Language of document : ECLI:EU:T:2005:116

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

5 avril 2005 (*)

«Fonctionnaires – Concours interne – Non-admission aux épreuves orales – Exigence de connaissances linguistiques spécifiques – Principe d’égalité de traitement – Accès aux documents du Conseil – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T-376/03,

Michel Hendrickx, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes J.-N. Louis, S. Orlandi, A. Coolen et E. Marchal, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M. Sims et M. F. Anton, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, l’annulation de la décision du jury du concours Conseil/A/270 d’attribuer au requérant une note éliminatoire pour l’épreuve écrite A.3 et de ne pas l’admettre aux épreuves orales et, d’autre part, la condamnation du Conseil à payer un euro symbolique en indemnisation du préjudice moral subi,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme I. Labucka, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 décembre 2004,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1.     Avis de concours

1       Le 4 octobre 2002, le secrétariat général du Conseil (ci-après le « SGC ») a publié un avis de concours interne Conseil/A/270 (ci-après l’« avis de concours ») en vue du passage vers la catégorie A sur épreuves écrites et orales, afin de pourvoir à quatre emplois vacants et de constituer une liste de réserve d’administrateurs.

2       Au nombre des conditions d’admission au concours, le point II, sous c), de l’avis de concours expose le contenu des connaissances linguistiques requises des candidats dans les termes suivants :

« [Les candidats doivent p]osséder une maîtrise parfaite d’une des langues officielles des Communautés européennes. Pour des raisons fonctionnelles, une très bonne connaissance soit de l’anglais, soit du français, ainsi qu’une connaissance suffisante de l’autre de ces deux langues, est exigée.

Les candidats ayant choisi le français ou l’anglais comme langue dont ils possèdent une maîtrise parfaite devront avoir une très bonne connaissance de l’autre de ces deux langues, ainsi qu’une connaissance suffisante d’une troisième langue officielle des Communautés européennes.

La connaissance de cette langue ainsi que la connaissance d’autres langues officielles seront prises en considération par le jury lors des épreuves orales. »

3       Le point IV de l’avis de concours décrit le contenu et les modalités des épreuves du concours :

« Remarque générale : pour chacune des épreuves ci-après, toute note inférieure à 60 % de la notation sera éliminatoire.

Les épreuves écrites A.1 et A.2 ainsi que l’épreuve orale B.1 se feront dans la langue principale choisie par le candidat dans l’acte de candidature.

A. Épreuves écrites

[Épreuve écrite A.1] Épreuve de nature pratique consistant à analyser un dossier relatif aux activités de l’Union européenne et [à] en rédiger une synthèse.

Durée : 3 heures.

Notation : de 0 à 40 points.

[Épreuve écrite A.2] Dissertation sur un thème choisi par le candidat entre plusieurs sujets relatifs aux activités de l’Union européenne, qui permettra de déterminer le niveau de ses connaissances, de ses capacités rédactionnelles et de la rigueur de son raisonnement.

Durée : 3 heures.

Notation : de 0 à 40 points.

[Épreuve écrite A.3] Bref exposé écrit en anglais ou en français – selon le choix exprimé par le candidat dans l’acte de candidature – lié aux activités du Conseil de l’Union européenne, permettant d’apprécier son aptitude à rédiger dans une de ces deux langues. Les candidats ayant rédigé les épreuves sous A.1 et A.2 en français ou en anglais devront rédiger la présente épreuve dans l’autre de ces deux langues.

Durée : 2 heures.

Notation : de 0 à 30 points.

B. Épreuves orales

[Épreuve orale B.1] Entretien permettant d’apprécier les connaissances générales et professionnelles du candidat, sa motivation ainsi que sa connaissance du fonctionnement du [SGC].

Notation : de 0 à 40 points.

[Épreuve orale B.2] Entretien devant permettre d’apprécier les connaissances de l’anglais et du français du candidat. Les candidats ayant rédigé les épreuves A.1 et A.2 en français ou en anglais devront démontrer une connaissance suffisante d’une autre langue officielle des Communautés européennes que le français et l’anglais. Cet entretien permettra également de tester la connaissance de toute autre langue officielle des Communautés européennes indiquée par le candidat dans son acte de candidature.

Notation : de 0 à 20 points. »

4       Les tableaux ci-dessous exposent les différentes combinaisons linguistiques envisagées par l’avis de concours, en considération de la langue choisie par le candidat comme étant la langue dont il possède une maîtrise parfaite, laquelle peut être l’anglais, le français, ou une autre langue officielle des Communautés :

Candidats choisissant l’anglais pour les épreuves A.1 et A.2
(d’après l’avis de concours)

Niveau requis

Épreuves écrites A.1 et A.2

Anglais

Maîtrise parfaite

Épreuve écrite A.3

Français

Très bonne connaissance

Épreuve orale B.2

Autre langue

Connaissance suffisante


Candidats choisissant le français pour les épreuves A.1 et A.2
(d’après l’avis de concours)

Niveau requis

Épreuves écrites A.1 et A.2

Anglais

Maîtrise parfaite

Épreuve écrite A.3

Français

Très bonne connaissance

Épreuve orale B.2

Autre langue

Connaissance suffisante


Candidats choisissant une autre langue pour les épreuves A.1 et A.2
(d’après l’avis de concours)

Niveau requis

Épreuves écrites A.1 et A.2

Anglais

Maîtrise parfaite

Épreuve écrite A.3

Anglais (ou français au choix)

Très bonne connaissance

Épreuve orale B.2

Français (ou Anglais selon choix fait pour l’épreuve A.3)

Connaissance suffisante


2.     Candidature du requérant

5       Le requérant est un fonctionnaire de catégorie B, affecté au SGC. Il a participé aux épreuves écrites du concours Conseil/A/270 en choisissant le français pour les épreuves écrites A.1 et A.2.

6       Par lettre du 28 juillet 2003, le service de recrutement du Conseil a informé le requérant que le jury ne l’avait pas admis aux épreuves orales étant donné qu’il avait obtenu une note éliminatoire de 15/30 à l’épreuve écrite A.3, le minimum de points requis pour cette épreuve étant de 18 points sur 30. Il s’agit de la décision attaquée dans la présente affaire.

7       Par lettre du 31 juillet 2003, le requérant a indiqué au service de recrutement du Conseil qu’il était surpris de ne pas avoir réussi cette épreuve, qui consistait pour lui à rédiger un bref exposé en anglais, étant donné qu’il n’avait jamais échoué à ce type d’épreuve lors de ses précédentes participations à des concours généraux de niveau A au sein des institutions. Le requérant a précisé aussi qu’il avait obtenu la note de 16/20 (soit 24 points sur 30) lors du dernier concours général organisé par la Commission dans le domaine de l’audit. En dernier lieu, le requérant a indiqué qu’il « souhait[ait] savoir si le jury pou[vait] procéder à une nouvelle correction de [son] épreuve ».

8       Par lettre du 16 septembre 2003, le président du jury a répondu comme suit à la lettre du requérant du 31 juillet 2003 :

« Après avoir vérifié votre dossier, le jury doit malheureusement confirmer le résultat de l’épreuve A.3 tel qu’il vous a été transmis par lettre du 28 juillet 2003. Il va de soi que, comme pour toutes les copies de ce concours, votre épreuve a été corrigée dans le cadre de l’anonymat.

Quant à l’argument que vous avancez selon lequel dans d’autres concours, notamment à la Commission, vous auriez mieux réussi l’épreuve linguistique en anglais, je vous rappelle que les appréciations auxquelles se livre un jury de concours, lorsqu’il évalue les connaissances et les aptitudes des candidats, sont de nature comparative. Selon une jurisprudence bien établie, le jury, dans son évaluation des connaissances professionnelles des candidats ainsi que de leurs aptitudes et motivation, doit se fonder, de façon exclusive et autonome, sur les seules prestations des candidats du concours, conformément aux prescriptions de l’avis de concours. »

9       Par courriel du 7 octobre 2003, le requérant a demandé au service de recrutement du Conseil de lui communiquer le corrigé de l’ensemble de ses épreuves.

10     Par courriel du 9 octobre 2003, le service de recrutement du Conseil a répondu comme suit à cette demande :

« La pratique établie au SGC pour les concours qui étaient déjà en cours le 1er septembre 2003 est de donner accès aux copies vierges des épreuves et aux fiches d’évaluation synthétique reprenant la note attribuée, dans les cas où le jury aurait élaboré une telle fiche. En l’espèce, le jury ne l’a pas élaborée et donc le seul document à rendre reste la copie de l’épreuve. Je vous envoie donc les copies de vos épreuves aujourd’hui par courrier interne. »

 Procédure et conclusions des parties

11     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 novembre 2003, le requérant a introduit le présent recours.

12     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

13     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience publique du 7 décembre 2004. À cette occasion, le Conseil a renoncé à faire valoir l’irrecevabilité du premier moyen du recours.

14     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision du jury du concours Conseil/A/270 de lui attribuer une note éliminatoire pour l’épreuve écrite A.3 et de ne pas l’admettre aux épreuves orales du concours ;

–       condamner le Conseil au paiement d’un euro symbolique en indemnisation du préjudice moral subi ;

–       condamner le Conseil aux dépens.

15     Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner le requérant à supporter ses propres dépens.

 En droit

1.     Sur la conclusion en annulation

16     Le requérant invoque quatre moyens à l’appui de sa conclusion en annulation de la décision du jury du concours Conseil/A/270 de lui attribuer une note éliminatoire pour l’épreuve écrite A.3 et de ne pas l’admettre aux épreuves orales du concours. Le premier moyen est tiré de l’illégalité de l’avis de concours ; le deuxième moyen est pris de la violation de l’avis de concours ; le troisième moyen est tiré de la violation du principe de transparence et du droit d’accès aux documents consacrés par l’article 255, paragraphe 1, CE ainsi que de la violation du principe de bonne administration ; le quatrième moyen est pris de la violation de l’obligation de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité de l’avis de concours

17     Le requérant soutient que l’avis de concours est illégal, au motif qu’il viole le principe d’égalité de traitement et l’article 28, sous f), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version en vigueur au moments des faits (ci-après le « statut »), en l’obligeant à rédiger l’épreuve écrite A.3 en anglais et à démontrer une très bonne connaissance de cette langue, alors que d’autres candidats pouvaient se contenter de démontrer une connaissance suffisante de l’anglais dans le cadre de l’épreuve orale B.2. La décision attaquée devrait donc être annulée en ce qu’elle se fonde sur un avis de concours illégal.

 a) Sur la violation du principe d’égalité de traitement


 Arguments des parties

18     Le requérant soutient que l’avis de concours viole le principe d’égalité de traitement en ce qu’il discrimine les candidats qui ont choisi le français ou l’anglais afin de passer les épreuves A.1 et A.2, en leur imposant de posséder une maîtrise parfaite de l’une de ces langues (dans le cadre des épreuves écrites A.1 et A.2) et une très bonne connaissance de l’autre (dans le cadre de l’épreuve écrite A.3), alors que les autres candidats – qui n’ont pas choisi le français ou l’anglais pour passer les épreuves A.1 et A.2 – ne devaient justifier que d’une très bonne connaissance de l’anglais ou du français (dans le cadre de l’épreuve écrite A.3) et d’une connaissance suffisante de l’autre de ces langues (dans le cadre de l’épreuve orale B.2).

19     Ainsi, le requérant souligne que, contrairement à ce qu’estime le Conseil, les règles exposées dans l’avis de concours ne se limitent pas à permettre l’établissement d’une liste de lauréats ayant tous au minimum une très bonne connaissance de l’anglais et une connaissance suffisante du français ou une très bonne connaissance du français et une connaissance suffisante de l’anglais, dès lors que les exigences auxquelles sont soumises les candidats dont la langue maternelle est le français ou l’anglais – dont il est exigé une maîtrise parfaite – vont au-delà de celles qui pèsent sur les autres candidats.

20     À titre d’exemple, le requérant expose qu’un candidat de langue maternelle italienne, qui déciderait de passer les épreuves écrites A.1 et A.2 en italien et choisirait le français pour l’épreuve écrite A.3, n’aurait à prouver qu’une très bonne connaissance de cette langue et, par voie de conséquence, uniquement une connaissance suffisante de l’anglais dans le cadre de l’épreuve orale B.2. De ce fait, les capacités d’un tel candidat à rédiger en anglais ne pourraient être vérifiées par le jury. En revanche, il serait exigé du requérant de langue maternelle française, et possédant une très bonne connaissance du grec et de l’italien, qu’il démontre lors des épreuves écrites une très bonne connaissance de l’anglais.

21     Le requérant observe, également, que les raisons fonctionnelles avancées pour justifier les exigences linguistiques spécifiques de l’avis de concours impliquent des connaissances tant orales qu’écrites des langues imposées. Dès lors, le fait que le lauréat du concours, de langue maternelle italienne, ait pu être interrogé oralement en anglais sans avoir à démontrer ses compétences rédactionnelles dans cette langue impliquerait que le Conseil estime qu’une connaissance orale suffisante de l’anglais serait à même de satisfaire l’objectif désiré, à savoir permettre à deux fonctionnaires du SGC de communiquer sans l’intermédiaire d’un troisième. La connaissance écrite de l’anglais ne serait donc pas nécessaire si l’on dispose d’une très bonne connaissance écrite du français en plus de la maîtrise d’une autre langue. Par conséquent, la vérification pour les candidats francophones du caractère suffisant de leur connaissance orale de l’anglais aurait dû suffire.

22     En outre, le requérant fait valoir qu’il ne pourrait être mis fin à la discrimination précitée qu’en permettant aux candidats de langues anglaise et française, comme cela est permis pour les autres candidats, de prouver, dans le cadre de l’épreuve écrite A.3, une très bonne connaissance d’une langue autre que le français ou l’anglais et, dans le cadre de l’épreuve orale, une bonne connaissance du français ou de l’anglais selon la langue retenue pour les épreuves écrites A.1 et A.2.

23     Le Conseil expose, tout d’abord, que l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a estimé, pour des raisons fonctionnelles tenant au fait que l’anglais et le français sont les deux langues les plus utilisées au sein du SGC, que les administrateurs recrutés dans le cadre de l’avis de concours devaient tous au moins avoir, et ce quelle que soit la langue dont ils ont une maîtrise parfaite, une très bonne connaissance, parmi l’anglais et le français, de l’une de ces deux langues et une connaissance suffisante de l’autre. Le Conseil indique, à ce titre, que les tâches du SGC incombant aux administrateurs, à savoir la production de documents et l’organisation de réunions, sont principalement exécutées en anglais et en français. Cela permettrait de garantir que deux fonctionnaires du SGC soient toujours en mesure de communiquer et de se comprendre directement sans l’intermédiaire d’un autre fonctionnaire.

24     Le Conseil souligne ensuite que, dans la mesure où il aurait été contraire au principe d’égalité de traitement de faire concourir ensemble des candidats lors d’une épreuve écrite unique dans une seule langue (l’anglais ou le français), qui est la langue maternelle de certains d’entre eux seulement, il était nécessaire d’organiser au moins deux épreuves écrites dans des langues différentes et de distinguer entre les fonctionnaires dont l’anglais ou le français sont la langue maternelle, d’une part, et les fonctionnaires dont ce n’est pas le cas, d’autre part. Il convenait donc, selon le Conseil, de distinguer entre deux catégories de fonctionnaires parmi les candidats au concours, selon que ces fonctionnaires avaient ou non la maîtrise parfaite de l’anglais ou du français. Par ailleurs, la situation du requérant ne serait pas comparable à celle des candidats non francophones ou anglophones.

 Appréciation du Tribunal

25     Il ressort de la jurisprudence qu’il y a violation du principe d’égalité de traitement énoncé à l’article 5, paragraphe 3, du statut, lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelles et juridiques ne présentent pas de différence essentielle, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations juridiques différentes sont traitées de manière identique (arrêts du Tribunal du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T-100/92, RecFP p. I-A-83 et II-275, point 50, et du 25 mai 2000, Elkaïm/Commission, T-173/99, RecFP p. I-A-101 et II-433, point 64).

26     Il convient de relever que l’intérêt du service peut justifier qu’il soit exigé d’un candidat à un concours qu’il dispose de connaissances linguistiques spécifiques dans certaines langues des Communautés. La Cour a ainsi jugé que la référence aux « raisons fonctionnelles », utilisée dans le cadre des procédures de recrutement exigeant une connaissance approfondie d’une langue particulière, signifie que le niveau de connaissance linguistique exigé est celui qui s’avère proportionné aux besoins réels du service (arrêts de la Cour du 19 juin 1975, Küster/Parlement, 79/74, Rec. p. 725, points 16 et 20, et du 29 octobre 1975, Küster/Parlement, 22/75, Rec. p. 1267, points 13 et 17).

27     En l’espèce, l’avis de concours indique que, si tous les candidats doivent maîtriser une des langues officielles des Communautés, ils doivent également avoir, « [p]our des raisons fonctionnelles, une très bonne connaissance soit de l’anglais, soit du français, ainsi qu’une connaissance suffisante de l’autre de ces langues » [point II, sous c), premier alinéa, de l’avis de concours]. Ces exigences linguistiques spécifiques s’expliquent par le fait que les tâches du SGC qui incombent aux administrateurs, à savoir la production de documents et l’organisation de réunions, sont en fait exécutées principalement en anglais et en français, qui sont les deux langues les plus utilisées au sein du SGC.

28     À cet égard, il y a lieu de relever, comme le fait à juste titre le Conseil, que, si toutes les épreuves du concours s’étaient déroulées en français ou en anglais et avaient été appréciées selon le même niveau de difficulté quelle que soit la langue maternelle du candidat, les candidats de langue maternelle anglaise ou française auraient obtenu de meilleurs résultats que les candidats qui n’avaient pas l’une de ces langues comme langue maternelle et, partant, les premiers auraient été avantagés par rapport aux seconds.

29     C’est donc afin de concilier les raisons fonctionnelles propres au SGC et d’éviter d’avantager les candidats qui maîtrisent parfaitement l’anglais ou le français que l’avis de concours prévoit trois séries d’épreuves pour évaluer les connaissances linguistiques des candidats.

30     S’agissant des épreuves écrites A.1 et A.2, l’avis de concours exige de tous les candidats qu’ils démontrent la maîtrise parfaite de la langue choisie pour ces épreuves. Il ne saurait donc y avoir de violation du principe d’égalité de traitement entre les différents candidats pour ce qui est des connaissances linguistiques requises dans le cadre de ces épreuves.

31     S’agissant de l’épreuve écrite A.3, l’avis de concours impose à tous les candidats de passer cette épreuve en anglais ou en français afin de démontrer la très bonne connaissance de l’une de ces deux langues. Il ne saurait donc non plus y avoir de violation du principe d’égalité de traitement entre les différents candidats. Le fait que les candidats qui ont choisi l’anglais ou le français pour les épreuves A.1 et A.2 n’aient pas d’autre choix que de choisir l’autre de ces langues dans le cadre de l’épreuve A.3 ne saurait constituer une discrimination, puisque cette situation découle du choix fait par les candidats eux-mêmes pour les épreuves A.1 et A.2 et qu’une telle situation est justifiée par les raisons fonctionnelles précitées.

32     S’agissant de l’épreuve orale B.2, l’avis de concours distingue la situation des candidats selon les langues choisies pour les trois épreuves écrites. Ceux qui ont choisi l’anglais et le français pour ces épreuves doivent alors démontrer la connaissance suffisante d’une troisième langue de la Communauté. En revanche, les candidats qui ont choisi une autre langue que l’anglais et le français pour les épreuves écrites A.1 et A.2 doivent démontrer la connaissance suffisante, soit de l’anglais, soit du français, selon le choix fait pour l’épreuve écrite A.3.

33     Dès lors, les différences entre les candidats dont la langue maternelle est l’anglais ou le français et ceux ayant une autre langue maternelle ne peuvent pas constituer une violation du principe d’égalité de traitement. En effet, d’une part, ces différences ne sont que la conséquence du choix offert à chaque candidat en ce qui concerne la langue dont il entend démontrer la connaissance parfaite, question qui dépend de circonstances propres à chaque candidat, de façon à ne pas avantager les candidats qui maîtrisent parfaitement l’anglais ou le français. D’autre part, lesdites différences sont justifiées par les raisons fonctionnelles évoquées par l’avis de concours, à savoir l’obtention du plus haut degré possible de compétence en français et en anglais, qui sont les langues les plus utilisées au sein du SGC. Dans une Union européenne qui comporte 20 langues officielles, le principe d’égalité de traitement ne saurait être violé du fait qu’il existe des différences qui découlent de circonstances propres à chaque candidat.

34     À cet égard, il convient de relever que le système préconisé par le requérant, selon lequel il aurait dû pouvoir – en tant que candidat ayant choisi le français comme langue dont il avait la maîtrise parfaite dans le cadre des épreuves écrites A.1 et A.2 – choisir une autre langue que l’anglais, afin d’en démontrer la très bonne connaissance dans le cadre de l’épreuve écrite A.3 et, ensuite, de prouver la connaissance suffisante de l’anglais dans le cadre de l’épreuve orale B.2, ne répond pas aux raisons fonctionnelles précitées évoquées par le Conseil. En outre, une telle solution serait contraire au principe d’égalité de traitement étant donné que le Conseil a exigé de tous les candidats qu’ils choisissent l’anglais ou le français dans le cadre de l’épreuve écrite A.3.

35     Par conséquent, le grief du requérant relatif à la violation du principe d’égalité de traitement doit être rejeté.

 b) Sur la violation de l’article 28, sous f), du statut

36     Le requérant soutient que l’avis de concours est illégal en ce qu’il viole l’article 28, sous f), du statut, aux termes duquel « [n]ul ne peut être nommé fonctionnaire s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues des Communautés et une connaissance satisfaisante d’une autre langue des Communautés dans la mesure nécessaire aux fonctions qu’il est appelé à exercer ». En l’espèce, le requérant observe que le Conseil ne fournit pas d’explications permettant de comprendre pour quelles raisons les candidats doivent posséder une maîtrise de leur première langue, une très bonne connaissance d’une deuxième langue et une connaissance suffisante d’une troisième langue.

37     Le Tribunal constate que l’avis de concours est allé au-delà des exigences posées par l’article 28, sous f), du statut, en exigeant que, pour être admis au concours, le candidat possède une maîtrise parfaite d’une des langues des Communautés, une très bonne connaissance d’une deuxième de ces langues, une connaissance suffisante d’une troisième et, « [p]our des raisons fonctionnelles, une très bonne connaissance soit de l’anglais, soit du français, ainsi qu’une connaissance suffisante de l’autre de ces langues » [point II, sous c), premier alinéa, de l’avis de concours].

38     Cependant, les exigences linguistiques de l’avis de concours en ce qui concerne la connaissance de l’anglais et du français sont justifiées par des raisons fonctionnelles liées au fait que le travail des administrateurs du SGC nécessite, au minimum, et ce quelle que soit la langue dont ils détiennent une maîtrise parfaite, une très bonne connaissance, parmi l’anglais et le français, de l’une de ces deux langues les plus couramment utilisées au sein du SGC et une connaissance suffisante de l’autre. De cette manière, les administrateurs du SGC seront toujours en mesure de communiquer directement avec les autres fonctionnaires du SGC sans passer par l’intermédiaire d’une tierce personne.

39     L’article 28, sous f), du statut ne faisant qu’établir une exigence minimale, il n’interdit pas que l’AIPN impose une exigence plus stricte, lorsque cela est justifié par des raisons fonctionnelles et que ce niveau d’exigence s’impose à tous les candidats.

40     Par conséquent, le grief du requérant relatif à la violation de l’article 28, sous f), du statut doit être rejeté.

41     Il ressort de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’avis de concours

42     Le requérant soutient que le jury a violé l’avis de concours, aux termes duquel l’épreuve écrite A.3 devait consister en un « [b]ref exposé écrit […] lié aux activités du Conseil de l’Union européenne » (point IV.A.3 de l’avis de concours), en proposant le sujet du « rôle du secrétariat du Conseil » qui ne concernerait pas les activités du Conseil et dépasserait donc le thème fixé dans l’avis. Le jury serait ainsi sorti du cadre de légalité que constitue l’avis de concours (arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Delloye e.a./Commission, T‑44/92, Rec. p. II‑221, point 22), et ce serait sur une base illégale que le jury a considéré que le requérant n’avait pas obtenu une note suffisante pour l’épreuve écrite A.3 et que celui-ci n’a pas été admis aux épreuves orales.

43     Le Tribunal relève que l’article 207, paragraphe 2, premier alinéa, CE énonce que « [l]e Conseil est assisté d’un secrétariat général, placé sous la responsabilité d’un secrétaire général, haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, assisté d’un secrétaire général adjoint chargé de la gestion du secrétariat général [...] ». Les fonctions du SGC sont principalement définies par l’article 23, paragraphe 3, du règlement intérieur en vigueur au moment des faits, à savoir celui adopté par la décision du Conseil du 22 juillet 2002 (JO L 230, p. 7), aux termes duquel :

« Le secrétariat général est associé étroitement et en permanence à l’organisation, à la coordination et au contrôle de la cohérence des travaux du Conseil et de la mise en œuvre de son programme annuel. Sous la responsabilité et la direction de la présidence, il assiste celle-ci dans la recherche de solutions.

Conformément aux dispositions du traité sur l’Union européenne, le secrétaire général assiste le Conseil et la présidence pour les questions relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, y compris dans la coordination des travaux des représentants spéciaux.

Le cas échéant, le secrétaire général peut inviter la présidence à convoquer un comité ou groupe de travail, notamment dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, ou à inscrire un point à l’ordre du jour d’un comité ou groupe de travail. »

44     L’article 23, paragraphes 4 et 5, du règlement intérieur attribue également au secrétaire général et au secrétaire général adjoint certaines fonctions en matière financière et budgétaire.

45     Il ressort de ce qui précède que le SGC a pour rôle d’assister le Conseil en préparant et en assurant le bon déroulement de ses travaux, et ce dans tous les domaines et à tous les niveaux, qu’il s’agisse de la présidence du Conseil, du Conseil lui-même, du Coreper, des comités ou des groupes de travail. Le SGC est donc étroitement lié à toutes les activités du Conseil, qu’il doit parfaitement connaître afin de pouvoir servir efficacement de support à leur mise en œuvre.

46     Dès lors, il est manifeste que le rôle du SGC est bien lié aux activités du Conseil et que, en conséquence, le sujet donné pour l’épreuve écrite A.3 ne viole pas l’avis de concours.

47     Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de transparence et du droit à l’accès aux documents prévu par l’article 255, paragraphe 1, CE ainsi que de la violation du principe de bonne administration

 a) Arguments des parties

48     Le requérant fait valoir que c’est en violation du principe de transparence et du droit à l’accès aux documents prévu par l’article 255, paragraphe 1, CE ainsi qu’en violation du principe de bonne administration que le Conseil refuse de lui donner accès au corrigé de son épreuve écrite A.3.

49     Premièrement, le requérant relève que, par courriel du 7 octobre 2003, il a demandé au service de recrutement du Conseil de lui communiquer le corrigé de ses trois épreuves écrites et que, par courriel du 9 octobre 2003, il lui a été répondu que la pratique établie au Conseil était de donner accès aux copies vierges et aux fiches synthétiques reprenant la note attribuée. Selon le requérant, cette description de la pratique du Conseil contredit la position adoptée par cette institution dans l’affaire 2097/2002/GG, qui avait donné lieu à un projet de recommandation du Médiateur européen en date du 16 avril 2003 à la suite duquel le plaignant, qui se trouverait dans la même situation que le requérant, a pu avoir accès au corrigé de ses épreuves écrites. Le requérant cite également les points 69 à 71 de l’arrêt du Tribunal du 25 juin 2003, Pyres/Commission (T‑72/01, RecFP p. I‑A‑169 et II‑861), dans lequel le Tribunal a considéré qu’il ne saurait être exclu que puisse peser sur les institutions communautaires une éventuelle obligation de communication des critères généraux de correction des épreuves ainsi que des copies corrigées, en application des actes visant à donner exécution, conformément à l’article 255, paragraphe 1, CE, au droit d’accès du public aux documents.

50     Le Conseil soutient qu’un jury de concours interne n’est pas obligé, au titre de l’article 255 CE ou d’une autre règle de droit, d’établir une fiche d’évaluation par copie. Il souligne également que la situation du requérant n’est pas comparable à celle du plaignant dans l’affaire 2097/2002/GG soumise au Médiateur européen, étant donné que cette affaire concernait un concours général à forte participation et que le jury avait établi une fiche d’évaluation par copie, ce qui avait permis au Conseil de transmettre au plaignant la fiche correspondant à sa copie. Dans le cas d’espèce, toutefois, qui concerne un concours interne à participation restreinte, le jury n’a pas estimé utile d’établir de telles fiches d’évaluation.

51     Deuxièmement, le requérant souligne que le Conseil reconnaît que le jury n’a pas établi de fiches d’évaluation par copie etque, ce faisant, il reconnaît implicitement que le jury n’a pas vérifié la conformité des analyses personnelles des deux correcteurs avec les spécificités de l’avis de concours. Le requérant soutient également que le jury doit procéder au contrôle des appréciations faites par les correcteurs et que, en procédant à ce contrôle, le jury valide les appréciations des correcteurs et les transforme ainsi en évaluations du jury. De telles évaluations du jury constitueraient, selon le requérant, un document du Conseil qui entre dans le champ d’application du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43). Dès lors, le requérant soutient que, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour conserver ces évaluations, le Conseil a violé ledit règlement ainsi que le principe de transparence et le droit à l’accès aux documents du Conseil prévu par l’article 255, paragraphe 1, CE.

52     Le Conseil relève que la copie du requérant dans l’épreuve écrite A.3 a été corrigée par un membre et par le président du jury, qui n’ont pas conservé leurs notes personnelles, et que c’est sur la base de ces évaluations que le jury a attribué une note éliminatoire au requérant. En conséquence, le jury aurait effectivement conservé le contrôle des opérations de correction et se serait réservé le pouvoir d’appréciation en dernier ressort. Au demeurant, à supposer même que les membres du jury aient conservé leurs évaluations, celles-ci seraient couvertes par le secret des travaux du jury et ne pourraient être communiquées au requérant, parce qu’elles n’auraient pas été transformées en évaluation du jury dans une fiche synthétique et qu’il s’agirait seulement d’« attitudes prises par les membres individuels du jury » (arrêt de la Cour du 28 février 1980, Bonu/Conseil, 89/79, Rec. p. 553, point 5).

53     Le Conseil souligne également que les notes personnelles des membres du jury ne constituent pas un document du Conseil. En effet, l’attribution d’une note par un jury ne nécessiterait pas nécessairement la création d’un document. Tel serait le cas notamment lorsque, comme en l’espèce, le concours n’est pas un concours à forte participation et lorsque les membres du jury s’accordent sur la note à attribuer. En outre, le Conseil note que les épreuves du concours ont été corrigées avant le 1er septembre 2003 et qu’aucune règle ni aucun principe n’imposait aux correcteurs de remettre au jury, aux fins de conservation et de production ultérieure en cas de litige, les notes personnelles qu’ils pouvaient avoir rédigées dans le cadre de l’évaluation des copies qui leur avaient été remises. Selon le Conseil, les membres du jury avaient le choix entre annoter les copies, ce qu’ils n’ont pas fait, rédiger des notes personnelles, ce qu’il serait impossible de savoir, rédiger un rapport à remettre au jury, ce qu’ils n’ont pas fait, ou attribuer une note en se concertant au sein du jury, ce qu’ils ont fait.

 b) Appréciation du Tribunal

54     L’article 255, paragraphe 1, CE, aux termes duquel « [t]out citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés conformément aux paragraphes 2 et 3 », et le règlement n° 1049/2001, qui a été adopté sur la base de l’article 255, paragraphe 2, CE afin de déterminer les principes généraux qui régissent l’exercice de ce droit d’accès aux documents, constituent des normes de caractère général qui s’appliquent à tous les citoyens de l’Union européenne. Ces textes eux-mêmes prévoient des limites au droit d’accès aux documents des institutions concernées, notamment pour des raisons d’intérêt public (arrêt du Tribunal du 17 septembre 2003, Alexandratos et Panagiotou/Conseil, T‑233/02, RecFP p. I‑A‑201 et II‑989, point 36).

55     Comme toute norme de caractère général, le droit d’accès aux documents du Conseil prévu par les dispositions précitées peut être limité ou exclu – selon le principe suivant lequel la règle spéciale déroge à la règle générale (lex specialis derogat legi generali) – lorsqu’il existe des normes spéciales qui régissent des matières spécifiques.

56     À cet égard, il convient de relever que l’article 6 de l’annexe III du statut, adopté sur la base de l’article 283 CE et qui vise de manière spécifique la procédure de concours, dispose que « [l]es travaux du jury sont secrets ». Ainsi que la Cour a déjà eu l’occasion de l’indiquer, ce secret a été institué en vue de garantir l’indépendance des jurys de concours et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toutes ingérences ou pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration communautaire elle-même, des candidats intéressés ou de tiers. Le respect de ce secret s’oppose dès lors tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tous les éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (arrêt Bonu/Conseil, précité, point 5 ; arrêt de la Cour du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, Rec. p. I‑3423, point 24, et arrêt du Tribunal du 27 mars 2003, Martínez Páramo e.a./Commission, T‑33/00, RecFP p. I‑A‑105 et II‑541, point 44).

57     Partant, le requérant ne peut se prévaloir de l’article 255, paragraphe 1, CE et du règlement n° 1049/2001 pour mettre en cause l’applicabilité de l’article 6 de l’annexe III du statut ( arrêt du Tribunal du 23 janvier 2003, Angioli/Commission, T‑53/00, RecFP p. I‑A‑13 et II‑73, point 84).

58     Au surplus et à titre surabondant, il y a lieu de constater que le requérant n’a pas satisfait à la procédure prévue aux articles 6 et suivants du règlement n° 1049/2001 pour demander l’accès aux documents du Conseil avant d’introduire une action devant le Tribunal en cas de refus, ce qui rend le présent moyen irrecevable.

59     Par ailleurs, en toute hypothèse, le requérant ne peut alléguer l’existence d’une violation du principe de bonne administration étant donné qu’il ressort du courriel du 9 octobre 2003 que le Conseil lui a permis d’avoir accès au seul document dont il disposait, en l’absence de fiche d’évaluation, à savoir la copie des épreuves écrites du requérant, et qu’il ne peut être reproché au jury d’avoir en l’espèce décidé de ne pas établir de fiche d’évaluation.

60     Le troisième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

 a) Sur la recevabilité

61     Le Conseil soutient que le quatrième moyen est irrecevable, dans la mesure où le requérant n’a pas demandé au jury quels étaient les critères de correction de son épreuve A.3 avant d’introduire son recours. La lettre du requérant du 31 juillet 2003 exprimerait, en effet, le seul souhait d’une nouvelle correction sans demander expressément à ce que le jury lui communique les critères de correction de l’épreuve A.3.

62     Le Tribunal rappelle, toutefois, qu’il ressort de la jurisprudence que le juge communautaire est tenu de rechercher d’office si l’institution défenderesse a satisfait à l’obligation qui lui incombe de motiver toute décision faisant grief. Cet examen pouvant avoir lieu à tout stade de la procédure, aucun requérant ne saurait être forclos à se prévaloir de ce moyen au seul motif qu’il ne l’a pas soulevé à un stade antérieur (arrêts du Tribunal du 14 juillet 1994, Grynberg et Hall/Commission, T‑534/93, RecFP p. I‑A‑183 et II‑595, point 59 ; du 28 mars 1995, Daffix/Commission, T‑12/94, RecFP p. I‑A‑71 et II‑233, point 31, et du 21 mai 1996, Kaps/Cour de justice, T‑153/95, RecFP p. I‑A‑233 et II‑663, point 75).

63     Le quatrième moyen est donc recevable.

 b) Sur le fond


 Arguments des parties

64     Le requérant critique la motivation contenue dans la lettre du président du jury du 16 septembre 2003, qui confirme le résultat de l’épreuve A.3 et indique que « les appréciations auxquelles se livre un jury de concours lorsqu’il évalue les connaissances et les aptitudes des candidats sont de nature comparative », en ce que ni lui ni le Tribunal ne peuvent savoir comment le jury a corrigé l’épreuve litigieuse et ainsi vérifier le bien-fondé de la décision attaquée au regard de l’avis de concours.

65     Ainsi, dans l’hypothèse où le jury aurait procédé à l’appréciation comparative des connaissances linguistiques du requérant par rapport à des données objectives préétablies, le requérant soutient que le respect du secret entourant les travaux du jury ne s’oppose pas à ce que lui soient communiqués les critères d’appréciation ou la méthode d’évaluation des connaissances linguistiques des candidats. Dans ces circonstances, le refus de lui communiquer le corrigé de son épreuve A.3 et les critères objectifs d’appréciation de cette épreuve serait illégal.

66     De même, dans l’hypothèse où le jury aurait procédé à l’appréciation comparative des connaissances linguistiques du requérant par rapport aux épreuves des autres candidats, il aurait méconnu l’avis de concours, aux termes duquel l’épreuve écrite A.3 devait permettre au jury d’apprécier l’aptitude des candidats à rédiger un bref exposé en français ou en anglais. L’avis de concours ne restreignant pas l’accès aux épreuves orales à un nombre limité de candidats jugés les meilleurs rédacteurs dans la seconde langue, le requérant soutient que le jury devait apprécier les connaissances linguistiques des candidats par rapport à un niveau objectif fixé à l’avance et non en fonction d’une appréciation comparative des connaissances linguistiques des candidats.

67     Le Conseil relève que l’épreuve écrite A.3 consistait en un exposé écrit en anglais (dans le cas du requérant) ou en français, soit en tout état de cause dans une langue qui n’était pas la langue maternelle du candidat, et que le jury devait donc comparer les candidats entre eux afin d’établir la liste d’aptitude et de garantir à l’AIPN que les candidats inscrits sur cette liste étaient aptes à rédiger dans une langue qui n’était pas leur langue maternelle. C’est ce qu’aurait fait le jury, comme cela serait indiqué en substance dans la lettre du président du jury du 16 septembre 2003 précisant que le jury avait comparé les candidats entre eux et confirmé la note éliminatoire du requérant pour l’épreuve A.3. Il ne pourrait donc être reproché au Conseil une violation de l’obligation de motivation.

 Appréciation du Tribunal

68     Il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motivation d’une décision faisant grief a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est fondée ou non et, d’autre part, d’en rendre possible le contrôle juridictionnel (arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22 ; Parlement/Innamorati, précité, point 23 ; arrêts Angioli/Commission, précité, point 67, et Martínez Páramo e.a./Commission, précité, point 43).

69     En l’espèce, il y a lieu de relever que, par lettre du 28 juillet 2003, le service de recrutement du Conseil a informé le requérant que le jury ne l’avait pas admis aux épreuves orales parce qu’il avait obtenu une note éliminatoire de 15/30 à l’épreuve écrite A.3, le minimum de points requis pour cette épreuve étant de 18 points sur 30.

70     De même, à la suite de la demande du requérant du 31 juillet 2003 de procéder à une nouvelle correction de sa copie dans l’épreuve écrite A.3, le président du jury lui a indiqué, par lettre du 16 septembre 2003, que le jury confirmait le résultat de cette épreuve, que sa copie avait été corrigée de manière anonyme et que les appréciations auxquelles se livrait un jury de concours, lorsqu’il évalue les connaissances et les aptitudes des candidats, étaient de nature comparative.

71     En outre, à la suite de la demande de communication du corrigé de ses épreuves du 7 octobre 2003, le service de recrutement du Conseil a répondu au requérant, par courriel du 9 octobre 2003, que la pratique établie au SGC pour les concours qui étaient déjà en cours le 1er septembre 2003 était de donner accès aux copies vierges des épreuves ainsi qu’aux fiches d’évaluation synthétique reprenant la note attribuée, dans les cas où le jury avait élaboré une telle fiche, et que, en l’espèce, le jury de concours n’avait pas établi cette fiche d’évaluation synthétique, le seul document disponible étant la copie de l’épreuve dont une copie allait lui être communiquée.

72     Par ailleurs, dans le cadre de la procédure contentieuse, le Conseil a indiqué au requérant que sa copie dans l’épreuve A.3 avait été corrigée par un membre du jury et par le président du jury, lesquels n’ont pas conservé de notes personnelles, et que c’est sur la base de leurs évaluations que le jury avait attribué une note éliminatoire au requérant. Le Conseil a également communiqué au requérant le tableau récapitulatif des résultats des épreuves du concours ainsi que la copie de l’épreuve du requérant.

73     C’est dans ce contexte qu’il convient de rappeler que, en ce qui concerne les décisions prises par un jury de concours, l’obligation de motivation doit être conciliée avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury en vertu de l’article 6 de l’annexe III du statut. Ce secret a été institué en vue de garantir l’indépendance des jurys de concours et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toutes ingérences et pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration communautaire elle-même, des candidats intéressés ou de tiers. Le respect de ce secret s’oppose dès lors tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tous les éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (arrêt Bonu/Conseil, précité, point 5 ; arrêts Angioli/Commission, précité, point 68, et Martínez Páramo e.a./Commission, précité, point 44).

74     Compte tenu du secret qui doit entourer les travaux du jury, la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante des décisions du jury, ce dernier n’étant pas tenu de préciser les réponses des candidats qui ont été jugées insuffisantes ou d’expliquer pourquoi ces réponses ont été jugées insuffisantes. Une telle motivation ne lèse pas les droits des candidats. Elle leur permet de connaître le jugement de valeur qui a été porté sur leurs prestations et elle leur permet de vérifier, le cas échéant, qu’ils n’ont effectivement pas obtenu le nombre de points requis par l’avis de concours pour être admis à certaines épreuves ou à l’ensemble des épreuves (arrêts Angioli/Commission, précité, points 69 et 70, et Martínez Páramo e.a./Commission, précité, points 50 à 52).

75     À la lumière de cette jurisprudence, et compte tenu du fait qu’aucune fiche d’évaluation n’a été établie dans la présente affaire et que la correction du concours a été effectuée avant le 1er septembre 2003 qui est, selon le Conseil, la date d’entrée en vigueur de sa pratique consistant à communiquer au candidat qui en fait la demande la fiche d’évaluation synthétique concernant sa copie, si un tel document existe, force est de constater que c’est à tort que le requérant allègue l’existence d’une violation de l’obligation de motivation dans la présente affaire. Comme il a été relevé ci-dessus, le jury de concours remplit pleinement son obligation de motivation de ses décisions lorsqu’il communique aux candidats les notes qu’ils ont obtenues aux différentes épreuves, ce que le jury a fait dans le cas présent.

76     Partant, le quatrième moyen doit être rejeté.

77     Il ressort de ce qui précède que la conclusion en annulation de la décision du jury du concours Conseil/A/270 doit être rejetée.

2.     Sur la conclusion en indemnité

 Arguments des parties

78     Le requérant observe que le Conseil a commis une faute de service en refusant de lui donner accès au corrigé de son épreuve écrite A.3, cette faute engageant la responsabilité du Conseil en le privant, d’une part, de la possibilité de comprendre les erreurs qu’il aurait commises et, d’autre part, d’entreprendre les démarches qui lui permettraient de s’améliorer.

79     Le requérant estime également que le jury du concours s’est abstenu illégalement de tout contrôle des appréciations faites par les correcteurs de l’épreuve écrite A.3. Ce faisant, le jury aurait commis une faute de service qui engagerait la responsabilité du Conseil.

80     En outre, le requérant fait valoir que le jury lui a fourni des informations inexactes en lui assurant qu’il avait effectivement comparé les candidats entre eux et en confirmant le résultat de son épreuve écrite A.3, alors qu’il ne disposait d’aucun élément lui permettant de procéder à une telle comparaison et à un contrôle du résultat de ladite épreuve.

81     Pour l’ensemble de ces raisons, le requérant demande le versement d’un euro symbolique en indemnisation du dommage moral subi.

82     Le Conseil estime n’avoir commis aucune faute de service et demande à ce que la demande de réparation soit rejetée. En outre, il observe que l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire constitue en elle-même une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que celui-ci peut avoir subi en raison de l’acte annulé, notamment si l’acte n’a comporté aucune appréciation blessante à son égard (arrêt du Tribunal du 25 février 1999, Giannini/Commission, T‑282/97 et T‑57/98, RecFP p. I‑A‑33 et II‑151).

 Appréciation du Tribunal

83     Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 30, et arrêt du Tribunal du 17 octobre 2002, Cocchi et Hainz/Commission, T‑330/00 et T‑114/01, RecFP p. I‑A‑193 et II-987, point 97).

84     De l’examen de la demande en annulation, il ressort que le Conseil n’a commis aucune irrégularité susceptible d’engager sa responsabilité à l’égard de la requérante.

85     En conséquence, la condition relative à l’existence d’un comportement illégal de la part d’une institution faisant défaut, il y a lieu de rejeter la demande en indemnité.

 Sur les dépens

86     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En l’espèce, chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Cooke

García-Valdecasas

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 avril 2005.

Le greffier

 

Le président



H. Jung

 

J. D. Cooke


* Langue de procédure : le français.