Language of document : ECLI:EU:T:2016:682

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

29 novembre 2016 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Agriculture – Sucre – Mesures exceptionnelles – Approvisionnement du marché de l’Union – Campagne de commercialisation 2011/2012 – Règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers – Violation suffisamment caractérisée – Règlement (CE) no 1234/2007 – Principe de non-discrimination – Proportionnalité – Sécurité juridique – Confiance légitime – Devoir de diligence et principe de bonne administration »

Dans l’affaire T‑103/12,

T & L Sugars Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

Sidul Açúcares, Unipessoal Lda, établie à Santa Iria de Azóia (Portugal),

représentées initialement par Me D. Waelbroeck, avocat, et M. D. Slater, solicitor, puis par Me Waelbroeck,

parties requérantes,

soutenues par

DAI – Sociedade de Desenvolvimento Agro-Industrial, SA, établie à Coruche (Portugal), représentée par Me M. Mendes Pereira, avocat,

par

RAR – Refinarias de Açúcar Reunidas, SA, établie à Porto (Portugal), représentée par Me Mendes Pereira,

par

Lemarco SA, établie à Bucarest (Roumanie),

Lemarco Cristal Srl, établie à Urziceni (Roumanie),

et

Zaharul Liesti SA, établie à Lieşti (Roumanie),

représentées par Mes L.-I. Van de Waart et D. Gruia Dufaut, avocats,

et par

SFIR Società Fondiaria Industriale Romagnola SpA, établie à Cesena (Italie),

et

SFIR Raffineria di Brindisi SpA, établie à Cesena,

représentées par Mes P. Buccarelli et M. Todino, avocats,

parties intervenantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. P. Rossi et N. Donnelly, puis par MM. Rossi et P. Ondrůšek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. E. Sitbon et Mme A. Westerhof Löfflerová, en qualité d’agents,

et par

Comité européen des fabricants de sucre (CEFS), établi à Bruxelles (Belgique), représenté par Me C. Pitschas, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à obtenir l’annulation du règlement d’exécution (UE) no 1239/2011 de la Commission, du 30 novembre 2011, relatif à l’ouverture d’une adjudication permanente pour les importations de sucre relevant du code NC 1701 à un taux réduit de droits de douane pour la campagne de commercialisation 2011/2012 (JO 2011, L 318, p. 4), du règlement d’exécution (UE) no 1240/2011 de la Commission, du 30 novembre 2011, établissant des mesures exceptionnelles en ce qui concerne la mise sur le marché de l’Union de sucre et d’isoglucose hors quota à un taux réduit de prélèvement sur les excédents au cours de la campagne de commercialisation 2011/2012 (JO 2011, L 318, p. 9), du règlement d’exécution (UE) no 1281/2011 de la Commission, du 8 décembre 2011, relatif à la fixation d’un taux minimal de droits de douane pour la première adjudication partielle prévue dans le cadre de la procédure ouverte par le règlement d’exécution no 1239/2011 (JO 2011, L 327, p. 60), du règlement d’exécution (UE) no 1308/2011 de la Commission, du 14 décembre 2011, fixant le coefficient d’attribution, rejetant les nouvelles demandes et clôturant la période de dépôt des demandes en ce qui concerne les quantités disponibles de sucre hors quota destinées à la vente sur le marché de l’Union à un taux réduit de prélèvement sur les excédents au cours de la campagne de commercialisation 2011/2012 (JO 2011, L 332, p. 8), du règlement d’exécution (UE) no 1316/2011 de la Commission, du 15 décembre 2011, relatif à la fixation d’un taux minimal de droits de douane pour la deuxième adjudication partielle prévue dans le cadre de la procédure ouverte par le règlement d’exécution no 1239/2011 (JO 2011, L 334, p. 16), du règlement d’exécution (UE) no 1384/2011 de la Commission, du 22 décembre 2011, relatif à la fixation d’un taux minimal de droits de douane pour la troisième adjudication partielle prévue dans le cadre de la procédure ouverte par le règlement d’exécution no 1239/2011 (JO 2011, L 343, p. 33), du règlement d’exécution (UE) no 27/2012 de la Commission, du 12 janvier 2012, relatif à la fixation d’un taux minimal de droits de douanes pour le sucre pour la quatrième adjudication partielle prévue dans le cadre de la procédure ouverte par le règlement d’exécution no 1239/2011 (JO 2012, L 9, p. 12), et du règlement d’exécution (UE) no 57/2012 de la Commission, du 23 janvier 2012, suspendant la procédure d’adjudication ouverte par le règlement d’exécution no 1239/2011 (JO 2012, L 19, p. 12) et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que les requérantes auraient prétendument subi du fait de l’adoption de ces actes et du refus de la Commission de prendre les mesures nécessaires pour rétablir les approvisionnements en sucre de canne brut,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, E. Bieliūnas (rapporteur) et I. S. Forrester, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 7 avril 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        L’offre de sucre sur le marché de l’Union européenne comprend le sucre produit, d’une part, lors de la transformation de betteraves sucrières issues de la production intérieure de l’Union et, d’autre part, lors du raffinage de sucre de canne brut importé de pays tiers, le produit final étant chimiquement identique dans les deux cas. Le sucre de canne brut provenant de l’Union, à savoir des départements français d’outre-mer et des Açores, représente moins de 2 % de la production de sucre de l’Union.

2        Les requérantes, T & L Sugars Ltd et Sidul Açúcares, Unipessoal Lda, sont des entreprises de raffinage de sucre de canne établies dans l’Union européenne. Elles constituent des raffineries à temps plein au sens du règlement (CE) no 318/2006 du Conseil, du 20 février 2006, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO 2006, L 58, p. 1). Aux termes de l’article 2, point 13, de ce règlement, les raffineries à temps plein sont des unités de production « dont la seule activité consiste à raffiner du sucre de canne brut importé » ou « qui [ont] raffiné, lors de la campagne de commercialisation 2004/2005, une quantité d’au moins 15 000 [t] de sucre de canne brut importé ».

3        Le règlement no 318/2006, entré en vigueur le 1er juillet 2006, a, selon les termes de son considérant 2, remanié en profondeur l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre. Ce règlement visait notamment à établir de nouvelles réductions des quotas de production en raison des évolutions intervenues aux niveaux communautaire et international. Le règlement (CE) no 320/2006, du 20 février 2006, instituant un régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté européenne et modifiant le règlement (CE) no 1290/2005 relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2006, L 58, p. 42), a créé un fond de restructuration temporaire destiné à financer les mesures de restructuration de l’industrie sucrière de la Communauté. Ainsi que l’indique son considérant 5, le règlement no 320/2006 a instauré une incitation économique importante, sous la forme d’une aide à la restructuration, destinée aux entreprises dont la productivité était la plus faible afin qu’elles abandonnent la production sous quota pendant les campagnes de commercialisation 2006/2007, 2007/2008, 2008/2009 et 2009/2010.

4        Dans le même temps, le règlement no 318/2006 a garanti la satisfaction des besoins d’approvisionnement traditionnels des raffineries à temps plein pour les campagnes de commercialisation 2006/2007, 2007/2008 et 2008/2009. L’article 29 de ce règlement a également prévu que, à l’issue de la campagne de commercialisation 2008/2009, c’est-à-dire à compter du 1er octobre 2009, les raffineries à temps plein perdraient leur monopole de l’importation de sucre brut destiné au raffinage et bénéficieraient uniquement d’un accès prioritaire aux certificats d’importation pendant les trois premiers mois de chaque campagne de commercialisation. Par ailleurs, l’article 8 du règlement no 320/2006 a prévu l’octroi d’une aide transitoire aux raffineries à temps plein, telles que les requérantes, afin de leur permettre de s’adapter à la restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté.

5        Le 22 octobre 2007, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 1234/2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement OCM unique) (JO 2007, L 299, p. 1). Ce règlement était applicable à compter du 1er janvier 2008.

6        Entre 2005 et 2008, le système de préférences tarifaires de la Communauté pour l’importation de sucre en provenance de certains États tiers a été modifié et un nouveau régime d’importations est entré en application le 1er octobre 2009, c’est-à-dire au début de la campagne de commercialisation 2009/2010. D’une part, les droits à l’importation de sucre brut ou déjà raffiné en provenance des pays les moins avancés (PMA) ont été totalement suspendus sans restriction liée aux volumes importés. D’autre part, les droits à l’importation de sucre brut ou déjà raffiné en provenance des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique États ACP), qui n’étaient pas des PMA, ont été éliminés. Enfin, les États ACP n’avaient plus l’obligation d’exporter leur production vers l’Union.

7        Par ailleurs, des concessions tarifaires ont été effectuées par la Communauté à l’égard de certains États tiers en application d’engagements pris dans le cadre de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Ces concessions tarifaires figurent dans la liste dite « CXL — Communautés européennes » transmise à l’Organisation mondiale du commerce. À cet égard, notamment, le règlement (CE) no 891/2009 de la Commission, du 25 septembre 2009, portant ouverture et mode de gestion de certains contingents tarifaires communautaires dans le secteur du sucre (JO 2009, L 254, p. 82), a prévu, à compter du 1er octobre 2009, la possibilité d’importer sur le territoire de l’Union une quantité de plus de 650 000 t de sucre de canne brut à un taux réduit de droits de douane s’élevant à 98 euros par tonne.

8        À partir du mois de mars 2009, les requérantes ont pris contact avec les services de la Commission européenne afin de signaler un risque d’insuffisance d’approvisionnement du marché de l’Union et de demander à cette institution de suspendre les droits à l’importation sur le sucre de canne brut destiné au raffinage.

9        Le 26 novembre 2010, la Commission a adopté le règlement (UE) no 1100/2010 dérogeant au règlement no 891/2009 en ce qui concerne les droits à l’importation applicables au sucre concessions CXL portant les numéros d’ordre 09.4317, 09.4318, 09.4319 et 09.4320 au cours de la campagne de commercialisation 2010/2011 (JO 2010, L 312, p. 14). Ce règlement, qui était motivé notamment par le constat d’un risque de perturbation de l’approvisionnement du marché du sucre de l’Union, a suspendu, du 1er décembre 2010 au 31 août 2011, le taux contingentaire fixé à 98 euros par tonne pour l’importation de sucre portant les numéros d’ordre 09.4317 (Australie), 09.4318 (Brésil), 09.4319 (Cuba) et 09.4320 (tout pays tiers).

10      Entre le 3 mars et le 19 avril 2011, la Commission a adopté des mesures visant à augmenter l’offre de sucre sur le marché de l’Union. Ces mesures ont été adoptées dans le cadre des actes suivants :

–        le règlement (UE) no 222/2011 de la Commission, du 3 mars 2011, établissant des mesures exceptionnelles en ce qui concerne la mise sur le marché de l’Union de sucre et d’isoglucose hors quota à un taux réduit de prélèvement sur les excédents au cours de la campagne de commercialisation 2010/2011 (JO 2011, L 60, p. 6) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 293/2011 de la Commission, du 23 mars 2011, fixant le coefficient d’attribution, rejetant les nouvelles demandes et clôturant la période de dépôt des demandes en ce qui concerne les quantités disponibles de sucre hors quota destinées à la vente sur le marché de l’Union à un taux réduit de prélèvement sur les excédents (JO 2011, L 79, p. 8) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 302/2011 de la Commission, du 28 mars 2011, portant ouverture d’un contingent tarifaire d’importation exceptionnel en ce qui concerne certaines quantités de sucre pour la campagne de commercialisation 2010/2011 (JO 2011, L 81, p. 8) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 393/2011 de la Commission, du 19 avril 2011, fixant le coefficient d’attribution pour la délivrance des certificats d’importation demandés du 1er au 7 avril 2011 pour les produits du secteur du sucre dans le cadre de certains contingents tarifaires et suspendant le dépôt des demandes relatives à ces certificats (JO 2011, L 104, p. 39).

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 2011, les requérantes ont introduit un recours contre les actes énumérés au point 10 ci-dessus et demandé la réparation du préjudice prétendument subi. Ce recours a été enregistré sous la référence T‑279/11.

12      À la suite des mesures mentionnées au point 10 ci-dessus, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) no 589/2011, du 20 juin 2011, modifiant le règlement d’exécution no 302/2011 portant ouverture d’un contingent tarifaire d’importation exceptionnel en ce qui concerne certaines quantités de sucre pour la campagne de commercialisation 2010/2011 (JO 2011, L 161, p. 7), le règlement d’exécution (UE) no 618/2011, du 24 juin 2011, annulant la suspension du dépôt des demandes de certificats d’importation pour les produits du secteur du sucre dans le cadre du contingent tarifaire 09.4380 (JO 2011, L 166, p. 8), ainsi que le règlement d’exécution (UE) no 698/2011, du 19 juillet 2011, fixant le coefficient d'attribution pour la délivrance des certificats d'importation demandés du 1er au 7 juillet 2011 pour les produits du secteur du sucre dans le cadre de certains contingents tarifaires et suspendant le dépôt des demandes relatives à ces certificats (JO 2011, L 189, p. 12).

13      Par ailleurs, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) no 634/2011, du 29 juin 2011, relatif à l’ouverture d’une adjudication permanente pour les importations de sucre relevant du code NC 1701 à un taux réduit de droits de douane pour la campagne de commercialisation 2010/2011 (JO 2011, L 170, p. 21). En application de ce règlement, la Commission a adopté les règlements suivants :

–        le règlement d’exécution (UE) no 682/2011, du 14 juillet 2011, relatif à la fixation d’un taux minimal de droits de douane pour la première adjudication partielle prévue dans le cadre de la procédure ouverte par le règlement d’exécution no 634/2011 (JO 2011, L 185, p. 74) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 747/2011, du 28 juillet 2011, relatif à la fixation d’un taux minimal de droits de douane pour la deuxième adjudication partielle prévue dans le cadre de la procédure ouverte par le règlement d’exécution no 634/2011 (JO 2011, L 197, p. 10) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 862/2011, du 25 août 2011, relatif à la fixation d’un taux minimal de droits de douane pour la troisième adjudication partielle prévue dans le cadre de la procédure ouverte par le règlement d’exécution no 634/2011 (JO 2011, L 220, p. 20) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 924/2011, du 15 septembre 2011, relatif à la fixation d’un taux minimal de droits de douane pour la quatrième adjudication partielle prévue dans le cadre de la procédure ouverte par le règlement d’exécution no 634/2011 (JO 2011, L 240, p. 6) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 973/2011, du 29 septembre 2011, relatif à la fixation d’un taux minimal de droits de douane pour la cinquième adjudication partielle prévue dans le cadre de la procédure ouverte par le règlement d’exécution no 634/2011 (JO 2011, L 254, p. 16).

14      Les requérantes n’ont pas introduit de recours contre les règlements mentionnés aux points 12 et 13 ci-dessus.

15      Entre le 30 novembre 2011 et le 23 janvier 2012, la Commission a adopté des mesures relatives à l’offre de sucre sur le marché de l’Union dans le cadre de la campagne de commercialisation 2011/2012.

16      Ces mesures ont pris la forme des actes suivants (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») :

–        le règlement d’exécution (UE) no 1239/2011 de la Commission, du 30 novembre 2011, relatif à l’ouverture d’une adjudication permanente pour les importations de sucre relevant du code NC 1701 à un taux réduit de droits de douane pour la campagne de commercialisation 2011/2012 (JO 2011, L 318, p. 4) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 1240/2011 de la Commission, du 30 novembre 2011, établissant des mesures exceptionnelles en ce qui concerne la mise sur le marché de l’Union de sucre et d’isoglucose hors quota à un taux réduit de prélèvement sur les excédents au cours de la campagne de commercialisation 2011/2012 (JO 2011, L 318, p. 9) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 1281/2011 de la Commission, du 8 décembre 2011, relatif à la fixation d’un taux minimal de droits de douane pour la première adjudication partielle prévue dans le cadre de la procédure ouverte par le règlement d’exécution no 1239/2011 (JO 2011, L 327, p. 60) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 1308/2011 de la Commission, du 14 décembre 2011, fixant le coefficient d’attribution, rejetant les nouvelles demandes et clôturant la période de dépôt des demandes en ce qui concerne les quantités disponibles de sucre hors quota destinées à la vente sur le marché de l’Union à un taux réduit de prélèvement sur les excédents au cours de la campagne de commercialisation 2011/2012 (JO 2011, L 332, p. 8) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 1316/2011 de la Commission, du 15 décembre 2011, relatif à la fixation d’un taux minimal de droits de douane pour la deuxième adjudication partielle prévue dans le cadre de la procédure ouverte par le règlement d’exécution no 1239/2011 (JO 2011, L 334, p. 16) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 1384/2011 de la Commission, du 22 décembre 2011, relatif à la fixation d’un taux minimal de droits de douane pour la troisième adjudication partielle prévue dans le cadre de la procédure ouverte par le règlement d’exécution no 1239/2011 (JO 2011, L 343, p. 33) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 27/2012 de la Commission, du 12 janvier 2012, relatif à la fixation d’un taux minimal de droits de douanes pour le sucre pour la quatrième adjudication partielle prévue dans le cadre de la procédure ouverte par le règlement d’exécution no 1239/2011 (JO 2012, L 9, p. 12) ;

–        le règlement d’exécution (UE) no 57/2012 de la Commission, du 23 janvier 2012, suspendant la procédure d’adjudication ouverte par le règlement d’exécution no 1239/2011 (JO 2012, L 19, p. 12).

17      Le règlement d’exécution no 1240/2011 a pour objet de fixer, pour la campagne de commercialisation 2011/2012, le montant du prélèvement sur les excédents à 85 euros par tonne pour des quantités maximales de 400 000 t de sucre et de 21 000 t d’isoglucose produites en sus du quota fixé à l’annexe VI du règlement no 1234/2007. Par ailleurs, conformément à l’article 5 du règlement d’exécution no 1240/2011, l’article 1er du règlement d’exécution no 1308/2011 fixe à 21,680216 % le coefficient d’attribution que les États membres appliquent aux quantités couvertes par chaque demande de certificat déposée entre le 1er et le 7 décembre 2011 et notifiée à la Commission.

18      Le règlement d’exécution no 1239/2011 a pour objet d’ouvrir une adjudication permanente permettant d’importer du sucre relevant du code NC 1701 à un taux réduit de droits de douane pour la campagne de commercialisation 2011/2012. En application de l’article 6 dudit règlement, la Commission a adopté les règlements d’exécution nos 1281/2011, 1316/2011, 1384/2011 et 27/2012. Chacun de ces règlements d’exécution concerne des offres déposées au cours d’une période spécifique et fixe un taux minimal de droits de douane sur la base des offres reçues en réponse à chaque adjudication partielle. Le règlement d’exécution no 57/2012 a suspendu la soumission des offres pour les adjudications partielles expirant les 25 janvier, 1er et 15 février 2012.

 Faits postérieurs à l’introduction du recours

19      Par arrêt du 6 juin 2013, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission (T‑279/11, EU:T:2013:299), le Tribunal a accueilli partiellement l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission. D’une part, il a rejeté comme irrecevable la demande en annulation dirigée contre les actes mentionnés au point 10 ci-dessus, d’autre part, il a rejeté l’exception d’irrecevabilité en ce qu’elle concernait la demande de réparation du préjudice subi. Enfin, il a réservé les dépens après avoir constaté que le recours en question subsistait dans la mesure où il tendait à la réparation du préjudice subi.

20      Par requête déposée le 9 août 2013, les requérantes ont formé un pourvoi contre l’arrêt du 6 juin 2013, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission (T‑279/11, EU:T:2013:299).

21      Par arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission (C‑456/13 P, EU:C:2015:284), la Cour a rejeté ce pourvoi.

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 février 2012, les requérantes ont introduit le présent recours.

23      Par ordonnances du 26 septembre 2012, le président de la cinquième chambre du Tribunal a fait droit, d’une part, aux demandes d’intervention déposées par le Conseil de l’Union européenne et par le Comité européen des fabricants de sucre (CEFS) au soutien des conclusions de la Commission et, d’autre part, aux demandes d’intervention déposées par DAI – Sociedade de Desenvolvimento Agro-Industrial, SA (ci-après « DAI »), par RAR Refinarias de Açùcar Reunidas, SA (ci-après « RAR »), par Lemarco SA, Lemarco Cristal Srl et Zaharul Liesti SA, et par SFIR – Società Fondiaria Industriale Romagnola SpA et SFIR Raffineria di Brindisi SpA (ci-après, prises ensemble, « SFIR ») au soutien des conclusions des requérantes. Ces dernières ayant sollicité le traitement confidentiel à l’égard des parties intervenantes, la communication des pièces de procédure aux intervenantes a été limitée aux versions non confidentielles.

24      Lemarco SA, Lemarco Cristal Srl et Zaharul Liesti SA n’ont pas déposé de mémoire en intervention dans le délai imparti.

25      En raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la troisième chambre.

26      Par ordonnance du 11 novembre 2013, le président de la troisième chambre a, à la demande des requérantes, suspendu la procédure jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑456/13 P, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission.

27      La procédure devant le Tribunal a repris le 28 avril 2015 et, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, les parties principales ont été interrogées sur les conséquences qu’elles tiraient de l’arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission (C‑456/13 P, EU:C:2015:284). Les requérantes et la Commission ont répondu par lettres déposées au greffe du Tribunal le 22 juin 2015.

28      Lors de l’audience du 7 avril 2016, à laquelle DAI, Lemarco SA, Lemarco Cristal Srl, Zaharul Liesti SA et le Conseil n’ont pas participé, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal.

29      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués ;

–        à titre subsidiaire, déclarer illégales les dispositions de l’article 186, sous a), et de l’article 187 du règlement no 1234/2007 et annuler les actes attaqués en ce qu’ils ont directement ou indirectement ces dispositions pour base juridique ;

–        condamner l’Union, représentée par la Commission, à réparer le préjudice qu’elles ont subi du fait de la violation par la Commission de ses obligations et fixer le montant de l’indemnisation relative à la période allant du 1er avril 2011 au 29 janvier 2012 à la somme de 87 399 257 euros, majoré des pertes courantes qu’elles ont subies depuis cette date, ou fixer un autre montant du préjudice en fonction de l’évolution de celui-ci au cours de la procédure tel qu’elles l’établiront ;

–        ordonner le paiement sur le montant exigible d’intérêts courant de la date du prononcé de l’arrêt jusqu’au paiement effectif du principal dû, au taux alors fixé par la Banque centrale européenne pour ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage, ou à tout autre taux approprié ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      Par ailleurs, il ressort des points 215 à 220 de la requête que les requérantes soulèvent également, mais « uniquement à titre de précaution » pour le cas où la demande en annulation dirigée contre les règlements d’exécution nos 1239/2011 et 1240/2011 ne serait pas considérée comme recevable, une exception d’illégalité contre ces règlements.

31      DAI, RAR et SFIR soutiennent les deux premiers chefs de conclusions des requérantes et demandent au Tribunal de condamner la Commission aux dépens, y compris ceux qu’elles ont exposés.

32      La Commission, soutenue par le Conseil, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

33      Le CEFS conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé en ce qu’il est dirigé contre les règlements d’exécution nos 1240/2011 et 1308/2011 ;

–        condamner les requérantes aux dépens qu’il a exposés.

34      Lors de l’audience, les requérantes ont informé le Tribunal que, à la suite de l’arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission (C‑456/13 P, EU:C:2015:284), elles renonçaient à leur demande en annulation, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

 En droit

1.     Sur la recevabilité des conclusions des parties intervenantes

35      DAI, RAR et SFIR concluent notamment à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler les actes attaqués. Par ailleurs, le CEFS demande au Tribunal de rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé en ce qu’il est dirigé contre les règlements d’exécution nos 1240/2011 et 1308/2011. Il ressort du mémoire en intervention déposé par le CEFS que les conclusions de ce dernier concernent la demande en annulation initialement formulée par les requérantes.

36      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties. Aux termes de l’article 142, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenant accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention. Selon la jurisprudence, ces dispositions ne s’opposent pas à ce que l’intervenant fasse état d’arguments différents de ceux de la partie qu’il soutient, à la condition qu’ils ne modifient pas le cadre du litige et que l’intervention vise toujours au soutien des conclusions présentées par cette dernière (arrêts du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T‑459/93, EU:T:1995:100, point 21, du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 52 et du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a., T‑230/01 à T‑232/01 et T‑267/01 à T‑269/01, EU:T:2009:316, point 301).

37      Or, il convient de rappeler que, lors de l’audience, les requérantes ont informé le Tribunal que, à la suite de l’arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission (C‑456/13 P, EU:C:2015:284), elles renonçaient à leur demande en annulation (voir le point 34 ci-dessus).

38      Il s’ensuit que les chefs de conclusions de DAI, de RAR et de SFIR, qui visent à l’annulation des actes attaqués, d’une part, et la demande du CEFS, qui vise au rejet du recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé en ce qu’il est dirigé contre les règlements d’exécution nos 1240/2011 et 1308/2011, d’autre part, modifient l’objet du litige tel qu’il subsiste à la suite de la renonciation des requérantes à demander l’annulation des actes attaqués. Ces chefs de conclusions doivent donc être rejetés comme irrecevables.

2.     Sur le fond

39      En vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

40      Selon une jurisprudence constante de la Cour, il ressort de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi dépendent de la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, point 106 et jurisprudence citée).

41      S’agissant de la condition relative à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers [arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 47].

42      Au soutien de leur demande de réparation, les requérantes invoquent l’illégalité de l’article 186, sous a), et de l’article 187 du règlement no 1234/2007, la violation de l’article 187 et de l’article 64, paragraphe 2, dudit règlement ainsi que l’absence de base juridique adéquate des actes attaqués, la violation du principe de non-discrimination, la violation du principe de proportionnalité, la violation du principe de sécurité juridique, la violation du principe de protection de la confiance légitime et la violation du devoir de diligence et du principe de bonne administration. Par ailleurs, elles reprochent à la Commission d’être demeurée inactive et de ne pas avoir adopté la seule mesure qui était appropriée, à savoir la suspension des droits de douane sur le sucre de canne brut importé à des fins de raffinage.

43      En l’espèce, il est nécessaire d’apprécier, dans un premier temps, si les règles de droit dont se prévalent les requérantes ont pour objet de conférer des droits aux particuliers et, dans un second temps, si la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée desdites règles de droit.

 Sur l’existence d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers

44      Il ressort de la jurisprudence qu’une règle de droit a pour objet de conférer des droits aux particuliers lorsqu’il s’agit d’une disposition qui engendre des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder, de sorte qu’elle a un effet direct, d’une disposition qui engendre un avantage susceptible d’être qualifié de droit acquis, d’une disposition qui a pour fonction de protéger les intérêts des particuliers ou qui procède à l’attribution de droits au profit des particuliers dont le contenu peut être suffisamment identifié (voir arrêt du 16 octobre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑297/12, non publié, EU:T:2014:888, point 76 et jurisprudence citée).

45      En premier lieu, les requérantes invoquent l’illégalité de l’article 186, sous a), et de l’article 187 du règlement no 1234/2007 au motif que le Parlement européen n’aurait pas été valablement consulté au sujet de ces articles lors de la procédure d’adoption dudit règlement. En effet, premièrement, il existerait des différences substantielles entre, d’une part, l’article 26, paragraphe 2, et l’article 35 du règlement no 318/2006 et, d’autre part, l’article 186, sous a), et l’article 187 du règlement no 1234/2007, bien que ce dernier règlement ait été présenté par la Commission comme une simple mesure de codification ou de simplification du premier de ces règlements. Deuxièmement, au regard des assurances données par la Commission en ce qui concerne l’identité des règlements nos 1234/2007 et 318/2006, le Parlement n’aurait pas émis d’observations à ce sujet.

46      À cet égard, il convient de relever que les requérantes n’identifient aucune règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers qui aurait été violée.

47      Par ailleurs, à supposer que les requérantes aient entendu invoquer une violation de l’obligation de consulter le Parlement prévue à l’article 37, paragraphe 2, troisième alinéa, CE, il convient de rappeler que cet article dispose :

« Sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, arrête des règlements ou des directives ou prend des décisions, sans préjudice des recommandations qu’il pourrait formuler. »

48      Il s’ensuit que l’article 37 CE institue une règle d’ordre procédural afférente aux rapports entre les institutions de l’Union.

49      L’article 37 CE n’engendre donc pas des droits que les juridictions doivent sauvegarder dans le cadre d’un recours en indemnité. Par ailleurs, cette disposition n’accorde pas un avantage aux particuliers susceptible d’être qualifié de droit acquis. Enfin, cette disposition n’a pas pour fonction de protéger les intérêts des particuliers et ne procède pas davantage à l’attribution de droits au profit des particuliers dont le contenu peut être suffisamment identifié.

50      Ainsi, l’obligation de consultation du Parlement prévue à l’article 37 CE ne constitue pas une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2007, Fédération des industries condimentaires de France e.a./Commission, T‑90/03, non publié, EU:T:2007:208, points 61 et 62 et jurisprudence citée).

51      Dès lors, les requérantes ne sauraient, dans le cadre d’un recours en indemnité, se prévaloir d’une violation de l’obligation de consultation du Parlement prévue à l’article 37 CE.

52      Par conséquent, il convient de rejeter le recours en indemnité en ce qu’il est fondé sur une prétendue illégalité de l’article 186, sous a), et de l’article 187 du règlement no 1234/2007, en raison d’une absence de consultation valable du Parlement.

53      En deuxième lieu, les requérantes font valoir que les actes attaqués violent l’article 187 et l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007.

54      À cet égard, il convient de souligner que l’article 187 du règlement no 1234/2007 est intitulé « Perturbations provoquées par les cours ou les prix sur le marché mondial » et qu’il dispose :

« Lorsque les cours ou les prix d’un ou de plusieurs produits des secteurs des céréales, du riz, du sucre et du lait et des produits laitiers atteignent sur le marché mondial un niveau qui perturbe ou menace de perturber l’approvisionnement du marché communautaire et lorsque cette situation est susceptible de perdurer et de s’aggraver, la Commission peut prendre les mesures nécessaires dans le secteur concerné. Elle peut en particulier suspendre, en tout ou partie, l’application des droits à l’importation pour certaines quantités. »

55      Il ressort du libellé de l’article 187 du règlement no 1234/2007 que cette disposition s’adresse à la Commission et non à un groupe déterminé de personnes. Par ailleurs, cette disposition ne permet pas d’identifier le contenu des droits qui pourraient éventuellement être octroyés aux particuliers dans la mesure où elle prévoit que la Commission peut prendre « les mesures nécessaires » et, « en particulier, suspendre en tout ou partie, l’application des droits à l’importation ». Enfin, cette disposition n’a pas pour objectif de conférer des droits aux particuliers. En effet, d’une part, cette disposition vise à prévenir une perturbation de l’approvisionnement du marché de l’Union provoquée par les cours ou les prix sur le marché mondial ou bien à remédier à une telle perturbation. D’autre part, cette disposition prévoit que la Commission « peut » prendre les mesures nécessaires dans le secteur du sucre en cas de perturbation ou de risque de perturbation de l’approvisionnement du marché de l’Union.

56      Ainsi, l’article 187 du règlement no 1234/2007 délègue à la Commission le pouvoir de prendre, éventuellement, des mesures dont le contenu ne peut être déterminé avec une précision suffisante en cas de perturbation ou de menace de perturbation provoquées par les cours ou les prix, notamment du sucre, sur le marché mondial.

57      Il s’ensuit que l’article 187 du règlement no 1234/2007 n’a pas pour fonction de protéger les intérêts des requérantes, n’accorde aucun droit acquis à celles-ci et ne procède pas à l’attribution de droits à leur profit dont le contenu peut être suffisamment identifié.

58      Par ailleurs, l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007 dispose :

« Le prélèvement sur les excédents est fixé par la Commission à un niveau suffisamment élevé pour éviter l’accumulation [de quantités excédentaires]. »

59      Il ressort du libellé et de l’objet de l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007 que cette disposition appelle l’adoption de mesures par la Commission, qu’elle concerne les excédents de sucre produit par les producteurs de l’Union et qu’elle ne procède pas à l’attribution de droits au profit des requérantes dont le contenu peut être suffisamment identifié.

60      Dès lors, il y a lieu de considérer que l’article 187 et l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007 ne confèrent pas des droits subjectifs aux particuliers dont la violation ouvrirait un droit à réparation sur le fondement de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

61      Par conséquent, le recours en indemnité doit être rejeté en ce qu’il est fondé sur une prétendue violation de l’article 187 et de l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007.

62      En troisième lieu, les requérantes invoquent une violation du principe de non-discrimination, du principe de proportionnalité, du principe de sécurité juridique et du principe de protection de la confiance légitime.

63      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que ces principes constituent des règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêts du 6 décembre 2001, Emesa Sugar/Conseil, T‑43/98, EU:T:2001:279, point 64, en ce qui concerne le principe de proportionnalité ; du 26 juin 2008, Alferink e.a./Commission, T‑94/98, EU:T:2008:226, point 64, en ce qui concerne le principe de sécurité juridique ; du 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T‑16/04, EU:T:2010:54, point 134, en ce qui concerne le principe d’égalité de traitement, et du 28 avril 2010, BST/Commission, T‑452/05, EU:T:2010:167, point 156, en ce qui concerne le principe de protection de la confiance légitime).

64      En quatrième lieu, les requérantes font valoir que la Commission a violé le principe de bonne administration.

65      À cet égard, il a été jugé que le droit à une bonne administration ne conférait pas, par lui-même, de droits aux particuliers (arrêt du 6 décembre 2001, Area Cova e.a./Conseil et Commission, T‑196/99, EU:T:2001:281, point 43), sauf lorsqu’il constituait l’expression de droits spécifiques comme le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable, le droit d’être entendu, le droit d’accès au dossier, le droit à la motivation des décisions (arrêt du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, EU:T:2006:292, point 127).

66      En l’espèce, les requérantes invoquent une méconnaissance du principe de bonne administration en raison d’un manque de diligence de la Commission.

67      Dans la mesure où il constitue l’expression d’un droit spécifique dont les requérantes peuvent se prévaloir, le principe de bonne administration constitue donc une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

68      Il résulte de ce qui précède que la violation de l’obligation de consultation du Parlement et la violation alléguée de l’article 187 et de l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007 ne peuvent engager la responsabilité de l’Union. En revanche, la violation alléguée du principe de non-discrimination, du principe de proportionnalité, du principe de sécurité juridique, du principe de protection de la confiance légitime ainsi que du principe de bonne administration est susceptible d’engager la responsabilité de l’Union.

69      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si, ainsi que le soutiennent les requérantes, la Commission a commis en l’espèce une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

 Sur l’existence d’une violation suffisamment caractérisée

70      Selon la jurisprudence, le critère décisif pour considérer qu’une violation du droit de l’Union est suffisamment caractérisée est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par une institution de l’Union, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée [arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 47]. Ce qui est donc déterminant pour établir si l’on se trouve en présence d’une telle violation, c’est la marge d’appréciation dont disposait l’institution en cause (arrêt du 12 juillet 2005, Commission/CEVA et Pfizer, C‑198/03 P, EU:C:2005:445, point 66).

71      Ainsi, afin d’apprécier si la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, il y a lieu, dans un premier temps, de déterminer l’étendue du pouvoir d’appréciation dont disposait la Commission en l’espèce et, dans un second temps, d’examiner si cette institution a méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation.

 Sur la marge d’appréciation de la Commission

72      Il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le législateur de l’Union dispose en matière de politique agricole commune d’un large pouvoir d’appréciation qui correspond aux responsabilités politiques que les articles 40 et 43 TFUE lui attribuent (voir arrêt du 14 mai 2009, Azienda Agricola Disarò Antonio e.a., C‑34/08, EU:C:2009:304, point 44 et jurisprudence citée).

73      Par ailleurs, dans le cadre de la politique agricole commune, le Conseil peut être amené à conférer à la Commission de larges pouvoirs d’exécution, cette dernière étant la seule à même de suivre de manière constante et attentive l’évolution des marchés agricoles et d’agir avec l’urgence que requiert la situation. Les limites de ces pouvoirs doivent être appréciées, notamment, en fonction des objectifs généraux essentiels de l’organisation du marché (voir arrêt du 27 novembre 1997, Somalfruit et Camar, C‑369/95, EU:C:1997:562, point 62 et jurisprudence citée).

74      Enfin, les institutions de l’Union jouissent d’un large pouvoir d’appréciation dans les situations impliquant la nécessité d’évaluer une situation économique complexe, comme c’est le cas en matière de politique agricole commune et de pêche. Ce pouvoir ne s’applique pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2001, Italie/Conseil, C‑120/99, EU:C:2001:567, point 44 et jurisprudence citée).

75      En l’espèce, il ressort du libellé de l’article 187 du règlement no 1234/2007 rappelé au point 54 ci-dessus que, en cas de perturbations provoquées par les cours ou les prix sur le marché mondial, la Commission est autorisée à prendre les « mesures nécessaires », qui ne se limitent pas à la suspension des droits à l’importation. En effet, si cette disposition mentionne la possibilité, pour la Commission, de suspendre les droits à l’importation, elle n’exclut pas la possibilité, pour cette institution, d’adopter des mesures différentes.

76      Ainsi, il y a lieu de considérer que, en cas de perturbation ou de menace de perturbation du marché de l’Union provoquée par les cours ou les prix sur le marché mondial, la Commission jouit d’une large marge d’appréciation, exclusive de tout automatisme, qui doit s’exercer à la lumière des objectifs de politique économique fixés par l’article 39 TFUE et par le règlement no 1234/2007.

77      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si la Commission a méconnu d’une manière manifeste et grave les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation.

 Sur l’existence d’une méconnaissance manifeste et grave des limites qui s’imposent au pouvoir d’appréciation de la Commission

78      Les requérantes soutiennent que les actes attaqués violent l’article 187 et l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007 et sont dépourvus de base juridique adéquate. Par ailleurs, selon elles, la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée du principe de non-discrimination, du principe de proportionnalité, du principe de sécurité juridique, du principe de protection de la confiance légitime et, enfin, du principe de bonne administration. En outre, elles reprochent à la Commission d’être demeurée inactive et de ne pas avoir adopté la seule mesure qui était appropriée, à savoir la suspension des droits de douane sur le sucre de canne brut importé à des fins de raffinage.

–       Sur la violation alléguée du règlement no 1234/2007 et la prétendue absence de base juridique adéquate

79      Les requérantes soutiennent, premièrement, que l’article 187 du règlement no 1234/2007 devrait être interprété à la lumière du règlement no 318/2006, deuxièmement, que le règlement d’exécution no 1240/2011 a augmenté les quotas de production de sucre contrairement aux choix politiques effectués par le Conseil dans le règlement no 1234/2007 et qu’il méconnaît l’article 64, paragraphe 2, du même règlement, troisièmement, que le règlement d’exécution no 1239/2011 est contraire à l’article 187 du règlement no 1234/2007, interprété à la lumière de l’article 26, paragraphe 2, du règlement no 318/2006.

80      La Commission conteste ces allégations.

81      En premier lieu, il convient de rappeler que l’article 187 et l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007 ne peuvent être qualifiés de règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux requérantes (voir les points 53 à 60 ci-dessus).

82      En deuxième lieu, il importe de relever que l’article 201, sous e), du règlement no 1234/2007 a abrogé le règlement no 318/2006 à compter du 1er octobre 2008.

83      Ainsi, les requérantes ne sauraient valablement soutenir que l’article 187 du règlement no 1234/2007 doit être interprété à la lumière du règlement no 318/2006 qui l’a précédé et qui a été abrogé.

84      En troisième lieu, et dans la mesure où les requérantes soutiennent que l’article 187 et l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007 ne constituent pas une base juridique adéquate pour l’adoption des actes attaqués, il y a lieu de rejeter cette argumentation.

85      À cet égard, il importe d’abord de relever qu’il est constant que, à la date d’adoption des actes attaqués, le prix du sucre sur le marché mondial avait atteint un niveau qui perturbait ou menaçait de perturber l’approvisionnement du marché de l’Union et que cette situation était susceptible de perdurer et de s’aggraver. C’est ainsi que les considérants 1 et 2 des règlements d’exécution nos 1239/2011 et 1240/2011 soulignent le niveau élevé des prix sur le marché mondial et le faible niveau des stocks dans l’Union qui risquait de perturber l’approvisionnement du marché du sucre.

86      Il s’ensuit que les conditions d’une intervention de la Commission sur le fondement de l’article 187 du règlement no 1234/2007 étaient réunies en l’espèce.

87      Ensuite, il convient de rappeler que le règlement d’exécution no 1240/2011 a établi des mesures exceptionnelles en ce qui concerne notamment la mise sur le marché de l’Union de sucre hors quota à un taux réduit de prélèvement sur les excédents au cours de la campagne 2011/2012. Il ressort de l’article 1er de ce règlement que ce dernier fixe un prélèvement réduit sur des « excédents » pour une quantité maximale de 400 000 t. Par ailleurs, il ressort des articles 7 et 8 dudit règlement que les certificats de mise sur le marché étaient valides pour une durée limitée et n’étaient pas transférables.

88      Ainsi, le règlement d’exécution no 1240/2011 n’a pas procédé à une augmentation des quotas dont les opérateurs pourraient se prévaloir au cours de campagnes de commercialisation suivantes. Ce règlement, qui s’inscrit dans le cadre défini par l’article 187 du règlement no 1234/2007, a uniquement réduit, dans des circonstances particulières et de manière temporaire, le prélèvement sur une quantité déterminée de sucre qui demeurait excédentaire, c’est-à-dire produite au-delà du quota alloué à chaque entreprise.

89      Par ailleurs, l’article 64, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007, qui prévoit que le prélèvement sur les excédents est fixé par la Commission à un niveau suffisamment élevé pour éviter l’accumulation de quantités excédentaires, constituait une base juridique adéquate pour fixer temporairement, et pour une quantité déterminée, le prélèvement sur les excédents à 85 euros par tonne.

90      En effet, comme l’a rappelé la Commission au considérant 2 du règlement d’exécution no 1240/2011, le faible niveau des stocks risquait de perturber l’approvisionnement du marché du sucre de l’Union. Au considérant 7 dudit règlement d’exécution, la Commission a également précisé que le niveau de prélèvement retenu représentait la différence entre le dernier prix moyen publié pour l’Union et le prix sur le marché mondial. D’ailleurs, en raison de cette réduction du niveau « normal », les producteurs de sucre de l’Union avaient une incitation économique suffisante pour vendre du sucre hors quota sur le marché du sucre de l’Union dans la mesure où ils pouvaient commercialiser du sucre hors quota sur ce marché au même prix que s’ils avaient vendu ce sucre sur le marché mondial.

91      Dans de telles circonstances, la Commission était fondée, dans le cadre de la large marge d’appréciation dont elle disposait, à considérer qu’un prélèvement sur les excédents de 85 euros par tonne pour une quantité limitée de sucre produit en sus du quota était suffisamment élevé pour éviter l’accumulation de quantités excédentaires.

92      Enfin, l’article 187 du règlement no 1234/2007 pouvait, en ce qui concerne la suspension des droits à l’importation, fonder l’utilisation, par la Commission, d’un mécanisme d’adjudication, tel que celui prévu par le règlement d’exécution no 1239/2011, qui s’applique à tous les types de sucre.

93      En effet, d’une part, il convient de rappeler que l’article 187 du règlement no 1234/2007 vise « toutes les mesures nécessaires dans le secteur concerné » et, « en particulier, la suspension, en tout ou partie, de l’application des droits à l’importation pour certaines quantités ». Ainsi, ledit article 187 ne faisait pas obstacle à la mise en place d’une procédure d’adjudication. Par ailleurs, il y a lieu de constater que la procédure d’adjudication ouverte visait effectivement à suspendre, en partie, l’application des droits à l’importation pour certaines quantités de sucre.

94      D’autre part, il ressort du libellé de l’article 187 du règlement no 1234/2007 que les mesures que la Commission était autorisée à prendre ne devaient pas nécessairement être limitées au sucre de canne brut importé par les raffineries à temps plein telles que celles exploitées par les requérantes.

95      Par conséquent, la Commission n’a pas manifestement choisi une base juridique inadéquate lorsqu’elle a adopté les règlements d’exécution nos 1239/2011 et 1240/2011.

–       Sur la violation alléguée du principe de non-discrimination

96      Les requérantes, soutenues par DAI, RAR et SFIR, invoquent une violation du principe de non-discrimination.

97      En premier lieu, les requérantes font valoir qu’une discrimination entre deux produits identiques, ou en concurrence, fabriqués par des opérateurs différents serait équivalente à une discrimination entre ces opérateurs. En outre, il serait inexact de soutenir que les fabricants de sucre de canne et les fabricants de sucre de betterave ne sont pas dans une situation comparable. En effet, premièrement, ces deux catégories d’opérateurs fabriqueraient des produits finis identiques qui sont directement en concurrence. Deuxièmement, de nombreux transformateurs de betteraves se seraient diversifiés dans le raffinage de sucre de canne brut. Troisièmement, les deux secteurs seraient soumis à des restrictions strictes de la production, bien que les modalités soient différentes.

98      En deuxième lieu, le règlement d’exécution no 1239/2011 serait manifestement différent du règlement d’exécution no 1240/2011, ce qui favoriserait considérablement les producteurs de sucre de l’Union. En effet, d’une part, ce dernier règlement d’exécution prévoirait un prélèvement sur les excédents fixe de 85 euros par tonne et applicable d’une manière générale à une quantité spécifique divisée en parts égales entre les transformateurs de betteraves. D’autre part, le règlement d’exécution no 1239/2011 prévoirait un droit de douane inconnu et imprévisible qui s’appliquerait uniquement aux vainqueurs de l’adjudication et d’un montant non précisé. Par ailleurs, le droit de douane résultant des adjudications partielles varierait à la hausse et serait trois fois supérieur au prélèvement sur les excédents de sucre. En outre, le volume des adjudications serait inconnu et un soumissionnaire ne saurait jamais à l’avance combien il obtiendra lors de chaque adjudication. De plus, les raffineries de sucre de canne brut seraient dans une position désavantageuse par rapport aux transformateurs de betteraves qui soumettent des offres pour compléter leur activité industrielle principale. Plus généralement, la situation des raffineries de sucre de canne brut différerait suivant leur situation géographique et l’équilibre local de l’offre et de la demande. Enfin, des documents internes à la Commission montreraient qu’elle éprouvait des doutes sur l’organisation d’adjudications des droits à l’importation de sucre au regard du principe de non-discrimination.

99      En troisième lieu, le comportement discriminatoire de la Commission ne serait pas objectivement justifié.

100    En quatrième lieu, le règlement d’exécution no 57/2012, qui a suspendu l’application du règlement d’exécution no 1239/2011, aurait introduit une nouvelle discrimination à l’encontre des raffineries dans la mesure où il aurait bloqué l’accès de ce secteur à des importations de matière première.

101    La Commission conteste ces allégations.

102    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe de non-discrimination fait partie des principes généraux du droit de l’Union et trouve son expression dans le domaine de l’agriculture à l’article 40, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE (voir arrêt du 14 mars 2013, Agrargenossenschaft Neuzelle, C‑545/11, EU:C:2013:169, point 41 et jurisprudence citée).

103    Le principe de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 11 juillet 2006, Franz Egenberger, C‑313/04, EU:C:2006:454, point 33 et jurisprudence citée).

104    À titre liminaire, il convient de rappeler que, au point 37 de l’arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission (C‑456/13 P, EU:C:2015:284), la Cour a considéré que les requérantes n’avaient pas la qualité de producteurs de sucre.

105    En l’espèce, il y a lieu d’observer, en premier lieu, qu’il est constant, premièrement, que le sucre produit par les requérantes est issu de la transformation de la canne à sucre qui est une matière première différente de la betterave à sucre, deuxièmement, que les filières d’approvisionnement diffèrent considérablement, puisque 98 % du sucre de canne brut est importé tandis que les betteraves à sucre sont issues de la production intérieure de l’Union et, troisièmement, que les processus de raffinage de la canne à sucre et de transformation de la betterave à sucre présentent des différences.

106    En deuxième lieu, il convient de relever que l’organisation commune du marché du sucre, régie par le règlement no 1234/2007, établit une distinction claire entre le sucre issu de la transformation de betteraves cultivées sur le territoire de l’Union et le sucre importé.

107    D’une part, en ce qui concerne le sucre importé, le règlement no 1234/2007 prévoit que la Commission a la faculté de subordonner l’importation à la délivrance d’un certificat d’importation et que des droits à l’importation peuvent être perçus ou, au contraire, suspendus.

108    Par ailleurs, comme le précise le considérant 65 du règlement no 1234/2007, le régime d’échanges aux frontières extérieures de l’Union doit reposer sur les engagements pris dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle de l’Uruguay. En outre, le considérant 70 dudit règlement souligne que, dans certaines conditions, la Commission a le pouvoir d’ouvrir et de gérer les contingents tarifaires d’importations découlant d’accords internationaux conclus en vertu du traité ou résultant d’autres actes du Conseil. Le considérant 72 de ce règlement ajoute que la Communauté a conclu avec des pays tiers plusieurs accords en matière d’accès préférentiel au marché, permettant à ces pays d’exporter du sucre de canne vers la Communauté dans des conditions favorables.

109    Ainsi, conformément à l’article 7 du règlement (CE) no 1528/2007 du Conseil, du 20 décembre 2007, appliquant aux produits originaires de certains États appartenant au groupe des États ACP les régimes prévus dans les accords établissant ou conduisant à établir des accords de partenariats économiques (JO 2007, L 348, p. 1), les droits à l’importation de sucre brut ou déjà raffiné en provenance des États ACP, qui ne sont pas des PMA, ont été supprimés avec effet au 1er octobre 2009. Par ailleurs, conformément à l’article 11 du règlement (CE) no 732/2008 du Conseil, du 22 juillet 2008, appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, et modifiant les règlements (CE) no 552/97 et (CE) no 1933/2006, ainsi que les règlements de la Commission (CE) no 1100/2006 et (CE) no 964/2007 (JO 2008, L 211, p. 1), les importations de sucre brut ou déjà raffiné provenant des PMA n’ont été soumises à aucun droit de douane avec effet au 1er octobre 2009. Cette dernière disposition a donné plein effet à l’initiative de l’Union dite « Tout sauf les armes », qui prévoit des importations exemptées de droits et sans limitation quantitative pour les produits originaires des PMA.

110    Enfin, il convient de relever que l’article 153, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007 a prévu que la délivrance de certificats d’importation pour le sucre destiné au raffinage était réservée aux raffineries à temps plein pendant les trois premiers mois des campagnes de commercialisation postérieures à la campagne de commercialisation 2008/2009. Cette disposition a également précisé que la durée de validité de ces certificats expirait à la fin de la campagne de commercialisation pour laquelle ils avaient été émis.

111    D’autre part, en ce qui concerne le sucre issu de la transformation de betteraves cultivées sur le territoire de l’Union, le règlement no 1234/2007 a notamment prévu une limitation quantitative de la production prenant la forme de quotas. Par ailleurs, pour le sucre produit sous quota, des qualités types obligatoires sont déterminées, une intervention publique ou un stockage privé sont prévus et des taxes à la production sont perçues auprès des titulaires de quotas pour contribuer au financement des dépenses dans le secteur du sucre. De plus, un prix minimal est fixé pour la betterave sous quota, correspondant à une qualité type définie, et des instruments spécifiques sont prévus pour garantir un bon équilibre des droits et des devoirs entre les transformateurs de betteraves et les producteurs de betteraves à sucre. Enfin, pour la production excédentaire des titulaires de quotas qui ne remplissent pas certaines conditions, un prélèvement sur les excédents est appliqué, dont le but est de dissuader les producteurs d’accumuler de l’excédent de sucre sur le marché de l’Union.

112    Ainsi, en ce qui concerne l’approvisionnement du marché de l’Union, le règlement no 1234/2007 prévoit deux régimes juridiques très différents, applicables, respectivement, au sucre importé et au sucre issu de la transformation de betteraves cultivées sur le territoire de l’Union.

113    Il résulte de ce qui précède que les producteurs de sucre issu de betteraves cultivées sur le territoire de l’Union, d’une part, et les raffineries de sucre de canne brut importé, d’autre part, ne peuvent être considérés comme se trouvant dans une situation comparable en ce qui concerne l’organisation commune du marché du sucre et, plus précisément, l’approvisionnement du marché de l’Union.

114    Dès lors, il y a lieu de constater que, eu égard aux éléments qui les caractérisent, la situation des producteurs de sucre issu de betteraves cultivées sur le territoire de l’Union et la situation des raffineries de sucre de canne brut importé ne sont pas comparables en ce qui concerne l’approvisionnement du marché de l’Union en sucre.

115    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments avancés par les requérantes.

116    Premièrement, il découle du cadre juridique applicable au sucre de canne brut importé que les requérantes ne sauraient faire valoir que le règlement d’exécution no 1240/2011 a perturbé gravement l’équilibre établi par le législateur de l’Union dans le règlement no 318/2006 entre les producteurs de sucre de l’Union (80 % des approvisionnements du marché de l’Union) et les raffineries importatrices (20 % des approvisionnements) au motif que ledit règlement d’exécution aurait répondu à une pénurie des importations de sucre de canne brut au moyen d’une augmentation du volume des quotas de production de sucre de betterave de l’Union. Les requérantes ne peuvent davantage soutenir que cet équilibre a été fixé de manière rigide et mathématique au moyen de quotas et d’importations garantis jusqu’en 2009.

117    En effet, il convient d’abord d’observer que la répartition alléguée par les requérantes entre la production intérieure (80 % des approvisionnements) et les importations (20 % des approvisionnements) n’est prévue par aucun texte normatif. Par ailleurs, ces pourcentages procèdent d’un calcul effectué par les requérantes et fondé, d’une part, sur le montant total des quotas de production intérieure figurant à l’annexe III du règlement no 318/2006, puis à l’annexe VI du règlement no 1234/2007 et, d’autre part, sur la demande, potentiellement fluctuante, sur le marché de l’Union.

118    Ensuite, il y a lieu de relever que les raffineries de sucre de canne brut importé ne sont pas soumises à un quota de production ou à une taxe à la production et qu’elles ne doivent pas davantage payer de prélèvement sur les excédents. Ainsi, la circonstance que les raffineries de sucre de canne brut importé ne sont pas soumises au régime des quotas signifie qu’elles peuvent raffiner et vendre sur le marché de l’Union, ou même sur le marché mondial, autant de sucre qu’elles peuvent s’en procurer et en produire.

119    Par ailleurs, il convient de souligner que, en application des dispositions mentionnées au point 109 ci‑dessus, les raffineries de sucre de canne brut importé sont en droit d’importer, en franchise de droits à l’importation, une quantité potentiellement illimitée de sucre en provenance des PMA et, sous réserve de la mise en œuvre d’une mesure de sauvegarde qui n’a jamais été actionnée dans les faits, en provenance des États ACP.

120    Enfin, il importe d’observer que, à la fin de la campagne de commercialisation 2008/2009, soit le 1er octobre 2009, les raffineries à temps plein, qui sont des raffineries de sucre de canne brut importé, ne pouvaient plus, en application de l’article 153, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, prétendre à un accès exclusif aux importations de sucre brut destiné au raffinage et n’avaient donc plus la garantie de pouvoir satisfaire leurs besoins d’approvisionnement traditionnels en franchise de droits de douane.

121    Ainsi, le cadre juridique exposé notamment aux points 117 à 120 ci-dessus témoigne d’une liberté accordée aux raffineries de sucre de canne brut importé qui n’est pas compatible avec l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission serait tenue de respecter un équilibre préalablement et strictement établi par le législateur entre les transformateurs de betteraves cultivées sur le territoire de l’Union et les raffineries de sucre de canne brut importé.

122    Deuxièmement, la requérante ne saurait utilement se prévaloir, en l’espèce, des arrêts du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a. (117/76 et 16/77, EU:C:1977:160), du 25 octobre 1978, Royal Scholten-Honig et Tunnel Refineries (103/77 et 145/77, EU:C:1978:186), et du 10 mars 1998, T. Port (C‑364/95 et C‑365/95, EU:C:1998:95). En effet, la situation qui était en cause dans ces affaires n’est pas comparable à la situation factuelle et juridique observée en l’espèce.

123    Compte tenu de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’apprécier si les producteurs de sucre issu de betteraves cultivées sur le territoire de l’Union et les raffineries de sucre de canne brut importé ont, en ce qui concerne l’approvisionnement du marché de l’Union en sucre, été traités différemment et si le comportement prétendument discriminatoire de la Commission est objectivement justifié, il y a lieu de conclure que cette institution n’a pas méconnu d’une manière grave et manifeste les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation au regard du principe de non-discrimination.

–       Sur la violation alléguée du principe de proportionnalité

124    Les requérantes, soutenues par DAI et RAR, font valoir que les actes attaqués, y compris le règlement d’exécution no 57/2012, méconnaissent le principe de proportionnalité. À cet égard, elles avancent que la perturbation du marché, à laquelle lesdits actes tentaient de remédier, était provoquée par une insuffisance des importations de sucre de canne brut. Or, premièrement, les mesures finalement adoptées ne seraient manifestement pas appropriées pour remédier à cette perturbation. En effet, le règlement d’exécution no 1240/2011 favoriserait exclusivement les producteurs de sucre de l’Union. Par ailleurs, le règlement d’exécution no 1239/2011 aurait prévu une procédure d’adjudication ouverte dont le but était de percevoir les revenus les plus élevés auprès des importateurs et qui s’appliquait non seulement aux importateurs de sucre de canne brut destiné au raffinage, mais également aux importateurs de sucre déjà raffiné. Enfin, la Commission n’aurait pas atteint l’objectif de garantir des prix raisonnables, puisque les mesures adoptées par celle-ci et, en particulier, les adjudications auraient entraîné une hausse du prix des importations de sucre brut et une hausse des prix à la consommation. Deuxièmement, la mesure la moins contraignante et la plus appropriée pour remédier au problème observé aurait consisté à suspendre les droits normaux à l’importation qui pesaient sur le sucre de canne brut destiné au raffinage.

125    La Commission conteste ces allégations.

126    Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2012, Association Kokopelli, C‑59/11, EU:C:2012:447, point 38 et jurisprudence citée).

127    Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 187 du règlement no 1234/2007, la Commission dispose d’une large marge d’appréciation dans la mesure où, d’une part, son action implique des choix de nature politique et, d’autre part, elle est appelée à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (voir les points 72 à 76 ci-dessus).

128    Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée dans un tel domaine était la seule ou la meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci par rapport à l’objectif que la Commission entend poursuivre pouvant affecter la légalité de cette mesure (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 52 et jurisprudence citée).

129    Toutefois, même en présence d’un tel pouvoir, la Commission est tenue de fonder son choix sur des critères objectifs. De plus, dans le cadre de l’appréciation des contraintes liées à différentes mesures possibles, elle doit examiner si les objectifs poursuivis par la mesure retenue sont de nature à justifier des conséquences économiques négatives, même considérables, pour certains opérateurs (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 53 et jurisprudence citée).

130    Il y a lieu, dès lors, d’examiner, à la lumière des critères mentionnés aux points 126 à 129 ci-dessus, si, lorsqu’elle a adopté les actes attaqués, la Commission a violé le principe de proportionnalité au motif que lesdits actes ne se limitaient pas à suspendre les droits à l’importation sur le sucre de canne brut importé destiné au raffinage.

131    En premier lieu, il convient de rappeler que les actes attaqués ont été adoptés par la Commission afin de prévenir un risque de perturbation de l’approvisionnement du marché du sucre de l’Union consécutif à une hausse des prix sur le marché mondial et non, uniquement, pour remédier à une pénurie des importations de sucre de canne. À cet égard, il convient de relever que, dans la requête, les requérantes ont reconnu que le déficit mondial en sucre était provoqué, notamment, par la baisse organisée de la production de l’Union.

132    Ainsi, les mesures adoptées par la Commission au moyen des actes attaqués avaient pour objectif d’augmenter l’approvisionnement du marché du sucre de l’Union.

133    En deuxième lieu, il y a lieu de rappeler que, dans de telles circonstances, la Commission peut, aux termes de l’article 187 du règlement no 1234/2007, prendre les mesures nécessaires dans le secteur concerné et, en particulier, suspendre en tout ou en partie, l’application des droits à l’importation pour certaines quantités de sucre.

134    C’est ainsi que la Commission a adopté, d’une part, le règlement d’exécution no 1239/2011 qui permet une réduction des droits de douane à l’importation de sucre et, d’autre part, le règlement d’exécution no 1240/2011, qui établit des mesures exceptionnelles en ce qui concerne la mise sur le marché de l’Union de sucre et d’isoglucose hors quota à un taux réduit de prélèvement.

135    En troisième lieu, il n’est pas sérieusement contesté que ces mesures étaient susceptibles d’augmenter l’approvisionnement en sucre de l’Union et donc qu’elles étaient aptes à réaliser l’objectif poursuivi.

136    En effet, il y a lieu de relever que, comme le souligne le considérant 3 du règlement d’exécution no 1240/2011, des quantités substantielles de sucre hors quota étaient disponibles sur le marché du sucre de l’Union et une partie de ce sucre pouvait être mise sur le marché de l’Union afin de satisfaire partiellement la demande et d’éviter les augmentations de prix excessives. Ledit règlement a donc permis la mise sur le marché de sucre en sus du quota à taux réduit de prélèvement sur les excédents pour une quantité totale de 400 000 t de sucre et de 28 000 t d’isoglucose. Par ailleurs, en ce qui concerne l’importation de sucre de canne brut, les règlements d’exécution nos 1281/2011, 1316/2011, 1384/2011 et 27/2012 ont débouché sur l’octroi de certificats d’importation à droits de douane réduits pour une quantité totale de 191 000 t de sucre de canne brut à raffiner.

137    En quatrième lieu, le règlement d’exécution no 1239/2011 n’a pas dépassé les limites de ce qui était nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis. En effet, au regard des objectifs poursuivis, le mécanisme d’adjudication était approprié dans la mesure où, compte tenu de sa souplesse, il permettait à la Commission, dans un contexte de volatilité des prix sur le marché mondial, de déterminer, au regard de la situation de ce marché et des besoins d’approvisionnement du marché de l’Union, les quantités nécessaires et les droits de douane que les opérateurs concernés étaient prêts à payer.

138    Ainsi, l’objectif poursuivi par la Commission et la nécessité de tenir compte de la situation actuelle et à venir du marché du sucre de l’Union justifiaient les contraintes supportées par les importateurs de sucre. En d’autres termes, les mesures adoptées ont permis de tenir compte des conjonctures variables du marché mondial, des charges financières découlant de la mise en œuvre des mesures choisies, des excédents de production sur le territoire de l’Union et de l’évolution des importations à droits de douane nuls en provenance des États ACP et des PMA.

139    Par ailleurs, comme l’a rappelé le considérant 9 du règlement d’exécution no 1239/2011, pendant les trois premiers mois de campagne de commercialisation, les certificats d’importation de sucre destiné à être raffiné ne pouvaient être délivrés qu’aux raffineries à temps plein. Il convient également de constater que les règlements d’exécution nos 1281/2011, 1316/2011, 1384/2011 et 27/2012 ont débouché sur la fixation d’un taux minimal de droits de douane uniquement pour l’importation de sucre de canne brut à raffiner. Par voie de conséquence, les certificats délivrés à la suite des adjudications, pour une quantité de 191 000 t, l’ont été uniquement pour du sucre de canne brut destiné au raffinage.

140    En outre, en ce qui concerne le niveau des droits réduits fixés par la Commission, il y a lieu de relever qu’il correspond à des offres effectivement reçues par les États membres et qu’il peut s’expliquer par la circonstance que le soumissionnaire qui présentait l’offre la plus élevée pouvait, le cas échéant, prétendre à l’octroi d’un certificat pour l’intégralité de la quantité demandée dans la limite de 45 000 t.

141    Enfin, en ce qui concerne la suspension de la procédure d’adjudication ouverte par le règlement d’exécution no 1239/2011, la Commission a expliqué, au considérant 2 du règlement d’exécution no 57/2012, que l’approvisionnement du marché du sucre s’étant amélioré, une nouvelle réduction des droits à l’importation n’était pas nécessaire.

142    Dans ces conditions, il convient de constater que, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, la Commission n’a pas pris une mesure manifestement inappropriée lorsqu’elle a procédé à une telle suspension de la procédure d’adjudication.

143    En ce qui concerne l’argumentation des requérantes, avancée dans la réplique et tirée de ce que les actes attaqués auraient contribué à une hausse des prix, il convient de souligner que, dans le cadre de sa large marge d’appréciation, la Commission s’est fixée pour objectif d’éviter les augmentations excessives de prix et qu’elle devait concilier cet objectif avec d’autres objectifs fixés à l’article 39 TFUE. Par ailleurs, dans la mesure où la Commission devait apprécier les effets futurs de ces mesures à l’aune de l’évolution des prix sur le marché mondial, ces effets ne pouvaient pas être prévus avec exactitude et les mesures prises n’apparaissent pas manifestement inappropriées au vu des éléments dont elle disposait au moment de l’adoption des règlements en cause.

144    Dès lors, la Commission n’a pas méconnu de manière grave et manifeste les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation au regard du principe de proportionnalité.

–       Sur la violation alléguée du principe de sécurité juridique

145    Les requérantes font valoir que, lorsqu’elle a adopté le règlement d’exécution no 1239/2011 ainsi que les règlements d’exécution nos 1281/2011, 1316/2011, 1384/2011 et 27/2012, la Commission a violé le principe de sécurité juridique dans la mesure où lesdits actes créent un système dans lequel les droits de douane ne sont pas prévisibles, ni fixés par l’application de critères constants et objectifs. Au contraire, les droits de douanes seraient déterminés par la volonté subjective de payer des opérateurs, seraient sans lien avec les véritables produits importés et accorderaient une discrétion totale à la Commission pour fixer les quantités concernées.

146    La Commission conteste ces allégations.

147    Selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique exige que les règles du droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (voir arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 100 et jurisprudence citée ; arrêt du 31 janvier 2013, LVK, C‑643/11, EU:C:2013:55, point 51).

148    En premier lieu, il ressort du considérant 3 et de l’article 6 du règlement d’exécution no 1239/2011 que la quantité de sucre pouvant être importée à un taux réduit de droits de douane ainsi que le niveau de cette réduction doivent être fixés compte tenu de la situation actuelle et de l’évolution prévisible des marchés du sucre dans l’Union et au niveau mondial. Ensuite, il découle dudit article que, lorsqu’un taux minimal de droits de douane est fixé par la Commission, toutes les offres qui indiquent un montant supérieur à ce taux sont acceptées. Enfin, les règlements d’exécution nos 1281/2011, 1316/2011, 1384/2011 et 27/2012 ont fixé un taux minimal de droits de douane sur la base des offres reçues et les soumissionnaires ont été informés des suites réservées à leurs offres.

149    Ainsi, préalablement au dépôt de leurs offres, les requérantes ont été clairement et précisément informées des critères sur la base desquels la quantité de sucre pouvant être importée, d’une part, et le niveau des droits réduits, d’autre part, avaient été déterminés par la Commission. D’ailleurs, elles ne prétendent pas que ces critères ont été modifiés. En outre, postérieurement au dépôt de leurs offres, elles ont été informées du taux minimal qui avait été retenu. Ainsi, elles ont été en mesure d’apprécier clairement et précisément les effets des règlements fixant un taux minimal de droits de douane sur les suites réservées à leur offre. En particulier, si leur offre dépassait le taux minimal retenu par la Commission, elles connaissaient le montant des droits dont elles devraient s’acquitter, à savoir le montant figurant dans leur offre. Enfin, la fixation d’un taux minimal lors de chaque adjudication partielle leur a permis d’adapter leur comportement en perspective des adjudications suivantes.

150    En second lieu, il importe de rappeler que le principe de sécurité juridique a pour corollaire le principe de protection de la confiance légitime et que, selon la jurisprudence, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union, et cela spécialement dans un domaine comme celui des organisations communes des marchés, dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (voir arrêt du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, EU:C:2004:443, point 70 et jurisprudence citée).

151    Ainsi, la possibilité pour la Commission de fixer le taux minimal des droits de douane compte tenu de la situation actuelle et de l’évolution prévisible des marchés du sucre dans l’Union et au niveau mondial, d’une part, et l’évolution à la hausse des taux minimaux finalement arrêtés par la Commission, d’autre part, ne sauraient être jugées contraires au principe de protection de la confiance légitime qui est le corollaire du principe de sécurité juridique.

152    Dès lors, la Commission n’a pas méconnu de manière grave et manifeste les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation au regard du principe de sécurité juridique.

–       Sur la violation alléguée du principe de protection de la confiance légitime

153    Les requérantes, soutenues par DAI, font valoir que, lorsqu’elle a adopté les actes attaqués, la Commission a méconnu manifestement le principe de protection de la confiance légitime au motif qu’elle leur avait préalablement indiqué « qu’elle n’imaginait pas d’augmentation du quota de sucre de l’Union » et qu’elle prendrait « la décision la plus appropriée et équilibrée » au regard de « l’intérêt des producteurs de betteraves sucrières, des producteurs de sucre de l’Union, des raffineries de l’Union, des États ACP, des PMA et d’autres exportateurs de sucre ». Par ailleurs, de semblables assurances leur auraient été données oralement à plusieurs reprises.

154    La Commission conteste ces allégations.

155    En premier lieu, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 79 à 144 ci-dessus, la Commission n’a pas augmenté les quotas de sucre de l’Union et n’a pas méconnu d’une manière grave et manifeste les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation au regard du principe de non-discrimination et du principe de proportionnalité.

156    En second lieu, et en tout état de cause, il importe de souligner que la possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées quant au maintien d’une situation existante (voir arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 27 et jurisprudence citée).

157    Constituent des assurances susceptibles de faire naître de telles espérances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels, concordants et émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation dudit principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêt du 17 mars 2011, AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, point 72 et jurisprudence citée).

158    Or, en l’espèce, il ne ressort pas du dossier que la Commission a effectivement fourni des assurances précises quant aux mesures qu’elle entendait adopter. En effet, l’argumentation des requérantes est fondée sur une lettre d’un chef d’unité de la Commission dont il n’est pas démontré qu’il était habilité à représenter et à engager cette institution en ce qui concernait les mesures qu’elle envisageait d’adopter. Par ailleurs, les requérantes invoquent, sans autres précisions, des conversations qu’elles auraient eues avec les services de la Commission. Il s’ensuit que l’argumentation selon laquelle la Commission aurait indiqué « qu’elle n’imaginait pas d’augmentation du quota de sucre de l’Union » s’appuie sur une simple déclaration et ne repose pas sur des renseignements précis, concordants et émanant de sources autorisées et fiables.

159    Compte tenu de ce qui précède, la Commission n’a pas méconnu de manière grave et manifeste les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation au regard du principe de protection de la confiance légitime.

–       Sur la violation alléguée du principe de bonne administration

160    Les requérantes, soutenues par DAI et RAR, font valoir que la Commission avait été informée à plusieurs reprises, et dès mars 2009, des perturbations imminentes du marché et de l’insuffisance des importations. Or, elle n’aurait pas agi pendant plusieurs mois, aurait ignoré les intérêts des raffineries de sucre de canne, aurait adopté des mesures manifestement inadéquates au regard des problèmes observés et aurait perturbé l’équilibre établi par le règlement no 1234/2011. Enfin, elle aurait admis avoir commis des erreurs graves dans les bilans des années 2009, 2010 et 2011 en ce qui concernait les stocks de fin de campagne de commercialisation.

161    La Commission conteste ces allégations.

162    À cet égard, il convient de rappeler que, parmi les garanties conférées par le droit de l’Union dans les procédures administratives figure, notamment, le principe de bonne administration, consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, auquel se rattache le devoir de diligence, c’est-à-dire l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du 27 septembre 2012, Applied Microengineering/Commission, T‑387/09, EU:T:2012:501, point 76, et du 16 septembre 2013, ATC e.a./Commission, T‑333/10, EU:T:2013:451, point 84).

163    Il a également été jugé que, pour que la méconnaissance du devoir de diligence puisse être qualifiée de méconnaissance manifeste et grave des limites du pouvoir d’appréciation d’une institution, le devoir de diligence doit avoir été totalement méconnu, une simple appréciation erronée de l’étendue des obligations découlant de ce devoir ne suffisant pas (arrêt du 23 septembre 2015, Hüpeden/Conseil et Commission, T‑206/14, non publié, EU:T:2015:672, point 48).

164    En l’espèce, et une nouvelle fois, il convient de relever que l’argumentation développée par les requérantes pour démontrer une violation de son devoir de diligence par la Commission se confond, à tout le moins en partie, avec celle avancée pour dénoncer une violation suffisamment caractérisée du règlement no 1234/2007, du principe de non-discrimination et du principe de proportionnalité.

165    En tout état de cause, il convient de relever, premièrement, que, ainsi que l’ont observé les requérantes dans la requête, « en mars 2009, les prix mondiaux ont commencé à monter en flèche en raison d’un déficit mondial soudain en sucre causé par un déséquilibre imprévu entre le volume de la consommation mondiale et celui de la production mondiale ». Toujours dans la requête, les requérantes ont indiqué que le déficit mondial en sucre « était provoqué en grande partie par une réduction considérable de la production en Inde (et dans plusieurs autres pays) suite à de mauvaises conditions climatiques ainsi que par la baisse organisée de la production de l’Union ». Les requérantes ont ajouté que « le déséquilibre a[vait] été aggravé par une augmentation concomitante de 3,8 % de la consommation mondiale de sucre ».

166    Il s’ensuit que les phénomènes observés présentaient un caractère complexe et incertain.

167    Le caractère complexe et incertain des phénomènes observés est confirmé, notamment, par certains éléments du dossier et, en particulier, par la lettre des requérantes à la Commission du 7 septembre 2009.

168    Deuxièmement, il importe de noter que c’est à la suite d’une analyse approfondie de la situation du marché, et après avoir procédé à une analyse rétrospective de la campagne de commercialisation 2009/2010, qui s’est achevée le 30 septembre 2010, que la Commission a adopté les premières mesures rendues nécessaires par un risque de perturbation de l’approvisionnement du marché du sucre de l’Union , à commencer par le règlement no 1100/2010 qui a suspendu les droits de douane dits « CXL ».

169    Il ressort également du dossier soumis au Tribunal que la Commission s’est fondée, d’une part, sur les données transmises par les États membres en ce qui concernait la production intérieure et, d’autre part, sur les données transmises par les États ACP qui s’étaient révélées fiables auparavant en ce qui concernait les importations en provenance de ces États.

170    Ainsi, dans un contexte international particulier, marqué par de grandes incertitudes au niveau de l’offre, de la demande et donc des prix, il ressort du dossier que la Commission a adopté une approche prudente et qu’elle a examiné tous les éléments pertinents qui étaient en sa possession avant d’adopter des mesures sur le fondement de l’article 187 du règlement no 1234/2007.

171    Troisièmement, s’agissant des erreurs qui auraient été commises par la Commission et reconnues par cette dernière en ce qui concernait les bilans des stocks des années 2009, 2010 et 2011, il convient de relever que ces erreurs sont démontrées par les requérantes au moyen de preuves recueillies ex post.

172    Par ailleurs, il importe de souligner que, ainsi que le fait valoir la Commission, les décisions de cette institution afférentes à l’approvisionnement du marché de l’Union devaient être prises avant la fin de chaque campagne de commercialisation. Or, lors des campagnes de commercialisation 2008/2009 à 2010/2011, les estimations étaient peu fiables en raison de la restructuration en cours du secteur sucrier qui conduisait à l’abandon de quotas de production.

173    Dès lors, la Commission n’a pas méconnu de manière grave et manifeste les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation au regard du principe de bonne administration se rapportant au devoir de diligence.

174    Il résulte de ce qui précède que, lorsqu’elle a adopté les actes attaqués, la Commission n’a pas commis une violation caractérisée du règlement no 1234/2007, du principe de non-discrimination, du principe de proportionnalité, du principe de sécurité juridique, du principe de protection de la confiance légitime ainsi que du principe de bonne administration.

175    Une conclusion identique s’impose en ce qui concerne l’inaction qui est invoquée par les requérantes et qui consisterait en l’absence de mesures adéquates prises par la Commission pour rétablir la disponibilité des approvisionnements en sucre de canne brut et l’équilibre concurrentiel entre les parties concernées. En effet, l’inaction invoquée par les requérantes ne saurait être appréciée indépendamment des mesures effectivement adoptées par la Commission, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, à la suite du constat d’une perturbation de l’approvisionnement du marché du sucre de l’Union. En d’autres termes, et ainsi que cela ressort des développements qui précèdent, la suspension des droits à l’importation de sucre de canne brut destiné au raffinage, demandée par les requérantes, n’était pas la seule mesure qui pouvait être adoptée par la Commission en l’espèce. Une telle conclusion s’applique également au règlement no 634/2011 qui est simplement mentionné par les requérantes et qui n’a pas fait l’objet d’une argumentation spécifique de leur part visant à démontrer que son adoption serait constitutive d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

176    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que le comportement reproché à la Commission ne laisse pas apparaître une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

177    Or, selon une jurisprudence constante, dès lors que l’une des conditions de l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de ladite responsabilité (arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 81, et du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, EU:C:1999:498, point 65).

178    Il y a donc lieu de rejeter le recours en indemnité dans son ensemble sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la Commission (arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52).

 Sur les dépens

179    Selon l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, les requérantes ayant succombé en ce qui concerne l’ensemble de leurs chefs de conclusions sur le fond, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

180    Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par ailleurs, en vertu de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’un intervenant autre que ceux mentionnés aux paragraphes 1 et 2 supportera ses propres dépens. Il convient de décider que le Conseil, DAI, RAR, Lemarco SA, Lemarco Cristal Srl, Zaharul Liesti SA, SFIR et le CEFS supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      T & L Sugars Ltd et Sidul Açúcares, Unipessoal Lda sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux qui ont été exposés par la Commission européenne.

3)      Le Conseil de l’Union européenne, DAI ‑ Sociedade de Desenvolvimento Agro-Industrial, SA, RAR ‑ Refinarias de Açùcar Reunidas, SA, Lemarco SA, Lemarco Cristal Srl, Zaharul Liesti SA, SFIR - Società Fondiaria Industriale Romagnola SpA et SFIR Raffineria di Brindisi SpA ainsi que le Comité européen des fabricants de sucre (CEFS) supporteront leurs propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 novembre 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Faits postérieurs à l’introduction du recours

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité des conclusions des parties intervenantes

2.  Sur le fond

Sur l’existence d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers

Sur l’existence d’une violation suffisamment caractérisée

Sur la marge d’appréciation de la Commission

Sur l’existence d’une méconnaissance manifeste et grave des limites qui s’imposent au pouvoir d’appréciation de la Commission

–  Sur la violation alléguée du règlement no 1234/2007 et la prétendue absence de base juridique adéquate

–  Sur la violation alléguée du principe de non-discrimination

–  Sur la violation alléguée du principe de proportionnalité

–  Sur la violation alléguée du principe de sécurité juridique

–  Sur la violation alléguée du principe de protection de la confiance légitime

–  Sur la violation alléguée du principe de bonne administration

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.