Language of document : ECLI:EU:T:2005:82

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
8 mars 2005 (1)

« Marque communautaire - Procédure d'opposition - Marque nationale verbale antérieure ‘Schuhpark’ - Demande de marque communautaire verbale ‘JELLO SCHUHPARK’ - Motif relatif de refus - Refus partiel d'enregistrement - Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 40/94  »

Dans l'affaire T-32/03,

Leder & Schuh AG, établie à Graz (Autriche), représentée par Mes W. Kellenter et A. Schlaffge, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. G. Schneider et B. Müller, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

l'autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l'OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Schuhpark Fascies GmbH, établie à Warendorf (Allemagne), représentée par Me A. Peter, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l'OHMI du 27 novembre 2002, dans sa version corrigée du 9 décembre 2002 (affaire R 494/1999-3), relative à une procédure d'opposition entre Schuhpark Fascies GmbH et Leder & Schuh AG,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),



composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 février 2003,

vu le mémoire en réponse de l'OHMI déposé au greffe du Tribunal le 2 mai 2003,

vu le mémoire en réponse de l'intervenante déposé au greffe du Tribunal le 13 juin 2003,

à la suite de l'audience du 24 novembre 2004,

rend le présent



Arrêt




Antécédents du litige

1
Le 1er avril 1996, la requérante a présenté, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l’« OHMI »).

2
La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal « JELLO SCHUHPARK ».

3
Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18, 25 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

classe 18 « cuir et imitations de cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

classe 25 « vêtements, chaussures et chapellerie » ;

classe 28 « jeux, jouets, articles de gymnastique et de sport non compris dans d’autres classes ; décorations pour arbres de Noël ».

4
Le 13 octobre 1997, cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 23/97.

5
Le 9 janvier 1998, la société Schuhpark Fascies GmbH (ci-après l’« intervenante ») a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, en s’appuyant sur sa marque verbale antérieure Schuhpark, enregistrée en Allemagne le 3 septembre 1980, sous le n° 1 007 149, pour des produits relevant de la classe 25 (« bottes, bottes mi-hautes, chaussures d’intérieur, chaussures, mocassins, pantoufles, sandales, galoches, couvre-bottes, chaussures en caoutchouc, sabots »).

6
L’opposition, fondée sur le motif relatif de refus de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, n’était pas dirigée contre l’ensemble des produits visés par la demande d’enregistrement, mais uniquement contre ceux relevant des classes 18 et 25.

7
Par sa décision du 28 juin 1999, la division d’opposition de l’OHMI a déclaré l’opposition partiellement fondée. Elle a jugé que, au vu de l’identité parfaite entre l’élément dominant de la marque demandée et la marque de l’intervenante, à savoir le signe verbal Schuhpark, il existait un risque de confusion pour les produits « vêtements » et « chaussures », lequel incluait le risque d’association en Allemagne, territoire dans lequel la marque antérieure bénéficiait d’une protection. La division d’opposition a, par conséquent, rejeté la demande d’enregistrement pour lesdits produits ainsi que l’opposition pour le reste.

8
Le 16 août 1999, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre de l’article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

9
Sur la base d’une demande en déchéance de nature civile introduite par la requérante devant le tribunal allemand compétent à l’encontre de la marque sur laquelle l’opposition s’était appuyée, la troisième chambre de recours a, par décision intermédiaire du 27 juin 2001, suspendu la procédure de recours jusqu’à l’adoption d’une décision définitive par la juridiction nationale.

10
Par décision du 8 novembre 2001, l’Oberlandesgericht Hamm a rejeté la demande en déchéance. Á la suite de cette décision, l’OHMI a repris la procédure.

11
Par décision du 27 novembre 2002 (corrigée par décision rectificative du 9 décembre 2002 ; ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le 4 décembre 2002, la troisième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours exercé devant elle, au motif qu’il existait un risque de confusion, compte tenu du fait que les produits revendiqués sont identiques (chaussures) ou hautement similaires (vêtements) et que les deux marques en cause sont significativement similaires, du point de vue d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé dans l’État membre concerné (Allemagne).


Procédure et conclusions des parties

12
Par lettre datée du 11 août 2004 déposée au greffe du Tribunal, la partie intervenante a formulé une demande de réouverture de la procédure écrite et d’acceptation d’un mémoire d’observations qui accompagnait la demande. La demande était motivée par le fait que le Landgericht München I a rendu le 17 juin 2004 un arrêt dans le cadre d’un litige entre l’intervenante et la société « Jello Schuhpark GmbH » (filiale de la requérante établie à Landshut en Allemagne).

13
Par décision du Président de la deuxième chambre en date du 24 août 2004, la demande de réouverture de la procédure écrite a été rejetée ; le mémoire du 11 août 2004 a été remis à l’avocat de la partie intervenante. En revanche, l’arrêt du Landgericht München I, annexé audit mémoire, a été versé au dossier et notifié à la requérante et à l’OHMI, et les parties ont été informées qu’elles pourraient développer tous leurs arguments à l’égard de l’arrêt ci-dessus mentionné au cours de la procédure orale.

14
Selon ledit arrêt, il est interdit à la société « Jello Schuhpark GmbH », de faire usage de la marque « SCHUHPARK » de manière isolée et/ou en lien avec la marque « Jello » dans ses activités commerciales relatives aux chaussures au motif qu’il existe un risque de confusion au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous 2, du Markengesetz allemand, transposant en droit allemand l’article 4, paragraphe 1, sous b) de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1, ci-après la « directive 89/104 »). Selon les déclarations des parties requérante et intervenante lors de l’audience, ledit litige est toujours en suspens devant les instances allemandes.

15
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision de la troisième chambre de recours de l’OHMI du 27 novembre 2002, telle que modifiée par la décision du 9 décembre 2002 ;

condamner l’OHMI aux dépens.

16
L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

17
La partie intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens de l’intervenante.

18
Par lettre du 24 janvier 2005, la requérante a demandé au Tribunal de joindre au dossier l’arrêt du 13 janvier 2005 rendu par l’Oberlandesgericht München, mettant fin à l’instance évoquée au point 14 ci-dessus. Par décision du président de la deuxième chambre du Tribunal du 2 février 2005, cette demande a été rejetée pour des raisons d’économie de la procédure. En toute hypothèse, selon une jurisprudence constante, l’arrêt de l’Oberlandesgericht München, tout comme l’arrêt du Landgericht München I, ne saurait remettre en cause la légalité de la décision attaquée dans la mesure où la légalité de ce dernier acte doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté [arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, eCopy/OHMI (ECOPY), T‑247/01, Rec. p. II-5301, et du 26 novembre 2003, HERON Robotunits/OHMI (ROBOTUNITS), T‑222/02, non encore publié au Recueil, point 50].


En droit

19
À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, au motif que la décision attaquée a erronément constaté l’existence d’un risque de confusion entre les deux marques en conflit tant pour les chaussures que pour les vêtements, dans l’esprit du public pertinent (à savoir le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé) en Allemagne.

Arguments des parties

Sur le caractère distinctif de la marque antérieure Schuhpark

20
Au soutien de ses conclusions, la requérante se réfère, en premier lieu, au caractère distinctif de la marque antérieure Schuhpark. Cette dernière conteste le caractère distinctif normal attribué à ladite marque par la chambre de recours et fait valoir que la notion « Park » ne désigne plus aujourd’hui dans la langue allemande uniquement un « grand jardin anglais » mais bien plus un « dépôt ». La requérante fait référence également au dictionnaire Duden pour conclure que le terme « Park » au sens de « dépôt » est le plus souvent utilisé en combinaison avec d’autres termes et forme des mots composés (par exemple « Möbelpark » qui signifie dépôt de meubles). Il s’ensuivrait que le signe Schuhpark composé des éléments « Schuh » (chaussure en allemand) et « Park », aurait fini par signifier un dépôt de chaussures. Suite à l’évolution du langage parlé en Allemagne et vu le fait qu’il serait devenu normal en Allemagne de vendre des chaussures dans des grandes surfaces commerciales de haut style, ladite indication présenterait actuellement un très faible caractère distinctif pour désigner les produits « chaussures » et ne mériterait donc qu’une protection réduite.

21
En réponse à la requérante, l’OHMI et l’intervenante affirment le caractère distinctif normal de la marque antérieure Schuhpark.

22
Plus précisément, selon l’OHMI, le vocable « -park » a beau se postposer à certains termes dans son acception de « Lager » ou « Depot » (entrepôt ou magasin, en allemand l’autre signification du vocable étant « parc »), la preuve n’aurait pas été apportée qu’il est devenu usuel de l’ajouter à « Schuh », afin de désigner un point de vente de ces produits. Par ailleurs, le consommateur moyen n’associerait la désignation « -park » postposée qu’à des installations de taille correspondante à celle d’un parc industriel ou d’un centre commercial, ce qui n’est pas le cas avec les magasins de chaussures, de taille généralement beaucoup plus modeste.

23
L’intervenante qualifie le signe Schuhpark d’inhabituel et d’imaginaire, comme l’attesteraient les extraits des dictionnaires et encyclopédies actuels de la langue allemande qu’elle a pris soin de produire et qui ne fournissent d’autre signification du mot « Park » que d’une vaste promenade aménagée de type paysagé ou d’un espace naturel de type artistique.

Sur la similitude des marques en conflit

24
Selon l’analyse de la requérante, les deux marques ne sont pas similaires. À cet effet, il aurait fallu que le signe Schuhpark constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque verbale JELLO SCHUHPARK, ce qui n’est pas le cas. Au contraire, d’après la requérante, ce serait l’indication « jello » qui domine l’impression générale produite par la marque demandée.

25
La requérante fait valoir à cet égard que « jello » est un terme de la langue anglaise signifiant la « gelée » mais sera plutôt compris par le consommateur appartenant au public pertinent en tant que « yellow » (jaune en anglais). Selon la requérante, cela n’est pas important, parce qu’en fait, ni l’indication « parc (ou entrepôt) jaune » pour chaussures, ni celle de « chaussures jaunes » n’ont de signification pour le consommateur allemand moyen. Enfin, le terme « jello », bénéficiant de la protection en tant que marque aussi bien en Autriche que sur le plan international, présenterait bel et bien un caractère distinctif pour les chaussures et les vêtements.

26
Le faible caractère distinctif de « Schuhpark » a pour conséquence, selon la requérante, une position dominante du vocable « jello ». Même si, contrairement à ses allégations, il était admis que « jello » et « Schupark » étaient des éléments du même poids, il manquerait encore la condition, exigée par la jurisprudence, selon laquelle l’indication « Schuhpark » doit être l’élément dominant dans le signe composé aux fins de la reconnaissance d’un risque de confusion.

27
Selon l’OHMI, le vocable « jello » en raison de sa prononciation presque identique, serait compris par le public allemand comme « yellow », le mot anglais pour désigner la couleur jaune, et, partant, il véhiculerait un message descriptif. Par conséquent, le vocable « Schuhpark » constituant l’élément caractéristique de la marque demandée, il conviendrait d’affirmer la similitude des deux marques litigieuses. Par ailleurs, force serait de conclure à la similitude des marques même si l’élément « jello » devait être considéré en lui-même comme dominant. En fait, dans cette dernière hypothèse, la marque demandée aurait entièrement absorbé la marque antérieure « Schuhpark », laquelle posséderait en soi un caractère distinctif normal.

28
L’intervenante fait également valoir que l’impression globale de la marque demandée est déterminée par le vocable « Schuhpark » qui indique l’origine et accomplit une fonction d’identification du produit, alors que le vocable « jello » ne possède pas une signification autonome au sein de ladite marque.

Sur la similitude des produits

29
La requérante argumente en faveur de l’absence de similitude entre les chaussures et les vêtements en se fondant sur leurs qualités distinctes, leurs formes extérieures différentes et leurs points de vente souvent distincts. Elle invoque également la différence à l’égard des matières, de l’aspect extérieur, des ateliers de production, des canaux de distribution et des points de vente.

30
L’OHMI souligne, en revanche, la même destination (esthétique et utilitaire) des produits susvisés ainsi que la tendance des entreprises qui se focalisaient sur le vêtement à se lancer sur le marché de la chaussure. Enfin, les deux produits se côtoieraient de plus en plus souvent dans les mêmes points de vente, notamment dans les mêmes magasins de détail.

31
L’intervenante affirme que les chaussures et les vêtements sont très souvent vendus sous les mêmes marques et commercialisés dans les mêmes surfaces de vente.

Appréciation du Tribunal

32
Ainsi qu’il ressort de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, une marque est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

33
Il résulte de la jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 89/104, dont le contenu normatif est le même à celui de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, que constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I-5507, point 29, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 17 ; arrêt du Tribunal du 25 novembre 2003, Oriental Kitchen/OHMI – Mou Dybfrost (KIAP MOU), T‑286/02, non encore publié au Recueil, point 23].

34
Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion dans l’esprit du public doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou services désignés [arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 31 à 33, et la jurisprudence citée].

35
En outre, la perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (ordonnance de la Cour du 28 avril 2004, Matratzen Concord/OHMI, C‑3/03 P, non encore publiée au Recueil, point 29). Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

36
En plus, l’appréciation de la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles‑ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [ordonnance Matratzen/OHMI, précitée, point 29 ; arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Institut für Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS), T‑388/00, Rec. p. II‑4301, point 62, du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. 4335, point 47, et du 13 juillet 2004, Samar/OHMI-Grotto (GAS STATION), T‑115/03, non encore publié au Recueil, point 32].

Sur le public ciblé

37
En l’espèce, la marque antérieure est enregistrée en Allemagne. Partant, il convient de considérer que le public pertinent est constitué des consommateurs allemands moyens, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, dès lors que les produits visés par les marques en conflit sont des produits de consommation courante.

Sur la similitude des marques en conflit

38
Le vocable « Schuhpark » constitue à la fois la marque antérieure et le second des mots composant la marque demandée. Dès lors, la marque antérieure est identique à un des mots composant la marque demandée.

39
En ce qui concerne les principes déjà instituées par la jurisprudence pertinente que le Tribunal estime approprié d’appliquer par analogie dans le cas d’espèce, il a été jugé que dans le cas où l’un des deux seuls termes constituant une marque verbale est identique, sur les plans visuel et auditif, à l’unique terme constituant une marque verbale antérieure, et où ces termes, pris ensemble ou isolément, n’ont, sur le plan conceptuel, aucune signification pour le public concerné, les marques en cause, vues chacune dans son ensemble, sont normalement à considérer comme similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (arrêt KIAP MOU, précité, point 39). D’autre part, en général, une marque complexe ne peut être considérée comme étant similaire à une autre marque, identique ou similaire à un des composants de la marque complexe, que si celui-ci constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 33, non remis en cause par l’ordonnance Matratzen/OHMI, précitée].

40
Comme le relèvent à juste titre les parties, en conformité avec la décision attaquée, la similitude des marques dépend du poids relatif des deux mots, « jello » et « Schuhpark », au sein de la marque demandée. Une dominance éventuelle du dernier mènerait à la similitude des deux marques en cause. En effet, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de relever que le fait que le consommateur moyen ne garde en mémoire qu’une image imparfaite de la marque, confère une importance majeure à l’élément prédominant de la marque en cause [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 47]. Quant à l’appréciation du caractère dominant d’un ou plusieurs composants déterminés d’une marque, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles de l’autre composant (arrêt MATRATZEN, précité, point 35).

41
En ce qui concerne le poids relatif des vocables « jello » et « Schuhpark » au sein de la marque demandée, il y a lieu de constater qu’aucun desdits vocables n’existe en tant que tel dans la langue allemande. « Schuhpark » contient, en tant que premier composant, le mot allemand « Schuh- » qui signifie « chaussure ». Le deuxième composant dudit vocable (« -park ») est, comme le note la requérante et l’admettent l’OHMI et l’intervenante, occasionnellement utilisé en langue allemande (comme deuxième composant) pour désigner un dépôt [voir « Möbelpark », qui signifie parc (dépôt) de meubles et « Wagenpark », qui désigne l’ensemble de véhicules disponibles, par exemple, dans une entreprise de location de voitures].

42
Néanmoins, la requérante n’a pas démontré que la chambre de recours avait commis une erreur d’appréciation en ne considérant pas qu’il était devenu usuel d’ajouter le terme « ‑park » au mot « Schuh » pour designer en allemand un point de vente de chaussures étendu, de taille comparable à un « Park », au sens utilisé pour désigner un « Möbelpark » ou un « Wagenpark ».

43
De même, la requérante n’a pas démontré que la chambre de recours avait commis une erreur d’appréciation au motif qu’il existerait en Allemagne des grandes surfaces strictement spécialisées dans la vente des chaussures, fait qui pourrait établir un lien entre ce type de magasins et le mot « Schuhpark » dans le chef du consommateur moyen appartenant au public pertinent. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours au point 47 de la décision attaquée, selon laquelle la combinaison inhabituelle et inédite de deux éléments (Schuh et Park) confère une force distinctive normale à la marque antérieure.

44
Même à supposer que chaque composant du mot « Schuhpark » pris isolément ne revêt pas un caractère distinctif, la combinaison de ces composants présente une certaine originalité conférant un caractère distinctif audit vocable (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, non encore publié au Recueil, point 28).

45
En outre, le Tribunal note que, comme l’OHMI l’observe à juste titre, le vocable « Schuhpark » ne présente aucun caractère descriptif par rapport aux vêtements, qui sont également visés par la demande d’enregistrement, fait qui renforce sa position au sein de la marque demandée, par rapport auxdits produits.

46
En ce qui concerne le vocable « jello », il est constant entre les parties que le public pertinent lui attribuera le sens du mot anglais « yellow », désignant la couleur jaune, en raison de la forte similarité de prononciation entre ce vocable prononcé en allemand et ledit mot anglais. La chambre de recours a conclu au même résultat au point 49 de la décision attaquée. Une telle signification amoindrit considérablement la force distinctive dudit vocable par rapport à « Schuhpark », mais aussi donne l’impression qu’il constitue un complément à ce dernier et demeure ainsi en retrait. Le consommateur peut alors être amené à croire que le mot « jello » a la fonction de désigner une ligne de produits ou une sous-marque de la marque antérieure.

47
Dans ces circonstances, il convient de constater qu’il existe une similitude entre les signes en conflit.

Sur la similitude des produits

48
Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude des produits en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire [arrêt Canon, précité, point 23 ; arrêt du Tribunal du 4 novembre 2003, Pedro Díaz/OHMI – Granjas Castelló (CASTILLO), T‑85/02, non encore publié au Recueil, point 32, et la jurisprudence citée].

49
Comme la chambre de recours l’a observé, à juste titre, les chaussures indiquées dans la demande d’enregistrement et les produits couverts par la marque antérieure (voir point 5 supra), sont identiques dans la mesure où le terme générique « chaussures », utilisé dans la demande d’enregistrement, inclut les différents produits couverts par la marque de l’intervenante.

50
En ce qui concerne la relation entre les produits couverts par la marque antérieure, qui appartiennent à la catégorie des chaussures, et les vêtements, il y a lieu, dans un premier temps, de souligner leurs finalités parallèles. Les deux catégories de produits servent deux différents aspects de la présentation extérieure des individus, des points de vue utilitaire et esthétique. Néanmoins, en l’absence de toute substituabilité, il n’existe pas de rapport de concurrence entre eux. Toutefois, les liens entre les finalités respectives ainsi que la réalité commerciale, selon laquelle un nombre considérable de marques bien connues aux consommateurs moyens couvre à la fois des vêtements et des chaussures, sont de nature à instaurer une similitude, quoique faible, entre les produits en cause [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 juillet 2004, AVEX/OHMI – Ahlers (a), T‑115/02, non encore publié au Recueil, points 26 et 27].

51
S’agissant de l’appréciation globale du risque de confusion, le Tribunal rappelle que, dans le secteur de l’habillement, il est fréquent que la même marque présente différentes configurations selon le type de produits qu’elle désigne et que, dans ce secteur, il est habituel que la même entreprise utilise des sous‑marques, à savoir des signes dérivant d’une marque principale et partageant avec elle un élément dominant commun, pour distinguer ses différentes lignes de production (arrêt Fifties, précité, point 49). Ainsi qu’il découle du point 46 supra, le consommateur peut être amené à croire que le terme « jello » est destiné à désigner une marque dérivée de la marque antérieure Schuhpark. Dès lors, il pourra croire que les produits désignés par la marque demandée JELLO SCHUHPARK et ceux désignés par la marque antérieure Schuhpark proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Eu égard, d’une part, à la similitude des signes en litige et, d’autre part à l’identité des produits « chaussures » et la similitude, quoique faible, des produits « vêtements », il y a lieu de confirmer la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle il existe un risque de confusion entre les marques en cause dans l’esprit du public pertinent. Le fait que la chambre de recours a conclu à une similitude élevée entre les vêtements et les chaussures au point 42 de la décision attaquée ne suffit pas, en lui-même, pour remettre en cause la légalité de la décision attaquée, le degré de similitude entre les deux signes étant suffisant pour établir un risque de confusion. Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 n’est pas fondé. Par conséquent, il convient de rejeter le recours.


Sur les dépens

52
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
La requérante est condamnée aux dépens.

Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mars 2005.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Pirrung


1
Langue de procédure : l'allemand.