Language of document : ECLI:EU:T:2003:151

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

2 juin 2003 (1)

«Aides d'État - Régime fiscal - Aide existante -

Décision d'ouverture de la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE - Effets juridiques - Absence - Irrecevabilité»

Dans l'affaire T-276/02,

Forum 187 ASBL, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par MM. A. Sutton et J. Killick, barristers,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. R. Lyal et V. Di Bucci, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 27 février 2002 ouvrant la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE à l'égard de la réglementation belge relative aux centres de coordination,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),

composé de MM. N. J. Forwood, président, J. Pirrung, P. Mengozzi, A. W. H. Meij et M. Vilaras, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente

Ordonnance

Cadre juridique

Dispositions communautaires

1.
    L'article 1er du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1, ci-après le «règlement procédure aides d'État»), qui est entré en vigueur le 16 avril 1999, comporte notamment les définitions suivantes:

«a) ‘aide’: toute mesure remplissant tous les critères fixés à l'article [87], paragraphe 1, du traité;

b) ‘aide existante’:

[...]

v) toute aide qui est réputée existante parce qu'il peut être établi qu'elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l'évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l'État membre. Les mesures qui deviennent une aide suite à la libéralisation d'une activité par le droit communautaire ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation;

c) ‘aide nouvelle’: toute aide, c'est-à-dire tout régime d'aides ou toute aide individuelle, qui n'est pas une aide existante, y compris toute modification d'une aide existante;

[...]»

Dispositions nationales sur les centres de coordination

2.
    La réglementation belge sur les centres de coordination trouve son origine dans l'arrêté royal n° 187, du 30 décembre 1982 (ci-après l'«arrêté royal n. 187»). Cette réglementation est applicable aux centres de coordination agréés.

3.
    Par dérogation au régime fiscal commun, le bénéfice imposable des centres de coordination agréés est, en principe, déterminé forfaitairement. Il correspond à un pourcentage du montant de certaines dépenses du centre de coordination.

4.
    Lorsqu'il n'existe pas de critères objectifs pour déterminer le pourcentage à prendre en considération pour déterminer le bénéfice imposable, celui-ci doit, en principe, être fixé à 8 %.

5.
    Le bénéfice imposable des centres de coordination est imposé au taux normal de l'impôt des sociétés.

6.
    Outre la détermination forfaitaire du bénéfice imposable, les centres de coordination agréés bénéficient d'un régime fiscal dérogatoire pour ce qui concerne les précomptes mobilier et immobilier ainsi que les droits d'enregistrement.

7.
    L'agrément d'un centre de coordination est subordonné à certaines conditions dont notamment l'appartenance à un groupe multinational possédant des activités dans quatre pays au moins, disposant de capitaux propres atteignant 1 milliard de francs belges (BEF) et réalisant un chiffre d'affaires annuel consolidé atteignant 10 milliards de BEF. L'agrément est accordé pour dix ans et il est renouvelable.

Antécédents du litige

8.
    Le 3 avril 1984, le gouvernement belge a notifié à la Commission un projet de loi modifiant le régime prévu par l'arrêté royal n. 187. Le 2 mai 1984, la Commission a adopté une décision selon laquelle, au vu des modifications prévues par le projet de loi, le régime fiscal applicable aux centres de coordination ne contenait pas d'élément d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE).

9.
    Les modifications effectivement apportées à l'arrêté royal n. 187 par la loi du 27 décembre 1984 ne correspondant pas à celles prévues par le projet de loi notifié à la Commission, celle-ci a ouvert la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE) à l'égard du régime fiscal prévu par l'arrêté royal n° 187 tel que modifié.

10.
    À la suite de la communication par le gouvernement belge du texte de la loi du 4 août 1986 modifiant à nouveau l'arrêté royal n. 187, la Commission, considérant que le régime ne contenait plus d'élément d'aide, a clos la procédure et a communiqué sa décision au gouvernement belge par lettre du 9 mars 1987.

11.
    Le 11 novembre 1998, la Commission a adopté une communication sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (JO 1998, C 384, p. 3), dans laquelle elle indiquait son intention d'examiner ou de réexaminer tous les régimes fiscaux en vigueur dans les États membres.

12.
    Par lettre du 12 février 1999, la Commission a demandé aux autorités belges de lui fournir des renseignements sur les centres de coordination. Le royaume de Belgique a répondu à cette demande par lettre du 15 mars 1999.

13.
    Par lettre du 17 juillet 2000, les services de la Commission ont informé les autorités belges que, à la lumière de la communication sur la fiscalité directe des entreprises, le régime fiscal des centres de coordination semblait désormais constituer une aide d'État visée par l'article 87, paragraphe 1, CE. Les services de la Commission ont invité les autorités belges à présenter leurs observations sur cette appréciation préliminaire.

14.
    Par lettre du 6 septembre 2000, le royaume de Belgique a contesté la validité de la lettre du 17 juillet 2000 qualifiant le régime des centres de coordination d'aide existante et d'aide au fonctionnement. Le royaume de Belgique demandait que la Commission, en tant que collège, se prononce et rende une conclusion préliminaire avant que ne soit engagée la procédure de coopération prévue à l'article 17 du règlement procédure aides d'État.

15.
    Le 11 juillet 2001, la Commission a proposé au royaume de Belgique des mesures utiles au sens de l'article 88, paragraphe 1, CE.

16.
    Par lettre du 19 septembre 2001, les autorités belges ont à nouveau formulé des commentaires sur la qualification d'aide existante, la procédure utilisée et le contenu des mesures utiles proposées, tout en informant la Commission que ces commentaires ne constituaient ni une acceptation ni un refus de ces mesures utiles. Les autorités belges considéraient, en effet, que la phase de coopération prévue à l'article 17 du règlement procédure aides d'État n'avait été ouverte qu'en raison de la décision prise le 11 juillet 2001 par le collège des commissaires.

Décision litigieuse

17.
    En l'absence d'acceptation expresse des mesures utiles dans le délai imparti, et au vu des observations formulées par les autorités belges dans leur lettre précitée du 19 septembre 2001, la Commission a, par décision du 27 février 2002 (ci-après la «décision litigieuse»), ouvert la procédure formelle d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE à l'égard du régime des centres de coordination.

18.
    Dans l'exposé des motifs de la décision litigieuse, après avoir résumé les conditions principales qui doivent être remplies pour bénéficier du régime fiscal concerné, la Commission constate aux considérants 31 et 32:

«Certes, en 1984, la Commission avait déclaré que le régime des centres de coordination ne contenait pas d'élément d'aide. Néanmoins, l'analyse qui suit montre que le régime, tel qu'en application aujourd'hui, semble remplir tous les critères nécessaires pour établir le caractère d'aide. Devant ce constat, la Commission est d'avis que le régime fiscal revêt le caractère d'une aide qui, au moment d'entamer la procédure nécessaire en matière d'aides d'État, doit être considérée comme existante.

[...] En effet, [le règlement de procédure aides d'État] envisage expressément, en son article 1er, [sous] b), v), la possibilité qu'une mesure qui ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur devienne une aide par la suite en raison de l'évolution du marché commun. Dans un tel cas, le [règlement de procédure aides d'État] indique qu'il s'agit d'une aide existante, à laquelle s'applique donc la procédure décrite aux articles 17 à 19 du même règlement. Il en va de même dans l'hypothèse où la Commission, après avoir initialement considéré qu'une certaine mesure ne constituait pas une aide, modifie son appréciation et estime qu'il s'agit bien d'une aide au sens de l'article 87 du traité.»

Procédure et conclusions des parties

19.
    Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 13 septembre 2002, la requérante a introduit le présent recours.

20.
    Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a présenté une demande tendant à ce qu'il soit statué selon une procédure accélérée, conformément à l'article 76 bis, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de procédure du Tribunal.

21.
    La Commission entendue, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a rejeté cette demande par décision du 8 octobre 2002.

22.
    Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le 31 octobre 2002, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 12 décembre 2002.

23.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme manifestement irrecevable;

-    condamner la requérante aux dépens.

24.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter l'exception d'irrecevabilité manifeste;

-    annuler la décision litigieuse;

-    condamner la Commission aux dépens.

En droit

25.
    En vertu de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur la recevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal estime, en l'espèce, être suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu'il n'y a pas lieu d'ouvrir la procédure orale.

26.
    La Commission soulève deux moyens d'irrecevabilité. Par le premier, elle soutient que la décision litigieuse n'est pas un acte attaquable. Par le second, elle conteste la qualité pour agir de la requérante. Il y a lieu d'examiner le premier de ces moyens.

Arguments des parties

27.
    La Commission fait valoir, premièrement, que, s'agissant des actes dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, la jurisprudence a précisé que seules les mesures qui fixent définitivement la position de l'institution au terme de la procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale, constituent des actes attaquables (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 10). En l'espèce, la décision litigieuse ne serait qu'un acte préparatoire adopté lors d'une phase intermédiaire de la procédure d'examen des aides existantes prévue par l'article 88 CE et par le règlement procédure aides d'État. Elle serait dépourvue d'effet juridique immédiat et n'entraînerait pas de modification de la situation juridique de la requérante ou de ses membres. Ce n'est que sur la base de l'examen des renseignements et informations obtenus dans le cadre de la procédure formelle d'examen ouverte par la décision litigieuse que la Commission pourrait, le cas échéant, adopter une décision susceptible d'affecter les intérêts des bénéficiaires du régime en cause.

28.
    La Commission soutient, deuxièmement, que, selon la jurisprudence, une décision d'ouverture de la procédure à propos d'une aide existante n'a pas d'effets juridiques immédiats et ne constitue donc pas un acte attaquable (arrêts de la Cour du 30 juin 1992, Espagne/Commission, C-312/90, Rec. p. I-4117, points 17 à 22; du 5 octobre 1994, Italie/Commission, C-47/91, Rec. p. I-4635, points 25 à 28, et du 9 octobre 2001, Italie/Commission, C-400/99, Rec. p. I-7303, point 61, ci-après l'«arrêt Tirrenia»). Seules les décisions d'ouverture de la procédure formelle d'examen à propos d'une mesure en cours d'exécution et qualifiée d'aide nouvelle seraient des actes attaquables en raison de l'effet suspensif prévu par l'article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE.

29.
    La Commission soutient, troisièmement, que le recours est prématuré et que, s'il était accueilli, il empêcherait, contrairement à l'économie du traité, tout examen par la Commission de la question de savoir si le régime en question constitue une aide et s'il est compatible avec le marché commun.

30.
    La requérante soutient, premièrement, que la décision litigieuse produit des effets juridiques.

31.
    À cet égard, elle fait valoir, tout d'abord, que, en adoptant la décision litigieuse, la Commission a nécessairement rapporté ses décisions de 1984 et de 1987, dans lesquelles elle avait considéré que le régime litigieux ne contenait pas d'élément d'aide d'État. Selon elle, il serait certes possible qu'une décision définitive de la Commission dispose, contrairement à la décision litigieuse, que le régime des centres de coordination ne contient pas d'élément d'aide. Toutefois, un tel revirement serait très improbable, en particulier parce que la Commission a déjà proposé des mesures utiles qui attesteraient de ce qu'elle considère que le régime en question constitue une aide existante incompatible.

32.
    Dès lors, la sécurité juridique créée par les décisions de 1984 et de 1987 aurait disparu ou, à tout le moins, les membres de la requérante seraient placés dans une situation de sécurité juridique moins favorable qu'avant l'ouverture de la procédure formelle d'examen (arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Lagardère et Canal +/Commission, T-251/00, Rec. p. 4825, point 111). Partant, la décision litigieuse produirait des effets juridiques et serait, dès lors, un acte attaquable.

33.
    Elle soutient, ensuite, que la décision litigieuse crée des effets juridiques consistant en l'érosion de la confiance légitime du royaume de Belgique et des opérateurs économiques concernés en la conformité du régime litigieux au droit communautaire. Selon la requérante, au vu de l'article 10 CE, aux termes duquel les États membres doivent s'abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des buts du traité, il existerait un doute juridique concernant le point de savoir si les autorités belges peuvent continuer à appliquer le régime litigieux, y compris par la délivrance de nouveaux agréments, jusqu'à ce que la Commission arrête sa décision définitive. Plus particulièrement, la requérante soutient que les autorités belges ne peuvent ignorer les constatations précises (quoique provisoires) formulées par la Commission dans la décision litigieuse à l'égard des modalités de mise en oeuvre du régime en cause. Il existerait également un doute juridique sur la possibilité pour une entreprise de nourrir une attente légitime à recevoir les avantages du régime litigieux jusqu'à l'adoption d'une décision finale. À cet égard, la requérante met en doute la possibilité pour un nouveau centre de coordination de s'attendre à recevoir une autorisation pour dix années la veille du jour où la Commission arrêterait une éventuelle décision finale négative.

34.
    La requérante fait valoir, deuxièmement, que, en application du principe selon lequel toute personne a droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C-50/00 P, Rec. p. I-6677, point 39), la décision litigieuse devrait pouvoir être soumise au contrôle du juge.

35.
    À cet égard, elle fait valoir, tout d'abord, que, contrairement aux décisions en matière de concurrence, une décision finale en matière d'aides d'État est adressée à l'État membre concerné et non pas directement aux opérateurs économiques. Dans ces conditions, cet État membre pourrait, pour des raisons politiques, décider de ne pas introduire un recours en annulation contre une décision finale négative et de s'y conformer, quand bien même il ne serait pas d'accord avec l'analyse qui la sous-tend. Elle relève que, en l'espèce, le royaume de Belgique a présenté une proposition de modification du régime concerné à la suite de la décision litigieuse et avant même l'adoption d'une décision définitive de la Commission. De plus, ce gouvernement refuserait d'octroyer de nouveaux agréments et indiquerait, lors du renouvellement des agréments existants, que la période de validité de dix ans pourrait être réduite en raison des développements intervenus au niveau communautaire. Dans ces conditions, un recours, même fructueux, introduit par les bénéficiaires de l'aide contre la décision finale négative à l'égard du régime des centres de coordination n'assurerait pas une protection juridictionnelle suffisante, car il ne restaurerait pas ledit régime.

36.
    Elle relève, ensuite, que la jurisprudence consacre l'existence d'un recours juridictionnel effectif contre la plupart des décisions d'ouverture de la procédure formelle d'examen au titre de l'article 88, paragraphe 2, CE (arrêt Tirrenia et arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Territorio Histórico de Guipúzcoa e.a./Commission, T-269/99, T-271/99 et T-272/99, Rec. p. II-4217). Elle fait plus particulièrement valoir que cet arrêt consacre l'existence d'un recours juridictionnel contre une décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen qui qualifie une mesure d'aide nouvelle, alors que l'État membre concerné et les opérateurs économiques affectés considéraient que la mesure en question était une aide existante ou ne tombait pas dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE. Au vu de cette jurisprudence, une décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen dans une affaire d'aide existante - en particulier lorsque cette décision confirme à l'égard des tiers une modification de la portée juridique d'une mesure - devrait être, tout autant, un acte susceptible de contrôle juridictionnel. Or, dans le cas d'espèce, telle serait précisément la situation des autorités belges et des opérateurs économiques concernés qui, se fondant sur les décisions de 1984 et de 1987, considéraient que le régime en question ne constituait pas une aide. La décision litigieuse devrait donc être susceptible d'un contrôle juridictionnel.

37.
    Elle fait valoir, enfin, que, à la suite de la décision litigieuse, il est apparu à ses membres qu'ils devront nécessairement mettre en place des dispositifs alternatifs de financement de leurs centres de coordination dès l'issue de la procédure au titre de l'article 88, paragraphe 2, CE. Compte tenu du temps nécessaire pour mettre en place de tels dispositifs de rechange, les membres de la requérante seraient contraints d'agir au stade de la décision litigieuse pour prévoir et réduire les conséquences d'une décision finale négative.

38.
    La requérante conclut de ce qui précède que la décision litigieuse doit être considérée comme un acte attaquable.

Appréciation du Tribunal

39.
    Il convient de relever, tout d'abord, que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 230 CE les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt IBM/Commission, précité, point 9; arrêt du Tribunal du 16 juillet 1998, Regione Toscana/Commission, T-81/97, Rec. p. II-2889, point 21).

40.
    Lorsqu'il s'agit d'actes ou de décisions dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procédure interne, ne constituent, en principe, des actes attaquables que les mesures qui fixent définitivement la position de l'institution au terme de cette procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale (arrêt IBM/Commission, précité, point 10; arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64/89, Rec. p. II-367, point 42).

41.
    Toutefois, en matière d'aides d'État, les mesures intermédiaires qui emportent des effets juridiques autonomes par rapport à la décision finale qu'elles préparent constituent des actes attaquables (arrêt Tirrenia, point 57; arrêt du Tribunal du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T-195/01 et T-207/01, Rec. p. II-2309, point 82).

42.
    En l'espèce, la décision litigieuse est une mesure intermédiaire dont l'objectif est de préparer une décision finale de la Commission sur le régime des centres de coordination. Partant, cette décision, adoptée dans le domaine des aides d'État, ne constitue un acte attaquable que si, en dépit de son caractère intermédiaire, elle emporte des effets juridiques autonomes.

43.
    À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que, contrairement aux décisions d'ouverture de la procédure formelle d'examen à l'égard de mesures qualifiées provisoirement d'aides nouvelles, la décision litigieuse, qui qualifie le régime des centres de coordination de régime d'aides existant, n'emporte pas les effets juridiques autonomes liés à l'effet suspensif prévu par l'article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE à l'égard des aides nouvelles (arrêt Tirrenia, point 59; arrêt Government of Gibraltar/Commission, précité, points 84 et 85, et arrêt Territorio Histórico de Guipúzcoa e.a./Commission, précité, point 38).

44.
    Il convient de relever, deuxièmement, que la qualification du régime des centres de coordination de régime d'aides existant, dans la décision litigieuse, n'implique pas que la Commission a décidé de rapporter ses décisions de 1984 et de 1987. En effet, cette qualification revêt un caractère provisoire. Ainsi, l'article 7, paragraphe 2, du règlement procédure aides d'État prévoit la possibilité pour la Commission de clore la procédure formelle d'examen par une décision constatant que, contrairement à la qualification retenue au stade de l'ouverture de cette procédure, la mesure en question ne constitue pas une aide.

45.
    Cette qualification préliminaire d'aide existante du régime concerné ne saurait, comme le soutient la requérante (voir point 31 ci-dessus), perdre son caractère provisoire en raison du fait qu'elle intervient à la suite d'une proposition de mesures utiles adressée à l'État membre concerné. En effet, même si une telle proposition implique que, sur la base des observations présentées par l'État membre, la Commission est parvenue à la conclusion que le régime en cause constitue une aide existante incompatible, cette conclusion est elle-même provisoire. De fait, il ne saurait être exclu que, à la lumière des informations présentées par les intéressés dans le cadre de la procédure formelle d'examen ouverte par la décision litigieuse, la Commission adopte une conclusion différente de celle à laquelle elle était parvenue lors de la proposition de mesures utiles et considère que le régime litigieux ne contient, en définitive, pas d'élément d'aide.

46.
    Dès lors que la décision litigieuse ne saurait être considérée comme rapportant les décisions de 1984 et de 1987, elle ne saurait, contrairement à ce que soutient la requérante (voir point 32 ci-dessus), porter atteinte à la sécurité juridique que la requérante attache à ces dernières.

47.
    Il y a lieu de relever, troisièmement, que, contrairement à ce que soutient la requérante (voir point 33 ci-dessus), la prétendue érosion de la confiance légitime du royaume de Belgique dont, en toute hypothèse, la requérante ne saurait utilement se prévaloir et des membres de la requérante par la décision litigieuse ne constitue pas un effet juridique modifiant de façon caractérisée la situation juridique de la requérante, de ses membres ou même du royaume de Belgique. En effet, par la décision litigieuse, la Commission informe le royaume de Belgique et les acteurs économiques concernés que le régime des centres de coordination fait l'objet d'un examen quant à sa compatibilité avec le marché commun et qu'il est possible que, au terme de la procédure d'examen, ce régime soit considéré comme un régime d'aides existant incompatible. Or, la prétendue érosion de la confiance légitime invoquée par la requérante constitue une simple conséquence de fait d'un tel avertissement et non pas un effet juridique que la décision litigieuse est destinée à produire (voir, par analogie, arrêt IBM/Commission, précité, point 19).

48.
    Par ailleurs, pour autant que la requérante allègue, en réalité, que la décision litigieuse emporte comme effet juridique l'interdiction pour l'État membre de continuer à mettre à exécution le régime des centres de coordination, il suffit de relever que, selon une jurisprudence bien établie, un régime d'aides existant peut continuer à être mis à exécution tant que la Commission n'a pas constaté son incompatibilité avec le marché commun (arrêt de la Cour du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C-387/92, Rec. p. I-877, point 20, et arrêt Tirrenia, point 61). De plus, comme il a déjà été relevé (voir point 43 ci-dessus), aucun effet suspensif tel que celui prévu à l'article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE ne s'applique en l'espèce. Dès lors, l'argument selon lequel il existerait désormais, au vu de l'article 10 CE, un doute juridique sur la faculté des autorités belges de mettre en oeuvre le régime des centres de coordination à la suite de la décision litigieuse et même avant qu'une décision finale n'ait été adoptée par la Commission doit être rejeté.

49.
    Il découle de ce qui précède que la décision litigieuse ne produit aucun effet juridique. Partant, elle ne constitue pas un acte attaquable.

50.
    Par ailleurs, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante (voir point 34 ci-dessus), le principe selon lequel toute personne a droit à une protection juridictionnelle effective des droits garantis par le droit communautaire ne saurait requérir que la décision litigieuse doive pouvoir être soumise au contrôle du juge communautaire. À cet égard, il suffit de relever que ce principe ne trouve pas à s'appliquer lorsque, comme en l'espèce, la décision litigieuse est dépourvue de tout effet juridique. En effet, en l'absence d'effet juridique, la décision litigieuse n'est susceptible de violer aucun droit garanti par le droit communautaire. Par ailleurs, les juridictions communautaires ont constamment et explicitement précisé que les décisions d'ouverture de la procédure formelle d'examen peuvent être déférées au contrôle du juge uniquement dans la mesure où elles emportent des effets juridiques autonomes (voir arrêt Tirrenia, points 55 et 57; arrêts Government of Gibraltar/Commission, précité, points 80 et suivants, et Territorio Histórico de Guipúzcoa e.a./Commission, précité, point 37). La solution retenue par la jurisprudence citée ne saurait, dès lors, être étendue aux décisions d'ouverture de la procédure formelle d'examen qui, comme en l'espèce, ne produisent pas d'effet juridique.

51.
    Enfin, la circonstance alléguée par la requérante que ses membres ont besoin d'un laps de temps important pour mettre en place des dispositifs financiers alternatifs ne saurait davantage, à elle seule, justifier la nécessité de permettre un contrôle juridictionnel de la décision litigieuse.

52.
    Il convient donc d'accueillir le premier moyen d'irrecevabilité. Dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second moyen d'irrecevabilité soulevé par la Commission, il y a lieu de conclure que le recours est irrecevable.

Sur les dépens

53.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu, eu égard aux conclusions de la Commission, de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

ordonne:

1)    Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)    La requérante supportera l'ensemble des dépens.

Fait à Luxembourg, le 2 juin 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

N. J. Forwood


1: Langue de procédure: l'anglais.