Language of document : ECLI:EU:T:2014:266

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

21 mai 2014 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Agents temporaires – Contrat à durée déterminée – Décision de non-renouvellement – Compétence du Tribunal de la fonction publique – Article 8, premier alinéa, du RAA – Devoir de sollicitude – Notion d’intérêt du service – Interdiction de statuer ultra petita – Principe du contradictoire »

Dans l’affaire T‑368/12 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 13 juin 2012, Macchia/Commission (F‑63/11, non encore publié au Recueil), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Luigi Macchia, demeurant à Varèse (Italie), représenté par Mes S. Rodrigues, A. Blot et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie demanderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger (rapporteur), président, O. Czúcz et S. Papasavvas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 13 juin 2012, Macchia/Commission (F‑63/11, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a accueilli partiellement le recours de M. Luigi Macchia tendant, notamment, à l’annulation de la décision implicite du directeur général de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) du 12 août 2010 portant rejet de sa demande de renouvellement de son contrat d’agent temporaire (ci-après la « décision de non-renouvellement »).

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits à l’origine du litige sont énoncés aux points 10 à 14 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

« 10      Le requérant a travaillé au service de la Commission en tant qu’expert national détaché pendant quatre ans, à partir du 16 juin 2003.

11      En 2005, l’OLAF a lancé une procédure de sélection en vue du recrutement d’agents temporaires spécialisés plus particulièrement dans les domaines des enquêtes et de l’analyse des renseignements. L’appel à candidatures précisait que les lauréats seraient engagés pour une durée de quatre ans avec possibilité de renouvellement, la durée totale du contrat ne pouvant excéder huit ans, conformément à la décision du 30 juin 2005. Ayant réussi les épreuves de la procédure de sélection, le requérant a signé un contrat d’agent temporaire, au sens de l’article 2, sous a), du RAA, pour une durée de quatre ans avec effet au 1er mai 2007, soit jusqu’au 30 avril 2011.

12      […]

13      Le 12 avril 2010, le requérant et quatre autres agents temporaires ont adressé au directeur général faisant fonction de l’OLAF une demande de prolongation de leur contrat.

14      Aucune réponse ne lui étant parvenue, cette demande a fait l’objet, le 12 août 2010, d’une décision implicite de rejet contre laquelle le requérant a introduit, le 10 novembre suivant, une réclamation, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut. Cette réclamation a été rejetée par le directeur général de l’OLAF, agissant en qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’ʻAHCCʼ), par décision du 22 février 2011. Dans cette décision, l’AHCC, après avoir, notamment, fait mention du large pouvoir d’appréciation de l’administration en matière de renouvellement des contrats d’agent temporaire conclus pour une durée déterminée, a indiqué que, ʻà la lumière des possibilités budgétaires, de l’intérêt du service et des mérites et aptitudes d[u requérant] […] elle ne pouvait pas donner une suite favorable à [sa] demande de renouvellement du contratʼ. L’AHCC poursuivait dans les termes suivants :

ʻEn effet, à la fin du contrat d[u requérant], le poste de support et de suivi auquel il est affecté au sein de l’OLAF sera redéployé sur le domaine des enquêtes.

Le redéploiement de ce poste budgétaire s’inscrit dans une série de mesures prises suite aux recommandations répétées de la Cour des comptes [de l’Union européenne] dans son rapport spécial de 2005 sur l’OLAF et dans ses premières conclusions sur l’audit réalisé en 2010, mais aussi du [c]omité de surveillance de l’OLAF figurant tant dans ses rapports d’activités annuels que dans ses avis sur le budget, en faveur d’un recentrage des activités de l’OLAF sur l’activité d’enquête.

[…]

[L]e [c]omité de surveillance de l’OLAF a souligné, dans son avis sur le budget 2010, que l’OLAF devait hiérarchiser toutes les activités afin d’améliorer l’utilisation des ressources humaines et financières, et en particulier concentrer ses ressources sur les activités d’enquête (sa mission centrale) et éviter d’affecter du nouveau personnel au soutien administratif et à la coordination.

C’est dans ce contexte que le poste budgétaire occupé par le réclamant sera redéployé vers des fonctions d’enquête, dès que le profil recherché pour la nouvelle description de poste sera défini en fonction des orientations stratégiques de l’OLAF.ʼ »

 Procédure en première instance et arrêt attaqué

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 1er juin 2011, M. Macchia a introduit un recours visant, à titre principal, à l’annulation de la décision de non-renouvellement, à l’annulation, pour autant que de besoin, de la décision, en date du 22 février 2011, rejetant la réclamation introduite contre cette dernière (ci-après la « décision de rejet de la réclamation ») et, par conséquent, à sa réintégration dans les fonctions qu’il occupait au sein de l’OLAF. À titre subsidiaire, et au cas où le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas fait droit à sa demande de réintégration, M. Macchia a demandé la condamnation de la Commission à la réparation du préjudice matériel subi. En tout état de cause, M. Macchia a demandé la condamnation de la Commission au paiement d’une somme fixée provisoirement ex æquo et bono à 5 000 euros, en réparation du préjudice moral subi, augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du jugement à intervenir. Enfin, il a demandé à ce que la Commission fût condamnée aux dépens.

4        Tout d’abord, le Tribunal de la fonction publique a jugé, aux points 41 et 42 de l’arrêt attaqué, que l’ autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en s’écartant des considérations émises dans le passé, notamment par le directeur général faisant fonction de l’OLAF dans une note du 8 octobre 2010 sur la portée de la règle des huit ans, pour retenir les motifs contenus explicitement dans la décision de rejet de la réclamation, en se fondant sur le fait que l’objectif de la procédure de la réclamation était de permettre à l’AHCC le réexamen de la décision attaquée, à savoir la décision de non-renouvellement. Partant, le Tribunal de la fonction publique a considéré comme étant inopérant le grief dirigé contre le motif tiré de la règle des huit ans, dès lors que ce motif ne figurait pas dans la décision de rejet de la réclamation et dans la mesure où, au surplus, il ne ressortait pas du dossier que cette règle eût été appliquée en l’espèce.

5        Le Tribunal de la fonction publique a ensuite considéré, au point 61 de l’arrêt attaqué, que « l’AHCC, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation à propos de la demande de renouvellement du contrat d’agent temporaire du requérant, avait méconnu son devoir de sollicitude et l’article 8 du [régime applicable aux autres agents de l’Union européenne] en se référant, de façon abstraite, aux ‘possibilités budgétaires’ et aux ‘mérites et aptitudes du requérant’ tout en omettant de rechercher, dans le cadre d’un examen individualisé de la situation particulière du requérant et des services qu’il serait en mesure de rendre à l’institution, si l’intérêt du service qu’elle poursuivait ne pouvait pas se concilier avec l’attribution de nouvelles tâches et fonctions au requérant et donc avec la possibilité d’un renouvellement de son contrat ou l’octroi d’un nouveau contrat d’agent temporaire ». Le Tribunal de la fonction publique a jugé que, « [e]n procédant de la sorte, l’AHCC avait restreint, de façon générale et impersonnelle, les possibilités offertes par l’article 8, premier alinéa, du [régime applicable aux autres agents de l’Union européenne] de renouveler des contrats d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous a), [dudit régime] afin de garantir au personnel contractuel concerné une certaine continuité d’emploi ». Par ces motifs, le Tribunal de la fonction publique a annulé la décision de non-renouvellement.

6        Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a rejeté la demande de M. Macchia tendant à sa réintégration au sein de l’OLAF et sa demande de réparation du préjudice matériel subi, en considérant que de telles demandes étaient prématurées. Ayant rappelé que la décision de non-renouvellement avait été annulée au motif que l’AHCC n’avait pas procédé, notamment au regard du devoir de sollicitude, à un examen complet et circonstancié du dossier, le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’il ne pouvait être exclu que l’AHCC, après un réexamen complet et circonstancié du dossier, allât adopter à nouveau une décision rejetant la demande de prorogation du contrat.

7        Enfin, le Tribunal de la fonction publique a rejeté la demande de réparation du préjudice moral prétendument subi par M. Macchia, en considérant, en substance, aux points 68 à 70 de l’arrêt attaqué, qu’il n’avait pas été établi que le préjudice moral allégué ne pouvait être intégralement réparé par l’annulation de la décision attaquée.

 Sur le pourvoi

 Procédure et conclusions des parties

8        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 17 août 2012, la Commission a formé le présent pourvoi. Le 14 novembre 2012, M. Macchia a déposé un mémoire en réponse.

9        La procédure écrite a été clôturée le 26 novembre 2012.

10      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué ;

–        par conséquent, rejeter le recours en première instance ;

–        décider que chacune des parties supportera ses propres dépens afférents à la présente instance ;

–        condamner M. Macchia aux dépens afférents à la première instance.

11      M. Macchia conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        par conséquent, confirmer l’arrêt attaqué ;

–        dans l’hypothèse où l’arrêt attaqué serait confirmé :

–        condamner la Commission à réparer le préjudice matériel subi, évalué provisoirement et ex æquo et bono à la différence de rémunération, d’une part, perçue en tant qu’agent temporaire au sein de l’OLAF et, d’autre part, perçue au poste qu’il occupait au moment de l’introduction de son recours (soit environ 3 000 euros par mois), à tout le moins pendant une durée semblable à celle de son contrat initial (quatre ans) et au-delà dans l’hypothèse où ledit contrat aurait été renouvelé une troisième fois, lui ouvrant droit à un contrat à durée indéterminée ;

–        à titre tout à fait subsidiaire, condamner la Commission à réparer le préjudice matériel subi à partir de la date de fin de son contrat d’agent temporaire, le 1er juin 2011, et ce jusqu’au 8 août 2012, date d’effet de la nouvelle décision de non-renouvellement de son contrat, adoptée à la suite de l’arrêt attaqué ;

–        en tout état de cause, condamner la Commission au paiement d’une somme fixée provisoirement et ex æquo et bono à 5 000 euros, en réparation du préjudice moral subi, augmentée des intérêts de retard au taux légal à dater du jugement à intervenir ;

–        dans l’hypothèse où l’arrêt attaqué serait annulé, renvoyer l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

12      À titre liminaire, il y a lieu de préciser que, eu égard à l’argumentation développée par la Commission dans le cadre du présent pourvoi, cette dernière doit être regardée comme visant, en substance, l’annulation de l’arrêt attaqué en tant que celui-ci a annulé la décision de non-renouvellement du contrat à durée déterminée de M. Macchia et a rejeté, par conséquent, la demande de réintégration de M. Macchia au sein de l’OLAF et la demande en réparation du préjudice matériel subi comme étant prématurées.

13      À l’appui de son pourvoi, la Commission invoque quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’interdiction de statuer ultra petita, le deuxième, d’une violation du principe du contradictoire, le troisième, de la violation de l’interdiction de statuer ultra vires et, le quatrième, d’une interprétation erronée de l’article 8, premier alinéa, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») par le biais d’une dénaturation de la notion d’intérêt du service, d’une violation du devoir de sollicitude et d’une méconnaissance de la jurisprudence du Tribunal de la fonction publique et de la Cour.

14      S’agissant des troisième et quatrième moyens, relatifs à l’interdiction de statuer ultra vires et à l’interprétation erronée de l’article 8, premier alinéa, du RAA par le biais d’une dénaturation de la notion d’intérêt du service, d’une violation du devoir de sollicitude et d’une méconnaissance de la jurisprudence du Tribunal de la fonction publique et de la Cour, il y a lieu de les examiner conjointement, dès lors que ces deux moyens visent, en substance, à reprocher au Tribunal de la fonction publique d’avoir outrepassé les compétences qui lui sont conférées dans le cadre du contrôle de la légalité d’une décision de non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée au sens de l’article 8, premier alinéa, du RAA.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’interdiction de statuer ultra petita

15      Le premier moyen se divise en deux branches, tirées, la première, de l’extension de l’objet du litige par le Tribunal de la fonction publique et, la seconde, de la dénaturation de l’objet du litige par ledit Tribunal.

16      S’agissant de la première branche, la Commission soutient que, aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a statué ultra petita en ce qu’il a annulé la décision de non-renouvellement du contrat de M. Macchia au motif que l’OLAF n’avait pas examiné la possibilité d’octroyer un « nouveau contrat » à ce dernier. Or, selon la Commission, dans sa demande du 12 avril 2010 ayant donné lieu à la décision de non-renouvellement, M. Macchia avait expressément et spécifiquement demandé uniquement le « renouvellement » de son contrat d’agent temporaire et le petitum de sa requête se limitait également à demander l’annulation de la décision de ne pas renouveler son contrat. Ainsi, elle fait valoir que le Tribunal de la fonction publique, en annulant la décision de non-renouvellement au motif qu’elle ne procédait pas à l’examen de la possibilité d’octroyer un nouveau contrat à M. Macchia, a donné suite à une demande non formulée. La Commission explique que, si elle n’exclut pas que cette question ait pu être abordée de manière incidente lors de l’audience, le Tribunal de la fonction publique aurait dû formellement inviter les parties à prendre position sur l’extension du litige réalisée aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, ce qu’il n’a cependant pas fait.

17      M. Macchia conteste l’argumentation de la Commission.

18      Il convient, tout d’abord, de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que l’examen d’un grief tiré de la violation de l’interdiction de statuer ultra petita amène le juge du pourvoi à vérifier si les motifs litigieux de l’arrêt attaqué constituent un développement du raisonnement du Tribunal de la fonction publique se rapportant à des moyens invoqués en première instance ou s’ils se rapportent à des moyens distincts (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 novembre 1998, Parlement/Gutiérrez de Quijano y Lloréns, C‑252/96 P, Rec. p. I‑7421, points 32 à 34, et arrêt du Tribunal du 5 octobre 2009, Commission/Roodhuijzen, T‑58/08 P, Rec. p. II‑3797, point 37).

19      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les motifs litigieux figurant aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, notamment celui lié à l’absence d’examen par l’administration de l’attribution de nouvelles tâches et fonctions à M. Macchia et, donc, de l’octroi d’un nouveau contrat à ce dernier, qui ont conduit à l’annulation de la décision de l’OLAF rejetant la demande de prorogation de son contrat.

20      En l’espèce, il ressort du point 54 de l’arrêt attaqué que, si le Tribunal de la fonction publique a effectivement constaté que M. Macchia sollicitait, dans sa demande du 12 avril 2010, uniquement le « renouvellement de son contrat », il a jugé qu’il incombait à l’AHCC, au titre de son devoir de sollicitude, de donner une pleine portée à cette demande par laquelle le requérant cherchait, en substance, à poursuivre sa relation de travail au sein de l’OLAF, en examinant, en particulier, s’il n’existait pas un autre poste d’agent temporaire, au sens de l’article 2, sous a), du RAA, sur lequel le contrat du requérant aurait pu, dans l’intérêt du service, être valablement renouvelé.

21      Il a également précisé, au point 60 de l’arrêt attaqué, que le devoir de sollicitude doit être entendu comme impliquant pour l’autorité compétente de rechercher s’il n’existe pas un poste sur lequel l’agent temporaire pourrait être, dans l’intérêt du service, utilement engagé ou reconduit.

22      Il en a conclu, au point 61 de l’arrêt attaqué, que l’AHCC avait méconnu son devoir de sollicitude en se référant, de façon abstraite, aux possibilités budgétaires et aux mérites et aptitudes du requérant tout en omettant de rechercher si l’intérêt du service qu’elle poursuivait ne pouvait pas se concilier avec l’attribution de nouvelles tâches et fonctions au requérant et, donc, avec la possibilité d’un renouvellement de son contrat ou l’octroi d’un nouveau contrat d’agent temporaire.

23      Sans préjudice de l’examen du bien-fondé d’une telle interprétation du devoir de sollicitude, lequel sera effectué dans le cadre des troisième et quatrième moyens, force est de constater que les motifs litigieux retenus aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, à savoir l’absence d’examen par l’AHCC de la possibilité d’attribuer de nouvelles tâches et fonctions à M. Macchia ainsi que de l’octroi d’un nouveau contrat d’agent temporaire à ce dernier, s’inscrivent clairement dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude, invoqué par M. Macchia dans sa requête en première instance. En effet, ainsi qu’il ressort de ladite requête, M. Macchia a soutenu devant le Tribunal de la fonction publique que l’AHCC n’avait pas répondu aux exigences de bonne administration et de sollicitude.

24      Ainsi, le Tribunal de la fonction publique, en annulant la décision de l’OLAF rejetant la demande de prorogation du contrat au motif que l’AHCC n’avait pas examiné la possibilité d’attribuer de nouvelles tâches et fonctions à M. Macchia et, donc, l’octroi d’un nouveau contrat d’agent temporaire, s’est limité à interpréter le moyen de la requête en première instance tout en donnant son interprétation autonome du devoir de sollicitude et de l’intérêt du service dans le cadre de l’article 8, premier alinéa, du RAA. À cet égard, il y a également lieu de relever que, en vertu du principe jura novit curia, la détermination du sens de la loi ne relève pas du champ d’application d’un principe de libre disposition du litige entre les mains des parties et le juge de l’Union n’est donc pas tenu de divulguer aux parties l’interprétation qu’il entend retenir afin de leur permettre de prendre position à ce sujet (arrêt Commission/Roodhuijzen, précité, point 36).

25      Il résulte de ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

26      S’agissant de la seconde branche, tirée de la dénaturation de l’objet du litige, la Commission soutient que, aux points 41 et 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a dénaturé l’objet du litige en jugeant qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le grief dirigé contre le motif tiré de la règle des huit ans, alors que M. Macchia aurait, spécifiquement et expressément, attaqué la décision de l’OLAF en ce qu’elle était fondée sur ladite règle.

27      M. Macchia conclut à l’irrecevabilité de ladite branche et, en tout état de cause, il retient que les arguments de la Commission doivent être rejetés.

28      En ce qui concerne la recevabilité de ce moyen, il résulte d’une jurisprudence constante que le juge de première instance est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où une inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits par le juge de première instance ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant ce juge, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du Tribunal (arrêt du Tribunal du 8 septembre 2008, Kerstens/Commission, T‑222/07 P, RecFP p. I‑B‑1‑37 et II‑B‑1‑267, points 60 et 61). Lorsque le juge de première instance a constaté ou apprécié les faits, le juge du pourvoi est compétent pour exercer un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le premier juge (arrêt du Tribunal du 7 juillet 2011, Longinidis/Cedefop, T‑283/08 P, non encore publié au Recueil, point 43).

29      En l’espèce, dans la mesure où la Commission conteste, par ladite branche, la qualification de l’objet principal du recours retenue par le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué, qui relevait d’une question de droit et non d’une appréciation de faits et de preuves, la fin de non-recevoir soulevée par M. Macchia doit être rejetée.

30      S’agissant du bien-fondé de la seconde branche de ce moyen, la Commission reproche au Tribunal de la fonction publique, en substance, d’avoir dénaturé l’objet du litige dès lors que, après avoir jugé que le grief dirigé contre la règle des huit ans, évoquée par le directeur général faisant fonction de l’OLAF dans la note du 8 octobre 2010, était inopérant dans la mesure où ce motif ne figurait pas dans la décision de rejet de la réclamation et où, au surplus, il ne ressortait pas du dossier que ladite règle eût été appliquée en l’espèce, il s’est limité à analyser les motifs contenus dans la décision de rejet de la réclamation.

31      Tout d’abord, il convient de relever que M. Macchia, dans la requête en première instance, ne se limite pas à contester l’application de la règle des huit ans. En effet, après avoir contesté la légalité de l’application de cette règle, M. Macchia aborde les motifs contenus dans la décision de rejet de la réclamation, en concluant qu’eux aussi sont erronés. Partant, la Commission n’est donc pas fondée à soutenir, à l’occasion du présent pourvoi, que la requête en première instance visait seulement l’application de la règle des huit ans.

32      En outre, il y a lieu de constater que, au point 41 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique s’est fondé, en substance, sur la jurisprudence selon laquelle, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, c’est la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation qui devait être prise en considération pour l’examen de la légalité de l’acte initial faisant grief, cette motivation étant censée coïncider avec ce dernier acte (arrêt du Tribunal du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, RecFP p. I‑B‑1‑133 et II‑B‑1‑807, points 58 et 59). Le Tribunal de la fonction publique a néanmoins précisé que c’était bien la légalité de l’acte initial faisant grief, à savoir la décision de non-renouvellement, qui était examinée, et ce au regard des motifs contenus dans la décision de rejet de la réclamation.

33      Le Tribunal de la fonction publique a, par ailleurs, considéré, au point 41 de l’arrêt attaqué, que la circonstance que, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AHCC, tout en maintenant la décision de non-renouvellement du contrat de M. Macchia, se soit ainsi écartée de la règle des huit ans à laquelle s’était référé le directeur général faisant fonction de l’OLAF dans la note du 8 octobre 2010 pour retenir d’autres motifs ne saurait, en elle-même, rendre la décision de non-renouvellement illégale, l’objectif de la procédure de réclamation étant précisément de permettre le réexamen par l’AHCC de l’acte attaqué au regard des griefs avancés par l’auteur de la réclamation, le cas échéant en modifiant les motifs servant de support à son dispositif.

34      Or, il convient de relever que, en se fondant sur le caractère évolutif de la phase précontentieuse en vue de conclure qu’il y avait lieu de prendre en considération les motifs figurant dans la décision de rejet de la réclamation, le Tribunal de la fonction publique n’a fait que tirer les conséquences d’une jurisprudence constante relative à la détermination du caractère attaquable de la réponse à la réclamation, dont il ressort que l’autorité investie du pouvoir de nomination peut être amenée, dans la décision de rejet de la réclamation, à compléter, voire à modifier, sa décision.

35      Il en résulte que la Commission ne peut pas reprocher au Tribunal de la fonction publique d’avoir conclu qu’il convenait d’examiner la légalité de la décision de non-renouvellement du contrat d’agent temporaire de M. Macchia en tenant compte des motifs contenus dans la décision de rejet de la réclamation, alors même que ceux-ci ne figuraient pas dans la décision de non-renouvellement et s’éloignaient de la note du 8 octobre 2010 du directeur général faisant fonction de l’OLAF.

36      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le Tribunal de la fonction publique n’a commis aucune erreur de droit. La seconde branche doit donc être rejetée et avec elle le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe du contradictoire

37      Par le deuxième moyen, tiré de la violation du principe du contradictoire, la Commission fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a violé ledit principe dans la mesure où ses affirmations, aux points 41 et 42 ainsi qu’aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, ont abouti à une extension et à une dénaturation de l’objet du litige, sur lesquelles les parties n’ont pas pu se prononcer.

38      M. Macchia soutient que les arguments de la Commission doivent être rejetés.

39      Il convient de rappeler que le respect du principe du contradictoire implique, en règle générale, le droit pour les parties à un procès d’être en mesure de prendre position sur les faits et les documents sur lesquels sera fondée une décision judiciaire ainsi que de discuter les preuves et les observations présentées devant le juge et les moyens de droit relevés d’office par le juge sur lesquels celui-ci entend fonder sa décision. En effet, pour satisfaire aux exigences liées au droit à un procès équitable, il importe que les parties puissent débattre contradictoirement tant des éléments de fait que des éléments de droit qui sont décisifs pour l’issue de la procédure (voir arrêt de la Cour du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C‑197/09 RX‑II, Rec. p. I‑12033, points 39 à 41, et la jurisprudence citée).

40      Or, il suffit de constater que, en l’espèce, il découle de l’analyse développée dans le cadre du premier moyen, tant dans la branche tirée de l’extension de l’objet du litige que dans celle tirée de la dénaturation de son objet, que les parties ont eu la possibilité de débattre entre elles, que ce soit lors de la procédure écrite ou lors de l’audience en première instance, ainsi que la Commission le reconnait d’ailleurs dans le cadre de son pourvoi, des éléments de fait et de droit sur lesquels le Tribunal de la fonction publique a fondé sa décision. Partant, le moyen de la Commission tiré de la violation du principe du contradictoire doit être rejeté comme étant dépourvu de fondement.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’interdiction de statuer ultra vires, et le quatrième moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’article 8, premier alinéa, du RAA par le biais d’une dénaturation de la notion d’intérêt du service, d’une violation du devoir de sollicitude et d’une méconnaissance de la jurisprudence du Tribunal de la fonction publique et de la Cour

41      Ainsi qu’il a été relevé au point 14 ci-dessus, il y a lieu d’examiner conjointement les troisième et quatrième moyens, dès lors que, par ces deux moyens, la Commission reproche au Tribunal de la fonction publique, en substance, d’avoir outrepassé les compétences qui lui sont conférées dans le cadre du contrôle de la légalité d’une décision de non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée au sens de l’article 8, premier alinéa, du RAA.

42      Le troisième moyen se compose de deux branches. Par la première branche, la Commission reproche au Tribunal de la fonction publique d’avoir statué ultra vires en outrepassant son office de juge du contrôle de la légalité des décisions de la Commission pour s’arroger celui de « décideur » de la politique du personnel des institutions, sans que pareille compétence lui soit conférée par le RAA ou par les traités, en particulier en ce qui concerne les agents bénéficiant de contrats à durée déterminée.

43      En effet, une telle violation ressortirait du point 61 de l’arrêt attaqué, dans le cadre duquel le Tribunal de la fonction publique a considéré, en substance, que, si le contrat à durée déterminée d’un agent temporaire ne pouvait être renouvelé, la Commission était néanmoins dans l’obligation de vérifier si l’intérêt du service pouvait se concilier avec l’« attribution de nouvelles tâches et fonctions » à l’intéressé et donc avec l’« octroi d’un nouveau contrat » à ce dernier. En statuant ainsi, le Tribunal de la fonction publique aurait également consacré, en dehors de toute règle ou principe du RAA, un droit « prioritaire » à un tel contrat, par rapport aux autres candidats, pour l’agent temporaire dont le contrat arrivait à échéance.

44      Par la seconde branche du troisième moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a également statué ultra vires, en concluant, au point 60 de l’arrêt attaqué, qu’il pouvait vérifier si les motifs retenus par l’administration pour ne pas renouveler le contrat de M. Macchia ne remettaient pas en cause les critères fixés dans le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et dans le RAA et, notamment, dans l’article 8, premier alinéa, du RAA, visant à garantir au personnel contractuel la possibilité de bénéficier à terme d’une « stabilité d’emploi ». La Commission retient que, contrairement à l’interprétation du Tribunal de la fonction publique, l’article 8, premier alinéa, du RAA n’a pas pour objet de garantir au personnel contractuel de pouvoir bénéficier d’une certaine « stabilité d’emploi », mais constitue simplement la traduction de l’obligation du législateur de prévenir l’utilisation abusive par l’AHCC de contrats d’engagement à durée déterminée successifs, en ce qu’il limite le nombre de renouvellements des contrats à durée déterminée.

45      Par son quatrième moyen, la Commission fait valoir que le raisonnement du Tribunal de la fonction publique, aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, revient également à dénaturer la notion d’intérêt du service, par le biais d’une méconnaissance de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique du 11 juillet 2012, AI/Cour de justice (F‑85/10, non encore publié au Recueil), et de l’arrêt de la Cour du 8 mars 2012, Huet (C‑251/11, non encore publié au Recueil, point 37), ainsi que de l’article 8, premier alinéa, du RAA.

46      En outre, la Commission considère que, ainsi, le Tribunal de la fonction publique a changé la nature de l’obligation qui lui était imposée et a inversé la charge de la preuve en affirmant qu’il lui incombait d’établir qu’il n’existait pas de poste sur lequel l’agent pourrait être redéployé.

47      Selon M. Macchia, s’agissant du troisième moyen tiré de la violation par le Tribunal de la fonction publique de l’interdiction de statuer ultra vires, premièrement, en ce qui concerne l’obligation d’examiner la possibilité d’octroi d’un nouveau contrat, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas statué ultra vires, puisque, d’une part, cette obligation découlerait du devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de l’agent concerné et, d’autre part, elle s’inscrirait dans le cadre de la législation européenne en matière de contrats à durée déterminée, en particulier dans le cadre de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43). À cet égard, M. Macchia renvoie à l’arrêt du Tribunal du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission (T‑325/09 P, Rec. p. II‑6515), qui reconnaît que les règles et principes édictés ou dégagés dans cette directive peuvent être invoqués à l’encontre des institutions de l’Union. Deuxièmement, s’agissant de l’interprétation de l’article 8, premier alinéa, du RAA comme ayant pour objectif de garantir une « certaine stabilité d’emploi », M. Macchia souligne, notamment, que ladite disposition prévoit non seulement la possibilité de renouveler le contrat d’un agent temporaire recruté au titre de l’article 2, sous a), du RAA, mais également celle de le transformer en contrat à durée indéterminée à l’issue de ce renouvellement.

48      S’agissant du quatrième moyen, tiré de la dénaturation de la notion d’intérêt du service, M. Macchia soutient que, si, certes, la présente affaire se différencie des affaires ayant donné lieu aux arrêts du Tribunal de la fonction publique du 9 décembre 2010, Schuerings/ETF (F‑87/08) et Vandeuren/ETF (F‑88/08), non encore publiés au Recueil, en ce que ces dernières portent sur la résiliation d’un contrat à durée indéterminée quand la présente affaire a trait au non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée, la distinction, invoquée par la Commission, entre contrat à durée déterminée et contrat à durée indéterminée est sans pertinence dès lors que le respect du devoir de sollicitude ne saurait se différencier en fonction de la nature du contrat de l’agent temporaire en cause.

49      Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la possibilité de renouveler un contrat d’agent temporaire constitue une simple possibilité laissée à l’appréciation de l’autorité compétente, les institutions disposant d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services, en fonction des missions qui leur sont dévolues, et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service (arrêt du Tribunal du 15 octobre 2008, Potamianos/Commission, T‑160/04, RecFP p. I‑A‑2‑75 et II‑A‑2‑469, point 30). En outre, l’autorité compétente est tenue, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un agent, de prendre en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision, c’est-à-dire non seulement l’intérêt du service, mais aussi, notamment, celui de l’agent concerné. Cela résulte, en effet, du devoir de sollicitude de l’administration, qui reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut et, par analogie, le RAA ont créé dans les relations entre l’autorité publique et ses agents (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, Rec. p. I‑3009, point 38, et du Tribunal du 18 avril 1996, Kyrpitsis/CES, T‑13/95, RecFP p. I‑A‑167 et II‑503, point 52). En tout état de cause, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dévolu aux institutions dans ce contexte, le contrôle du juge est limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du Tribunal du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, Rec. p. II‑2841, point 162, et la jurisprudence citée).

50      En l’espèce, il y a lieu de constater que, aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique, faisant référence à l’arrêt Huet, précité, a considéré que les motifs retenus par l’administration n’étaient pas valables, puisque de nature à remettre en cause les critères et les conditions de base fixés par le législateur dans le statut et dans le RAA et visant, notamment, à garantir au personnel contractuel la possibilité de bénéficier d’une certaine continuité d’emploi. Ensuite, le Tribunal de la fonction publique a jugé que cette interprétation était renforcée par le devoir de sollicitude qui s’impose à l’AHCC et qui entraîne l’obligation, pour cette dernière, de rechercher s’il n’existe pas un poste sur lequel l’agent temporaire peut être utilement engagé ou reconduit dans l’intérêt du service. Partant, le Tribunal de la fonction publique a conclu que l’AHCC avait méconnu son devoir de sollicitude et l’article 8, premier alinéa, du RAA en se référant à des motifs considérés comme abstraits et en omettant de rechercher si l’intérêt du service ne pouvait pas se concilier avec le redéploiement de M. Macchia.

51      Tout d’abord, il convient de rappeler que, d’une part, l’article 8, premier alinéa, du RAA prévoit que l’engagement d’un agent temporaire visé à l’article 2, sous a), du RAA peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée et que, d’autre part, l’article 2, sous a), du RAA, qui régit le contrat de travail de M. Macchia, prévoit qu’est considéré comme agent temporaire l’agent engagé en vue d’occuper un emploi auquel un caractère temporaire a été conféré. Ainsi, il est indéniable que les agents du service public de l’Union engagés sur la base d’un contrat à durée déterminée ne peuvent ignorer le caractère temporaire de leur engagement et le fait que celui-ci ne confère pas de garantie d’emploi.

52      En revanche, il y a lieu de relever que le statut confère aux fonctionnaires une plus grande stabilité d’emploi, dès lors que les hypothèses de cessation définitive des fonctions contre le gré de l’intéressé sont strictement encadrées. En effet, la notion d’« emploi permanent d’une des institutions », au sens de l’article 1er bis, paragraphe l, du statut, n’englobe que les emplois expressément prévus comme « permanents » ou dénommés de manière semblable dans le budget, étant donné que toute interprétation contraire conduirait à augmenter considérablement le nombre des emplois permanents consentis par l’autorité budgétaire, mettant ainsi en échec tant les attributions que les intentions de cette dernière (arrêt Adjemian e.a./Commission, précité, point 77).

53      Partant, les emplois, compris dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution et auxquels les autorités budgétaires ont conféré un caractère temporaire, doivent, conformément à l’article 2, sous a), et à l’article 9 du RAA, être pourvus par des agents temporaires. Dans la mesure où ces emplois sont compris dans le tableau des effectifs, ils correspondent à des tâches permanentes définies de service public, lesquelles ne correspondent toutefois pas, en vertu du choix de l’autorité budgétaire, à un « emploi permanent », au sens défini au point 52 ci-dessus, qui aurait vocation à être pourvu par un fonctionnaire.

54      Il en découle que le Tribunal de la fonction publique, par l’obligation qu’il a définie au point 61 de l’arrêt attaqué, a modifié la nature de l’emploi d’agent temporaire ayant un contrat à durée déterminée tel que prévu par le RAA, en s’appuyant sur le devoir de sollicitude et sur l’arrêt Huet, précité.

55      En l’espèce, force est de constater que le Tribunal de la fonction publique a d’abord justement rappelé la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus, selon laquelle le respect du devoir de sollicitude obligeait l’autorité compétente à tenir compte à la fois de l’intérêt du service et de celui de l’agent.

56      Toutefois, par la suite, ainsi qu’il résulte du passage de l’arrêt attaqué cité au point 50 ci-dessus, le Tribunal de la fonction publique a procédé à la mise en balance de l’intérêt du service et de celui de l’agent uniquement après avoir défini préalablement l’obligation d’examen préalable de la possibilité de redéploiement de ce dernier. Le Tribunal de la fonction publique n’a donc pas pris en compte l’intérêt du service quand il a formulé, au point 61 de l’arrêt attaqué, le principe selon lequel les références aux possibilités budgétaires et aux mérites et aptitudes du requérant ne constituaient pas des motifs valables pour décider de ne pas renouveler le contrat à durée déterminée de M. Macchia.

57      Il en résulte que, dans la mise en balance de l’intérêt du service et de celui de M. Macchia, le Tribunal de la fonction publique a privilégié l’intérêt de l’agent au détriment de celui de l’administration et a, ainsi, interprété de manière erronée le devoir de sollicitude qui s’imposait à cette dernière ainsi que la notion d’intérêt du service. En effet, en retenant une interprétation trop large du devoir de sollicitude qui s’imposait à l’administration en cause en l’espèce et en formulant à son égard une obligation non prévue dans le RAA, le Tribunal de la fonction publique n’a pas respecté les limites de ses compétences, telles que rappelées au point 49 ci-dessus, qui consistent à examiner si l’autorité concernée s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée. Ce faisant, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit. En effet, en écartant les motifs contenus dans la décision de rejet de la réclamation, le Tribunal de la fonction publique a vérifié non pas si l’autorité compétente s’était tenue, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, dans des limites raisonnables, mais bien si elle n’avait absolument aucune autre possibilité que le non-renouvellement. Ainsi, le respect du devoir de sollicitude ne pouvait pas justifier l’interprétation de l’article 8, premier alinéa, du RAA effectuée par le Tribunal de la fonction publique, étant donné qu’il appartient, le cas échéant, au législateur de procéder aux modifications législatives nécessaires afin d’imposer à l’administration des obligations que le statut ne prévoit pas.

58      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument soulevé par M. Macchia selon lequel l’obligation d’examiner la possibilité de lui octroyer un nouveau contrat s’inscrirait dans le cadre de la directive 1999/70, laquelle viserait à garantir au personnel contractuel la possibilité de bénéficier d’une certaine continuité d’emploi. À cet égard, M. Macchia fait référence aux points 56 et 61 de l’arrêt Adjemian e.a./Commission, précité, dans lesquels le Tribunal a jugé, d’une part, que les principes édictés ou dégagés dans ladite directive peuvent être invoqués à l’encontre des institutions lorsqu’ils n’apparaissent, eux-mêmes, que comme des principes généraux qui s’imposent directement aux institutions et, d’autre part, que le législateur et l’AHCC doivent, lors de l’adoption ou de la mise en œuvre des règles qui régissent les relations entre l’Union et ses agents, prévenir les abus de droit pouvant résulter de l’utilisation de contrats d’engagement à durée déterminée successifs.

59      Il suffit, à cet égard, de constater que, dans l’arrêt Adjemian e.a./Commission, précité, le Tribunal a établi que l’interdiction de l’abus de droit faisait partie des principes généraux du droit dont le juge devait assurer le respect, mais il n’a aucunement reconnu l’existence, en tant que principe général du droit, pour les agents temporaires ayant un contrat à durée déterminée, d’un droit à une stabilité d’emploi qui se traduirait par l’obligation, pour une institution, de vérifier, avant de décider de ne pas renouveler un contrat d’agent temporaire de cette catégorie, si ce dernier ne peut pas être redéployé sur un autre poste.

60      Enfin, il y a lieu d’observer que le Tribunal de la fonction publique a également commis une erreur de droit en jugeant que, conformément à l’arrêt Huet, précité, l’article 8, premier alinéa, du RAA devait être interprété comme visant à garantir une certaine continuité d’emploi aux agents disposant d’un contrat à durée déterminée, en vue de lutter contre la précarité de l’emploi. En effet, il suffit d’observer que, au point 37 de l’arrêt Huet, précité, auquel se réfère le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué, la Cour, dans le cadre de l’analyse de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), ayant pour objectif de prévenir l’utilisation abusive des contrats à durée déterminée, s’est limitée à établir que la transformation d’un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ne saurait être considérée comme étrangère au champ d’application de l’accord-cadre, mais n’a pas établi l’existence d’un droit, pour le personnel contractuel, à une certaine continuité d’emploi. De plus, au point 38 du même arrêt, la Cour a jugé que l’accord-cadre n’édictait pas une obligation générale de prévoir la transformation en un contrat à durée indéterminé des contrats de travail à durée déterminée, ce qui démontre que ledit accord n’avait pas pour objectif de garantir la continuité d’emploi aux agents contractuels, mais de prévenir l’utilisation abusive des contrats à durée déterminée.

61      Il découle de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir les troisième et quatrième moyens et d’annuler l’arrêt attaqué pour autant qu’il a annulé la décision de non‑renouvellement du contrat à durée déterminée de M. Macchia, et a rejeté, par conséquent, la demande de réintégration de M. Macchia au sein de l’OLAF et la demande en réparation du préjudice matériel subi comme étant prématurées.

 Sur les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué

62      Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, lorsque le Tribunal annule la décision du Tribunal de la fonction publique, il peut statuer lui-même définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

63      En l’espèce, dans la mesure où, en annulant la décision de non‑renouvellement sur la prémisse erronée selon laquelle le devoir de sollicitude imposait à l’AHCC de chercher s’il n’existait pas un poste sur lequel M. Macchia pouvait être engagé ou reconduit, le Tribunal de la fonction publique n’a pas examiné, notamment, la question de savoir si l’AHCC avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans la décision de non‑renouvellement, l’affaire n’est pas en état d’être jugée. Ainsi, il convient de la renvoyer devant le Tribunal de la fonction publique pour qu’il statue sur les conclusions de M. Macchia tendant à l’annulation de la décision de non-renouvellement ainsi que sur la demande de réintégration de M. Macchia au sein de l’OLAF et la demande de réparation du préjudice matériel subi, en ce qu’elles reposent sur celle-ci.

64      Enfin, en conséquence de l’annulation de l’arrêt attaqué, il n’est, en tout état de cause, pas nécessaire de statuer sur les conclusions formulées par M. Macchia « en cas de confirmation de l’arrêt [attaqué] ».

 Sur les dépens

65      L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal de la fonction publique, il convient de réserver les dépens afférents à la présente procédure de pourvoi.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 13 juin 2012, Macchia/Commission (F‑63/11), est annulé en ce qu’il a annulé la décision du directeur général de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) du 12 août 2010 portant rejet de la demande de prolongation du contrat d’agent temporaire de M. Luigi Macchia et a rejeté, par conséquent, la demande de réintégration de M. Macchia au sein de l’OLAF et la demande en réparation du préjudice matériel subi comme étant prématurées.

2)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de la fonction publique.

4)      Les dépens sont réservés.

Jaeger

Czúcz

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 mai 2014.

Signatures


* Langue de procédure : le français.