Language of document : ECLI:EU:C:2023:649

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 7 septembre 2023 (1)

Affaire C517/22 P

Eurobolt BV,

Fabory Nederland BV,

ASF Fischer BV

contre

Commission européenne,

Stafa Group BV

« Pourvoi – Dumping – Extension du droit antidumping, institué sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de Chine aux importations expédiées de Malaisie – Réinstitution d’un droit antidumping définitif – Validité du règlement d’exécution (UE) 2020/611 – Base juridique – Articles 13 et 14 du règlement (UE) 2016/1036 – Validité du règlement (CE) no 91/2009 – Arrêt rendu par la Cour dans l’affaire APEX »






I.      Introduction

1.        Dans leur pourvoi, Eurobolt BV, Fabory Nederland BV et ASF Fischer BV (ci-après les « requérantes »), trois sociétés établies aux Pays-Bas qui importent et vendent des éléments de fixation en fer ou en acier, demandent à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal (2) par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2020/611 de la Commission (3), du 30 avril 2020, réinstituant le droit antidumping définitif institué par le règlement (CE) no 91/2009 du Conseil (4) sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine aux importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier expédiés de Malaisie, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays.

2.        Au soutien de leur pourvoi, les requérantes invoquent sept moyens. Cependant, conformément à la demande de la Cour, je limiterai mon analyse, dans les présentes conclusions, au sixième moyen, tiré de ce que le Tribunal a interprété et appliqué de manière erronée l’article 13, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (5), l’article 5, paragraphes 1 et 2, TUE ainsi que le principe de bonne administration, en jugeant que le règlement litigieux repose sur une base juridique appropriée.

3.        En substance, la question sur laquelle la Cour devra se pencher pour traiter ce moyen est la suivante : l’abrogation d’un règlement instituant un droit antidumping sur les importations originaires d’un État tiers en raison d’une éventuelle incompatibilité avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) fait-elle obstacle à ce que la Commission étende ce droit aux importations originaires d’un autre État tiers pour cause de contournement même lorsque cette extension porte sur la période antérieure à cette abrogation et que les importations ont été enregistrées dans le respect des règles antidumping applicables ?

II.    Le cadre juridique

4.        Au cours de la période pertinente pour la présente procédure, l’adoption de mesures antidumping était régie, tout d’abord, par le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil (6), puis par le règlement (CE) no 384/96 du Conseil (7) et, enfin, par le règlement de base (8).

5.        L’article 13 du règlement de base, intitulé « Contournement », est libellé comme suit :

« 1.      Les droits antidumping institués en vertu du présent règlement peuvent être étendus aux importations en provenance de pays tiers [...] lorsque les mesures en vigueur sont contournées.

[...]

3.      [...] L’enquête est ouverte par un règlement de la Commission qui peut également enjoindre aux autorités douanières de rendre l’enregistrement des importations obligatoire conformément à l’article 14, paragraphe 5 [...]

Lorsque les faits définitivement établis justifient la prorogation des mesures, celle‑ci est décidée par la Commission, statuant conformément à la procédure d’examen visée à l’article 15, paragraphe 3. L’extension prend effet à compter de la date à laquelle l’enregistrement a été rendu obligatoire conformément à l’article 14, paragraphe 5 [...] »

6.        L’article 14, paragraphe 5, du règlement de base, qui porte sur les « Dispositions générales », est libellé comme suit :

« La Commission peut, après avoir informé les États membres en temps voulu, enjoindre aux autorités douanières de prendre les mesures appropriées pour enregistrer les importations, de telle sorte que des mesures puissent par la suite être appliquées à l’encontre de ces importations à partir de la date de leur enregistrement [...] La durée d’enregistrement obligatoire des importations ne peut excéder neuf mois. »

7.        L’article 2 du règlement d’exécution (UE) 2016/278 de la Commission, du 26 février 2016, portant abrogation du droit antidumping définitif institué sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine, étendu aux importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier expédiés de Malaisie, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays (9), est libellé comme suit :

« L’abrogation des droits antidumping visés à l’article 1er prend effet à compter de la date d’entrée en vigueur du présent règlement prévue à l’article 3 et ne sert pas de base pour le remboursement des droits perçus avant cette date. »

8.        Le considérant 14 du règlement d’abrogation est libellé de manière similaire.

9.        En substance, l’article 1er, paragraphes 1 et 3, du règlement litigieux étend les droits antidumping institués par l’article 1er, paragraphe 2, du règlement initial aux « importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier [...] expédiés de la Malaisie, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de ce pays » lorsqu’elles ont été « enregistrées conformément à l’article 2 du règlement (UE) no 966/2010, ainsi qu’à l’article 13, paragraphe 3, et à l’article 14, paragraphe 5, du [règlement no 1225/2009] ».

10.      L’article 2 du règlement litigieux dispose :

« 1.      Les droits perçus sur la base du règlement d’exécution (UE) no 723/2011 ne sont pas remboursés.

2.      Les remboursements effectués à la suite de l’arrêt de la Cour de justice [du 3 juillet 2019, Eurobolt (C‑644/17, EU:C:2019:555)] sont récupérés par les autorités qui ont procédé à ces remboursements. »

III. Les faits

11.      Les faits les plus pertinents, tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés de la manière suivante.

A.      L’adoption et l’abrogation du règlement initial

12.      En 2009, le Conseil a constaté que des éléments de fixation vendus sur le marché de l’Union faisaient l’objet d’un dumping de la part de producteurs‑exportateurs chinois. Ainsi, le 26 janvier 2009, il a adopté le règlement initial.

13.      À la suite de l’institution du droit antidumping définitif, la Commission européenne a reçu des éléments de preuve attestant que ces mesures étaient contournées par un transbordement en Malaisie. Elle a ainsi adopté, le 27 octobre 2010, le règlement (UE) no 966/2010 portant ouverture d’une enquête sur le contournement possible des mesures antidumping instituées par le [règlement initial] par des importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier expédiés de Malaisie, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays, et soumettant ces importations à enregistrement (10). Ainsi qu’il ressort du considérant 18 et de l’article 2 de ce règlement, les autorités douanières étaient invitées à prendre les mesures requises pour enregistrer les importations dans l’Union, conformément à l’article 13, paragraphe 3, et à l’article 14, paragraphe 5, du règlement de base, afin d’assurer que, dès lors que l’enquête conclurait à l’existence d’un contournement, les droits antidumping d’un montant approprié puissent être perçus rétroactivement à dater de l’enregistrement de telles importations expédiées de Malaisie.

14.      Le 18 juillet 2011, le Conseil a adopté, en vertu de l’article 13 du règlement no 1225/2009, le règlement d’exécution (UE) no 723/2011 du Conseil, portant extension du droit antidumping définitif institué par le [règlement initial] (11).

15.      À l’issue de deux procédures devant les organes juridictionnels de l’OMC ainsi que de l’adoption des rapports de ces derniers par l’organe de règlement des différends de l’OMC (ci-après l’« ORD ») (12), la Commission a adopté, le 26 février 2016, le règlement d’abrogation.

B.      Le litige devant les juridictions néerlandaises et l’arrêt du 3 juillet 2019 rendu par la Cour dans l’affaire Eurobolt (C644/17, EU:C:2019:555)

16.      Les requérantes avaient importé des éléments de fixation de Malaisie pendant la période de l’enquête anticontournement menée par la Commission. Ces importations avaient été enregistrées conformément à l’article 2 du règlement no 966/2010 ainsi qu’à l’article 13, paragraphe 3, et à l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1225/2009.

17.      Entre janvier 2012 et octobre 2013, les douanes néerlandaises ont émis des avis de mise en recouvrement concernant les droits antidumping dus par les requérantes sur des importations d’éléments de fixation en vertu du règlement d’exécution no 723/2011. Dans le délai fixé par le droit néerlandais, les requérantes ont exercé un recours contre ces avis de recouvrement en application de l’article 243 du règlement (CEE) no 2913/92 (13).

18.      Le 17 novembre 2017, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle concernant la validité du règlement d’exécution no 723/2011, dans le cadre du pourvoi national formé par Eurobolt à l’encontre des droits antidumping versés sur le fondement de ce règlement d’exécution.

19.      Dans son arrêt du 3 juillet 2019, Eurobolt (14), la Cour a jugé que ledit règlement d’exécution était entaché d’une violation d’une forme substantielle. En substance, la Cour a constaté que l’adoption de droits antidumping étendus n’avait pas été précédée d’une consultation valable du comité consultatif au sens de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base. Cette disposition exigeait de communiquer tous les éléments d’information utiles au comité consultatif au plus tard dix jours ouvrables avant la réunion de ce comité. Cependant, les observations présentées par Eurobolt, qui devaient être considérées comme étant des « éléments d’information utiles » au sens de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base, n’avaient été communiquées aux États membres que deux jours avant la réunion du comité consultatif. Par conséquent, la Cour a conclu que le règlement d’exécution no 723/2011 était invalide en ce qu’il avait été adopté en violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement de base.

C.      L’adoption du règlement litigieux

20.      À la suite de l’arrêt rendu par la Cour le 3 juillet 2019 dans l’affaire Eurobolt (C‑644/17, EU:C:2019:555), la Commission a rouvert, en adoptant le règlement d’exécution (UE) 2019/1374 (15), l’enquête anticontournement afin de corriger l’illégalité formelle identifiée par la Cour. Il ressort du considérant 17 du règlement d’exécution 2019/1374 que la réouverture de l’enquête anticontournement visait à garantir le respect de toutes les exigences procédurales découlant de la procédure relative au comité consultatif. À cette fin, le comité d’examen a reçu les observations d’Eurobolt dans le délai fixé par les dispositions pertinentes.

21.      Après avoir reçu la recommandation du comité consultatif, la Commission a adopté, le 30 avril 2020, le règlement litigieux et a réinstitué les droits anticontournement.

IV.    L’arrêt attaqué et la procédure devant la Cour

22.      Le 28 juillet 2020, les requérantes ont introduit un recours devant le Tribunal, tendant à l’annulation du règlement litigieux. Dans leur requête, les requérantes ont invoqué trois moyens.

23.      Le 18 mai 2022, le Tribunal a rendu l’arrêt attaqué, par lequel il a rejeté le recours et condamné les requérantes aux dépens.

24.      Dans leur pourvoi introduit le 2 août 2022, les requérantes ont conclu à ce qu’il plaise à la Cour : i) annuler l’arrêt attaqué ; ii) faire droit au recours formé en première instance et annuler le règlement litigieux dans la mesure où il concerne les requérantes ou, à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin que celui-ci procède à une nouvelle appréciation, et iii) condamner la Commission aux dépens.

25.      Pour sa part, la Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les requérantes aux dépens.

26.      Le 23 mai 2023, la Cour a adressé aux requérantes certaines questions pour réponse écrite, auxquelles les requérantes ont répondu par lettre du 9 juin 2023.

27.      Les parties ont présenté leur point de vue lors de l’audience devant la Cour, qui s’est tenue le 6 juillet 2023.

V.      Appréciation du sixième moyen

28.      Comme je l’ai indiqué en introduction des présentes conclusions, mon analyse se limitera au sixième moyen soulevé par les requérantes, qui est dirigé contre les points 123 à 155 de l’arrêt attaqué.

29.      Dans ces passages, le Tribunal a rejeté comme étant infondé le deuxième moyen soulevé par les requérantes, par lequel ces dernières avaient soutenu que le règlement litigieux violait l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, l’article 5, paragraphes 1 et 2, TUE ainsi que le principe de bonne administration, dans la mesure où il était dépourvu de base juridique appropriée.

A.      Arguments des parties

30.      À titre liminaire, les requérantes soulignent que, selon elles, le Tribunal ne semble pas avoir saisi l’essence de leur moyen : puisque le règlement initial était illégal et que, pour cette raison, il a été abrogé en 2016, il ne pouvait pas constituer une base juridique appropriée pour adopter, en 2020, le règlement litigieux, qui n’a « qu’un caractère accessoire ». La Commission ne disposait donc pas d’une base juridique valable lorsqu’elle a adopté le règlement litigieux. Les requérantes font ensuite valoir différents arguments à l’appui de leurs allégations.

31.      Premièrement, les requérantes font valoir que c’est à tort que le Tribunal s’est fondé sur l’arrêt APEX (16) pour rejeter leur recours. La légalité de la base juridique de l’acte attaqué n’était pas en cause dans cet arrêt. En conséquence, les requérantes soutiennent que l’arrêt rendu dans cette affaire ne fournit aucune indication en ce qui concerne la question qu’elles ont soulevée dans le cadre de la présente procédure. Selon elles, l’élément essentiel en l’espèce est que le règlement initial, jugé illégal, ne saurait servir de base juridique au règlement litigieux.

32.      Deuxièmement, les requérantes font valoir que le Tribunal s’est trompé en se référant à l’article 207 TFUE comme base juridique pour adopter, de manière générale, des mesures antidumping. Les requérantes soulignent, une fois de plus, que le règlement litigieux exigeait, à titre de base juridique, un règlement valide instituant les droits antidumping prétendument contournés. À défaut de base juridique appropriée, le règlement litigieux viole – selon les requérantes – l’article 5, paragraphes 1 et 2, TUE, qui consacre le principe d’attribution des compétences.

33.      Troisièmement, selon les requérantes, le Tribunal a commis une erreur en jugeant que l’abrogation du règlement initial n’affectait pas la validité de celui-ci. Les requérantes soulignent que la Commission a abrogé ce règlement parce qu’il était illégal, puisqu’il avait été jugé incompatible avec les accords de l’OMC. L’adoption du règlement litigieux revenait donc, selon elles, à raviver un règlement illégal.

34.      Quatrièmement, les requérantes soutiennent que les considérations du Tribunal relatives au fait qu’elles ne sauraient invoquer le droit de l’OMC comme paramètre de validité de la législation de l’Union sont dénuées de pertinence. Elles soulignent que, ainsi que le Tribunal l’a lui-même reconnu, elles n’ont pas prétendu que les violations du droit de l’OMC dans le règlement initial entachent d’illégalité le règlement litigieux. Au lieu de cela, elles ont fait valoir que le règlement initial ne saurait servir de base juridique au règlement litigieux.

35.      La Commission soutient que les critiques formulées par les requérantes à l’encontre de l’arrêt attaqué sont infondées. Selon elle, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit dans l’appréciation des arguments des requérantes concernant un défaut allégué de base juridique appropriée du règlement litigieux. La Commission fait notamment valoir que le règlement initial – qui, selon elle, n’est aucunement illégal comme le prétendent les requérantes – ne saurait être considéré comme étant la base juridique (ou l’une des bases juridiques) du règlement litigieux. La Commission souligne que le règlement litigieux était valablement fondé sur les articles 13 et 14 du règlement de base.

B.      Analyse

36.      Les arguments avancés par les requérantes ne me paraissent pas convaincants.

37.      Tout d’abord, je ne suis pas convaincu que le Tribunal n’ait pas saisi l’essence du moyen des requérantes. J’estime que, aux points 123 à 155 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a exposé avec précision, et correctement traité, les arguments avancés en première instance. En particulier, je considère que les deux prémisses sur lesquelles les requérantes fondent leurs différents arguments (défaut de base juridique appropriée et illégalité du règlement initial) sont erronées.

38.      J’expliquerai les raisons de mon point de vue dans la suite des présentes conclusions.

1.      Le Tribunal a correctement identifié la base juridique

39.      Tout d’abord, les allégations des requérantes semblent reposer sur une compréhension erronée de la notion de « base juridique » dans l’ordre juridique de l’Union. En substance, une base juridique découle de la disposition juridique de l’Union qui confère à l’institution (ou aux institutions) concernée(s) de l’Union le pouvoir d’agir dans un domaine donné de compétence de l’Union, lorsque les conditions pertinentes sont remplies. L’exigence relative au fait que toute mesure prise par les institutions de l’Union doive reposer sur une base juridique découle notamment du principe d’attribution des compétences aux institutions, consacré à l’article 13, paragraphe 2, TUE, qui dispose que « [c]haque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci » (17).

40.      Dans ce contexte, il me semble tout à fait évident que le pouvoir de la Commission d’étendre, en cas de contournement, les droits antidumping déjà institués sur les importations en provenance d’un pays tiers aux importations en provenance d’un autre pays tiers découle des dispositions du règlement de base. Ce pouvoir est conféré à la Commission par le législateur de l’Union (en l’occurrence, le Parlement et le Conseil) dans l’instrument juridique principal qui régit la protection à l’encontre des importations des pays tiers faisant objet de dumping.

41.      En effet, c’est l’article 13 du règlement de base (intitulé « Contournement ») qui, en particulier, i) prévoit que « [l]es droits antidumping institués en vertu [de ce] règlement peuvent être étendus [...] lorsque les mesures en vigueur sont contournées » (paragraphe 1), ii) charge la Commission de conduire l’enquête (paragraphe 3) et iii) identifie la Commission comme étant l’institution en charge de l’extension des droits, statuant conformément à la procédure d’adoption d’un acte d’exécution qui y est visée (paragraphe 3) (18). En outre, l’article 14, paragraphe 1, dudit règlement (relatif aux « Dispositions générales ») précise que tous les droits antidumping – et donc également les droits étendus – sont imposés « par voie de règlement ».

42.      La référence à ces deux dispositions dans les considérants du règlement litigieux identifie ainsi correctement les dispositions légales desquelles la Commission a tiré sa compétence pour étendre les droits en cause à des importations telles que celles effectuées par les requérantes.

43.      Par conséquent, c’est à tort que les requérantes soutiennent que le règlement litigieux est ou aurait dû être fondé sur le règlement initial. Comme le souligne à juste titre la Commission, l’existence d’un règlement initial (valide) n’est que l’une des conditions d’extension de ces droits.

44.      Cette condition découle de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base (19). En effet, il va de soi que les droits antidumping ne peuvent être étendus que s’ils ont été, en premier lieu, valablement institués. Néanmoins – comme il peut être utile de le souligner à nouveau –, ce n’est pas l’acte instituant les droits antidumping (c’est‑à‑dire le règlement initial) qui confère à la Commission le pouvoir d’étendre ces droits, mais, ainsi que je l’ai expliqué, le règlement de base.

45.      Aux points 126 à 128 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a donc commis aucune erreur de droit en jugeant que l’article 13 et l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base constituent la base juridique appropriée du règlement litigieux.

46.      Dans ce contexte, j’ajoute que c’est également à juste titre que le Tribunal fait référence, au point 136 de l’arrêt attaqué, non seulement à l’article 13 du règlement de base, mais également à l’article 207 TFUE comme étant les dispositions conférant à la Commission la compétence pour adopter des règlements anticontournement. En fait, l’article 207, paragraphe 2, TFUE est la disposition de droit primaire qui confère au Parlement et au Conseil le pouvoir d’adopter « les mesures définissant le cadre dans lequel est mise en œuvre la politique commerciale commune ». Le règlement de base, qui, quant à lui, confère à la Commission le pouvoir d’adopter certaines mesures anticontournement, relève indubitablement des mesures définissant le cadre dans lequel est mise en œuvre la politique commerciale commune visées à l’article 207 TFUE.

47.      L’allégation des requérantes, selon laquelle le Tribunal a commis une erreur en faisant référence à l’article 207 TFUE et a donc omis de sanctionner une violation du principe d’attribution des compétences, énoncé à l’article 5, paragraphes 1 et 2, TFUE (20), est dès lors dénuée de fondement.

48.      Les considérations qui précèdent m’amènent au second point que je souhaite aborder s’agissant des prémisses sur lesquelles les requérantes fondent leur argumentation.

2.      La validité du règlement initial

49.      La seconde prémisse sur laquelle les requérantes fondent leur argumentation est celle selon laquelle le règlement initial était illégal.

50.      J’estime que cet argument est également erroné.

51.      Ainsi que je l’expliquerai dans les sections suivantes des présentes conclusions, ni l’abrogation du règlement initial par le législateur de l’Union ni l’éventuelle incompatibilité de ce règlement avec les accords de l’OMC n’impliquent que ledit règlement soit illégal.

52.      Le règlement initial a été abrogé par la Commission conformément à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2015/476 (21). Conformément à cet article, lorsque l’ORD adopte un rapport concernant une mesure prise par l’Union en vertu, notamment, du règlement de base, « la Commission peut prendre une ou plusieurs des mesures suivantes, selon le cas [...] a) abroger ou modifier la mesure incriminée ; ou b) adopter toute autre mesure d’exécution particulière jugée appropriée en l’espèce afin de mettre l’Union en conformité avec les recommandations et les décisions contenues dans le rapport ».

53.      Il ressort clairement de la formulation de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement 2015/476 que des conclusions défavorables de l’ORD concernant l’éventuelle incompatibilité d’une mesure prise par l’Union avec les accords de l’OMC n’entraînent pas, ipso facto, l’invalidité de l’acte de l’Union en question. Il appartient aux institutions de l’Union de tirer toutes les conséquences de tels constats sur le plan des mesures qu’il convient de prendre pour rétablir la conformité et, à cet égard, elles disposent d’une certaine marge de manœuvre. En effet, l’article 1er, paragraphe 1, du règlement 2015/476 dispose que la Commission « peut » prendre une ou plusieurs mesures, « selon le cas ».

54.      Ce qui précède est conforme aux dispositions des accords de l’OMC. Aux termes de l’article 19 du mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (ci-après le « MRD »), « [d]ans les cas où un groupe spécial ou l’Organe d’appel conclura qu’une mesure est incompatible avec [les accords de l’OMC], il recommandera que le Membre concerné la rende conforme audit accord ». Ces organes ne pourront que « suggérer au Membre concerné des façons de mettre en œuvre ces recommandations ». En effet, il est constant que « les membres de l’OMC disposent d’un pouvoir d’appréciation quant à la façon de rendre une mesure jugée incompatible avec les accords de l’OMC conforme aux obligations imposées par l’OMC » (22). À cet égard, conformément à l’article 21, paragraphe 3, du MRD, les membres de l’OMC disposent généralement d’« un délai raisonnable » pour rétablir la conformité.

55.      Dans ce contexte, je me dois d’exprimer ma relative perplexité quant au fait que les requérantes déclarent – à la fois en première instance (23) et dans le cadre de la présente procédure (24) – qu’elles ne soutiennent pas que la violation alléguée des règles de l’OMC par le règlement initial entache le règlement litigieux d’illégalité. En effet, l’un de leurs principaux arguments consiste, en substance, à soutenir que la Commission a abrogé le règlement initial parce qu’il était illégal en raison de sa non‑conformité aux accords de l’OMC et que cette illégalité affecte, à son tour, la validité du règlement litigieux.

56.      Interrogées lors de l’audience à propos de cette apparente contradiction, les requérantes ont indiqué qu’elles n’invoquent pas les règles de l’OMC pour invalider le règlement initial, mais uniquement pour en invoquer l’illégalité. À mon sens, les arguments des requérantes à cet égard se situent à la limite du sophisme : selon moi, l’illégalité est le défaut de conformité d’un acte avec certaines normes de rang supérieur, l’invalidité étant la conséquence évidente qui en découle pour l’acte en cause. Selon le proverbe, ces notions constituent les « deux faces d’une même médaille ».

57.      En tout état de cause, je dois avouer que je ne constate aucune erreur de droit, dans l’arrêt attaqué, lorsque le Tribunal conclut que, au regard des circonstances de l’espèce, ni la légalité du règlement initial ni celle du règlement litigieux ne pouvaient être appréciées au regard des règles et des décisions de l’OMC en cause dans le litige au principal. En particulier, les points 144 et 150 de l’arrêt attaqué reflètent et appliquent correctement les principes qui découlent de la jurisprudence constante des juridictions de l’Union en la matière. En effet, la Cour a déjà confirmé, en dernier lieu dans l’arrêt rendu dans l’affaire Donex Shipping and Forwarding, que la validité du règlement initial ne saurait être appréciée au regard des rapports adoptés par l’ORD en 2011 et en 2016 mentionnés au point 15 des présentes conclusions (25).

58.      Cela étant dit, je me pencherai à présent sur l’argument des requérantes selon lequel l’abrogation du règlement initial par la Commission, motivée par l’exigence d’assurer la conformité à un accord international, entache le règlement initial d’illégalité.

59.      Cet argument est erroné. En effet, la simple abrogation d’un acte de l’Union, indépendamment des motifs à l’origine de cette abrogation, ne saurait être assimilée à la constatation de l’illégalité d’un tel acte. L’acte abrogé n’est plus en vigueur et, par conséquent, il ne saurait régir des situations intervenant à l’avenir. En revanche, sa capacité à régir des situations intervenues dans le passé, pendant la période au cours de laquelle il était en vigueur, n’est pas, en règle générale, remise en cause par son abrogation.

60.      Il convient de rappeler que, dans l’ordre juridique de l’Union, c’est exclusivement à la Cour de justice de l’Union européenne qu’il revient, au titre de la compétence exclusive que lui confèrent les traités, de statuer sur la légalité d’un acte de l’Union (26).

61.      Naturellement, une déclaration d’invalidité par la Cour du règlement initial, compte tenu de son effet ex tunc, aurait également affecté la validité du règlement litigieux (27). Or, ainsi que le souligne la Commission, le juge de l’Union n’a pas déclaré ce règlement illégal, ni lorsque la validité dudit règlement a été contestée devant lui au titre de l’article 263 TFUE (28) ni lorsqu’elle l’a été dans le cadre de renvois préjudiciels (29).

62.      Dans ce contexte, j’ajoute que c’est précisément pour cette raison que la situation des requérantes est fondamentalement différente de celle qui était en cause dans l’affaire Vitol (30), qui a donné lieu à un arrêt récent de la Cour, auquel les requérantes ont abondamment fait référence lors de l’audience. Selon elles, cet arrêt confirme qu’elles peuvent valablement invoquer l’illégalité d’un acte de l’Union (en l’espèce, le règlement initial) afin de contester la validité d’un autre acte de l’Union, qui lui est connexe (en l’espèce, le règlement litigieux).

63.      Cependant, je ne vois pas comment les constatations de la Cour dans l’arrêt du 22 juin 2023, Vitol (C‑268/22, EU:C:2023:508), seraient susceptibles d’être pertinentes dans la présente affaire. Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, une juridiction nationale avait saisi la Cour, par une procédure préjudicielle, d’une question portant sur la validité d’un règlement instituant des droits antidumping, dont l’invalidité avait déjà été constatée par le Tribunal dans un arrêt rendu sur le fondement de l’article 263 TFUE et qui, à cette date, était passé en force de chose jugée. Bien que les parties ayant introduit le recours devant la juridiction de renvoi ne fussent pas celles ayant obtenu gain de cause devant le Tribunal, la Cour a considéré qu’il y avait lieu de tirer toutes les conséquences des constats effectués par le Tribunal concernant la méconnaissance, par le règlement litigieux, d’une disposition spécifique du règlement de base. Dès lors que la méconnaissance en cause produisait également des effets sur la situation juridique des parties qui avaient agi devant la juridiction de renvoi, la Cour n’a eu aucune difficulté à constater l’invalidité du règlement litigieux (31).

64.      Or, en l’espèce, il n’existe aucune décision antérieure du juge de l’Union constatant l’invalidité alléguée du règlement initial. Il s’agit en réalité du contraire, comme je l’ai expliqué au point 61 des présentes conclusions.

65.      J’ajouterai que les requérantes ne se sont pas non plus appuyées sur les dispositions de l’article 277 TFUE afin d’invoquer l’inapplicabilité du règlement initial sur le fondement de l’illégalité alléguée de celui-ci. Lors de l’audience, les requérantes ont semblé suggérer que, implicitement, elles avaient invoqué l’exception d’illégalité en première instance et/ou dans le cadre de la présente procédure. Cependant, les deux passages de leurs écritures auxquels les requérantes font référence à cet égard ne permettent pas, à mon sens, d’étayer cette thèse.

66.      Pour ces raisons, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 138 de l’arrêt attaqué, que l’abrogation du règlement initial n’affectait pas la validité de ce règlement.

3.      L’abrogation du règlement initial avec effet ex nunc

67.      À l’évidence, si le législateur de l’Union avait décidé d’abroger le règlement initial avec effet ex tunc, c’est-à-dire d’en éliminer rétroactivement les effets, il n’aurait plus été possible d’étendre les droits au moyen du règlement litigieux.

68.      Cependant, ce n’est pas ce qu’a fait le législateur de l’Union lorsqu’il a décidé d’abroger le règlement initial. Il résulte du libellé même du règlement d’abrogation que le règlement initial a été abrogé avec effet ex nunc. L’article 2 du règlement d’abrogation précise que « [l]’abrogation des droits antidumping [en question] prend effet à compter de la date d’entrée en vigueur [de ce] règlement [...] et ne sert pas de base pour le remboursement des droits perçus avant cette date ». Cette disposition est reprise par le considérant 14 dudit règlement, aux termes duquel : « [l]’abrogation des mesures contestées devrait prendre effet à compter de la date de son entrée en vigueur et, dès lors, ne fournit aucune base pour le remboursement des droits perçus avant cette date ».

69.      Le choix opéré par le législateur de l’Union à cet égard est conforme aux principes codifiés dans le règlement 2015/476. L’article 3 de ce règlement dispose que « [l]es mesures adoptées conformément [à ce] règlement prennent effet à compter de la date de leur entrée en vigueur et ne peuvent être invoquées pour obtenir le remboursement des droits perçus avant cette date, sauf indication contraire ». Le considérant 7 dudit règlement reprend les dispositions de l’article 3 de ce même règlement et explique leur raison d’être. Ce considérant est libellé comme suit : « [...] Les recommandations formulées dans les rapports adoptés par l’ORD n’ont qu’un effet pour l’avenir. En conséquence, il convient de préciser qu’une mesure prise dans le cadre du présent règlement prend effet à compter de sa date d’entrée en vigueur, sauf indication contraire, et qu’elle ne peut être invoquée de ce fait pour obtenir le remboursement des droits perçus avant cette date ».

70.      En conséquence, l’ensemble des situations qui étaient régies ratione temporis par les dispositions du règlement initial n’ont pas été affectées par son abrogation. Ainsi, dans la mesure où le législateur de l’Union a confirmé que les droits antidumping collectés entre la date d’entrée en vigueur du règlement initial et la date à laquelle ce règlement a été abrogé ont été correctement perçus, rien ne permet de considérer que l’extension de ces droits à des importations ayant vocation à contourner la mesure commerciale de l’Union est invalide.

71.      Comme l’a constaté le Tribunal à juste titre au point 129 de l’arrêt attaqué, pour que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, une extension soit considérée comme étant légale, il faut que i) cette extension concerne exclusivement la période antérieure à l’expiration de ces mesures et ii) que l’enregistrement des importations concernées ait été ordonné, conformément à l’article 13, paragraphe 3, et à l’article 14, paragraphe 5, du règlement de base. Or, il est constant que, en l’espèce, ces conditions sont remplies (32).

72.      À la lumière de ce qui précède, j’estime que c’est également à bon droit que le Tribunal s’est fondé sur l’arrêt APEX pour écarter les arguments des requérantes sur ce point.

4.      L’invocation par le Tribunal de l’arrêt APEX

73.      Dans l’arrêt APEX, qui concernait une demande de décision préjudicielle portant sur la validité d’un autre règlement portant extension des droits antidumping pour cause de contournement, l’une des parties ayant présenté des observations avait soutenu qu’il y avait lieu de considérer le règlement litigieux comme étant invalide parce qu’il avait été adopté à une date à laquelle le règlement instituant initialement ces droits n’était plus en vigueur.

74.      La Cour a rejeté cette allégation en jugeant que l’article 13 du règlement de base permettait d’adopter une décision portant extension de mesures antidumping pour cause de contournement, même lorsque le règlement initial instituant lesdits droits avait expiré. Comme la Cour l’a constaté, le libellé de cet article n’excluait pas une telle interprétation et, surtout, cette interprétation était étayée par une lecture contextuelle et téléologique dudit article. Dans ce contexte, la Cour a également rejeté l’argument selon lequel le caractère accessoire de la mesure d’extension des droits pour cause de contournement, élément que la Cour avait souligné dans un arrêt antérieur (33), irait à l’encontre de ladite interprétation. La Cour a jugé que, « [s]’il découle de ce constat que les mesures étendues ne peuvent survivre à l’expiration des mesures qu’elles étendent, il ne saurait être déduit du lien qui unit les unes aux autres que la décision d’instituer les premières devrait intervenir avant l’expiration des secondes » (34).

75.      Cependant, les requérantes estiment que l’arrêt APEX n’est pas pertinent en l’espèce, étant donné que, dans cet arrêt, la validité du règlement initial n’était pas en cause. Or, comme je l’ai expliqué dans les sections précédentes des présentes conclusions, dans la présente affaire également, rien n’indique que le règlement initial soit illégal.

76.      Le seul fait que la Commission ait décidé, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose en la matière, d’abroger ce règlement avant sa date d’expiration initialement prévue (35) est sans incidence. Les conclusions formulées par la Cour dans l’arrêt APEX demeurent tout à fait pertinentes en l’espèce.

77.      Lors de l’audience, les requérantes ont cependant fait valoir que, même si la Cour devait considérer le règlement initial comme étant valide, les deux affaires présenteraient encore des différences, étant donné que le délai écoulé entre l’expiration du règlement initial et l’institution (ou la réinstitution) des droits anticontournement serait plus important en l’espèce que celui considéré dans l’arrêt APEX. À défaut de toute autre explication sur ce point, je ne vois pas pourquoi cet élément factuel (la durée plus ou moins longue du délai mentionné) remettrait en cause l’appréciation juridique effectuée aux points précédents des présentes conclusions.

78.      En effet, il serait étrange de conclure que, au cours d’une période donnée (celle correspondant à la durée effective du règlement initial), les institutions de l’Union pourraient valablement instituer un droit antidumping sur les importations en provenance d’un pays tiers, mais pas sur les importations acheminées via un autre pays tiers pour tenter de contourner une mesure commerciale de l’Union. Une telle constatation inciterait de facto les opérateurs à tenter de contourner les mesures commerciales de l’Union à l’avenir, puisqu’elle pénaliserait les importateurs honnêtes et favoriserait les importateurs malhonnêtes (36). Cela irait à l’encontre de la finalité même de l’article 13 du règlement de base.

79.      Ainsi, je ne constate aucune erreur de droit aux points 129 et 134 de l’arrêt attaqué, auxquels le Tribunal a fait référence à l’arrêt APEX à l’appui de ses conclusions.

80.      Enfin, il n’y a pas lieu, selon moi, de traiter spécifiquement de la violation du principe de bonne administration alléguée par les requérantes. Ces dernières n’ont développé aucun argument spécifique et autonome à cet égard.

81.      En conclusion, le sixième moyen présenté par les requérantes soulevait la question de savoir si l’abrogation d’un règlement instituant un droit antidumping sur les importations originaires d’un État tiers en raison d’une éventuelle incompatibilité avec les règles de l’OMC s’oppose à ce que la Commission étende ce droit aux importations en provenance d’un autre État tiers pour cause de contournement, même lorsque cette extension concerne la période antérieure à l’abrogation et que ces importations ont été enregistrées dans le respect des règles antidumping applicables.

82.      Dans les présentes conclusions, j’ai cherché à expliquer pour quelles raisons j’estime – contrairement aux requérantes – qu’il convient de répondre à cette question par la négative.

VI.    Conclusion

83.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter le sixième moyen du pourvoi formé par Eurobolt BV, Fabory Nederland BV et ASF Fischer BV.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Arrêt du 18 mai 2022, Eurobolt e.a./Commission (T‑479/20, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:304).


3      JO 2020, L 141, p. 1, ci-après le « règlement litigieux ».


4      Règlement du Conseil du 26 janvier 2009 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (JO 2009, L 29, p. 1, ci-après le « règlement initial »).


5      JO 2016, L 176, p. 21, ci‑après le « règlement de base ».


6      Règlement du 30 novembre 2009 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51).


7      Règlement du 22 décembre 1995 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1).


8      Les dispositions légales pertinentes pour la présente procédure étant libellées de manière très similaire, je ferai référence, tout au long des présentes conclusions, aux dispositions du règlement de base, à l’instar des parties dans leurs écritures.


9      JO 2016, L 52, p. 24, ci-après le « règlement d’abrogation ».


10      JO 2010, L 282, p. 29.


11      JO 2011, L 194, p. 6.


12      Voir, de manière plus détaillée, arrêt attaqué, points 7 à 11.


13      Règlement du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié.


14      C‑644/17, EU:C:2019:555.


15      Règlement d’exécution du 26 août 2019 portant réouverture de l’enquête à la suite de l’arrêt du 3 juillet 2019 dans l’affaire C‑644/17, Eurobolt, en ce qui concerne le règlement d’exécution no 723/2011 (JO 2019, L 223, p. 1).


16      Arrêt du 17 décembre 2015 (C‑371/14, ci-après l’« arrêt APEX », EU:C:2015:828).


17      Voir, à cet égard, arrêt du 1er octobre 2009, Commission/Conseil (C‑370/07, EU:C:2009:590, point 52).


18      L’article 13, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement de base fait référence à la procédure de comité établie à l’article 15, paragraphe 3, de ce règlement. Cet article opère, à son tour, un renvoi à la « procédure d’examen » prévue à l’article 5 du règlement (UE) no 182/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO 2011, L 55, p. 13).


19      Voir points 5 et 41 des présentes conclusions.


20      En substance, conformément à ce principe, l’Union peut agir uniquement dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités. Toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres.


21      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2015 relatif aux mesures que l’Union peut prendre à la suite d’un rapport adopté par [l’ORD] concernant des mesures antidumping ou antisubventions (JO 2015, L 83, p. 6).


22      Voir, par exemple, rapport de l’Organe d’appel du 31 juillet 2002, États-Unis – Mesures compensatoires concernant certains produits en provenance des communautés européennes (WT/DS212/R), point 6.43, et rapport du Groupe spécial du 22 décembre 1999, États-Unis – Articles 301 à 310 de la Loi de 1974 sur le commerce extérieur (WT/DS152/R), point 7.102.


23      Voir points 139 à 144 de l’arrêt attaqué.


24      Voir point 34 des présentes conclusions.


25      Arrêt du 9 juillet 2020 (C‑104/19, EU:C:2020:539, point 48).


26      Voir, à cet égard, notamment, arrêts du 22 octobre 1987, Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452, point 17), et du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023, point 44).


27      Voir, par exemple, arrêt du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187, point 62 et jurisprudence citée).


28      Voir, notamment, arrêts du 27 février 2014, Ningbo Yonghong Fasteners/Conseil (C‑601/12 P, EU:C:2014:115), et du 11 septembre 2014, Gem-Year Industrial et Jinn-Well Auto-Parts (Zhejiang)/Conseil (C‑602/12 P, EU:C:2014:2203).


29      Voir, notamment, arrêts du 18 octobre 2018, Rotho Blaas (C‑207/17, EU:C:2018:840) ; du 15 novembre 2018, Baby Dan (C‑592/17, EU:C:2018:913), et du 9 juillet 2020, Donex Shipping and Forwarding (C‑104/19, EU:C:2020:539).


30      Arrêt du 22 juin 2023 (C‑268/22, EU:C:2023:508).


31      Arrêt du 22 juin 2023, Vitol (C‑268/22, EU:C:2023:508, points 60 à 78).


32      Voir, également, arrêt attaqué, points 133 et 134.


33      Arrêt du 6 juin 2013, Paltrade (C‑667/11, EU:C:2013:368, point 28).


34      Arrêt APEX, points 39 à 55.


35      Voir, à cet égard, article 11 du règlement de base, intitulé « Durée, réexamens et restitutions ».


36      Voir, de même, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire APEX (C‑371/14, EU:C:2015:507, point 39).