Language of document : ECLI:EU:T:2011:404

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

29 juillet 2011 (*)

« Référé – Concurrence – Demande de renseignements – Article 18, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 1/2003 – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑296/11 R,

Cementos Portland Valderrivas, SA, établie à Pampelune (Espagne), représentée par Me L. Ortiz Blanco, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme  F. Castilla Contreras, MM. C. Urraca Caviedes et C. Hödlmayr, en qualité d’agents, assistés de Me J. Rivas, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision C (2011) 2368 final de la Commission, du 30 mars 2011, relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil (Affaire 39520 – Ciment et produits liés au ciment),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Ainsi qu’il ressort de la présente demande en référé, la Commission européenne a, en date du 17 novembre 2010, adressé à la requérante, Cementos Portland Valderrivas, SA, une lettre l’informant qu’elle menait une enquête sur des pratiques anticoncurrentielles présumées sur le marché du ciment et des produits liés au ciment et annonçant son intention de lui notifier, au cours des semaines suivantes, une décision de demande de renseignements au sens de l’article 18, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), en joignant le projet de questionnaire qui sera annexé à la future décision.

2        Selon la Commission, le but de cette lettre était d’offrir à la requérante l’opportunité de formuler, dans un délai de dix jours, les commentaires qu’elle jugerait pertinents quant à l’existence des informations demandées et aux difficultés que pourrait soulever la présentation des données et des informations demandées dans le délai imparti.

3        Dans sa lettre de réponse du 3 décembre 2010, la requérante a souligné les multiples difficultés auxquelles devait faire face chacune des sociétés de son groupe pour fournir les informations sollicitées, tout en demandant des éclaircissements concernant certains doutes suscités par l’interprétation du questionnaire en question. Elle a également insisté sur le fait que, en raison du volume des informations demandées, du niveau de détail requis et du manque de moyens suffisants au sein de son groupe pour répondre au questionnaire, le délai de deux mois imparti à cet effet était insuffisant.

4        Par lettre du 6 décembre 2010, la Commission a informé la requérante qu’elle avait décidé d’ouvrir une procédure au titre de l’article 11, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003 contre différents producteurs de ciment, parmi lesquels la requérante ainsi que toutes les filiales directement ou indirectement contrôlées par celle-ci dans l’Union européenne, pour des infractions présumées à l’article 101 TFUE. Dans cette lettre, la Commission déclarait que les infractions sur lesquelles l’enquête allait porter étaient constituées par des restrictions aux échanges commerciaux au sein de l’Espace économique européen (EEE), y compris des restrictions aux importations vers l’EEE à partir de pays situés en dehors de l’EEE, le partage des marchés, la coordination des prix et certaines pratiques anticoncurrentielles connexes sur le marché du ciment et des produits liés au ciment, \/ en particulier en Autriche, en Belgique, en République tchèque, en France, en Allemagne, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne et au Royaume-Uni. La Commission expliquait également que l’ouverture de la procédure ne signifiait pas qu’elle disposait de preuves concluantes des infractions en cause, mais simplement qu’elle traiterait cette affaire de façon prioritaire.

5        Ensuite, la Commission a adopté, en date du 30 mars 2011, la décision C (2011) 2368 final, relative à une procédure d’application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 (Affaire 39520 – Ciment et produits liés au ciment, ci-après la « décision attaquée »), dont la longueur totale dépasse les 100 pages et dont l’annexe I contient un questionnaire de plus de 67 pages structuré en 11 catégories de questions et en plusieurs centaines de sous-questions relatives à des millions de données. Les instructions concernant les réponses à ce questionnaire figurent en annexe II de la décision attaquée, tandis que les modèles de réponse à utiliser figurent en annexe III. En vertu de la décision attaquée, la requérante était tenue de fournir à la Commission les réponses aux questions relevant des catégories 1 à 10 dans un délai de douze semaines, soit pour le 27 juin 2011. Dans le cas des questions de la catégorie 11, relative aux « Contacts et réunions », le délai de réponse a été réduit à deux semaines.

6        Le 15 avril 2011, la requérante a communiqué la réponse aux questions de la catégorie 11 dans le délai de deux semaines imparti à cet effet. Le 3 mai suivant, les services de la Commission lui ont envoyé un courriel demandant des explications et des renseignements supplémentaires, tout en évoquant l’imposition d’éventuelles sanctions au cas où l’ensemble de ces informations ne lui seraient pas communiquées avant le 31 mai 2011. Le 31 mai, la requérante a produit les informations en cause.

7        Parallèlement, et après plusieurs semaines d’efforts consacrés à la collecte et au traitement des informations demandées, la requérante s’est adressée, le 9 mai 2011, à la Commission en soulevant des problèmes de compréhension relatifs à certaines questions posées dans la décision attaquée et en dénonçant le caractère très insuffisant du délai de douze semaines fixé pour y répondre. Elle a également insisté sur le caractère contraignant de la demande de renseignements et expliqué que le travail nécessaire pour fournir les informations demandées dans les formes spécifiques indiquées entraînerait non seulement des coûts financiers significatifs, mais également des coûts d’opportunité découlant de l’affectation exclusive de son personnel administratif et de direction aux réponses à la demande de renseignements. La requérante a donc demandé à la Commission de recevoir le chef de son service juridique et son conseiller juridique externe, afin de pouvoir expliquer ses préoccupations.

8        Dans sa lettre de réponse du 17 mai 2011, la Commission a accepté la proposition d’une réunion et a invité les représentants de la requérante à poser, à cette occasion, toute question relative au questionnaire en cause. Lors de ladite réunion, qui s’est tenue le 19 mai 2011, les fonctionnaires de la Commission ont notamment déclaré ne pas être en mesure d’alléger les exigences du questionnaire en termes de volume, de temps ou de forme.

9        Dans une lettre adressée le 25 mai 2011 à la Commission, la requérante a demandé l’octroi d’une prolongation de huit semaines du délai pour répondre aux questions relevant des catégories 1 à 10 du questionnaire figurant à l’annexe I de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, que la Commission accepte la communication de la plus grande partie des réponses dans le délai initialement prévu et un envoi ultérieur des réponses qui n’auraient pas pu être présentées à temps. Par lettre du 1er juin 2011, la Commission a rejeté cette demande, tout en invitant la requérante à présenter une nouvelle demande qui indiquerait précisément les questions concrètes pour lesquelles elle estimait qu’une prolongation du délai initialement fixé par la décision attaquée était nécessaire. Dans sa lettre de réponse du 7 juin 2011, la requérante a réitéré sa demande de prolongation concernant les questions des catégories 1B, 3, 5 et 9A du questionnaire annexé à la décision attaquée et a détaillé, pour chacune des questions, les difficultés spécifiques justifiant la prolongation demandée.

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juin 2011, la requérante a formé un recours visant à l’annulation de la décision attaquée. À l’appui de son recours, elle soulève un moyen unique, tiré d’une violation manifeste, par la décision attaquée, des exigences de nécessité et de proportionnalité encadrant l’exercice des pouvoirs que l’article 18 du règlement n° 1/2003 attribue à la Commission en matière de demande de renseignements.

11      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 15 juin 2011, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        ordonner le sursis à l’exécution de l’article 1er de la décision attaquée, conformément aux dispositions de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, jusqu’au prononcé de l’ordonnance mettant fin à la présente procédure de référé et, en tout état de cause, jusqu’au prononcé de l’arrêt sur le recours principal ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 13 juillet 2011, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        déclarer la demande en référé irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, la rejeter comme non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      Auparavant, en cours d’instance, la Commission avait adopté, le 23 juin 2011, une décision accordant à la requérante une prorogation jusqu’au 2 août 2011 du délai de réponse en ce qui concerne les questions relevant des catégories 1 à 10 du questionnaire figurant à l’annexe I de la décision attaquée.

 En droit

14      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

15      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73).

16      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

17      Par ailleurs, il importe de souligner que l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée).

18      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

19      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

20      La requérante prétend, en substance, que, en l’absence du sursis à exécution sollicité, elle subirait un préjudice grave et irréparable. En effet, le travail nécessaire à l’exécution de la décision attaquée entraînerait non seulement des coûts financiers significatifs (estimés à environ 419 531 euros pour 8 744 heures de travail, en plus du coût de l’engagement des conseillers juridiques externes nécessaires), mais également l’affectation exclusive à cette tâche, pendant environ trois mois, d’une partie importante de l’équipe de direction et du personnel administratif des sociétés appartenant au groupe de la requérante, dans une période particulièrement difficile pour le secteur du ciment en général et pour la requérante en particulier.

21      La requérante affirme que seule une faible part de ses ressources humaines est chargée de tâches administratives, de sorte que l’affectation de ces personnes à la collecte et au traitement des données exigées par la Commission entraîne la paralysie d’une grande partie des activités industrielles ordinaires du groupe. À l’appui de ces allégations, elle renvoie à une annexe jointe à sa demande en référé, où figureraient des informations prouvant sa situation financière difficile et l’importante diminution du nombre de ses employés.

22      La requérante attire l’attention sur le fait que, à la lumière de sa situation économique et financière, l’obligation de détourner les faibles ressources dont elle dispose d’autres missions plus pressantes et indispensables à la survie de son entreprise pour les affecter presque exclusivement aux réponses à la demande de renseignements litigieuse peut causer et, de fait, cause déjà des préjudices graves et irréversibles aux sociétés qui composent son groupe, au point d’en compromettre jusqu’à l’existence.

23      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve sérieuse qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours principal sans avoir à subir personnellement un préjudice de cette nature. Si l’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, sa réalisation doit néanmoins être prévisible avec un degré de probabilité suffisant. La partie qui sollicite les mesures provisoires demeure, en tout état de cause, tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable (voir ordonnances du président du Tribunal du 4 décembre 2007, Cheminova e.a./Commission, T‑326/07 R, Rec. p. II‑4877, point 50, et du 12 mai 2010, Reagens/Commission, T‑30/10 R, non publiée au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée).

24      Ainsi, pour pouvoir apprécier si le préjudice appréhendé présente un caractère grave et irréparable et justifie donc de suspendre, à titre exceptionnel, l’exécution de la décision attaquée, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent la situation financière de la partie qui sollicite les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées (voir ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2010, Almamet/Commission, T‑410/09 R, non publiée au Recueil, point 32, et la jurisprudence citée).

25      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si la requérante a démontré avec un degré de probabilité suffisant que, en cas de rejet de la demande en référé, elle subirait un préjudice grave et irréparable.

26      S’agissant du préjudice causé par les coûts significatifs que la requérante subirait en exécutant la décision attaquée, force est de constater qu’il s’agit d’un préjudice financier. Or, il est de jurisprudence bien établie qu’un préjudice d’ordre purement financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, justifier l’octroi d’une mesure provisoire, dès lors qu’il peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113, et ordonnance du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94], les circonstances exceptionnelles étant établies s’il apparaît que, en l’absence d’une telle mesure, la partie qui sollicite la mesure provisoire se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale (ordonnances du président du Tribunal du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, point 84, et du 9 juin 2010, COLT Télécommunications France/Commission, T‑79/10 R, non publiée au Recueil, point 37).

27      Dans la mesure où la requérante a expressément chiffré ce préjudice financier, elle s’est abstenue d’établir, et même d’alléguer, les raisons pour lesquelles ledit préjudice devrait être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, du fait qu’elle serait empêchée d’en obtenir une compensation financière ultérieure. À cet égard, il importe de rappeler que la seule possibilité de former un recours en indemnité au titre des articles 268 TFUE et 340 TFUE suffit à attester du caractère en principe réparable d’un tel préjudice, et ce malgré l’incertitude liée à l’issue de ce litige indemnitaire [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 14 décembre 2001, Commission/Euroalliages e.a. C‑404/01 P(R), Rec. p. I‑10367, points 70 à 75, et du président du Tribunal du 24 avril 2009, Nycomed Danmark/EMEA, T‑52/09 R, non publiée au Recueil, points 72 et 73].

28      En ce qui concerne le préjudice financier non chiffré, à savoir les coûts prétendument causés par l’affectation à l’exécution de la décision attaquée, notamment, de l’équipe de direction et du personnel administratif de la requérante, il convient de constater que cette dernière a explicitement admis qu’elle avait déjà consacré plusieurs semaines d’efforts à la collecte et au traitement des informations demandées (demande en référé, point 13), la tâche consistant à répondre à la décision attaquée lui causant déjà, de fait, des préjudices (demande en référé, point 58). Il s’avère donc que, à la date d’introduction de la présente demande en référé, ce préjudice s’était déjà partiellement réalisé. Or, selon une jurisprudence bien établie, la finalité de la procédure de référé n’est pas d’assurer la réparation d’un préjudice déjà subi, de sorte que la condition relative à l’urgence fait défaut pour une partie du préjudice financier en cause (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 27 août 2008, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 R, non publiée au Recueil, point 53, et la jurisprudence citée).

29      Pour ce qui est de l’autre partie de ce préjudice, il y a lieu de relever, s’agissant des risques allégués de paralysie des activités industrielles du groupe de la requérante, que, par sa décision du 24 juin 2011, la Commission a prorogé de cinq semaines le délai de réponse initialement imposé à la requérante (voir point 13 ci-dessus). Ainsi, elle a en très grande partie fait droit à la demande de cette dernière visant à obtenir une prorogation de huit semaines pour répondre aux questions relevant des catégories 1 à 10 (voir point 9 ci-dessus). Dans ces circonstances, paraissent exagérées et peu crédibles les craintes de la requérante que la collecte et le traitement des données exigées par la décision attaquée puissent entraîner la paralysie redoutée, d’autant qu’elle ne devait plus répondre qu’aux questions des catégories 1B, 3, 5 et 9A (voir point 9 ci-dessus). Ces craintes ne sauraient, en tout état de cause, justifier, à elles seules, la reconnaissance d’un préjudice grave et irréparable.

30      Au demeurant, il ressort de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus que, en vue d’établir sa gravité, la requérante aurait dû fournir des indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés démontrant sa situation financière et permettant au juge des référés d’apprécier les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence du sursis à exécution demandé. En d’autres termes, afin de permettre au juge des référés d’effectuer une telle appréciation, la requérante aurait dû fournir des informations susceptibles d’établir une image fidèle et globale de sa situation économique et financière [voir, en ce sens, ordonnance Almamet/Commission, précitée, points 57 et 61, confirmée sur pourvoi par ordonnance du président de la Cour du 16 décembre 2010, Almamet/Commission, C‑373/10 P(R), non publiée au Recueil, point 24].

31      Par ailleurs, la requérante aurait dû fournir ces informations dans le texte même de sa demande en référé. En effet, il ressort de la jurisprudence qu’une demande en référé doit être suffisamment claire et précise pour permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 34 ; du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 52, et du 23 mai 2005, Dimos Ano Liosion e.a./Commission, T‑85/05 R, Rec. p. II‑1721, point 37).

32      En l’espèce, la requérante n’a pas donné, dans la demande en référé, une image complète de sa situation financière et de celle du groupe auquel elle appartient. Le texte même de la demande en référé ne contient aucune information précise et actuelle relative aux recettes, au chiffre d’affaires ou aux bénéfices de la requérante, ni à ceux du groupe auquel elle appartient. S’agissant notamment de la prétendue atteinte à son existence, la requérante se limite à avancer des affirmations générales dénuées de preuve. Le juge des référés n’est ainsi pas à même de vérifier si, en l’absence du sursis à exécution sollicité, la requérante se trouverait réellement dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière.

33      Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas apporté, dans la demande en référé, les informations nécessaires, étayées par des éléments de preuve, permettant au juge des référés de constater le caractère grave et irréparable du préjudice allégué.

34      Par conséquent, la requérante n’a pas établi que la condition relative à l’urgence était satisfaite en l’espèce.

35      L’existence de l’urgence n’ayant pas été établie, il y a lieu de rejeter la présente demande en référé, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les autres conditions d’octroi d’un sursis à exécution sont remplies, ni qu’il y ait lieu de se prononcer sur la question de savoir si, comme le prétend la Commission, cette demande est irrecevable.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.






2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 29 juillet 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l'espagnol.