Language of document : ECLI:EU:C:2021:478

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

10 juin 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Contrôles aux frontières, asile et immigration – Politique d’asile – Procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale – Directive 2013/32/UE – Article 40, paragraphe 2 – Demande ultérieure – Éléments ou faits nouveaux – Notion – Documents dont l’authenticité ne peut pas être établie ou dont la source ne peut pas être vérifiée objectivement – Directive 2011/95/UE – Article 4, paragraphes 1 et 2 – Appréciation des éléments de preuve – Obligation de coopération de l’État membre concerné »

Dans l’affaire C‑921/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Rechtbank Den Haag, zittingsplaats’s-Hertogenbosch (tribunal de La Haye, siégeant à Bois-le-Duc, Pays-Bas), par décision du 16 décembre 2019, parvenue à la Cour le même jour, dans la procédure

LH

contre

Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. N. Wahl, F. Biltgen, Mme L. S. Rossi (rapporteure) et M. J. Passer, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour LH, par Me I. M. van Kuilenburg, advocaat,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et M. H. S. Gijzen, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Wils et J. Tomkin ainsi que par Mme M. Condou-Durande, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 février 2021,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 40, paragraphe 2, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60), lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9), ainsi que des articles 47 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant LH au Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (secrétaire d’État à la Justice et à la Sécurité, Pays-Bas) (ci-après le « secrétaire d’État ») au sujet du rejet par celui-ci d’une demande ultérieure de protection internationale introduite par LH.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2011/95

3        L’article 4 de la directive 2011/95, intitulé « Évaluation des faits et circonstances », dispose :

« 1.      Les États membres peuvent considérer qu’il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande de protection internationale. Il appartient à l’État membre d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande.

2.      Les éléments visés au paragraphe 1 correspondent aux déclarations du demandeur et à tous les documents dont le demandeur dispose concernant son âge, son passé, y compris ceux des parents à prendre en compte, son identité, sa ou ses nationalités, le ou les pays ainsi que le ou les lieux où il a résidé auparavant, ses demandes d’asile antérieures, son itinéraire, ses titres de voyage, ainsi que les raisons justifiant la demande de protection internationale.

3.      Il convient de procéder à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants :

[...]

b)      les informations et documents pertinents présentés par le demandeur, y compris les informations permettant de déterminer si le demandeur a fait ou pourrait faire l’objet de persécutions ou d’atteintes graves ;

[...]

5.      Lorsque les États membres appliquent le principe selon lequel il appartient au demandeur d’étayer sa demande, et lorsque certains aspects des déclarations du demandeur ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres, ces aspects ne nécessitent pas confirmation lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a)      le demandeur s’est réellement efforcé d’étayer sa demande ;

b)      tous les éléments pertinents à la disposition du demandeur ont été présentés et une explication satisfaisante a été fournie quant à l’absence d’autres éléments probants ;

c)      les déclarations du demandeur sont jugées cohérentes et plausibles et elles ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande ;

d)      le demandeur a présenté sa demande de protection internationale dès que possible, à moins qu’il puisse avancer de bonnes raisons pour ne pas l’avoir fait ; et

e)      la crédibilité générale du demandeur a pu être établie. »

4        L’article 14, paragraphe 3, de cette directive prévoit :

« Les États membres révoquent le statut de réfugié de tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride, y mettent fin ou refusent de le renouveler, s’ils établissent, après lui avoir octroyé le statut de réfugié, que :

[...]

b)      des altérations ou omissions de faits dont il a usé, y compris l’utilisation de faux documents, ont joué un rôle déterminant dans la décision d’octroyer le statut de réfugié. »

 La directive 2013/32

5        Les considérants 3, 18, 25 et 36 de la directive 2013/32 énoncent :

« (3)      Le Conseil européen, lors de sa réunion spéciale de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, est convenu d’œuvrer à la mise en place d’un régime d’asile européen commun, fondé sur l’application intégrale et globale de la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, n° 2545 (1954)], modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967 (ci-après dénommée “convention de Genève”), et d’assurer ainsi que nul ne sera renvoyé là où il risque à nouveau d’être persécuté, c’est-à-dire d’affirmer le principe de non-refoulement.

[...]

(18)      Il est dans l’intérêt à la fois des États membres et des demandeurs d’une protection internationale que les demandes de protection internationale fassent l’objet d’une décision aussi rapide que possible, sans préjudice de la réalisation d’un examen approprié et exhaustif.

[...]

(25)      Afin de pouvoir déterminer correctement les personnes qui ont besoin d’une protection en tant que réfugiés au sens de l’article 1er de la convention de Genève ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, chaque demandeur devrait avoir un accès effectif aux procédures, pouvoir coopérer et communiquer de façon appropriée avec les autorités compétentes afin de présenter les faits pertinents le concernant, et disposer de garanties de procédure suffisantes pour faire valoir sa demande à tous les stades de la procédure. [...]

[...]

(36)      Lorsqu’un demandeur présente une demande ultérieure sans apporter de nouvelles preuves ou de nouveaux arguments, il serait disproportionné d’obliger les États membres à entreprendre une nouvelle procédure d’examen complet. Les États membres devraient, en l’espèce, pouvoir rejeter une demande comme étant irrecevable conformément au principe de l’autorité de la chose jugée. »

6        L’article 2 de cette directive est rédigé comme suit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

b)      “demande de protection internationale” ou “demande”, la demande de protection présentée à un État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, qui peut être comprise comme visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur ne sollicitant pas explicitement un autre type de protection hors du champ d’application de la directive [2011/95] et pouvant faire l’objet d’une demande séparée ;

[...]

q)      “demande ultérieure”, une nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel l’autorité responsable de la détermination a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 28, paragraphe 1. »

7        Le chapitre II de ladite directive, intitulé « Principes de base et garanties fondamentales », comprend les articles 6 à 30 de celle-ci. L’article 10, paragraphe 3, de la directive 2013/32 énonce :

« Les États membres font en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises par l’autorité responsable de la détermination à l’issue d’un examen approprié. À cet effet, les États membres veillent à ce que :

a)      les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement ;

[...] »

8        L’article 31 de la même directive prévoit :

« 1.      Les États membres traitent les demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure d’examen conformément aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II.

2.      Les États membres veillent à ce que la procédure d’examen soit menée à terme dans les meilleurs délais, sans préjudice d’un examen approprié et exhaustif.

[...]

8.      Les États membres peuvent décider, dans le respect des principes de base et des garanties fondamentales visés au chapitre II, d’accélérer une procédure d’examen et/ou de mener cette procédure à la frontière ou dans les zones de transit conformément à l’article 43 lorsque :

[...]

e)      le demandeur a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations suffisamment vérifiées du pays d’origine, ce qui rend sa demande visiblement peu convaincante quant à sa qualité de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la [directive 2011/95] ; [...]

[...] »

9        L’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32 est rédigé comme suit :

« Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque :

[...[

d)      la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la [directive 2011/95] ; [...]

[...] »

10      L’article 40 de cette directive, intitulé « Demandes ultérieures », dispose :

« 1.      Lorsqu’une personne qui a demandé à bénéficier d’une protection internationale dans un État membre fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure dans ledit État membre, ce dernier examine ces nouvelles déclarations ou les éléments de la demande ultérieure dans le cadre de l’examen de la demande antérieure ou de l’examen de la décision faisant l’objet d’un recours juridictionnel ou administratif, pour autant que les autorités compétentes puissent, dans ce cadre, prendre en compte et examiner tous les éléments étayant les nouvelles déclarations ou la demande ultérieure.

2.      Afin de prendre une décision sur la recevabilité d’une demande de protection internationale en vertu de l’article 33, paragraphe 2, point d), une demande de protection internationale ultérieure est tout d’abord soumise à un examen préliminaire visant à déterminer si des éléments ou des faits nouveaux sont apparus ou ont été présentés par le demandeur, qui se rapportent à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive [2011/95].

3.      Si l’examen préliminaire visé au paragraphe 2 aboutit à la conclusion que des éléments ou des faits nouveaux sont apparus ou ont été présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive [2011/95], l’examen de la demande est poursuivi conformément au chapitre II. Les États membres peuvent également prévoir d’autres raisons de poursuivre l’examen d’une demande ultérieure.

[...]

5.      Lorsque l’examen d’une demande ultérieure n’est pas poursuivi en vertu du présent article, ladite demande est considérée comme irrecevable conformément à l’article 33, paragraphe 2, point d).

[...] »

11      L’article 42 de ladite directive prévoit :

« 1.      Les États membres font en sorte que les demandeurs dont la demande fait l’objet d’un examen préliminaire en vertu de l’article 40 bénéficient des garanties prévues à l’article 12, paragraphe 1.

2.      Les États membres peuvent prévoir, dans leur législation nationale, des règles sur l’examen préliminaire effectué en vertu de l’article 40. Ces règles peuvent notamment :

a)      exiger du demandeur concerné qu’il indique les faits et produise les éléments de preuve justifiant une nouvelle procédure ;

b)      permettre de procéder à l’examen préliminaire en le limitant aux seules observations écrites présentées hors du cadre d’un entretien personnel, sauf dans les cas visés à l’article 40, paragraphe 6.

Ces règles ne mettent pas le demandeur dans l’impossibilité d’engager une nouvelle procédure ni lui en interdisent, de facto, l’accès ou dressent des obstacles importants sur cette voie.

3.      Les États membres veillent à ce que le demandeur soit dûment informé de l’issue de cet examen préliminaire et, si l’examen de sa demande n’est pas poursuivi, des motifs de cette décision et des possibilités de former un recours juridictionnel ou administratif contre celle-ci. »

 Le droit néerlandais

12      L’article 30a de la Vreemdelingenwet 2000 (loi sur les étrangers de 2000), du 23 novembre 2000 (Stb. 2000, n° 495), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit, à son paragraphe 1 :

« Une demande de permis de séjour temporaire au titre de l’asile visée à l’article 28 peut être déclarée irrecevable au sens de l’article 33 de la directive [2013/32] si :

[...]

d.      l’étranger a introduit une demande ultérieure qu’il n’a fondée sur aucun élément ou fait nouveau ou qui n’a soulevé aucun élément ou fait nouveau pouvant être pertinent pour l’appréciation de la demande ;

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      LH, un ressortissant afghan, a travaillé environ trois ans et demi en qualité de chauffeur du directeur d’une administration afghane. Au cours de l’automne 2015, la voiture conduite par LH a été prise dans plusieurs embuscades, desquelles ce directeur et LH lui-même ont toujours réussi à s’échapper. Par la suite, les talibans auraient contacté LH à plusieurs reprises en le menaçant de le tuer s’il ne leur livrait pas ledit directeur. LH a alors quitté l’Afghanistan.

14      Le 8 décembre 2015, LH a introduit une demande de protection internationale aux Pays-Bas. Le secrétaire d’État, tout en considérant crédibles les déclarations de LH concernant les activités qu’il a exercées en tant que chauffeur ainsi que les embuscades des talibans auxquelles il a été confronté, a estimé que, en revanche, les déclarations de LH relatives à des menaces individuelles dont il aurait fait l’objet de la part des talibans n’étaient pas crédibles.

15      Par décision du 8 juin 2017, le secrétaire d’État a dès lors rejeté la demande de LH. Cette décision est devenue définitive dès lors que le dernier recours engagé par LH a été rejeté par décision du Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas) du 23 mars 2018.

16      Le 26 septembre 2018, LH a introduit une demande ultérieure, dans le cadre de laquelle il a tenté d’étayer les déclarations concernant les menaces individuelles dont il aurait fait l’objet. À ces fins, il a versé des nouveaux documents, parmi lesquels les documents originaux dont il avait produit les copies dans le cadre de la procédure précédente, à savoir une déclaration du service d’incendie, venant au soutien de sa déclaration selon laquelle sa maison en Afghanistan avait été incendiée, accompagnée des empreintes digitales de témoins, une déclaration de son employeur, ainsi qu’une copie de son contrat de travail.

17      Le secrétaire d’État ayant, notamment, constaté que l’authenticité de ces documents originaux ne pouvait pas être établie sur la base d’un examen documentaire, il a, par décision du 30 août 2019, déclaré irrecevable la demande ultérieure de LH, au motif que l’impossibilité d’établir l’authenticité de ces documents suffirait à elle seule pour que ceux-ci ne puissent pas être considérés comme des éléments ou des faits nouveaux.

18      Le 4 septembre 2019, LH a formé un recours devant la juridiction de renvoi, le Rechtbank Den Haag, zittingsplaats’s-Hertogenbosch (tribunal de La Haye, siégeant à Bois-le-Duc, Pays-Bas), contre cette décision, dont l’exécution a été suspendue par voie de référé.

19      Dans ce recours, LH fournit des explications sur les conditions dans lesquelles il a obtenu les documents originaux en question ainsi que les raisons pour lesquelles il n’a pas eu la possibilité de les produire plus tôt, dans le cadre de la procédure relative à la première demande de protection internationale. Il lui serait toutefois impossible de justifier l’authenticité de ces documents étant donné qu’il ne disposerait pas des moyens nécessaires pour effectuer une expertise à cet effet. Cela étant, lesdits documents proviendraient en grande partie des autorités afghanes, à savoir du service d’incendie afghan et de l’administration afghane pour laquelle LH travaillait. Selon LH, il est déraisonnable de faire peser exclusivement sur le demandeur de protection internationale la charge de la preuve de l’authenticité de tels documents, alors que le secrétaire d’État est mieux à même de procéder aux investigations nécessaires à cette fin, en prenant contact avec ces autorités afghanes.

20      La juridiction de renvoi précise que l’examen effectué par le secrétaire d’État ne laisse aucunement à penser que les documents produits par LH à l’appui de sa demande ultérieure de protection internationale ne seraient pas authentiques, ne proviendraient pas d’une instance compétente, seraient des faux ou ne seraient pas exacts sur le plan du contenu. Ainsi, le secrétaire d’État n’aurait pas de doutes concrets quant à l’authenticité des documents, mais il se considérerait seulement dans l’impossibilité de se prononcer sur celle-ci. En outre, le secrétaire d’État aurait refusé d’accorder un entretien personnel à LH avant de déclarer sa demande ultérieure irrecevable.

21      Cette juridiction précise que, selon la jurisprudence nationale, il n’existe aucun élément ou fait nouveau si l’authenticité des documents par lesquels le demandeur de protection internationale entend démontrer l’existence d’un tel élément ou fait n’a pas été établie. Selon cette jurisprudence, il appartient à ce demandeur de démontrer l’authenticité des documents par lesquels il étaye sa demande ultérieure, sans que cela empêche toutefois le secrétaire d’État d’assister le demandeur à cette fin en faisant lui-même procéder à l’examen de cette authenticité. Toutefois, cela n’enlèverait rien à la responsabilité propre du demandeur.

22      Dans ces conditions, la juridiction de renvoi considère que, pour examiner si la réglementation et la jurisprudence néerlandaises sont conformes au droit de l’Union, il y a lieu d’interpréter la notion d’« éléments et faits nouveaux », au sens de l’article 40, paragraphe 2, de la directive 2013/32.

23      Or, la notion d’« élément », bien que figurant dans plusieurs dispositions de cette directive, ne serait pas définie par celle-ci. Ainsi, pour l’interprétation de cette notion, il conviendrait de se référer également à l’article 4 de la directive 2011/95, lequel n’établirait aucune distinction entre les éléments présentés à l’appui d’une première demande de protection internationale et ceux présentés au soutien de demandes ultérieures. Il ne serait même pas exigé que l’authenticité des documents soit démontrée pour qu’ils soient regardés comme constituant un « élément ou fait nouveau ». L’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/95 indiquerait simplement que « tous les documents » dont le demandeur dispose relèvent de la notion d’« élément ».

24      Par ailleurs, si la prise en considération et l’examen, quant au fond, de documents originaux devait être écartée en raison du seul fait que leur authenticité ne peut pas être établie, cela pourrait aller à l’encontre du droit d’asile, de l’interdiction du refoulement et du droit à un recours effectif, tels que prévus respectivement aux articles 18, 19 et 47 de la Charte.

25      Enfin, la juridiction de renvoi relève que, dans la pratique administrative néerlandaise actuelle, lors d’une première demande de protection internationale, l’autorité compétente prend en considération, pour apprécier la crédibilité du récit du demandeur au soutien de sa demande d’asile, des documents dont l’authenticité n’est pas établie. Ce n’est que lorsque les doutes quant à l’authenticité de ceux-ci apparaissent dans le contexte d’une demande ultérieure que ces doutes constituent un motif pour que ladite autorité conclue d’emblée à l’absence d’éléments ou de faits nouveaux, ce qui entraîne alors l’irrecevabilité d’une telle demande.

26      Dans ces circonstances, le Rechtbank Den Haag, zittingsplaats’s–Hertogenbosch (tribunal de La Haye, siégeant à Bois-le-Duc) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Est-il compatible avec l’article 40, paragraphe 2, de la [directive 2013/32], lu conjointement avec l’article 4, paragraphe 2, de la [directive 2011/95] et avec les articles 47 et 52 de la [Charte], que l’autorité responsable de la détermination d’un État membre prévoit que des documents originaux ne peuvent jamais constituer des éléments ou des faits nouveaux si l’authenticité de ces documents ne peut pas être établie ? Au cas où cela n’est pas compatible, cela fait-il alors encore une différence si, lors d’une demande ultérieure, le demandeur dépose des copies de documents ou des documents qui proviennent d’une source non vérifiable objectivement ?

2)      L’article 40 de la [directive 2013/32], lu conjointement avec l’article 4, paragraphe 2, de la [directive 2011/95], doit-il être interprété en ce sens que, dans l’appréciation de documents et l’attribution d’une valeur probante à ceux-ci, l’autorité responsable de la détermination d’un État membre est autorisée à établir une distinction entre les documents qui sont produits lors d’une première demande et ceux qui sont produits lors d’une demande ultérieure ? Un État membre est-il autorisé, dans le cadre de la production de documents lors d’une demande ultérieure, à ne plus concrétiser davantage l’obligation de coopération si l’authenticité de ces documents ne peut pas être établie ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

27      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 40, paragraphe 2, de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/95, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle tout document produit par un demandeur de protection internationale au soutien d’une demande ultérieure est automatiquement considéré comme ne constituant pas un « élément ou fait nouveau », au sens de cette disposition, dès lors que l’authenticité de ce document ne peut pas être établie ou que la source d’un tel document ne peut pas être vérifiée objectivement.

28      Afin de répondre à cette question, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union, qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée, doivent normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme, qui doit être recherchée en tenant compte non seulement des termes de celle-ci, mais également du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause [arrêts du 25 juin 2020, Ministerio Fiscal (Autorité susceptible de recevoir une demande de protection internationale), C‑36/20 PPU, EU:C:2020:495, point 53 et jurisprudence citée, ainsi que du 14 janvier 2021, The International Protection Appeals Tribunal e.a., C‑322/19 et C‑385/19, EU:C:2021:11, point 57].

29      Ainsi, il convient, en premier lieu, de constater que le libellé de l’article 40 de la directive 2013/32 ne précise pas la notion d’« éléments ou faits nouveaux » susceptibles d’étayer une demande ultérieure.

30      S’agissant, en deuxième lieu, du contexte dans lequel cette disposition s’inscrit, il y a lieu de relever que l’article 40 de la directive 2013/32 compose, avec les articles 41 et 42 de celle-ci, la section IV du chapitre III, intitulé « Procédures en première instance », de cette directive. Fait partie de ce même chapitre l’article 31 de ladite directive, intitulé « Procédure d’examen », dont les paragraphes 1 et 2 prévoient que les États membres, d’une part, traitent les demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure d’examen conformément aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II de la même directive et, d’autre part, veillent à ce que la procédure d’examen soit menée à terme dans les meilleurs délais, sans préjudice d’un examen approprié et exhaustif.

31      Or, au sens de l’article 2, sous q), de la directive 2013/32, une demande ultérieure est une demande de protection internationale se caractérisant par la circonstance d’avoir été présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure.

32      Par conséquent, une demande ultérieure constituant, en tant que telle, une demande de protection internationale, les États membres, en application de l’article 31, paragraphe 1, de cette directive, traitent une telle demande conformément aux principes de base et aux garanties fondamentales visées au chapitre II de ladite directive.

33      Cela étant, lorsqu’un demandeur présente une demande ultérieure de protection internationale sans apporter de nouvelles preuves ou de nouveaux arguments, les États membres peuvent, comme l’énonce le considérant 36 de la directive 2013/32 et ainsi qu’il découle de l’article 33, paragraphe 2, de celle-ci, rejeter une telle demande comme étant irrecevable, conformément au principe de l’autorité de la chose jugée. En effet, dans un tel cas, il serait disproportionné d’obliger ces États à entreprendre une nouvelle procédure d’examen complet.

34      L’article 40, paragraphes 2 et 3, de la directive 2013/32 prévoit ainsi un traitement des demandes ultérieures en deux étapes. La première étape, de nature préliminaire, a pour objet la vérification de la recevabilité de ces demandes, alors que la seconde étape a trait à l’examen desdites demandes au fond.

35      Cette première étape s’effectue également en deux temps, chacun de ceux-ci donnant lieu à la vérification des conditions de recevabilité distinctes fixées par ces mêmes dispositions.

36      Ainsi, dans un premier temps, l’article 40, paragraphe 2, de la directive 2013/32 dispose que, afin de prendre une décision sur la recevabilité d’une demande de protection internationale en vertu de l’article 33, paragraphe 2, sous d), de cette directive, une demande ultérieure est tout d’abord soumise à un examen préliminaire visant à déterminer si des éléments ou des faits nouveaux sont apparus ou ont été présentés par le demandeur, qui se rapportent à l’examen visant à déterminer si celui-ci remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95.

37      Ce n’est que s’il existe effectivement de tels éléments ou faits nouveaux par rapport à la première demande de protection internationale que, dans un second temps, l’examen de la recevabilité de la demande ultérieure se poursuit, en application de l’article 40, paragraphe 3, de cette directive, afin de vérifier si ces éléments et faits nouveaux augmentent de manière significative la probabilité que ledit demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à ce statut.

38      Par conséquent, si ces deux conditions de recevabilité doivent toutes être remplies pour que l’examen de la demande ultérieure se poursuive, conformément à l’article 40, paragraphe 3, de ladite directive, il n’en demeure pas moins qu’elles sont distinctes et ne doivent pas être confondues.

39      En l’occurrence, la juridiction de renvoi souhaite savoir si un document, dont l’authenticité et la véracité ne peuvent être exclues, peut constituer un « élément ou fait nouveau », au sens de l’article 40, paragraphe 2, de la directive 2013/32, alors même que son authenticité ne peut pas être établie ou sa source ne peut pas être vérifiée objectivement.

40      Il convient de relever, à cet égard, que l’article 40, paragraphe 2, de la directive 2013/32 n’opérant aucune distinction entre une première demande de protection internationale et une demande ultérieure au regard de la nature des éléments ou des faits susceptibles de démontrer que le demandeur remplit les conditions pour prétendre au statut de bénéficiaire de la protection internationale en vertu de la directive 2011/95, l’évaluation des faits et des circonstances à l’appui de ces demandes doit, dans les deux cas, être menée conformément à l’article 4 de la directive 2011/95.

41      Or, tout d’abord, cet article 4 définit, à son paragraphe 2, les éléments pertinents au soutien d’une demande de protection internationale comme ceux correspondant « aux déclarations du demandeur et à tous les documents dont le demandeur dispose concernant son âge, son passé, y compris ceux des parents à prendre en compte, son identité, sa ou ses nationalités, le ou les pays ainsi que le ou les lieux où il a résidé auparavant, ses demandes d’asile antérieures, son itinéraire, ses titres de voyage, ainsi que les raisons justifiant la demande de protection internationale ».

42      Ensuite, l’article 4, paragraphe 3, sous b), de la directive 2011/95 impose une évaluation individuelle de la demande, en tenant compte, notamment, des documents pertinents présentés par le demandeur, sans exiger que ces documents soient nécessairement authentifiés.

43      Enfin, conformément à l’article 4, paragraphe 5, de la directive 2011/95, lorsque certains aspects des déclarations du demandeur contenues dans la demande ne sont pas étayés par des preuves documentaires ou autres, ces aspects ne nécessitent pas confirmation lorsque, premièrement, le demandeur s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, deuxièmement, tous les éléments pertinents à la disposition du demandeur ont été présentés et une explication satisfaisante a été fournie quant à l’absence d’autres éléments probants, troisièmement, les déclarations du demandeur sont jugées cohérentes et plausibles et elles ne sont pas contredites par les informations générales et particulières connues et pertinentes pour sa demande, et, quatrièmement, le demandeur a présenté sa demande de protection internationale dès que possible, à moins qu’il puisse avancer de bonnes raisons pour ne pas l’avoir fait, et la crédibilité générale du demandeur a pu être établie.

44      Il s’ensuit que tout document produit par le demandeur au soutien de sa demande de protection internationale doit être considéré comme un élément de celle-ci à prendre en compte, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2011/95, et que, par conséquent, l’impossibilité d’authentifier ce document ou l’absence de toute source objectivement vérifiable ne saurait justifier, en soi, l’exclusion d’un tel document de l’examen que l’autorité responsable de la détermination est tenue d’effectuer, en application de l’article 31 de la directive 2013/32.

45      S’agissant d’une demande ultérieure, l’absence d’authentification d’un document ne saurait donc mener à constater d’emblée l’irrecevabilité de cette demande, sans qu’il soit procédé à l’examen de la question de savoir si ce document constitue un fait ou un élément nouveau et, le cas échéant, s’il augmente de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions pour prétendre au statut de bénéficiaire de la protection internationale en vertu de la directive 2011/95.

46      Comme l’a relevé en substance M. l’avocat général au point 62 de ses conclusions, une telle interprétation est confirmée par la circonstance que, selon l’article 31, paragraphe 8, sous e), de la directive 2013/32, même de fausses déclarations ne justifient le rejet d’une demande de protection internationale que si elles rendent cette demande peu convaincante, ce qui suppose qu’elles aient été, en amont, considérées recevables et examinées par l’autorité compétente.

47      En troisième lieu, l’interprétation de l’article 40, paragraphe 2, de la directive 2013/32, qui ressort ainsi du contexte dans lequel cette disposition s’inscrit, est également confirmée par les objectifs de cette directive.

48      En effet, il résulte des considérants 3, 18 et 25 de la directive 2013/32 que celle-ci vise à mettre en place un régime d’asile européen commun, dans lequel, d’une part, chaque demandeur devrait avoir un accès effectif aux procédures, pouvoir coopérer et communiquer de façon appropriée avec les autorités compétentes afin de présenter les faits pertinents le concernant, et disposer de garanties de procédure suffisantes pour faire valoir sa demande à tous les stades de la procédure, et, d’autre part, les demandes de protection internationale devraient faire l’objet d’une décision aussi rapide que possible, sans préjudice de la réalisation d’un examen approprié et exhaustif.

49      En outre, s’agissant de la procédure de vérification de la recevabilité d’une demande ultérieure, celle-ci vise, ainsi qu’il résulte du considérant 36 de la directive 2013/32, à permettre aux États membres de rejeter comme irrecevable toute demande ultérieure introduite en l’absence de tout élément ou fait nouveau afin de respecter le principe de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à une décision antérieure.

50      Il s’ensuit que l’examen de la question de savoir si une demande ultérieure s’appuie sur des éléments ou des faits nouveaux se rapportant à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire de la protection internationale en vertu de la directive 2011/95 devrait se limiter à la vérification de l’existence, à l’appui de cette demande, d’éléments ou de faits qui n’ont pas été examinés dans le cadre de la décision prise sur la demande antérieure et sur lesquels cette décision, revêtue de l’autorité de chose jugée, n’a pas pu être fondée.

51      Une interprétation différente de l’article 40, paragraphe 2, de la directive 2013/32 qui impliquerait que l’autorité responsable de la détermination se livrerait, dès le stade de la vérification de la présence d’éléments ou de faits nouveaux au soutien de la demande ultérieure, à une appréciation de ces éléments et faits, outre le fait qu’elle mènerait à une confusion des différentes étapes de la procédure d’examen d’une telle demande, irait à l’encontre de l’objectif de la directive 2013/32 d’assurer un examen aussi rapide que possible des demandes de protection internationale.

52      De même, une interprétation de cette disposition en ce sens qu’elle imposerait que tout document soumis à l’appui d’une demande ultérieure ne serait recevable que pour autant que ce document soit authentifié, méconnaîtrait l’objectif de cette directive d’assurer un examen approprié et exhaustif d’une telle demande.

53      Partant, ce n’est que dans le cadre de la seconde étape de la vérification de la recevabilité d’une demande ultérieure, telle que décrite au point 37 du présent arrêt, que l’appréciation de l’autorité responsable de la détermination doit porter sur la vérification de la question de savoir si les éléments et les faits nouveaux apparus ou présentés par le demandeur sont de nature à augmenter de manière significative la probabilité que celui-ci remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95.

54      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 40, paragraphe 2, de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/95, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle tout document produit par un demandeur de protection internationale au soutien d’une demande ultérieure est automatiquement considéré comme ne constituant pas un « élément ou fait nouveau », au sens de cette disposition, dès lors que l’authenticité de ce document ne peut pas être établie ou que la source d’un tel document ne peut pas être vérifiée objectivement.

 Sur la seconde question

55      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 40 de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 2011/95, doit être interprété en ce sens, d’une part, que l’appréciation des éléments de preuve produits au soutien d’une demande de protection internationale peut varier selon qu’il s’agit d’une première demande ou d’une demande ultérieure et, d’autre part, qu’un État membre est autorisé à ne pas coopérer avec un demandeur en vue d’évaluer les éléments pertinents de sa demande ultérieure, dès lors que celui-ci produit, au soutien de cette demande, des documents dont l’authenticité ne peut pas être établie.

56      La juridiction de renvoi pose cette question au regard de la pratique administrative néerlandaise actuelle, rappelée au point 25 du présent arrêt, selon laquelle, lors d’une première demande, l’autorité compétente prend en considération, pour apprécier la crédibilité du récit du demandeur au soutien de sa demande d’asile, des documents dont l’authenticité n’est pas établie, alors que, lors d’une demande ultérieure, l’incertitude quant à l’authenticité de ces documents constitue, en soi, un motif pour que cette autorité conclue à l’absence d’éléments ou de faits nouveaux, ce qui entraîne automatiquement l’irrecevabilité de cette dernière demande.

57      Afin de répondre à cette question, il convient de relever, d’une part, qu’il ne ressort aucunement des articles 40 à 42 de la directive 2013/32, concernant les demandes ultérieures, que le législateur de l’Union aurait eu l’intention de permettre aux États membres de prévoir que l’appréciation des éléments de preuve produits au soutien d’une demande de protection internationale puisse varier selon qu’il s’agisse d’une première demande ou d’une demande ultérieure.

58      Au contraire, ainsi qu’il ressort du point 40 du présent arrêt, l’article 40, paragraphe 2, de la directive 2013/32 n’opérant aucune distinction entre une première demande et une demande ultérieure au regard des éléments ou des faits susceptibles de démontrer que le demandeur remplit les conditions pour prétendre au statut de bénéficiaire de la protection internationale en vertu de la directive 2011/95, l’évaluation des faits et des circonstances à l’appui de ces demandes doit, dans les deux cas, être menée conformément à l’article 4 de la directive 2011/95.

59      Ainsi, si la circonstance qu’une première demande a déjà fait l’objet d’un examen exhaustif justifie que les États membres examinent d’abord, à titre préliminaire, la recevabilité de la demande ultérieure au regard, notamment, de l’existence, à l’appui de celle-ci, d’éléments ou de faits nouveaux qui se rapportent à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire de la protection internationale en vertu de la directive 2011/95, ladite circonstance ne saurait, en revanche, justifier également que l’appréciation de ces éléments ou faits ne soit pas effectuée, dans le cadre de cet examen préliminaire, conformément à l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2013/32 ainsi que, comme l’a également relevé M. l’avocat général aux points 65 et 66 de ses conclusions, à l’article 4 de la directive 2011/95.

60      D’autre part, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2011/95, il appartient à l’État membre concerné d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande de protection internationale.

61      Or, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort du point 44 du présent arrêt, un document, même si son authenticité ne peut pas être établie ou que sa source ne peut pas être vérifiée objectivement, constitue un élément produit à l’appui de la demande, l’État membre concerné est tenu, conformément à cette même disposition, d’évaluer ce document en coopération avec le demandeur.

62      D’ailleurs, il convient de rappeler dans ce contexte que, pour que la production d’un tel document puisse amener à ce que, en vertu de l’article 40, paragraphe 3, de la directive 2013/32, l’examen au fond soit poursuivi conformément au chapitre II de celle-ci, il n’est pas nécessaire que l’État membre soit convaincu que ce nouveau document étaye à suffisance la demande ultérieure, mais il suffit que ledit document augmente de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95.

63      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que l’article 40 de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 2011/95, doit être interprété en ce sens, d’une part, que l’appréciation des éléments de preuve produits au soutien d’une demande de protection internationale ne saurait varier selon qu’il s’agit d’une première demande ou d’une demande ultérieure et, d’autre part, qu’un État membre est tenu de coopérer avec un demandeur en vue d’évaluer les éléments pertinents de sa demande ultérieure, dès lors que celui-ci produit, au soutien de cette demande, des documents dont l’authenticité ne peut pas être établie.

 Sur les dépens

64      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 40, paragraphe 2, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle tout document produit par un demandeur de protection internationale au soutien d’une demande ultérieure est automatiquement considéré comme ne constituant pas un « élément ou fait nouveau », au sens de cette disposition, dès lors que l’authenticité de ce document ne peut pas être établie ou que la source d’un tel document ne peut pas être vérifiée objectivement.

2)      L’article 40 de la directive 2013/32, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 2011/95, doit être interprété en ce sens, d’une part, que l’appréciation des éléments de preuve produits au soutien d’une demande de protection internationale ne saurait varier selon qu’il s’agit d’une première demande ou d’une demande ultérieure et, d’autre part, qu’un État membre est tenu de coopérer avec un demandeur en vue d’évaluer les éléments pertinents de sa demande ultérieure, dès lors que celui-ci produit, au soutien de cette demande, des documents dont l’authenticité ne peut pas être établie.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.