Language of document : ECLI:EU:T:2011:756

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

15 décembre 2011 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Côte d’Ivoire – Retrait de la liste des personnes concernées – Recours en annulation – Non-lieu à statuer – Recours en indemnité – Recours manifestement dépourvu de tout fondement »

Dans l’affaire T‑285/11,

Charles Kader Gooré, demeurant à Abidjan (Côte d’Ivoire), représenté par Me F. Meynot, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. B. Driessen, G. Étienne et M. Chavrier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation du règlement (UE) n° 330/2011 du Conseil, du 6 avril 2011, modifiant le règlement (CE) n° 560/2005 infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d’Ivoire (JO L 93, p. 10), en ce qu’il concerne le requérant, et, d’autre part, une demande de dommages-intérêts,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, V. Vadapalas et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Charles Kader Gooré, est un ressortissant de la République de Côte d’Ivoire.

2        La décision 2010/656/PESC du Conseil, du 29 octobre 2010, renouvelant les mesures restrictives instaurées à l’encontre de la Côte d’Ivoire (JO L 285, p. 28), et le règlement (CE) n° 560/2005 du Conseil, du 12 avril 2005, infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d’Ivoire (JO L 95, p. 1), prévoient, notamment, que les personnes et entités incluses dans la liste figurant à l’annexe II de ladite décision et à l’annexe I A dudit règlement sont soumises, dans les conditions prévues par ces actes, à des mesures restrictives.

3        Par la décision 2011/221/PESC, du 6 avril 2011, modifiant la décision 2010/656 (JO L 93, p. 20), et le règlement (UE) n° 330/2011, du 6 avril 2011, modifiant le règlement n° 560/2005 (JO L 93, p. 10, ci-après le « règlement attaqué »), le Conseil de l’Union européenne a procédé à l’inscription du nom du requérant sur ladite liste.

4        Par la décision d’exécution 2011/627/PESC, du 22 septembre 2011, mettant en œuvre la décision 2010/656 (JO L 247, p. 15), et le règlement d’exécution (UE) n° 949/2011, du 22 septembre 2011, mettant en œuvre le règlement n° 560/2005 (JO L 247, p. 1), le Conseil a procédé au retrait du nom du requérant de la liste des personnes et entités figurant à l’annexe II de la décision 2010/656 et à l’annexe I A du règlement n° 560/2005.

 Procédure et conclusion des parties

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juin 2011, le requérant a introduit le présent recours.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 août 2011, la Commission européenne a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

7        Le 29 septembre 2011, le Tribunal (cinquième chambre) a invité les parties à se prononcer sur les conséquences à tirer, en particulier au regard de l’objet du recours, de l’adoption de la décision d’exécution 2011/627 et du règlement d’exécution n° 949/2011, et notamment à prendre position sur la question de savoir s’il y avait encore lieu de statuer sur le recours. Le requérant n’a pas déféré à cette demande dans le délai imparti et le Conseil a présenté ses observations le 18 octobre 2011.

8        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué, en ce qu’il le concerne ;

–        condamner le Conseil à lui verser 50 000 euros au titre de réparation du préjudice subi ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

9        Le Conseil conclut, dans son mémoire en défense, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

10      Dans ses observations présentées à la suite de la demande visée au point 7 ci-dessus, le Conseil fait valoir qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours et que le requérant doit être condamné aux dépens.

 En droit

11      Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, dans son mémoire en défense, le Conseil soulève une « exception d’irrecevabilité », dans le cadre de laquelle il fait valoir que le requérant n’a plus d’intérêt à agir et que le recours est devenu sans objet. Toutefois, dès lors que cette exception n’a pas été déposée par acte séparé, comme le requiert l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, elle ne saurait être considérée comme une demande d’une partie adressée au titre de cet article.

12      En tout état de cause, en vertu de l’article 111 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

13      Par ailleurs, en vertu de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut, à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public ou constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

14      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la demande d’annulation du règlement attaqué

15      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir ordonnance du Tribunal du 6 juillet 2011, SIR/Conseil, T‑142/11, non publiée au Recueil, point 16, et la jurisprudence citée).

16      Or, si l’intérêt à agir du requérant disparaît au cours de la procédure, une décision du Tribunal sur le fond ne saurait procurer aucun bénéfice à celui-ci (voir ordonnance SIR/Conseil, précitée, point 17, et la jurisprudence citée).

17      Il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence non moins constante, le retrait, ou l’abrogation dans certaines circonstances, de l’acte attaqué par l’institution défenderesse fait disparaître l’objet du recours en annulation, dès lors qu’il aboutit, pour le requérant, au résultat voulu et lui donne entière satisfaction (voir ordonnance SIR/Conseil, précitée, point 18, et la jurisprudence citée).

18      En l’espèce, force est de constater que, par le règlement d’exécution n° 949/2011, le Conseil a procédé à l’abrogation du règlement attaqué dans la mesure où cet acte concerne, notamment, le requérant. Cette abrogation aboutit, pour le requérant, au résultat voulu et lui donne entière satisfaction, étant donné que, à la suite de l’adoption du règlement d’exécution n° 949/2011, il n’est plus soumis aux mesures restrictives infligées par le règlement n° 560/2005 qui lui faisaient grief (voir, en ce sens, ordonnance SIR/Conseil, précitée, points 19 et 20). Dans ce contexte, il convient également de préciser que, en raison de l’adoption de la décision d’exécution 2011/627, le requérant n’est plus soumis aux mesures restrictives infligées par la décision 2010/656.

19      Cependant, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, la partie requérante peut conserver un intérêt à voir annuler un acte abrogé en cours d’instance si l’annulation de cet acte est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques (voir ordonnance SIR/Conseil, précitée, point 21, et la jurisprudence citée).

20      Toutefois, en l’espèce, nonobstant la demande que lui a adressée le Tribunal (voir point 7 ci-dessus), le requérant n’a fourni aucun élément permettant de conclure que, malgré son abrogation, il conserve un intérêt à voir annuler le règlement attaqué, n’ayant même pas répondu à ladite demande.

21      En tout état de cause, aucun élément du dossier ne permet de considérer que, à la suite de l’adoption du règlement d’exécution n° 949/2011, le présent recours serait susceptible de procurer au requérant un bénéfice, au sens de la jurisprudence visée au point 15 ci-dessus, de sorte qu’il conserverait un intérêt à agir.

22      Il découle de l’ensemble de ce qui précède qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’annulation du règlement attaqué.

 Sur la demande en indemnité

23      Le requérant prétend que les mesures restrictives imposées par le règlement attaqué ont entraîné de graves préjudices pour lui et pour sa famille. En effet, le gel de son compte bancaire aurait empêché le transfert d’argent à ses enfants, qui étudient aux États-Unis et en Tunisie, ces derniers se voyant dans l’obligation d’emprunter de l’argent à leurs amis afin d’assurer leurs frais quotidiens. En outre, il aurait été obligé de quitter la Côte d’Ivoire, car la révélation publique de la liste des personnes visées par le gel de fonds aurait entraîné la destruction de sa résidence ainsi que des mouvements de violence envers sa mère. Par ailleurs, à la suite de la publication de la liste en cause, il aurait dû s’installer en urgence en France avec sa famille. Il aurait ainsi dû assumer les divers frais d’installation. De plus, les mesures restrictives en cause auraient affecté directement son activité d’entrepreneur et de manière indirecte ses 2 800 salariés en Côte d’Ivoire, les banques ne lui octroyant plus de crédits à cause de l’image négative résultant de telles mesures et de nombreux partenaires économiques étant réticents à l’idée d’investir à ses côtés. En conséquence, le requérant estime que son préjudice ne saurait être inférieur à 50 000 euros.

24      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne eu pour comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Dans la mesure où ces trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire, sans qu’il soit dès lors nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt du Tribunal du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, non encore publié au Recueil, points 92 et 93).

25      Il doit également être souligné que, dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 268 TFUE en combinaison avec l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, le requérant est tenu de prouver non seulement l’illégalité du comportement reproché à l’institution concernée et la réalité du préjudice, mais également l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué. (arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié au Recueil, point 244).

26      Or, en l’espèce, force est de constater que le requérant procède par simple affirmation et n’apporte aucune preuve, ni même un commencement de preuve, visant à établir la réalité et l’ampleur du préjudice invoqué, tel que décrit au point 23 ci-dessus, ou le lien de causalité entre celui-ci et l’illégalité alléguée.

27      Il résulte de ce qui précède que la demande d’indemnité doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.

28      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande en intervention de la Commission.

 Sur les dépens

29      En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, en vertu de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

30      En l’espèce, il convient de constater que c’est l’inscription du requérant, par le règlement attaqué, sur la liste figurant à l’annexe I A du règlement n° 560/2005, puis le retrait de cette inscription, en cours d’instance, par le règlement d’exécution n° 949/2011 qui ont conduit le Tribunal à déclarer le présent non-lieu à statuer sur la demande d’annulation du règlement attaqué.

31      En revanche, s’agissant de la demande en indemnité, le requérant a succombé.

32      Dans ces circonstances, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’annulation du règlement (UE) n° 330/2011 du Conseil, du 6 avril 2011, modifiant le règlement (CE) n° 560/2005 infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d’Ivoire.

2)      La demande en indemnité est rejetée.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

4)      Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande en intervention de la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 15 décembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : le français.