Language of document : ECLI:EU:T:2016:343

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

9 juin 2016 (*)

« Dumping – Importations de bioéthanol originaire des États-Unis – Droit antidumping définitif – Recours en annulation – Affectation directe – Recevabilité – Droit antidumping à l’échelle nationale – Traitement individuel – Échantillonnage »

Dans l’affaire T‑277/13,

Marquis Energy LLC, établie à Hennepin, Illinois (États-Unis), représentée initialement par Me P. Vander Schueren, avocat, puis par Mes Vander Schueren et M. Peristeraki, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Boelaert, en qualité d’agent, assistée initialement de Me G. Berrisch, avocat, et de M. B. Byrne, solicitor, puis de Mes R. Bierwagen et C. Hipp, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. M. França et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

et par

ePURE, de Europese Producenten Unie van Hernieuwbare Ethanol, représentée par Mes O. Prost et A. Massot, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle du règlement d’exécution (UE) n° 157/2013 du Conseil, du 18 février 2013, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bioéthanol originaire des États-Unis d’Amérique (JO L 49, p. 10), dans la mesure où il concerne la requérante,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 21 mai 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Marquis Energy LLC, est une entreprise américaine productrice de bioéthanol.

2        À la suite d’une plainte déposée par ePURE, de Europese Producenten Unie van Hernieuwbare Ethanol (association européenne des producteurs d’éthanol renouvelable, ci-après « ePure »), la Commission européenne a ouvert une procédure antidumping concernant les importations dans l’Union européenne de bioéthanol originaire des États-Unis au titre de l’article 5 du règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, ci-après le « règlement de base »).

3        Par l’avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de bioéthanol originaire des États-Unis d’Amérique (JO 2011, C 345, p. 7), la Commission a signalé que, en raison du nombre élevé de producteurs-exportateurs aux États-Unis ainsi que de producteurs de l’Union, elle avait l’intention de recourir à un échantillonnage tant des premiers que des seconds, conformément à l’article 17 du règlement de base.

4        Le 16 janvier 2012, la Commission a notifié par courrier à la requérante ainsi qu’à Patriot Renewable Fuels LLC, à Plymouth Energy Company LLC, à POET LLC et à Platinum Ethanol LLC (ci-après les « producteurs échantillonnés ») qu’elles avaient été retenues dans l’échantillon des producteurs-exportateurs aux États-Unis. Par la suite, ces sociétés ont envoyé à la Commission leurs réponses respectives au questionnaire antidumping le 22 février 2012 et la Commission a effectué des visites de vérification dans les locaux de celles-ci.

5        Le 24 août 2012, la Commission a communiqué à la requérante le document d’information provisoire dans lequel elle a exposé les faits et considérations sur le fondement desquels elle a décidé de poursuivre l’enquête sans imposer de mesures provisoires (ci-après le « document d’information provisoire »). Aux points 45 à 47 dudit document, elle a notamment constaté qu’il n’était pas possible à ce stade d’apprécier si les exportations de bioéthanol originaire des États-Unis avaient été effectuées à des prix de dumping, au motif que les producteurs échantillonnés ne faisaient pas de distinction entre les ventes intérieures et les ventes à l’exportation et qu’ils effectuaient toutes leurs ventes vers des négociants/mélangeurs indépendants établis aux États-Unis, qui mélangeaient ensuite le bioéthanol à de l’essence et le revendaient. Par conséquent, les producteurs échantillonnés n’avaient aucune connaissance de la destination du produit et de son prix à l’exportation. Dès lors, la Commission a décidé de poursuivre l’enquête et de l’étendre de manière à couvrir les négociants/mélangeurs afin d’obtenir des données sur le prix à l’exportation ainsi qu’une image complète du marché du bioéthanol (point 50 dudit document).

6        Le 24 septembre 2012, la requérante a déposé ses observations sur le document d’information provisoire.

7        Le 6 décembre 2012, la Commission a envoyé à la requérante le document d’information définitif, dans lequel elle examinait, sur la base des données des négociants/mélangeurs indépendants, l’existence d’un dumping qui causerait un préjudice à l’industrie de l’Union (ci-après le « document d’information définitif »). Elle a donc envisagé d’imposer des mesures définitives, à un taux de 9,6 % à l’échelle nationale, pour une période de trois ans.

8        La requérante a déposé ses observations sur ce document le 17 décembre 2012.

9        Par courrier du 21 décembre 2012, la Commission a communiqué un document d’information supplémentaire, d’une part, envisageant de faire passer, en substance, la période de validité de la mesure antidumping définitive de trois à cinq ans et, d’autre part, invitant la requérante à fournir des observations écrites sur cette modification ainsi que sur le document d’information définitif jusqu’au 2 janvier 2013 au plus tard.

10      Le 2 janvier 2013, la requérante a déposé ses observations sur ce document.

11      Par lettre du 1er février 2013, la Commission a répondu aux observations de la requérante relatives au document d’information définitif.

12      Le 18 février 2013, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 157/2013 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bioéthanol originaire des États-Unis d’Amérique (JO L 49, p. 10, ci-après le « règlement attaqué »), par lequel il a institué un droit antidumping sur le bioéthanol, appelé « éthanol-carburant », c’est-à-dire de l’alcool éthylique obtenu à partir de produits agricoles, dénaturé ou non dénaturé, à l’exclusion des produits d’une teneur en eau supérieure à 0,3 % (m/m) mesurée conformément à la norme EN 15376, mais incluant de l’alcool éthylique obtenu à partir de produits agricoles et mélangé à l’essence dans une proportion supérieure à 10 % (v/v), destiné à être utilisé comme carburant, originaire des États-Unis et relevant actuellement des codes NC ex 2207 10 00, ex 2207 20 00, ex 2208 90 99, ex 2710 12 21, ex 2710 12 25, ex 2710 12 31, ex 2710 12 41, ex 2710 12 45, ex 2710 12 49, ex 2710 12 51, ex 2710 12 59, ex 2710 12 70, ex 2710 12 90, ex 3814 00 10, ex 3814 00 90, ex 3820 00 00 et ex 3824 90 97 (codes TARIC 2207100012, 2207200012, 2208909912, 2710122111, 2710122592, 2710123111, 2710124111, 2710124511, 2710124911, 2710125111, 2710125911, 2710127011, 2710129011, 3814001011, 3814009071, 3820000011 et 3824909767), à un taux de 9,5 % à l’échelle nationale, défini sous la forme d’un montant fixe de 62,30 euros par tonne nette, applicable au prorata de la teneur totale, en poids, de la teneur en bioéthanol, pour une période de cinq ans.

13      S’agissant de l’échantillonnage des producteurs-exportateurs aux États-Unis, le Conseil a constaté, aux considérants 12 à 16 du règlement attaqué, que l’enquête avait montré qu’aucun des producteurs échantillonnés mentionnés au point 4 ci-dessus n’avait exporté de bioéthanol sur le marché de l’Union. En fait, leurs ventes avaient été effectuées sur le marché intérieur à des négociants/mélangeurs indépendants qui mélangeaient ensuite le bioéthanol à de l’essence en vue de la revente sur le marché intérieur et à l’exportation, en particulier vers l’Union. Ces producteurs n’auraient pas su nécessairement si leur production était destinée au marché de l’Union et n’auraient eu aucune connaissance des prix de vente pratiqués par les négociants/mélangeurs. Cela signifierait que les producteurs américains de bioéthanol ne seraient pas les exportateurs du produit concerné vers l’Union. Les exportateurs seraient en fait les négociants/mélangeurs. Afin de mener à bien l’enquête relative au dumping, le Conseil s’est appuyé sur les données des deux négociants/mélangeurs qui ont accepté de coopérer à l’enquête.

14      Concernant la constatation d’un dumping, le Conseil a expliqué, aux considérants 62 à 64 du règlement attaqué, qu’il jugeait opportun d’établir une marge de dumping à l’échelle nationale. Même si certains producteurs avaient affirmé qu’il était possible d’identifier leurs produits et de reconstituer leur parcours lorsqu’ils étaient vendus à des opérateurs aux États-Unis en vue de l’exportation, ils n’auraient pas été en mesure d’établir le lien entre leurs ventes sur le marché des États-Unis et les exportations vers l’Union réalisées par d’autres opérateurs et ils n’auraient pas eu connaissance du niveau des prix à l’exportation vers l’Union. Selon le Conseil, la structure de l’industrie du bioéthanol et la manière dont le produit concerné était fabriqué et vendu sur le marché des États-Unis et exporté vers l’Union rendaient irréalisable l’établissement de marges de dumping individuelles pour les producteurs des États-Unis.

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête, déposée au greffe du Tribunal le 15 mai 2013, la requérante a introduit le présent recours.

 Sur la demande de jonction avec l’affaire T‑276/13, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 juin 2013, la requérante a demandé la jonction de la présente affaire avec l’affaire T‑276/13, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil. Dans ses observations, le Conseil a demandé au Tribunal de surseoir à statuer sur une éventuelle jonction des deux affaires jusqu’à la clôture de la phase écrite de la procédure et jusqu’à ce qu’il ait examiné les arguments des parties sur la recevabilité.

17      Le 31 juillet 2013, le président de la cinquième chambre du Tribunal a décidé de ne pas joindre la présente affaire avec l’affaire T‑276/13, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil.

 Sur les interventions

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2013, la Commission a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. La requérante et le Conseil n’ont pas soulevé d’objections à l’encontre de cette intervention.

19      Par acte déposé le 20 septembre 2013, ePure a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. La requérante et le Conseil n’ont pas soulevé d’objections à l’encontre de cette intervention.

20      Par ordonnances du 4 février 2014, le président de la cinquième chambre du Tribunal a fait droit aux demandes d’intervention.

21      Le 18 avril 2014, la Commission et ePure ont déposé leurs mémoires en intervention.

 Sur les mesures d’organisation de la procédure et sur la phase orale de la procédure

22      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure du 2 mai 1991, a posé des questions écrites au Conseil et à la requérante. Les parties ont répondu aux questions écrites dans le délai imparti.

23      Toutefois, le Conseil a informé le Tribunal par lettre du 29 avril 2015 qu’il considérait que certaines informations nécessaires pour répondre auxdites questions étaient confidentielles, invitant le Tribunal à adopter des mesures d’instruction pour qu’il puisse « fournir ces documents » en demandant leur traitement confidentiel.

24      Par lettre du 19 mai 2015, la requérante a formulé trois demandes au Tribunal, consistant, premièrement, à adopter des mesures d’instruction en ordonnant au Conseil de fournir lesdits documents, deuxièmement, à retirer la section (i) 1 de la réponse du Conseil aux questions écrites du Tribunal ou, alternativement, à lui permettre de fournir des observations écrites et, troisièmement, à lui accorder la possibilité de fournir des observations par écrit afin de rectifier les fautes factuelles commises dans la réponse du Conseil.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 mai 2015. Lors de celle-ci, la requérante a partiellement renoncé à sa demande du 19 mai 2015 en retirant, notamment, ses deuxième et troisième demandes exposées au point 24 ci-dessus, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal d’audience.

26      À la fin de l’audience, le président de la cinquième chambre du Tribunal a reporté la clôture de la phase orale de la procédure à une date ultérieure.

27      Le Tribunal n’ayant pas estimé nécessaire d’ordonner la mesure d’instruction susmentionnée, les parties ont été informées, par lettre du 17 décembre 2015, que la phase orale de la procédure avait été close à la même date.

 Sur les demandes de traitement confidentiel

28      Par acte déposé le 22 novembre 2013, la requérante a demandé le traitement confidentiel, à l’égard d’ePure, de certaines pièces annexées à la requête ainsi que de certaines pièces annexées à la réplique.

29      Par acte déposé le 21 mai 2014, la requérante a demandé le traitement confidentiel, à l’égard d’ePure, de certaines parties du mémoire en intervention de la Commission.

30      Par acte déposé le 8 mai 2015, le Conseil a demandé le traitement confidentiel, à l’égard d’ePure, de certaines parties de sa réponse aux questions posées par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.

31      Par acte déposé le 15 mai 2015, la requérante a demandé le traitement confidentiel, à l’égard d’ePure, de certaines parties de la réponse du Conseil aux questions posées par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.

32      ePure a reçu seulement des versions non confidentielles desdites pièces et n’a soulevé aucune objection à l’encontre des demandes de traitement confidentiel formulées à son égard.

 Sur les conclusions des parties

33      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué en ce qu’il l’affecte ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

34      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

35      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

36      ePure conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les moyens soulevés par la requérante ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

37      Au soutien de son recours, la requérante invoque dix moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 8, de l’article 9, paragraphe 5, et de l’article 18, paragraphes 1, 3 et 4, du règlement de base, d’une violation des principes de sécurité juridique, de confiance légitime et de bonne administration ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits et d’une violation de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base. Le troisième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe de non-discrimination ainsi que de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base. Le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation. Le cinquième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’article 1er, paragraphe 4, de l’article 3, paragraphes 1 à 3 et 5 à 7, et de l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base. Le sixième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement de base. Le septième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne le lien de causalité. Le huitième moyen est tiré d’une violation de l’article 9, paragraphe 2, du règlement de base et du principe de proportionnalité. Le neuvième moyen est tiré d’une violation de l’article 5, paragraphes 2 et 3, du règlement de base et des principes de bonne administration et de non-discrimination. Enfin, le dixième moyen est tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 7, de l’article 19, paragraphes 1 et 2, de l’article 20, paragraphes 2, 4 et 5, du règlement de base, des droits de la défense et des principes de non-discrimination et de bonne administration ainsi que d’une absence de motivation suffisante.

38      Dans ce contexte, il convient de relever que, dans ses écritures, la requérante soulève une série d’arguments qui, tout en visant à établir l’illégalité du règlement attaqué, renvoient toutefois aux violations de droit commises par la « Commission ». À titre d’exemple, les premier à cinquième, septième et neuvième moyens tels que résumés au point 2 de la requête reposent sur le constat des diverses violations du règlement de base commises par la « Commission ». Force est de constater, à cet égard, que la référence aux violations découlant du règlement attaqué et commises par la « Commission » plutôt que par le « Conseil » constitue une erreur de plume dans les écritures de la requérante. En effet, d’une part, il ressort sans ambiguïté de la lecture des écritures de la requérante que son argumentation vise à obtenir l’annulation du règlement attaqué en raison des violations commises par le Conseil. D’autre part, il importe de relever que la réponse que le Conseil et la Commission ont apportée à ces arguments montre qu’ils ont considéré que la requérante faisait en réalité référence à des violations commises par le Conseil. Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner ces arguments de la requérante dans le sens susmentionné, également retenu par le Conseil et la Commission.

39      Le Conseil, soutenu par la Commission et ePure, sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, fait valoir que le recours est irrecevable. Il estime que la requérante n’a pas qualité pour agir, au motif que, selon lui, les conditions prévues par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne sont pas remplies. En outre, la Commission fait valoir que la requérante n’a pas d’intérêt à agir.

 Sur la recevabilité

40      Il y a lieu d’examiner, d’une part, la qualité pour agir de la requérante et, d’autre part, son intérêt à agir en l’espèce.

 Sur la qualité pour agir

41      Il convient de rappeler que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE vise trois hypothèses dans lesquelles toute personne physique ou morale peut introduire un recours en annulation. Dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, elle peut, premièrement, former un recours contre les actes dont elle est le destinataire. Deuxièmement, elle peut former un recours contre les actes qui la concernent directement et individuellement, ainsi que, troisièmement, contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

42      Il y a lieu de relever que le critère de l’affectation directe est identique dans les deuxième et troisième hypothèses visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (ordonnance du 13 mars 2015, European Coalition to End Animal Experiments/ECHA, T‑673/13, Rec, EU:T:2015:167, point 67).

43      En l’espèce, il est constant que la requérante n’est pas destinataire du règlement attaqué. Dès lors, il convient d’examiner la question de savoir si elle peut former un recours en annulation contre le règlement attaqué en vertu des deuxième ou troisième hypothèses visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

44      S’agissant de la notion d’affectation directe prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il y a lieu de constater que celle-ci requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir, d’une part, que l’acte dont la requérante poursuit l’annulation produise directement des effets sur sa situation juridique et, d’autre part, que cet acte ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation du droit de l’Union sans l’application d’autres règles intermédiaires (ordonnance du 24 septembre 2009, Município de Gondomar/Commission, C‑501/08 P, EU:C:2009:580, point 25, et arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, Rec, EU:C:2011:656, point 66).

45      En ce qui concerne la notion d’affectation individuelle prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il est de jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec, EU:C:1963:17, p. 223, et du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec, EU:C:2005:761, point 33).

46      S’agissant du domaine de la défense contre les pratiques de dumping, premièrement, il ressort d’une jurisprudence constante que les actes portant institution de droits antidumping sont de nature à concerner directement et individuellement celles des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu’elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (arrêts du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, Rec, EU:C:1984:68, point 12, et du 23 mai 1985, Allied Corporation e.a./Conseil, 53/83, Rec, EU:C:1985:227, point 4).

47      Deuxièmement, les importateurs du produit concerné dont les prix de revente ont été pris en compte pour la construction des prix à l’exportation et qui sont, dès lors, concernés par les constatations relatives à l’existence d’une pratique de dumping sont directement et individuellement concernés par des règlements instituant des droits antidumping (arrêts du 14 mars 1990, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C‑133/87 et C‑150/87, Rec, EU:C:1990:115, point 15, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, Rec, EU:C:1990:116, point 18). Il en va de même pour ceux des importateurs associés avec des exportateurs de pays tiers dont les produits sont frappés de droits antidumping notamment dans le cas où le prix à l’exportation a été calculé à partir des prix de revente sur le marché de l’Union pratiqués par ces importateurs et dans le cas où le droit antidumping lui-même est calculé en fonction de ces prix de revente (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C‑305/86 et C‑160/87, Rec, EU:C:1990:295, points 19 et 20).

48      Troisièmement, la Cour a jugé qu’un fabricant d’équipements d’origine, sans qu’il y eût lieu de le qualifier d’importateur ou d’exportateur, était directement et individuellement concerné par les dispositions du règlement relatives aux pratiques de dumping du producteur auprès duquel il achetait les produits en raison des particularités de ses relations commerciales avec ce producteur. En effet, la Cour a considéré que c’était pour tenir compte de ces particularités que le Conseil avait fixé un certain taux de marge bénéficiaire dans le cadre de la construction de la valeur normale, laquelle avait ensuite été prise en compte dans le calcul de la marge de dumping sur la base de laquelle le droit antidumping avait été fixé, de sorte que le fabricant d’équipements d’origine était concerné par les constatations relatives à l’existence de la pratique de dumping incriminée (voir, en ce sens, arrêts Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, point 47 supra, EU:C:1990:115, points 17 à 20, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, point 47 supra, EU:C:1990:116, points 20 à 23).

49      Quatrièmement, la jurisprudence a retenu la qualité pour agir d’un producteur de l’Union dès lors que le règlement instituant un droit antidumping était fondé sur la situation individuelle de ce producteur, principal fabricant du produit concerné dans l’Union. Pour parvenir à ce constat, la Cour a retenu que les griefs présentés par ledit producteur étaient à l’origine de la plainte ayant donné lieu à l’ouverture de la procédure d’enquête, qu’il avait été entendu en ses observations au cours de cette procédure, dont le déroulement avait été largement déterminé par lesdites observations, et que le droit antidumping avait été établi en fonction des conséquences que le dumping constaté avait entraînées pour lui (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, Rec, EU:C:1985:119, points 14 et 15).

50      Cinquièmement, la Cour a également jugé que la reconnaissance du droit de certaines catégories d’opérateurs économiques d’introduire un recours en annulation d’un règlement antidumping ne saurait empêcher que d’autres opérateurs puissent également être individuellement concernés par un tel règlement, en raison de certaines qualités qui leur sont particulières et qui les caractérisent par rapport à toute autre personne. Partant, elle a jugé recevable le recours introduit par la partie requérante dans ladite affaire, au motif qu’elle était l’importateur le plus important du produit faisant l’objet de la mesure antidumping, l’utilisateur final de ce produit et que ses activités économiques dépendaient, dans une très large mesure, de ces importations et étaient sérieusement affectées par le règlement litigieux (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, Rec, EU:C:1991:214, points 16 à 18).

51      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la qualité pour agir de la requérante en l’espèce.

52      Le Conseil, soutenu par la Commission, estime que la requérante n’est pas individuellement concernée par le règlement attaqué et n’a, par conséquent, pas qualité pour agir en l’espèce. D’ailleurs, la Commission conteste l’affectation directe de la requérante.

53      La requérante conteste cette argumentation.

54      Afin de déterminer si la requérante a qualité pour agir contre le règlement attaqué, il y a lieu d’examiner si elle est directement et individuellement concernée par celui-ci au sens de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

–       Sur l’affectation directe

55      En ce qui concerne la question de savoir si la requérante a directement été affectée par le règlement attaqué, il y a lieu de constater qu’une société, dont les produits sont frappés d’un droit antidumping, est directement concernée par un règlement instituant ce droit antidumping, car ce dernier oblige les autorités douanières des États membres à percevoir le droit institué sans leur laisser une quelconque marge d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, Rec, EU:T:1997:134, point 41 et jurisprudence citée, et du 19 novembre 1998, Champion Stationery e.a./Conseil, T‑147/97, Rec, EU:T:1998:266, point 31).

56      En l’espèce, premièrement, force est de relever que, au lieu d’imposer un droit individuel à chaque fournisseur du produit en question, l’article 1er, paragraphe 1, du règlement attaqué impose un droit antidumping unique à toutes les importations de bioéthanol dans son état pur, c’est-à-dire de l’alcool éthylique obtenu à partir de produits agricoles, ainsi que de bioéthanol mélangé à l’essence dans une proportion supérieure à 10 % (v/v), au niveau du pays fournisseur, à savoir les États-Unis. Plus spécifiquement, il impose un droit antidumping à l’échelle nationale à un taux de 62,30 euros par tonne nette, applicable au prorata de la teneur totale, en poids, de bioéthanol. Dès lors, il importe de constater que le règlement attaqué n’identifie pas les importations de bioéthanol par leur source individuelle en indiquant les opérateurs pertinents pour l’exportation dans la chaîne commerciale.

57      Deuxièmement, le Conseil relève, au considérant 12 du règlement attaqué ainsi que dans le mémoire en défense, que, puisqu’aucun des cinq producteurs échantillonnés n’a exporté lui-même de bioéthanol sur le marché de l’Union, les ventes de ceux-ci ont été effectuées sur le marché intérieur à des négociants/mélangeurs indépendants qui ont mélangé ensuite le bioéthanol à de l’essence afin de le revendre sur le marché intérieur et à l’exportation, en particulier vers l’Union.

58      Troisièmement, le Conseil relève, au même considérant 12 du règlement attaqué, que les cinq producteurs américains inclus dans l’échantillon ont « fait état d’exportations de bioéthanol vers l’Union dans leur formulaire d’échantillonnage ».

59      Quatrièmement, aux considérants 10 et 11 du règlement attaqué, le Conseil indique que, lors de la procédure administrative antidumping, la Commission a retenu un échantillon de six producteurs de bioéthanol aux États-Unis sur la base du plus grand volume représentatif d’exportations de bioéthanol vers l’Union sur lequel l’enquête pouvait raisonnablement porter, compte tenu du temps disponible. Une société a été retirée de l’échantillon, au cours de l’enquête, du fait qu’il a été constaté que sa production n’avait pas été exportée vers l’Union au cours de la période d’enquête, c’est-à-dire la période allant du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011, tandis que les cinq autres producteurs échantillonnés étaient restés dans l’échantillon.

60      Il ressort donc des constatations exposées aux points 55 à 59 ci-dessus, relatives au fonctionnement du marché du bioéthanol tel qu’établi par le Conseil, que ce dernier a considéré lui-même, dans le règlement attaqué, qu’un volume important de bioéthanol provenant de la requérante avait été exporté de façon régulière vers l’Union pendant la période d’enquête.

61      Le constat opéré au point 60 ci-dessus est par ailleurs confirmé par les appréciations du Conseil et de la Commission formulées au cours de la procédure antidumping ainsi que dans leurs plaidoiries écrites et orales.

62      En effet, tout d’abord, il y a lieu de relever que le Conseil a constaté, dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, qu’il « sembl[ait] très probable » que le bioéthanol, répondant aux spécifications de standards européens (ci-après les « spécifications EN »), vendu à l’Union par les deux négociants/mélangeurs qui coopéraient avec la Commission lors de l’enquête « cont[enait] du bioéthanol produit par [confidentiel](1) ».

63      Ensuite, ce constat est également confirmé par d’autres éléments dans le dossier devant le Tribunal. En effet, la Commission a confirmé lors de l’enquête, dans son courrier du 30 janvier 2013 adressé à l’association Growth Energy qui figure à l’annexe A.13 de la requête, que les huit négociants/mélangeurs qu’elle avait identifiés, qui vendaient le bioéthanol produit par les producteurs échantillonnés, représentaient plus de 90 % de la totalité des exportations de bioéthanol vers l’Union lors de la période d’enquête.

64      De plus, dans la réponse aux questions écrites du Tribunal, le Conseil a fourni des chiffres pour les ventes globales et celles qui répondaient aux spécifications EN, obtenues pendant la période d’enquête par les huit négociants/mélangeurs, interrogés par voie de questionnaire au cours de l’enquête, auprès de la requérante. Une partie significative des ventes globales de la requérante aux huit négociants/mélangeurs enquêtés répondaient aux spécifications EN. De plus, les quantités totales, qui répondaient aux spécifications EN, obtenues pendant la période d’enquête par les huit négociants/mélangeurs enquêtés auprès des cinq producteurs américains inclus dans l’échantillon correspondent à plus de [confidentiel] des importations de bioéthanol en provenance des États-Unis desdits négociants/mélangeurs pendant la même période.

65      Enfin, le Conseil admet dans la défense que les négociants/mélangeurs ayant coopéré se procuraient le bioéthanol auprès de divers producteurs, le mélangeaient et le vendaient à l’exportation. Selon lui, il n’était donc plus possible d’identifier le producteur au moment de l’exportation vers l’Union ni de reconstituer le parcours de tous les achats individuellement et de comparer les valeurs normales avec les prix à l’exportation correspondants.

66      Il résulte de ces considérations qu’il a été établi de façon suffisante que les volumes très considérables de bioéthanol qui ont été achetés pendant la période d’enquête par les huit négociants/mélangeurs enquêtés auprès des cinq producteurs américains de bioéthanol échantillonnés, dont la requérante, ont été en grande partie exportés vers l’Union. Le Conseil n’a apporté aucune information qui contredirait ou pourrait infirmer ce constat.

67      Partant, il y a lieu de constater que la requérante est directement concernée, au sens de la jurisprudence citée aux points 44 et 55 ci-dessus, par le droit antidumping institué dans le règlement attaqué, au motif qu’elle était un producteur du produit qui, lors de son importation dans l’Union depuis l’entrée en vigueur du règlement attaqué, était frappé par le droit antidumping.

68      Ce constat ne saurait être infirmé par les autres arguments du Conseil et de la Commission.

69      Premièrement, la Commission estime que la requérante ne serait pas directement concernée par le règlement attaqué au motif que ce dernier ne lui reprocherait pas de mettre en œuvre des pratiques de dumping et que ses ventes directes ne seraient pas soumises aux droits antidumping. Selon elle, le règlement attaqué n’aurait pas d’effets juridiques sur la requérante et ne pourrait avoir que des effets indirects sur celle-ci du fait qu’elle vendait du bioéthanol à des tiers, susceptibles, quant à eux, d’exporter une partie de ce bioéthanol dans l’Union.

70      Il convient de relever que, contrairement à ce que l’argumentation de la Commission implique, il n’y a pas lieu d’exclure à titre de principe le fait que les producteurs échantillonnés, à la différence des exportateurs, soient en droit d’introduire un recours contre le règlement attaqué. En effet, comme il ressort de la jurisprudence citée aux points 44, 46 et 55 ci-dessus, l’affectation directe d’un opérateur en vertu d’un règlement imposant des droits antidumping ne dépend pas de son statut de producteur ou d’exportateur.

71      De plus, il convient de rappeler que les règles antidumping visent à assurer la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping. D’une part, selon l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base, un droit antidumping peut être appliqué à tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice. D’autre part, selon la jurisprudence, les procédures antidumping concernent en principe toutes les importations d’une certaine catégorie de produits à partir d’un pays tiers et non les importations des produits d’entreprises déterminées (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 1993, Rima Eletrometalurgia/Conseil, C‑216/91, Rec, EU:C:1993:912, point 17). Pour l’examen de l’affectation directe, il n’est donc pas pertinent de savoir à qui les institutions « reprochent » de mettre en œuvre les pratiques de dumping en question.

72      Il découle de ce qui précède que, étant donné que les droits antidumping sont liés aux produits exportés, un producteur, même s’il n’a pas la qualité d’exportateur desdits produits, peut se trouver substantiellement affecté par l’imposition de tels droits antidumping sur le produit concerné importé dans l’Union.

73      À cet égard, il importe de souligner que, en l’espèce, il est constant que la requérante produisait le bioéthanol dans son état pur lors de la période d’enquête et que ce sont ses produits que les négociants/mélangeurs mélangeaient avec de l’essence et exportaient vers l’Union.

74      Il découle des considérations mentionnées aux points 70 à 73 ci-dessus que les circonstances relevées par la Commission, selon lesquelles le règlement attaqué ne « reproch[ait] » pas à la requérante de mettre en œuvre des pratiques de dumping, selon lesquelles ses ventes directes n’étaient pas soumises aux droits antidumping et selon lesquelles, en substance, elle n’était pas un exportateur, ne permettent pas d’écarter, à titre de principe, le fait qu’elle ait été directement affectée par l’adoption du règlement attaqué en sa qualité de producteur échantillonné.

75      Deuxièmement, la Commission fait valoir que le règlement attaqué n’a pas d’effets juridiques sur la requérante et ne peut avoir que des effets indirects sur celle-ci du fait qu’elle vendait du bioéthanol à des tiers, susceptibles, quant à eux, d’exporter une partie de ce bioéthanol dans l’Union.

76      À cet égard, même à supposer que les négociants/mélangeurs supportent le droit antidumping et qu’il soit avéré que la chaîne commerciale du bioéthanol soit interrompue de façon qu’ils ne soient pas en mesure de répercuter le droit antidumping sur les producteurs, il y a néanmoins lieu de rappeler que l’institution d’un droit antidumping change les conditions légales sous lesquelles la commercialisation du bioéthanol produit par les producteurs échantillonnés aura lieu sur le marché de l’Union. Dès lors, la position légale des producteurs en question sur le marché de l’Union sera, en tout état de cause, directement et substantiellement affectée.

77      Pour le même motif, il y a donc lieu de constater que c’est également à tort que la Commission conteste le fait qu’une entreprise de la chaîne commerciale autre que ce dernier exportateur, dont il est constaté qu’il se livre au dumping, puisse contester un droit antidumping « qui vise la pratique de dumping de l’exportateur et non celle des entreprises de la chaîne d’approvisionnement ».

78      Troisièmement, la Commission estime que le règlement attaqué n’a que des effets indirects sur la requérante du fait que le droit antidumping affecterait directement la transaction entre le négociant/mélangeur et l’importateur. À cet égard, il convient de relever que la structure des arrangements contractuels entre des opérateurs économiques au sein de la chaîne commerciale du bioéthanol n’a aucune incidence sur la question de savoir si un producteur de bioéthanol est directement concerné par le règlement attaqué. En effet, d’une part, une conclusion contraire reviendrait à considérer que seul un producteur qui vend directement son produit à l’importateur dans l’Union peut être directement concerné par un règlement instituant un droit antidumping sur des produits issus de sa production, ce qui ne ressort nullement du règlement de base. D’autre part, une telle approche aurait pour effet de restreindre la protection juridique des producteurs des produits frappés par des droits antidumping en fonction de la seule structure commerciale des exportations du producteur en question.

79      Dans ce contexte, il convient de relever que, comme il ressort de la jurisprudence exposée au point 46 ci-dessus, le fait qu’un producteur sache exactement quelles marchandises issues de sa production sont exportées vers l’Union est sans incidence sur la question de savoir s’il est directement affecté par le règlement attaqué.

80      Il découle de l’examen effectué aux points 70 à 79 ci-dessus que les arguments de la Commission selon lesquels la requérante n’est pas directement concernée par le règlement attaqué doivent être rejetés.

–       Sur l’affectation individuelle

81      S’agissant de la question de savoir si la requérante a été individuellement concernée par le règlement attaqué, il convient de rappeler que, ainsi que cela a été constaté au point 46 ci-dessus, les actes portant institution de droits antidumping sont de nature à concerner individuellement celles des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu’elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires.

82      Certes, les parties sont en désaccord quant à la question de savoir si la requérante a la qualité d’exportateur du produit issu de sa production en l’espèce.

83      Or, il y a lieu de noter que, selon la jurisprudence exposée au point 50 ci-dessus, il n’est pas exclu qu’un opérateur tel que la requérante puisse également être individuellement concerné par un règlement instituant un droit antidumping, en raison de certaines qualités qui lui sont particulières et qui le caractérisent par rapport à toute autre personne. Si la requérante met en cause le bien-fondé de la décision instituant un droit antidumping en tant que telle, elle doit démontrer qu’elle dispose d’un statut particulier au sens de l’arrêt Plaumann/Commission, point 45 supra (EU:C:1963:17, p. 223) (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 45 supra, EU:C:2005:761, point 37).

84      À cet égard, il y a lieu de constater que, même à supposer qu’il s’agisse d’un producteur du produit qui est frappé par un droit antidumping, mais qui n’est aucunement impliqué dans l’exportation de celui-ci, il en serait certainement ainsi au cas où, premièrement, il pourrait démontrer qu’il avait été identifié dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concerné par les enquêtes préparatoires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Allied Corporation e.a./Commission, point 46 supra, EU:C:1984:68, point 12) et, deuxièmement, sa position sur le marché serait substantiellement affectée par le droit antidumping faisant l’objet du règlement attaqué (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 45 supra, EU:C:2005:761, point 37).

85      En l’espèce, s’agissant de la participation de la requérante à la procédure administrative, tout d’abord, il convient de relever qu’elle a déposé en tant que producteur américain de bioéthanol un formulaire d’échantillonnage en réponse à l’avis d’ouverture de la Commission (voir point 3 ci-dessus). Elle a été incluse dans l’échantillon et en est restée membre tout au long de l’enquête.

86      Ensuite, force est de constater que la requérante a participé à l’enquête préparatoire. En tant que producteur échantillonné, elle a notamment coopéré à l’enquête en fournissant des réponses au questionnaire de la Commission et en accueillant ses services dans ses locaux pour qu’ils effectuent une visite de vérification.

87      De plus, ses données ont été utilisées pour le calcul de la valeur normale au stade du document d’information provisoire.

88      Enfin, la requérante a fait connaître à la Commission ses observations sur les documents d’information provisoire, définitif et supplémentaire et a assisté à une audition du conseiller-auditeur.

89      Partant, il y a lieu de constater que la requérante était intensivement engagée dans l’enquête préparatoire. Elle a été, tant de son propre point de vue que de celui de la Commission, une partie participant à l’enquête préparatoire et sa position a été examinée par la Commission dans le cadre de la procédure menant à l’institution du droit antidumping.

90      Par ailleurs, s’agissant de la question de savoir si la position de la requérante sur le marché était substantiellement affectée par le droit antidumping faisant l’objet du règlement attaqué, il a déjà été exposé aux points 56 à 62 ci-dessus que des volumes très considérables de bioéthanol qui ont été achetés pendant la période d’enquête par les huit négociants/mélangeurs enquêtés auprès de la requérante ont été en grande partie exportés vers l’Union et que le bioéthanol produit par elle est, depuis l’entrée en vigueur du règlement attaqué, frappé par le droit antidumping imposé par ce dernier lors de son importation dans l’Union. En effet, il n’est pas contesté que ce sont les producteurs échantillonnés qui ont produit le bioéthanol exporté vers l’Union lors de la période de l’enquête et non pas des négociants/mélangeurs qui le mélangeaient avec de l’essence et l’exportaient vers l’Union. Sur ce point, il y a lieu de faire observer que ces derniers ne sont pas définis comme des producteurs du produit concerné dans le règlement attaqué. D’ailleurs, le Conseil admet, dans le mémoire en défense, que la requérante a été identifiée en tant que producteur dans le règlement attaqué et que ses données ont été examinées lors de l’enquête.

91      Il ressort de ces constatations que la requérante a été concernée par les enquêtes préparatoires du fait qu’elle a intensivement participé à celles-ci et qu’elle a été substantiellement affectée par le droit antidumping faisant l’objet du règlement attaqué.

92      Il découle des considérations exposées aux points 81 à 91 ci-dessus qu’il y a lieu de conclure que la requérante est individuellement concernée par le règlement attaqué aux termes de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

93      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments soulevés par le Conseil et par la Commission.

94      Premièrement, le Conseil, soutenu par la Commission, considère que la requérante n’est pas individuellement concernée par le règlement attaqué du fait que, même si elle a été identifiée comme producteur dans le règlement attaqué, le dumping était pratiqué par les négociants/mélangeurs et imputé à ces derniers.

95      Tout d’abord, il y a lieu de relever, d’emblée, que, comme cela a été constaté aux points 85 à 89 ci-dessus, la requérante a pleinement participé à l’enquête préparatoire et que sa position a été examinée par la Commission dans le cadre de la procédure menant à l’institution du droit antidumping. De plus, il a été expliqué, aux points 90 et 91 ci-dessus, que la position de la requérante sur le marché était substantiellement affectée par le droit antidumping faisant l’objet du règlement attaqué. Pour ces motifs, il y a lieu de considérer qu’elle est individuellement concernée par le règlement attaqué.

96      Ensuite, pour autant que la Commission ajoute qu’il n’était pas « reproché » à la requérante de mettre en œuvre des pratiques de dumping et que le règlement attaqué ne constituait pas une décision l’affectant en raison de son propre comportement, il convient de rappeler que ledit règlement institue un droit antidumping à l’échelle nationale sur l’importation vers l’Union de bioéthanol, y compris celui issu de la production de la requérante. La question de savoir qui exactement a mis en œuvre les pratiques de dumping en question n’est donc pas pertinente afin de déterminer si la requérante est individuellement concernée par le règlement attaqué. En effet, elle subit les conséquences de l’imputation des pratiques antidumping même si ces pratiques ne lui sont pas imputées.

97      Enfin, dans la mesure où le Conseil fait valoir que la requérante ne serait pas individuellement concernée, aux termes du point 45 de l’arrêt du 28 février 2002, BSC Footwear Supplies e.a./Conseil (T‑598/97, Rec, EU:T:2002:52), du fait qu’elle ne saurait être considérée comme un des producteurs ou exportateurs « auxquels sont imputées les pratiques de dumping », il importe de constater que l’imputation des pratiques de dumping à l’entreprise dont la qualité pour agir est examinée n’est pas une condition nécessaire afin de conclure à l’affectation individuelle de celle-ci. Selon la jurisprudence exposée au point 50 ci-dessus, la reconnaissance du droit de certaines catégories d’opérateurs économiques d’introduire un recours en annulation d’un règlement antidumping ne saurait empêcher que d’autres opérateurs puissent également être individuellement concernés par un tel règlement, en raison de certaines qualités qui leur sont particulières et qui les caractérisent par rapport à toute autre personne. À cet égard, il convient de relever que l’imputation de la pratique de dumping à un producteur ou à un exportateur est un élément susceptible d’individualiser celui-ci, mais n’est pas un prérequis pour ces opérateurs économiques. En effet, le juge de l’Union a reconnu l’affectation individuelle de tels opérateurs économiques sans se fonder sur le fait que les pratiques de dumping pouvaient leur être imputées (arrêts Allied Corporation e.a./Conseil, point 46 supra, EU:C:1985:227, point 4 ; Shanghai Bicycle/Conseil, point 55 supra, EU:T:1997:134, point 39, et Champion Stationery e.a./Conseil, point 55 supra, EU:T:1998:266, point 47).

98      Partant, l’argument du Conseil selon lequel la requérante n’est pas individuellement concernée, car elle ne saurait être considérée comme un des producteurs ou des exportateurs auxquels sont imputées les pratiques de dumping, sur la base de données relatives à son activité commerciale, ne saurait être accueilli. En effet, s’il en allait autrement, cela serait contraire au principe, tel qu’il ressort de la jurisprudence exposée aux points 46 à 50 ci-dessus, selon lequel il ne saurait être exclu que tant les importateurs que les producteurs de l’Union puissent avoir qualité pour agir.

99      Deuxièmement, le Conseil, soutenu par la Commission, estime que le facteur individualisant certaines entreprises par rapport aux autres entreprises dans la chaîne de valeur est le fait que le dumping a été établi sur la base des données fournies par celles-ci et concernant leurs activités commerciales. Le Conseil et la Commission renvoient à cet égard à la jurisprudence relative à l’affectation individuelle des importateurs liés. Plus spécifiquement, la Commission relève qu’il ressort de l’arrêt Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, point 47 supra (EU:C:1990:115), ainsi que de l’ordonnance du 7 mars 2014, FESI/Conseil (T‑134/10, EU:T:2014:143), que l’élément déterminant est de savoir si les institutions ont effectivement utilisé les données d’une manière qui individualise l’entreprise qui les a fournies.

100    À cet égard, il y a lieu de relever d’abord que la jurisprudence invoquée par la Commission n’est pas pertinente en l’espèce, du fait que la situation de la requérante n’est pas comparable à celle d’un importateur lié. La jurisprudence opère une distinction concernant les conditions dans lesquelles les producteurs et les exportateurs, d’une part, et les importateurs, d’autre part, seraient individuellement concernés par les règlements instituant des droits antidumping (arrêts Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, point 47 supra, EU:C:1990:115, points 14 et 15, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, point 47 supra, EU:C:1990:116, points 17 et 18).

101    En outre, contrairement à ce qu’affirme le Conseil, le fait qu’il ait décidé de ne pas utiliser les données fournies par les producteurs de bioéthanol échantillonnés pour calculer une marge de dumping individuelle à leur égard, ce qui est précisément contesté par la requérante sous son premier moyen, ne saurait exclure la recevabilité d’un recours introduit par un producteur échantillonné.

102    À cet égard, il y a lieu de relever que le Tribunal a constaté dans l’affaire Shanghai Bicycle/Conseil (EU:T:1997:134, point 55 supra, point 38), dans laquelle un droit antidumping unique a été imposé aux importations du produit concerné originaire de la République populaire de Chine, que la protection juridictionnelle d’entreprises individuellement concernées par un droit antidumping ne saurait être affectée par la seule circonstance que le droit en cause est unique et institué par référence à un État et non par référence à des entreprises individuelles. Pour le même motif, le fait que le droit antidumping imposé, en l’espèce, par le règlement attaqué est un droit antidumping unique, imposé à l’échelle nationale et non par référence aux producteurs échantillonnés, ne saurait faire obstacle à la protection juridictionnelle de la requérante.

103    D’une part, en effet, le seul recours par les institutions aux échantillons ne saurait constituer un motif valable pour rejeter la qualité pour agir des producteurs en dehors de l’échantillon, dont les données n’ont pas été utilisées par les institutions. Cela ressort notamment de l’arrêt du 11 juillet 1996, Sinochem Heilongjiang/Conseil (T‑161/94, Rec, EU:T:1996:101, points 47 et 48), dans lequel le Tribunal a constaté que le fait que la Commission ait décidé de ne pas retenir les informations fournies par un exportateur et portant sur le fond de l’affaire n’était pas de nature à remettre en cause la conclusion selon laquelle cet exportateur était concerné par les enquêtes préparatoires. Il en est donc, a fortiori, de même de la situation d’un producteur faisant partie d’un échantillon.

104    D’autre part, le fait de faire dépendre la recevabilité d’un recours introduit par un producteur ou un exportateur inclus dans l’échantillon de l’utilisation des données fournies par celui-ci reviendrait à soustraire, au gré du Conseil, l’application des dispositions du règlement de base aux producteurs, comme ceux de l’espèce, à tout contrôle direct par le Tribunal.

105    Partant, il convient de rejeter l’argument selon lequel le facteur individualisant certaines entreprises par rapport aux autres dans la chaîne de valeur est le fait que le dumping a été établi sur la base des données fournies par celles-ci.

106    Partant, il ressort des constatations faites aux points 94 à 105 ci-dessus que les arguments du Conseil et de la Commission, selon lesquels la requérante n’est pas individuellement concernée par le règlement attaqué, doivent être rejetés.

–       Sur l’existence de voies de recours alternatives

107    La Commission soutient que la requérante ne serait pas privée de voies de recours dans l’hypothèse où elle souhaiterait commencer à exporter du bioéthanol dans l’Union. D’une part, elle pourrait prévoir, dans ses contrats avec les importateurs, de prendre en charge les droits douaniers afin d’être en mesure de contester la dette douanière devant les juridictions des États membres. D’autre part, la requérante a également la possibilité de demander un réexamen au titre de nouvel exportateur, en vertu de l’article 11, paragraphe 4, du règlement de base. Selon la Commission, conformément à cette disposition, les nouveaux exportateurs dans le pays d’exportation en question, qui n’ont pas exporté le produit au cours de la période d’enquête sur laquelle les mesures ont été fondées, pourraient prétendre à l’ouverture d’un tel réexamen s’ils démontraient qu’ils avaient effectivement exporté dans l’Union à la suite de la période d’enquête ou s’ils étaient en mesure de démontrer qu’ils avaient souscrit une obligation contractuelle et irrévocable d’exportation d’une quantité importante de produits dans l’Union. Le droit en vigueur serait abrogé pour ces importations, qui sont soumises à enregistrement. Les institutions procéderaient à un réexamen accéléré, à l’issue duquel elles détermineraient l’existence ou non d’un dumping pour ce nouvel exportateur. Le cas échéant, elles percevraient le droit rétroactivement.

108    Tout d’abord, il convient de constater que la question de savoir si la requérante aurait d’autres voies de recours afin de faire valoir ses droits n’a aucune incidence pour l’examen de l’affectation directe et individuelle par rapport au règlement attaqué.

109    Ensuite, pour autant que, par cet argument, la Commission propose que le producteur ou l’exportateur vende les marchandises selon la condition d’exécution des contrats commerciaux (incoterm) dite « rendu droits acquittés » (RDA) afin d’avoir la possibilité de contester la communication de la dette douanière par les autorités nationales devant les juridictions nationales ou de concevoir une transaction commerciale avec un acheteur dans l’Union, dans l’unique objectif de pouvoir attaquer la dette douanière devant les juridictions nationales et éventuellement devant la Cour, il y a lieu de relever que, conformément aux considérations exposées aux points 46 à 50 et 84 ci-dessus, il n’existe pas une telle restriction à la recevabilité d’un recours en annulation introduit par des producteurs tels que la requérante. En effet, ainsi que cela a été relevé aux points 71 et 72 ci-dessus, les droits antidumping s’attachent au produit en question. Il s’ensuit que les liens contractuels entre un exportateur et un producteur n’ont aucune incidence quant à la question de savoir si les conditions prévues par ladite jurisprudence doivent être remplies ou non. Partant, il convient de rejeter cet argument de la Commission.

110    Enfin, pour autant que la Commission invoque la possibilité de demander un réexamen au titre de nouvel exportateur en vertu de l’article 11, paragraphe 4, du règlement de base, d’une part, force est de constater que le quatrième alinéa dudit paragraphe exclut expressément la possibilité d’un tel réexamen dans des situations dans lesquelles la Commission a recouru à la méthode d’échantillonnage. D’autre part, ledit paragraphe ne constitue pas, en tout état de cause, une voie de recours alternative appropriée pour un producteur qui remplit les conditions prévues par la jurisprudence exposée au point 46 ci-dessus. En effet, elle ne lui permet pas, par exemple, de remédier aux effets du droit antidumping sur sa production, dans la mesure où le producteur en question n’a pas commencé à exporter directement celle-ci vers l’Union. Cet argument doit, par conséquent, être rejeté.

111    Il découle de tout ce qui précède que la requérante a qualité pour introduire le présent recours en vertu de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

 Sur l’intérêt à agir

112    La Commission estime que la requérante n’a pas un intérêt né et actuel à l’annulation du règlement attaqué. Elle fait valoir que la requérante n’a pas contesté le fait qu’elle n’avait pas exporté de bioéthanol vers l’Union pendant la période d’enquête et qu’elle n’avait pas non plus établi avoir commencé à le faire à la date de la formation du recours. Ses ventes n’ont donc pas été soumises au droit antidumping institué par le règlement attaqué. Par voie de conséquence, l’annulation du règlement attaqué n’est pas susceptible d’avoir des conséquences juridiques pour la requérante.

113    La requérante conteste ces arguments.

114    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les conclusions du mémoire en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties principales. En outre, aux termes de l’article 142, paragraphe 3, du règlement de procédure, la partie intervenante accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention. Il en résulte que la Commission n’a pas qualité pour soulever une fin de non-recevoir, tirée du défaut d’intérêt à agir de la requérante, qui n’a pas été soulevée par le Conseil et que le Tribunal n’est dès lors pas tenu d’examiner le présent moyen d’irrecevabilité. Toutefois, s’agissant d’une fin de non-recevoir d’ordre public, il convient d’examiner d’office l’intérêt à agir de la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec, EU:C:1993:111, points 20 à 23).

115    Il convient de constater que l’intérêt à agir constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (arrêt du 10 avril 2013, GRP Security/Cour des comptes, T‑87/11, EU:T:2013:161, point 44) et doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. L’intérêt à agir doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée).

116    L’existence d’un intérêt à agir suppose que le recours est susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, Rec, EU:C:2012:471, point 46 et jurisprudence citée, et du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, Rec, EU:T:2009:72, point 43 et jurisprudence citée).

117    En l’espèce, il suffit de constater que, en substance, la Commission estime que le droit antidumping institué par le règlement attaqué ne frappe pas le bioéthanol issu de la production de la requérante au motif qu’il est exporté par les négociants/mélangeurs. Toutefois, il a déjà été constaté au point 67 ci-dessus que la requérante était un producteur du produit qui, lors de son importation dans l’Union, était frappé par le droit antidumping. Par conséquent, elle a un intérêt à agir en l’espèce, en ce que l’annulation du droit antidumping imposé par le règlement attaqué, qui frappe les importations dans l’Union du bioéthanol produit par elle, est susceptible de lui apporter un bénéfice.

118    Il y a donc lieu de rejeter les arguments de la Commission selon lesquels la requérante ne dispose pas d’un intérêt à introduire le présent recours.

 Sur le fond

119    Par son premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que, en refusant de calculer une marge de dumping individuelle et en établissant à sa place une marge de dumping à l’échelle nationale, le Conseil a violé plusieurs articles du règlement de base ainsi que les principes de sécurité juridique, de confiance légitime et de bonne administration.

120    Le premier moyen se divise en cinq branches. La première branche concerne une violation de l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base en ce qui concerne la détermination du prix à l’exportation. La deuxième branche concerne une violation de l’article 9, paragraphe 5, dudit règlement, qui définit l’obligation des institutions d’imposer des droits individuels pour chaque fournisseur. La troisième branche concerne une erreur manifeste d’appréciation des faits pertinents. La quatrième branche concerne de prétendues violations de l’article 18, paragraphes 1, 3 et 4, dudit règlement, respectivement, relatif au recours aux meilleures données disponibles, en ce que les institutions auraient recouru aux données fournies par les négociants/mélangeurs indépendants pour calculer une marge de dumping à l’échelle nationale. Enfin, la cinquième branche concerne une violation des principes de sécurité juridique, de confiance légitime et de bonne administration.

121    Il convient, par la suite, de commencer par l’examen de la deuxième branche du premier moyen.

122    Par la deuxième branche du premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que le Conseil aurait dû calculer une marge de dumping individuelle ainsi qu’un droit antidumping individuel pour elle. En recourant à la place à une marge de dumping et à un droit antidumping à l’échelle nationale pour toutes les parties opérant dans l’industrie du bioéthanol aux États-Unis, le Conseil aurait violé l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ainsi que son obligation de motivation.

123    Plus spécifiquement, la requérante estime que l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base transpose en droit de l’Union les articles 6.10 et 9.2 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping de l’OMC »). Selon la requérante, les articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC imposent une obligation de calculer des marges de dumping individuelles et d’attribuer des droits antidumping individuels aux producteurs et exportateurs, sauf pour les « exportateurs » non inclus dans l’échantillon dans le cas d’échantillonnage et dans le cas des exportateurs qui constituent une entité économique unique avec l’État. Dès lors, l’interprétation par la Commission du terme « irréalisable » utilisé à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, selon laquelle il serait possible d’appliquer des exceptions à l’obligation d’attribuer des marges de dumping et des droits antidumping individuels autres que celles-ci, telles que la structure des exportations américaines de bioéthanol ou la manière dont le produit est exporté, serait erronée et illégale.

124    Le Conseil, soutenu par ePure, conteste ces arguments. En substance, d’une part, il estime que, lorsque les institutions ne sont pas en mesure de reconstituer le parcours de chaque achat ni de comparer les valeurs normales avec les prix à l’exportation correspondants, comme dans le cas d’espèce, l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base ne saurait les obliger à définir des mesures antidumping individuelles pour chaque producteur. Il serait dans l’impossibilité de le faire. D’autre part, il soutient que le terme « irréalisable » utilisé à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base a une portée plus générale que celui utilisé aux articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC, ce qui permettrait donc en l’espèce l’application d’une exception à l’obligation d’attribuer des marges de dumping et des droits antidumping individuels.

125    À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 9, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base, dans sa version originale, qui est d’application en l’espèce, puisque l’article 2, second alinéa, du règlement (UE) n° 765/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juin 2012, modifiant le règlement de base (JO L 237, p. 1), prévoit que la version modifiée de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base s’applique à toutes les enquêtes ouvertes après la date d’entrée en vigueur du règlement n° 765/2012, énonce qu’un droit antidumping dont le montant est approprié à chaque cas est imposé d’une manière non discriminatoire sur les importations d’un produit, de quelque source qu’elles proviennent, dont il a été constaté qu’elles font l’objet d’un dumping et causent un préjudice, à l’exception des importations en provenance des sources dont un engagement pris au titre du règlement de base a été accepté. Le même paragraphe prévoit également que le règlement imposant le droit précise le montant du droit imposé à chaque fournisseur ou, si cela est irréalisable et, en règle générale, dans les cas visés à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du même règlement, le nom du pays fournisseur concerné.

126    L’article 6.10 de l’accord antidumping de l’OMC prévoit ce qui suit :

« En règle générale, les autorités détermineront une marge de dumping individuelle pour chaque exportateur connu ou producteur concerné du produit visé par l’enquête. Dans les cas où le nombre d’exportateurs, de producteurs, d’importateurs ou de types de produits visés sera si important que l’établissement d’une telle détermination sera irréalisable, les autorités pourront limiter leur examen soit à un nombre raisonnable de parties intéressées ou de produits, en utilisant des échantillons qui soient valables d’un point de vue statistique d’après les renseignements dont elles disposent au moment du choix, soit au plus grand pourcentage du volume des exportations en provenance du pays en question sur lequel l’enquête peut raisonnablement porter. »

127    L’article 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC énonce ce qui suit :

« Lorsqu’un droit antidumping est imposé en ce qui concerne un produit quelconque, ce droit, dont les montants seront appropriés dans chaque cas, sera recouvré sans discrimination sur les importations dudit produit, de quelque source qu’elles proviennent, dont il aura été constaté qu’elles font l’objet d’un dumping et qu’elles causent un dommage, à l’exception des importations en provenance des sources dont un engagement en matière de prix au titre du présent accord aura été accepté. Les autorités feront connaître le nom du ou des fournisseurs du produit en cause. Si, toutefois, plusieurs fournisseurs du même pays sont impliqués et qu’il ne soit pas réalisable de les nommer tous, les autorités pourront faire connaître le nom du pays fournisseur en cause. »

128    Afin de déterminer si le Conseil a pu, à bon droit, calculer une marge de dumping à l’échelle nationale et, par conséquent, instituer un droit antidumping à une telle échelle, il convient donc d’examiner, premièrement, si l’accord antidumping de l’OMC est pertinent pour l’interprétation de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base en l’espèce, deuxièmement, si la requérante a, en règle générale, un droit de se voir appliquer un droit antidumping individuel en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base et, troisièmement, si le Conseil a considéré à bon droit qu’il existait une exception à cette règle générale au motif qu’il était « irréalisable » de préciser dans le règlement attaqué les montants individuels pour la requérante.

 Sur l’application de l’accord antidumping de l’OMC en l’espèce

129    Il ressort du préambule du règlement de base, et en particulier de son considérant 3, que ledit règlement a notamment pour objet de transposer dans le droit de l’Union les règles nouvelles et détaillées contenues dans l’accord antidumping de l’OMC (voir, par analogie, arrêts du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, Rec, EU:C:2003:4, points 55 et 56, et du 24 septembre 2008, Reliance Industries/Conseil et Commission, T‑45/06, Rec, EU:T:2008:398, point 89). En outre, le même considérant prévoit également que, afin d’assurer une application appropriée et transparente desdites règles, il convient de transposer, dans toute la mesure du possible, les termes dudit accord dans le droit de l’Union. Parmi les règles énumérées dans le même considérant, qui sont transposées par le règlement de base dans le droit de l’Union, figurent notamment celles portant sur l’imposition des droits antidumping, à savoir les articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC.

130    Cependant, il a été itérativement jugé que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont fait partie l’accord antidumping de l’OMC, ne figurent pas, en principe, parmi les normes au regard desquelles le juge de l’Union contrôle la légalité des actes des institutions de l’Union (voir arrêts Petrotub et Republica/Conseil, point 129 supra, EU:C:2003:4, point 53 et jurisprudence citée, et du 18 décembre 2014, LVP, C‑306/13, Rec, EU:C:2014:2465, point 44 et jurisprudence citée).

131    En outre, le juge de l’Union a estimé que le fait d’admettre que la tâche consistant à assurer la conformité du droit de l’Union avec les règles de l’OMC incombe directement au juge de l’Union reviendrait à priver les organes législatifs ou exécutifs de l’Union de la marge de manœuvre dont jouissent les organes similaires des partenaires commerciaux de l’Union. Il est en effet constant que certaines des parties contractantes, dont les partenaires les plus importants de l’Union du point de vue commercial, ont précisément tiré, à la lumière de l’objet et du but des accords de l’OMC, la conséquence que ceux-ci ne figuraient pas parmi les normes au regard desquelles leurs organes juridictionnels contrôlaient la légalité de leurs règles de droit interne. Une telle absence de réciprocité, si elle était acceptée, risquerait d’aboutir à une application déséquilibrée des règles de l’OMC (voir arrêts du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, Rec, EU:C:2008:476, point 119 et jurisprudence citée, et LVP, point 130 supra, EU:C:2014:2465, point 46 et jurisprudence citée).

132    Ce n’est que dans l’hypothèse où l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC ou dans le cas où l’acte de l’Union renvoie expressément à des dispositions précises des accords de l’OMC qu’il appartient au juge de l’Union de contrôler la légalité de l’acte de l’Union en cause au regard des règles de l’OMC (voir arrêts Petrotub et Republica/Conseil, point 129 supra, EU:C:2003:4, point 54 et jurisprudence citée, et LVP, point 130 supra, EU:C:2014:2465, point 47 et jurisprudence citée).

133    S’agissant de la transposition de l’accord antidumping de l’OMC par l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, il convient de faire observer que ce dernier, dont la version originale est d’application en l’espèce, a été modifié par le règlement n° 765/2012 en raison de l’adoption, par l’organe de règlement des différends de l’OMC (ci-après l’« ORD »), du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 (WT/DS397/AB/R, ci-après le « rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire ‘éléments de fixation’ ») et du rapport du groupe spécial du 3 décembre 2010 (WT/DS397/R), modifié par le rapport de l’organe d’appel, dans l’affaire intitulée « Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine » (ci-après l’« affaire ʻéléments de fixationʼ »).

134    Dans les considérants du règlement n° 765/2012, le législateur de l’Union rappelle que, dans les rapports de l’OMC, il a été constaté, notamment, que l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base était incompatible avec les articles 6.10, 9.2 et 18.4 de l’accord antidumping de l’OMC et avec l’article XVI.4 de l’accord instituant l’OMC (JO 1994, L 336, p. 3). Le législateur de l’Union a confirmé, aux considérants 5 et 6 du règlement n° 765/2012, avoir effectué les modifications à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base avec l’intention de mettre en œuvre les recommandations et décisions de l’ORD relatives à l’affaire « éléments de fixation », d’une manière qui respecte les obligations de l’Union dans le cadre de l’OMC.

135    Force est de constater qu’il découle de l’adoption même du règlement n° 765/2012 que le législateur de l’Union considère que, par l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, l’Union avait entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC, contenue en l’occurrence aux articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC.

136    D’une part, il découle de ces constatations que le règlement n° 765/2012 reconnaît que l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base transpose en droit de l’Union les obligations découlant des articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC, comme le relève la requérante à bon droit.

137    D’autre part, il y a lieu de constater que les modifications, effectuées en vertu du règlement n° 765/2012, du libellé de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base concernent la modification d’une exception à l’obligation d’imposer des droits antidumping individuels, relative aux exportateurs auxquels s’appliquaient l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base. Or, elles ne portent pas, en substance, sur la partie de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base qui est pertinente en l’espèce et selon laquelle le règlement imposant le droit précise le montant du droit imposé à chaque fournisseur ou, si cela est irréalisable, le nom du pays fournisseur concerné.

138    Plus spécifiquement, il importe de constater que le législateur de l’Union ne considérait pas nécessaire de modifier les termes d’« importations d’un produit, de quelque source qu’elles proviennent, dont il a été constaté qu’elles font l’objet d’un dumping et causent un préjudice », de même que les termes de « fournisseur » et d’« irréalisable » afin de mettre en œuvre les recommandations et décisions de l’ORD relatives à l’affaire « éléments de fixation », d’une manière qui respecte ses obligations dans le cadre de l’OMC. Dès lors, les termes pertinents en l’espèce ont la même signification à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base dans sa version originale que dans sa version issue de la modification du règlement n° 765/2012.

139    Par conséquent, il découle des considérations qui précèdent que l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base dans sa version originale, pour autant qu’il soit pertinent en l’espèce, doit être interprété en conformité avec les articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC.

 Sur la question de savoir si la requérante a le droit de se voir appliquer un droit antidumping individuel en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base

140    La requérante estime qu’un producteur retenu dans l’échantillon, tel qu’elle, a le droit de se voir appliquer un droit antidumping individuel, en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base.

141    Le Conseil rétorque que ni l’accord antidumping de l’OMC ni le règlement de base n’exigent des institutions de faire l’« impossible ». Lorsque les institutions ne seraient pas en mesure de reconstituer le parcours de chaque achat ni de comparer les valeurs normales avec les prix à l’exportation correspondants, comme c’est le cas en l’espèce, elles ne seraient pas obligées d’instituer des mesures antidumping individuelles pour chaque producteur.

142    Afin de déterminer si un producteur échantillonné du produit faisant l’objet du dumping avait un droit à se voir appliquer un droit antidumping individuel, il convient de relever que l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base ainsi que l’article 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC établissent que, en principe, un droit antidumping doit être imposé individuellement à chaque fournisseur sur les importations d’un produit, de quelque source qu’elles proviennent, dont il a été constaté qu’elles font l’objet d’un dumping et causent un préjudice. Il ressort du libellé de ces dispositions qu’un opérateur qui n’est pas considéré comme ayant la qualité de « fournisseur » n’a aucun droit à l’imposition d’un droit antidumping individuel à son égard.

143    Dans ce contexte, il convient de relever que, selon le point 624, sous a), i), du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation », l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base concerne non seulement l’imposition de droits antidumping, mais également le calcul des marges de dumping.

144    S’agissant du droit de l’OMC, il y a lieu de constater que, dans les cas où les autorités appliquent une méthode d’échantillonnage, l’article 6.10.2 de l’accord antidumping de l’OMC prévoit qu’elles doivent déterminer une marge de dumping individuelle pour tout exportateur ou producteur qui n’a pas été choisi initialement et qui présente les renseignements nécessaires à temps pour qu’ils soient examinés au cours de l’enquête, sauf dans les cas où le nombre d’exportateurs ou de producteurs est si important que des examens individuels compliqueraient indûment la tâche desdites autorités et empêcheraient d’achever l’enquête en temps utile.

145    Il découle de cette disposition que, sauf dans les cas où le nombre d’exportateurs ou de producteurs est très important, l’autorité chargée de l’enquête est censée déterminer une marge de dumping individuelle pour tout exportateur ou producteur qui n’a pas été choisi initialement et qui présente les renseignements nécessaires à temps pour qu’ils soient examinés au cours de l’enquête. À cet égard, selon le point 6.90 du rapport du groupe spécial du 28 septembre 2001 (WT/DS189/R) dans l’affaire intitulée « Argentine – Mesures antidumping définitives à l’importation de carreaux de sol en céramique en provenance d’Italie », il a été relevé que la règle générale énoncée à la première phrase de l’article 6.10 de l’accord antidumping de l’OMC, qui veut que des marges de dumping individuelles soient déterminées pour chaque exportateur ou producteur connu du produit visé par l’enquête, est pleinement applicable aux exportateurs qui sont choisis pour l’examen au titre de la seconde phrase du même article. Ladite phrase permettrait à l’autorité chargée de l’enquête de limiter son examen à certains exportateurs ou producteurs, mais elle ne prévoirait pas de dérogation à la règle générale qui veut que des marges individuelles soient déterminées pour les exportateurs ou producteurs qui sont visés par l’examen. Si même les producteurs qui n’ont pas été inclus dans l’échantillon initial sont fondés à bénéficier du calcul d’une marge individuelle, il s’ensuit, selon ledit rapport, que les producteurs qui ont été inclus dans cet échantillon le sont également.

146    Il y a donc lieu de constater que l’autorité chargée de l’enquête est censée déterminer une marge de dumping individuelle pour tout exportateur ou producteur qui a été retenu dans l’échantillon des fournisseurs du produit faisant l’objet du dumping.

147    Il s’ensuit que, selon le droit de l’OMC, tout exportateur ou producteur qui a été retenu dans l’échantillon et qui a donc coopéré avec l’autorité chargée de l’enquête tout au long de l’enquête remplit les conditions pour être considéré comme étant un « fournisseur » au sens de l’article 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC.

148    En ce qui concerne les dispositions du règlement de base, il y a lieu de relever que, ainsi que cela a déjà été constaté aux points 138 et 139 ci-dessus, l’article 9, paragraphe 5, dudit règlement dans sa version originale, pour autant qu’il soit pertinent en l’espèce, doit être interprété en conformité avec les dispositions de l’accord antidumping de l’OMC. De plus, l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base prévoit également que, dans les cas où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de type de produits ou de transactions est important, l’enquête peut se limiter à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons. Le paragraphe 3 du même article énonce que, lorsque la Commission procède à l’échantillonnage, une marge de dumping individuelle est néanmoins calculée pour chaque exportateur ou producteur n’ayant pas été choisi initialement, qui présente les renseignements nécessaires dans les délais prévus, sauf dans les cas où le nombre d’exportateurs ou de producteurs est si important que des examens individuels compliqueraient indûment la tâche et empêcheraient d’achever l’enquête en temps utile. Il importe de constater qu’il ressort également desdites dispositions du règlement de base, interprétées en conformité avec le droit de l’OMC, que, si même les producteurs qui n’ont pas été inclus dans l’échantillon initial sont fondés à bénéficier du calcul d’une marge individuelle, a fortiori, les producteurs qui ont été inclus dans cet échantillon le sont également. À cet égard, il convient également de relever que la dernière phrase de l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base rappelle que des droits individuels doivent être appliqués aux importations en provenance des exportateurs ou des producteurs bénéficiant d’un traitement individuel, conformément à l’article 17 dudit règlement.

149    Il s’ensuit que, en application des dispositions du règlement de base, tout exportateur ou producteur qui a été retenu dans l’échantillon des fournisseurs du produit faisant l’objet du dumping et qui a donc coopéré avec les institutions tout au long de l’enquête remplit les conditions pour être considéré comme un « fournisseur » au sens de l’article 9, paragraphe 5, dudit règlement.

150    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’objectif de la constitution d’un échantillon de producteurs-exportateurs est d’établir, lors d’une enquête limitée, le plus exactement possible, la pression sur les prix subie par l’industrie de l’Union. Dès lors, la Commission a le pouvoir de modifier, à tout moment, la composition d’un échantillon selon les besoins de l’enquête. En effet, aucune disposition de l’accord antidumping de l’OMC ou du règlement de base n’oblige les institutions à garder les producteurs initialement échantillonnés dans l’échantillon des fournisseurs du produit faisant l’objet du dumping si elles considèrent que ceux-ci n’ont pas la qualité de fournisseurs ou qu’ils ne constituent pas des sources d’importation du produit faisant l’objet du dumping et causant un préjudice. S’agissant de la question de savoir s’il convient de garder un opérateur dans un échantillon, il y a lieu de constater que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elle doit examiner (voir, par analogie, arrêt du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, Rec, EU:C:2007:547, point 40). Or, dans la mesure où la Commission n’avait pas exclu un quelconque producteur faisant partie de l’échantillon des fournisseurs du produit faisant l’objet du dumping, elle est, en principe, tenue de calculer une marge de dumping individuelle ainsi que d’instituer un droit antidumping individuel pour celui-ci.

151    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la requérante avait un droit à se voir appliquer un droit antidumping individuel en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base.

152    En l’espèce, il convient de constater que, tout d’abord, alors que la Commission a exclu un producteur initialement échantillonné au motif que le bioéthanol issu de sa production n’avait pas été exporté vers l’Union et que, par conséquent, il n’était pas une source du produit faisant l’objet des pratiques de dumping, elle a néanmoins retenu les autres producteurs américains échantillonnés, y compris la requérante, au sein de l’échantillon des fournisseurs du produit faisant l’objet du dumping jusqu’à la fin de la procédure administrative.

153    S’agissant de l’existence d’importations vers l’Union de bioéthanol provenant desdits producteurs américains échantillonnés et dont il a été constaté qu’elles font l’objet d’un dumping et causent un préjudice, il a été mentionné, aux points 56 à 67 ci-dessus, qu’une partie du bioéthanol issu de la production de ceux-ci avait été exportée vers l’Union et que les exportations provenant de cette production étaient, depuis l’entrée en vigueur du règlement attaqué, soumises au droit antidumping qu’il avait institué. De plus, selon le point 338 du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation », les prescriptions formulées par l’article 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC, selon lesquelles les droits antidumping, dont les montants sont appropriés à chaque cas, sont recouvrés sur les importations de quelque source qu’elles proviennent, se rapportent aux exportateurs ou producteurs faisant l’objet de l’enquête, pris individuellement. À cet égard, le considérant 60 du règlement attaqué énonce que l’enquête a porté, d’une part, sur les producteurs de bioéthanol et, d’autre part, sur les négociants/mélangeurs qui exportaient le produit concerné sur le marché de l’Union. Il s’ensuit que la requérante, en tant que producteur américain échantillonné, est l’une des « sources » des importations du produit frappé par le droit antidumping institué par le règlement attaqué au sens de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base ainsi que de l’article 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC.

154    De plus, il y a lieu de faire observer que le Conseil ne conteste pas le fait que la requérante a coopéré avec les institutions tout au long de l’enquête et qu’il n’y avait ainsi aucune raison pour l’exclure de l’échantillon pour défaut de coopération.

155    De surcroît, il importe de relever que les institutions n’ont pas exclu la requérante de l’échantillon du fait qu’elle n’avait pas la qualité de fournisseur. En revanche, au considérant 63 du règlement attaqué, le Conseil estime que la structure de l’industrie du bioéthanol et la manière dont le produit concerné était fabriqué et vendu sur le marché des États-Unis et exporté vers l’Union rendaient irréalisable l’établissement de marges de dumping individuelles pour les producteurs des États-Unis. Selon lui, il n’était pas en mesure de reconstituer le parcours des ventes individuelles ni de comparer les valeurs normales avec les prix à l’exportation correspondants pour les producteurs échantillonnés, concluant en cela qu’il ne lui était pas possible de déterminer des marges de dumping individuelles en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base. Il résulte de ce raisonnement que le Conseil souhaitait appliquer le droit antidumping aux produits issus de la production des producteurs américains échantillonnés sans faire de différence entre le cas où ils étaient exportés par les négociants/mélangeurs et le cas où ils étaient exportés par ceux-ci.

156    Il s’ensuit que, en gardant la requérante comme membre de l’échantillon des producteurs et exportateurs américains, la Commission a donc reconnu qu’elle était un « fournisseur » du produit faisant l’objet du dumping et, par conséquent, que le Conseil était, en principe, tenu, en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, de calculer une marge de dumping individuelle ainsi que d’instituer des droits antidumping individuels pour elle.

157    Ce constat n’est pas remis en cause par l’argument du Conseil selon lequel, lorsque les institutions ne sont pas en mesure de reconstituer le parcours de chaque achat ni de comparer les valeurs normales avec les prix à l’exportation correspondants, comme c’est le cas en l’espèce, elles ne sont pas obligées d’instituer des mesures antidumping individuelles pour chaque producteur.

158    D’emblée, il y a lieu de constater qu’il a été jugé dans l’arrêt du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C‑247/10 P, EU:C:2012:710, point 33), que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base fait partie des dispositions de ce règlement consacrées à la seule détermination de la valeur normale, tandis que l’article 17 du même règlement, relatif à l’échantillonnage, fait partie des dispositions portant notamment sur les méthodes disponibles pour la détermination de la marge de dumping et que, partant, il s’agit de dispositions ayant une finalité et un contenu différents. À cet égard, il y a lieu de relever que le même principe s’applique, par analogie, à la relation entre, d’une part, l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base portant sur une des valeurs pertinentes pour le calcul de la marge de dumping et, d’autre part, l’article 9, paragraphe 5, du même règlement portant sur la marge de dumping elle-même. Partant, les dispositions du règlement de base consacrées à la détermination de la valeur normale ou du prix à l’exportation ont un contenu et une finalité différents des dispositions portant sur les méthodes disponibles pour la détermination de la marge de dumping, telles que celles prévues à l’article 9, paragraphe 5, et à l’article 17 du même règlement.

159    De plus, il découle également du point 325 du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation » que le fait qu’une autorité doive reconstituer la valeur normale et/ou le prix à l’exportation pour un ou plusieurs exportateurs ou producteurs n’implique pas nécessairement une dérogation à la règle générale relative à la détermination des marges de dumping individuelles et que des marges de dumping fondées sur une valeur normale et un prix à l’exportation construit sur la base des mêmes renseignements pour de nombreux fournisseurs ne sont pas identiques à une marge applicable à l’échelle nationale.

160    À cet égard, il convient de relever que ni l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base ni l’article 6.10 ou l’article 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC ne prévoient que les institutions doivent être en mesure de reconstituer le parcours de chaque achat et de comparer les valeurs normales avec les prix à l’exportation correspondants afin d’être obligées de calculer une marge de dumping individuelle et d’imposer un droit antidumping individuel pour chaque fournisseur. De telles difficultés n’ont donc aucune incidence sur la question de savoir si un droit antidumping individuel doit être imposé et il convient de faire observer qu’il existe, dans le cadre du règlement de base, d’autres instruments pour remédier à une telle situation.

161    Toutefois, lorsque les institutions rencontrent des difficultés pour déterminer la valeur normale ou le prix à l’exportation pour certains producteurs ou exportateurs, l’article 2, paragraphes 3 et 9, du règlement de base définit les règles relatives à la possibilité de reconstituer ces valeurs.

162    En effet et ainsi que cela a été reconnu par le Conseil lors de l’audience, l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base prévoit que, lorsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation ou lorsqu’il apparaît que le prix à l’exportation n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association ou d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers, le prix à l’exportation peut être construit sur la base du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant ou, si les produits ne sont pas revendus à un acheteur indépendant ou ne sont pas revendus dans l’état où ils ont été importés, sur toute autre base raisonnable. Dans de tels cas, des ajustements sont opérés pour tenir compte de tous les frais, y compris les droits et les taxes, intervenus entre l’importation et la revente et une marge bénéficiaire, afin d’établir un prix à l’exportation fiable au niveau frontière de l’Union.

163    En outre et sur un autre plan, l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base prévoit les conditions dans lesquelles les institutions peuvent, respectivement, recourir aux données disponibles lorsqu’une partie intéressée ne fournit pas les informations nécessaires, ou lorsqu’elle fournit les informations qui ne sont pas les meilleures à tous égards. Il a été notamment constaté aux points 7.215 à 7.216 du rapport du groupe spécial du 22 avril 2003 (WT/DS241/R) dans l’affaire intitulée « Argentine – Droits antidumping définitifs visant la viande de volaille en provenance du Brésil » que le fait que l’autorité chargée de l’enquête reçoive des renseignements qui ne sont pas utilisables ou fiables ne devrait pas empêcher le calcul d’une marge de dumping individuelle pour un exportateur, dans la mesure où l’accord antidumping de l’OMC autorise expressément les autorités chargées de l’enquête à compléter les données ayant trait à un exportateur particulier afin de déterminer une marge de dumping si les renseignements communiqués ne sont pas fiables ou si les renseignements nécessaires ne sont tout simplement pas fournis.

164    En l’espèce, s’agissant de la valeur normale des producteurs échantillonnés, il ressort du point 45 du document d’information provisoire que la Commission elle-même a expliqué être en mesure de reconstituer, en application de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, la valeur normale de ceux-ci sur le fondement du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et une marge bénéficiaire raisonnable. Le Conseil ne conteste pas ce constat.

165    Dans la mesure où le Conseil considère, au considérant 76 du règlement attaqué, qu’il n’était pas possible d’établir de façon fiable un prix à l’exportation et une marge de dumping pour les producteurs américains échantillonnés, au nombre desquels figurait la requérante, il y a lieu de relever que l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base permet la reconstitution d’un prix à l’exportation lorsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation pour un opérateur visé par l’enquête. En effet, cette disposition permet, ainsi que cela a été exposé au point 162 ci-dessus, une reconstruction du prix à l’exportation sur le fondement du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant ou sur toute autre base raisonnable et en opérant des ajustements appropriés. À cet égard, il convient de rappeler qu’il découle de la jurisprudence exposée au point 158 ci-dessus que, alors que l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base établit, de façon exhaustive, les méthodes possibles pour la détermination du prix à l’exportation, une difficulté dans la détermination de ce dernier n’a aucune incidence sur la question de savoir s’il existe une obligation d’appliquer un droit antidumping individuel à certains opérateurs.

166    Il convient donc de rejeter l’argument du Conseil selon lequel les institutions n’étaient pas obligées d’instituer des mesures antidumping individuelles pour chaque producteur échantillonné en l’espèce.

167    Dans ce contexte, la Commission fait valoir, au soutien des arguments du Conseil, que la position selon laquelle le terme « fournisseur » mentionné à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base englobe les producteurs qui n’ont pas exporté eux-mêmes le produit concerné vers l’Union n’est pas conciliable avec la possibilité de solliciter un réexamen au titre de nouvel exportateur en vertu de l’article 11, paragraphe 4, du même règlement s’ils décident un jour de commencer à exporter vers l’Union. À cet égard, d’une part, il suffit de relever que le quatrième alinéa dudit paragraphe exclut expressément la possibilité d’un tel réexamen dans une situation dans laquelle la Commission a recouru à la méthode d’échantillonnage, comme c’est le cas en l’espèce. D’autre part et en tout état de cause, il y a lieu d’observer que, en vertu du deuxième alinéa du même paragraphe, il est seulement procédé à un réexamen lorsqu’un nouvel exportateur ou un nouveau producteur est en mesure de démontrer qu’il n’est pas lié aux exportateurs ou producteurs soumis aux mesures antidumping sur le produit en cause. Étant donné que la requérante constitue un producteur dont les produits sont soumis au droit antidumping en l’espèce, elle ne pourrait pas bénéficier d’un réexamen de nouvel exportateur dans la mesure où elle commencerait à exporter ses produits elle-même. Il convient donc de rejeter cet argument comme étant non fondé.

168    Au regard du constat exposé au point 156 ci-dessus, il convient donc, par la suite, d’examiner si le Conseil pouvait invoquer une exception à l’obligation visant à ce que soit déterminée une marge de dumping individuelle pour la requérante en l’espèce.

 Sur la question de savoir s’il était irréalisable d’instituer un droit antidumping individuel en l’espèce

169    Le litige entre les parties se focalise ensuite sur l’interprétation du terme « irréalisable » figurant à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base.

170    Selon la requérante, le terme « irréalisable » doit, en substance, être interprété en conformité avec les articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC et avec les termes du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation ».

171    Le Conseil estime que l’article 9, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement de base a une portée plus générale que lesdits articles de l’accord antidumping de l’OMC, au motif qu’il ne précise pas les circonstances dans lesquelles il est considéré comme « irréalisable » d’appliquer des droits individuels. Il rappelle à cet égard le principe selon lequel les instances de l’Union doivent interpréter dans la mesure du possible les textes de l’Union à la lumière du droit international. Ainsi, le Conseil estime, en substance, que cette différence justifie à elle seule une interprétation différente du terme « irréalisable » dans le cadre de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base.

172    En premier lieu, il convient d’examiner si les articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC permettent de faire la place à une exception à l’obligation de déterminer une marge de dumping individuelle pour chaque exportateur connu ou producteur concerné qui pourrait justifier l’institution d’un droit antidumping à l’échelle nationale en l’espèce.

173    S’agissant de l’article 6.10 de l’accord antidumping de l’OMC, les points 316 à 318 du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation » énoncent que la première phrase de celui-ci, selon laquelle les autorités détermineront une marge de dumping individuelle pour chaque exportateur connu ou producteur concerné, énonce une règle impérative et non une préférence. Ils énoncent également que cette obligation n’est pas absolue et qu’il peut y avoir des exceptions. L’échantillonnage serait la seule exception à la détermination de marges de dumping individuelles pour chaque exportateur connu ou chaque producteur concerné, qui est expressément prévue à l’article 6.10 dudit accord. En effet, la deuxième phrase dudit article prévoirait une exception dans les cas où le nombre d’exportateurs, de producteurs, d’importateurs ou de types de produits visés est si important que l’établissement de telles déterminations est irréalisable. Dans ces cas, les autorités pourraient limiter leur examen soit à un nombre raisonnable de parties intéressées ou de produits, en utilisant des échantillons qui seraient valables d’un point de vue statistique, soit au plus grand pourcentage du volume des exportations en provenance du pays en question, sur lequel l’enquête pourrait raisonnablement porter.

174    Selon le point 320 du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation », les termes « en règle générale […] détermineront », figurant à l’article 6.10 de l’accord antidumping de l’OMC, ont pour objectif de ne pas exprimer une obligation qui serait contraire à d’autres dispositions du même accord, permettant de déroger à la règle de la détermination de marges de dumping individuelles, en dehors de l’exception de l’échantillonnage. Ces exceptions devraient être prévues dans les accords visés par le mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (ci-après les « accords visés »), de façon à éviter le contournement de l’obligation visant à ce que soient déterminées des marges de dumping individuelles. Or, les membres de l’OMC n’auraient pas une possibilité illimitée de créer des exceptions à l’article 6.10 de l’accord antidumping de l’OMC.

175    Au point 323 du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation », l’organe d’appel a rejeté l’argument selon lequel l’attribution de la marge de dumping du producteur au négociant qui exporte le produit serait une exception. En effet, la référence aux « exportateurs ou producteurs », figurant à l’article 6.10 de l’accord antidumping de l’OMC, permettrait aux autorités de ne pas déterminer une marge de dumping séparée pour le producteur et pour l’exportateur du même produit, mais de déterminer une seule marge pour les deux. Cela constituerait une application de l’obligation de déterminer des marges de dumping individuelles.

176    Selon le point 327 du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation », toute exception à la règle générale énoncée à la première phrase de l’article 6.10 de l’accord antidumping de l’OMC doit donc être prévue dans les accords visés.

177    Enfin, au point 328 du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation », il est constaté que les accords de l’OMC ne prévoient aucune exception, telle que celle mentionnée à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, concernant les producteurs-exportateurs individuels d’un pays n’ayant pas une économie de marché, auxquels s’applique l’article 2, paragraphe 7, sous a), du même règlement et qui sont soumis à un droit antidumping à l’échelle nationale, à moins que ces exportateurs puissent démontrer qu’ils satisfont aux conditions permettant de bénéficier d’un traitement individuel.

178    En ce qui concerne l’article 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC, il est expliqué au point 344 du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation » qu’il y a un fort parallélisme entre celui-ci et l’article 6.10 de l’accord antidumping de l’OMC, en ce que ce dernier prescrit la détermination de marges de dumping individuelles, ce qui a pour conséquence d’obliger les autorités en cause à imposer des droits antidumping sur une base individuelle, telle qu’elle est prévue à l’article 9.2 du même accord. En outre, l’organe d’appel constate que lesdits articles utilisent à la fois les mêmes termes « irréalisable » ou « pas réalisable » pour décrire les cas où l’exception s’applique, indiquant ainsi que les deux exceptions se rapportent à la situation dans laquelle une autorité détermine des marges de dumping en utilisant un échantillon. Cependant, l’organe d’appel de l’OMC a également observé que la question posée devant lui ne concernait ni l’étendue de l’exception prévue à l’article 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC, ni la question de savoir si cette exception et celle prévue à l’article 6.10 du même accord se chevauchaient exactement.

179    Toutefois, il est conclu, au point 354 du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation », que l’article 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC oblige les autorités à préciser les droits imposés à chaque fournisseur, sauf lorsque cela est irréalisable, lorsque plusieurs fournisseurs sont concernés.

180    Enfin, selon le point 376 du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation », les articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC n’empêchent pas que l’autorité chargée de l’enquête détermine une marge de dumping unique et un droit de dumping unique pour un certain nombre d’exportateurs si elle établit qu’ils constituent une entité unique aux fins de l’application desdits articles.

181    Dès lors, il ressort de l’examen du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation » que, lorsque l’autorité a recours à l’échantillonnage comme en l’espèce, l’accord antidumping établit l’obligation de déterminer des marges de dumping individuelles et d’instituer des droits antidumping individuels pour chaque fournisseur coopérant à l’enquête et que cette obligation a, en principe, pour exceptions, premièrement, le cas des producteurs ou exportateurs non inclus dans l’échantillon, sauf ceux visés à l’article 6.10.2 de l’accord antidumping de l’OMC, et, deuxièmement, le cas des opérateurs constituant une entité unique. Toutefois, il ne découle pas de l’accord antidumping de l’OMC qu’il existe une exception à l’obligation d’instituer un droit antidumping individuel à un producteur échantillonné qui a coopéré à l’enquête lorsque les institutions estiment ne pas être en mesure d’établir pour celui-ci un prix à l’exportation individuel.

182    En deuxième lieu, il y a lieu d’examiner si ces constatations du rapport de l’organe d’appel du 15 juillet 2011 dans l’affaire « éléments de fixation » portant sur l’interprétation des articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC s’appliquent également dans la mesure où le Conseil applique l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base.

183    S’agissant de l’argument du Conseil selon lequel l’obligation d’interpréter le règlement de base en tenant compte de l’accord antidumping de l’OMC est limitée au motif que les libellés des dispositions en cause seraient différents, premièrement, il y a lieu de rappeler que l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base ainsi que les articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC utilisent les termes « irréalisable » ou « pas réalisable », qui sont synonymes. De plus, il convient de faire observer qu’il n’y a rien dans le libellé de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base qui s’oppose à une interprétation du terme « irréalisable » conformément aux articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC. En outre, le simple fait que l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base ne fournit pas de précisions à l’égard du terme « irréalisable » ne permet pas de conclure, ainsi que le Conseil l’invoque, que ladite disposition prévoit ainsi une exception d’une portée plus large que celle prévue dans les dispositions de l’accord antidumping de l’OMC.

184    Deuxièmement, il y a lieu de rappeler qu’il ressort clairement du libellé de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base que la détermination d’une marge de dumping et l’imposition d’un droit antidumping à l’échelle nationale est une exception à la règle générale. Une interprétation « plus générale » du terme « irréalisable » telle qu’elle est proposée par le Conseil accorderait à celui-ci une marge d’appréciation extrêmement large quant aux possibilités de renoncer à l’institution de droits antidumping individuels. Une telle interprétation irait à l’encontre de l’objectif du législateur de mettre en œuvre les recommandations et décisions de l’ORD relatives à l’affaire « éléments de fixation », d’une manière qui respecterait ses obligations dans le cadre de l’OMC (voir point 134 ci-dessus).

185    En effet, il ressort des considérants du règlement n° 765/2012 que le législateur de l’Union voulait mettre en œuvre la décision de l’organe d’appel de l’OMC dans ladite affaire d’une manière intégrale. Spécifiquement, par l’article 1er du règlement n° 765/2012, le législateur de l’Union a supprimé, dans le premier alinéa de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, la référence à l’article 2, paragraphe 7, sous a), dudit règlement ainsi que le second alinéa, qui précisait les conditions dans lesquelles les producteurs-exportateurs individuels de pays n’ayant pas une économie de marché pouvaient démontrer qu’ils satisfaisaient aux conditions permettant de bénéficier d’un traitement individuel. De surcroît, il découle du considérant 2 du règlement n° 765/2012 que le législateur de l’Union a ajouté un second alinéa nouveau à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base afin d’inclure les précisions apportées par l’organe d’appel de l’OMC sur les circonstances dans lesquelles les autorités pouvaient déterminer une marge de dumping et un droit de dumping unique pour plusieurs exportateurs constituant une entité unique.

186    D’ailleurs, ainsi que cela a été constaté au point 137 ci-dessus, les modifications faites à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base ne portent pas, en substance, sur la partie qui est pertinente en l’espèce et selon laquelle le règlement imposant le droit précise le montant du droit imposé à chaque fournisseur ou, si cela est irréalisable, le nom du pays fournisseur concerné.

187    Il s’ensuit que le Conseil estime à tort que les libellés de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base ainsi que des articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC, dans la mesure où ils sont pertinents en l’espèce, sont substantiellement différents. Dès lors, l’argument du Conseil, selon lequel le terme « irréalisable », mentionné à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, aurait une portée générale, doit être rejeté.

188    Il résulte de ce qui précède qu’il convient d’interpréter le terme « irréalisable » mentionné à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base conformément au terme analogue utilisé dans les articles 6.10 et 9.2 de l’accord antidumping de l’OMC. Partant, lorsque l’autorité a recours à l’échantillonnage, le terme « irréalisable » utilisé à l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base admet, en principe, deux exceptions à la détermination de marges de dumping individuelles ainsi qu’à l’institution de droits antidumping individuels pour les opérateurs ayant coopéré à l’enquête, à savoir, premièrement, le cas des producteurs ou exportateurs non inclus dans l’échantillon, sauf ceux pour lesquels l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base prévoit une marge de dumping individuelle, et, deuxièmement, le cas des opérateurs constituant une entité unique. En d’autres termes, dans la mesure où les institutions ont eu recours à l’échantillonnage, comme en l’espèce, en principe, une exception à la détermination de marges de dumping individuelles ainsi qu’à l’institution de droits antidumping individuels n’est possible que pour les entreprises qui ne font pas partie d’un échantillon et qui n’ont pas autrement de droit à avoir leur propre droit antidumping individuel. En particulier, l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base ne permet aucune exception à l’obligation d’instituer un droit antidumping individuel à un producteur échantillonné qui a coopéré à l’enquête, lorsque les institutions estiment ne pas être en mesure d’établir pour celui-ci un prix à l’exportation individuel.

189    Dès lors, il découle de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base que, lorsque des producteurs et/ou des exportateurs font partie d’un échantillon, les institutions sont tenues de préciser les droits antidumping dus par chaque fournisseur.

190    En troisième lieu, c’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, le Conseil pouvait à bon droit recourir à une exception à l’obligation de déterminer une marge de dumping individuelle pour chaque exportateur connu ou producteur concerné, qui pourrait justifier l’institution d’un droit antidumping à l’échelle nationale.

191    En l’espèce, il ressort des considérants 6 à 10 du règlement attaqué que, en raison du nombre élevé de producteurs-exportateurs aux États-Unis, la Commission a décidé de recourir à un échantillonnage conformément à l’article 17 du règlement de base.

192    Selon le considérant 64 du règlement attaqué, la marge de dumping a été établie à l’échelle nationale pour les États-Unis. Par conséquent, le règlement attaqué impose un droit antidumping à l’échelle nationale à un taux de 62,30 euros par tonne nette, applicable au prorata de la teneur totale, en poids, de bioéthanol.

193    Au considérant 63 du règlement attaqué, le Conseil justifie la détermination d’une marge de dumping à l’échelle nationale en l’espèce en considérant que la structure de l’industrie du bioéthanol et la manière dont le produit en question était fabriqué et vendu sur le marché des États-Unis et exporté vers l’Union rendaient irréalisable l’établissement de marges de dumping individuelles pour les producteurs des États-Unis. Selon lui, les producteurs de l’échantillon américain n’ont pas exporté le produit concerné vers l’Union et les négociants/mélangeurs qui ont été soumis à l’enquête se procuraient le bioéthanol auprès de divers producteurs, le mélangeaient et le vendaient, notamment à l’exportation vers l’Union. Dès lors, le Conseil estime qu’il n’était pas possible de reconstituer le parcours de tous les achats individuellement et de comparer les valeurs normales avec les prix à l’exportation correspondants, pas plus qu’il n’est possible d’identifier le producteur au moment de l’exportation vers l’Union.

194    En substance, le Conseil estime donc qu’il ne pouvait pas, en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, déterminer des marges de dumping individuelles au motif qu’il n’était pas possible d’établir de façon fiable un prix à l’exportation et une marge de dumping pour la requérante, étant donné qu’elle n’avait effectué aucune exportation vers l’Union du produit concerné pendant la période d’enquête, qu’il n’était donc pas en mesure de reconstituer le parcours de ses produits exportés vers l’Union et qu’elle n’avait généralement aucune idée de la date des exportations ni du prix payé ou à payer par les importateurs de l’Union (voir considérant 76 du règlement attaqué).

195    À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que le Conseil fonde donc l’application de l’exception à la règle consistant à déterminer les marges de dumping individuelles et à instituer les droits antidumping individuels sur des raisons autres que l’exception concernant les producteurs ou exportateurs non inclus dans l’échantillon lorsque l’autorité a recours à l’échantillonnage ou celle concernant les opérateurs constituant une entité unique (voir points 181 et 188 ci-dessus).

196    D’autre part, il importe de constater que le Conseil n’invoque pas que l’exception qu’il a appliquée aurait été fondée sur une autre exception découlant des accords visés, auxquels il est fait référence aux points 174 et 176 ci-dessus.

197    Dès lors, le Conseil a conclu à tort que l’institution des droits antidumping individuels pour les membres de l’échantillon des exportateurs américains était « irréalisable » au sens de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base.

198    En effet, s’agissant de la possibilité de calculer des marges de dumping individuelles, il a été expliqué aux points 157 à 166 ci-dessus que, lorsque les institutions rencontraient des difficultés pour déterminer la valeur normale et le prix à l’exportation pour certains producteurs ou exportateurs, l’article 2, paragraphes 3 et 9, du règlement de base définissait les règles permettant de reconstituer ces valeurs.

199    De plus, en ce qui concerne les considérations selon lesquelles il n’était pas possible de reconstituer le parcours des produits des producteurs échantillonnés qui avaient été exportés vers l’Union et selon lesquelles les producteurs échantillonnés n’avaient généralement aucune idée de la date des exportations ni du prix payé ou à payer par les importateurs de l’Union, il suffit de constater que la Commission aurait pu, en vertu de sa large marge d’appréciation, exclure la requérante de l’échantillon des producteurs et exportateurs, au motif qu’elle n’était pas un fournisseur impliqué dans l’exportation du bioéthanol vers l’Union, étant donné que, selon elle et selon le Conseil, celle-ci n’était pas identifiable au moment de l’exportation du bioéthanol vers l’Union. Or, la Commission a gardé la requérante dans ledit échantillon tout au long de l’enquête.

200    Dès lors, le fait que les institutions considéraient avoir des difficultés pour reconstituer le parcours des ventes individuelles ou pour comparer les valeurs normales avec les prix à l’exportation correspondants, pour la requérante, ne permettait pas de considérer que, en l’espèce, l’institution des droits antidumping individuels pour celle-ci en tant que membre de l’échantillon des fournisseurs américains était « irréalisable » au sens de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base.

201    Il y a lieu de conclure que le règlement attaqué viole l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base au motif qu’il institue un droit antidumping à l’échelle nationale en ce qui concerne la requérante.

202    Il résulte de ce qui précède que la deuxième branche du premier moyen doit être accueillie et, partant, le premier moyen dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres branches dudit moyen et les autres moyens de la requête ainsi que les arguments soulevés dans le cadre de la présente branche, par lesquels la requérante invoque, de façon générique, des violations des principes de sécurité juridique et de confiance légitime ainsi que de l’obligation de motivation.

203    Partant, étant donné que la deuxième branche du premier moyen a été accueillie et ledit moyen par voie de conséquence, il convient d’annuler le règlement attaqué dans la mesure où il concerne la requérante.

 Sur les dépens

204    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

205    En l’espèce, le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, tel que cela a été conclu par cette dernière.

206    Conformément à l’article 138, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Commission et ePure supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le règlement d’exécution (UE) n° 157/2013 du Conseil, du 18 février 2013, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de bioéthanol originaire des États-Unis d’Amérique, est annulé, dans la mesure où il concerne Marquis Energy LLC.

2)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Marquis Energy.

3)      La Commission européenne et ePURE, de Europese Producenten Unie van Hernieuwbare Ethanol supporteront leurs propres dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juin 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

Sur la demande de jonction avec l’affaire T‑276/13, Growth Energy et Renewable Fuels Association/Conseil

Sur les interventions

Sur les mesures d’organisation de la procédure et sur la phase orale de la procédure

Sur les demandes de traitement confidentiel

Sur les conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur la qualité pour agir

– Sur l’affectation directe

– Sur l’affectation individuelle

– Sur l’existence de voies de recours alternatives

Sur l’intérêt à agir

Sur le fond

Sur l’application de l’accord antidumping de l’OMC en l’espèce

Sur la question de savoir si la requérante a le droit de se voir appliquer un droit antidumping individuel en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base

Sur la question de savoir s’il était irréalisable d’instituer un droit antidumping individuel en l’espèce

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 Données confidentielles occultées.