requérante. Les parties ont répondu aux questions du Tribunal.

26      Dans sa réponse aux questions du Tribunal, déposée au greffe de ce dernier le 8 juin 2012, la requérante s’est désistée, d’abord, d’une partie des griefs présentés sous le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle, ensuite, d’une partie des griefs présentés sous le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de la détention ou du contrôle de la requérante par la BSI et, enfin, du troisième moyen, tiré du caractère disproportionné et, partant, illégal, de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012.

27      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 juillet 2012.

28      Par ordonnance du Tribunal (quatrième chambre) du 4 septembre 2012, la procédure orale a été rouverte afin de verser au dossier les observations de la requérante sur l’ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil [C‑110/12 P(R), non publiée au Recueil], et de recueillir les observations des autres parties. La procédure orale a été close de nouveau le 4 octobre 2012.

29      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, avec effet immédiat, le point 7 du tableau B de l’annexe II de la décision 2010/413, le point 5 du tableau B de l’annexe du règlement d’exécution n° 668/2010, le point 7 du tableau B, sous le titre I, de l’annexe de la décision 2010/644, le point 7 du tableau B de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010, la décision 2011/783, le règlement d’exécution n° 1245/2011 et le règlement n° 267/2012, pour autant que ces actes la concernent ;

–        déclarer que l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012 lui sont inapplicables ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

30      Le Conseil et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

31      Dans ses écrits, la requérante a fait valoir cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de la détention ou du contrôle de la requérante par la BSI. Le troisième moyen est tiré du caractère disproportionné et, partant, illégal, de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’implication de la BSI dans la prolifération nucléaire. Le cinquième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité, de son droit de propriété et de son droit d’exercer une activité économique.

32      Ainsi qu’il ressort du point 26 ci‑dessus, la requérante s’est désistée en cours de procédure de son troisième moyen ainsi que d’une partie des griefs invoqués sous les premier et deuxième moyens. Dans la mesure où le troisième moyen était le seul moyen invoqué au soutien du deuxième chef de conclusions, visant à la déclaration d’inapplicabilité de l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, de l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, le désistement partiel de la requérante implique, par ailleurs, que ledit chef de conclusions est devenu sans objet.

33      Le Conseil et la Commission contestent le bien‑fondé des moyens de la requérante. En outre, dans la duplique, le Conseil a fait valoir que la requérante n’était pas recevable à invoquer une violation de ses droits fondamentaux.

34      À titre liminaire, il y a lieu d’examiner la recevabilité, d’abord, de l’adaptation des conclusions opérée par la requérante, ensuite, du quatrième moyen et, enfin, des arguments du Conseil relatifs à l’impossibilité pour la requérante d’invoquer les droits fondamentaux.

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité de l’adaptation des chefs de conclusions de la requérante

35      Ainsi qu’il ressort des points 10, 11 et 19 ci-dessus, depuis l’introduction de la requête, la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 a été remplacée par une nouvelle liste, arrêtée dans la décision 2010/644, et le règlement n° 423/2007, tel que modifié par le règlement d’exécution n° 668/2010, a été abrogé et remplacé par le règlement n° 961/2010, qui a lui-même été remplacé et abrogé par le règlement n° 267/2012. En outre, dans les considérants de la décision 2011/783 et du règlement d’exécution n° 1245/2011, le Conseil a explicitement constaté qu’il avait procédé à un réexamen complet de la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de l’annexe VIII du règlement n° 961/2010 et qu’il était parvenu à la conclusion que les personnes, entités et organismes dont les noms y étaient énumérés, parmi lesquels la requérante, devaient continuer à faire l’objet des mesures restrictives. La requérante a adapté ses conclusions initiales de façon que sa demande en annulation vise, outre la décision 2010/413 et le règlement d’exécution n° 668/2010, la décision 2010/644, le règlement n° 961/2010, la décision 2011/783, le règlement d’exécution n° 1245/2011 et le règlement n° 267/2012 (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »). Le Conseil et la Commission n’ont pas soulevé d’objections à cette adaptation.

36      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision ou un règlement concernant directement et individuellement un particulier est, en cours de procédure, remplacé par un acte ayant le même objet, celui‑ci doit être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de la procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union européenne contre un acte, adapter l’acte attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celui-ci (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 46, et la jurisprudence citée).

37      La même conclusion s’applique aux actes, tels que la décision 2011/783 et le règlement d’exécution n° 1245/2011, qui constatent qu’une décision ou un règlement doivent continuer à viser directement et individuellement certains particuliers, à la suite d’une procédure de réexamen expressément imposée par cette même décision ou ce même règlement.

38      Il convient donc, en l’espèce, de considérer que la requérante est recevable à demander l’annulation de la décision 2010/644, du règlement n° 961/2010, de la décision 2011/783, du règlement d’exécution n° 1245/2011 et du règlement n° 267/2012, pour autant que ces actes la concernent.

 Sur la recevabilité du quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’implication de la BSI dans la prolifération nucléaire

39      Par son quatrième moyen, la requérante soutient que l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la BSI n’est pas justifiée. Elle renvoie, à cet égard, aux recours intentés devant les juridictions de l’Union par la BSI et explique que, si cette dernière n’est plus visée par des mesures restrictives au moment du prononcé du présent arrêt, les mesures la visant elle-même doivent être annulées.

40      Cela étant, la requérante n’invoque aucun grief concret contestant la légalité des mesures restrictives visant la BSI. Elle ne s’exprime notamment pas, avec un degré de précision suffisant, sur les motifs concernant la prétendue implication de cette dernière dans la prolifération nucléaire, dès lors qu’elle n’indique même pas si elle conteste la réalité des faits reprochés ou la qualification de ces faits d’appui à la prolifération nucléaire.

41      Dans ces circonstances, le Tribunal n’est pas en mesure de statuer sur le quatrième moyen, faute de précision suffisante de l’argumentation de la requérante. Partant, ledit moyen doit être déclaré irrecevable en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, ainsi que l’invoque d’ailleurs la Commission.

 Sur la recevabilité des arguments du Conseil portant sur la recevabilité des moyens tirés de la prétendue violation des droits fondamentaux de la requérante

42      Dans la duplique, le Conseil a fait valoir que la requérante devait être considérée comme une émanation de l’État iranien, de sorte qu’elle ne pouvait invoquer à son profit les protections et les garanties liées aux droits fondamentaux. Il estime, par conséquent, que les moyens du recours tirés d’une prétendue violation desdits droits doivent être déclarés irrecevables.

43      À cet égard, en premier lieu, il convient d’observer que le Conseil ne conteste pas le droit même de la requérante de demander l’annulation des actes attaqués. Il conteste seulement qu’elle soit titulaire de certains droits qu’elle invoque afin d’obtenir cette annulation.

44      Or, en deuxième lieu, la question de savoir si le requérant est ou non titulaire du droit invoqué au soutien d’un moyen d’annulation ne concerne pas la recevabilité de ce même moyen, mais son bien‑fondé. Par conséquent, l’argumentation du Conseil, tirée de ce que la requérante serait une émanation de l’État iranien, doit être rejetée pour autant qu’elle vise au constat de l’irrecevabilité partielle du recours.

45      En troisième lieu, ladite argumentation a été présentée, pour la première fois, dans la duplique, sans que le Conseil ait invoqué le fait qu’elle était fondée sur des éléments de droit ou de fait qui se seraient révélés pendant la procédure. Pour autant que le fond du litige est concerné, elle constitue donc un moyen nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, ce qui implique qu’elle doit être déclarée irrecevable.

 Sur le fond

46      À la suite du désistement partiel opéré par la requérante et au vu de l’irrecevabilité du quatrième moyen, il y a lieu uniquement d’examiner une partie des griefs présentés dans le cadre des premier et deuxième moyens ainsi que le cinquième moyen.

47      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner ensemble, dans un premier temps, le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de la détention ou du contrôle de la requérante par la BSI, et le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, du droit de propriété et du droit d’exercer une activité économique de la requérante. Dans un second temps, il y a lieu d’examiner le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de la détention ou du contrôle de la requérante par la BSI, et sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, du droit de propriété et du droit d’exercer une activité économique de la requérante

48      Dans la réponse aux questions du Tribunal, déposée au greffe de ce dernier le 8 juin 2012, la requérante a exposé que, à la suite de l’arrêt Melli Bank/Conseil, point 25 supra, elle ne soutenait plus qu’elle n’était pas détenue par la BSI au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 423/2007, de l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012. Elle estime, néanmoins, que l’adoption et le maintien des mesures restrictives la visant constituent une restriction disproportionnée de son droit de propriété et de son droit d’exercer une activité économique.

49      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien‑fondé des arguments de la requérante.

50      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, lorsque les fonds d’une entité reconnue comme participant à la prolifération nucléaire sont gelés, il existe un risque non négligeable que celle‑ci exerce une pression sur les entités qu’elle détient ou contrôle, pour contourner l’effet des mesures qui la visent. Par conséquent, le gel des fonds de ces entités, qui est imposé au Conseil par l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, par l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, par l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 et par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, est nécessaire et approprié pour assurer l’efficacité des mesures adoptées et garantir que ces mesures ne seront pas contournées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Melli Bank/Conseil, point 25 supra, points 39 et 58).

51      Toujours selon la jurisprudence, lorsqu’une entité est détenue à 100 % par une entité considérée comme étant impliquée dans la prolifération nucléaire, la condition de détention visée à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, à l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007 et à l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 est remplie (voir, par analogie, arrêt Melli Bank/Conseil, point 25 supra, point 79). La même conclusion doit être appliquée à la notion d’entité « appartenant » à une entité considérée comme étant impliquée dans la prolifération nucléaire, figurant à l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012.

52      Il s’ensuit que l’adoption des mesures restrictives visant une entité détenue à 100 % par, ou appartenant à 100 % à, une entité considérée comme étant impliquée dans la prolifération nucléaire (ci-après l’« entité détenue ») ne résulte pas d’une appréciation du Conseil quant au risque qu’elle soit amenée à contourner l’effet des mesures adoptées à l’encontre de son entité mère, mais découle directement de la mise en œuvre des dispositions pertinentes de la décision 2010/413, du règlement n° 423/2007, du règlement n° 961/2010 et du règlement n° 267/2012, telles qu’interprétées par le juge de l’Union.

53      Dès lors, des arguments contestant la proportionnalité du gel des fonds d’une entité détenue ne visent pas la légalité d’une appréciation quelconque des circonstances de l’espèce opérée par le Conseil. Ils concernent, en effet, la légalité des dispositions générales imposant au Conseil le gel des fonds de toutes les entités détenues, telles que l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012.

54      Par voie de conséquence, lorsqu’une entité détenue entend contester la proportionnalité des mesures restrictives la visant, il lui appartient d’invoquer, dans le cadre du recours visant à l’annulation des actes par lesquels lesdites mesures ont été adoptées ou maintenues, l’inapplicabilité desdites dispositions générales, par le biais d’une exception d’illégalité au sens de l’article 277 TFUE.

55      En l’espèce, il n’est pas contesté que la requérante est détenue à 100 % par la BSI ou qu’elle « appartient » à 100 % à cette dernière. Il n’est pas non plus contesté que la BSI a été considérée par le Conseil comme étant impliquée dans la prolifération nucléaire.

56      Or, il ne saurait être considéré que la requérante a invoqué une exception d’illégalité fondée sur les arguments invoqués dans le cadre des deuxième et cinquième moyens.

57      En effet, d’une part, une exception d’illégalité fondée sur ces arguments n’a été formulée expressément ni dans les mémoires de la requérante, ni dans sa réponse aux questions du Tribunal, déposée au greffe de ce dernier le 8 juin 2012, ni lors de l’audience.

58      D’autre part, les arguments invoqués par la requérante dans le cadre des deuxième et cinquième moyens sont fondés sur des circonstances qui lui sont propres, dès lors qu’ils ont été formulés par référence à sa situation concrète et aux mesures spécifiques qu’elle a proposées au Conseil. Par conséquent, ils ne sont pas compatibles avec l’examen de la légalité des règles générales prévues à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, à l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement n° 423/2007, à l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 et à l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 267/2012.

59      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter les deuxième et cinquième moyens comme étant inopérants.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle

60      Par son premier moyen, la requérante soutient que le Conseil a violé l’obligation de motivation, ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective dans la mesure où, d’abord, la motivation des actes attaqués est insuffisante, où, ensuite, le Conseil ne lui a pas communiqué suffisamment d’informations pour lui permettre de formuler des observations utiles concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard et pour lui assurer un procès équitable et où, enfin, tant l’examen préalable à l’adoption des mesures restrictives la visant que le réexamen périodique de ces mêmes mesures sont viciés par plusieurs erreurs.

61      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante. Ils soutiennent, en particulier, que la requérante ne peut pas invoquer le principe du respect des droits de la défense.

62      En premier lieu, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, plus particulièrement en l’espèce, à l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, à l’article 36, paragraphe 3, du règlement n° 961/2010 et à l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 80, et la jurisprudence citée).

63      Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu de porter à la connaissance d’une entité visée par des mesures restrictives les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère qu’elles devaient être adoptées. Il doit ainsi mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale des mesures concernées et les considérations qui l’ont amené à les prendre (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 62 supra, point 81, et la jurisprudence citée).

64      Par ailleurs, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 62 supra, point 82, et la jurisprudence citée).

65      En deuxième lieu, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une entité et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle‑ci, constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 62 supra, point 91).

66      Le principe du respect des droits de la défense exige, d’une part, que les éléments retenus à la charge de l’entité intéressée pour fonder l’acte lui faisant grief lui soient communiqués et, d’autre part, que celle-ci soit mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 93).

67      Partant, s’agissant d’un premier acte par lequel les fonds d’une entité sont gelés, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’y opposent, la communication des éléments à charge doit avoir lieu soit concomitamment à l’adoption de l’acte concerné, soit aussitôt que possible après ladite adoption. Sur demande de l’entité concernée, cette dernière a également le droit de faire valoir son point de vue au sujet de ces éléments une fois l’acte adopté. Sous les mêmes réserves, toute décision subséquente de gel des fonds doit en principe être précédée d’une communication des nouveaux éléments à charge et d’une nouvelle possibilité pour l’entité concernée de faire valoir son point de vue (voir, par analogie, arrêt Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, point 66 supra, point 137).

68      Il y a lieu, en outre, de remarquer que, lorsque des informations suffisamment précises, permettant à l’entité intéressée de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil, ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour cette institution de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 62 supra, point 97, et la jurisprudence citée).

69      En troisième lieu, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi que par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389). L’efficacité du contrôle juridictionnel implique que l’autorité de l’Union en cause est tenue de communiquer les motifs d’une mesure restrictive à l’entité concernée, dans toute la mesure du possible, soit au moment où ladite mesure est adoptée, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’elle l’a été, afin de permettre à l’entité concernée l’exercice, dans les délais, de son droit de recours. Le respect de cette obligation de communiquer lesdits motifs est en effet nécessaire, tant pour permettre aux destinataires des mesures restrictives de défendre leurs droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de l’acte en cause qui lui incombe (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, points 335 à 337, et la jurisprudence citée).

70      Au vu de cette jurisprudence, le Tribunal estime qu’il convient d’examiner les arguments présentés par les parties sous le premier moyen, selon les quatre étapes décrites ci-après. Premièrement, il y a lieu d’examiner l’argument liminaire du Conseil et de la Commission selon lequel la requérante ne peut pas invoquer le principe du respect des droits de la défense. Deuxièmement, il convient d’examiner les arguments relatifs à la motivation des actes attaqués. Troisièmement, il y a lieu d’examiner la prétendue violation des droits de la défense de la requérante et de son droit à une protection juridictionnelle effective découlant de ce qu’elle n’aurait pas obtenu suffisamment d’informations concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard. Quatrièmement, le Tribunal abordera les arguments relatifs aux vices affectant prétendument l’examen préalable à l’adoption des mesures restrictives visant la requérante et le réexamen périodique de ces mêmes mesures.

–       Sur la possibilité pour la requérante d’invoquer le principe du respect des droits de la défense

71      Le Conseil et la Commission contestent l’applicabilité du principe du respect des droits de la défense au cas d’espèce. En se référant à l’arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Tay Za/Conseil (T‑181/08, Rec. p. II‑1965, points 121 à 123), ils font valoir que la requérante n’a pas été visée par des mesures restrictives en raison de son activité propre, mais en raison de son appartenance à la catégorie générale des personnes et des entités ayant apporté un appui à la prolifération nucléaire. Par conséquent, la procédure d’adoption des mesures restrictives n’aurait pas été ouverte à l’encontre de la requérante au sens de la jurisprudence citée au point 65 ci‑dessus et elle ne pourrait, dès lors, pas se prévaloir des droits de la défense ou pourrait seulement s’en prévaloir dans une mesure restreinte.

72      Cette argumentation ne saurait être retenue.

73      En effet, d’une part, l’arrêt Tay Za/Conseil, point 71 supra, a été annulé sur pourvoi, dans son intégralité, par l’arrêt de la Cour du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, non encore publié au Recueil). Par conséquent, les constats opérés dans ledit arrêt ne font plus partie de l’ordre juridique de l’Union et ne sauraient donc être valablement invoqués par le Conseil et par la Commission.

74      D’autre part, l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413, l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 423/2007, l’article 36, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 961/2010 et l’article 46, paragraphes 3 et 4, du règlement n° 267/2012 prévoient des dispositions garantissant les droits de la défense des entités visées par des mesures restrictives adoptées en vertu de ces textes. Le respect de ces droits fait l’objet du contrôle du juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 62 supra, point 37).

75      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le principe du respect des droits de la défense, tel que rappelé aux points 65 à 68 ci‑dessus, peut être invoqué par la requérante en l’espèce.

–       Sur la motivation des actes attaqués

76      Dans la réponse aux questions du Tribunal, déposée au greffe de ce dernier le 8 juin 2012, la requérante a exposé que, à la suite de l’arrêt Melli Bank/Conseil, point 25 supra, elle ne soutenait plus que le Conseil avait violé l’obligation de motivation en ce qu’il ne lui avait pas communiqué les raisons pour lesquelles il considérait qu’elle était détenue par la BSI.

77      La requérante fait néanmoins valoir que les motifs invoqués par le Conseil relatifs à la prétendue implication de la BSI dans la prolifération nucléaire sont excessivement vagues. Elle estime que cette violation de l’obligation de motivation implique, par ailleurs, une violation de ses droits de la défense.

78      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien‑fondé de l’argumentation de la requérante.

79      Il convient de remarquer, d’emblée, que, pour examiner les arguments de la requérante, il y a lieu de prendre en considération, outre les motifs figurant dans les actes attaqués, les quatre propositions d’adoption des mesures restrictives qui lui ont été communiquées par le Conseil.

80      En effet, d’une part, il ressort desdites propositions, telles que communiquées à la requérante, qu’elles ont été soumises aux délégations des États membres dans le contexte de l’adoption des mesures restrictives visant la BSI et elle-même et qu’elles constituent, par conséquent, des éléments sur lesquels sont fondées ces mêmes mesures.

81      D’autre part, il est vrai que les quatre propositions ont été communiquées à la requérante après l’introduction du recours, voire, s’agissant de celle annexée à la duplique, après l’adaptation des conclusions consécutive à l’adoption de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010. Dès lors, elles ne peuvent pas valablement compléter la motivation de la décision 2010/413, du règlement d’exécution n° 668/2010 et, s’agissant de la proposition annexée à la duplique, de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010. Elles peuvent, néanmoins, être prises en considération dans le cadre de l’appréciation de la légalité des actes ultérieurs, à savoir de la décision 2011/783, du règlement d’exécution n° 1245/2011 et du règlement n° 267/2012 en ce qui concerne les quatre propositions, ainsi que de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010 en ce qui concerne les propositions communiquées le 28 octobre 2010.

82      Les actes attaqués mentionnent les quatre motifs suivants qui concernent la BSI :

–        la BSI est détenue par l’État iranien, soit à 94 %, selon la décision 2010/413 et le règlement d’exécution n° 668/2010, soit en partie, selon les actes ultérieurs ;

–        la BSI a fourni des services financiers à des entités qui effectuent des achats destinés aux programmes nucléaires et de missiles balistiques de l’Iran ; parmi ces entités figurent des entités visées dans la résolution 1737 (2006) du Conseil de sécurité des Nations unies ;

–        en mars 2009, la BSI s’occupait encore des paiements et des lettres de crédit de l’Organisation des industries de la défense et d’Iran Electronics Industries, visées par des mesures restrictives ;

–        en 2003, la BSI a traité des lettres de crédit pour le compte de la Mesbah Energy Company, qui est liée au programme nucléaire iranien.

83      Les motifs mentionnés dans les propositions d’adoption des mesures restrictives annexées à la lettre du Conseil du 28 octobre 2010 et les motifs mentionnés dans les actes attaqués se recoupent intégralement.

84      La quatrième proposition d’adoption des mesures restrictives, qui est annexée à la duplique, quant à elle, ajoute un cinquième motif, selon lequel la BSI aurait fourni des services financiers au Sanam Industria Group.

85      Le premier motif est suffisamment précis, dès lors qu’il permet à la requérante de comprendre que le Conseil reproche à la BSI la participation de l’État iranien à son capital.

86      S’agissant du deuxième motif, il y a lieu de remarquer qu’il n’apparaît pas clairement, de prime abord, qu’il s’agit d’une allégation générale complétée et illustrée par les motifs suivants ou bien d’un motif indépendant. En l’absence d’articulation explicite entre les différents motifs, il y a lieu de retenir la seconde interprétation de la motivation des actes attaqués.

87      Or, dans le cadre de cette interprétation, le deuxième motif est excessivement vague, dès lors qu’il ne comporte pas de précisions sur l’identité des entités auxquelles auraient été fournis les services financiers concernés.

88      Les troisième, quatrième et cinquième motifs sont suffisamment détaillés, dès lors qu’ils précisent les noms des entités concernées, ainsi que, dans le cas des troisième et quatrième motifs, le type des services financiers fournis et les dates de leur prestation.

89      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le Conseil a violé l’obligation de motivation ainsi que l’obligation de communiquer à la requérante, en sa qualité d’entité intéressée, les éléments retenus à sa charge en ce qui concerne le deuxième motif invoqué par lui. En revanche, ces mêmes obligations ont été respectées en ce qui concerne les autres motifs.

–       Sur la violation des droits de la défense de la requérante et de son droit à une protection juridictionnelle effective découlant de ce qu’elle n’aurait pas obtenu suffisamment d’informations concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard

90      Dans la réponse aux questions du Tribunal, déposée au greffe de ce dernier le 8 juin 2012, la requérante a exposé que, à la suite de l’arrêt Melli Bank/Conseil, point 25 supra, elle ne soutenait plus que le Conseil avait violé ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective en ce qu’il ne lui avait pas communiqué des éléments étayant le constat selon lequel elle était détenue par la BSI.

91      La requérante fait néanmoins valoir que, nonobstant des demandes d’information répétées, elle n’a pas reçu d’informations suffisantes concernant l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la BSI et qu’elle n’aurait notamment reçu aucune preuve relative à la prétendue implication de la BSI dans la prolifération nucléaire. Elle souligne, dans ce contexte, le caractère inadéquat des propositions d’adoption des mesures restrictives communiquées par la lettre du 28 octobre 2010 et en annexe à la duplique ainsi que la tardiveté de leur divulgation.

92      La requérante en déduit que la communication de ces éléments ne lui a pas permis de formuler des observations utiles concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard et à l’égard de la BSI et qu’elle n’était pas susceptible de lui assurer un procès équitable.

93      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments de la requérante. Il expose, notamment, qu’il a communiqué les propositions d’adoption des mesures restrictives à la requérante dès qu’il a recueilli l’accord des États membres dont elles émanaient.

94      En premier lieu, il ressort de l’examen mené aux points 79 à 89 ci‑dessus que les premier, troisième, quatrième et cinquième motifs invoqués par le Conseil à l’égard de la BSI sont suffisamment précis. En revanche, le caractère vague du deuxième motif fourni par le Conseil est constitutif d’une violation des droits de la défense de la requérante ainsi que de son droit à une protection juridictionnelle effective.

95      En deuxième lieu, s’agissant de la communication des propositions d’adoption des mesures restrictives, l’argument du Conseil ne saurait être retenu. En effet, lorsque le Conseil entend se fonder sur des éléments fournis par un État membre pour adopter des mesures restrictives à l’égard d’une entité, il est tenu de s’assurer, avant l’adoption desdites mesures, que les éléments en question peuvent être communiqués à l’entité concernée en temps utile afin que celle‑ci puisse faire valoir utilement son point de vue.

96      En l’espèce, il convient de remarquer que le délai fixé à la requérante par le Conseil pour présenter ses observations à la suite de l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution n° 668/2010 expirait le 15 septembre 2010.

97      Or, dans la mesure où le Conseil n’a communiqué les propositions à la requérante qu’après l’expiration de ce délai, il ne lui a pas donné accès aux éléments de son dossier en temps utile, en violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Dans la mesure où lesdites propositions ont été retenues par le Conseil pour fonder l’ensemble des actes attaqués à l’égard de la requérante et compte tenu de la date de communication de la dernière d’entre elles, ce vice affecte la légalité de la décision 2010/413, du règlement d’exécution n° 668/2010, de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010, pour autant que ces actes concernent la requérante.

98      En troisième lieu, s’agissant de l’absence de communication des preuves, il y a lieu de remarquer que, en vertu du principe du respect des droits de la défense, le Conseil n’est pas tenu de communiquer des éléments autres que ceux qui font partie de son dossier. Or, en l’espèce, le Conseil expose, sans être contredit par la requérante, que son dossier ne contient pas de preuves supplémentaires concernant l’implication de la BSI dans la prolifération nucléaire. Dans ces circonstances, il ne saurait lui être reproché d’avoir violé les droits de la défense de la requérante et son droit à une protection juridictionnelle effective en n’ayant pas communiqué de telles preuves.

–       Sur les vices affectant l’examen préalable à l’adoption des mesures restrictives visant la requérante et le réexamen périodique de ces mêmes mesures

99      La requérante soutient que le Conseil n’a pas procédé à un véritable examen des circonstances de l’espèce, mais qu’il s’est borné à adopter les propositions présentées par les États membres. Ce vice affecterait tant l’examen préalable à l’adoption des mesures restrictives la visant que le réexamen périodique de ces mêmes mesures.

100    En outre, selon la requérante, il ressort des câbles diplomatiques, rendus publics par l’intermédiaire de l’organisation Wikileaks (ci-après les « câbles diplomatiques »), que les États membres, et, en particulier, le Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, ont subi des pressions de la part du gouvernement des États-Unis d’Amérique visant à faire adopter des mesures restrictives à l’égard des entités iraniennes. Or, cette circonstance jetterait un doute sur la légalité des mesures adoptées et sur celle de leur procédure d’adoption.

101    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien‑fondé des arguments de la requérante. Il soutient, en particulier, qu’il n’y a pas lieu de tenir compte des câbles diplomatiques.

102    En premier lieu, il convient de relever que les actes arrêtant des mesures restrictives à l’encontre des entités prétendument impliquées dans la prolifération nucléaire sont des actes du Conseil, qui doit, partant, s’assurer que leur adoption est justifiée. Par conséquent, lors de l’adoption d’un premier acte arrêtant de telles mesures, le Conseil est tenu d’examiner la pertinence et le bien‑fondé des éléments d’information et de preuve qui lui sont soumis, en vertu de l’article 24, paragraphe 4, de la décision 2010/413, par un État membre ou par le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Lors de l’adoption des actes successifs visant la même entité, le Conseil est tenu, conformément à l’article 23, paragraphe 4, de la même décision, de réexaminer la nécessité du maintien desdites mesures à la lumière des observations présentées par cette entité.

103    En l’espèce, d’une part, l’indication erronée, dans la décision 2010/413 et dans le règlement d’exécution n° 668/2010, du degré de participation de l’État iranien au capital de la BSI, dont l’inexactitude n’est pas contestée par le Conseil, permet d’établir que ce dernier n’a pas vérifié la pertinence et le bien‑fondé des éléments visant la BSI et la requérante qui lui ont été soumis avant l’adoption desdits actes.

104    D’autre part, en ce qui concerne l’adoption des actes attaqués ultérieurs, les éléments du dossier suggèrent que le Conseil a réexaminé les circonstances de l’espèce à la lumière des observations de la requérante. Ainsi, il a précisé, dans la lettre du 28 octobre 2010, qu’il estimait toujours que les mesures restrictives visant la requérante étaient justifiées par le fait qu’elle était détenue à 100 % par la BSI, qui était elle-même impliquée dans la prolifération nucléaire. Il a réitéré cette position dans la lettre du 5 décembre 2011. Au demeurant, il n’est pas contesté que le Conseil a rectifié la mention relative à la détention du capital de la BSI par l’État iranien, dont l’exactitude a été contestée par la requérante.

105    En second lieu, s’agissant des câbles diplomatiques, la circonstance selon laquelle certains États membres auraient subi des pressions diplomatiques, à la supposer établie, n’implique pas, à elle seule, que ces mêmes pressions aient affecté les actes attaqués, qui ont été adoptés par le Conseil, ou l’examen opéré par ce dernier à l’occasion de leur adoption.

106    Dans ces circonstances, il y a lieu d’accueillir les arguments de la requérante, relatifs aux vices dont seraient affectés l’examen et le réexamen opérés par le Conseil, en ce qui concerne la décision 2010/413 et le règlement d’exécution n° 668/2010, et de les rejeter pour le surplus.

107    Au vu de ce qui précède, il y a d’abord lieu d’observer que le Conseil a violé les droits de la défense de la requérante et son droit à une protection juridictionnelle effective en ce qu’il ne lui a pas communiqué, en temps utile, les propositions d’adoption des mesures restrictives (voir point 97 ci‑dessus). Dans la mesure où lesdites propositions ont été retenues par le Conseil pour fonder l’ensemble des actes attaqués à l’égard de la requérante et compte tenu de la date de communication de la dernière d’entre elles, ce vice affecte la légalité de la décision 2010/413, du règlement d’exécution n° 668/2010, de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010, pour autant que ces actes concernent la requérante.

108    Ensuite, lors de l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution n° 668/2010, le Conseil n’a pas respecté l’obligation d’examiner la pertinence et le bien‑fondé des éléments d’information et de preuve à l’égard de la requérante qui lui ont été soumis, entachant ainsi lesdits actes d’illégalité (voir points 103 et 106 ci‑dessus).

109    Enfin, le Conseil a violé l’obligation de motivation, les droits de la défense de la requérante et son droit à une protection juridictionnelle effective en ce qui concerne le deuxième motif invoqué à l’égard de la BSI (voir points 89 et 94 ci‑dessus). Néanmoins, compte tenu de ce que les différents motifs invoqués par le Conseil sont indépendants les uns des autres et du caractère suffisamment précis des autres motifs, cette circonstance ne justifie pas l’annulation de la décision 2011/783, du règlement d’exécution n° 1245/2011 et du règlement n° 267/2012.

110    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le premier moyen dans la mesure où il vise à l’annulation de la décision 2010/413, du règlement d’exécution n° 668/2010, de la décision 2010/644 et du règlement n° 961/2010 pour autant que ces actes concernent la requérante et de le rejeter pour le surplus.

 Sur les effets de l’annulation des actes attaqués

111    La requérante demande que l’effet de l’annulation des actes attaqués soit immédiat et ne soit pas, par conséquent, suspendu dans l’attente de l’issue de la procédure de pourvoi éventuelle.

112    Le Conseil conteste le bien‑fondé de la demande de la requérante.

113    À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que le règlement d’exécution n° 668/2010, qui a modifié la liste de l’annexe V du règlement n° 423/2007, ne produisait plus d’effets juridiques depuis l’abrogation de ce dernier règlement, opérée par le règlement n° 961/2010 avec effet au 27 octobre 2010. Par conséquent, à la date de présentation de sa demande, le 26 janvier 2012, la requérante ne disposait pas d’un intérêt à demander l’annulation avec effet immédiat du règlement d’exécution n° 668/2010, et sa demande doit donc être rejetée comme irrecevable pour autant qu’elle vise ce dernier acte.

114    Deuxièmement, le règlement n° 961/2010, tel que modifié par le règlement d’exécution n° 1245/2011, a lui-même été abrogé par le règlement n° 267/2012, avec effet au 24 mars 2012. Par conséquent, ces actes ne produisent plus d’effets juridiques, de sorte que la requérante n’a plus d’intérêt à demander leur annulation avec effet immédiat. Dans ces circonstances, il n’y a plus lieu de statuer sur sa demande pour autant que le règlement n° 961/2010, tel que modifié par le règlement d’exécution n° 1245/2011, est concerné.

115    Troisièmement, l’examen des moyens invoqués par la requérante n’a pas révélé que le règlement n° 267/2012, pour autant qu’il la concerne, serait entaché d’illégalité. Par conséquent, sa demande visant à ce que ledit règlement soit annulé avec effet immédiat doit être rejetée.

116    Quatrièmement, s’agissant de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, il y a lieu de relever que les vices qui justifient l’annulation de ces deux décisions pour autant qu’elles concernent la requérante, à savoir, d’une part, l’absence de communication, en temps utile, des propositions d’adoption des mesures restrictives (voir point 97 ci‑dessus) et, d’autre part, en ce qui concerne la décision 2010/413, la violation de l’obligation d’examiner la pertinence et le bien‑fondé des éléments d’information et de preuve soumis au Conseil (voir points 103 et 106 ci‑dessus), n’ont pas été reproduits lors du réexamen périodique du maintien des mesures restrictives effectué dans le cadre de l’adoption de la décision 2011/783. Dans ces circonstances, lesdits vices n’affectent pas la légalité de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, au-delà de l’entrée en vigueur de la décision 2011/783. Par conséquent, il convient de limiter les effets de l’annulation de la décision 2010/413 et de la décision 2010/644 à la période précédant l’entrée en vigueur de la décision 2010/783, en application de l’article 264, deuxième alinéa, TFUE.

 Sur les dépens

117    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

118    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, de ce même règlement, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Sont annulés, pour autant qu’ils concernent la Bank Saderat plc :

–        le point 7 du tableau B de l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC ;

–        le point 5 du tableau B de l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran ;

–        le point 7 du tableau B, sous le titre I, de l’annexe de la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 ;

–        le point 7 du tableau B de l’annexe VIII du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement n° 423/2007.

2)      Les effets de l’annulation de la décision 2010/413 et de la décision 2010/644 sont limités à la période précédant l’entrée en vigueur de la décision 2011/783/PESC du Conseil, du 1er décembre 2011, modifiant la décision 2010/413.

3)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande de la Bank Saderat tendant à ce que le règlement n° 961/2010 et le règlement d’exécution (UE) n° 1245/2011 du Conseil, du 1er décembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010, soient annulés avec effet immédiat.

4)      Le recours est rejeté pour le surplus.

5)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2013.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité de l’adaptation des chefs de conclusions de la requérante

Sur la recevabilité du quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’implication de la BSI dans la prolifération nucléaire

Sur la recevabilité des arguments du Conseil portant sur la recevabilité des moyens tirés de la prétendue violation des droits fondamentaux de la requérante

Sur le fond

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de la détention ou du contrôle de la requérante par la BSI, et sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, du droit de propriété et du droit d’exercer une activité économique de la requérante

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, du principe du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle

– Sur la possibilité pour la requérante d’invoquer le principe du respect des droits de la défense

– Sur la motivation des actes attaqués

– Sur la violation des droits de la défense de la requérante et de son droit à une protection juridictionnelle effective découlant de ce qu’elle n’aurait pas obtenu suffisamment d’informations concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard

– Sur les vices affectant l’examen préalable à l’adoption des mesures restrictives visant la requérante et le réexamen périodique de ces mêmes mesures

Sur les effets de l’annulation des actes attaqués

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.