Language of document : ECLI:EU:T:2010:26

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

4 février 2010 (*)

« Référé – Union douanière – Tierce opposition – Arrêt du Tribunal – Demande de sursis à exécution – Méconnaissance des exigences de forme – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑385/05 TO R,

République portugaise, représentée par MM. L. Inez Fernandes, A. C. Santos, J. Gomes et P. Rocha, en qualité d’agents,

tiers opposant,

les autres parties à la procédure étant

Transnáutica – Transportes e Navegação, SA, établie à Matosinhos (Portugal), représentée par Mes C. Fernández Vicién et D. Ortigão Ramos, avocats,

partie requérante au litige principal,

et

Commission européenne, représentée par M. R. Lyal et Mme L. Bouyon, en qualité d’agents,

partie défenderesse au litige principal,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution, dans le cadre d’une procédure de tierce opposition, de l’arrêt du Tribunal du 23 septembre 2009, Transnáutica/Commission (T‑385/05, non publié au Recueil),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par demande parvenue au greffe du Tribunal le 4 décembre 2009, la République portugaise a formé, en vertu de l’article 42 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 123 du règlement de procédure du Tribunal, tierce opposition contre l’arrêt du Tribunal du 23 septembre 2009, Transnáutica/Commission (T‑385/05, non publié au Recueil, ci-après 1’« arrêt attaqué »). Le même jour, la République portugaise a également introduit un pourvoi devant la Cour, en concluant à l’annulation de l’arrêt attaqué.

2        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision REM 05/2004 de la Commission des Communautés européennes, du 6 juillet 2005, refusant le remboursement et la remise de certains droits de douane que la requérante dans cette affaire, Transnáutica – Transportes e Navegação, SA (ci-après « Transnáutica »), une société portugaise de transport routier, devait payer pour des opérations réalisées dans le cadre du régime de transit communautaire externe. Au point 31 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a notamment constaté qu’il ressortait de la décision REM 05/2004 que la Commission et les autorités portugaises s’étaient accordées pour exclure en l’espèce l’existence d’une négligence manifeste et de manœuvres de la part de Transnáutica. Le Tribunal a toutefois jugé que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant à l’inexistence d’une situation particulière pour Transnáutica, au sens de l’article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le « CDC ») et de l’article 905 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du code des douanes (JO L 253, p. 1), alors que les autorités douanières portugaises avaient manqué de diligence dans l’exercice de leur mission de contrôle des opérations douanières en cause.

3        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2009, la République portugaise a introduit, en vertu de l’article 123, paragraphe 2, du règlement de procédure, la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de l’arrêt attaqué ;

–        condamner Transnáutica aux dépens.

4        Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 20 janvier 2010, Transnáutica conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondée ;

–        condamner la République portugaise aux dépens.

5        Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le même jour, la Commission indique n’avoir aucune objection à l’octroi du sursis à exécution sollicité par la République portugaise.

 En droit

6        L’article 42 du statut de la Cour, applicable en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut à la procédure devant le Tribunal, dispose que « [l]es États membres, les institutions, organes ou organismes de l’Union et toutes autres personnes physiques ou morales peuvent, dans les cas et dans les conditions qui seront déterminés par le règlement de procédure, former tierce opposition contre les arrêts rendus sans qu’ils aient été appelés, si ces arrêts préjudicient à leurs droits ».

7        Le règlement de procédure précise, en son article 123, paragraphe l, sous b) et c), que la demande en tierce opposition doit indiquer en quoi l’arrêt attaqué préjudicie aux droits du tiers opposant et les raisons pour lesquelles le tiers opposant n’a pu participer au litige principal devant le Tribunal.

8        En outre, l’article 123, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que le sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué peut être ordonné à la demande du tiers opposant et que, dans ce cas, les dispositions du chapitre premier, titre troisième, c’est-à-dire les articles 104 à 110 du règlement de procédure, sont applicables.

9        Dès lors que le non-respect du règlement de procédure du Tribunal peut constituer une fin de non-recevoir d’ordre public, il appartient au juge des référés d’examiner d’office si les dispositions applicables de ce règlement ont été respectées (voir ordonnance du président du Tribunal du 2 juillet 2009, Insula/Commission, T‑246/09 R, non publiée au Recueil, point 6, et la jurisprudence citée).

10      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales. Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient de procéder, d’abord, à l’examen de la recevabilité de la présente demande en référé.

11      À cet égard, l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets avant même la décision au principal (voir ordonnance Insula/Commission, précitée, point 7, et la jurisprudence citée).

12      En outre, en vertu de l’article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure, la demande doit notamment être présentée par acte séparé et conformément aux exigences de l’article 44 de ce même règlement, et en particulier conformément à celle qui y est énoncée au paragraphe 1, sous c), selon laquelle toute requête doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués (ordonnance Insula/Commission, précitée, point 8).

13      Il découle d’une lecture combinée de ces dispositions du règlement de procédure qu’une demande en référé doit, à elle seule, permettre à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’une telle demande soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé (ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 34 ; du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 52 ; du 25 juin 2003, Schmitt/AER, T‑175/03 R, RecFP p. I‑A‑175 et II‑883, point 18 ; du 23 mai 2005, Dimos Ano Liosion e.a./Commission, T‑85/05 R, Rec. p. II‑1721, point 37 ; du 13 décembre 2006, Huta Częstochowa/Commission, T‑288/06 R, non publiée au Recueil, point 12, et Insula/Commission, précitée, point 9).

14      Par ailleurs, le point 68 des Instructions pratiques du Tribunal aux parties (JO 2007, L 232, p. 7) prévoit expressément que « [l]a demande […] doit être compréhensible par elle-même, sans qu’il soit nécessaire de se référer à la requête dans l’affaire au principal ».

15      Il s’ensuit qu’une demande en référé qui se greffe sur une demande en tierce opposition doit indiquer les éléments essentiels de fait et de droit établissant non seulement l’urgence invoquée, mais également un fumus boni juris, ce qui suppose qu’elle contienne à tout le moins un exposé sommaire des raisons pour lesquelles, d’une part, l’arrêt attaqué préjudicie aux droits du tiers opposant et, d’autre part, ce dernier n’a pu participer au litige principal.

16      En l’espèce, il y a lieu de constater, à cet égard, que la demande en référé expose, sous l’intitulé « motifs du sursis », ce qui suit :

« 1      À la suite du prononcé de l’arrêt [attaqué], la Commission […] devrait, en vertu des dispositions de l’article [266], premier alinéa, TFUE, prendre les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt.

2      Ceci impliquerait que la Commission adopte une nouvelle décision dans laquelle elle établirait que les conditions indiquées à l’article 239 du [CDC] pour la remise et le remboursement des droits de douane à Transnáutica sont réunies.

3      Or, le Tribunal ayant conclu à l’existence d’une situation particulière au sens dudit article 239, il ne semble pas possible que la Commission, compte tenu des termes du point 31 de l’arrêt [attaqué], puisse conclure, dans la nouvelle décision, à l’existence d’une négligence manifeste de Transnáutica, aux fins de l’application de ce même article.

4      Dans ces conditions, et à la suite de la nouvelle décision qui serait prise par la Commission (ce qui devrait se produire le 24 juin 2010 au plus tard), les autorités portugaises seraient tenues de mettre la décision à exécution en vertu des dispositions de l’article 908, paragraphe 2, du règlement […] n° 2454/93 […]

5      En d’autres termes, les autorités portugaises seraient tenues d’accorder la remise des droits et de procéder au remboursement à Transnáutica des droits et autres taxes dues, alors que, en ce qui concerne les montants encore non payés, à l’égard desquels a été engagée une procédure de recouvrement forcé faisant l’objet d’un sursis à exécution sur la base de l’article 244 du CDC, cette décision impliquerait de mettre un terme aux saisies frappant actuellement différents biens de Transnáutica.

6      Par conséquent, considérant que, dans la décision qui serait prise, si le Tribunal devait faire droit – comme la République portugaise l’entend – à l’un des moyens soulevés dans la demande en tierce opposition qu’elle a formée, cela conduirait probablement le Tribunal à amender l’arrêt [attaqué] qui a conclu à l’existence d’une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC, de sorte qu’il convient de préserver l’effet utile de ce nouvel arrêt.

7      En effet, dans ces circonstances, à la suite de la nouvelle décision de la Commission qui serait prise conformément à l’arrêt, les autorités portugaises seraient dans l’impossibilité d’engager une nouvelle action en recouvrement au titre de l’article 242 du CDC, car le délai de forclusion mentionné à l’article 221 du CDC aurait expiré dans l’intervalle.

8      De surcroît, même si tel n’était pas le cas, on aurait tout lieu de penser que les biens actuellement sous saisie dans la procédure d’exécution fiscale devant la juridiction nationale pourraient, à la date de la nouvelle action en recouvrement, ne plus être disponibles aux fins d’une nouvelle saisie.

9      De ce fait, il y a lieu de conclure que le budget portugais (tout comme le budget communautaire) serait, en pareille circonstance, affecté puisque, si le Tribunal faisait droit – comme la République portugaise l’entend – en totalité ou en partie aux moyens invoqués dans la demande en tierce opposition qu’elle a formée, la possibilité du recouvrement, même partiel, du montant de la dette associée à la présente procédure serait fermée, ce qui impliquerait le non-recouvrement de ressources communautaires propres (étant entendu que l’État portugais devait aussi retenir, au titre des frais de recouvrement, 10 % du montant perçu) et des taxes nationales correspondantes.

10      Pour les motifs exposés, la République portugaise estime que les conditions requises pour surseoir à l’exécution de l’arrêt [attaqué] sont réunies. »

17      Force est de constater que, s’agissant de la condition d’urgence, la République portugaise se borne à faire état d’une affectation du budget portugais et du budget de l’Union en cas de rejet de la présente demande en référé, sans se prononcer sur la gravité du préjudice financier allégué. S’agissant de la condition du fumus boni juris, la demande en référé reste silencieuse sur les raisons pour lesquelles la République portugaise aurait été empêchée de participer à la procédure clôturée par l’arrêt attaqué.

18      Au vu de ce qui précède, le juge des référés estime que l’argumentation développée par la République portugaise dans sa demande en référé ne permet d’apprécier ni la gravité du préjudice qu’elle invoque au titre de l’urgence ni le caractère à première vue fondé de sa demande en tierce opposition.

19      Il convient d’ajouter que l’absence d’explication suffisante, dans la demande en référé, des motifs constitutifs d’un fumus boni juris ne saurait être compensée par le texte de la demande en tierce opposition déposée au greffe du Tribunal. En effet, si la demande en référé peut être étayée et complétée sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, ces dernières ne sauraient pallier l’absence des éléments essentiels dans ladite demande. Il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes ou dans la demande au principal qui seraient de nature à corroborer la demande en référé. Une telle obligation mise à la charge du juge des référés serait par ailleurs de nature à priver d’effet utile la disposition du règlement de procédure qui prévoit que la demande en référé doit être présentée par acte séparé (voir, en ce sens, ordonnance Insula/Commission, précitée, points 13 et 14, et la jurisprudence citée).

20      Enfin, s’il peut être admis que Transnáutica et la Commission, en tant que parties au litige principal, sont en mesure de comprendre les motifs de la demande en tierce opposition introduite, il convient toutefois de rappeler que le texte de la demande en référé doit, à lui seul, permettre non seulement à ces parties de préparer utilement leurs observations, mais aussi au juge des référés de statuer en connaissance de cause sur ladite demande (voir point 13 ci-dessus). Or, ainsi qu’il vient d’être relevé, l’argumentation figurant dans la demande en référé ne permet pas au juge des référés de se prononcer, avec la célérité requise en la matière, sur la condition relative au fumus boni juris (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 19 février 2008, CPEM/Commission, T‑444/07 R, non publiée au Recueil, point 31).

21      Il résulte de ce qui précède que la présente demande en référé doit être déclarée irrecevable en ce qu’elle n’est pas conforme aux exigences de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure et ne permet pas au juge des référés de se prononcer sur les conditions relatives à l’urgence et au fumus boni juris.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 4 février 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.