Language of document : ECLI:EU:T:2014:902

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

14 octobre 2014 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie – Gel des fonds – Prorogation – Conséquences d’une annulation des mesures de gel de fonds antérieures – Non-lieu à statuer – Responsabilité non contractuelle – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑166/13,

Mehdi Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Haj Hassen Ben Ali, demeurant à Saint-Étienne-du-Rouvray (France), représenté par Me A. de Saint Rémy, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. G. Étienne et A. De Elera, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision 2013/72/PESC du Conseil, du 31 janvier 2013, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 32, p. 20), en tant que cette décision concerne le requérant et, d’autre part, une demande tendant au versement de dommages-intérêts,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président (rapporteur), Mme M. Kancheva et M. C. Wetter, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        À la suite des événements politiques survenus en Tunisie au cours des mois de décembre 2010 et de janvier 2011, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 31 janvier 2011, au visa, notamment, de l’article 29 TUE, la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 28, p. 62).

2        Aux termes de l’article 1er de la décision 2011/72 :

« 1.      Sont gelés tous les capitaux et ressources économiques qui appartiennent à des personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens et aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, de même que tous les capitaux et ressources économiques qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par ces personnes, entités ou organismes, dont la liste figure à l’annexe.

2.      Nuls capitaux ou ressources économiques ne peuvent être mis, directement ou indirectement, à la disposition de personnes physiques ou morales, d’entités ou d’organismes dont la liste figure à l’annexe ou utilisés à leur profit.

[…] »

3        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/72, « [l]e Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, établit la liste qui figure à l’annexe et la modifie ».

4        Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2011/72 :

« L’annexe indique les motifs de l’inscription sur la liste des personnes et entités. »

5        Aux termes de l’article 5 de la décision 2011/72 :

« La présente décision s’applique pendant une période de douze mois. Elle fait l’objet d’un suivi constant. Elle est prorogée ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. »

6        Dans la liste annexée à la décision 2011/72, figurait uniquement le nom de deux personnes physiques, à savoir M. Zine el-Abidine Ben Hamda Ben Ali, ancien président de la République tunisienne, et Mme Leïla Bent Mohammed Trabelsi, son épouse.

7        Au visa de « la décision 2011/72 […], et notamment [de] son article 2, paragraphe 1, en liaison avec l’article 31, paragraphe 2, [TUE] », le Conseil a adopté, le 4 février 2011, la décision d’exécution 2011/79/PESC, mettant en œuvre la décision 2011/72 (JO L 31, p. 40).

8        L’article 1er de la décision d’exécution 2011/79 énonçait que la liste annexée à la décision 2011/72 était remplacée par une nouvelle liste. Celle-ci visait 48 personnes physiques. À la quarante-sixième ligne de cette nouvelle liste, figurait, dans la colonne intitulée « Nom », la mention « Mehdi Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Haj Hassen BEN ALI ». Dans la colonne intitulée « Information d’identification », il était précisé : « Tunisien, né à Paris le 27 octobre 1966, fils de Paulette HAZAT, directeur de société, demeurant [à] Chouket El Arressa, Hammam- Sousse, titulaire de la CNI n° 05515496 (double nationalité) ». Enfin, dans la colonne intitulée « Motifs », était indiqué : « Personne faisant l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour acquisition de biens immobiliers et mobiliers, ouverture de comptes bancaires et détention d’avoirs financiers dans plusieurs pays dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent ».

9        La décision d’exécution 2011/79 est entrée en vigueur, conformément à son article 2, le jour de son adoption.

10      Au visa de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et de la décision 2011/72, le Conseil a adopté le 4 février 2011, soit le même jour que la décision d’exécution 2011/79, le règlement (UE) n° 101/2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Tunisie (JO L 31, p. 1). L’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 101/2011 reprenait, en substance, les dispositions de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2011/72. Ce règlement comprenait par ailleurs une « annexe I », identique à l’annexe de la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79.

11      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2011, le requérant, M. Mehdi Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Haj Hassen Ben Ali, a introduit un recours tendant, pour l’essentiel, d’une part, à l’annulation du règlement n° 101/2011, pour autant qu’il le concernait, et, d’autre part, à l’indemnisation des conséquences prétendument dommageables de ce règlement.

12      Par l’ordonnance du 11 janvier 2012, Ben Ali/Conseil (T‑301/11, EU:T:2012:4, points 57 et 77), le Tribunal a rejeté les conclusions mentionnées au point 11 ci-dessus comme manifestement irrecevables. Cette irrecevabilité était motivée, s’agissant des conclusions à fin d’annulation, par leur tardiveté et, s’agissant des conclusions en indemnité, par le non-respect des exigences posées à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal.

13      Par la suite, la décision 2012/50/PESC du Conseil, du 27 janvier 2012, modifiant la décision 2011/72 (JO L 27, p. 11) a remplacé le texte de l’article 5 de la décision 2011/72 par le texte suivant :

« La présente décision s’applique jusqu’au 31 janvier 2013. Elle fait l’objet d’un suivi constant. Elle est prorogée ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. »

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 mars 2012, et enregistrée sous la référence T‑133/12, le requérant a introduit un recours tendant, notamment, à l’annulation de la décision 2012/50 en tant qu’elle le concernait.

15      Enfin, la décision 2013/72/PESC du Conseil, du 31 janvier 2013, modifiant la décision 2011/72 (JO L 32, p. 20) a, de nouveau, prorogé l’application des mesures restrictives prévues par la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79, et ce, jusqu’au 31 janvier 2014.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 mars 2013, le requérant a introduit le présent recours. Il conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2013/72 en tant qu’elle le concerne ;

–        annuler la décision 2012/50 en tant qu’elle le concerne ;

–        condamner le Conseil à lui verser une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

–        condamner le Conseil à lui verser « une somme de 10 500 [euros] pour ses frais de défense à l’appui de la présente requête, en sus conformément à l’article 91 du règlement de procédure, au titre des frais de défense des dépens récupérables » ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

17      Le 27 juin 2013, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense. Il conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable en tant qu’il tend à l’annulation de la décision 2012/50 ;

–        rejeter le surplus des conclusions à fin d’annulation ;

–        rejeter les conclusions tendant au versement d’une somme de 50 000 euros comme irrecevables ;

–        examiner les conclusions tendant au versement d’une somme de 10 500 euros conjointement aux conclusions portant sur les dépens ;

–        et condamner le requérant aux dépens.

18      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

19      Par une mesure d’organisation de la procédure, adoptée le 17 janvier 2014, le Tribunal a indiqué au requérant avoir relevé que, dans la partie conclusive de sa requête, il n’avait demandé que l’annulation de la décision 2012/50 en tant que celle-ci le concernait, tandis que, au point 1 de cette même requête, où étaient exposées également ses conclusions à fin d’annulation, il s’était borné à solliciter l’annulation de la décision 2013/72 en tant qu’elle le visait. Dans ce contexte, le Tribunal avait invité le requérant à préciser la portée de son recours.

20      Le 29 janvier 2014, le requérant a répondu que la référence faite, dans la partie conclusive de la requête, à la décision 2012/50 résultait d’une erreur matérielle et que les conclusions à fin d’annulation n’étaient dirigées qu’à l’encontre de la décision 2013/72.

21      Le 30 janvier 2014, le Conseil a adopté la décision 2014/49/PESC modifiant la décision 2011/72 (JO L 28, p. 38). Cette décision amende le texte de l’annexe à la décision 2011/72. Elle modifie, en particulier, le motif pour lequel le requérant est soumis au gel d’avoirs institué par l’article 1er de la décision 2011/72. Le nouveau motif d’inscription du requérant sur la liste figurant à l’annexe de la décision 2011/72 est le suivant :

« Personne faisant l’objet d’enquêtes judiciaires des autorités tunisiennes pour complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public (en l’occurrence, l’ex- président Zine El Abidine Ben Ali) pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration. »

22      Par un arrêt du 2 avril 2014, Ben Ali/Conseil (T‑133/12, EU:T:2014:176), le Tribunal a accueilli les conclusions à fin d’annulation renfermées dans la requête enregistrée sous la référence T‑133/12 (voir point 14 ci-dessus). Il a ainsi annulé l’annexe à la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79 en tant que cette annexe avait été prorogée par la décision 2012/50 et qu’elle mentionnait le nom du requérant. Ce même arrêt a par ailleurs maintenu les effets de l’annexe de la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79 et prorogée à l’égard du requérant par la décision 2012/50, et ce jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi était introduit dans ce délai, jusqu’au rejet de celui-ci. Aucun pourvoi n’ayant été formé, les effets de l’annexe en question ont été maintenus jusqu’au terme du délai de pourvoi.

23      Par la voie d’une mesure d’organisation de la procédure, adoptée le 26 juin 2014, le Tribunal a rappelé aux parties le dispositif de l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176), et a invité les parties à lui indiquer si, à leur avis, les conclusions dirigées contre la décision 2013/72 continuaient à présenter un objet dans le contexte juridique né de cet arrêt.

24      Par acte déposé au greffe le 18 juillet 2014, le Conseil a répondu « que le requérant n’[avait] plus dans la présente affaire d’intérêt à demander l’annulation de la décision 2013/72 ».

25      Par acte déposé au greffe le 21 juillet 2014, le requérant a, quant à lui, fait valoir que ses conclusions à fin d’annulation présentaient toujours un objet. Selon lui, dès lors que, par l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176), le Tribunal avait annulé la décision 2012/50 en tant qu’elle le concernait, il était nécessaire d’annuler également la décision 2013/72 en tant que cette décision le visait.

 En droit

 Sur les conclusions à fin d’annulation

26      En vertu de l’article 113, lu en combinaison avec l’article 114, paragraphes 3 et 4, du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. La suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

27      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer, sans ouvrir la procédure orale, par voie d’ordonnance motivée.

 Sur l’objet des conclusions à fin d’annulation

28      Ainsi qu’il ressort du point 20 ci-dessus, le requérant se borne à demander l’annulation de la décision 2013/72 en tant que cette décision le concerne.

29      Or, cette décision a amendé la première phrase de l’article 5 de la décision 2011/72, laquelle avait déjà été modifiée par la décision 2012/50 : cette phrase disposait originellement que la décision 2011/72 s’appliquait pendant une période de douze mois, soit jusqu’au 31 janvier 2012 ; une fois amendée, une première fois, par la décision 2012/50, elle prévoyait l’application de la décision 2011/72 jusqu’au 31 janvier 2013 ; enfin, après l’intervention de la décision 2013/72, le 31 janvier 2013, elle était libellée comme suit : « La présente décision s’applique jusqu’au 31 janvier 2014. »

30      La décision 2012/50 et la décision 2013/72 n’ont modifié aucune autre disposition de la décision 2011/72 ni n’ont amendé l’annexe à cette décision, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79. En particulier, ces décisions ont laissé inchangée la dernière phrase de l’article 5 de la décision 2011/72, qui disposait que cette décision était « prorogée ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estim[ait] que ses objectifs n’[avaient] pas été atteints ».

31      Il résulte de ce qui précède, et notamment de la dernière phrase de l’article 5 de la décision 2011/72 qui renvoie à une éventuelle « prorogation » du gel d’avoirs en cause, que, en adoptant la décision 2013/72, le Conseil a entendu proroger une seconde fois l’application de la décision 2011/72 et de son annexe telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79 et prorogée une première fois par la décision 2012/50.

32      Ainsi, il convient de considérer que, par ses conclusions à fin d’annulation, le requérant demande l’annulation de l’annexe à la décision 2011/72 telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79 en tant que cette annexe a été prorogée une seconde fois, par la décision 2013/72, et qu’elle mentionne son nom.

 Sur la disparition, en cours d’instance, de l’objet des conclusions à fin d’annulation

33      Selon une jurisprudence constante, l’objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir ordonnance du 18 novembre 2013, Trabelsi/Conseil, T‑162/12, EU:T:2013:619, point 26 et jurisprudence citée).

34      En l’espèce, ainsi qu’il a été indiqué, par l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176), le Tribunal a annulé l’annexe à la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79, en tant que cette annexe avait été prorogée par la décision 2012/50 et qu’elle mentionnait le nom du requérant [point 1 du dispositif de l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176)], tout en maintenant les effets de cette annexe à l’égard du requérant jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi ou, en cas de pourvoi, jusqu’au rejet de celui-ci [point 2 du dispositif de l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176)].

35      Or, aucun pourvoi n’a été formé, dans le délai contentieux, à l’encontre de cet arrêt.

36      Dès lors, en premier lieu, l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176) est désormais passé en force de chose jugée.

37      En second lieu, conformément au point 2 du dispositif de l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176), l’annexe à la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79 et prorogée par la décision 2012/50, a cessé de produire des effets à l’égard du requérant à l’expiration du délai de pourvoi. À compter de cette date, l’annulation prononcée au point 1 du dispositif de l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176) a par ailleurs déployé ses effets ex tunc, de sorte que le nom du requérant doit être réputé ne plus avoir figuré sur l’annexe à la décision 2011/72 postérieurement au 31 janvier 2012, date prévue originellement, en vertu de l’article 5 de la décision 2011/72, comme étant celle de fin d’application du régime de gel d’avoirs dont il s’agit.

38      Ainsi, postérieurement à la prise d’effet de l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176), annulant l’annexe à la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79, en tant que cette annexe avait été prorogée par la décision 2012/50 jusqu’au 31 janvier 2013 et qu’elle mentionnait le nom du requérant, la décision 2013/72, qui prorogeait l’application de cette annexe jusqu’au 31 janvier 2014, doit être réputée comme prorogeant une annexe qui, depuis le 31 janvier 2012, ne mentionnait plus le requérant.

39      Par suite, l’objet même des conclusions à fin d’annulation mentionnées au point 32 ci-dessus, qui tendaient à l’annulation de la décision 2013/72 en tant qu’elle concernait le requérant, a disparu en cours d’instance : cette décision est réputée ne jamais l’avoir concerné. Les parties ayant pu faire valoir leurs observations à cet égard, le Tribunal ne peut que constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur lesdites conclusions.

40      Dans ces conditions, et en tout état de cause, il n’y a également plus lieu de se prononcer sur la demande du requérant tendant à l’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure visant à obtenir la divulgation de « tous les documents relatifs à l’adoption » de la décision 2013/72.

41      Le constat fait au point 39 ci-dessus ne pourrait, au demeurant, pas être remis en cause par l’invocation éventuelle de la jurisprudence issue de l’arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, Rec, EU:C:2013:331). Cet arrêt vise l’hypothèse dans laquelle l’acte attaqué, instituant des mesures restrictives, est abrogé par le Conseil en cours d’instance. Dans cette hypothèse, ainsi qu’il résulte du point 82 de cet arrêt, l’abrogation définitive de l’acte n’empêche pas qu’un intérêt à agir contre celui-ci subsiste pour ce qui concerne ses effets entre la date de son entrée en vigueur et celle de son abrogation.

42      Il s’agit là d’une configuration différente de celle de l’espèce.

43      En premier lieu, au cas présent, du fait du prononcé, en cours d’instance, de l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176), la décision 2013/72, attaquée dans le cadre du présent recours, est réputée avoir été, dès son entrée en vigueur, dépourvue d’effets sur le requérant. Il est, certes, vrai que l’annexe à la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79, a déployé ses effets à l’égard du requérant jusqu’au 31 janvier 2012 et n’a fait l’objet d’aucun retrait par le Conseil ni d’aucune annulation contentieuse, le recours dirigé à son égard par le requérant ayant été rejeté pour cause de tardiveté (voir point 12 ci-dessus). Toutefois, il s’agit là d’un acte distinct de l’acte attaqué, lequel n’a déployé ses effets qu’à compter du 1er février 2013.

44      En second lieu, si, à la date d’adoption de la décision 2013/72, le nom du requérant ne figurait plus sur l’annexe en cause, c’est, non pas en raison de l’abrogation, par le Conseil, de la décision 2012/50 en tant qu’elle le concernait, mais par l’effet de l’annulation contentieuse de cette décision.

 Sur les conclusions en indemnité

45      Il résulte de l’article 111 du règlement de procédure que, lorsqu’un chef de conclusions est manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, le rejeter par voie d’ordonnance motivée.

46      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sur les conclusions en indemnité, sans ouvrir la procédure orale, par voie d’ordonnance motivée.

47      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir, premièrement, l’illégalité du comportement reproché, deuxièmement, l’existence d’un préjudice réel et certain et, troisièmement, l’existence d’un lien direct de causalité entre ledit comportement et le préjudice. Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les autres conditions sont satisfaites (voir arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra, EU:T:2014:176, point 90 et jurisprudence citée).

48      Par ailleurs, il appartient à la partie requérante de prouver que la condition tenant à l’existence d’un préjudice réel et certain est remplie et, plus particulièrement, d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue de ce préjudice (voir arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra, EU:T:2014:176, point 91 et jurisprudence citée).

49      En l’espèce, le requérant n’invoque pas de préjudice moral. Cela est d’ailleurs confirmé au point 260 de sa requête, dont il ressort que « la situation qui le pénalise », c’est-à-dire le dommage qu’il a prétendument subi, correspond, selon lui, à sa « situation financière obérée ».

50      En revanche, le requérant fait valoir que le gel de ses avoirs, qui « touche également son épouse », est illégal et a été la cause directe de préjudices patrimoniaux (voir les points 255 à 261 de la requête, s’agissant des divers moyens au soutien des conclusions indemnitaires).

51      D’une part, le gel de ses avoirs aurait entraîné « plusieurs impayés et [l’aurait] plong[é] dans une situation insupportable et injustifiée » : aucune des « factures courantes (eau, électricité, gaz...) » n’aurait pu être honorée ; en outre, les frais de scolarité de sa fille n’auraient pas pu être payés, ce qui aurait entraîné une menace d’exclusion de l’enfant âgée de 7 ans ; cette dernière n’aurait d’ailleurs pas pu être réinscrite à l’école.

52      D’autre part, il ne pourrait plus « recevoir le moindre revenu ». Il devrait ainsi, pour subsister, faire appel au soutien de proches.

53      Ce faisant, il se borne à reprendre les arguments qu’il avait avancés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176), afin de démontrer l’existence de préjudices patrimoniaux résultant de l’adoption de la décision 2012/50.

54      Par ailleurs, à l’appui des conclusions en indemnité qu’il a présentées dans le cadre de la présente affaire, le requérant a produit les mêmes pièces que celles qu’il avait jointes à ses écritures dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176, point 98). Il n’a ajouté à ces pièces qu’une copie de la décision 2013/72 (annexe 14 de la requête). Les pièces en cause étaient les suivantes : premièrement, des documents relatifs à l’achat d’un appartement en 1989, au paiement de cet achat et à son financement (annexes 1 à 5 de la requête), deuxièmement, des bulletins de paie du requérant et de son épouse (annexes 6 et 7 de la requête), troisièmement, des relevés de comptes bancaires détenus auprès de BNP Paribas SA et de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie-Seine, dont les plus récents dataient du mois de février 2011 et qui témoignaient, en la fin de ce mois, de soldes créditeurs (annexe 8 de la requête), quatrièmement, des copies de la décision 2011/72, de la décision d’exécution 2011/79 et du règlement n° 101/2011 (annexes 9 à 11 de la requête) et, cinquièmement, des lettres du Conseil (annexes 12 et 13 de la requête).

55      Or, ainsi qu’il a, au demeurant, été jugé dans l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176, point 99), aucune de ces offres de preuve n’est susceptible de démontrer la réalité, et a fortiori le quantum, des préjudices patrimoniaux invoqués, dont la cause déterminante est, d’après le requérant, l’inscription de son nom sur la liste annexée à la décision 2011/72, le 4 février 2011, et la prorogation de cette inscription par les décisions 2012/50 et 2013/72.

56      Il s’ensuit que les conclusions en indemnité doivent en tout état de cause être rejetées comme manifestement dépourvues de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

57      En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

58      En vertu de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, le Tribunal règle librement les dépens en cas de non-lieu à statuer.

59      En l’espèce, le requérant conclut à la condamnation du Conseil aux dépens. Quant à lui, le Conseil conclut à la condamnation du requérant aux dépens.

60      Le requérant demande par ailleurs que le Conseil soit condamné à lui verser « une somme de 10 500 [euros] pour ses frais de défense ». Or, ces frais relèvent des dépens récupérables en vertu de l’article 91 du règlement de procédure. De telles conclusions n’ont donc pas une portée distincte des conclusions, mentionnées au point 59 ci-dessus, tendant à la condamnation du Conseil aux dépens.

61      Or, d’une part, le Tribunal a constaté, au point 38 ci-dessus, qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d’annulation. Or, la disparition de l’objet de ces conclusions résulte uniquement de ce que, par l’arrêt Ben Ali/Conseil, point 22 supra (EU:T:2014:176), le Tribunal a annulé l’annexe à la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79, en tant que cette annexe avait été prorogée par la décision 2012/50 et qu’elle mentionnait le nom du requérant.

62      D’autre part, au point 56 ci-dessus, le Tribunal a rejeté comme manifestement dépourvues de tout fondement en droit les conclusions en indemnité présentées par le requérant. Ainsi, alors que le Conseil avait conclu à la condamnation du requérant aux dépens, ce dernier a succombé sur ses conclusions en indemnité.

63      Dès lors, en application des dispositions combinées des paragraphes 2 et 6 de l’article 87 du règlement de procédure, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision 2013/72/PESC du Conseil, du 31 janvier 2013, modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie en ce qui concerne M. Mehdi Ben Tijani Ben Haj Hamda Ben Haj Hassen Ben Ali.

2)      Le surplus du recours est rejeté.


3)      M. Ben Ali et le Conseil de l’Union européenne supporteront chacun leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 14 octobre 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       D. Gratsias


* Langue de procédure : le français.