Language of document : ECLI:EU:T:2017:203

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

23 mars 2017 (*)

« Référé – Aides d’État – Taxe hongroise sur le chiffre d’affaires lié à la publicité – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑20/17 R,

Hongrie, représentée par M. M. Fehér, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Bottka et P.‑J. Loewenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant au sursis à l’exécution de la décision de la Commission C(2016) 6929 final, du 4 novembre 2016, relative à la mesure SA.39235 (2015/C) (ex 2015/NN), mise en œuvre par la Hongrie en matière de taxation des recettes publicitaires,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        Par sa décision C(2016) 6929 final, du 4 novembre 2016, relative à la mesure SA.39235 (2015/C) (ex 2015/NN), mise en œuvre par la Hongrie en matière de taxation des recettes publicitaires (ci-après la « décision attaquée »), la Commission européenne considère que le régime fiscal de taxation des recettes publicitaires institué par ladite mesure (ci-après le « régime fiscal litigieux ») constitue une aide d’État, octroyée par la Hongrie en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

2        Entre autres dispositions, la décision attaquée ordonne à la Hongrie de récupérer auprès des bénéficiaires le montant de l’aide incompatible avec le marché intérieur et prévoit que la récupération soit immédiate et effective et que la Hongrie veille à ce que la décision attaquée soit pleinement exécutée dans un délai de quatre mois à compter de sa notification.

3        Au considérant 96 de la décision attaquée, il est précisé qu’il n’y aura pas lieu de procéder à la récupération de l’aide si la Hongrie abroge le régime fiscal litigieux avec effet rétroactif.

4        Par requête, déposée au greffe du Tribunal le 16 janvier 2017, la Hongrie a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée.

5        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 16 janvier 2017, la Hongrie a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

6        Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 31 janvier 2017, la Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        à titre principal, rejeter la demande en référé comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter cette demande comme non fondée ;

–        condamner la Hongrie aux dépens.

 En droit

7        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

8        L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

9        Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

10      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

11      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

12      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

13      Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure en référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).

14      La présente demande en référé émanant de la Hongrie, il convient de relever que les États membres sont responsables des intérêts considérés comme généraux sur le plan national. Par conséquent, ils peuvent en assurer la défense dans le cadre d’une procédure de référé et demander l’octroi de mesures provisoires en alléguant, notamment, que la mesure contestée risque de compromettre sérieusement l’accomplissement de leurs missions étatiques et l’ordre public. Les États membres peuvent, en outre, faire état de préjudices affectant un secteur de leur économie, notamment lorsque la mesure contestée est susceptible d’avoir des répercussions défavorables sur le niveau de l’emploi et sur le coût de la vie. En revanche, il n’est pas suffisant pour eux d’invoquer le préjudice que subirait un nombre limité d’entreprises lorsque ces dernières, prises individuellement, ne représentent pas un secteur entier de l’économie nationale (voir ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 24 et jurisprudence citée).

15      En ce qui concerne l’urgence, la Hongrie avance que, compte tenu des caractéristiques du régime fiscal litigieux, l’exécution de la décision attaquée peut, sur le plan théorique, être effectuée suivant deux méthodes différentes. En effet, la Hongrie pourrait calculer, sur la base des critères contenus dans la décision attaquée, pour chaque contribuable, le montant de l’aide d’État prétendument perçue et en ordonner la récupération. Elle pourrait également abroger rétroactivement la taxe prévue par le régime fiscal litigieux et rembourser aux contribuables le montant de la taxe acquittée.

16      Indépendamment de la méthode choisie, il existerait des difficultés justifiant de conclure à l’existence de l’urgence. En effet, procéder en suivant la première voie impliquerait une charge administrative considérable pour l’administration ainsi que pour les contribuables. De même, procéder en suivant la seconde voie, à savoir en remboursant l’ensemble des sommes perçues au titre de la taxe litigieuse, impliquerait aussi une charge administrative considérable pour l’administration ainsi que pour les contribuables. De plus, la Hongrie serait contrainte de renoncer à des recettes fiscales s’élevant à quelque 20 milliards de forints hongrois (HUF) (à peu près 66 millions d’euros).

17      Or, sans qu’il soit besoin d’examiner si les difficultés avancées par la Hongrie risquent de compromettre une mission étatique ou l’ordre public, il suffit de relever que, selon les données du dossier, le gouvernement hongrois a notifié, de façon claire et univoque, aux services de la Commission son intention de procéder en suivant la seconde voie.

18      En effet, il ressort du dossier que, bien avant l’introduction de la présente demande en référé, le gouvernement hongrois a décidé le 29 novembre 2016 de mettre en œuvre la décision attaquée en prévoyant le remboursement intégral aux contribuables du montant de la taxe acquittée. Les autorités hongroises ont transmis cette information par lettre du 16 décembre 2016 aux services de la Commission.

19      De plus, au cours de la procédure de référé, les autorités hongroises ont confirmé, par lettre du 26 janvier 2017 adressée aux services de la Commission, cette approche. Par ailleurs, cette lettre indiquait l’échéancier prévisionnel de la procédure législative visant à la modification du régime fiscal litigieux et précisant les modes de restitution du montant de la taxe perçue. La proposition législative prévue à cet effet a été jointe à cette lettre.

20      Dans ces conditions, les arguments invoqués par la Hongrie ne sauraient démontrer l’urgence en l’espèce.

21      Il résulte de ce qui précède que la condition de l’urgence n’est pas remplie, de telle sorte que la présente demande en référé doit être rejetée, sans qu’il soit besoin d’examiner celle tenant à l’existence d’un fumus boni juris, ni de procéder à la mise en balance des intérêts. Dans ces conditions, il n’est pas non plus besoin de se prononcer sur la question de la recevabilité de la demande en référé, soulevée par la Commission.

22      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 23 mars 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Jaeger


* Langue de procédure : le hongrois.