Language of document : ECLI:EU:T:2011:320

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

30 juin 2011(*)

« Recours en carence – Invitation à agir – Irrecevabilité manifeste – Recours en indemnité – Lien de causalité – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑367/09,

Tecnoprocess Srl, établie à Rome (Italie), représentée par MA. Majoli, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Prete et A. Bordes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours visant, d’une part, à faire constater la carence de la Commission européenne et de la délégation de l’Union européenne au Nigeria et, d’autre part, à obtenir une indemnité en réparation du préjudice prétendument subi du fait de cette carence,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. H. Kanninen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Tecnoprocess Srl, conçoit, construit, installe, entretient et fournit des composants industriels dans différents secteurs tels que les secteurs alimentaire, chimique, pharmaceutique, environnemental, énergétique, pétrochimique ou de l’ingénierie.

2        En 2007, dans le cadre du programme pour le renforcement de l’efficacité de la vaccination (PRIME) au Nigeria, la requérante a conclu un contrat (123511/D/SUP/NG) avec la Commission de planification nationale (National Planning Commission, ci-après la « NPC »), ayant pour objet la fourniture, l’installation, la livraison, la mise en service et le service après-vente de 114 générateurs.

3        Les 28 novembre et 5 décembre 2007, la requérante s’est adressée à la NPC en l’informant de l’augmentation des risques pour la sécurité sur le territoire du Nigeria et en lui demandant que soit organisée une réunion en vue de modifier, dans le contrat, les lieux de livraison des générateurs.

4        Le 5 février 2008, la requérante a informé la NPC que les générateurs ne seraient pas livrés dans les 114 localités initialement prévues au contrat mais dans les six États principaux du Nigeria, compte tenu des informations communiquées par l’ambassade d’Italie au Nigeria sur la situation dans lesdites localités.

5        Le 14 mars 2008, la requérante s’est adressée à la NPC et à la délégation de l’Union européenne au Nigeria (ci-après la « délégation »), leur signalant qu’elle n’avait reçu aucune copie du contrat modifié et que ce retard pouvait lui causer un préjudice économique important.

6        Le 2 avril 2008, la requérante a reçu la copie du contrat modifié, signé par la NPC et la délégation. Le même jour, par courrier adressé à la NPC et à la délégation, la requérante a demandé une prolongation du contrat jusqu’au 1er décembre 2008.

7        Le 23 mai 2008, la requérante a informé la NPC et les services centraux de la Commission des Communautés européennes de l’impossibilité d’exécuter le contrat eu égard à l’extrême difficulté de communiquer avec la NPC et a sollicité l’intervention de la Commission.

8        Le 4 juillet 2008, la requérante a perçu un acompte de 60 % de la valeur du contrat. (

9        Le 4 septembre 2008, la requérante a adressé un courrier à la NPC et à la délégation par lequel elle demandait la délivrance de documents nécessaires au dédouanement des générateurs.

10      Le 16 septembre 2008, la requérante s’est adressée à la délégation et à la NPC en demandant de nouveau la délivrance des documents nécessaires au dédouanement des générateurs et en rappelant que leur inspection devait être faite avant le 27 septembre 2008, les générateurs devant être livrés pour le 30 septembre suivant.

11      Le 28 octobre 2008, la requérante a informé la NPC et la délégation que, en raison de l’absence de réponse de leur part, elle allait procéder au contrôle des générateurs, ceux-ci devant être livrés avant le 1er décembre 2008.

12      Le 4 novembre 2008, la requérante a demandé aux services douaniers du Nigeria de procéder au dédouanement des générateurs.

13      Par un courrier du 10 novembre 2008, envoyé à la NPC et à la délégation, la requérante a indiqué que les générateurs avaient été contrôlés et qu’ils étaient prêts à être livrés. Elle a en outre indiqué qu’elle avait besoin d’une assistance pour procéder à leur livraison avant le 14 novembre 2008.

14      Le 2 décembre 2008, le chef des opérations de la délégation a demandé à la NPC d’indiquer certaines mentions spécifiques sur les documents devant être fournis à la requérante, notamment en vue du dédouanement des générateurs.

15      Le 13 janvier 2009, la requérante a informé la délégation qu’elle n’avait pas reçu de réponse à son invitation d’envoyer des techniciens en vue de contrôler les générateurs, à sa demande de spécifications techniques en vue de l’installation des générateurs, à sa demande visant à obtenir une prolongation de la durée du contrat et à sa demande de dédouanement. En outre, elle a sollicité l’intervention de la délégation pour l’obtention, d’une part, des documents en cause et, d’autre part, des coordonnées d’un interlocuteur fiable au sein de la NPC.

16      Le 29 janvier 2009, les générateurs ont été déchargés au port de Tin Can Island (Nigeria) où ils sont restés bloqués en raison de problèmes liés à leur dédouanement.

17      Par courrier électronique du 4 février 2009, la requérante a informé la délégation que les autorités du Nigeria exigeaient le paiement de pénalités en raison de l’absence de dédouanement des générateurs et de leur blocage au port. La requérante a indiqué le coût élevé de telles pénalités et a demandé à la délégation de l’informer de la situation.

18      Le 6 février 2009, la requérante a informé la délégation que dans l’hypothèse où les documents demandés pour le dédouanement des générateurs ne seraient pas communiqués avant le 11 février 2009, elle serait contrainte de mettre fin au contrat. Elle a ajouté que l’absence d’autorisation de prolonger le contrat ainsi que l’absence de délivrance des documents requis pour le dédouanement l’exposaient au risque de devoir payer des pénalités élevées et injustifiées, de nature à rendre « insensé et antiéconomique » le maintien du lien contractuel.

19      Le 10 février 2009, la délégation a demandé à la requérante de remplacer la garantie émise à son bénéfice par une société de cautionnement en invoquant le risque de faillite de cette dernière.

20      Le 12 mars 2009, un document nécessaire au dédouanement des générateurs a été envoyé à la requérante.

21      Le 20 avril 2009, la requérante a été mise en liquidation. Par courrier du 25 mai 2009 envoyé à la NPC et à la délégation, la requérante a demandé une prolongation de son contrat. En outre, elle a, en substance, réitéré l’invitation faite aux techniciens de la NPC d’assister à l’inspection des générateurs bloqués au port de Tin Can Island et a, de nouveau, indiqué qu’elle n’était pas en possession de l’ensemble des documents nécessaires au dédouanement desdits générateurs.

22      Le 28 mai 2009, la requérante a rappelé à la délégation et à la NPC le retard dans l’envoi des documents nécessaires au dédouanement des générateurs et a proposé que la Commission prolonge le délai de leur livraison jusqu’au 5 novembre 2009 en contrepartie de la délivrance par la requérante d’une nouvelle garantie.

23      Le 8 juin 2009, la requérante a adressé à la NPC et à la délégation une proposition de règlement amiable au sens de l’article 48 du contrat, relatif aux modalités de règlement des différends.

24      Par courriers des 17 juin et 2 juillet 2009, la requérante a invoqué la responsabilité de la NPC et la violation par la délégation de l’article 20 UE, de l’article 56 du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248 p. 1, ci-après le « règlement financier »), et des articles 232 CE et 288 CE. Elle a par ailleurs demandé à la Commission le paiement d’une somme de 512 613,70 euros.

25      Par un courrier, que la requérante qualifie de « mise en demeure » et date au 27 juillet 2009, les avocats de la requérante ont demandé à la délégation « d’intervenir en vue d’inciter [la NPC] à trouver une solution à la situation urgente et dangereuse décrite dans ledit courrier et d’[indemniser] la requérante pour tous les dommages subis du fait [du] comportement [de la délégation] ».

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2009, la requérante a introduit le présent recours.

27      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 12 novembre 2009, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité, sur le fondement de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a présenté ses observations sur cette exception le 26 janvier 2010.

28      Par lettre du 27 octobre 2009, le Tribunal a invité les parties à se prononcer sur la question de savoir si la Commission pouvait être considérée comme l’unique partie défenderesse dans la présente affaire. Par courriers, respectivement des 2 et 11 novembre 2009, la requérante et la Commission ont marqué leur accord.

29      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater, conformément à l’article 232 CE, la carence de la délégation et de la Commission ;

–        établir, sur la base de l’article 288 CE, la responsabilité non contractuelle de la délégation et de la Commission et les condamner, solidairement, à la réparation du préjudice subi, pour un montant de 600 000 euros.

30      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où l’exception d’irrecevabilité ne serait pas accueillie, fixer un nouveau délai pour la poursuite de l’instance, en application de l’article 114, paragraphe 4, second alinéa, du règlement de procédure.

31      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut au rejet de l’exception d’irrecevabilité et à ce qu’il soit fait droit aux conclusions énoncées dans la requête.

 En droit

32      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

33      En outre, aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est saisi d’un recours manifestement irrecevable, il peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

34      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

35      La Commission soulève trois fins de non-recevoir. Elle conteste, d’abord, la recevabilité du recours en tant qu’il est dirigé contre la délégation au motif que celle-ci n’aurait pas la personnalité juridique. Elle soulève ensuite l’irrecevabilité des demandes en carence et en indemnité en ce que certaines conditions requises pour introduire de telles demandes ne seraient pas réunies.

36      En ce qui concerne la première fin de non-recevoir, il y a lieu de rappeler, comme il a déjà été mentionné au point 29 ci-dessus, que, à la suite du courrier du greffe du 27 octobre 2009, la requérante a marqué son accord, par courrier du 2 novembre 2009, pour considérer la Commission comme l’unique partie défenderesse dans la présente affaire. Il s’ensuit que la requérante ayant renoncé à diriger son recours contre la délégation, il n’y a plus lieu de statuer sur la première fin de non-recevoir.

 Sur la recevabilité des conclusions en carence

 Arguments des parties

37      La Commission relève, en premier lieu, que la description des faits, dans la requête, « n’est pas tout à fait correcte ni, à plus forte raison, objective ».

38      La Commission prétend, en deuxième lieu, que, par la saisine du Tribunal, la requérante s’est trompée de juridiction pour faire valoir ses droits. Les griefs formulés par la requérante concerneraient essentiellement des manquements de nature contractuelle imputables à l’administration publique nigériane. En conséquence, conformément aux clauses contractuelles, la requérante pourrait emprunter deux voies possibles pour résoudre le litige, à savoir, d’une part, le règlement amiable et/ou l’arbitrage international et, d’autre part, l’introduction d’un recours devant les tribunaux nigérians.

39      La Commission soutient, en troisième lieu, que les conditions du recours en carence, prévues à l’article 232 CE, ne sont pas remplies.

40      D’abord, la requérante serait tenue, préalablement à l’introduction de son recours en carence, d’inviter la Commission à agir. Or, une telle invitation ne ressortirait d’aucun élément du dossier. Le courrier adressé à la délégation par les avocats de la requérante, lequel ne comporterait pas de date, ne saurait constituer une demande d’adopter un acte déterminé ayant une force contraignante. En outre, il ne mentionnerait pas l’acte précis que la Commission aurait dû adopter.

41      La Commission prétend en outre que, pour qu’un recours en carence soit recevable, la requérante doit prouver que l’institution en cause avait une obligation précise d’agir. Or, en l’espèce, aucune disposition de droit communautaire n’obligerait la Commission à intervenir dans le litige qui oppose la requérante et les autorités du Nigeria d’une manière différente de celle qui a été la sienne. À cet égard, la Commission soutient qu’aucune obligation à sa charge ne ressortirait ni de l’article 20 UE, ni des articles 3 et 56 du règlement financier.

42      Dans la requête, la requérante soutient que la Commission, chargée du contrôle et de la surveillance de l’exécution des contrats, n’a « rien fait pour aider à l’exécution du contrat », ce au mépris de l’article 20 UE.

43      La violation du principe de protection de la confiance légitime serait tout aussi manifeste. Selon la requérante, le « silence absolu et injustifié » de la NPC a pu raisonnablement lui faire croire que la situation de blocage prendrait fin rapidement. En outre, un délai « suffisamment long » se serait écoulé, laissant la requérante en situation de croire qu’elle obtiendrait une prise de position de la part de la Commission.

44      La requérante prétend enfin que la Commission a agi en violation de l’article 56, paragraphe 3, et de l’article 3 du règlement financier.

45      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante soutient qu’elle pouvait demander à la Commission d’intervenir dans la mesure où celle-ci avait un devoir de supervision, de suivi et de coopération pour ce qui concerne la délivrance des documents relatifs au transport des marchandises. La requérante ajoute qu’il ne saurait être considéré que la Commission avait un pouvoir discrétionnaire d’agir.

46      En outre, la requérante fait valoir que la carence inhérente à l’absence totale de réponse, et ce pendant plus de deux années, a entraîné l’impossibilité absolue de payer ses fournisseurs, entraînant sa mise en liquidation.

 Appréciation du Tribunal

47      Aux termes de l’article 232, deuxième alinéa, CE, le recours en carence n’est recevable que si l’institution en cause a été préalablement invitée à agir.

48      Pour que l’invitation à agir puisse déclencher la procédure du recours en carence, il est nécessaire qu’elle soit suffisamment explicite et précise pour permettre à l’institution de connaître de manière concrète le contenu de la décision qu’il lui est demandé de prendre. L’invitation à agir doit, en outre, faire ressortir qu’elle entend contraindre l’institution à prendre position (arrêt de la Cour du 10 juin 1986, Usinor/Commission, 81/85 et 119/85, Rec. p. 1777, point 15, et ordonnance du Tribunal du 30 avril 1999, Pescados Congelados Jogamar/Commission, T‑311/97, Rec. p. II‑1407, point 35).

49      En l’espèce, la requérante fait état, dans la requête, d’un grand nombre de courriers adressés à la délégation et/ou à la Commission sans expliquer lequel de ces courriers constituerait, au regard de sa teneur, une invitation à agir au sens de l’article 232 CE.

50      Dans la partie « En fait » de la requête, la requérante se borne à qualifier de « mise en demeure » le courrier adressé par ses avocats à la Commission et à la délégation qui n’est pas même daté et dont la teneur, rappelée au point 25 ci-dessus, ne permet pas de caractériser l’existence d’une invitation à agir suffisamment explicite et précise au sens de la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus. Ce courrier ne saurait dès lors être analysé comme l’acte préliminaire d’une procédure contentieuse. En outre, dans la partie « En droit » de la requête ainsi que dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante ne précise nullement lequel des courriers invoqués constitue une invitation à agir. Il importe également d’observer que, en dépit de l’absence d’invitation à agir invoquée par la Commission dans l’exception d’irrecevabilité, la requérante n’explique pas, dans ses observations sur cette exception, si un quelconque courrier, et en particulier le courrier mentionné au point 25 ci-dessus, constitue une invitation à agir au sens de l’article 232 CE. Il y a donc lieu de considérer que le recours en carence a été introduit en méconnaissance de l’article 232, deuxième alinéa, CE.

51      En tout état de cause, quand bien même le courrier mentionné au point 25 ci-dessus constituerait une invitation à agir au sens de l’article 232 CE et remonterait au 27 juillet 2009 comme le prétend la requérante, force est de constater que le recours en carence est manifestement prématuré.

52      En effet, il ressort des termes clairs de l’article 232 CE que le recours en carence ne peut être formé que dans un délai de deux mois après l’expiration d’un premier délai de deux mois courant à compter de l’invitation à agir. L’introduction d’un recours en carence doit donc impérativement être précédée d’une procédure précontentieuse, laquelle a pour objet de donner à l’institution la possibilité de mettre un terme à l’omission reprochée et à la personne physique ou morale de renoncer à l’introduction du recours en carence.

53      En conséquence, un recours en carence introduit avant l’expiration du délai de deux mois courant à compter de l’invitation à agir est, en raison de son caractère prématuré, irrecevable (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 20 juin 1990, Marcato/Commission, T‑47/89 et T‑82/89, Rec. p. II‑231, point 32, et du 8 juin 2006, Pérez-Díaz/Commission, T‑156/03, RecFP p. I‑A‑2-135 et II-A-2-649, point 27).

54      En l’espèce, dans l’hypothèse exposée au point 51 ci-dessus, le recours en carence, déposé au greffe du Tribunal le 18 septembre 2009, a été introduit avant l’expiration du délai de deux mois commençant à courir au plus tôt à la date du courrier mentionné au point 25 ci-dessus que la requérante qualifie de « mise en demeure ».

55      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les conclusions en carence doivent être rejetées comme irrecevables.

 Sur les conclusions en indemnité

 Arguments des parties

56      S’appuyant sur l’article 21 du statut de la Cour de justice et l’article 44 du règlement de procédure, la Commission soutient que le recours en responsabilité non contractuelle de la Communauté doit contenir des éléments qui permettent d’identifier le comportement que le requérant reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles il estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice. Or, la Commission soutient que ces éléments sont clairement absents du recours introduit par la requérante.

57      Premièrement, la requérante se bornerait à citer les dispositions et principes généraux que la Commission aurait violés, sans toutefois apporter aucune explication.

58      La violation du principe de bonne administration ne serait pas examinée par la requérante, qui se bornerait à citer l’article 20 UE. Cet article ne constituant ni une expression ni une émanation de ce principe, il ne résulterait pas clairement de la requête si la requérante entend se prévaloir d’une violation du principe de bonne administration ou d’une violation de l’article 20 UE. En tout état de cause, l’article 20 UE serait erronément interprété par la requérante.

59      S’agissant de la violation du principe de protection de la confiance légitime invoquée par la requérante, la Commission soutient que la requête n’indique pas l’objet des assurances qu’elle aurait fournies, ni les comportements ou actes desquels il serait possible de déduire les assurances fournies. La requérante se bornerait à soutenir que des assurances précises proviendraient de documents versés au dossier. Or, le renvoi général à des documents sans qu’ils soient précisés ne répondrait pas aux exigences de l’article 44 du règlement de procédure.

60      Quant à la prétendue violation du règlement financier, la Commission relève que ses dispositions ne confèrent aucun droit aux particuliers. De plus, la requérante n’identifierait pas les violations du règlement financier. Elle se bornerait seulement à invoquer un prétendu manque de contrôle ou de surveillance de la part de la Commission.

61      Deuxièmement, la Commission prétend que la requérante n’a pas indiqué avec suffisamment de clarté et de précision les éléments visant à prouver l’existence d’un lien de causalité entre les comportements reprochés à la Commission et les dommages prétendument subis.

62      La requérante se limiterait à faire valoir l’existence d’un lien de causalité « in re ipsa ». Elle n’invoquerait aucun argument, document ou autre élément de preuve propre à étayer cette allégation.

63      Troisièmement, la Commission soutient ne pas comprendre la quantification par la requérante de son prétendu préjudice. La requérante énumérerait une série de dépenses pour un total de 150 000 euros, sans explication sur le poids respectif de chaque dépense énoncée. De plus, la requérante proposerait de justifier ces dépenses par la fourniture de factures détaillées, mettant ainsi en lumière l’absence de preuve à l’appui de ses conclusions. En outre, la Commission relève que la requérante se prévaut d’un « montant rond », ce qui ne serait guère habituel. Enfin, la requérante se prévaudrait, dans la requête, d’un préjudice d’un montant de 150 000 euros et réclamerait, dans ses conclusions, le versement d’une indemnité de 600 000 euros.

64      Sur les prétendus préjudices d’image ou de manque à gagner, la requérante ne fournirait aucune explication quant à leur méthode de calcul et n’invoquerait aucun document étayant ses estimations.

65      Dans la requête, la requérante soutient que la Commission a manifestement méconnu le principe de bonne administration, le principe de protection de la confiance légitime, le règlement financier et le traité UE, dans sa version antérieure au traité de Lisbonne. Partant, l’illégalité de son comportement serait indiscutable. (

66      Quant au lien de causalité, la requérante prétend qu’il existe « in re ipsa ».

67      La requérante soutient en outre que son préjudice est incontestable et quantifiable. À cet égard, elle l’évalue à 150 000 euros et précise qu’elle est disposée à présenter des factures permettant de justifier un tel montant.

68      La requérante ajoute qu’il ne fait aucun doute que la non-exécution du contrat à laquelle elle s’est trouvée paradoxalement contrainte a été gravement préjudiciable à son image tant à l’égard de ses clients qu’à l’égard de ses partenaires commerciaux. La requérante soutient que ce dommage ne peut pas être quantifié d’une manière précise et qu’il doit être calculé en tenant compte de paramètres tels que sa notoriété dans le secteur ainsi que l’estime dont elle jouissait au sein de la clientèle et plus généralement dans le secteur des sociétés d’ingénierie.

69      Enfin, la requérante prétend que son rétablissement dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si l’événement préjudiciable ne s’était pas produit implique nécessairement de réparer dans sa totalité le préjudice économique qu’elle a subi et qui comprend à la fois la perte patrimoniale réelle et l’absence d’augmentation du patrimoine qui se serait cependant produite si cet événement préjudiciable n’avait pas eu lieu, laquelle correspondrait au manque à gagner.

70      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante prétend qu’elle a largement mis en évidence les silences incompréhensibles de la délégation ou les réponses dilatoires de celle-ci susceptibles de générer une confiance légitime.

71      La requérante soutient ensuite que la violation des obligations de supervision et de suivi relèverait de la violation du principe de bonne administration, lequel devrait être interprété de manière évolutive.

72      Enfin, la requérante relève que, en dépit des lacunes du cadre normatif de référence, le rejet du recours comme irrecevable lui causerait un préjudice irréparable, en la privant de la possibilité de faire valoir ses moyens, et contribuerait, partant, à « créer un précédent d’immunité de l’exécutif communautaire » dans le domaine sensible du financement de projets dans les pays tiers

 Appréciation du Tribunal

73      À titre liminaire, il convient de relever que le Tribunal n’a pas compétence pour se prononcer sur les droits que la requérante peut éventuellement tirer des contrats concernés en vue d’obtenir leur exécution. Cette question doit être tranchée selon les voies prévues pour le règlement des différends contractuels. En effet, il ressort de l’article 235 CE et de l’article 288, deuxième alinéa, CE que la compétence du Tribunal en matière de recours en indemnité est limitée aux questions de responsabilité non contractuelle. En revanche, rien ne fait obstacle à ce que le Tribunal examine le comportement de la Commission à la lumière de ses éventuelles obligations et se prononce sur la responsabilité non contractuelle qui pourrait en découler (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 juin 1997, Perillo/Commission, T‑7/96, Rec. p. II‑1061, points 35 à 37).

74      Il résulte d’une jurisprudence constante que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 20, et du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, Rec. p. II‑3995, point 116).

75      Il ressort également d’une jurisprudence bien établie que, dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours en indemnité doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de ladite responsabilité (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, point 81 ; arrêts du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37, et Tillack/Commission, précité, point 119).

76      La condition relative au lien de causalité exigée par l’article 288, deuxième alinéa, CE suppose l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement des institutions et le dommage (arrêt du Tribunal du 24 octobre 2000, Fresh Marine/Commission, T‑178/98, Rec. p. II‑3331, point 118, et ordonnance du Tribunal du 17 décembre 2008, Portela/Commission, T‑137/07, non publiée au Recueil, point 79) dont la preuve doit être rapportée par le requérant (voir arrêt du Tribunal du 24 avril 2002, EVO/Conseil et Commission, T‑220/96, Rec. p. II‑2265, point 41, et la jurisprudence citée).

77      Il résulte en outre de la jurisprudence que, dans des cas où le comportement prétendument à l’origine du dommage invoqué consiste en une abstention d’agir, il est nécessaire d’avoir la certitude que ledit dommage a effectivement été causé par les inactions reprochées et n’a pas pu être provoqué par des comportements distincts de ceux reprochés à l’institution défenderesse (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, É.R. e.a./Conseil et Commission, T‑138/03, Rec. p. II‑4923, point 134 ; ordonnance Portela/Commission, précitée, point 80).

78      Ainsi, la responsabilité de la Communauté pour le dommage invoqué par la requérante ne saurait être engagée que si les omissions prétendument illégales de la Commission sont directement à l’origine de l’apparition du préjudice et, dès lors, qu’à la condition que, si les mesures que la requérante reproche à cette institution de ne pas avoir prises l’avaient été, ce dommage ne se serait vraisemblablement pas produit (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, Abad Pérez e.a./Conseil et Commission, T‑304/01, Rec. p. II‑4857, point 108 ; ordonnance Portela/Commission, précitée, point 81).

79      Il y a donc lieu d’examiner si, en l’espèce, la requérante a apporté la preuve que les préjudices allégués découlent de façon suffisamment directe de la carence reprochée à la Commission.

80      En l’espèce, la requérante établit un lien de causalité entre, d’une part, ses prétendus préjudices, à savoir la perte patrimoniale réelle, le manque à gagner et l’atteinte à son image, et, d’autre part, la « non-exécution du contrat ».

81      Or, il importe de relever que ni la Commission ni la délégation n’est partie au contrat en cause. Par ailleurs, la requérante relève elle-même que la non-exécution du contrat trouve son origine directement dans les comportements de la partie contractante, la NPC. Dans la requête, elle indique que le blocage des générateurs dans le port de Tin Can Island résulte de l’absence de fourniture par la NPC des documents requis aux fins de leur dédouanement. Elle fait également observer que la NPC n’a jamais procédé à l’inspection des générateurs. Elle souligne, en outre, l’impossibilité objective de poursuivre l’exécution du contrat compte tenu de l’extrême difficulté à dialoguer avec la NPC.

82      La requérante estime néanmoins que la carence des services centraux de la Commission et de la délégation a contribué au dommage qu’elle a subi, en ce qu’ils n’auraient « rien fait pour aider à l’exécution du contrat ».

83      Il ne saurait toutefois être admis qu’il existe un lien de causalité, au sens de la jurisprudence citée aux points 76 à 78 ci‑dessus, entre l’absence d’intervention de la Commission en vue d’aider à l’exécution du contrat, d’une part, et les préjudices allégués par la requérante, d’autre part. Les omissions dénoncées par la requérante se rapportent, en effet, à des mesures que la Commission aurait dû prendre après que la NPC s’est abstenue d’agir. Or, dès lors que le préjudice subi par la requérante trouve sa cause dans le comportement de la NPC, les éventuelles omissions de la Commission, qui sont nécessairement postérieures à l’apparition dudit préjudice, ne peuvent être directement à l’origine de celui‑ci.

84      En tout état de cause, quand bien même la Commission serait intervenue aux fins d’aider à l’exécution du contrat, la requérante ne démontre pas que le contrat aurait effectivement été exécuté et que, partant, elle n’aurait pas subi de préjudice.

85      Il résulte de tout ce qui précède que la requête ne contient aucun élément de nature à établir un lien de causalité direct entre, d’une part, les diverses omissions reprochées à la Commission et, d’autre part, les préjudices prétendument subis par la requérante. Partant, il y a lieu de rejeter les conclusions en indemnité comme manifestement dépourvues de tout fondement en droit.

86      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté comme étant, pour partie, manifestement irrecevable et, pour partie, manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

87      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté en partie comme irrecevable et en partie comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

2)      Tecnoprocess Srl est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 30 juin 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       L. Truchot


* Langue de procédure : l’italien.