Language of document : ECLI:EU:T:2005:107

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
17 mars 2005 (1)

« Programme Tacis  –  Appel d'offres  –  Irrégularités de la procédure d'adjudication  –  Recours en indemnité »

Dans l'affaire T-160/03,

AFCon Management Consultants, établie à Bray (Irlande),

Patrick Mc Mullin, demeurant à Bray,

Seamus O'Grady, demeurant à Bray,

représentés par M. B. O'Connor, solicitor, et Me I. Carreño, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Enegren et F. Hoffmeister, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de réparation du préjudice prétendument subi en raison d'irrégularités de la procédure d'appel d'offres d'un projet financé par le programme Tacis (« Projet FDRUS 9902 – Agricultural extension services in South Russia »),



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),



composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas et J. D. Cooke, juges,

greffier : Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 6 juillet 2004,

rend le présent



Arrêt




Antécédents du litige

1
AFCon Management Consultants (ci-après « AFCon ») est une société de conseil spécialisée en matière agricole dans les pays en économie de transition dont MM. Mc Mullin et O’Grady sont les administrateurs, actionnaires et fondateurs (ci-après, pris ensemble, les « requérants »).

2
Le 28 mai 1999, la Commission a lancé un appel d’offres restreint dans le cadre du programme Tacis pour un marché de services d’assistance technique intitulé « Agricultural extension services in South Russia » (Services d’extension agricole en Russie méridionale) et portant la référence FDRUS 9902 (ci-après le « marché en cause »).

3
Parmi les 21 entreprises qui avaient exprimé leur intérêt pour cet appel d’offres, le comité d’évaluation a, le 29 juillet 1999, arrêté une liste restreinte de dix entreprises qui ont été, par la suite, invitées à soumettre une offre.

4
Les 16 et 17 décembre 1999, le comité d’évaluation s’est réuni pour procéder à l’évaluation des huit offres reçues (ci-après la « première évaluation »). Le comité a considéré que l’offre du consortium réunissant GFA – Gesellschaft für Agrarprojekte mbH (GFA-Agrar) et Stoas Agri-projects Foundation (Stoas) était la meilleure, l’offre d’AFCon arrivant en deuxième position.

5
La Commission a, par la suite, découvert l’existence d’un conflit d’intérêts entre un membre du comité d’évaluation et le consortium réunissant GFA-Agrar et Stoas (GFA). Ce membre, M. A, était en effet employé par Agriment International BV, une filiale de Stoas. La Commission a mis un terme à sa collaboration avec M. A et informé celui-ci qu’elle ne ferait plus appel à ses services.

6
En raison de ce conflit d’intérêts, la Commission a, le 3 mars 2000, décidé d’annuler la première évaluation et de confier à un comité composé de nouveaux membres le soin de procéder à une seconde évaluation. La Commission a informé les soumissionnaires de cette décision par lettre du 28 mars 2000.

7
Les 15 et 16 mai 2000, le comité d’évaluation a procédé à une seconde évaluation des offres (ci-après la « seconde évaluation »). Au terme de celle-ci, l’offre de GFA a été déclarée la meilleure. L’offre technique de GFA a reçu le score de 72,69 % (troisième place) ; son offre financière était de 2 131 870 euros (première place). L’offre d’AFCon a été classée deuxième avec une offre technique atteignant le score de 75,32 % (première place) et une offre financière de 2 499 750 euros (sixième place).

8
En août 2000, la Commission a attribué le marché à GFA. Par lettre du 17 août 2000, elle en a informé AFCon.

9
Le 9 octobre 2000, AFCon s’est plainte à la Commission de la mauvaise gestion de la procédure d’appel d’offres. Elle a soutenu que l’offre financière de GFA était inférieure aux prix du marché. La Commission a rejeté cette plainte le 9 novembre 2000.

10
Par lettres du 18 décembre 2000 et du 31 janvier 2001, AFCon a allégué que GFA avait méconnu les termes de l’appel d’offres. Par lettre du 28 février 2001, la Commission a réfuté cette allégation.

11
Par lettre du 15 mars 2001, AFCon a rappelé que l’offre de GFA ne respectait pas la procédure de passation des marchés Tacis. La Commission n’a pas répondu à cette lettre.

12
Le 15 mai 2001, AFCon a déposé une plainte auprès du Médiateur européen. Selon cette plainte :

l’offre financière de GFA n’aurait pas été conforme à l’appel d’offres (premier grief) ;

après avoir découvert un conflit d’intérêts, la Commission n’aurait pas pris les mesures requises par les règles de passation des marchés (deuxième grief) ;

la Commission aurait méconnu les termes de l’appel d’offres en permettant à l’adjudicataire de remplacer la majorité des experts à long terme par des tiers, quelques semaines après la signature du contrat (troisième grief).

13
Dans sa décision du 22 avril 2002 (décision 834/2001/GG), le Médiateur a considéré que seul le premier grief paraissait fondé. À cet égard, il a indiqué :

« Il est de bonne pratique administrative dans les procédures d’appel d’offres que l’administration se tienne aux règles établies pour ces procédures. En permettant à des soumissionnaires d’inclure des honoraires d’experts au titre de postes remboursables dans la présente affaire, la Commission n’a pas respecté les règles applicables à l’appel d’offres et l’objectif poursuivi par ces règles. Cela constitue un cas de mauvaise administration. »

14
S’agissant des deuxième et troisième griefs, le Médiateur a conclu à l’absence d’actes de mauvaise administration de la part de la Commission.

15
Par lettre du 25 mai 2002, AFCon a demandé à la Commission de lui verser les sommes suivantes à titre de réparation du préjudice subi en raison du fait que le marché ne lui avait pas été attribué :

pertes de profits : 624 937 euros ;

perte de « profil de projet » : 600 000 euros ;

perte de « développement professionnel » : 150 000 euros.

16
Par lettre du 25 juillet 2002, la Commission a rejeté cette demande.

17
Par lettre du 13 septembre 2002, AFCon a demandé à la Commission de lui transmettre certaines pièces relatives à la procédure de passation du marché en cause. La Commission a fait droit à cette demande le 3 octobre 2002, à l’exception des rapports d’évaluation et procès-verbaux du comité d’évaluation et des offres des concurrents, lesquels tombaient sous le coup des exceptions prévues, respectivement, à l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, et à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).

18
Par lettre du 11 octobre 2002, AFCon a introduit une demande confirmative au sens du règlement n° 1049/2001. Elle demandait l’accès à divers documents se rapportant à la procédure de passation du marché en cause.

19
Par lettre du 22 novembre 2002, la Commission a accordé l’accès à certains documents et, pour le surplus, a confirmé son refus de transmettre les pièces demandées.

20
Parallèlement, dans une lettre du 4 septembre 2002 adressée à M. Byrne, membre de la Commission, le ministre d’État aux Affaires européennes irlandais, M. D. Roche, s’est exprimé en faveur d’AFCon et a demandé à la Commission de trouver une solution au différend avec AFCon.

21
Par lettres du 10 octobre 2002 et du 4 novembre 2002, la Commission a réitéré sa position sur la légalité de la procédure d’appel d’offres en cause.

22
Le 15 novembre 2002, M. B. Crowley, député du Parlement européen, a posé une question écrite (3365/02) à la Commission concernant la passation du marché en cause. M. Patten, membre de la Commission, y a répondu le 23 décembre 2002. M. Crowley a, par la suite, adressé une lettre à M. Patten, à laquelle ce dernier a répondu le 3 avril 2003.

23
Par lettre du 18 février 2003, M. Roche est intervenu une seconde fois en faveur d’AFCon auprès de M. Byrne. Par lettre du 8 avril 2003, M. Byrne a réitéré le point de vue de la Commission.


Procédure

24
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 mai 2003, les requérants ont introduit le présent recours.

25
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit plusieurs questions aux parties et demandé à la Commission de produire un certain nombre de documents. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

26
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 6 juillet 2004.


Conclusions des parties

27
Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice subi du fait d’irrégularités lors de la procédure d’appel d’offres du projet Tacis FDRUS 9902, augmentés des intérêts compensatoires calculés à compter de la matérialisation du préjudice ;

condamner la Commission au paiement d’intérêts sur le montant des dommages et intérêts à compter de l’arrêt mettant fin à l’instance ;

ordonner à la Commission de fournir certains documents ayant trait à la procédure d’évaluation des offres ; 

condamner la Commission aux dépens.

28
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner les requérants aux dépens.


En droit

A – Sur la demande de mesures d’instruction

29
Les requérants ont demandé au Tribunal d’ordonner à la Commission, sur le fondement de l’article 65, sous b), du règlement de procédure, de produire certains documents ayant trait à la procédure d’appel d’offres et, le cas échéant, d’entendre des témoins.

30
Le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, notamment demandé à la Commission de produire des données relatives aux offres des soumissionnaires ainsi que la documentation relative aux première et seconde évaluations. Ces demandes coïncident pour l’essentiel avec les demandes de mesures d’instruction sollicitées par les requérants. Dès lors, le Tribunal estime être suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour trancher le litige sans ordonner la production d’autres documents ni l’audition de témoins.

B – Sur la demande en réparation

31
Le droit communautaire reconnaît un droit à réparation dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation soit suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (arrêts de la Cour du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame, C-46/93 et C-48/93, Rec. p. I‑1029, point 51, et du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, points 41 et 42).

32
Il convient de vérifier si les requérants ont démontré que ces différentes conditions étaient réunies en l’espèce.

1. Sur l’illégalité du comportement reproché à la Commission

33
Les requérants allèguent, en substance, trois illégalités. Premièrement, l’offre de GFA ne serait pas conforme aux termes du marché en cause. Deuxièmement, la Commission aurait pris en considération des critères d’évaluation illicites. Troisièmement, la Commission n’aurait pas pris les mesures qui s’imposaient après avoir découvert l’existence d’un conflit d’intérêts.

a)     Sur la régularité de l’offre de GFA

Arguments des parties

34
Les requérants soutiennent que l’offre de GFA n’était pas conforme aux règles du marché en cause. Ces règles seraient composées :

des instructions aux soumissionnaires [Commission européenne, SCR(E) Tacis, « Instructions to tenderers », version du 22 juin 1999], en particulier le point C.2.1 ;

des lignes directrices pour la préparation de l’offre technique et financière [Commission européenne, SCR(E) Tacis, « Guidelines for the preparation of the technical and financial proposal », version du mois de janvier 1999] (ci-après les « lignes directrices »), en particulier les dispositions relatives à la préparation des annexes B (« Organisation and methods ») et D (« Breakdown of prices for Tacis contracts ») ;

du cahier des charges du marché en cause (Commission européenne, « Technical assistance to economic reform in the food and agriculture sector, Terms of reference, Project : Russia ‘Agricultural extension services in South Russia – Farm extension project’ », du 4 juin 1999).

35
Selon les requérants, il ressort de ces règles que l’offre financière doit correspondre à l’offre technique et indiquer la rémunération des personnes chargées des activités de formation dans le poste réservé à cet effet.

36
Ces règles seraient dépourvues d’ambiguïté. Elles viseraient à mettre toutes les offres sur un pied d’égalité en vue de leur comparaison. Elles auraient été confirmées par la pratique de la Commission dans un marché similaire et contemporain de celui en cause (FDRUS 9901).

37
GFA aurait méconnu ces règles, car :

la quantité « d’hommes/jours » reprise dans son offre technique dépasse celle visée dans son offre financière ;

dans son offre financière, GFA a affecté une partie de la rémunération des personnes chargées de la formation sur le poste « dépenses remboursables », normalement réservé aux remboursements des coûts liés aux activités de formation « tels que les voyages, le per diem pour les stagiaires, les frais d’inscription, etc. ».

38
GFA serait ainsi parvenu à réduire le montant de son offre financière. Les différences entre les deux offres seraient les suivantes :

Offre technique

Offre financière

Différence

2 687 hommes/jours (experts UE)

2 200 hommes/jours (experts UE)

(487) hommes/jours

4 615 hommes/jours (experts locaux)

2 250 hommes/jours (experts locaux)

(2 365) hommes/jours

5 300 hommes/jours (personnel de soutien)

3 500 hommes/jours (personnel de soutien)

(1 800) hommes/jours

Total 12 602 hommes/jours

7 950 hommes/jours

(4 652) hommes/jours

Ces différences auraient été imputées sur les dépenses remboursables.

39
Les requérants soulignent que le Médiateur a, en substance, confirmé leur argumentation en estimant que la Commission avait commis un acte de mauvaise administration en permettant à GFA, en contravention avec les règles du marché en cause, d’inclure les honoraires de formation parmi les dépenses relevant du poste réservé aux dépenses remboursables.

40
Enfin, les requérants estiment que leurs critiques ont été confirmées par les difficultés rencontrées par la Commission pendant l’exécution du marché par GFA.

41
Les requérants déduisent de ces éléments que la Commission, en omettant d’exclure GFA en raison de ces irrégularités, a enfreint les principes d’égalité de traitement, de proportionnalité et de confiance légitime.

42
La Commission soutient que la présentation de l’offre de GFA n’était pas irrégulière, dès lors que :

les règles dont les requérants invoquent la violation ne sont pas juridiquement contraignantes ; elles ne prescrivent pas de manière univoque la manière dont la rémunération des experts devait être présentée dans l’offre financière ;

le règlement financier du 21 décembre 1977 applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 356, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, CECA, Euratom) nº 2548/98 du Conseil, du 23 novembre 1998 (JO L 320, p. 1) (ci-après le « règlement financier ») (article 117), et le règlement (Euratom, CE) n° 1279/96 du Conseil, du 25 juin 1996, relatif à la fourniture d’une assistance aux nouveaux États indépendants et à la Mongolie dans l’effort d’assainissement et de redressement de leur économie (JO L 165, p. 1) (article 7 et annexe III), ne contiennent aucune disposition précise sur la question de l’affectation des honoraires de formation au poste réservé aux dépenses remboursables ;

il n’existe aucune pratique établie de la part de la Commission sur cette question, de sorte que les requérants ne peuvent se prévaloir d’une violation du principe du respect de la confiance légitime ;

l’imputation de la rémunération des formateurs au poste des dépenses remboursables n’étant pas expressément interdite, GFA pouvait fort bien avoir recours à cette méthode ;

la présentation de l’offre de GFA n’a pas faussé la comparaison entre les offres, le pouvoir adjudicateur étant en mesure de prendre en considération le fait que les honoraires des formateurs avaient été traités comme des dépenses remboursables dans son appréciation comparative ;

la position du Médiateur n’est pas déterminante ;

les éléments postérieurs à l’attribution du marché, notamment l’exécution du contrat, ne sont pas pertinents.

Appréciation du Tribunal

43
Selon le point C.2.1 des instructions aux soumissionnaires :

« Le décompte des prix doit être préparé conformément au modèle de l’annexe D du projet de contrat, et les prix doivent être exprimés en [euros]. Les soumissions dans toute autre devise ou une présentation incorrecte du décompte des prix peuvent entraîner le rejet de la soumission. »

44
L’annexe D des lignes directrices contient une partie introductive dans laquelle est exposée la méthode à suivre pour la présentation de l’offre. Elle comporte en outre un formulaire constitué d’un tableau destiné à recevoir les données des soumissionnaires. Ce tableau contient les quatre postes principaux suivants :

« 1) Honoraires (« Fees »), dont

a) Experts occidentaux

b) Experts locaux

c) Personnel de soutien

2) Per diem

3) Dépenses directes

4) Dépenses remboursables. »

45
Selon les lignes directrices :

« Les notes suivantes sont fournies pour aider les soumissionnaires dans la préparation de l’annexe D (décompte financier) […] Si ces lignes directrices ne sont pas suivies, le soumissionnaire est invité à justifier l’écart par une note explicative […]

4. […] Les chiffres indiqués à l’annexe D (pour chaque catégorie ou expert individuel) doivent correspondre exactement aux chiffres du tableau du temps de travail (temps passé sur le projet par chaque expert) fournis au titre de l’annexe B (résumé des tâches du personnel). »

46
La Commission a ainsi indiqué d’une manière claire et univoque qu’il devait y avoir une correspondance « exacte » entre les données de l’annexe B et celles de l’annexe D, toute discordance devant être justifiée par une note explicative.

47
Ce principe de concordance entre l’offre financière et l’offre technique est également rappelé dans les explications qui précèdent le formulaire de l’annexe B, joint aux lignes directrices, lesquelles énoncent :

« Important : le résumé ci-dessus doit correspondre aux chiffres portés dans le décompte des rémunérations. »

48
Afin d’examiner si l’offre de GFA était conforme à ces dispositions, il y a lieu de rappeler que, s’agissant du volet « formation », l’offre technique de GFA (annexe A) indiquait les chiffres suivants :

Tableau 1

Quantités (hommes/jours)

Assistance technique

Formation

Réplication

Dissémination

Total

Experts UE

2 200

487

2 687

Experts locaux

2 250

2 365

4 615

Personnel de soutien

3 500

1 800

5 300

Total

7 950

4 652

12 602

49
Dans l’offre financière (annexe D), GFA a présenté les chiffres suivants sous le poste « A. Honoraires » :

Tableau 2

    Quantité hommes/jours

Montant EUR

Experts UE

2 200

821 000

Experts locaux

2 250

58 750

Personnel de soutien

3 500

61 250

Total

7 950

941 000

50
Cette quantité d’hommes/jours (7 950) est inférieure de 4 652 à celle indiquée dans l’offre technique (12 602).

51
Toutefois, il ressort des termes mêmes de l’offre financière de GFA que cette différence provient du fait que cette quantité de 4 652 hommes/jours a été traitée parmi les dépenses remboursables.

52
En effet, l’offre financière de GFA reprend, dans une note de bas de page ainsi que dans une note explicative jointe à celle-ci, les données figurant dans l’offre technique et qui ont été rappelées ci-dessus (tableau 1). Cette précision permet de comprendre que l’origine de la différence entre les deux offres tient au traitement réservé aux coûts de rémunération du personnel affecté aux activités de formation, de réplication et de dissémination. L’offre financière de GFA contient, en outre, un tableau décrivant de manière détaillée l’ensemble des dépenses remboursables relatives à ces activités. Il ressort de ce tableau que, au total, 4 652 hommes/jours ont ainsi été traités parmi les dépenses remboursables, pour une valeur totale de 282 425 euros. Contrairement à ce que prétendent les requérants, la différence entre l’offre financière et l’offre technique est donc purement formelle et n’a pas pour conséquence de faire obstacle à une comparaison effective des offres des différents soumissionnaires.

53
En outre, il y a lieu de constater que l’offre financière de GFA comprenait, conformément au cahier des charges, des prestations d’une valeur de 500 000 euros pour la formation et de 200 000 euros pour les activités de réplication et de dissémination.

54
Par conséquent, il y a lieu de rejeter les griefs selon lesquels la Commission aurait agi de manière illégale en ne rejetant pas l’offre de GFA en raison de prétendues disparités entre l’offre technique et l’offre financière.

b)     Sur le recours à des critères d’évaluation illicites

Arguments des parties

55
Les requérants reprochent à la Commission d’avoir permis au comité d’évaluation de tenir compte, dans la seconde évaluation, de l’expérience antérieure d’AFCon pour des projets Tacis, en violation des règles applicables. En effet, le point 3 de l’annexe III du règlement n° 1279/96 ainsi que le point 3 de l’annexe IV du règlement (CE, Euratom) n° 99/2000 du Conseil, du 29 décembre 1999, relatif à la fourniture d’une assistance aux États partenaires d’Europe orientale et d’Asie centrale (JO 2000, L 12, p. 1), prévoiraient que « le fait que le soumissionnaire a déjà l’expérience des projets Tacis n’est pas pris en considération » dans l’appréciation des offres. Selon ces dispositions, l’offre serait uniquement évaluée « sur la base d’une pondération entre la qualité technique et le coût [ ; l]a pondération entre ces deux critères est annoncée dans chaque appel d’offres [et l]’évaluation technique est effectuée en particulier selon les critères suivants : organisation, calendrier, méthodes et plan de travail proposés pour fournir les services, qualifications, expérience, aptitudes du personnel proposé pour fournir les services, recours à des sociétés ou experts locaux, intégration et contribution de ces derniers au projet et à la viabilité des résultats du projet ».

56
En l’espèce, un des membres du comité ayant procédé à la seconde évaluation, M. G. Rea, aurait estimé que les centres consultatifs existants établis par M. Mc Mullin et AFCon, dans le cadre du projet Tacis FDRUS 9405 « Support à des fermes privées gérées individuellement en Russie » entre 1996 et 1998, n’étaient pas, à l’époque de l’entretien, en état de fonctionnement et ne fournissaient pas de conseils techniques. Cette déclaration, qui serait erronée, aurait influencé les autres membres du comité.

57
Après avoir obtenu, à la suite des mesures d’organisation de la procédure, la communication de divers documents relatifs aux travaux du comité d’évaluation, les requérants ont fait valoir, lors de l’audience, qu’un des membres de ce comité, Mme K. Karttunen, a expressément mentionné dans son rapport avoir tenu compte du fait qu’AFCon n’avait pas d’expérience dans d’autres projets en Russie.

58
La Commission nie l’existence d’une quelconque irrégularité. Elle reconnaît être tenue, aux termes de l’annexe III, point 3, du règlement n° 1279/96, de ne pas prendre en considération l’expérience des soumissionnaires au titre d’autres marchés Tacis.

59
En l’espèce, le comité d’évaluation aurait entendu chaque soumissionnaire sur son offre technique. Aucune liste générale de questions n’aurait été établie à cet effet ; le contenu des entretiens variait d’un soumissionnaire à l’autre. Au cours de l’entretien, M. Mc Mullin aurait eu la possibilité de réfuter toute allégation préjudiciable à AFCon.

Appréciation du Tribunal

60
Les griefs relatifs à la prise en considération de l’expérience d’AFCon dans le cadre de projets antérieurs financés par le programme Tacis ne sont pas étayés à suffisance de droit.

61
En effet, la documentation relative à l’évaluation des offres, versée au dossier à la suite des mesures d’organisation de la procédure, n’établit pas que les membres du comité d’évaluation ont pris en considération l’expérience antérieure des soumissionnaires au titre de projets financés par le programme Tacis parmi les critères d’évaluation des offres. Il ressort des documents intitulés « Detailed technical evaluation per tenderer » que le comité d’évaluation s’est fondé sur huit critères objectifs concernant l’expérience des experts, l’approche du projet et la participation des experts locaux. Par ailleurs, la note des évaluateurs relative à l’évaluation de l’offre d’AFCon ne contient aucune appréciation négative sur un prétendu manque d’expérience ou sur des difficultés rencontrées antérieurement dans le cadre de l’exécution de projets financés par le programme Tacis. Les membres du comité d’évaluation ont ainsi souligné, parmi les points forts de l’offre d’AFCon, la qualité du chef de projet ainsi que son expérience dans la région visée par le projet. Parmi les points faibles, les membres du comité d’évaluation ont, notamment, relevé que le chef de projet n’avait qu’une connaissance limitée de la langue russe et que, d’une manière générale, l’offre paraissait trop ambitieuse et, par certains aspects, trop rigide.

62
S’agissant des arguments relatifs aux prétendus commentaires de M. Rea, il y a lieu de constater que ce membre du comité d’évaluation n’a pas, dans son rapport final, émis la moindre remarque concernant des difficultés qu’aurait rencontrées AFCon dans le cadre de projets antérieurs.

63
De même, le rapport de l’évaluateur externe, Mme Karttunen, invoqué par les requérants lors de l’audience, ne contient pas de remarques négatives fondées sur l’expérience antérieure d’AFCon dans le cadre de projets financés par le programme Tacis. Ce rapport souligne, notamment, l’expérience acquise en Russie par le chef de projet tout en relevant que ce dernier, lors de l’entretien d’évaluation, « manquait de transparence s’agissant de la situation actuelle des centres consultatifs agricoles existant dans la zone du projet ».

64
Par conséquent, il suffit de constater que les requérants n’ont pas démontré que la Commission s’était fondée sur une appréciation négative de l’expérience d’AFCon au titre de projets antérieurs dans le cadre du programme Tacis lors de l’évaluation de son offre. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les griefs relatifs au caractère illicite des critères d’évaluation de l’offre d’AFCon.

c)     Sur les conséquences du conflit d’intérêts

Arguments des parties

65
Les requérants reprochent à la Commission de ne pas avoir tiré les conséquences du conflit d’intérêts entre un membre du comité d’évaluation, M. A, et l’un des soumissionnaires, GFA. Ils considèrent, en substance, d’une part, que la Commission n’a pas agi avec toute la diligence requise après avoir découvert l’existence d’un conflit d’intérêts et, d’autre part, qu’elle n’aurait pas dû permettre à GFA de participer à la suite de la procédure d’appel d’offres.

66
S’agissant de la première de ces critiques, les requérants soutiennent que la Commission n’a pas exercé son pouvoir d’appréciation d’une manière responsable lorsqu’elle a refusé d’envisager de prendre des sanctions tant à l’égard de M. A qu’envers GFA. Les requérants considèrent en effet que la Commission n’a pas envisagé d’exclure GFA alors même qu’elle avait été alertée par le président du comité d’évaluation des liens existant entre ce soumissionnaire et l’un des membres du comité d’évaluation. Ils s’interrogent également sur le point de savoir si la Commission a recherché si GFA savait que M. A siégeait au comité d’évaluation. Après avoir analysé l’ensemble de la documentation relative à la procédure d’appel d’offres qui leur a été transmise à la suite des mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal, les requérants ont, lors de l’audience, souligné qu’il n’existait aucune preuve permettant de conclure que la Commission s’était même posée la question de savoir s’il convenait de prendre des sanctions à l’encontre de GFA.

67
Par leur seconde critique, les requérants font valoir que la Commission a manqué à son obligation de bonne gestion des projets financés par le programme Tacis en ne prenant aucune sanction à l’encontre de GFA et en permettant à ce consortium de participer à la seconde évaluation. Le fait que M. A ait été employé à plein temps par l’un des membres du consortium GFA aurait dû amener la Commission à exclure tant le membre du comité en question que le soumissionnaire concerné.

68
La Commission estime avoir agi légalement, sans excéder les limites de son large pouvoir d’appréciation.

69
En l’absence d’éléments de preuve démontrant que GFA a cherché à influencer la procédure de passation du marché par la présence de M. A dans le comité d’évaluation, la Commission soutient qu’aucune disposition ne lui aurait permis d’exclure ou de sanctionner GFA. En effet, le règlement financier prévoit à l’article 114, paragraphe l :

« La participation à la concurrence est ouverte à égalité de conditions à toutes les personnes physiques et morales relevant du domaine d’application des traités et à toutes les personnes physiques et morales de l’État bénéficiaire. »

70
Dès lors, GFA aurait facilement pu contester, pour violation de l’article 114, paragraphe 1, du règlement financier, toute décision visant à l’exclure du marché en cause. En outre, la Commission considère qu’elle ne peut, en vertu du principe de proportionnalité, exclure une entreprise d’une procédure d’appel d’offres que dans des situations exceptionnelles.

71
Elle estime que le conflit d’intérêts était exclusivement imputable à l’évaluateur. Celui-ci aurait enfreint l’article 12, paragraphe 4, de la réglementation générale des appels d’offres et de l’octroi de marchés financés par les fonds Phare et Tacis. Il n’aurait pas été lié à GFA, mais à l’une des entreprises de ce consortium. Dès lors que GFA n’avait pas d’autorité sur l’évaluateur, le conflit d’intérêts n’aurait pas pu être imputé à GFA.

72
De plus, la Commission soutient que l’exclusion de GFA aurait indûment avantagé AFCon, en violation du principe d’égalité de traitement.

73
Après avoir écarté M. A de ses délibérations, le comité d’évaluation n’aurait pas sélectionné AFCon. En effet, alors que le représentant du bénéficiaire du marché en cause demandait qu’AFCon soit recommandée en vue de l’attribution du marché, les trois autres membres se seraient opposés à une telle solution.

Appréciation du Tribunal

74
Il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement en matière de marchés publics, le souci d’une bonne gestion financière des deniers communautaires et la prévention de la fraude rendent hautement critiquable, et le droit pénal de plusieurs États membres incrimine, le fait qu’une personne qui contribue à évaluer et à sélectionner les offres d’un marché public se voit attribuer ce marché (arrêt du Tribunal du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec. p. II‑1825, point 112).

75
Après la découverte d’un conflit d’intérêts entre un membre du comité d’évaluation et l’un des soumissionnaires, il incombe à la Commission de préparer et de prendre, avec toute la diligence requise et sur la base de toutes les données pertinentes, sa décision sur les suites de la procédure de passation du marché en cause. Cette obligation découle notamment des principes de bonne administration et d’égalité de traitement (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 9 juillet 1999, New Europe Consulting et Brown/Commission, T‑231/97, Rec. p. II‑2403, point 41). La Commission est en effet tenue de veiller à chaque phase d’une procédure d’appel d’offres au respect de l’égalité de traitement et, par voie de conséquence, à l’égalité des chances de tous les soumissionnaires (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, non encore publié au Recueil, point 108, et arrêt du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, Rec. p. II‑387, point 164).

76
Il convient d’examiner si, en l’espèce, la Commission a agi conformément à cette obligation.

77
À cet égard, il y a lieu de considérer que, après la découverte d’un conflit d’intérêts entre l’un des soumissionnaires et un membre du comité chargé de l’évaluation des offres, la Commission dispose d’une marge d’appréciation afin de déterminer les mesures qui doivent être prises concernant le déroulement des stades ultérieurs de la procédure de passation du marché sur appel d’offres.

78
Il est constant que, après avoir été alertée par le président du comité d’évaluation, la Commission n’a pas enquêté sur les liens entre M. A et GFA afin de s’assurer que ce consortium n’a pas recherché à influencer les délibérations du comité d’évaluation. La Commission a affirmé, lors de l’audience, qu’il n’existait aucune preuve permettant de considérer que GFA a cherché à influencer la procédure, par l’intermédiaire d’un de ses employés siégeant parmi les membres du comité d’évaluation. En réponse aux questions du Tribunal, la Commission a toutefois exposé qu’elle n’avait engagé aucune mesure d’enquête pour vérifier si GFA et M. A avaient agi conjointement au cours de la procédure de passation du marché. La Commission a insisté sur le fait que, en l’absence d’indices lui permettant de soupçonner l’existence d’une fraude, il n’était pas justifié d’enquêter sur le rôle de GFA.

79
Compte tenu des circonstances de l’espèce, une telle appréciation apparaît manifestement erronée. Faute d’avoir enquêté sur une éventuelle coordination entre GFA et M. A, la Commission ne disposait en effet d’aucun élément lui permettant d’exclure avec une certitude raisonnable que GFA ait pu cherché à influencer la procédure de passation du marché. Au contraire, plusieurs éléments objectifs et concordants auraient dû amener la Commission à faire preuve d’une attention particulière et à examiner la possibilité d’une collusion entre GFA et M. A. Ces éléments permettent légitimement d’envisager que le conflit d’intérêts pouvait procéder non pas d’un seul concours de circonstances, mais d’un dessein frauduleux.

80
En premier lieu, il convient d’insister sur la gravité des termes dans lesquels le président du comité d’évaluation avait dénoncé le caractère contestable de la première évaluation. Ce dernier a en effet proposé, dans une note du 4 janvier 2000, l’annulation de cette évaluation et la tenue d’une nouvelle phase d’évaluation devant un comité siégeant dans une composition différente. Le président du comité d’évaluation avait, notamment, souligné le caractère « extrêmement discutable » du résultat de la première évaluation en raison du fait que M. A travaillait alors « en tant que chef d’équipe dans le cadre d’un projet en Ukraine financé par le gouvernement néerlandais et dont la mise en œuvre est assurée par Agriment International, qui est membre du groupe Stoas ».

81
Outre cette confusion d’intérêts, le président du comité d’évaluation soulignait également qu’il existait des éléments laissant craindre que M. A ait, effectivement, cherché à favoriser GFA au détriment des autres soumissionnaires. La note indiquait en effet que « M. A a[vait] placé en quatrième et en cinquième position les entreprises que les autres évaluateurs avaient classées soit à la première soit à la deuxième place ». Il a ajouté que, « [s]i on considère ces aspects dans leur ensemble, il y a de lourdes présomptions de ‘conflit d’intérêts’ et donc d’une notation [indûment] favorable au partenariat GFA/Stoas ».

82
Le président du comité d’évaluation avait également relevé que l’offre financière de GFA, d’un montant de 2,13 millions d’euros, « était nettement inférieure aux offres de la première et de la deuxième entreprise » et qu’une « offre aussi basse pourrait être interprétée comme une forme de dumping ». Il ressort ainsi des constatations et appréciations du président du comité d’évaluation que le caractère suspect de l’offre de GFA découlait non seulement du conflit d’intérêts résultant de la présence d’un employé de ce consortium au sein du comité, mais également du caractère anormalement bas de son offre financière.

83
En deuxième lieu, il y a lieu de relever que les circonstances permettaient légitimement de douter que la situation de conflit d’intérêts dans laquelle se trouvait M. A soit simplement fortuite ou exclusivement imputable à sa négligence.

84
D’abord, M. A avait omis de mentionner à la Commission ses activités au sein du groupe Stoas. Ainsi, lorsqu’il a présenté sa candidature au poste d’évaluateur externe et lors des travaux ultérieurs du comité d’évaluation, M. A n’a pas fait état du fait qu’il exerçait, pour le groupe Stoas, des tâches de direction se rapportant à un projet d’assistance en matière agricole (voir note du 4 janvier 2000). La pertinence d’une telle information aux fins de l’engagement de M. A comme évaluateur était d’autant plus manifeste que le marché FDRUS 9902 portait sur des services d’assistance en matière agricole qui présentaient certaines similitudes avec ceux dont M. A assurait la direction en Ukraine.

85
Ensuite, M. A, loin de se limiter à omettre de divulguer ses activités au sein du groupe Stoas, a expressément déclaré qu’il n’était nullement lié, directement ou indirectement, avec les soumissionnaires, à titre individuel ou en leur qualité de membre d’un consortium. Il apparaît en effet que, le 16 décembre 1999, M. A avait signé une déclaration d’impartialité aux termes de laquelle il affirmait :

« Je n’ai aucun lien direct ou indirect avec aucun des soumissionnaires, qu’ils soient individuels ou membres d’un consortium, qui ont répondu au dossier d’appel d’offres, ni avec aucun des sous-traitants proposés. Je confirme que, si je devais découvrir, au cours de l’évaluation, qu’un tel lien existe, je le déclarerais immédiatement et démissionnerais du comité d’évaluation. Je suis conscient que, si j’ai connaissance d’un tel lien et si j’ai négligé de le déclarer, la Commission européenne peut décider d’annuler l’appel d’offres en question, et que ma responsabilité peut être engagée. »

86
Enfin, le caractère suspect des éléments qui précèdent se trouve renforcé par le fait que M. A, après avoir commencé à examiner l’offre de GFA, ne pouvait prétendre qu’il ignorait se trouver dans une position incompatible avec son engagement d’impartialité. Cette offre faisait clairement apparaître que Stoas était l’un des membres du consortium GFA. De plus, lors de l’entretien d’évaluation auquel a participé M. A, GFA était, notamment, représenté par le directeur de la division responsable des activités internationales du groupe Stoas, M. B. Bien qu’il ait été ainsi face à une personne exerçant de hautes responsabilités dans le groupe qui l’employait, M. A, en violation des termes de la déclaration d’impartialité rappelés ci-dessus, a omis de déclarer ses liens avec ledit groupe et de démissionner du comité d’évaluation.

87
En troisième lieu, il convient d’insister sur le fait que la gravité de cette situation permettait raisonnablement d’envisager la possibilité d’une collusion entre M. A et GFA.

88
D’une part, il est légitime de s’interroger sur le caractère licite du comportement de GFA. Ainsi qu’il a été précédemment relevé, cette dernière était représentée au cours de l’entretien d’évaluation par le directeur de la division responsable des activités internationales du groupe Stoas, dont dépendait M. A. Selon l’offre de GFA, la division dirigée par M. B comprenait seulement 25 personnes, de sorte que la Commission pouvait raisonnablement considérer que ce dernier connaissait M. A. Ces éléments auraient dû inciter la Commission à s’interroger sur les raisons pour lesquelles M. B n’a pas divulgué les liens qu’il entretenait avec un des membres du comité d’évaluation.

89
D’autre part, M. A a été désigné par les services de la Commission comme expert externe au début du mois de septembre 1999, à un moment où GFA n’avait pas encore remis son offre. Bien que M. A n’ait pas participé à la préparation du cahier des charges, il était envisageable que, pendant les deux mois entre sa désignation en tant qu’expert externe et la date de dépôt des offres, ce dernier ait été en contact avec des représentants du consortium GFA. À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission, lors de l’audience, a reconnu que, si de tels contacts avaient existé, elle aurait alors été dans l’obligation d’exclure GFA de la procédure de passation du marché en cause. La Commission n’a cependant pas cherché à interroger M. A sur ce point.

90
Il découle de ce qui précède que la Commission, en omettant d’enquêter sur les relations entre M. A et le consortium GFA, a commis une erreur manifeste d’appréciation. En enfreignant de la sorte le principe de bonne administration, la Commission a également porté atteinte au principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires, qui lui impose d’examiner toute offre de manière impartiale et objective à la lumière des conditions et principes généraux régissant la procédure de passation du marché, afin d’assurer que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances.

91
En effet, le principe d’égalité de traitement interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés. En l’espèce, il existait des doutes sérieux quant au caractère licite de l’offre de GFA. Aussi longtemps que ces doutes demeuraient, ce consortium se trouvait dans une situation différente de celle de tous les autres soumissionnaires. En n’ouvrant pas d’enquête visant à mettre fin à cette situation, la Commission a traité GFA de la même manière que tous les autres soumissionnaires, alors même qu’un tel traitement n’était pas objectivement justifié. En enfreignant ainsi le principe d’égalité de traitement, la Commission a violé une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

92
En revanche, dans la mesure où il est établi que la Commission n’a pas agi avec la diligence requise afin de préparer les mesures destinées à poursuivre la procédure de passation du marché, il n’est pas possible de juger de la légalité de la décision de ne pas interdire à GFA de participer au reste de cette procédure. En effet, la légalité de celle-ci dépend directement du résultat de l’enquête que le Commission aurait dû mener afin de s’assurer de l’absence de collusion. Les éléments factuels versés au dossier ne permettant pas de conclure à l’existence d’une telle collusion, il convient, dès lors, de rejeter les griefs par lesquels les requérants visent à démontrer que la Commission aurait dû exclure GFA de la procédure de passation du marché.

93
S’agissant de la question de savoir si l’illégalité constatée est susceptible d’engager la responsabilité de la Communauté, il convient de rappeler que le critère décisif pour considérer qu’une violation du droit communautaire est suffisamment caractérisée est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution communautaire concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (arrêts Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité, point 55, et Bergaderm et Goupil/Commission, précité, point 43). Force est de constater que, en raison des circonstances du conflit d’intérêts précédemment relevées et des risques de fraude qu’il implique, l’omission de la Commission revêt un caractère manifeste et grave et est donc de nature à engager la responsabilité de la Communauté.

2. Sur le préjudice et le lien de causalité

94
Les requérants invoquent plusieurs chefs de préjudice, à savoir :

les pertes subies au cours de la procédure d’appel d’offres ;

la perte de bénéfices ;

la perte de « profil » ;

l’atteinte à la réputation d’AFCon et de ses dirigeants, MM. Mc Mullin et O’Grady.

a)     Sur la réparation du préjudice correspondant aux pertes subies du fait de la participation à la procédure d’appel d’offres

Arguments des parties

95
Les requérants demandent réparation du préjudice correspondant aux pertes subies du fait de leur participation à la procédure d’appel d’offres. Il s’agit des frais qu’AFCon aurait exposés inutilement en présentant son offre et des coûts liés aux plaintes introduites auprès de la Commission et du Médiateur. Ces pertes seraient constituées de la rémunération du personnel employé au développement du projet et de toutes les dépenses de voyage et de séjour exposées en conséquence. Les requérants évaluent ce préjudice, sur la base des coûts unitaires indiqués dans l’offre financière d’AFCon, à 82 570 euros.

96
La Commission conteste ces allégations. Elle fait valoir que, si le marché avait été attribué à AFCon, les coûts dont il est demandé remboursement auraient néanmoins dû être exposés. Elle estime, par conséquent, qu’il ne s’agit pas d’un préjudice dont elle peut être responsable.

Appréciation du Tribunal

97
Il convient de distinguer le préjudice constitué par les charges et frais exposés, d’une part, pour participer à la procédure d’appel d’offres et, d’autre part, pour contester la légalité de celle-ci.

–     Sur les frais relatifs à la présentation de l’offre d’AFCon

98
Il y a lieu de rappeler que les opérateurs économiques doivent supporter les risques économiques inhérents à leurs activités, eu égard aux circonstances de chaque cas d’espèce. Dans le cadre d’une procédure d’adjudication, ces risques économiques comprennent, notamment, les coûts liés à la préparation de l’offre. Les dépenses ainsi engagées restent donc à la charge de l’entreprise qui a choisi de participer à la procédure, la faculté de concourir pour un marché n’impliquant pas la certitude de l’adjudication qui en résulte. Conformément à ce principe, l’article 24 de la réglementation générale des appels d’offres et de l’octroi de marchés financés par les fonds Phare et Tacis prévoit que, en cas de résiliation ou d’annulation d’une procédure d’appel d’offres, les soumissionnaires n’ont droit à aucune indemnisation. Il s’ensuit que, en principe, les charges et frais encourus par un soumissionnaire pour sa participation à un appel d’offres ne sauraient constituer un préjudice susceptible d’être réparé par l’octroi de dommages et intérêts. Cependant, ladite disposition ne saurait, sans risquer de porter atteinte aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, s’appliquer dans les cas où une violation du droit communautaire dans la conduite de la procédure d’appel d’offres a affecté les chances d’un soumissionnaire de se voir attribuer un marché (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, Rec. p. II‑4239, points 75 et 97, et du 29 octobre 1998, TEAM/Commission, T‑13/96, Rec. p. II‑4073, points 70 à 72).

99
En l’espèce, les requérants ont démontré l’existence d’une violation du droit communautaire dans la conduite de la procédure d’appel d’offres. Or, cette violation a vicié de manière fondamentale la procédure d’appel d’offres et affecté les chances d’AFCon d’obtenir le marché en cause.

100
En effet, si la Commission avait mené une enquête sur les liens entre GFA et M. A, il est possible que celle-ci ait conclu à l’existence d’une collusion justifiant l’exclusion de GFA du reste de la procédure d’appel d’offres. À cet égard, il y a lieu de souligner que la Commission est en effet convenue, lors de l’audience, que, si tel avait été le résultat de cette enquête, elle aurait alors été tenue de sanctionner GFA en prononçant son exclusion.

101
En décidant de poursuivre la procédure d’appel d’offres sans ouvrir d’enquête, la Commission a pris en considération l’offre de GFA et attribué le marché à ce consortium en dépit de l’existence d’indices concordants permettant d’envisager la possibilité d’une collusion avec un membre du comité d’évaluation. En agissant de la sorte, sans s’assurer de l’absence d’irrégularités dans la participation de GFA, la Commission a permis à ce dernier de se maintenir en lice et, partant, a affecté les chances d’AFCon de se voir attribuer le marché.

102
Il est vrai que tout soumissionnaire qui participe à une procédure d’appel d’offres doit, en principe, accepter le risque que les frais liés à la présentation de son offre restent à sa charge dans l’hypothèse où le marché serait adjugé à l’un de ses concurrents. Cependant, l’acceptation de ce risque repose sur la présomption inhérente à tout appel d’offres, selon laquelle la Commission agira de manière impartiale conformément aux principes rappelés au point 90 ci-dessus de manière à assurer l’égalité des chances entre les soumissionnaires. En laissant participer GFA en dépit des indices précédemment mentionnés et en omettant d’ouvrir une enquête, la Commission a rompu cette présomption et directement porté atteinte aux chances d’AFCon. Par conséquent, il y a lieu d’indemniser AFCon pour le préjudice tenant aux frais exposés pour la participation à la procédure.

103
S’agissant de la quantification de ce préjudice, les requérants l’évaluent à 31 070 euros, au titre des frais exposés par un voyage de reconnaissance en Russie méridionale (8 800 euros), du temps et des frais consacrés à la préparation de l’offre (14 950 euros) ainsi que des frais de voyage à Bruxelles pour participer aux deux entretiens d’évaluation (7 320 euros). Cette évaluation n’apparaissant pas excessive, il y a lieu de fixer à concurrence de 31 070 euros le préjudice subi par AFCon au titre des frais relatifs à la présentation de son offre.

–     Sur les frais exposés pour contester la légalité de la procédure d’appel d’offres

104
Il y a lieu d’admettre que ce préjudice est actuel, réel et certain et découle directement de l’illégalité du comportement reproché à la Commission. Les requérants ont soutenu que ce chef de préjudice atteignait 51 500 euros, montant composé des éléments suivants :

ressources consacrées aux diverses plaintes et procédures autres que le présent recours engagées par AFCon après l’attribution du contrat en cause à GFA (26 500 euros) ;

frais de voyage et de réunions en Russie, en Irlande et en Belgique avec des contacts, des politiciens ainsi que des avocats (25 000 euros).

105
S’agissant des dépenses liées aux frais de voyage, de réunions et d’avocats, les requérants n’ont apporté aucun élément permettant de vérifier que ces dépenses relèvent du préjudice indemnisable ni aucune preuve de nature à étayer leur estimation. Faute d’éléments probants, ces dépenses ne peuvent donc être prises en considération aux fins de la quantification du préjudice subi.

106
S’agissant des ressources consacrées aux diverses plaintes déposées par AFCon auprès de la Commission et du Médiateur, il y a lieu de constater que leur évaluation tient compte de deux éléments.

107
Le premier élément concerne la quantité d’honoraires/jours (« fee/days ») consacrés par AFCon à la défense de ses intérêts afin de contester la validité de la procédure d’appel d’offres. Pour la période comprise entre la notification à AFCon de l’attribution du marché le 17 août 2000 et la dernière intervention du ministre des Affaires européennes irlandais auprès d’un membre de la Commission en faveur d’AFCon en février 2003, cette quantité est évaluée à 28 honoraires/jours. Le taux d’honoraires journalier est fixé à 500 euros par référence à celui appliqué par AFCon dans son offre financière. Cette évaluation n’apparaît pas excessive. Par conséquent, il convient de fixer à concurrence de 14 000 euros le préjudice subi par AFCon découlant du temps ainsi consacré à la défense de ses intérêts.

108
Le second élément concerne des coûts de recherche, à concurrence de 12 500 euros. Toutefois, les requérants n’ont apporté aucun élément permettant de comprendre ce que recouvraient exactement ces coûts ni aucune pièce permettant de justifier leur montant. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande pour ces prétendues recherches.

109
Par conséquent, il y a lieu de condamner la Commission à payer à AFCon la somme de 14 000 euros en réparation du préjudice subi en raison des frais exposés par cette dernière pour la défense de ses intérêts.

b)     Sur la réparation du préjudice correspondant à la perte de bénéfices

Arguments des parties

110
Au titre de la perte de bénéfices, les requérants réclament 25 % de la valeur de l’offre financière d’AFCon, soit 741 591 euros. Ce montant correspondrait à la marge bénéficiaire qu’AFCon aurait réalisée si le contrat lui avait été octroyé.

111
La Commission réserve sa position sur ce calcul en l’absence de pièces justificatives produites par AFCon.

Appréciation du Tribunal

112
Le préjudice invoqué au titre du manque à gagner présuppose qu’AFCon avait droit à l’attribution du marché. Or, même si la Commission avait effectué une enquête sur les liens existant entre M. A et GFA et conclu à l’existence d’une collusion justifiant l’exclusion de GFA de la procédure, AFCon n’aurait pas été assurée d’obtenir le marché.

113
En effet, l’adjudicateur n’est pas lié par la proposition du comité d’évaluation mais dispose d’un pouvoir d’appréciation important sur les éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision d’attribuer le marché (arrêt TEAM/Commission, précité, point 76). Certes, les requérants ont invoqué, à cet égard, le rapport spécial de la Cour des comptes n° 16/2000 relatif aux procédures de mise en concurrence des marchés de services des programmes Phare et Tacis, accompagné des réponses de la Commission (JO 2000, C 350, p. 1), dont il ressort que, sur 120 contrats conclus au titre de ces programmes, la Commission a suivi 117 fois la recommandation du comité d’évaluation. Toutefois, ces éléments statistiques ne permettent pas de conclure que, en l’espèce, le marché aurait, de manière certaine, été attribué à AFCon si GFA avait été exclu de la procédure.

114
Dès lors, le préjudice correspondant au manque à gagner d’AFCon n’est pas réel et certain, mais hypothétique. Il ne peut donc faire l’objet d’une indemnisation.

c)     Sur la réparation du préjudice correspondant à la perte de « profil »

Arguments des parties

115
Les requérants font valoir que l’octroi du marché en cause aurait permis à AFCon de participer à d’autres appels d’offres. Or, après la procédure d’appel d’offres en cause, l’activité d’AFCon aurait commencé à péricliter. L’attribution du marché en cause à GFA aurait porté atteinte à la réputation et à l’activité d’AFCon.

116
En effet, AFCon aurait été automatiquement exclue des procédures d’appel d’offres ultérieures. Dès 2002, de nouvelles règles d’éligibilité auraient interdit à AFCon de participer aux procédures d’appel d’offres, car ces règles exigeaient des soumissionnaires un chiffre d’affaires annuel et une expérience dont AFCon ne disposait plus.

117
Les requérants évaluent la perte de « profil » provisoirement à 600 000 euros.

118
La Commission conteste ces allégations, qu’elle estime non étayées.

Appréciation du Tribunal

119
Le préjudice dont la réparation est demandée repose sur l’allégation selon laquelle l’octroi du marché en cause à GFA aurait, par la suite, entraîné une diminution de l’activité d’AFCon allant jusqu’à son exclusion, de facto, des procédures d’appel d’offres pour des marchés comparables à celui en cause dans la présente affaire. Or, cette allégation n’est pas étayée.

120
En conséquence, la responsabilité extracontractuelle de la Commission ne saurait être engagée pour ce chef de préjudice.

d)     Sur la réparation du préjudice tenant à l’atteinte à la réputation d’AFCon et de ses dirigeants

Arguments des parties

121
Les requérants font valoir que la réputation d’AFCon a été ternie par le fait de ne pas avoir emporté le marché ainsi que par les irrégularités qui ont affecté la procédure d’appel d’offres.

122
La Commission aurait discrédité l’expertise technique et professionnelle d’AFCon. Sa décision de ne pas retenir AFCon aurait eu de larges répercussions, puisque, après avoir été évincée de 27 procédures d’appel d’offres, AFCon a pris la décision de ne plus soumissionner pour des projets Phare et Tacis.

123
Les requérants soutiennent que ces échecs coïncident avec les plaintes d’AFCon concernant le projet FDRUS 9902. Ils indiquent posséder des éléments de preuve indiquant qu’AFCon a été placée sur une « liste noire ». Ce chef de préjudice est évalué à 600 000 euros.

124
Les requérants font valoir que cette atteinte à la réputation d’AFCon affecte également celle de MM. Mc Mullin et O’Grady. Ils évaluent ce chef de préjudice à 75 000 euros par personne.

125
La Commission soutient que les prétentions des requérants ne sont pas étayées. De multiples raisons autres que l’attribution du marché en cause à GFA pourraient expliquer les déboires d’AFCon. Elle dément l’existence d’une quelconque « liste noire ». Elle dément également avoir porté atteinte à la réputation de MM. Mc Mullin et O’Grady.

Appréciation du Tribunal

126
Force est de constater que les requérants n’ont pas prouvé l’existence d’une quelconque liste noire ou de propos ou pratiques attentatoires à la réputation d’AFCon qui puissent être imputés à la Commission. Dès lors, le préjudice allégué ne peut être considéré comme actuel, réel et certain.

127
Il convient de rejeter pour les mêmes motifs les allégations relatives à une prétendue atteinte à la réputation de MM. Mc Mullin et O’Grady.

e)     Sur les intérêts

Arguments des parties

128
Les requérants demandent au Tribunal d’augmenter le montant des indemnités allouées d’intérêts compensatoires au taux annuel de 8 %, actuellement en vigueur en Irlande.

129
Les requérants demandent, en outre, que la Commission soit condamnée au paiement d’intérêts moratoires, sur la base du même taux, à compter de l’arrêt mettant fin à la présente instance.

Appréciation du Tribunal

130
S’agissant de la computation des intérêts compensatoires, il convient d’en fixer le point de départ au premier jour du mois suivant celui au cours duquel AFCon a effectué ses dernières démarches non contentieuses. Celles-ci ayant eu lieu au cours du mois de février 2003, le point de départ doit être fixé au 1er mars 2003.

131
Il ressort des annexes de la requête que les requérants n’ont pas demandé, dans leur évaluation du préjudice allégué, l’application d’intérêts composés. Par conséquent, pour la liquidation de la dette de la Commission, il y a lieu d’appliquer la méthode des intérêts simples.

132
S’agissant de la détermination du taux des intérêts compensatoires, il y a lieu de calculer celui-ci sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points, soit un taux annuel de 4 %. Le montant de la dette de la Commission envers AFCon s’élève, à la date du prononcé du présent arrêt, à la somme de 48 605 euros, intérêts compris.

133
Il convient de majorer cette somme des intérêts moratoires à compter du prononcé du présent arrêt jusqu’au complet paiement. Le taux des intérêts moratoires à appliquer est calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points. Le montant des intérêts est calculé sur la base de la méthode des intérêts composés.


Sur les dépens

134
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérants.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)
La Commission est condamnée à payer à AFCon la somme de 48 605 euros, majorée des intérêts à compter du prononcé du présent arrêt jusqu’au complet paiement. Le taux d’intérêt à appliquer est calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points. Le montant des intérêts est calculé sur la base de la méthode des intérêts composés.

2)
Le recours est rejeté pour le surplus.

3)
La Commission est condamnée aux dépens.

Lindh

García-Valdecasas

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 mars 2005.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh

Table des matières

Antécédents du litige

Procédure

Conclusions des parties

En droit

    A –  Sur la demande de mesures d’instruction

    B –  Sur la demande en réparation

        1.  Sur l’illégalité du comportement reproché à la Commission

            a)  Sur la régularité de l’offre de GFA

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

            b)  Sur le recours à des critères d’évaluation illicites

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

            c)  Sur les conséquences du conflit d’intérêts

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

        2.  Sur le préjudice et le lien de causalité

            a)  Sur la réparation du préjudice correspondant aux pertes subies du fait de la participation à la procédure d’appel d’offres

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

                    –  Sur les frais relatifs à la présentation de l’offre d’AFCon

                    –  Sur les frais exposés pour contester la légalité de la procédure d’appel d’offres

            b)  Sur la réparation du préjudice correspondant à la perte de bénéfices

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

            c)  Sur la réparation du préjudice correspondant à la perte de « profil »

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

            d)  Sur la réparation du préjudice tenant à l’atteinte à la réputation d’AFCon et de ses dirigeants

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

            e)  Sur les intérêts

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

Sur les dépens



1
Langue de procédure : l'anglais.