Language of document : ECLI:EU:T:2014:473

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

12 juin 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale R 10 – Marque nationale verbale antérieure R 10 non enregistrée – Cession de la marque nationale – Preuve de la détention de la marque antérieure »

Dans l’affaire T‑137/09 RENV,

Nike International Ltd, établie à Beaverton, Oregon (États-Unis), représentée par Me M. de Justo Bailey, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Aurelio Muñoz Molina, demeurant à Petrer (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 21 janvier 2009 (affaire R 551/2008-1), relative à une procédure d’opposition entre DL Sports & Marketing Ltda et M. Aurelio Muñoz Molina,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz (rapporteur) et A. Popescu, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 février 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 janvier 2006, M. Aurelio Muñoz Molina a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal R 10.

3        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 30/2006, du 24 juillet 2006.

4        Le 24 octobre 2006, DL Sports & Marketing Ltda a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée. Ladite opposition était fondée sur la marque non enregistrée, ou le signe utilisé dans la vie des affaires, espagnole R 10 (ci-après la « marque espagnole non enregistrée ») et dirigée contre l’ensemble des produits visés par la marque demandée. DL Sports & Marketing a précisé que cette marque était utilisée pour lesdits produits en tant que l’une des désignations du joueur de football brésilien Ronaldo de Assis Moreira, portant le numéro 10 sur le terrain.

5        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 2, sous c), et à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94 [devenus article 8, paragraphe 2, sous c), et article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009)].

6        Le 28 novembre 2006, la division d’opposition a accordé à DL Sports & Marketing un délai de quatre mois afin, notamment, de prouver l’existence et la validité du droit antérieur invoqué. Après prorogation, ce délai a expiré le 9 août 2007.

7        Par lettre du 31 octobre 2007, le conseil de la requérante, Nike International Ltd, a informé la division d’opposition que, par convention du 20 juin 2007, DL Sports & Marketing avait cédé à la requérante – par l’intermédiaire de Nike, Inc – la propriété de plusieurs marques et droits de propriété industrielle (ci-après la « convention de cession »). Le conseil de la requérante indiquait que cette dernière souhaitait poursuivre la procédure en qualité de nouvelle opposante.

8        Le 19 février 2008, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif que DL Sports & Marketing n’avait pas étayé dans le délai imparti l’existence du droit antérieur invoqué à l’appui de ladite opposition (ci-après la « décision de la division d’opposition »).

9        Le 28 mars 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 21 janvier 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours comme irrecevable. Elle a considéré ce qui suit :

« 22      L’opposition a été formée par DL Sports & Marketing Ltda., en sa qualité de titulaire de la marque antérieure non enregistrée ‘R 10’.

23      Par lettre du 31 octobre 2007, [le conseil de la requérante a informé] la division d’opposition qu’il y avait une cession de propriété (‘transfer of ownership’) des marques, que Nike International Ltd. était devenue la nouvelle opposante. [Cependant, le conseil de la requérante n’a pas indiqué] – et encore moins apporté la preuve – que le droit antérieur figure parmi les marques transférées à la requérante et n’[a] joint aucune copie de la convention de cession.

24      [Ainsi, à] cette date, le titulaire du droit antérieur – et opposante – était toujours DL Sports & Marketing Ltda. […]

25      Au cours de la procédure de recours, Nike International Ltd. n’a pas non plus été en mesure de prouver qu’elle était titulaire du droit antérieur. En effet, la convention de cession du 20 juin 2007 prouve uniquement que cette société a acquis des marques communautaires, mais pas spécifiquement le signe sur lequel l’opposition est fondée.

      Dans la mesure où [Nike International] n’a pas fourni la preuve de son statut de partie à la procédure d’opposition, elle n’est pas habilitée à recourir contre la décision [de la division d’opposition] et il y a lieu de rejeter son recours comme irrecevable. »

 Procédures devant le Tribunal et la Cour

11      Par requête déposée le 6 avril 2009, la requérante a introduit un recours devant le Tribunal tendant, notamment, à ce que son recours devant la première chambre de recours de l’OHMI soit déclaré recevable.

12      À l’appui de son recours, la requérante soulevait, en substance, quatre moyens. Le premier moyen était tiré d’une violation de l’obligation de motivation par la division d’opposition. Le deuxième moyen était tiré essentiellement d’une violation des droits de la défense de la requérante, tant par la division d’opposition que par la chambre de recours. Le troisième moyen était tiré d’une violation, par la chambre de recours, des directives relatives aux procédures devant l’OHMI. Le quatrième moyen était tiré d’une erreur d’appréciation quant à la cession du droit antérieur.

13      Dans son arrêt du 24 novembre 2010, Nike International/OHMI – Muñoz Molina (R 10) (T‑137/09, Rec. p. II‑5433, ci-après le « premier arrêt du Tribunal »), le Tribunal a d’abord rejeté le premier moyen, le deuxième moyen dans la mesure où il visait la décision de la division d’opposition, ainsi que le troisième moyen. Ensuite, il a accueilli le deuxième moyen pour autant que ce dernier visait la décision attaquée et, partant, il a annulé ladite décision. Par conséquent, il a estimé opportun de ne pas examiner le quatrième moyen.

14      Par mémoire déposé le 3 février 2011, l’OHMI a formé un pourvoi devant la Cour visant à l’annulation du premier arrêt du Tribunal.

15      Par son arrêt du 19 janvier 2012, OHMI/Nike International (C‑53/11 P, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt sur pourvoi »), la Cour a annulé le premier arrêt du Tribunal en tant que celui-ci avait accueilli le deuxième moyen de la requérante. La Cour a aussi implicitement entériné le rejet, par le Tribunal, du premier moyen, du deuxième moyen dans la mesure où celui-ci visait la décision de la division d’opposition, ainsi que du troisième moyen.

16      La Cour a également jugé que le Tribunal n’ayant pas examiné le quatrième moyen de la requérante, il y avait lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

17      L’OHMI a été entendu en sa plaidoirie et en ses réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 26 février 2014, à laquelle la requérante n’était pas présente.

 Conclusions présentées par les parties dans l’instance après renvoi

18      Dans ses observations déposées à la suite du prononcé de l’arrêt sur pourvoi, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

19      Dans sa réponse, l’OHMI conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

20      Il résulte de l’arrêt sur pourvoi que, dans le cadre de la présente procédure de renvoi, il incombe au Tribunal d’examiner uniquement le quatrième moyen de la requérante, le rejet des autres moyens ayant acquis force de chose jugée.

21      Dans sa requête, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant que la convention de cession ne prouvait pas l’acquisition par elle de la marque espagnole non enregistrée.

22      Il résulterait de la convention de cession que la liste des marques qui y sont mentionnées n’est pas exhaustive et que l’objet de la cession est, comme cela ressort du deuxième considérant de cette convention, l’ensemble des droits créés par M. de Assis Moreira et par Nike, en relation avec le contrat de joueur de football conclu entre ces derniers, depuis le 1er août 2003.

23      De plus, il serait précisé au troisième considérant de la convention de cession que l’opposante initiale, DL Sports & Marketing, a déposé des demandes d’enregistrement des signes R 10 et 10 R. Le fait que la contrepartie financière versée par la requérante à DL Sports & Marketing ne fasse pas référence à la valeur des marques (qui figure dans le contrat de joueur de football), mais uniquement aux frais légaux et d’enregistrement exposés au cours de la procédure d’enregistrement des marques demandées, confirmerait que la convention de cession porte sur la cession de toute forme de propriété intellectuelle en faveur de Nike.

24      Dès lors, sur la base du contenu de la convention de cession, il serait logique de considérer que celle-ci a pour objet la cession de tous les types de droits dérivés de la relation contractuelle antérieure, définie par le contrat de joueur professionnel, même si, pour des raisons pratiques, seuls les demandes d’enregistrement seraient identifiées.

25      L’OHMI fait valoir que la convention de cession n’établit aucunement que la marque espagnole non enregistrée invoquée figure parmi les marques acquises par la requérante. Il affirme à cet égard que, contrairement à ce que prétend la requérante, la cession ne concerne que les demandes d’enregistrement de marques introduites par DL Sports & Marketing et énumérées au premier considérant de la convention de cession et non l’ensemble des droits de M. de Assis Moreira créés en relation avec le contrat de joueur de football conclu entre lui et Nike. Il fait observer à cet égard que des marques non enregistrées, telles que celle invoquée en l’espèce, ne sont aucunement mentionnées dans la convention de cession.

26      En premier lieu, sur la base du libellé de la convention de cession, il y a lieu de constater que l’objet de cette convention est constitué par la cession des demandes d’enregistrement figurant au premier considérant de ladite convention.

27      Premièrement, à cet égard, il convient de relever que le premier considérant de la convention de cession comporte une liste précise et détaillée de treize demandes d’enregistrement du signe R 10 et sept demandes d’enregistrement du signe 10 R aux États-Unis, en Argentine et dans l’Union européenne. En revanche, ni ce premier considérant ni le reste de la convention de cession ne mentionne de marques non enregistrées. A fortiori, toute mention de la marque espagnole non enregistrée fait défaut.

28      Deuxièmement, il y a lieu de relever que, selon le paragraphe 3 de la convention de cession, « les marques précitées recouvrent l’ensemble des demandes d’enregistrement déposées par [DL Sports & Marketing] au sujet des marques 10 R et R 10 ». Cette mention corrobore la conclusion selon laquelle l’objet de la cession est limité aux demandes d’enregistrement.

29      En deuxième lieu, il convient d’examiner la question de savoir si, ainsi que la requérante le fait valoir, il ressort du paragraphe 2 de la convention de cession que la marque espagnole non enregistrée faisait également l’objet de la cession.

30      Selon ledit paragraphe, « à la lumière de ce qui précède, le cédant cède au cessionnaire et à ses ayants cause l’ensemble des droits, titres et intérêts relatifs aux marques précitées ainsi que le fonds de commerce représenté par ces marques, y compris les droits de common law et autres droits attachés auxdites marques ainsi que les prétentions, demandes et motifs de recours (que ce soit en droit ou en ‘equity’). »

31      Premièrement, il y a lieu de relever que « les marques précitées » au sens du paragraphe 2 de la convention de cession sont les demandes d’enregistrement mentionnées au premier considérant de ladite convention.

32      Deuxièmement, selon le deuxième considérant de la convention de cession, Nike « détient à titre exclusif, […] l’ensemble des droits, titres et intérêts relatifs aux logos, dessins, modèles, marques et autres formes de propriété intellectuelle » créés par elle ou par M. de Assis Moreira dans le cadre du contrat de joueur de football signé entre ces derniers. Dès lors, ainsi que l’OHMI le relève à bon droit, l’expression « l’ensemble des droits, titres et intérêts relatifs aux marques précitées » figurant au paragraphe 2 de ladite convention ne peut pas se référer aux marques non enregistrées, puisque celles-ci, si elles existent, appartiennent déjà à Nike, de sorte que celle-ci ne saurait les céder à elle-même.

33      La requérante ne saurait valablement invoquer, au soutien de sa thèse, le fait que la contrepartie financière versée à l’opposante initiale, DL Sports & Marketing, ne fasse pas référence à la valeur des marques, qui figure dans le contrat de joueur de football, mais uniquement aux frais légaux et d’enregistrement exposés au cours de la procédure d’enregistrement. Tout d’abord, il y a lieu de souligner que ledit contrat de joueur de football n’était pas conclu entre DL Sports & Marketing et Nike, mais entre cette dernière et M. de Assis Moreira. En outre, le fait que la contrepartie financière de la cession était limitée aux frais liés à l’enregistrement peut être expliqué par les mentions figurant aux deuxième et troisième considérants de la convention de cession, selon lesquelles Nike « détient à titre exclusif, […] l’ensemble des droits, titres et intérêts relatifs aux logos, dessins, modèles, marques et autres formes de propriété intellectuelle », tandis que DL Sports & Marketing était chargée de demander l’enregistrement des signes R 10 et 10 R. Il y a lieu de noter que la requérante, qui, du reste, n’était pas présente à l’audience, n’a pas fourni davantage de précisions sur le rôle exact de DL Sports & Marketing.

34      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la convention de cession ne constitue pas la preuve de la cession de la marque espagnole non enregistrée par DL Sports & Marketing à Nike.

35      En troisième lieu, eu égard au libellé du deuxième considérant de la convention de cession, le Tribunal a interrogé les parties par écrit en ce qui concerne la possibilité que Nike ait détenu la marque espagnole non enregistrée tout au long de la procédure devant l’OHMI.

36      En réponse à la question écrite posée par le Tribunal à cet égard, la requérante a fermement maintenu sa position selon laquelle le titulaire de la marque espagnole non enregistrée était DL Sports & Marketing avant l’entrée en vigueur de la convention de cession.

37      L’OHMI, pour sa part, a répondu qu’il était impossible d’identifier, sur la base de la convention de cession, la nature et la catégorie exactes des droits de propriété intellectuelle visés par le deuxième considérant de ladite convention. En tout état de cause, l’OHMI soutient qu’il n’était pas appelé à examiner si Nike était propriétaire de la marque en cause dès le début de la procédure devant lui, puisque l’opposition avait été soulevée par DL Sports & Marketing et que celle-ci avait affirmé que la marque en cause était détenue par elle.

38      Sur la base du libellé de la convention de cession et eu égard aux réponses des parties aux questions écrites, il y a lieu de conclure que ladite convention n’identifie pas les droits créés par Nike et par M. de Assis Moreira. Dès lors, il n’est possible de conclure, sur la base de cette convention, ni à l’existence de la marque espagnole non enregistrée ni à sa détention par Nike avant l’entrée en vigueur de ladite convention.

39      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de constater que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en ce qui concerne la définition de l’objet de la convention de cession.

40      De même, la chambre de recours a correctement conclu, au point 25 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas prouvé qu’elle était titulaire du droit antérieur.

41      Par conséquent, il convient de rejeter le quatrième moyen et, dès lors, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

42      Dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a réservé les dépens. Il appartient donc au Tribunal de statuer, dans le présent arrêt, sur l’ensemble des dépens afférents aux différentes procédures, conformément à l’article 121 de son règlement de procédure.

43      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens de l’OHMI, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Nike International Ltd est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) devant la Cour et le Tribunal.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juin 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.