Language of document : ECLI:EU:T:2006:203

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

12 juillet 2006 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale MARCOROSSI – Marques nationale et internationale verbales antérieures MISS ROSSI – Marque communautaire verbale antérieure SERGIO ROSSI – Motif relatif de refus – Risque de confusion »

Dans l’affaire T-97/05,

Sergio Rossi SpA, établie à San Mauro Pascoli (Italie), représentée par Me A. Ruo, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Bullock, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Marcorossi Srl, établie à Bodio Lommago (Italie), représentée par Mes P. Roncaglia, G. Lazzeretti, M. Boleto et E. Gavuzzi, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 17 décembre 2004 (affaire R 226/2003‑2), relative à une procédure d’opposition entre Sergio Rossi SpA et Marcorossi Srl,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 février 2005,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI, déposé au greffe du Tribunal le 17 juin 2005,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante, déposé au greffe du Tribunal le 29 juin 2005,

à la suite de l’audience du 15 mars 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1       Le 1er décembre 1999, l’intervenante a demandé à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) l’enregistrement du signe verbal MARCOROSSI en tant que marque communautaire, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2       Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18 et 25 de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–       classe 18 : « Sacs, valises, petite maroquinerie, portefeuilles, porte‑tout, parapluies » ;

–       classe 25 : « Chaussures, ceintures, vêtements ».

3       La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 59/2000, du 24 juillet 2000.

4       Le 22 septembre 2000, Calzaturificio Rossi SpA a formé une opposition à l’encontre de tous les produits visés par la demande de marque communautaire. L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–       les marques verbales MISS ROSSI, désignant des « chaussures » relevant de la classe 25 de l’arrangement de Nice, protégées par l’enregistrement italien n° 553 016, du 11 novembre 1991, et par l’enregistrement international n° 577 643 du même jour, ayant effet en France ;

–       la marque figurative italienne n° 611 072, enregistrée le 9 décembre 1993 pour des « chaussures » relevant de la classe 25 de l’arrangement de Nice, reproduite ci‑après :

sergio rossi

–       la marque verbale communautaire n° 391 656 SERGIO ROSSI, déposée le 18 octobre 1996 et enregistrée le 20 mars 2000, visant notamment les produits relevant des classes suivantes :

–       classe 18 : « Articles en cuir ou en imitation du cuir, à savoir sacs, sacs à main, sacs à bandoulière, valises, étuis pour porte‑clés, étuis pour cosmétiques vendus vides ; portefeuilles, porte‑monnaie, serviettes, porte‑documents, pochettes à documents, sacs de voyage, fourre‑tout, parapluies » ;

–       classe 25 : « Vêtements, à savoir foulards, tours de cou, cravates, chemises, chemisiers, ceintures, chapeaux, sous‑vêtements, maillots, T‑shirts, pull-overs, imperméables, jupes, vestes, pantalons, chaussettes, bas ; chaussures, bottes, sandales, pantoufles ».

5       Calzaturificio Rossi a invoqué l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre le signe demandé et toutes les marques antérieures énumérées au point précédent. Elle a, en outre, fait valoir que les marques antérieures sergio rossi et SERGIO ROSSI jouissaient d’une renommée pour les « chaussures », invoquant, d’une part, le caractère distinctif élevé de ces marques et, d’autre part, le motif de refus d’enregistrement visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

6       L’intervenante a reconnu l’existence d’une renommée des marques antérieures sergio rossi et SERGIO ROSSI pour les « chaussures ».

7       À la suite d’une fusion par incorporation de la société Calzaturificio Rossi, Sergio Rossi SpA est devenue titulaire des marques antérieures.

8       Le 21 janvier 2003, la division d’opposition a rejeté la demande de marque, au motif qu’il existait un risque de confusion, du moins pour les consommateurs non italiens, entre le signe demandé et les marques antérieures MISS ROSSI et SERGIO ROSSI. Elle a considéré, en substance, que le nom de famille « Rossi » constituait l’élément dominant de chacun des signes en cause, ces derniers étant, dès lors, phonétiquement et conceptuellement suffisamment similaires pour induire le public en erreur sur l’origine commerciale des produits en cause, qui étaient partiellement identiques et partiellement similaires.

9       Le 18 mars 2003, l’intervenante a formé un recours à l’encontre de la décision de la division d’opposition.

10     Par décision du 17 décembre 2004 (ci‑après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition et rejeté l’opposition formée par la requérante. La chambre de recours a constaté que les territoires pertinents étaient l’Italie et la France en ce qui concerne les marques antérieures MISS ROSSI ainsi que l’ensemble de la Communauté européenne pour ce qui est de la marque antérieure SERGIO ROSSI. Elle a ajouté que le public ciblé était constitué par tous les consommateurs et que les produits en cause étaient pour partie identiques et pour partie similaires.

11     Selon la chambre de recours, le nom « Rossi » n’a pas un caractère distinctif élevé et ne constitue pas l’élément dominant des marques en cause. Par conséquent, celles‑ci seraient visuellement différentes et phonétiquement faiblement similaires. Sur le plan conceptuel, les marques antérieures MISS ROSSI feraient penser à une ligne de produits destinée à un public féminin, dont le styliste pourrait éventuellement s’appeler « Rossi », cette dernière hypothèse n’étant cependant pas probable. En revanche, les marques SERGIO ROSSI et MARCOROSSI seraient perçues, par le public, comme désignant chacune le styliste ayant créé les produits en cause, ces stylistes étant néanmoins deux personnes différentes. La chambre de recours a estimé que, dans le secteur concerné, les consommateurs étaient habitués à des marques constituées par le prénom et le nom d’un styliste et ne croiraient pas à l’existence d’un lien économique entre tous les titulaires des marques comprenant le même nom de famille. Par conséquent, la chambre de recours a exclu l’existence d’un risque de confusion, considérant que les éléments de différence dans les signes en cause permettaient au public ciblé de les distinguer sans confusion possible et que, par conséquent, les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 n’étaient pas remplies.

 Conclusions des parties

12     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       condamner l’OHMI aux dépens.

13     Dans son mémoire en réponse, l’OHMI s’en remet à la sagesse du Tribunal et conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       s’il devait conclure qu’il existe un risque de confusion, annuler la décision attaquée et condamner l’intervenante aux dépens ;

–       à titre subsidiaire, s’il devait conclure qu’il n’existe aucun risque de confusion, rejeter le recours et condamner la requérante aux dépens.

14     À l’audience, l’OHMI a déclaré se désister du chef de conclusions soulevé à titre subsidiaire, ce dont le Tribunal a pris acte.

15     L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens exposés par l’intervenante.

 En droit

 Sur la recevabilité des conclusions de l’OHMI

16     S’agissant de la position procédurale de l’OHMI, il y a lieu de rappeler que, si celui-ci ne dispose pas de la légitimation active requise pour introduire un recours contre une décision d’une chambre de recours, en revanche, il ne saurait être tenu de défendre systématiquement toute décision attaquée d’une chambre de recours ou de conclure obligatoirement au rejet de tout recours dirigé à l’encontre d’une telle décision [arrêts du Tribunal du 30 juin 2004, GE Betz/OHMI – Atofina Chemicals (BIOMATE), T‑107/02, Rec. p. II-1845, point 34, et du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, non encore publié au Recueil, point 22]. Il s’ensuit que rien ne s’oppose à ce que l’OHMI se rallie à une conclusion de la requérante, comme cela est le cas en l’espèce. En revanche, il ne peut pas formuler des conclusions visant à l’annulation ou à la réformation de la décision attaquée sur un point non soulevé dans la requête ou présenter des moyens non soulevés dans la requête (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 octobre 2004, Vedial/OHMI, C‑106/03 P, Rec. p. I‑9573, point 34, et arrêt Cloppenburg, précité, point 22).

17     Il s’ensuit que les conclusions et arguments de l’OHMI, par lesquels il se rallie aux conclusions en annulation de la requérante, doivent être déclarés recevables dans la mesure où ils ne sortent pas du cadre des conclusions et moyens avancés par la requérante.

 Sur le fond

18     La requérante soulève un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Elle a confirmé, à l’audience, qu’il suffisait d’examiner l’existence d’un risque de confusion entre les marques antérieures MISS ROSSI et la marque communautaire SERGIO ROSSI, d’une part, et la marque demandée MARCOROSSI, d’autre part, sans tenir compte de la marque antérieure italienne sergio rossi (enregistrement italien n° 611 072, point 4 ci-dessus).

19     La requérante ne remet pas en cause la définition du public ciblé retenue par la chambre de recours et selon laquelle les produits en cause sont destinés à tous les consommateurs. Elle reconnaît également que le territoire visé correspond à l’ensemble de la Communauté européenne en ce qui concerne la marque communautaire SERGIO ROSSI, à l’Italie s’agissant de la marque antérieure italienne MISS ROSSI et à la France s’agissant de la marque antérieure internationale MISS ROSSI.

 Argumentation des parties

20     À titre liminaire, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir méconnu le caractère distinctif du nom patronymique « Rossi ». D’une part, à supposer même que les consommateurs soient habitués à des marques composées du prénom et du nom d’un styliste, il n’en demeure pas moins qu’ils sont tout aussi habitués à des marques constituées par le seul nom patronymique d’un styliste, telles que Gucci, Armani, Valentino, Ferré et Zara. D’autre part, la requérante fait observer que la conclusion selon laquelle le nom « Rossi » n’a qu’un faible caractère distinctif n’est soutenue par aucune argumentation. La chambre de recours aurait, à tout le moins, dû distinguer la perception des marques en Italie de celle qu’en a le public ciblé dans les autres États membres de la Communauté européenne.

21     En ce qui concerne, en premier lieu, la comparaison entre le signe demandé et la marque antérieure SERGIO ROSSI, la requérante fait observer que chacun des signes en cause est composé d’un prénom et d’un nom de famille (« Sergio Rossi » et « Marco Rossi »). Elle affirme qu’il y a une similitude visuelle entre les signes en raison de l’identité du mot « Rossi » qui forme la seconde partie des signes. Le mot « Rossi » serait reconnu comme étant un nom patronymique. Dès lors, le public lui accorderait un caractère distinctif plus élevé qu’aux prénoms « Sergio » et « Marco ». Le fait que le nom « Marco Rossi » soit écrit en un seul mot dans le signe demandé n’empêcherait pas le consommateur de percevoir les deux éléments « marco » et « rossi ». En outre, la requérante souligne qu’aucun des signes en cause ne présente d’éléments graphiques susceptibles de les différencier.

22     S’agissant de la similitude phonétique, la requérante fait grief à la chambre de recours d’en avoir sous-estimé le degré. Elle souligne, en particulier, l’identité des lettres « r » et « o » qui constituent la terminaison respective des syllabes « ser » et « mar » ainsi que des syllabes « gio » et « co ».

23     En ce qui concerne la similitude conceptuelle, la requérante soutient que les signes en cause seront perçus comme la désignation d’une personne de sexe masculin dont le nom de famille est « Rossi ». En outre, le nom de famille constitue l’élément dominant dans la perception d’une marque composée du prénom et du nom patronymique d’un styliste. Partant, les signes en cause seraient très similaires sur le plan conceptuel. La requérante reconnaît que le caractère distinctif du nom patronymique « Rossi » n’est pas, en général, très marqué en Italie. Elle souligne cependant qu’elle ignore si c’est également le cas dans le secteur dont relèvent les produits en cause. Elle ajoute que la similitude conceptuelle des signes en cause est plus prononcée pour un public non italien. En effet, dans les États membres autres que l’Italie, le nom « Rossi » serait un nom patronymique rare auquel le public accorderait plus d’attention qu’aux prénoms « Sergio » et « Marco ». De plus, pour un public non italien, ces prénoms ne seraient pas si éloignés l’un de l’autre.

24     En ce qui concerne, en deuxième lieu, la comparaison entre les signes MISS ROSSI et MARCOROSSI, selon la requérante, les signes sont visuellement similaires en raison de l’identité du mot « Rossi » qui forme la seconde partie de la marque demandée ainsi que le second mot des marques antérieures MISS ROSSI. S’agissant d’un public italien, celui‑ci reconnaîtrait le mot « Rossi », puisqu’il s’agit d’un nom de famille très répandu en Italie. Ensuite, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir écarté l’identité de la lettre initiale des signes en cause. Enfin, elle souligne que le fait que la marque demandée soit écrite en un seul mot n’est pas pertinent, car le consommateur décèlera aisément les mots « Marco » et « Rossi ».

25     S’agissant de la similitude phonétique des signes MARCOROSSI et MISS ROSSI, la requérante considère qu’elle n’est pas faible, mais plutôt prononcée non seulement en raison de l’identité de l’élément « Rossi », mais aussi parce que les signes ont la même lettre initiale. De plus, la similitude phonétique serait renforcée, pour le public français, par le fait que ces consommateurs prononceront les signes en cause avec un accent sur leur dernière syllabe et donc sur leur partie finale qui est identique.

26     Pour ce qui est de la similitude conceptuelle, la requérante estime que la constatation de la chambre de recours selon laquelle les consommateurs des produits en cause sont habitués à des marques constituées par le prénom et le nom patronymique d’un styliste ne repose pas sur des faits objectifs. En outre, il existerait une similitude conceptuelle entre les marques en ce qu’elles évoquent une personne – de sexe masculin dans le cas de la marque demandée et de sexe féminin dans celui des marques antérieures – dont le nom patronymique est « Rossi ». Le nom « Rossi » constituerait l’élément dominant des signes en cause, ce fait étant plus clair pour un public français qu’italien.

27     Pour étayer la thèse selon laquelle le nom de famille constitue l’élément dominant des signes en cause, la requérante fait, en troisième lieu, état de plusieurs décisions d’autorités administratives et de tribunaux nationaux italiens, français, allemands, espagnols, belges, lituaniens, tchèques et slovaques. Elle s’appuie également sur l’arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties) (T‑104/01, Rec. p. II‑4359).

28     En quatrième lieu, la requérante considère que la chambre de recours n’a pas dûment tenu compte de la protection plus large dont jouit une marque connue.

29     Selon elle, il existe un risque d’association entre les signes en cause, tel que défini par la Cour dans l’arrêt du 11 novembre 1997, SABEL (C-251/95, Rec. p. I‑6191, point 15). En effet, les consommateurs pourraient associer une chaussure de femme portant la marque MISS ROSSI ou SERGIO ROSSI avec un produit similaire revêtu de la marque MARCOROSSI. En outre, la marque MARCOROSSI utilisée pour des produits identiques à ceux déjà commercialisés par les marques MISS ROSSI et SERGIO ROSSI pourrait être perçue comme une marque protégeant une nouvelle ligne de produits commercialisés par la requérante.

30     Enfin, la requérante renvoie à l’ensemble des arguments qu’elle a présentés dans les mémoires déposés dans le cadre de la procédure devant l’OHMI.

31     L’OHMI adopte, en substance, l’argumentation de la requérante. Il relève que, selon l’arrêt du Tribunal du 1er mars 2005, Enzo Fusco/OHMI – Fusco International (ENZO FUSCO) (T-185/03, non encore publié au Recueil, points 55 et 67), le nom patronymique sera perçu, du moins par un grand nombre de consommateurs dans la Communauté européenne, comme étant l’élément dominant d’une marque composée d’un prénom et d’un nom patronymique. Dans les pays autres que l’Italie, le nom « Rossi » serait un nom rare dont le caractère distinctif n’est donc pas amoindri.

32     L’intervenante s’oppose aux arguments de la requérante et de l’OHMI. Elle souligne, notamment, que la marque demandée est constituée d’un seul mot, alors que les marques antérieures opposantes sont formées de deux mots. Il en découlerait une différence non négligeable notamment sur le plan visuel.

 Appréciation du Tribunal

33     Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée.

34     En vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), i) à iii), du règlement n° 40/94, il convient d’entendre par marques antérieures les marques communautaires et les marques enregistrées dans un État membre ou ayant fait l’objet d’un enregistrement international, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

35     Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou services désignés [voir arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 31 à 33 ; du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T-185/02, Rec. p. II‑1739, points 49 et 50, et du 22 juin 2004 « Drie Mollen sinds 1818 »/OHMI – Nabeiro Silveria (Galáxia), T‑66/03, Rec. p. II-1765, points 20 et 21, et la jurisprudence citée].

36     En l’espèce, il convient de rappeler, tout d’abord, que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Selon la jurisprudence, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. Si le texte de la requête peut être étayé par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans la requête et il n’incombe pas au Tribunal de se substituer aux parties en essayant de rechercher les éléments pertinents dans les annexes [ordonnance du Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T‑56/92, Rec. p. II‑1267, points 21 et 23, et arrêt du Tribunal du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec. p. II‑2085, point 154].

37     Il s’ensuit que la requête, pour autant qu’elle renvoie aux écrits déposés devant l’OHMI, est irrecevable dans la mesure où le renvoi global qu’elle contient n’est pas rattachable aux moyens et aux arguments développés dans la requête.

38     De plus, il y a lieu de relever que le moyen unique ne vise que la similitude des signes et l’existence éventuelle d’un risque de confusion. Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips‑Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée].

39     D’une façon générale, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [voir arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T-6/01, Rec. p. II‑4335, point 30, et la jurisprudence citée].

40     L’analyse de la similitude des signes en cause constitue un élément essentiel de l’appréciation globale du risque de confusion. Elle doit donc être opérée par rapport à la perception du public pertinent [arrêt PICARO, point 35 supra, point 53].

41     S’agissant, en premier lieu, des signes MARCOROSSI et SERGIO ROSSI, ceux‑ci se ressemblent, sur le plan visuel, en raison de l’identité de l’élément « rossi » constituant la seconde partie du mot « marcorossi » et le second mot dans la suite verbale « sergio rossi ». De plus, la première partie respective des signes en cause se termine par la voyelle « o » et leur première syllabe finit par la consonne « r ». En revanche, la marque demandée est constituée d’un seul mot, alors que la marque antérieure communautaire en comporte deux. En outre, les premières parties des signes en cause, à savoir « marco » et « sergio », sont différentes, à l’exception des lettres « r » et « o » qui n’ont, cependant, pas beaucoup d’importance dans l’impression visuelle d’ensemble.

42     Sur le plan phonétique, tout comme sur le plan visuel, la seconde partie de chaque signe, à savoir le mot « rossi », est identique, alors que la première est différente, à l’exception de la consonne « r » à la fin de la première syllabe et de la voyelle « o » terminant la deuxième. En outre, le nombre de syllabes est identique, chaque signe en cause en comprenant quatre. Ces éléments de similitude et de différences sont, à des degrés divers, perceptibles dans les différentes langues parlées dans la Communauté européenne.

43     Sur le plan conceptuel, il y a lieu de relever que la marque antérieure SERGIO ROSSI est composée du prénom italien « Sergio » et du nom de famille « Rossi », alors que la marque demandée est constituée par la fusion, en un seul mot, du prénom italien « Marco » et du nom de famille « Rossi ».

44     S’agissant de signes composés du prénom et du nom d’une personne (réelle ou fictive), le Tribunal a relevé que la perception de tels signes peut varier dans les différents pays de la Communauté. Il ne saurait être exclu que, dans certains États membres, les consommateurs gardent à l’esprit le nom de famille plutôt que le prénom quand ils perçoivent des marques constituées par la combinaison d’un prénom et d’un nom, la perception de tels signes pouvant varier dans les différents pays [voir, en ce sens, arrêt ENZO FUSCO, point 31 supra, point 52, et arrêt du Tribunal du 13 juillet 2005, Murúa Entrena/OHMI – Bodegas Murúa (Julián Murúa Entrena), T-40/03, non encore publié au Recueil, points 67 et 69].

45     Toutefois, cette règle générale, qui est tirée de l’expérience, ne saurait être appliquée de façon automatique sans tenir compte des particularités caractérisant le cas d’espèce. Il y a toujours lieu d’opérer la comparaison des marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble (arrêt MATRATZEN, point 39 supra, point 34). En l’espèce, force est de constater que la marque demandée est constituée d’un seul mot. La fusion inhabituelle du prénom « Marco » et du nom de famille « Rossi » en un seul mot donne lieu à un tout indissociable qui sera mémorisé comme tel par les consommateurs. Il convient de rappeler à cet égard que le consommateur moyen perçoit la marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêt SABEL, point 29 supra, point 23). Or, sur le plan visuel, la distinction entre les éléments « marco » et « rossi » ne peut être effectuée par les consommateurs qu’après un effort d’analyse. En outre, il est reconnu que, en général, l’achat de vêtements implique l’examen visuel des marques, l’aspect visuel revêtant, dès lors, une importance particulière [arrêts du Tribunal du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T-117/03 à T‑119/03 et T-171/03, Rec. p. II‑3471, point 50, et du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, Rec. p. II-287, point 66]. Cette règle est transposable aux autres produits en cause, à savoir les chaussures et les produits relevant de la classe 18 de l’arrangement de Nice, étant donné qu’il s’agit d’articles d’habillement et d’accessoires dont le choix, par le consommateur, est normalement déterminé dans une large mesure par leur aspect visuel. Dans de telles circonstances, il ne saurait être supposé que le consommateur focalisera son attention sur le seul mot « rossi » et ne retiendra que celui-ci au détriment de la première partie du signe MARCOROSSI, de sorte que, par hypothèse, la capacité à distinguer les produits visés de ceux provenant d’autres entreprises reposerait principalement sur la seconde partie de ce signe.

46     Il s’ensuit que le mot « rossi » n’est pas l’élément dominant du signe MARCOROSSI, étant donné que chacune des deux parties constituant le signe contribue d’égale façon à l’impression d’ensemble produite par celui-ci.

47     Dans ces circonstances, l’identité de l’élément verbal « rossi » dans les deux signes ne conduit pas à une impression d’ensemble suffisamment similaire pour pouvoir entraîner un risque de confusion dans l’esprit du public communautaire, et ce même si la marque antérieure SERGIO ROSSI jouit d’une renommée dans la Communauté.

48     Par conséquent, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il n’y a pas de risque de confusion entre les marques MARCOROSSI et SERGIO ROSSI est correcte.

49     S’agissant du signe MISS ROSSI, force est de constater qu’il présente quelques éléments de similitude visuelle et phonétique avec la marque demandée en ce que le mot « rossi » est identique dans les deux signes. En revanche, abstraction faite de la lettre initiale, les mots « miss » et « marco » sont visuellement et phonétiquement différents, de sorte que les différences l’emportent dans l’impression d’ensemble que produisent ces deux mots.

50     Sur le plan conceptuel, les publics italien et français comprendront le mot « miss », signifiant « demoiselle » en anglais. Dès lors, ces consommateurs comprendront le signe antérieur comme désignant une demoiselle dont le nom de famille est « Rossi ». Comme le mot « miss » peut être compris, dans le secteur concerné, comme désignant une ligne de produits destinée à un public féminin, les consommateurs accorderont, dans l’impression d’ensemble, plus d’importance au mot « rossi ».

51     En revanche, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 45 ci‑dessus, le signe demandé sera perçu comme un tout indissociable, dont chaque partie, à savoir les mots « marco » et « rossi », contribue de manière égale au caractère distinctif et à l’impression d’ensemble du signe. Le mot « rossi » ne constitue pas, par conséquent, l’élément dominant du signe demandé. Dès lors que le conflit entre ces deux signes n’implique pas d’identité entre les éléments dominants de ceux‑ci, la similitude des signes en cause est, en l’espèce, trop faible pour conduire à un risque de confusion aux yeux du public français ou italien. Il s’ensuit que la chambre de recours a considéré, à bon droit, qu’il n’existait pas de risque de confusion entre le signe demandé et la marque antérieure italienne MISS ROSSI.

52     Cette appréciation n’est pas remise en cause par les autres arguments avancés par la requérante.

53     S’agissant, premièrement, de la jurisprudence nationale, il est de jurisprudence établie qu’elle ne lie pas le juge communautaire, le système de la marque communautaire étant un système autonome dont l’application est indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47]. Il y a lieu d’ajouter que, en tout état de cause, les informations avancées par la requérante au sujet de la jurisprudence dans les États membres ne permettent pas au Tribunal d’évaluer à suffisance de droit si les cas invoqués par la requérante sont comparables au cas d’espèce ni si ces décisions sont issues d’une jurisprudence constante et uniforme.

54     En ce qui concerne, deuxièmement, l’arrêt Fifties, point 27 supra, l’intervenante a relevé à juste titre les différences qui existent entre les signes en cause et ceux dont traite cet arrêt, en particulier la présence en l’espèce, outre de l’élément identique « rossi », d’un deuxième élément (à savoir « marco » et, respectivement, « miss » et « sergio »), alors que le signe Fifties n’en contenait qu’un seul qui était, par ailleurs, identique à l’élément dominant de la marque antérieure en cause dans cette affaire.

55     S’agissant, troisièmement, de la prétendue existence d’un risque d’association au sens de l’arrêt SABEL (point 29 supra, point 15), l’intervenante a fait observer à bon droit que la Cour n’avait pas adopté l’interprétation large de la notion de « risque d’association » figurant au point cité de cet arrêt, mais qu’elle y avait seulement reproduit les observations présentées par le gouvernement néerlandais. En outre, s’il est effectivement reconnu que, dans le secteur de l’habillement, le consommateur est habitué à l’utilisation de sous‑marques (arrêts Fifties, point 27 supra, point 49, et NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection, point 45 supra, point 51), il convient de relever, en l’espèce, que, s’agissant des marques MARCOROSSI et SERGIO ROSSI, le fait que « marcorossi » soit un seul mot exclut un tel risque d’association pour les consommateurs communautaires. Des considérations analogues sont applicables aux marques antérieures MISS ROSSI.

56     Enfin, pour ce qui est, quatrièmement, de la renommée éventuelle de la marque antérieure SERGIO ROSSI pour les produits « chaussures », celle-ci ne saurait conduire les consommateurs à confondre l’origine commerciale des produits portant les marques en cause, pour les motifs exposés aux points 45 et 47 ci‑dessus.

57     Il découle de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en cause et que le moyen de la requérante tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 n’était, dès lors, pas fondé. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’influence éventuelle de la fréquence du nom « Rossi » en Italie sur l’appréciation du risque de confusion.

 Sur les dépens

58     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la partie intervenante. L’OHMI n’ayant pas conclu à ce que la requérante supporte les dépens exposés par lui, il supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par l’intervenante.

3)      L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) supportera ses propres dépens.

Pirrung

Meij

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : l’italien.