Language of document : ECLI:EU:T:2015:606

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

9 septembre 2015 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré DIESEL – Marque internationale verbale antérieure DIESEL – Motif de nullité – Usage d’un signe distinctif – Risque de confusion – Article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement (CE) n° 6/2002 – Preuve de l’usage sérieux – Suspension de la procédure administrative »

Dans l’affaire T‑278/14,

Mansour Dairek Attoumi, demeurant à Badalona (Espagne), représenté par Mes E. Manresa Medina et J. Manresa Medina, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. O. Mondéjar Ortuño et Mme V. Melgar, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Diesel SpA, établie à Breganze (Italie), représentée par Mes F. Celluprica et F. Fischetti, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’OHMI du 18 février 2014 (affaire R 855/2012‑3), relative à une procédure de nullité entre Diesel SpA et M. Mansour Dairek Attoumi,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood et E. Bieliūnas (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 avril 2014,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 23 septembre 2014,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 22 septembre 2014,

vu la décision du 13 novembre 2014 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

à la suite de l’audience du 15 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Mansour Dairek Attoumi, est titulaire d’un dessin ou modèle communautaire déposé le 24 novembre 2008 et enregistré le même jour sous le numéro 001044150‑0003 (ci-après le « dessin ou modèle contesté ») auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) selon les modalités du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1). Ledit dessin ou modèle a donné lieu à une publication au Bulletin des dessins ou modèles communautaires n° 250/2008, du 28 novembre 2008.

2        Les produits auxquels le dessin ou modèle contesté est destiné à être appliqué relèvent de la classe 02.07 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Ceintures ». Le dessin ou modèle contesté est représenté comme suit :

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3        Le 12 août 2010, l’intervenante, Diesel SpA, a introduit devant l’OHMI, en vertu de l’article 52 du règlement n° 6/2002, une demande en nullité du dessin ou modèle contesté, fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 6/2002.

4        La demande en nullité était fondée, notamment, sur la marque internationale verbale DIESEL, produisant ses effets dans les pays du Benelux, en République tchèque, en Bulgarie, en Allemagne, en Espagne, en France, en Hongrie, en Autriche, en Pologne, au Portugal, en Roumanie, en Slovaquie et en Slovénie, enregistrée le 4 octobre 1993 sous le numéro 608499, désignant les produits relevant des classes 3, 9, 14, 16, 18, 24 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant pour la classe 25, seule pertinente pour le présent recours, à la description suivante : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

5        Le requérant a invité l’intervenante à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure. L’intervenante a présenté des articles de presse publiés dans des revues et des journaux espagnols spécialisés concernant des vêtements, des accessoires et des lunettes de soleil, publiés entre 2005 et 2010, des certificats des chambres de commerce de Madrid et de Barcelone de 2007, établissant le degré de connaissance de la marque antérieure, une liste de distributeurs et de magasins DIESEL dans plusieurs pays européens, dont l’Espagne, et une liste de factures, sous la forme d’un CD, adressées à un client en Espagne entre 2005 et 2010 indiquant les quantités vendues, le prix unitaire et la valeur totale de la facture (ci-après le « CD litigieux »).

6        Par décision du 29 février 2012, la division d’annulation a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 6/2002.

7        Le 2 mai 2012, le requérant a formé un recours, au titre des articles 55 à 60 du règlement n° 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

8        Le 10 octobre 2012, le requérant a demandé la suspension de la procédure devant la chambre de recours (ci-après la « demande de suspension »), dans l’attente d’une décision du Juzgado Mercantil n° 2 de Barcelona (tribunal de commerce n° 2 de Barcelone, Espagne) dans l’affaire portant le numéro de référence 380/2012, ayant pour objet une procédure de nullité entre l’intervenante et le requérant, au cours de laquelle le requérant a opposé l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure pour les « ceintures ».

9        Par décision du 18 février 2014 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que, s’agissant de la demande de suspension, il y avait lieu de la rejeter étant donné qu’une telle suspension aurait généré une incertitude juridique inacceptable et superflue qui aurait pesé sur la résolution du litige qui lui était soumis.

10      S’agissant de la demande en nullité au titre de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 6/2002, la chambre de recours a indiqué que, le droit antérieur étant une marque internationale produisant des effets, notamment, en Espagne, le motif de nullité établi par l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 6/2002 devait être interprété à la lumière de la législation nationale en vigueur, à savoir la Ley 17/2001 de Marcas, du 7 décembre 2001 (loi sur les marques, BOE n° 294, du 8 décembre 2001, p. 45579, ci-après la « Ley de Marcas »). Dès lors, la chambre de recours a examiné la demande en nullité au regard des dispositions combinées de l’article 34 de la Ley de Marcas et de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 6/2002.

11      Ainsi, après avoir indiqué que l’appréciation de la similitude ou de l’identité du dessin ou modèle contesté avec la marque antérieure s’assimilait à une appréciation globale du risque de confusion en termes de similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle des signes et des produits, la chambre de recours a, tout d’abord, analysé la question de la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure. Elle a conclu que l’intervenante avait su démontrer l’usage de sa marque antérieure en Espagne, au moins pour des « vêtements ». Ensuite, elle a procédé à la comparaison du dessin ou modèle contesté et de la marque antérieure, d’une part, et à la comparaison des produits couverts par les signes, d’autre part, et est parvenue à la conclusion que les signes présentaient un degré de similitude à tout le moins moyen et que les produits étaient similaires. Partant, la chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion entre les signes en cause et que, par conséquent, l’intervenante pouvait exercer son droit d’exclusivité contre le requérant, conformément à l’article 34 de la Ley de Marcas, pour interdire l’usage de la marque dans le dessin ou modèle contesté, et ce sans qu’il fût nécessaire de se prononcer sur le caractère distinctif accru tiré de l’usage de la marque antérieure.

 Conclusions des parties

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        remettre le dossier dans l’état où il se trouvait au moment de la procédure où le CD litigieux aurait dû lui être communiqué ;

–        à titre subsidiaire, remettre le dossier dans l’état où il se trouvait juste avant la décision attaquée en suspendant la procédure jusqu’à l’issue de la procédure judiciaire engagée par lui contre la marque antérieure ;

–        à titre subsidiaire, accueillir le présent recours en déclarant que l’intervenante n’a pas démontré l’usage de la marque antérieure et, par conséquent, rejeter la demande en nullité pour ce motif ;

–        à titre subsidiaire, accueillir le recours en rejetant la demande en nullité ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal modifierait la décision attaquée, accueillir ses moyens et confirmer ou déclarer la nullité du dessin ou modèle contesté ;

–        en tout état de cause, condamner le requérant aux dépens.

15      Lors de l’audience, le requérant a modifié ses deux premiers chefs de conclusions en ce sens qu’il conclut désormais à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        faire droit au présent recours ;

–        annuler la décision attaquée pour défaut de motivation en ce qui concerne la question relative à l’absence de communication du CD litigieux ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée pour défaut de motivation en ce qui concerne le refus de suspendre la procédure devant l’OHMI.

 En droit

 Sur les pièces présentées pour la première fois devant le Tribunal

16      En annexe au mémoire en réponse, l’intervenante a produit des photos de ceintures lui appartenant et trois fiches techniques qui prouveraient le défaut de nouveauté du dessin ou modèle contesté (document n° 6).

17      Ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être prises en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 61 du règlement n° 6/2002, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir arrêt du 23 octobre 2013, Viejo Valle/OHMI – Établissements Coquet (Tasse et sous-tasse avec des stries et assiette creuse avec des stries), T‑566/11 et T‑567/11, Rec, EU:T:2013:549, point 35 et jurisprudence citée].

 Sur le fond

18      À l’appui de son recours, le requérant invoque, en substance, cinq moyens, tirés, le premier, de la violation de ses droits de la défense, le deuxième, d’une erreur d’appréciation concernant la demande de suspension, le troisième, de l’absence de prise en compte de l’existence d’une marque espagnole portant le même nom que celui apparaissant sur le dessin ou modèle contesté, le quatrième, de l’absence de valeur probante des preuves apportées par l’intervenante pour démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure et, le cinquième, de l’absence de risque de confusion entre le dessin ou modèle contesté et la marque antérieure.

19      Par ailleurs, l’intervenante soulève un moyen autonome tiré de ce que le dessin ou modèle contesté devrait être annulé sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002.

20      Il convient d’examiner, successivement, les deuxième, premier, quatrième, troisième et cinquième moyens.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation concernant la demande de suspension

21      Le requérant considère que c’est à tort que la chambre de recours a refusé de suspendre la procédure en cause en l’espèce dans l’attente d’une décision du Juzgado Mercantil n° 2 de Barcelona au motif que, d’une part, le manque d’information l’aurait empêché d’apprécier si la procédure nationale aurait pu aboutir et que, d’autre part, même si les « ceintures » étaient exclues de la protection de la marque antérieure, la chambre de recours aurait pu, en tout état de cause, encore statuer dans la présente affaire puisque la marque antérieure protégeait les « vêtements », ce que, toutefois, elle n’aurait pas fait.

22      L’OHMI et l’intervenante contestent ces arguments.

23      À titre liminaire, il convient de relever que la chambre de recours ne s’est pas expressément vu conférer le pouvoir de suspendre une procédure de nullité par les dispositions du cadre réglementaire applicables. Toutefois, l’article 68 du règlement n° 6/2002 prévoit que, en l’absence d’une disposition de procédure dans ledit règlement, dans le règlement (CE) n° 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement n° 6/2002 (JO L 341, p. 28), dans le règlement (CE) n° 2246/2002 de la Commission, du 16 décembre 2002, concernant les taxes à payer à l’OHMI au titre de l’enregistrement de dessins ou modèles communautaires (JO L 341 p. 54), ou dans le règlement (CE) n° 216/96 de la Commission, du 5 février 1996, portant règlement de procédure des chambres de recours de l’OHMI (JO L 28 p. 11), l’OHMI prend en considération les principes généralement admis en la matière dans les États membres. Or, la possibilité pour une instance décisionnelle de suspendre une procédure dont elle est saisie lorsque les circonstances de l’espèce le justifient doit être considérée comme un principe généralement admis dans les États membres. L’article 32, paragraphe 2, du règlement n° 2245/2002 et l’article 8 du règlement n° 216/96, qui prévoient la possibilité de suspendre la procédure devant la chambre de recours respectivement dans le cas où plusieurs demandes en nullité ont été introduites contre le même dessin ou modèle communautaire et à la suite d’un avis du greffier de la chambre de recours sur la recevabilité d’un recours devant ladite chambre, constituent l’expression du principe général énoncé ci-dessus [voir, par analogie, arrêt du 16 mai 2011, Atlas Transport/OHMI – Atlas Air (ATLAS), T‑145/08, Rec, EU:T:2011:213, point 66].

24      Or, lorsque le signe sur le fondement duquel une procédure de nullité contre un dessin ou modèle communautaire a été engagée fait lui-même l’objet d’une action en nullité, la chambre de recours peut considérer nécessaire de suspendre la procédure de nullité contre le dessin ou modèle communautaire, puisque, si l’action en nullité contre le signe antérieur était accueillie, elle rendrait la procédure de nullité contre le dessin ou modèle communautaire sans objet [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 décembre 2009, Stella Kunststofftechnik/OHMI – Stella Pack (Stella), T‑27/09, Rec, EU:T:2009:492, points 37 et 38].

25      À cet égard, selon la jurisprudence en matière de marques communautaires, applicable mutatis mutandis en matière de dessins ou modèles communautaires, le pouvoir d’appréciation de la chambre de recours pour suspendre ou non la procédure est large. La suspension demeure une faculté pour la chambre de recours, qui ne la prononce que lorsqu’elle l’estime justifiée [voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2004, Metro-Goldwyn-Mayer Lion/OHMI – Moser Grupo Media (Moser Grupo Media), T‑342/02, Rec, EU:T:2004:268, point 46]. La procédure devant la chambre de recours n’est donc pas automatiquement suspendue à la suite d’une demande en ce sens par une partie devant ladite chambre (arrêt ATLAS, point 23 supra, EU:T:2011:213, point 69).

26      La circonstance que la chambre de recours dispose d’un large pouvoir d’appréciation afin de suspendre la procédure en cours devant elle ne soustrait pas son appréciation au contrôle du juge de l’Union. Cette circonstance restreint cependant ledit contrôle quant au fond à la vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (arrêt ATLAS, point 23 supra, EU:T:2011:213, point 70).

27      À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 28 ci-dessus, en matière de suspension de la procédure, la chambre de recours possède un large pouvoir d’appréciation. Ainsi, même s’il a été démontré qu’un recours était pendant devant une juridiction nationale mettant en cause la marque antérieure sur laquelle se fondait la décision attaquée, ladite démonstration ne suffit pas, à elle seule, à qualifier d’erreur manifeste d’appréciation le refus, par la chambre de recours, de suspendre la procédure. En effet, lors de l’exercice de son pouvoir d’appréciation relatif à la suspension de la procédure, la chambre de recours doit respecter les principes généraux régissant une procédure équitable au sein d’une Union de droit. Par conséquent, lors dudit exercice, elle doit tenir compte non seulement de l’intérêt de la partie dont le dessin ou modèle communautaire est contesté, mais également de celui des autres parties. La décision de suspendre ou de ne pas suspendre la procédure doit être le résultat d’une mise en balance des intérêts en cause (voir, par analogie, arrêt ATLAS, point 23 supra, EU:T:2011:213, point 76).

28      En l’espèce, la chambre de recours a estimé, aux points 14 à 16 de la décision attaquée, que, même si les « ceintures » étaient exclues de la protection de la marque antérieure accordée en Espagne, elle pourrait encore statuer sur le recours du requérant en se fondant sur les autres produits encore protégés par l’enregistrement. En outre, elle a considéré qu’il lui était impossible de savoir si la procédure nationale serait terminée dans un délai raisonnable. Ainsi, elle a conclu que la suspension du recours aurait généré une incertitude juridique inacceptable et superflue qui aurait pesé sur la résolution du litige soumis devant elle.

29      Or, ce faisant, la chambre de recours a correctement mis en balance les intérêts des parties en présence et, dès lors, elle a, à bon droit, rejeté la demande de suspension présentée par le requérant. En particulier, la circonstance selon laquelle l’éventuelle constatation de l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure pour les « ceintures » n’aurait pu aboutir qu’à la nullité de la marque antérieure en ce qu’elle vise les « ceintures », sans avoir de conséquence pour les autres produits couverts par celle-ci, était suffisante pour rejeter la demande de suspension.

30      À cet égard et contrairement à ce que soutient le requérant, la chambre de recours a analysé, au point 43 de la décision attaquée, la similitude des produits en cause en comparant les « ceintures » visées par le dessin ou modèle contesté avec les « vêtements » couverts par la marque antérieure, pour lesquels, en outre, l’usage sérieux de la marque avait été prouvé. Ainsi, l’appréciation du risque de confusion telle qu’opérée par la chambre de recours dans la décision attaquée ne saurait être affectée par le résultat de la procédure en cours devant les juridictions espagnoles.

31      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense du requérant

32      Le requérant estime que le fait de ne pas lui avoir remis le CD litigieux, produit comme élément de preuve pour démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure, a manifestement nui à ses droits de la défense.

33      L’OHMI et l’intervenante contestent cet argument.

34      Il convient de rappeler qu’il découle d’une jurisprudence constante que les droits de la défense ne sont violés du fait d’une irrégularité procédurale que dans la mesure où celle-ci a eu une incidence concrète sur la possibilité pour l’intéressé de se défendre. Ainsi, le non-respect des règles en vigueur ayant pour finalité de protéger les droits de la défense n’est susceptible de vicier la procédure administrative que s’il est établi que celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent en son absence [voir arrêt du 6 septembre 2013, Eurocool Logistik/OHMI – Lenger (EUROCOOL), T‑599/10, EU:T:2013:399, point 51 et jurisprudence citée].

35      Or, s’il est constant entre les parties que le requérant n’a pas pu présenter ses observations sur le CD litigieux, dès lors qu’il ne lui a pas été transmis, il convient toutefois de constater que, contrairement à ce qu’allègue le requérant, les seules preuves examinées par la chambre de recours afin de conclure à l’usage de la marque antérieure étaient les articles de presse, la liste de distributeurs et les déclarations des chambres de commerce, documents qui ont été communiqués au requérant et sur lesquels il a été mis en mesure de présenter des observations.

36      En effet, ainsi qu’il résulte du point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que ces preuves suffisaient à démontrer l’usage de la marque antérieure en Espagne, au moins pour des « vêtements ».

37      En outre, il résulte des points 34 à 37 et du point 40 de la décision attaquée que la chambre de recours a analysé ces seules preuves afin de conclure à l’usage de la marque antérieure et n’a pas fait référence aux factures contenues dans le CD litigieux.

38      Enfin, si le requérant fait grief à la division d’annulation puis à la chambre de recours de ne pas lui avoir transmis le CD litigieux, il y a lieu de constater qu’il n’essaie pas de démontrer que le résultat auquel la chambre de recours est parvenue aurait été différent si le CD litigieux lui avait été communiqué.

39      Partant, il convient de rejeter le premier moyen sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments de l’intervenante.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence de valeur probante des preuves apportées par l’intervenante pour démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure

40      Le requérant soutient que, en ce qui concerne les articles de presse publiés dans des revues et des journaux espagnols spécialisés, les six premiers d’entre eux sont postérieurs à la période de référence pour la preuve de l’usage, à savoir postérieurs au 12 août 2010. En outre, la chambre de recours n’aurait pas tenu compte de l’argument du requérant selon lequel les dates présentes sur les autres articles de presse auraient été ajoutées par l’intervenante, rendant ces éléments de preuve irrecevables.

41      S’agissant des certificats des chambres de commerce espagnoles, le requérant note, premièrement, que le certificat de la chambre de commerce de Barcelone est incomplet et, deuxièmement, que l’impartialité de ces organismes privés offrant leurs services aux entreprises peut être mise en doute.

42      Quant à la liste des distributeurs, le requérant relève qu’elle n’est pas datée et que, en tout état de cause, cet élément seul ne suffirait pas à attester de l’usage de la marque.

43      L’OHMI et l’intervenante contestent ces arguments.

44      Il convient de rappeler que l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 6/2002 exige, notamment, que le droit communautaire ou la législation de l’État membre régissant le signe antérieur invoqué à l’appui d’une demande en nullité fondée sur cette disposition « confère au titulaire du signe le droit d’interdire » l’utilisation de son signe dans un dessin ou modèle ultérieur.

45      En l’espèce, le signe antérieur est une marque internationale, produisant des effets, notamment, en Espagne et, de ce fait, est régie par la Ley de Marcas. À cet égard, l’article 34, paragraphe 2, sous b), de la Ley de Marcas confère au titulaire d’une marque le droit d’interdire l’usage de tout signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque en question et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par cette marque et par le signe en cause, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.

46      Toutefois, l’article 41, paragraphe 2, de la Ley de Marcas dispose que lorsque le titulaire d’une marque, enregistrée depuis au moins cinq ans au moment de présenter la demande, exerce à l’encontre d’un tiers, par le biais d’une des actions prévues au paragraphe 1 de l’article 41, les droits conférés par l’article 34, il doit prouver, si le défendeur le demande par voie d’exception, que, au cours des cinq années antérieures à la date de présentation de la demande, la marque a fait l’objet d’un usage effectif et réel pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels la demande est fondée, ou qu’il existe des causes justificatives à l’absence d’usage. À cet effet, la marque sera considérée comme enregistrée seulement pour les produits ou les services pour lesquels elle a été réellement utilisée. Le défendeur pourra exercer de la même manière, par voie d’une demande reconventionnelle, une action en déclaration de nullité pour absence d’usage de la marque du requérant.

47      Il ressort de ces dispositions que, lorsque, comme en l’espèce, une marque internationale produisant des effets en Espagne, invoquée à l’appui du motif de nullité prévu à l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 6/2002, est enregistrée depuis au moins cinq ans avant la présentation de la demande en nullité d’un dessin ou modèle communautaire, le titulaire de cette marque doit, sur demande du titulaire du dessin ou modèle communautaire mis en cause par la demande en nullité, apporter la preuve qu’il a fait un usage sérieux de sa marque au cours des cinq années qui précèdent l’introduction de la demande en nullité. À défaut de cette preuve, le titulaire de la marque internationale produisant des effets en Espagne en cause n’est pas en droit, conformément à la législation espagnole régissant son signe, d’interdire l’usage de celui‑ci dans le dessin ou modèle communautaire mis en cause par la demande en nullité, ce qui implique que le motif de nullité tiré de l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 6/2002 ne peut s’appliquer [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2010, Beifa Group/OHMI – Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instrument d’écriture), T‑148/08, Rec, EU:T:2010:190, point 66].

48      En l’absence, dans le règlement n° 2245/2002, de disposition spécifique concernant les modalités de preuve de l’usage sérieux du signe antérieur, il convient de se référer aux exigences de preuve prévues par la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), selon laquelle la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure et se limite en principe à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 78 paragraphe 1, sous f), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1) [arrêt du 11 décembre 2014, Nanu-Nana Joachim Hoepp/OHMI – Vincci Hoteles (NAMMU), T‑498/13, EU:T:2014:1065, point 21].

49      Selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir arrêt NAMMU, point 48 supra, EU:T:2014:1065, point 22 et jurisprudence citée).

50      Pour déterminer si l’usage d’une marque antérieure revêt un caractère sérieux, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (voir arrêt NAMMU, point 48 supra, EU:T:2014:1065, point 23 et jurisprudence citée).

51      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’intervenante avait rapporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure.

52      Ainsi qu’il a été rappelé au point 45 ci-dessus, les preuves produites par l’intervenante afin de démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure et examinées par la chambre de recours étaient des articles de presse publiés dans des revues et des journaux espagnols spécialisés concernant des vêtements, des accessoires et des lunettes de soleil, publiés entre 2005 et 2010, des certificats des chambres de commerce de Madrid et de Barcelone de 2007, établissant le degré de connaissance de la marque antérieure et une liste de distributeurs et de magasins DIESEL dans plusieurs pays européens, dont l’Espagne.

53      S’agissant, en premier lieu, des articles de presse, il convient de noter, tout d’abord, que l’argument du requérant selon lequel les six premiers articles seraient postérieurs à la période de référence, à savoir postérieurs au 12 mai 2010, n’est étayé par aucun élément concret. Or, en l’absence de date autre que celle inscrite par l’intervenante et à l’exception du premier article, extrait du magazine Marie Claire, qui contient en bas de page la référence au mois de mai 2005, aucun élément dans ces articles ne permet de déduire, à l’instar du requérant, qu’ils étaient postérieurs à la période de référence.

54      Ensuite, contrairement à ce qu’allègue le requérant, la chambre de recours a pris en compte, lors de son appréciation de certains de ces articles, le fait que l’intervenante avait pu y ajouter la date. Elle a ainsi remarqué, au point 34 de la décision attaquée, au regard d’un article du magazine GQ, que, bien que la date ait été écrite par l’intervenante, l’article mentionnait clairement la période pertinente.

55      En outre, même s’il est exact que certains documents portent une date qui a été inscrite par l’intervenante, ils contiennent toutefois des éléments de nature à confirmer cette date avec suffisamment de certitude. Ainsi, certains articles, que l’intervenante a datés comme étant de l’année 2005, tels que celui extrait du magazine Máxima, ou celui du magazine NEO2, ou encore celui du magazine Instyle, mentionnent les collections automne/hiver 2005-2006, printemps/été 2006, des vêtements de la marque DIESEL ou comportent d’autres éléments permettant de dater les documents, comme la mention de l’ouverture de magasins en août 2006 (article extrait du magazine ELLE) ou l’organisation d’un concours de beauté en 2005 (article extrait du magazine FHM).

56      En tout état de cause, de nombreux articles contiennent une date inscrite au début, à la fin ou dans la référence au magazine dont ils sont issus, que l’intervenante a recopiée en haut de page. Or, aucune de ces dates n’est postérieure à la période de référence.

57      Enfin, le requérant ne remet pas en cause le fait que l’ensemble de ces articles de presse permettent de prouver le lieu, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure.

58      À cet égard, il convient de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, aux points 38 à 40 de la décision attaquée, que ces articles de presse, extraits de revues et de journaux très connus, démontrent un usage de la marque en Espagne, pour des vêtements, et que l’étendue de l’usage est telle que la marque fait des « adeptes » et est « célèbre pour ses pantalons ». Ainsi que l’a également remarqué à juste titre la chambre de recours, la marque antérieure fait l’objet d’une publicité intense dans des journaux et des revues à très grand tirage, de sorte qu’il est clair que cette marque a fait l’objet d’un usage et qu’elle pourrait également jouir d’une renommée.

59      S’agissant, en deuxième lieu, des certificats des chambres de commerce, leur fiabilité, remise en cause par le requérant, ne saurait faire l’objet de doutes, compte tenu de la nature de tels organismes professionnels et de leur indépendance vis-à-vis des entreprises.

60      En tout état de cause, l’absence de la circulaire normalement annexée au certificat de la chambre de commerce de Barcelone ne saurait rendre cette pièce irrecevable, ainsi que le soutient le requérant, dès lors qu’elle n’enlève rien au contenu ou à la fiabilité de ce certificat.

61      S’agissant, en troisième lieu, de la liste des distributeurs en Espagne, s’il est vrai qu’elle ne porte pas de date, elle permet toutefois d’attester du lieu et de l’importance de l’usage de la marque antérieure.

62      Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allègue le requérant, les articles de presse, la liste des distributeurs et les certificats des chambres de commerce, pris dans leur ensemble, attestent clairement du lieu, de la durée et de la nature de l’usage de la marque antérieure. La chambre de recours a donc conclu, à bon droit, que la marque antérieure faisait l’objet d’un usage en Espagne, au moins pour les « vêtements ».

63      Partant, il convient de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’absence de prise en compte de l’existence d’une marque espagnole portant le même nom que celui apparaissant sur le dessin ou modèle contesté

64      Le requérant indique qu’il est titulaire de la marque espagnole verbale SDD SUPER DIESEL DAIREK, enregistrée le 3 septembre 2004 sous le numéro 2585042, pour des « ceintures (vêtements) » relevant de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice. Or, après une mise en demeure envoyée par l’intervenante le 12 janvier 2005 enjoignant au requérant de cesser d’utiliser ladite marque et d’y renoncer, qui serait restée sans effet pour son utilisation, aucune communication ni aucun courrier n’auraient été envoyés au requérant par l’intervenante, ce qui démontrerait que l’intervenante a toléré depuis 2005 l’usage et l’enregistrement de ladite marque.

65      À cet égard, le requérant s’étonne que la chambre de recours n’ait pas inclus dans la décision attaquée la moindre référence à cette marque et à sa coexistence avec la marque antérieure lors de son appréciation du risque de confusion entre les signes en cause.

66      L’OHMI et l’intervenante contestent ces arguments.

67      À titre liminaire, il convient de relever que, par l’argumentation avancée au soutien du présent moyen, le requérant invoque, en substance, tant un défaut de motivation de la décision attaquée que la coexistence, sur le marché espagnol, de sa propre marque espagnole avec la marque antérieure.

68      Concernant, en premier lieu, le défaut de motivation de la décision attaquée, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 62, première phrase, du règlement n° 6/2002, les décisions de l’OHMI doivent être motivées.

69      Selon la jurisprudence, les institutions ne sont pas obligées, dans la motivation des décisions qu’elles sont amenées à prendre, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent devant elles. Il suffit qu’elles exposent les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [voir arrêt du 16 mai 2012, Wohlfahrt/OHMI – Ferrero (Kindertraum), T‑580/10, EU:T:2012:240, point 28 et jurisprudence citée].

70      En l’espèce, il y a lieu de relever que la chambre de recours a, dans la décision attaquée, et plus particulièrement aux points 23 à 54 de celle-ci, exposé les faits et les considérations juridiques qui l’ont amenée à rejeter le recours du requérant.

71      En outre, il convient de tenir compte de la motivation plus détaillée concernant ladite allégation figurant dans la décision de la division d’annulation. En effet, compte tenu de la continuité fonctionnelle entre divisions d’annulation et chambres de recours, dont atteste l’article 60, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002, la décision de la division d’annulation ainsi que sa motivation font partie du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, contexte qui est connu du requérant et qui permet au juge de l’Union d’exercer pleinement son contrôle de légalité (voir, par analogie, arrêt Kindertraum, point 69 supra, EU:T:2012:240 point 32 et jurisprudence citée).

72      Or, en l’espèce, d’une part, il y a lieu de relever que la division d’annulation a indiqué dans sa décision que l’allégation du requérant selon laquelle il existait de nombreuses marques comportant l’élément « diesel » n’était fondée que sur des extraits de bases de données d’enregistrement. À cet égard, la division d’annulation a indiqué que l’existence de divers enregistrements de marques n’était pas, en elle-même, concluante dans la mesure où elle ne reflétait pas nécessairement la situation du marché. En d’autres termes, selon la division d’annulation, en se fondant exclusivement sur les données relatives aux enregistrements, il n’était pas possible de présumer que toutes ces marques avaient fait l’objet d’un usage effectif. Ainsi, les preuves présentées par le requérant ne démontraient pas que les consommateurs avaient été exposés à un usage intensif des marques comportant l’élément « diesel » et qu’ils s’y étaient habitués.

73      D’autre part, ainsi qu’il ressort d’une lecture d’ensemble de la décision attaquée, la chambre de recours a validé les appréciations de la division d’annulation.

74      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la décision attaquée n’est entachée d’aucun défaut de motivation.

75      Concernant, en second lieu, la coexistence sur le marché espagnol de la marque espagnole du requérant et de la marque antérieure, il convient de rappeler que selon la jurisprudence, il n’est pas exclu que, dans certains cas, la coexistence de marques antérieures sur le marché puisse éventuellement amoindrir le risque de confusion constaté par les instances de l’OHMI entre deux signes en conflit. Cependant, une telle éventualité ne saurait être prise en considération que si, à tout le moins, au cours de la procédure d’annulation devant l’OHMI, le titulaire du dessin ou modèle communautaire a dûment démontré que ladite coexistence reposait sur l’absence de risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre la marque antérieure dont il se prévaut et la marque antérieure de l’intervenante qui fonde l’annulation et sous réserve que les marques antérieures en cause et les signes en conflit soient identiques [voir, par analogie, arrêt du 11 mai 2005, Grupo Sada/OHMI – Sadia (GRUPO SADA), T‑31/03, Rec, EU:T:2005:169, point 86].

76      À cet égard, même si, contrairement aux allégations de l’OHMI, le requérant pouvait se prévaloir de la coexistence, sur le marché espagnol, d’une marque antérieure identique à son dessin ou modèle communautaire, avec la marque antérieure de l’intervenante, pour tenter d’amoindrir le risque de confusion entre son dessin ou modèle et la marque antérieure de l’intervenante, il suffit de constater qu’il se borne à avancer que l’intervenante n’a plus réagi, à partir de 2005, à l’utilisation, par lui, de la marque espagnole et ne présente aucun argument visant à démontrer l’absence de risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre les marques en cause.

77      En tout état de cause, l’argument tiré de la prétendue passivité de l’intervenante à l’égard de l’utilisation par le requérant de la marque reproduite dans son dessin ou modèle n’est pas concluant. En effet, la seule absence de réaction du titulaire d’une marque antérieure à l’utilisation par un tiers d’une marque identique ou similaire, laquelle est ensuite reprise dans un dessin ou modèle communautaire enregistré par ce tiers, ne permet pas, en tant que telle, dans le cadre d’une procédure de nullité, de conclure à l’absence de risque de confusion entre le dessin ou modèle contesté et la marque antérieure, au sens de l’article 25, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 6/2002 [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 novembre 2007, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (CASTELL DEL REMEI ODA), T‑101/06, EU:T:2007:340, point 78].

78      Partant, il convient de rejeter le troisième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’absence de risque de confusion entre le dessin ou modèle contesté et la marque antérieure

79      Le requérant rappelle, tout d’abord, que tout risque de confusion doit être analysé en tenant compte de l’enregistrement de la marque espagnole dont il est titulaire et de la connaissance qu’avait l’intervenante de l’usage de cette marque.

80      Ensuite, selon le requérant, la chambre de recours aurait dû tenir compte, dans l’appréciation globale du risque de confusion entre les signes en conflit, de tous les éléments du dessin ou modèle contesté et, en particulier, des éléments « s.d.d. », « super » et « dairek », ce dernier élément étant, en outre, le nom du titulaire du dessin ou modèle contesté. De surcroît, la chambre de recours n’aurait pas tenu compte du fait que la marque DIESEL n’était pas une marque créée par l’intervenante, mais correspondait au nom du célèbre inventeur des moteurs portant ce nom, ce qui aurait pourtant de l’importance dans l’appréciation du caractère distinctif de la marque.

81      L’OHMI et l’intervenante contestent ces arguments.

82      Il convient de rappeler que l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 6/2002 prévoit qu’un dessin ou modèle peut être déclaré nul s’il est fait usage d’un signe distinctif dans un dessin ou modèle ultérieur et que le droit communautaire ou la législation de l’État membre concerné régissant ce signe confère au titulaire du signe le droit d’interdire cette utilisation.

83      Il y a également lieu de relever que le motif de nullité visé à l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 6/2002 n’implique pas nécessairement la reproduction intégrale et détaillée d’un signe distinctif antérieur dans un dessin ou modèle communautaire ultérieur. En effet, quand bien même certains éléments du signe en question seraient absents dans le dessin ou modèle communautaire contesté ou d’autres éléments y seraient ajoutés, il pourrait s’agir d’un « usage » dudit signe, notamment lorsque les éléments omis ou ajoutés sont d’une importance secondaire (arrêt Instrument d’écriture, point 47 supra, EU:T:2010:190, point 50).

84      Cela est d’autant plus vrai que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence bien établie, le public ne garde en mémoire qu’une image non parfaite des marques enregistrées dans les États membres ou des marques communautaires. Cette considération est valable pour tout type de signe distinctif. Par conséquent, en cas d’omission de certains éléments secondaires d’un signe distinctif, utilisé dans un dessin ou modèle communautaire ultérieur, ou en cas d’ajout de tels éléments à ce même signe, le public pertinent ne se rendra pas nécessairement compte de ces modifications du signe en question. Au contraire, il pourra penser qu’il est fait usage dudit signe tel qu’il l’a gardé en mémoire, dans le dessin ou modèle communautaire ultérieur (arrêt Instrument d’écriture, point 47 supra, EU:T:2010:190, point 51).

85      Il s’ensuit que l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 6/2002 trouve à s’appliquer lorsqu’il est fait usage non seulement d’un signe identique à celui invoqué à l’appui de la demande en nullité, mais également d’un signe similaire.

86      Par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé au point 55 ci-dessus, l’article 34, paragraphe 2, sous b), de la Ley de Marcas confère au titulaire d’une marque le droit d’interdire l’usage de tout signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque en question et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par cette marque et par le signe en cause, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.

87      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des signes qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque ou un autre signe distinctif comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [voir arrêt du 25 avril 2013, Chen/OHMI – AM Denmark (Dispositif de nettoyage), T‑55/12, EU:T:2013:219, point 45 et jurisprudence citée].

88      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a déclaré nul le dessin ou modèle contesté après avoir estimé qu’il était fait usage de la marque antérieure dans la représentation du dessin ou modèle contesté et qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit, de sorte que, en vertu de l’article 34, paragraphe 1, sous b), de la Ley de Marcas, l’intervenante pouvait s’opposer à cette utilisation.

89      En premier lieu, concernant l’usage de la marque antérieure dans le dessin ou modèle contesté, la chambre de recours a constaté, au point 23 de la décision attaquée, qu’il y avait usage de la marque antérieure dans la mesure où le mot « diesel » figurait sur la boucle de ceinture, à laquelle s’applique le dessin ou modèle contesté.

90      Il convient de relever que ce constat n’a pas été remis en cause par le requérant. Cette constatation étant, en tout état de cause, exempte d’erreur, il convient de la confirmer.

91      En deuxième lieu, s’agissant de l’appréciation du risque de confusion entre les signes en conflit, il y a lieu de noter que, en ce qui concerne le public pertinent, la chambre de recours l’a défini, au point 42 de la décision attaquée, comme étant constitué du consommateur moyen espagnol, étant donné que la marque antérieure produit des effets en Espagne. Le secteur de l’habillement comprenant des produits de qualités et de prix très différents, le niveau d’attention du consommateur est généralement considéré comme moyen et peut augmenter ou diminuer en fonction des facteurs précités.

92      Quant à la comparaison des produits, le dessin ou modèle contesté couvre des « ceintures », tandis que les produits pour lesquels la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sont des « vêtements ». La chambre de recours a considéré, au point 43 de la décision attaquée, qu’il existait une grande similitude entre ces deux types de produits. Elle a indiqué, notamment, que les « ceintures » et les « vêtements » étaient fabriqués par les mêmes entreprises et participaient d’une même vocation esthétique. En outre, elle a rappelé que la ceinture était un accessoire de pantalon qui pouvait être nécessaire ou indispensable pour porter certains pantalons. Enfin, elle a noté que ces produits étaient distribués par les mêmes canaux et étaient vendus dans les mêmes magasins et que le destinataire de ces produits était identique.

93      À cet égard, ainsi que le fait valoir l’OHMI dans le mémoire en réponse, il convient de remarquer que le requérant ne remet pas en cause la définition du public pertinent ni la comparaison des produits telles que faites par la chambre de recours.

94      Ces considérations étant, en tout état de cause, exemptes d’erreur, il convient de les confirmer.

95      Ensuite, s’agissant des critiques du requérant formulées à l’encontre de la décision attaquée, elles consistent, d’une part, à rappeler l’existence de la marque espagnole et, d’autre part, à souligner l’importance d’apprécier globalement les signes en conflit.

96      Or, premièrement, ainsi qu’il a été souligné au point 92 ci-dessus, le requérant n’a présenté aucun argument visant à démontrer l’absence de risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre sa marque espagnole et la marque antérieure, de sorte qu’il n’a pas prouvé une coexistence entre ces marques de nature à amoindrir le risque de confusion entre le dessin ou modèle contesté et la marque antérieure.

97      Deuxièmement, il convient de rappeler que l’appréciation de la similitude entre deux signes ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’un signe complexe et à le comparer avec un autre signe. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les signes en cause, considérés chacun dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par un signe complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants du signe sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (voir, en ce sens, arrêts OHMI/Shaker, précité, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de ce signe que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants du signe sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celui-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, EU:C:2007:539, point 43).

98      Or, ainsi que l’a remarqué à bon droit la chambre de recours au point 48 de la décision attaquée, les éléments « ® », « s.d.d. », « super » et « dairek » du dessin ou modèle contesté sont de taille beaucoup plus petite que l’élément « diesel » et, en outre, occupent une position latérale par rapport à la boucle de ceinture, de sorte qu’ils sont d’importance secondaire.

99      Au contraire, l’élément « diesel », écrit en lettres épaisses et en majuscules, se trouve sur le passant de la ceinture et occupe, de ce fait, une place plus visible sur la ceinture. Ainsi, il convient de constater que l’élément dominant du dessin ou modèle contesté est l’élément « diesel ».

100    En outre, contrairement à ce qu’allègue le requérant, la chambre de recours a comparé les signes en conflit en tenant compte de l’impression d’ensemble produite par le dessin ou modèle contesté. En effet, au point 50 de la décision attaquée, la chambre de recours a pris en considération le fait que le dessin ou modèle contesté, certes dominé par l’élément « diesel », comportait également d’autres éléments. Néanmoins, étant donné leur taille, leur emplacement et leur signification, elle a conclu qu’ils n’étaient pas susceptibles de remettre en cause la similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel des signes, due à leur élément commun « diesel ».

101    À cet égard, il convient de remarquer que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que, sur le plan visuel, la correspondance entre les signes au regard du mot « diesel » était totale et que la représentation de cet élément dans le dessin ou modèle contesté était pratiquement identique à celle de la marque antérieure, la seule différence résidant dans le fait que, dans le dessin ou modèle contesté, l’élément « diesel » était écrit en lettres épaisses. Sur le plan phonétique, les signes en conflit correspondent entièrement s’agissant du mot « diesel », qui, étant le premier dans le dessin ou modèle contesté, aura un impact accru dans la perception du public pertinent. Enfin, sur le plan conceptuel, les signes ont en commun la référence au diesel, qui sera compris par le public pertinent comme une classe de carburant ou un type de moteur. En revanche, la combinaison des éléments « s.d.d. super dairek » du dessin ou modèle contesté ne sera pas comprise par le public. Partant, les signes en conflit présentent un degré de similitude au moins moyen.

102    Enfin, s’agissant de la prétendue absence de caractère distinctif de la marque antérieure, il suffit de constater que, contrairement à ce que soutient le requérant, l’élément « diesel » ne présente aucun lien avec les produits visés par la marque antérieure, ce qui est suffisant pour lui reconnaître un caractère distinctif au moins normal, sans que l’argument du requérant tiré de ce que le mot « diesel » n’a pas été inventé par l’intervenante puisse remettre en cause cette conclusion.

103    Par conséquent, ainsi que l’a constaté à juste titre la chambre de recours, les produits étant similaires et les signes en conflit présentant un degré de similitude au moins moyen, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 34, paragraphe 1, sous b), de la Ley de Marcas.

104    Partant, la chambre de recours a, à bon droit, déclaré nul le dessin ou modèle contesté, conformément à l’article 25, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 6/2002.

105    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le cinquième moyen et, partant, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin, dès lors, d’examiner le moyen autonome de l’intervenante.

 Sur les dépens

106    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mansour Dairek Attoumi est condamné aux dépens.

Papasavvas

Forwood

Bieliūnas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.