Language of document : ECLI:EU:T:2002:147

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

6 juin 2002 (1)

«Fonds européen de développement régional - Projets cofinancés par le FEDER - Refus de proroger le délai pour la présentation d'une demande de paiement définitif - Recours en annulation - Recevabilité»

Dans l'affaire T-105/01,

Società Lavori Impianti Metano Sicilia (SLIM Sicilia), établie à Syracuse (Italie), représentée par Mes N. Saitta, F. Saitta, M. Siragusa, F. M. Moretti et C. Lanciani, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. H. Van Vliet, en qualité d'agent, assisté de Me M. Moretto, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission résultant d'une lettre adressée, le 12 décembre 2000, au gouvernement italien, portant refus de proroger le délai pour la présentation de la demande de paiement définitif et clôture du dossier concernant le concours octroyé au titre du Fonds européen de développement régional n° 840503013/001, relatif au raccordement de la commune de Syracuse au réseau de gaz méthane,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. R. M. Moura Ramos, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente

Ordonnance

Cadre réglementaire

Droit communautaire

1.
    Le Fonds européen de développement régional (FEDER) a été créé par le règlement (CEE) n° 724/75 du Conseil, du 18 mars 1975 (JO L 73, p. 1). Ce règlement, modifié par le règlement (CEE) n° 214/79 du Conseil, du 6 février 1979 (JO L 35, p. 1), et par le règlement (CEE) n° 3325/80 du Conseil, du 16 décembre 1980 (JO L 349, p. 10), contient, dans ses articles 4 à 12, des dispositions relatives aux actions communautaires de soutien aux mesures de politique régionale arrêtées par les États membres. À compter du 1er janvier 1985, le règlement n° 724/75 a été remplacé par le règlement (CEE) n° 1787/84 du Conseil, du 19 juin 1984, relatif au Fonds européen de développement régional (JO L 169, p. 1).

2.
    En 1988, le régime des fonds structurels a été réformé. Par son règlement (CEE) n° 2052/88, du 24 juin 1988 (JO L 185, p. 9), le Conseil a édicté les dispositions relatives aux missions des Fonds à finalité structurelle, à leur efficacité ainsi qu'à la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants. Le 19 décembre 1988, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 4254/88, portant dispositions d'application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne le Fonds européen de développement régional (JO L 374, p. 15). Ce dernier règlement a remplacé le règlement n° 1787/84.

3.
    Dans le cadre de l'application de la réglementation concernant les fonds structurels, des problèmes se sont produits au niveau budgétaire du fait que, dans le cas de certains projets, une longue période s'était écoulée entre l'engagement de la dépense au budget communautaire et la clôture définitive du projet. Cette dernière se produit par le paiement du solde final à la suite de l'achèvement matériel du projet et à condition que le contrôle financier incombant à l'État membre concerné ait une issue positive. Les retards intervenus à cet égard ont donné lieu à des critiques de la Cour des comptes et du Parlement européen. Pour y remédier, le Conseil a modifié, dans le cadre d'une nouvelle réforme des fonds structurels intervenue en 1993, les règlements n° 2052/88 et n° 4254/88, en introduisant certaines dispositions transitoires visant à résoudre le problème des projets pour lesquels le concours avait été décidé avant le 1er janvier 1989, mais qui n'avaient pas encore fait l'objet d'une clôture définitive.

4.
    À cet égard, il résulte de l'article 15, paragraphe 3, du règlement n° 2052/88, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 5), que «les octrois de concours pour les projets ayant fait l'objet d'une décision d'octroi de concours avant le 1er janvier 1989» devaient être définitivement clos au plus tard le 30 septembre 1995.

5.
    S'agissant du FEDER, l'article 12 du règlement n° 4254/88, tel que modifié par le règlement (CEE) n° 2083/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 34), prévoit:

«Disposition transitoire

Les parties des sommes engagées au titre d'octroi de concours pour les projets décidés par la Commission avant le 1er janvier 1989 au titre du Feder, et qui n'ont pas fait l'objet d'une demande de paiement définitif à la Commission avant la date du 31 mars 1995, sont dégagées d'office par celle-ci au plus tard le 30 septembre 1995, sans préjudice des projets qui font l'objet de suspension pour raison judiciaire.»

Droit italien

6.
    Le projet concerné par le présent litige s'inscrit dans le programme de raccordement du Mezzogiorno italien au réseau de distribution du gaz méthane. Ce programme est basé sur l'article 11 de la loi italienne n° 784, du 28 novembre 1980 (ci-après la «loi n° 784»), tel que modifié par la loi italienne n° 51, du 26 février 1982. Selon le texte de l'article 11, premier et deuxième alinéas, de la loi n° 784, produit par la requérante, le programme de méthanisation du Mezzogiorno doit être approuvé par le Comitato Interministeriale di Programmazione Economica (Comité interministériel de programmation économique, ci-après le «CIPE»). La loi n° 784 autorise, dans son article 11, troisième alinéa, la dépense de 605 milliards de lires italiennes (ITL) pour le financement national de ce programme. Il appartient au CIPE de fixer les critères et les modalités pour l'octroi des concours. Ceux-ci sont octroyés par décret du ministre du Trésor après instruction technique par la Cassa per il Mezzogiorno (Caisse pour le Mezzogiorno) (article 11, treizième alinéa). Les concours nationaux, ainsi que ceux accordés par le FEDER, sont versés aux bénéficiaires par la Cassa depositi e prestiti (Caisse des dépôts et prêts, ci-après la «Cassa DD.PP.») (article 11, quatorzième alinéa). La loi n° 784 autorise notamment l'octroi, aux communes ou à des groupements de communes (consorzi), de concours sous forme de capital ou de bonification d'intérêts (article 11, quatrième alinéa, points 1 et 2).

Faits

7.
    Par décision C (84) 1819/242, du 12 décembre 1984, adressée le même jour à la République italienne, la Commission a octroyé un concours au titre du FEDER au projet de raccordement de la ville de Syracuse au réseau de gaz méthane. Le concours du FEDER s'élevait à 40 % du coût du projet (estimé à 27,5 milliards de ITL) et donc à un montant maximal de 11 milliards de ITL. Selon l'annexe à cette décision, l'autorité responsable de la réalisation du projet était la commune de Syracuse. Il était prévu que les travaux devaient se dérouler entre janvier 1984 et décembre 1986. Par décret du ministre du Trésor du 31 octobre 1983, l'État italien a accordé, au titre de l'article 11, quatrième alinéa, de la loi n° 784, un concours national dont le montant était fixé également à 11 milliards de ITL.

8.
    La ville de Syracuse a confié la réalisation du projet à la requérante, sur la base d'un contrat de concession conclu en décembre 1983 (ci-après le «contrat de concession»).

9.
    L'article 20 de ce contrat dispose:

«L'Administration communale, désignant le concessionnaire, présentera, dans les délais prévus, la demande pour être admise au bénéfice du concours financier visé à l'article 11, alinéa 4, sous 1, de la loi n° 784 du 28 novembre 1980 ainsi qu'au bénéfice du concours financier prévu par le règlement FEDER-CEE n° 724/75 et donnera mandat à la Cassa del Mezzogiorno pour introduire la demande auprès du Fonds européen de développement régional.

Le Concessionnaire, pour sa part, soumettra au Ministère du Trésor et à la Cassa per il Mezzogiorno une demande d'admission au bénéfice des aides prévues à l'article 11, alinéa 4, sous 2, de la loi 784/80.

La Commune déléguera, autant que possible, au Concessionnaire le soin de percevoir les sommes provenant des concours précités au fur et à mesure que celles-ci seront portées au crédit de l'Administration communale.

En toute hypothèse, le Concessionnaire s'engage formellement à procéder directement au financement des dépenses non couvertes par les aides visées ci-dessus.»

10.
    Selon la description que fait la requérante de la législation italienne en la matière et du contrat de concession, une telle concession implique que le concessionnaire assume, à lui seul, le soin de financer l'ouvrage en lieu et place de la commune concédante. À cet effet, le concessionnaire a droit au versement, par la commune, des concours financiers nationaux et communautaires octroyés à celle-ci. Il doit, en revanche, financer lui-même les dépenses du projet non couvertes par les concours. La rémunération du concessionnaire consiste non pas dans un prix qui lui est payé par l'administration, mais dans l'autorisation d'exploiter par la suite l'ouvrage réalisé et de conserver pour lui les recettes d'exploitation.

11.
    Le paiement du concours communautaire a été effectué par tranches, qui ont été versées par la Commission au ministère du Trésor italien et par celui-ci à la commune de Syracuse qui, quant à elle, a versé ces sommes à la requérante. Les versements à la requérante ont été effectués en fonction de différents états d'avancement des travaux (ci-après les «EAT») établis au fur et à mesure de cet avancement.

12.
    Le 31 août 1989, un premier EAT final pour les travaux exécutés jusqu'au 3 mars 1989 a été dressé. Selon cet EAT, les travaux effectués correspondaient à un montant de 24 110 190 502 ITL.

13.
    La commune de Syracuse a fait procéder à un contrôle qui a donné lieu à une contestation entre la commune et la requérante. Selon le rapport de contrôle du 12 octobre 1991, le coût de l'ouvrage qui pouvait être reconnu n'était que de 21 395 087 275 ITL. Selon les contrôleurs, les travaux initialement prévus par le projet avaient eu un coût inférieur à celui prévu et admis au bénéfice des concours financiers. Les contrôleurs ont indiqué que, si la requérante désirait recevoir un concours d'un montant plus proche de celui initialement prévu, elle devait éventuellement exécuter d'autres travaux dans le cadre d'une variante du projet d'extension du réseau de distribution.

14.
    Une procédure d'arbitrage et un litige devant les juridictions administratives italiennes se sont ensuivis. À la suite d'une décision du tribunal administratif régional de la Sicile du 22 novembre 1993, un nouveau contrôle a été effectué à partir du 16 novembre 1994. Celui-ci s'est terminé le 8 juin 1995. Le nouveau contrôleur a pris en considération des travaux supplémentaires exécutés par la requérante entre le 4 mars 1989 et le 13 avril 1995. Selon l'EAT final approuvé lors de cette opération de contrôle, le coût du projet était de 26 037 671 249 ITL.

15.
    Le 25 juillet 1995, la commune de Syracuse a accepté les résultats du deuxième contrôle.

16.
    Entre-temps, à savoir le 29 mars 1995, le ministère du Budget italien a envoyé à la Commission une liste d'ouvrages pour lesquels était demandée une prorogation du délai pour déposer la demande de paiement définitif en raison d'une suspension pour raison judiciaire, conformément à l'article 12 du règlement n° 4254/88 tel que modifié par le règlement n° 2083/93. Le projet litigieux figurait sur cette liste.

17.
    Le 25 octobre 1996, le ministère de l'Industrie a informé le ministère du Trésor et le ministère du Budget que tous les projets pour lesquels la prorogation du délai de présentation de la demande de paiement définitif avait été demandée «[pouvaient] être considérés comme prorogés en fait». Aucune décision de la Commission à cet effet n'était cependant intervenue.

18.
    Par décret du 3 décembre 1996, le ministère du Trésor a fixé le 7 avril 1995 comme date de l'achèvement des travaux du projet litigieux et a approuvé, pour un montant global 25 095 000 000 ITL, les dépenses consenties dans le cadre du projet. Le 12 décembre 1996, la Cassa DD.PP. a versé une avance sur la dernière tranche du financement à la commune de Syracuse. La Commission n'en a pas été informée. Le 30 décembre 1996, la Cassa DD.PP. a informé le ministère de l'Industrie que, sur la base des documents définitifs relatifs aux dépenses, il avait été décidé de procéder au paiement du solde de 2 703 916 079 ITL, invitant ce même ministère à envoyer au FEDER une demande d'affectation d'un montant de 456 060 000 ITL pour solde du concours - montant versé par la Cassa par anticipation, conformément à la législation nationale. Sur décision de la commune de Syracuse, du 16 janvier 1997, la somme de 2 703 913 080 ITL a été versée à la requérante.

19.
    Au cours de l'année 1999, des délais limites ont été définis pour que les autorités italiennes obtiennent et vérifient les documents attestant que les projets, pour lesquels une prorogation du délai pour le dépôt de la demande de paiement final avait été demandée, avaient été suspendus pour des raisons judiciaires. Au début de l'année 2000, la Commission a reçu les résultats des vérifications susmentionnées. En ce qui concerne le projet litigieux, elle a reçu une fiche de contrôle dont il résultait que ce contrôle avait été effectué le 11 octobre 1999. À cette occasion, la Commission a appris que les travaux d'exécution du projet initialement prévus avaient été achevés en mars 1989 et que l'évaluation des travaux avait fait l'objet d'un litige. Elle a également été informée que des travaux complémentaires avaient été effectués et que ces derniers étaient encore en cours à la date du 31 mars 1995 (voir ci-dessus point 16). Sur la base de ces informations, la Commission a estimé que le projet n'avait pas été suspendu à la suite des procédures judiciaires invoquées.

20.
    Par lettre du 12 décembre 2000, qui est la décision attaquée par le présent recours, la Commission a indiqué au gouvernement italien qu'elle ne pouvait pas réserver une suite favorable à la demande de prorogation du délai pour une série de projets parmi lesquels figurait le projet litigieux, et elle a proposé au gouvernement italien la clôture, notamment, du projet en question. En annexe à cette lettre, la Commission a indiqué que le montant des dépenses éligibles pour cet investissement s'élevait à 23 930 772 264 ITL, alors que le montant prévu dans la décision d'octroi était de 27 500 000 000 ITL. En conséquence, au lieu du concours initialement alloué, plafonné à 11 milliards de ITL, le montant échu était réduit à 9 572 308 905 ITL (soit 40 % des dépenses engagées), somme déjà versée (à l'exception d'un montant de 8 905 ITL dont le versement était annoncé) avant le 31 mars 1995.

21.
    Par cette lettre, la Commission a invité les autorités italiennes à lui communiquer, dans un délai de trois semaines, leurs observations éventuelles. Par note du 19 décembre 2000, le ministère du Trésor a fait savoir à la Commission qu'il n'avait aucune observation à formuler au sujet de la lettre du 12 décembre 2000 et de la proposition de clôture qu'elle contenait.

22.
    Le 9 janvier 2001, le ministère du Trésor a notifié le rejet de la demande de prorogation à la commune de Syracuse et, pour information, au ministère de l'Industrie. Par note du 13 février 2001, reçue par la requérante le 5 mars 2001, le ministère de l'Industrie a informé la requérante de cette décision, en faisant observer que la part du concours communautaire jugée non éligible devrait, en conséquence, être mise à sa charge.

23.
    La requérante a attaqué ces notes devant le tribunal administratif régional de la Sicile en vue d'obtenir leur annulation.

24.
    Parallèlement, elle a essayé de se procurer le texte de la lettre de la Commission du 12 décembre 2000, d'une part, auprès de la Commission, qui l'a invitée à s'adresser aux autorités italiennes, et, d'autre part, auprès de ces dernières. Le 11 avril 2000, la requérante a obtenu une copie de cette lettre du ministère du Trésor.

Procédure et conclusions des parties

25.
    Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 14 mai 2001, la requérante a formé le présent recours, par lequel elle demande l'annulation de la décision du 12 décembre 2000 (ci-après la «décision attaquée») dans toutes les parties qui concernent la requérante, et, à titre subsidiaire, l'annulation de la décision attaquée dans la partie où elle fixe, pour la requérante, les «dépens déclarés» avant le 31 mars 1995 à 23 930 772 264 ITL au lieu de 24 110 190 502 ITL ou à un autre montant supérieur à celui-ci.

26.
    Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 27 juillet 2001, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité en vertu de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

27.
    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme manifestement irrecevable;

-    condamner la requérante aux dépens.

28.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission;

-    faire droit au recours conformément aux conclusions figurant dans la requête;

-    condamner la Commission aux dépens.

Sur la recevabilité

29.
    Aux termes de l'article 114, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Tribunal, sans engager le débat au fond, peut statuer sur l'irrecevabilité d'un recours à la demande d'une des parties. En vertu de l'article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure, la suite de la procédure sur l'exception d'irrecevabilité est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal estime que, en l'espèce, il est suffisamment informé par les pièces du dossier et qu'il n'y a pas lieu d'ouvrir la procédure orale.

Arguments des parties

30.
    La Commission est d'avis que la requérante n'est pas directement concernée par la décision attaquée. Elle expose que la requérante n'est ni le bénéficiaire ni le destinataire du concours litigieux et qu'elle n'est identifiée ni par la décision d'octroi de ce concours, ni par la décision attaquée. Aucun rapport direct n'existerait entre la Commission et la requérante. Celle-ci serait un simple contractant du bénéficiaire de l'aide, c'est-à-dire de l'autorité publique responsable de l'exécution du projet.

31.
    Selon la Commission, l'effet juridique redouté par la requérante est celui de devoir supporter une partie supplémentaire des coûts relatifs à l'investissement. La Commission estime que cet effet ne découle ni de la décision attaquée ni du droit communautaire, mais uniquement de la décision de la commune de Syracuse de subordonner la concession des travaux à l'obligation, pour le concessionnaire, de prendre lui-même en charge toutes les dépenses non couvertes par les concours communautaires ou nationaux. Cette décision serait à l'origine de l'article 20 du contrat de concession. La Commission est d'avis qu'en l'absence de cette clause la commune de Syracuse aurait eu la charge des dépenses non couvertes par les concours communautaires ou nationaux. La Commission ajoute que la requérante a accepté l'article 20 du contrat de concession et qu'elle a ainsi assumé le risque de devoir prendre en charge les dépenses non couvertes par les concours.

32.
    La Commission souligne que la décision attaquée n'impose pas la répétition du montant versé à la requérante qui dépasse le montant du concours communautaire définitif résultant de la décision attaquée.

33.
    La requérante est d'avis que la décision attaquée produit des effets juridiques directs à son égard, indépendamment de tout acte d'exécution, discrétionnaire ou non, de l'État italien qui en est le destinataire.

34.
    Elle affirme que le contrat de concession a comme conséquence que la requérante est elle-même le «bénéficiaire» des concours financiers et, partant, le destinataire effectif de toute décision de la Commission dans ce contexte. Elle décrit en détail le régime italien de la «concession de construction et d'exploitation» et le cadre normatif du projet selon le droit italien.

35.
    La requérante estime que l'effet principal de la décision attaquée est de réduire le montant du concours communautaire octroyé pour le projet litigieux de 11 milliards de ITL à 9 572 308 905 ITL. Elle reproche à la Commission de ne pas prendre en compte, dans son exception d'irrecevabilité, l'effet juridique de la décision attaquée qui consiste dans l'«amputation partielle du concours financier» et d'avoir basé son argumentation uniquement sur la charge que constitue, pour la requérante, l'obligation de supporter une part additionnelle du coût de l'investissement. Selon la requérante, l'amputation de son droit à l'intervention financière du FEDER entraîne automatiquement un engagement financier direct plus important, ce qui serait un effet direct de la décision qui, pour se produire, ne nécessite pas d'autres actes de la part de l'État membre ou de la part de la commune.

36.
    La requérante conteste avoir pris, en acceptant l'article 20 du contrat de concession, le risque de devoir assumer entièrement la part de financement prévue à la charge du FEDER au cas où la Commission déciderait de ne pas accorder son concours. Elle affirme avoir subordonné, dans le contrat de concession, l'exécution des travaux à la condition suspensive de l'admission du projet aux concours financiers national et communautaire.

37.
    La requérante est d'avis que la décision attaquée lui impose, en outre, l'obligation de restituer à l'État italien le solde du concours qui lui a été avancé par celui-ci, mais dont le versement a été refusé par la décision attaquée. Selon la requérante, cette obligation découle directement de la décision attaquée, sans qu'elle nécessite d'autres mesures de la part de l'État ou de la commune.

38.
    La requérante déduit de ce qui précède que la décision attaquée a produit des conséquences «formelles» directes à son égard, sans aucune intervention supplémentaire de la part de l'administration italienne.

39.
    Elle fait en outre valoir que la jurisprudence n'exige même pas un tel effet «formel» direct. En effet, il serait reconnu qu'un particulier peut être directement concerné par une décision non seulement lorsque aucune intervention supplémentaire des autorités nationales n'est nécessaire, mais également lorsqu'il existe un effet «matériel» direct, c'est-à-dire lorsque l'acte nécessite, certes, une mesure d'exécution nationale, mais qu'il est possible de prévoir avec certitude ou avec une forte probabilité que la mesure d'exécution affectera ce particulier.

40.
    Elle soutient que la possibilité pour l'État italien de ne pas donner suite à la décision attaquée est, en l'espèce, purement théorique. Les autorités italiennes ne se seraient jamais montrées disposées à accorder une augmentation de leur propre contribution pour faire face à une diminution éventuelle de la contribution communautaire. En outre, il serait fort douteux, au regard de la réglementation italienne, qu'une telle augmentation puisse lui être régulièrement accordée.

41.
    La requérante conteste l'argument tiré par la Commission du pouvoir discrétionnaire des autorités nationales quant à la récupération de l'avance qui lui a été versée. Elle considère qu'il n'est pas pertinent de savoir si l'État italien est tenu, du fait de la décision attaquée d'effectuer des remboursements à la Commission. Du fait de la décision, la requérante serait tenue de rembourser, de toute manière, l'avance qui lui a été faite sur le reste du concours financier.

42.
    La requérante estime ensuite qu'il est sans pertinence, aux fins du présent recours, de savoir si le dommage subi par l'entreprise concessionnaire à la suite de la réduction du concours financier reste en définitive à la charge de l'État membre ou de la commune en raison d'actes ou de faits qui n'ont rien à voir avec l'exécution de la décision attaquée. La requérante estime que la responsabilité éventuelle de la commune pour le retard intervenu dans la présentation de la demande de paiement définitif n'a aucune incidence sur le fait que l'effet juridique de la décision attaquée (à savoir la réduction du concours financier) remonte à cette décision.

43.
    La requérante ajoute que sa protection juridictionnelle ne peut pas être garantie par les seules voies de recours ouvertes au niveau national et que le rejet du présent recours comme irrecevable ne serait pas conforme aux exigences d'une bonne administration de la justice.

44.
    À titre subsidiaire, la requérante fait enfin valoir que, dans l'hypothèse où le Tribunal considérerait que la décision attaquée ne la concerne pas directement sur le fond, le recours devrait néanmoins être considéré comme recevable, afin que le juge communautaire puisse contrôler si les garanties procédurales, auxquelles elle avait droit dans le cadre de la procédure administrative, n'ont pas été méconnues.

Appréciation du Tribunal

45.
    Il est de jurisprudence constante que, pour concerner directement un requérant privé qui n'est pas le destinataire de l'acte communautaire entrepris, cet acte doit produire directement des effets sur la situation juridique de l'intéressé et sa mise en oeuvre doit revêtir un caractère purement automatique et découler de la seule réglementation communautaire, sans application d'autres règles intermédiaires (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C-386/96 P, Rec. p. I-2309, point 43; arrêts du Tribunal du 13 décembre 2000, DSTV/Commission, T-69/99, Rec. p. II-4039, point 24, et du 22 novembre 2001, Mitteldeutsche Erdöl-Raffinerie/Commission, T-9/98, Rec. p. II-3367, point 47).

46.
    Lorsque l'acte est mis en oeuvre par des autorités nationales qui en sont les destinataires, tel est le cas si la mesure ne laisse aucun pouvoir d'appréciation à ces autorités (arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, Oleifici Italiani et Fratelli Rubino/Commission, T-54/96, Rec. p. II-3377, point 56). Il en va de même lorsque la possibilité pour les destinataires de ne pas donner suite à l'acte communautaire est purement théorique, leur volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute (arrêts de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, points 8 à 10, et Dreyfus/Commission, précité, point 44).

47.
    En l'espèce, il convient de relever que la décision attaquée, par le refus qu'elle comporte de proroger le délai pour la présentation de la demande de paiement définitif, exclut tout versement de la Commission à l'État italien, au titre du concours litigieux, qui n'a pas été demandé avant le 31 mars 1995. Elle produit donc, dans les relations entre la Commission et l'État italien, un effet que la requérante a qualifié, à juste titre, d'«amputation» du concours financier.

48.
    S'agissant des effets de cette décision pour la requérante, il y a lieu de rappeler que celle-ci a reçu, de la commune de Syracuse, le paiement des sommes correspondant aux concours communautaire et national pour l'intégralité des dépenses du projet reconnues par le décret du ministère du Trésor du 3 décembre 1996 (voir ci-dessus point 18).

49.
    En effet, ainsi qu'il résulte des pièces du dossier, les autorités italiennes ont agi sans attendre la décision de la Commission sur la demande de prorogation du délai pour la présentation de la demande de paiement définitif, comme si cette demande avait reçu une réponse positive (voir ci-dessus points 17 et 18). À cet égard, il résulte, certes, de la décision du directeur général de la Cassa DD.PP., du 12 décembre 1996, que le versement effectué par cette dernière à la commune de Syracuse a été effectué «à titre d'avance temporaire». En revanche, la décision de la commune de Syracuse du 16 janvier 1997, autorisant le versement d'un montant de 2 703 913 080 ITL à la requérante, ne contient aucune réserve et indique qu'il s'agit du solde du concours relatif aux travaux effectués par la requérante.

50.
    Dans cette situation, la décision attaquée produit des effets sur la situation juridique de la requérante uniquement si cette dernière est tenue, du fait de cette décision, de rembourser la différence entre le montant qu'elle a perçu au titre du concours communautaire et le montant versé par la Commission à l'État italien conformément à la décision attaquée.

51.
    Or, aucune obligation en ce sens ne découle de la décision attaquée elle-même, ni d'une quelconque disposition du droit communautaire ayant vocation à régir l'effet de cette décision.

52.
    En outre, aucun élément du dossier ne permet de conclure que les autorités italiennes compétentes ne disposent d'aucune discrétion voire d'aucun pouvoir décisionnel en ce qui concerne un tel remboursement. À cet égard, la circonstance que l'article 20 du contrat de concession semble exprimer l'intention des autorités nationales de répercuter sur la requérante les conséquences financières de toute décision de la Commission relative au concours communautaire ne suffit pas pour établir l'intérêt direct requis par l'article 230, quatrième alinéa, CE.

53.
    Ainsi, la décision, prise de manière autonome par les autorités italiennes, de verser à la requérante un montant correspondant à l'intégralité du concours communautaire initialement prévu, sans attendre la décision de la Commission relative à la prorogation demandée, reste intercalée entre la décision attaquée et la situation juridique de la requérante.

54.
    Par conséquent, la requérante n'est pas directement concernée par la décision attaquée.

55.
    S'agissant de l'argument de la requérante selon lequel elle ne bénéficie pas, au niveau national, d'une protection juridictionnelle efficace, il suffit de rappeler que l'absence éventuelle de voie de recours en droit national ne saurait conduire le Tribunal à dépasser les limites de sa compétence posées par l'article 230, quatrième alinéa, CE (arrêt du Tribunal du 5 juin 1996, Kahn Scheepvaart/Commission, T-398/94, Rec. p. II-477, point 50).

56.
    Il convient d'écarter également l'argument de la requérante selon lequel son recours devrait être considéré comme recevable pour permettre au Tribunal de vérifier si son droit d'être entendu avant l'adoption de la décision attaquée a été respecté par la Commission. À cet égard, il convient de relever que la situation qui se présente en l'espèce ne saurait être assimilée à celle qui est à l'origine de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal du 6 décembre 1994, Lisrestal e.a./Commission (T-450/93, Rec. p. II-1177, points 46 et 47, confirmé par arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C-32/95 P, Rec. p. I-5373, point 28), invoquée par la requérante.

57.
    En effet, à la différence des requérants dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Lisrestal e.a./Commission, précité, la requérante, en l'espèce, n'est pas désignée nommément par les décisions de la Commission relatives au concours litigieux. La décision attaquée est fondée sur des raisons procédurales, indépendantes du comportement de la requérante, à laquelle aucune irrégularité n'est reprochée, et cette décision n'impose aucune obligation de remboursement à la requérante. Par conséquent, un lien direct, tel qu'il existait dans l'affaire Lisrestal ayant donné lieu à l'arrêt Lirestal e.a./Commission, précité, susceptible de conférer à la requérante un intérêt direct à l'annulation de la décision attaquée et un droit d'être entendu avant son adoption, n'est pas présent.

58.
    Il convient donc de rejeter le recours comme irrecevable, en application de l'article 114 du règlement de procédure.

Sur les dépens

59.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

60.
    La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter également les dépens de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

ordonne:

1)    Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)    La requérante est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 6 juin 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. M. Moura Ramos


1: Langue de procédure: l'italien.