Language of document : ECLI:EU:T:2014:43

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

20 janvier 2014(*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑88/12 DEP,

Charron Inox, établie à Marseille (France),

Almet, établie à Satolas-et-Bonce (France),

représentées par Me P.-O. Koubi-Flotte, avocat,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à la suite de l’ordonnance du Tribunal du 11 janvier 2013, Charron Inox et Almet/Conseil (T‑445/11 et T‑88/12, non publiée au Recueil),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 août 2011, les requérantes, Charron Inox et Almet, ont introduit un premier recours visant à obtenir, à titre principal, l’annulation du règlement (UE) n° 627/2011 de la Commission, du 27 juin 2011, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains tubes et tuyaux en acier inoxydable sans soudure originaires de la République populaire de Chine (JO L 169, p. 1, ci-après le « règlement provisoire ») et, à titre subsidiaire, l’indemnisation du préjudice qu’elles estimaient avoir subi en raison de l’entrée en vigueur immédiate de ce règlement. L’affaire a été enregistrée sous la référence T‑445/11.

2        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 novembre 2011, la Commission européenne a soulevé une exception d’irrecevabilité sur la base de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2012, les requérantes ont introduit un second recours visant à obtenir, à titre principal, l’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 1331/2011 du Conseil, du 14 décembre 2011, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure en acier inoxydable originaires de la République populaire de Chine (JO L 336, p. 6, ci-après le « règlement définitif ») et, à titre subsidiaire, l’indemnisation du préjudice qu’elles estimaient avoir subi en raison de la perception définitive des droits antidumping provisoires ordonnée par ce règlement. L’affaire a été enregistrée sous la référence T‑88/12.

4        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 juin 2012, le Conseil de l’Union européenne a introduit une exception d’irrecevabilité sur la base de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure. Les requérantes ont déposé leurs observations sur cette exception le 21 août 2012.

5        Par l’ordonnance du Tribunal du 11 janvier 2013, Charron Inox et Almet/Commission et Conseil (T‑445/11 et T‑88/12, non publiée au Recueil), le Tribunal a, premièrement, joint les affaires T‑445/11 et T‑88/12 aux fins de ladite ordonnance, deuxièmement, joint les exceptions d’irrecevabilité soulevées dans les affaires T‑445/11 et T‑88/12 au fond, troisièmement, constaté le non-lieu à statuer sur le recours dans l’affaire T‑445/11, quatrièmement, rejeté le recours dans l’affaire T‑88/12 comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement dépourvu de tout fondement en droit. S’agissant des dépens dans l’affaire T‑88/12, le Tribunal a décidé que les requérantes, outre leurs propres dépens, supporteraient ceux exposés par le Conseil.

6        Par lettre du 3 juin 2013, le Conseil a demandé aux requérantes de lui régler le montant de ses dépens, qu’il a chiffré à 13 071,19 euros.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juillet 2013, les requérantes ont formé, sur le fondement de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, une demande de taxation des dépens par laquelle elles ont invité le Tribunal, d’une part, à fixer le montant des dépens récupérables dont la charge leur incombe à une somme n’excédant pas 2 671,38 euros et, d’autre part, à condamner le Conseil aux dépens de l’instance de taxation, pour un montant total les concernant de 1 500 euros.

8        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 22 octobre 2013, le Conseil a demandé le rejet de ladite demande et la fixation des dépens récupérables à un montant de 13 071,19 euros.

9        La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

 En droit

10      Aux termes de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations.

11      Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins [ordonnances du Tribunal du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec. p. II‑1785, point 13, et du 25 octobre 2010, Bastos Viegas/OHMI – Fabre Médicament (OPDREX), T‑33/08 DEP, non publiée au Recueil, point 7].

12      Selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union européenne n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces émoluments peuvent être récupérés auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance Airtours/Commission, précitée, point 17, et la jurisprudence citée).

13      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions du droit de l’Union de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représenté pour les parties (ordonnances du Tribunal Airtours/Commission, précitée, point 18, et du 17 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI PUCCI, T‑8/03 DEP, non publiée au Recueil, point 15).

14      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’évaluer le montant des dépens récupérables en l’espèce.

15      En premier lieu, s’agissant de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, le Tribunal constate que, sur le fond, l’affaire au principal concernait, d’une part, une demande en annulation s’articulant, en substance, autour de quatre moyens, tirés, premièrement, d’une contradiction de motifs et d’une erreur d’appréciation lors de la détermination de l’existence d’un préjudice causé par le dumping, deuxièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation concernant l’évaluation de l’intérêt de l’Union, troisièmement, d’une erreur d’appréciation dans le calcul du prix des produits concernés lors de la détermination de l’existence d’un dumping et, quatrièmement, d’une violation du principe de confiance légitime, d’autre part, cette affaire comportait une demande en indemnité. L’ensemble de ces moyens et demandes ont été rejetés par le Tribunal comme étant, pour la plus grande partie, manifestement dépourvus de tout fondement en droit. Ainsi qu’il ressort de la lecture de l’ordonnance Charron Inox et Almet/Commission et Conseil, précitée, l’affaire en cause ne concernait donc, sur le fond, ni une question de droit nouvelle, ainsi que le soutiennent à juste titre les requérantes, ni une question de fait complexe. Cette affaire ne saurait donc être considérée comme particulièrement difficile, contrairement à ce que soutient le Conseil. Toutefois, s’agissant de la recevabilité, il est constant que les questions soulevées par l’interprétation de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE présentaient un certain intérêt du point de vue du droit de l’Union. Partant, il y a lieu de considérer que cette affaire comportait un degré de difficulté moyen.

16      En second lieu, en ce qui concerne l’ampleur du travail que la procédure a pu engendrer pour les représentants du Conseil, il y a lieu de constater que ce dernier a produit, dans son mémoire du 22 octobre 2013, une note de frais d’un montant de 13 071,19 euros. Ces frais comportent, d’une part, des frais de courrier en recommandé et des frais de photocopies, non contestés par les requérantes, pour un montant total de 15,19 euros et, d’autre part, des honoraires facturés par ses avocats extérieurs, à hauteur de 13 056 euros, ventilés de manière précise en fonction des tâches effectuées. Ces avocats extérieurs, au nombre de deux, ont facturé au Conseil un nombre total de 38,2 heures pour l’ensemble de la procédure devant le Tribunal. L’avocat le plus expérimenté a consacré à cette procédure 10,9 heures, facturées 489 euros l’heure, alors que sa collaboratrice y a consacré 27,3 heures, facturées 283 euros l’heure. Les requérantes ont également fourni, à titre de comparaison, une facture d’honoraires correspondant à la rédaction de leur mémoire du 21 août 2012.

17      Premièrement, il convient de constater, d’abord, que, si la structure de la requête était relativement complexe, ainsi que l’a souligné à juste titre le Conseil, son contenu juridique et factuel était, en revanche, limité, notamment eu égard au fait qu’elle ne comportait que 9 pages. De même, les 14 annexes qui accompagnaient la requête ne comportaient que 77 pages. Cela ne saurait être considéré comme particulièrement volumineux dans le cadre d’une telle affaire, contrairement à ce qu’affirme le Conseil. Par ailleurs, l’étude desdites annexes, qui incluaient, notamment, des factures et des contrats, ne comportait aucune difficulté.

18      En outre, il convient de relever, d’une part, que, en tant que législateur, le Conseil avait nécessairement une connaissance approfondie du règlement attaqué et des circonstances de l’affaire, dont il a pu, le cas échéant, faire profiter ses représentants et, d’autre part, que, en toute hypothèse, le Conseil n’a pas abordé les questions de fond dans son exception d’irrecevabilité introduite sur la base de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure. Il y a également lieu de souligner que le mémoire du Conseil du 26 juin 2012, qui s’est limité à dix pages, présente des similitudes importantes avec l’analyse présentée par la Commission dans son mémoire du 18 novembre 2011, ainsi qu’il ressort, notamment, des passages des deux mémoires cités par les requérantes.

19      Ensuite, les requérantes soutiennent qu’il y aurait eu une duplication non nécessaire des efforts des représentants du Conseil, dans la mesure où ce dernier aurait été représenté par deux avocats. La requérante se fonde à cet égard sur l’ordonnance du Tribunal du 15 septembre 2010, Huvis/Conseil (T‑221/05 DEP, non publiée au Recueil, point 35), dans laquelle le Tribunal a « relev[é] que si une certaine complexité du litige justifiait la représentation de la requérante par plusieurs avocats, la répartition du travail de préparation des mémoires entre trois avocats impliquait nécessairement une certaine duplication des efforts entrepris, de sorte que le Tribunal ne saurait reconnaître la totalité des heures de travail réclamées ».

20      À cet égard, il convient de relever que, au point 30 de l’ordonnance mentionnée au point 19 ci-dessus, le Tribunal a également rappelé que « si, en principe, la rémunération d’un seul avocat [était] recouvrable, il se [pouvait] que, suivant les caractéristiques propres à chaque affaire, au premier rang desquelles figure sa complexité, la rémunération de plusieurs avocats [pût] être considérée comme entrant dans la notion de frais indispensables ». Le Tribunal a ajouté qu’ « il [convenait] toutefois de tenir compte principalement du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure contentieuse, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties ». En l’espèce, le Conseil a été représenté par deux avocats, un associé expérimenté et une collaboratrice. Eu égard aux circonstances de l’affaire, cela ne saurait, en soi, être contesté.

21      Enfin, les requérantes se fondent sur une note d’honoraires de leurs propres avocats pour arguer du caractère excessif des frais facturés par les avocats extérieurs du Conseil. Selon les requérantes, leurs avocats n’auraient consacré que 10 heures et 35 minutes à la rédaction des observations sur l’exception d’illégalité du Conseil, facturées 250 euros l’heure, pour un montant total de 2 671,38 euros.

22      À cet égard, il y a lieu de constater que ce type de comparaison peut, le cas échéant, être pris en considération aux fins de l’établissement du caractère raisonnable des dépens récupérables, contrairement à ce qu’affirme le Conseil. Toutefois, en l’espèce, force est de constater que le travail effectué par le Conseil dans le cadre de son exception d’irrecevabilité, qui a impliqué une analyse, même succincte, de l’ensemble des éléments du litige, ne saurait être utilement comparé au travail effectué par les avocats des requérantes en vue de rédiger de simples observations sur ladite exception. Cet argument doit donc être rejeté comme étant non fondé.

23      Compte tenu de tout ce qui précède, un nombre total de 38,2 heures de travail dépasse ce qui peut paraître indispensable aux fins de l’instance. Dans ces conditions, il peut être considéré que le litige a objectivement nécessité un travail d’une durée de 25 heures.

24      Deuxièmement, s’agissant du taux horaire de rémunération des avocats, les requérantes se limitent à contester le taux de 489 euros appliqué par l’avocat le plus expérimenté. Ce taux horaire apparaît, en effet, excessif. Le taux horaire moyen à retenir en l’espèce pour les services d’un professionnel particulièrement expérimenté, capable de travailler de façon très efficace et rapide, tel que les deux avocats extérieurs du Conseil, ne saurait excéder 285 euros, ce montant apparaissant cohérent avec celui retenu par le Tribunal dans son ordonnance Huvis/Conseil (précitée, point 41). En outre, il convient de rappeler que seuls sont considérés comme étant récupérables les frais indispensables à la procédure (voir point 11 ci-dessus). Or, le fait de s’attacher les services d’un avocat facturant un taux horaire aussi élevé, quand bien même ce taux serait justifié par une expérience exceptionnelle de ce type de litige, ne saurait être considéré comme étant indispensable au sens de la jurisprudence précitée.

25      Compte tenu de tout ce qui précède, il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des dépens récupérables par le Conseil en fixant leur montant à 7 000 euros, lequel montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance.

26      Dès lors que ce montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à ce jour, il n’y a pas lieu de statuer séparément sur les frais exposés par les parties aux fins de la présente procédure de taxation des dépens (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 12 décembre 2013, Marcuccio/Commission, T‑12/10 P-DEP, non publiée au Recueil, et la jurisprudence citée). 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le montant total des dépens à rembourser par Charron Inox et Almet au Conseil de l’Union européenne est fixé à 7 000 euros.

Fait à Luxembourg, le 20 janvier 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. van der Woude


* Langue de procédure : le français.