Language of document : ECLI:EU:T:2018:587

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

24 août 2018 (*)

« Référé – Règlement (UE) no 528/2012 – Produits biocides – Substance active PHMB (1415; 4.7) – Refus d’approbation – Demande de mesures provisoires – Fumus boni juris – Mise en balance des intérêts »

Dans les affaires T‑337/18 R et T‑347/18 R,

Laboratoire Pareva, établi à Saint-Martin-de-Crau (France), représenté par Mes K. Van Maldegem et S. Englebert, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑337/18 R,

Laboratoire Pareva, établi à Saint-Martin-de-Crau,

Biotech3D Ltd & Co. KG, établie à Gampern (Autriche),

représentés par Mes Van Maldegem et Englebert, avocats,

parties requérantes dans l’affaire T‑347/18 R,

contre

Commission européenne, représentée par MM. R. Lindenthal et K. Mifsud-Bonnici, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant, d’une part, à surseoir à l’exécution de la décision d’exécution (UE) 2018/619 de la Commission, du 20 avril 2018, refusant l’approbation du PHMB (1415; 4.7) en tant que substance active existante destinée à être utilisée dans des produits biocides des types 1, 5 et 6 (JO 2018, L 102, p. 21) et du règlement d’exécution (UE) 2018/613 de la Commission, du 20 avril 2018, approuvant le PHMB (1415; 4.7) en tant que substance active existante destinée à être utilisée dans les produits biocides relevant des types de produits 2 et 4 (JO 2018, L 102, p. 1), et, d’autre part, à adopter toute autre mesure provisoire adéquate,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        Le requérant dans l’affaire T‑337/18 R et premier requérant dans l’affaire T‑347/18 R, Laboratoire Pareva (ci-après le « premier requérant »), est un fabricant de la substance chlorhydrate de polyhexaméthylène biguanide [ci-après « PHMB (1415; 4.7) »] dans l’Union européenne.

2        La seconde requérante dans l’affaire T‑347/18 R, Biotech3D Ltd & Co. KG (ci-après la « seconde requérante »), est une cliente du premier requérant qui utilise le PHMB (1415; 4.7) dans des formulations de produits biocides et des dispositifs destinés à être utilisés comme désinfectants et désodorisants dans l’Union.

3        Le 20 avril 2018, la Commission européenne a pris la décision d’exécution (UE) 2018/619 refusant l’approbation du PHMB (1415; 4.7) en tant que substance active existante destinée à être utilisée dans des produits biocides des types 1, 5 et 6 (JO 2018, L 102, p. 21 ; ci-après la « décision attaquée »).

4        Il résulte du considérant 2 de la décision attaquée que le PHMB (1415; 4.7) a été évalué aux fins de son utilisation dans les produits biocides des types 1 (hygiène humaine), 5 (eau potable) et 6 (protection des produits pendant le stockage).

5        Il ressort du considérant 3 de la décision attaquée que la République française a été désignée comme autorité compétente d’évaluation et qu’elle a soumis, le 13 décembre 2016, ses rapports d’évaluation assortis de recommandations.

6        Selon le considérant 4 de la décision attaquée, les avis de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ont été formulés le 4 octobre 2017 par le comité des produits biocides, qui a tenu compte des conclusions de l’autorité compétente d’évaluation.

7        Selon le considérant 5 de la décision attaquée, il ressort de ces avis que les produits biocides relevant des types 1, 5 et 6 contenant du PHMB (1415; 4.7) ne peuvent satisfaire aux critères énoncés à l’article 19, paragraphe 1, point b), du règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO 2012, L 167, p. 1). Pour ces types de produits, les scénarios examinés lors de l’évaluation des risques pour la santé humaine et pour l’environnement ont permis de détecter des risques inacceptables.

8        Conformément à l’article 1er de la décision attaquée, le PHMB (1415; 4.7) n’est pas approuvé en tant que substance active destinée à être utilisée dans des produits biocides appartenant aux types 1, 5 et 6.

9        Le même jour, à savoir le 20 avril 2018, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2018/613 approuvant le PHMB (1415; 4.7) en tant que substance active existante destinée à être utilisée dans les produits biocides relevant des types de produits 2 et 4 (JO 2018, L 102, p. 1 ; ci-après le « règlement attaqué »).

10      Il résulte du considérant 2 du règlement attaqué que le PHMB (1415; 4.7) a été évalué en vue de son utilisation dans les produits du type 2 (désinfectants et produits algicides non destinés à l’application directe sur des êtres humains ou des animaux) et du type 4 (désinfectants pour les surfaces en contact avec les denrées alimentaires et les aliments pour animaux).

11      Selon les considérants 4 et 7 du règlement attaqué, les avis de l’ECHA, formulés le 4 octobre 2017 par son comité des produits biocides, aboutissent à la conclusion que le PHMB (1415; 4.7) remplit les critères des substances très persistantes (vP) et toxiques (T) et doit être considéré comme une substance dont la substitution est envisagée.

12      Conformément à l’article 1er du règlement attaqué, le PHMB (1415; 4.7) est approuvé en tant que substance active destinée à être utilisée dans des produits biocides relevant des types 2 et 4, sous réserve des spécifications et des conditions énoncées à l’annexe dudit règlement. Il résulte des dispositions de cette annexe que les autorisations des produits biocides relevant des types 2 et 4 sont assorties de plusieurs conditions et que la personne responsable de la mise sur le marché d’un article qui a été traité avec du PHMB (1415; 4.7) ou auquel cette substance a été incorporé veille à un étiquetage conforme à l’article 58, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement no 528/2012.

13      Le 1er juin 2018, le premier requérant a introduit au greffe du Tribunal un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑337/18, visant, en substance, l’annulation de la décision attaquée.

14      Le même jour, le premier requérant a introduit, par acte séparé déposé au greffe du Tribunal, une demande en référé, dans laquelle il conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée avec effet immédiat, conformément à l’article 157, paragraphe 2 du règlement de procédure du Tribunal ;

–        octroyer toute autre mesure provisoire qui serait jugé appropriée et tenir une audience si cela est jugé nécessaire ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      Dans ses observations sur cette demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 21 juin 2018, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        réserver les dépens.

16      Le 1er juin 2018, le premier requérant et la seconde requérante ont introduit au greffe du Tribunal un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑347/18, visant, en substance, l’annulation du règlement attaqué.

17      Le 5 juin 2018, le premier requérant et la seconde requérante ont introduit, par acte séparé déposé au greffe du Tribunal, une demande en référé, dans laquelle ils concluent, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution du règlement attaquée avec effet immédiat, conformément à l’article 157, paragraphe 2 du règlement de procédure ;

–        octroyer toute autre mesure provisoire qui serait jugé appropriée et tenir une audience si cela est jugé nécessaire ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      Dans ses observations sur cette demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 26 juin 2018, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé comme irrecevable en ce qui concerne la seconde requérante ;

–        rejeter la demande en référé en ce qui concerne le premier requérant ;

–        réserver les dépens.

19      Le 26 juin 2018, le président du Tribunal a invité les parties à se prononcer sur une éventuelle jonction des affaires aux fins de la procédure en référé.

20      En réponse, les parties n’ont pas formulé d’objections relatives à la jonction des affaires aux fins de la procédure en référé.

 En droit

 Considérations générales

21      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

22      L’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

23      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

24      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

25      Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur les présentes demandes en référé, sans qu’il soit nécessaire d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Sur la jonction des affaires T337/18 R et T347/18 R

26      Les parties, interrogées par le président du Tribunal, n’ont pas soulevé d’objections à ce que les deux affaires en référé soient jointes aux fins de la présente ordonnance.

27      En considération du fait que les affaires T‑337/18 R et T‑347/18 R portent sur des faits très similaires et ont, en substance, le même objet, il y a lieu, en application de l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure, d’ordonner leur jonction aux fins de la présente ordonnance.

 Sur le fumus boni juris

28      En règle générale, la condition relative à l’existence d’un fumus boni juris est remplie lorsqu’au moins un des moyens invoqués par la partie qui sollicite les mesures provisoires à l’appui du recours au fond apparaît, à première vue, non dépourvu de fondement sérieux. Tel est le cas dès lors que l’un de ces moyens révèle l’existence d’un différend juridique ou factuel important dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure au fond [voir, en ce sens, ordonnances du 3 décembre 2014, Grèce/Commission, C‑431/14 P‑R, EU:C:2014:2418, point 20 et jurisprudence citée, et du 1er mars 2017, EMA/MSD Animal Health Innovation et Intervet international, C‑512/16 P(R), non publiée, EU:C:2017:149, point 59 et jurisprudence citée].

29      En outre, il y lieu de rappeler que, aux termes de l’article 156, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure, les demandes en référé « contiennent toutes les preuves et offres de preuves disponibles, destinées à justifier l’octroi des mesures provisoires ».

30      Ainsi, une demande en référé doit permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur cette demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir du texte même de ladite demande (voir ordonnance du 6 septembre 2016, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P‑R, non publiée, EU:C:2016:668, point 17 et jurisprudence citée).

31      Si la demande en référé peut être complétée sur des points spécifiques par des renvois à des pièces qui y sont annexées, ces dernières ne sauraient pallier l’absence des éléments essentiels dans ladite demande. Il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes de la demande en référé, dans la requête ou dans les annexes de la requête déposée dans l’affaire principale qui seraient de nature à corroborer la demande en référé. Une telle obligation mise à la charge du juge des référés serait d’ailleurs de nature à priver d’effet l’article 156, paragraphe 5, du règlement de procédure qui prévoit que la demande relative à des mesures provisoires doit être présentée par acte séparé (voir ordonnance du 20 juin 2014, Wilders/Parlement e.a., T‑410/14 R, non publiée, EU:T:2014:564, point 16 et jurisprudence citée).

32      En l’espèce, les requérants invoquent trois moyens à l’appui de leurs demandes d’annulation de la décision attaquée et du règlement attaqué (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »).

33      Par leur premier moyen, ils font valoir une méconnaissance des procédures substantielles en ce que, en substance, la République française, en tant qu’autorité compétente d’évaluation, aurait violé les dispositions de l’article 6, paragraphe 7, du règlement délégué (UE) n o 1062/2014 de la Commission, du 4 août 2014, relatif au programme de travail pour l’examen systématique de toutes les substances actives existantes contenues dans des produits biocides visé dans le règlement n o 528/2012 (JO 2014, L 294, p. 1).

34      En l’espèce, l’autorité compétente d’évaluation aurait dû, conformément à l’article 6, paragraphe 7, sous a), du règlement n o 1062/2014, présenter une proposition de classification et d’étiquetage harmonisés à l’ECHAau plus tard au moment de la présentation du rapport d’évaluation, à savoir le 13 décembre 2016.

35      De même, l’autorité compétente d’évaluation aurait dû, conformément à l’article 6, paragraphe 7, sous b), du règlement n o 1062/2014, consulter l’ECHAau plus tard au moment de la présentation du rapport d’évaluation, à savoir le 13 décembre 2016,

36      En raison du non-respect de ces obligations, le premier requérant aurait été privé de la faculté d’être entendu dans ce contexte. S’il avait pu présenter à cette occasion ses observations, cela aurait pu conduire à un résultat différent que celui arrêté par les actes attaqués.

37      Prima facie, cette argumentation semble ne pas tenir suffisamment compte de l’articulation des différentes procédures en cause.

38      Les actes attaqués ont été adoptés par la Commission sur le fondement de l’article 89, paragraphe 1, du règlement no 582/2012 et sur la base de l’avis de l’ECHA, soumis à la Commission en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o 1062/2014. Cet avis repose, quant à lui, sur le rapport d’évaluation présenté par l’autorité compétente d’évaluation à l’ECHA en application de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n o 1062/2014.

39      C’est dans le cadre de cette procédure que l’examen du PHMB (1415; 4.7) a eu lieu.

40      En revanche, pour ce qui concerne la violation alléguée des obligations découlant de l’article 6, paragraphe 7, du règlement n o 1062/2014, il paraît, à première vue, que, conformément au libellé de ces dispositions, les obligations procédurales incombant à l’autorité compétente d’évaluation ont pour objet principal d’assurer la mise à jour des listes auxquelles ces dispositions font référence et non d’évaluer, au regard des éventuels commentaires des demandeurs, la substance en cause afin de décider si elle peut être approuvée ou non.

41      Par ailleurs, il y a lieu de relever que la thèse des requérants repose sur une multitude d’hypothèses. En effet, premièrement, l’hypothèse d’une violation des obligations en vertu de l’article 6, paragraphe 7, du règlement n o 1062/2014. Deuxièmement, l’hypothèse selon laquelle le premier requérant aurait eu, si l’autorité compétente d’évaluation avait établi une proposition de classification et d’étiquetage harmonisés et avait consulté l’ECHA, la faculté de faire valoir son point de vue, sans pour autant établir en vertu de quelle disposition le premier requérant aurait eu un tel droit. Troisièmement l’hypothèse selon laquelle l’évaluation dans le cadre de la procédure en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o 1062/2014 aurait pu aboutir à un autre résultat, si le premier requérant avait pu faire valoir son point de vue dans le cadre des procédures prévues à l’article 6, paragraphe 7, du règlement n o 1062/2014, sans pour autant d’établir que le premier requérant aurait été ainsi privé de la faculté de pouvoir faire valoir son point de vue devant le comité, à première vue, compétent en l’espèce, à savoir le comité biocides de l’ECHA.

42      Par leurs deuxième et troisième moyens, qu’il convient d’examiner ensemble, les requérants font valoir des erreurs manifestes d’appréciation et une violation des droits de la défense.

43      À cet égard, ils soutiennent, premièrement, que l’autorité compétente d’évaluation, l’ECHA et la Commission n’ont pas examiné le PHMB (1415; 4.7) au regard de ses caractéristiques propres, mais ont procédé à cet examen en « copiant et collant systématiquement » les conclusions relatives à la classification et à l’évaluation des risques relatives à un autre type de PHMB. En outre, les requérants soutiennent que, en tout état de cause, aucune justification n’a été donnée en ce qui concerne l’application de la méthode de références croisées.

44      À ce titre, les requérants font référence, à titre d’exemples, à trois documents.

45      Toutefois, les documents auxquels il est fait référence, à savoir un extrait du rapport provisoire de l’autorité compétente d’évaluation du mois de mai 2016, un extrait du rapport de l’autorité compétente d’évaluation du mois de novembre 2016 et un courriel de l’autorité compétente d’évaluation du 16 décembre 2016, ne confortent pas, à première vue, la thèse des requérants d’un recours « systématique » à la méthode du « copier-coller » par l’autorité compétente d’évaluation, par l’ECHA et par la Commission.

46      En effet, ces documents ne permettent pas, a priori, de tirer la conclusion que l’autorité compétente d’évaluation a eu recours, de façon « systématique », à la méthode alléguée du « copier-coller ». Dans la mesure où il est fait référence à une méthode de références croisées, selon laquelle des résultats des études relatives à un autre type de PHMB sont pris en considération pour l’évaluation du PHMB (1415; 4.7), il ne saurait être conclu, prima facie, qu’une telle méthode revient à la méthode alléguée du « copier-coller », dont l’utilisation serait susceptible d’établir, à première vue, un fumus boni juris.

47      À plus forte raison, du fait que les documents auxquels les requérants font référence émanent tous de l’autorité compétente d’évaluation, il ne saurait, prima facie, être tiré aucune conclusion de ces documents quant au fait que l’ECHA, dans l’examen du rapport d’évaluation, aurait eu recours, de façon « systématique », à la méthode alléguée du « copier-coller ».

48      En effet, pour ce qui concerne le règlement attaqué, il y a lieu de relever que, selon le projet de rapport émanant de l’autorité compétente d’évaluation, il a été recommandé de ne pas approuver le PHMB (1415; 4.7) pour les types de produits 2 et 4 et que ce n’est qu’au cours de l’évaluation, sous les auspices de l’ECHA, que cette recommandation a été modifiée. Dans ces conditions, il ne saurait être affirmé que l’ECHA a fait sienne l’évaluation de l’autorité compétente d’évaluation sans procéder à un véritable examen.

49      En outre, le procès-verbal final du 25 septembre 2017 WGIII2017_TOX_6-3 fait état d’une discussion approfondie, à laquelle le premier requérant a participé, au sujet de la possibilité de se référer aux données relatives à un autre type de PHMB pour l’examen de la concentration acceptable d’exposition par inhalation en l’absence de donnés spécifiques relatives au PHMB (1415; 4.7). Cette discussion a abouti à la conclusion des membres de ce groupe de travail que les données relatives à un autre type de PHMB peuvent, « sur une base scientifique », être utilisées sans qu’un facteur de sécurité supplémentaire soit nécessaire.

50      Ce procédé tend à réfuter, à première vue, l’affirmation selon laquelle l’ECHA, dans la mesure où des données relatives à un autre type de PHMB ont été utilisées aux fins de l’examen de la concentration acceptable d’exposition par inhalation, s’est servie d’un simple « copier-coller systématique », mais accrédite le fait qu’elle a procédé, en permettant au premier requérant de présenter son point de vue, à une analyse de la question de savoir si, dans les circonstances d’espèce, une référence à de telles donnés était scientifiquement justifiée.

51      Deuxièmement, les requérants font valoir que l’autorité compétente d’évaluation, l’ECHA et la Commission n’ont pas tenu compte des données actuelles et pertinentes fournies par le premier requérant au cours de la procédure.

52      Or, il convient de relever que la procédure instaurée par les règlements nos 582/2012 et 1062/2014, au titre de laquelle les actes attaqués ont été adoptés, se déroule en plusieurs phases distinctes.

53      En outre, la participation des demandeurs dans la procédure est encadrée par des règles spécifiques.

54      Toutefois, les requérants se bornent à affirmer que « les données actuelles pertinentes fournies par [le premier requérant] (annexes R9 à R16) » n’ont pas été prises en considération.

55      Les requérants se réfèrent ainsi, comme il résulte des annexes R9 à R16, à une multitude de documents que le premier requérant avait soumis dans une période allant du 22 avril 2012 au 21 juillet 2017.

56      Or, les requérants ne précisent pas dans quelle étape des différentes phases de la procédure ces documents ont été déposés, ni si leur dépôt était intervenu dans les délais résultant de l’article 6, paragraphe 4, du règlement n o 1062/2014 ou dans ceux imposés par l’autorité compétente d’évaluation en vertu de l’article 6, paragraphe 5, dudit règlement, ni si ces documents ont été sollicités par les autorités ou s’ils ont été déposés de manière spontanée.

57      Or, conformément à la jurisprudence rappelée au point 31 ci-dessus, il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes de la demande en référé, dans la requête ou dans les annexes de la requête déposée dans l’affaire principale qui seraient de nature à corroborer la demande en référé.

58      Ainsi, sur la base de la seule affirmation selon laquelle des « données actuelles pertinentes fournies » par le premier requérant n’ont pas été prises en considération et en l’absence d’indications complémentaires et précises relatives aux éléments mentionnés au point 56 ci-dessus, le juge de référé n’est pas en mesure d’examiner si ces documents ont été ou auraient dû être pris en considération.

59      Troisièmement, les requérants font valoir que le document WGIII_2017 _TOX_6-3a n’a été transmis au premier requérant que le 7 juin 2017, à savoir après des réunions des groupes de travail, et qu’il n’a pas reçu un aperçu de tous les documents avant les réunions du groupe de travail concerné.

60      Toutefois, les requérants n’indiquent pas qu’elle a été la pertinence du document WGIII_2017 _TOX_6-3a dans la procédure d’évaluation et ne fournissent pas non plus d’information sur les réunions des groupes de travail concernées et sur l’éventuel impact qu’a eu le fait que le premier requérant n’était pas en possession de ce document avant le 7 juin 2017.

61      De même, l’allégation d’un droit à un « aperçu de tous les documents » avant des réunions des groupes de travail ne permet pas de déterminer la portée d’un tel droit, pouvant englober, le cas échéant, des documents fournis par des tiers. Or, le juge des référés, en l’absence d’éléments précisant la portée d’un tel droit, n’est pas, a priori, dans une position lui permettant de reconnaître un tel droit, de conclure, à première vue, à sa violation en l’espèce et d’évaluer, prima facie, les conséquences rattachées à une éventuelle méconnaissance d’un tel droit.

 Sur la mise en balance des intérêts et sur l’urgence

62      Selon la jurisprudence, les risques liés à chacune des solutions possibles doivent être mis en balance dans le cadre de la procédure de référé. Concrètement, cela implique notamment d’examiner si l’intérêt de la partie qui sollicite les mesures provisoires à obtenir le sursis à l’exécution de l’acte attaqué prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de celui-ci. Lors de cet examen, il convient de déterminer si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui serait provoquée par son exécution immédiate et, inversement, dans quelle mesure le sursis serait de nature à faire obstacle aux objectifs poursuivis par l’acte attaqué au cas où le recours principal serait rejeté [ordonnance du 1er mars 2017, EMA/MSD Animal Health Innovation et Intervet international, C‑512/16 P(R), non publiée, EU:C:2017:149, point 127].

63      En l’espèce, les requérants soutiennent que la mise en balance des intérêts penche en faveur du sursis à l’exécution des actes attaqués, tandis que la Commission estime qu’elle penche en faveur du refus du sursis.

64      Dans la mesure où il ne saurait être exclu que tant le sursis à l’exécution des actes attaqués que son refus puissent avoir des effets définitifs, il convient de déterminer les intérêts devant être pris en considération lors de la mise en balance.

65      Selon les termes des actes attaqués, des risques inacceptables pour la santé humaine et l’environnement ont été détectés pour ce qui concerne l’usage du PHMB (1415; 4.7) pour des produits biocides relevant des types 1, 5, et 6 et cette substance remplit les critères des substances très persistante (vP) et toxiques (T), de sorte qu’elle doit être considérée comme une substance dont la substitution est envisagée et dont l’usage dans des produits biocides relevant des types 2 et 4 doit être encadré par des spécifications et des conditions additionnelles.

66      La Commission en déduit que la mise en balance devrait partir de la prémisse selon laquelle un risque pour la santé humaine et l’environnement existe.

67      Pour ce qui concerne la décision attaquée, la Commission rappelle les constatations faites lors de l’examen du PHMB (1415; 4.7).

68      Selon la Commission, l’évaluation pour les produits du type 1 (hygiène humaine) du risque pour la santé humaine a mis en évidence des risques inacceptables pour les utilisateurs professionnels [chirurgiens, infirmiers dans les hôpitaux utilisant des produits contenant du PHMB (1415; 4.7) pour la désinfection des mains], les utilisateurs non professionnels (grand public à domicile) et les enfants en bas âge qui sucent leurs mains. L’évaluation des risques pour l’environnement aurait mis en évidence des risques inacceptables pour les sédiments, le sol et les eaux de surface lors de l’examen des utilisations privées et professionnelles.

69      En outre, pour les produits du type 5 (eau potable), l’évaluation du risque pour la santé humaine aurait mis en évidence des risques inacceptables pour les utilisateurs professionnels, liés à un contact cutané avec une eau potable désinfectée. L’évaluation des risques pour l’environnement aurait mis en évidence des risques inacceptables pour le milieu aquatique (y compris les sédiments) et le sol.

70      Enfin, en ce qui concerne les produits du type 6 (protection des produits pendant le stockage), l’évaluation du risque pour la santé humaine aurait mis en évidence des risques inacceptables pour les utilisateurs professionnels ou non-professionnels, liés à un contact cutané avec des détergents conservés avec du PHMB (1415; 4.7). Des risques inacceptables auraient également été mis en évidence pour le grand public exposé au port de vêtements lavés avec des détergents contenant un tel agent de conservation. L’évaluation des risques pour l’environnement aurait mis en évidence des risques inacceptables pour au moins un milieu environnemental (eaux de surface, sédiments, eaux souterraines, sol) dans tous les scénarios examinés.

71      S’agissant du règlement attaqué, la Commission avance qu’un certain nombre de risques inacceptables pour la santé publique et l’environnement ont été mis en évidence après une évaluation approfondie en ce qui concerne certains usages des types 2 et 4, certains d’entre eux pour des groupes vulnérables (enfants en bas âge).

72      En revanche, les requérants ne contestent pas expressément l’existence des risques pour la santé humaine ou pour l’environnement.

73      Les requérants se bornent à affirmer que le PHMB (1415; 4.7) ne pose « aucun problème de santé publique ».

74      En outre, les requérants affirment qu’ « aucun problème de santé majeur n’a été signalé en ce qui concerne cette substance au cours des 40 dernières années ». Dans ce contexte, ils font référence au point 9.0 d’une étude de l’US Environmental Protection Agency (Agence de protection environnementale des États-Unis, États-Unis).

75      À cet égard, il convient de signaler que les requérants n’ont pas établi la pertinence de cette étude. En effet, ils n’ont pas établi que cette étude se rapporte au PHMB (1415; 4.7) et non à un autre type de PHMB. Ils n’ont pas non plus établi que l’étude a été élaborée pour des fins similaires à celles de l’examen réalisé dans le cadre du règlement no 528/2012.

76      Par ailleurs, le point 9.0 de cette étude se limite à faire état d’une évaluation des rapports d’incidents et ne permet pas de conclure, même si cette étude se rapportait au PHMB (1415; 4.7), que cette substance ne pose « aucun problème de santé publique ». En effet, il résulte de l’exposé sommaire au point 1.0 de cette étude que des tests avec certaines espèces de mammifère ont relevé sa toxicité et sa cancérogénicité.

77      Enfin, les requérants ne peuvent pas, pour écarter des risques pour la santé humaine ou l’environnement, tirer d’argument de l’allégation selon laquelle le PHMB (1415; 4.7) a été utilisée en toute sécurité dans les États-Unis et dans l’Union depuis de nombreuses d’années. En effet, dans le secteur concerné par les présentes affaires, les évolutions scientifiques ne sont pas rares et donnent ainsi l’occasion d’évaluer à nouveau les substances à l’aune de nouvelles connaissances et découvertes scientifiques. Tel est le fondement des procédures de renouvellement et la raison d’être des limites temporelles appliquées aux autorisations de commercialisation (voir, par analogie, ordonnance du 22 juin 2018, FMC/Commission, T‑719/17 R, EU:T:2018:408, point 97).

78      Dans ces conditions, la mise en balance des intérêts doit partir de la prémisse selon laquelle les restrictions de l’usage du PHMB (1415; 4.7), résultant des actes attaqués, promeuvent la protection de la santé humaine et de l’environnement et que, par conséquent, le sursis à l’exécution des actes attaqués est susceptible d’entrainer des risques pour la santé humaine et l’environnement.

79      Pour ce qui concerne les intérêts défendus par les requérants, ils invoquent un risque de perte de parts de marché considérable, voire un risque de faillite. En outre, ils évoquent le risque de pertes d’emplois.

80      Par conséquent, il convient de mettre en balance, d’un côté, les risques pour la santé humaine et l’environnement et, de l’autre côté, les risques de perte de parts de marché, voire de faillite, et de perte des emplois.

81      À cet égard, il est de jurisprudence constante que, en principe, les exigences liées à la protection de la santé publique doivent incontestablement se voir reconnaître un caractère prépondérant par rapport aux considérations économiques [voir ordonnance du 11 avril 2001, Commission/Bruno Farmaceutici e.a., C‑474/00 P(R), EU:C:2001:219, point 112 et jurisprudence citée, et arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 99 et jurisprudence citée].

82      Ainsi, il convient encore de vérifier si la pondération concrète des intérêts révèle, en l’espèce, des éléments faisant pencher la mise en balance des intérêts en faveur du sursis sollicité par les requérants.

83      Pour ce qui concerne le risque pour la santé humaine et l’environnement, les requérants n’ont pas avancé d’éléments permettant de conclure de manière suffisamment certaine que ces risques seraient négligeables ou peu probables.

84      En outre, selon son article 1er, le règlement no 582/2012 a notamment pour finalité d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement et ses dispositions se fondent sur le principe de précaution.

85      À ce dernier égard, il importe de rappeler que, selon ce principe, lorsque des incertitudes apparaissent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, les institutions de l’Union, en application de ce principe, peuvent prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées [voir, en ce sens, ordonnance du 19 décembre 2013, Commission/Allemagne, C‑426/13 P(R), EU:C:2013:848, point 54 et jurisprudence citée].

86      La pertinence de l’intérêt d’éviter des risques pour la santé humaine et pour l’environnement est soulignée par le fait que, conformément à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, concernant la mise sur le marché des produits biocides (JO 1998, L 123, p. 1), la Commission a entamé un programme de travail de dix ans pour l’examen systématique de toutes les substances actives qui sont déjà sur le marché en tant que substance actives d’un produit biocide.

87      Dans ce cadre, le dossier complet pour l’examen du PHMB (1415; 4.7) aurait dû parvenir « au plus tard le 31 juillet 2007 » à l’autorité compétente d’évaluation, conformément à l’annexe V, partie C, du règlement (CE) no 2032/2003 de la Commission, du 4 novembre 2003, concernant la seconde phase du programme de travail de dix ans visé à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8 et modifiant le règlement (CE) no 1896/2000 (JO 2003, L 307, p. 1).

88      Toutefois, selon la Commission, le 18 février 2008, l’autorité compétente d’évaluation a déclaré les demandes du premier requérant incomplètes en raison d’un grave manque d’informations.

89      À l’époque, l’autorité compétente d’évaluation a accordé au premier requérant la possibilité de compléter le dossier jusqu’au mois de juillet 2013.

90      C’est n’est qu’en 2015, donc près de huit ans après la date limite, que l’autorité compétente d’évaluation a pu constater que le dossier était complet.

91      Il en résulte que le PHMB (1415; 4.7) a pu être commercialisé pendant une période beaucoup plus longue que prévue par le législateur de l’Union sans que cette substance ait été approuvée conformément à la règlementation applicable de l’Union, portant ainsi préjudice à l’objectif d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement et au principe de précaution.

92      Pour ce qui concerne les intérêts défendus par les requérants, il convient d’examiner si leurs intérêts sont affectés d’une manière permettant de faire pencher la mise en balance en leur faveur.

93      Dans le cadre de leur argumentation relative à la condition de l’urgence, les requérants soutiennent que les actes attaqués entraineraient la perte de parts de marché, voire un risque de faillite.

94      À cet égard, il convient de constater que, même si ni la fabrication ni l’usage du PHMB (1415; 4.7) ne sont interdits par les actes attaqués, l’usage de cette substance peut être, a priori, réduit de manière significative, ce qui pourrait entrainer également des conséquences non négligeables sur la production.

95      Ainsi, en ce qui concerne le premier requérant, qui ne fabrique et ne commercialise que le PHMB (1415; 4.7), le risque d’une perte de parts de marché considérable ne peut être écarté.

96      En revanche, pour ce qui concerne l’allégation d’un risque pour sa viabilité financière, il convient de rappeler la jurisprudence selon laquelle ce risque doit être apprécié, le cas échéant, au regard des caractéristiques du groupe auquel une partie sollicitant des mesures provisoires appartient, de sorte qu’une telle partie doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière (voir ordonnance du 29 février 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, T‑732/15 R, non publiée, EU:T:2016:129, point 39 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, ordonnance du 12 juin 2014, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P‑R, EU:C:2014:1749, point 46 et jurisprudence citée).

97      Or, le premier requérant est détenu par une société holding et ne fournit pas la moindre information sur la situation financière de cette dernière.

98      Ainsi, le premier requérant n’a pas produit une image fidèle et globale de sa situation financière, comme cela est requis par la jurisprudence.

99      En outre, il y a lieu de relever que le premier requérant affirme dans ses écritures qu’il « sera absolument certain » que l’effet combiné des actes attaqués aura pour conséquence qu’il ne sera plus une entreprise viable, tandis que le gérant du premier requérant s’exprime, au points 18 et 19 de sa déclaration sous serment du 28 mai 2018, de manière beaucoup plus nuancée.

100    Dans ces conditions, on ne saurait conclure que le risque pour la viabilité financière du premier requérant est établi de manière suffisante.

101    S’agissant de la seconde requérante, qui ne produit et ne vend que des formulations de produits et de dispositifs à base du PHMB (1415; 4.7), le risque d’une perte de parts de marché considérable, voire de sa faillite, ne peut être écarté pour les motifs énoncés au point 94 ci-dessus et en raison du fait que, selon les informations fournies dans la demande en référé, il s’agit d’une société créée récemment, ne faisant pas partie d’un groupe de sociétés et ne disposant pas de ressources financières notables.

102    Toutefois, en ce qui concerne l’importance des intérêts défendus par les requérants dans le cadre de la pondération des intérêts, il convient de rappeler la jurisprudence relative à la condition de l’urgence selon laquelle, dans le cadre d’un marché hautement réglementé, tel que celui en l’espèce, il incombe aux entreprises concernées, sauf à devoir supporter elles-mêmes le préjudice résultant d’une intervention des autorités, de se prémunir contre les conséquences de celle-ci par une politique appropriée [voir, en ce sens, ordonnance du 16 juin 2016, ICA Laboratories e.a./Commission, C‑170/16 P(R), non publiée, EU:C:2016:462, point 29 et jurisprudence citée].

103    Cette jurisprudence a également sa pertinence dans le cadre de la mise en balance des intérêts.

104    En effet, il est inhérent au secteur dans lequel les requérants sont actifs et ainsi à la situation juridique des requérants, qui ont dû être conscients du risque que l’utilisation du PHMB (1415; 4.7) pourrait ne pas être admise pour certains produits ou que son utilisation pour d’autres produits pourrait être soumise à des conditions restrictives, que les dispositions économiques qu’ils ont prises comportaient un certain risque.

105    À cet égard, il convient de relever que le premier requérant a su, au plus tard depuis la publication du règlement no 2032/2003 au Journal officiel de l’Union européenne, intervenue le 24 novembre 2003, que le PHMB (1415; 4.7) devait faire l’objet d’une évaluation. Pour ce qui concerne la seconde requérante, il y a lieu de relever qu’elle a été créée en 2014 et qu’elle a fondé depuis lors son activité sur l’utilisation du PHMB (1415; 4.7) alors que, en tant qu’opérateur avisé dans un secteur hautement règlementé, elle aurait dû savoir que cette substance faisait l’objet d’une évaluation.

106    Dans ces conditions, les risques de perte de parts de marchés, voire, pour ce qui concerne la seconde requérante, de faillite, ne sauraient faire pencher la mise en balance des intérêts en faveur des requérants. Cela vaut également pour ce qui concerne la perte d’emplois alléguée. À cet égard, il y a lieu de constater, au surplus, que les requérants se sont bornés à alléguer la perte d’emplois, sans préciser ni, a fortiori, démontrer, la nature des emplois concernés ni même le nombre total de personnes qu’ils emploient.

107    Enfin, l’examen de la condition liée au fumus boni juris n’a pas révélé d’éléments de nature à faire pencher, en l’espèce, la mise en balance des intérêts en faveur des requérants.

108    Dans ces conditions, il convient de conclure que la mise en balance des intérêts penche en faveur du refus du sursis à l’exécution des actes attaqués et ne permet pas de considérer, dans les circonstances de l’espèce, que, aux termes de l’article 278 TFUE, ces circonstances « exigent » d’ordonner le sursis à l’exécution des actes attaqués.

109    Il résulte de tout ce qui précède que les demandes en référé doivent être rejetées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les fins de non-recevoir soulevées par la Commission en ce qui concerne la seconde requérante.

110    En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Les affaires T337/18 R et T347/18 R sont jointes aux fins de la présente ordonnance.

2)      Les demandes en référé sont rejetées.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 24 août 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Jaeger


*      Langue de procédure : l’anglais.