Par lettre du 4 octobre 1995 (ci-après «lettre du 4 octobre 1995» ou «décisionattaquée»), le membre de la Commission en charge des affaires de concurrence arefusé de donner suite à la demande de remboursement des requérantes dans lestermes suivants: «In your letter of 24 November 1993 you asked the Commission to review theposition of your clients ('the Swedish respondents) in light of the Court'sjudgment of 31 March 1993. More specifically, you requested the Commission toreturn the fines relating to the infringements found in the parts of its decisionwhich had been annulled by the aforesaid judgment. Having received a preliminaryreaction of my services (letter of 4 February 1994 signed by the Director Generalfor Competition), you reiterated your request in your letters of 8 April, 24 Octoberand 21 December 1994.
I do not see any possibility to accept your request. Article 3 of the decisionimposed a fine on each of the producers on an individual basis. Consequently, inpoint 7 of the operative part of its judgment, the Court annulled or reduced thefines imposed on each of the undertakings who were applicants before it. In theabsence of an application of annulment on behalf of your clients, the Court did notand indeed could not annul the parts of Article 3 imposing a fine on them. Itfollows that the obligation of the Commission to comply with the judgment of theCourt has been fulfilled in its entirety by the Commission reimbursing the fines paidby the successful applicants. As the judgment does not affect the decision withregard to your clients, the Commission was neither obliged nor indeed entitled toreimburse the fines paid by your clients.
As your clients' payment is based on a decision which still stands with regard tothem, and which is binding not only on your clients but also on the Commission,your request for reimbursement cannot be granted.»
[«Dans votre lettre du 24 novembre 1993, vous avez demandé à la Commission deréexaminer la situation de vos clientes ('les destinataires suédois) à la lumière del'arrêt rendu par la Cour le 31 mars 1993. Plus particulièrement, vous avez sollicitéde la Commission le remboursement des amendes relatives aux infractionsconstatées dans les parties de sa décision qui ont été annulées par ledit arrêt.Après une première réaction de mes services (lettre du 4 février 1994, signée parle directeur général de la concurrence), vous avez réitéré votre demande dans voslettres des 8 avril, 24 octobre et 21 décembre 1994.
Je ne vois aucune possibilité de faire suite à votre demande. L'article 3 de ladécision infligeait une amende à chacun des producteurs sur une base individuelle.C'est pourquoi, au point 7 du dispositif de son arrêt, la Cour a supprimé ou réduitles amendes infligées à chacune des entreprises requérantes dans les affaires dontelle était saisie. En l'absence d'un recours en annulation au nom de vos clientes,la Cour n'a pas annulé elle ne pouvait d'ailleurs pas le faire les parties del'article 3 qui leur imposaient des amendes. Par conséquent, la Commission aintégralement satisfait à son obligation de se conformer à l'arrêt de la Courlorsqu'elle a remboursé les amendes versées par les requérantes ayant obtenu gainde cause. Étant donné que l'arrêt n'affecte pas la décision dans la mesure où elleconcerne vos clientes, la Commission n'était ni obligée, ni même autorisée àrembourser les amendes payées par celles-ci.
Comme le paiement effectué par vos clientes est fondé sur une décision qui esttoujours valable en ce qui les concerne, et qui a toujours force contraignante nonseulement pour elles, mais aussi pour la Commission, votre demande deremboursement ne saurait être satisfaite.»]
Procédure et conclusions des parties
16. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 1995, les requérantesont introduit le présent recours.
17. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure oraleet a invité la Commission à se prononcer, à l'audience, sur la pertinence éventuellede l'arrêt de la Cour du 22 mars 1961, Snupat/Haute Autorité (42/59 et 49/59, Rec.p. 99).
18. A l'audience du 11 septembre 1996, les parties ont été entendues en leursplaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal composé de MM.H. Kirschner, président, B. Vesterdorf, C. W. Bellamy, A. Kalogeropoulos etA. Potocki, juges.
19. Suite au décès du juge M. Kirschner, le 6 février 1997, le présent arrêt a étédélibéré par les trois juges dont il porte la signature, conformément à l'article 32du règlement de procédure.
20. Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler la décision du 4 octobre 1995;
ordonner à la Commission de prendre toutes les mesures que comportel'exécution de l'arrêt de la Cour du 31 mars 1993 et, en particulier, derembourser aux parties requérantes les amendes payées par chacune d'ellesou par les entreprises dont elles ont repris les droits et obligations, àconcurrence des montants indiqués à l'annexe 6 de la requête;
ordonner à la Commission de payer, à compter de la date du paiement desamendes par les destinataires suédois et jusqu'au remboursement desmontants demandés, des intérêts sur ces montants:
initialement au taux appliqué par le Fonds européen de coopérationmonétaire lors des paiements des amendes, puis au taux appliqué parl'Institut monétaire européen, tous deux majorés d'un point et demi,ou
au taux prêteur de base de la Banque nationale de Belgique, majoréd'un point;
à concurrence des montants d'intérêt indiqués à l'annexe 9 de la requête;
condamner la Commission aux dépens.
21. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours comme irrecevable;
subsidiairement, rejeter le recours comme non fondé;
condamner les requérantes aux dépens.
Sur le premier chef de conclusions, tendant à l'annulation de la décisionprétendument contenue dans la lettre du 4 octobre 1995
Sur la recevabilité
Argumentation des parties
22. La Commission excipe de l'irrecevabilité des conclusions en annulation au motifque la lettre du 4 octobre 1995 ne constitue que la confirmation de la décision pâtede bois pour autant que celle-ci vise les requérantes. A ce titre, ladite lettre neconstituerait pas un acte attaquable.
23. La lettre du 4 octobre 1995 ne contiendrait aucun élément nouveau par rapport àla décision pâte de bois modifiant la situation juridique des requérantes. Elle secontenterait de confirmer que la décision pâte de bois reste valable en ce quiconcerne les requérantes et qu'il n'y a donc pas lieu de revenir sur cette décision.
24. Bien que le recours tende à l'annulation d'une nouvelle décision figurantprétendument dans la lettre du 4 octobre 1995, celui-ci viserait en réalité ladécision pâte de bois. Étant donné que le délai pour former un recours enannulation contre la décision pâte de bois est expiré depuis longtemps, le présentrecours devrait, dès lors, être déclaré irrecevable.
25. Les requérantes font valoir que la lettre du 4 octobre 1995 constitue un acteattaquable au sens de l'article 173 du traité.
26. En effet, ladite lettre devrait s'analyser comme une nouvelle décision par rapportà la décision pâte de bois. Elle énoncerait pour la première fois le point de vue dela Commission en ce qui concerne les obligations qui lui incombent en vertu del'arrêt du 31 mars 1993 et, fondée sur ce point de vue, sa décision de ne pasrembourser les amendes versées par les parties requérantes et par les entreprisesdont elles ont repris les droits et obligations.
27. Il serait donc inexact de prétendre que la lettre du 4 octobre 1995 ne contientaucun élément qui ne ressortait pas déjà de la décision pâte de bois. Dans cettedécision, la Commission affirmait que les parties requérantes avaient commisdifférentes infractions aux règles de concurrence, leur ordonnait d'y mettre fin etleur infligeait des amendes. En revanche, dans sa lettre du 4 octobre 1995, laCommission aurait, de façon non équivoque et définitive, pour la première foisdécidé ne de pas rembourser les amendes.
28. Il s'agirait d'un acte affectant immédiatement et de manière irréversible la situationjuridique des entreprises concernées (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981,IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, et arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992,Cimenteries CBR e.a./Commission, T-10/92, T-11/92, T-12/92 et T-15/92, Rec.p. II-2667).
Appréciation du Tribunal
29. Le Tribunal rappelle, liminairement, qu'il résulte d'une jurisprudence constante queles recours dirigés contre des décisions purement confirmatives de décisionsantérieures qui n'ont pas été attaquées dans les délais sont irrecevables (arrêt dela Cour du 15 décembre 1988, Irish Cement/Commission, 166/86 et 220/86, Rec.p. 6473, point 16, et arrêt du Tribunal du 14 juillet 1995, Groupement des cartesbancaires «CB»/Commission, T-275/94, Rec. p. II-2169, point 27). En effet, un actequi se borne à confirmer un acte antérieur ne saurait accorder aux intéressés lapossibilité de rouvrir les débats sur la légalité de l'acte confirmé (arrêt du 22 mars1961, Snupat/Haute Autorité, précité, p. 146).
30. En l'espèce, il convient de constater que, par leur lettre du 24 novembre 1993, lesrequérantes ont demandé à la Commission de réexaminer, à la lumière des motifsde l'arrêt du 31 mars 1993, les effets juridiques de la décision pâte de bois à leurégard. Elles ont, en particulier, demandé à la Commission de procéder auremboursement des amendes relatives aux infractions constatées dans les partiesde ladite décision qui ont été annulées par l'arrêt du 31 mars 1993.
31. Cette demande de réexamen a été rejetée par lettre du 4 octobre 1995, au motifque la Commission avait satisfait à son obligation de se conformer à l'arrêt du 31mars 1993 en remboursant les amendes versées dans la mesure où celles-ci avaientété supprimées par l'arrêt de la Cour.
32. Afin de répondre à la question de savoir si le refus de la Commission deréexaminer la légalité de la décision pâte de bois pour autant qu'elle vise lesrequérantes constitue ou non un acte purement confirmatif, il est indispensabled'examiner d'abord si, en l'espèce, l'article 176 du traité lui imposait un telréexamen.
33. En effet, le Tribunal considère que c'est uniquement dans ce cas de figure qu'il yaurait lieu de considérer l'acte, contenu dans la lettre de la Commission du 4octobre 1995, portant implicitement sur l'étendue des obligations que lui imposel'article 176 du traité à la suite de l'arrêt du 31 mars 1993, comme une nouvelledécision susceptible d'être attaquée dans le cadre d'un recours en annulation (voir,en ce sens, l'arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission (97/86,193/86, 99/86 et 215/86, Rec. p. 2181, points 8, 32 et 33), cette dernière décisiondevant être considérée comme ayant été adoptée dans un nouveau contextejuridique par rapport à celui dans lequel la décision pâte de bois a été adoptée.
34. Étant donné que la question de savoir si l'arrêt du 31 mars 1993 a pourconséquence une obligation de réexaminer la légalité de la décision pâte de boispour autant qu'elle concerne les requérantes relève du fond de l'affaire, il y a lieud'examiner la question de la recevabilité en même temps que le fond.
Sur le fond
Argumentation des parties
35. Les requérantes soulèvent un moyen unique, tiré de ce que la Commission, enrefusant de reconsidérer, à la lumière de l'arrêt du 31 mars 1993, la décision pâtede bois en ce qui les concerne et de rembourser les amendes qu'elles ont payées,a méconnu les conséquences juridiques qui découlent de l'arrêt de la Cour du 31mars 1993. Ce moyen s'articule en deux branches.
36. Dans une première branche du moyen, les requérantes font valoir que laCommission a méconnu le principe de droit communautaire selon lequel un arrêtd'annulation a pour effet de rendre l'acte attaqué, en l'occurrence la décision pâtede bois, nul et non avenu erga omnes et ex tunc.
37. De l'article 174, premier alinéa, du traité, il ressortirait que l'effet erga omnes d'unarrêt d'annulation concerne aussi bien les décisions, telle que celle en cause enl'espèce, que les règlements, ladite disposition ne faisant pas de distinction en cequi concerne les effets juridiques d'une déclaration de nullité en fonction desdifférentes formes d'actes.
38. Contrairement à ce que la Commission fait valoir, la décision pâte de bois nedevrait pas être considérée comme un faisceau de décisions individuelles, maisdevrait s'analyser comme une seule décision, adressée à de nombreuses entreprises.Cette appréciation serait corroborée par les constatations, faites par la Cour dansl'arrêt du 31 mars 1993, selon lesquelles la Commission n'a pas tenté d'expliqueren quoi les infractions retenues aux paragraphes 1 et 2 de l'article 1er du dispositifde la décision concernaient chaque destinataire individuel en indiquant entre quiet qui la concertation aurait eu lieu et pendant quelles périodes.
39. L'effet erga omnes d'un arrêt d'annulation serait, en outre, consacré par unejurisprudence bien établie (voir les arrêts de la Cour du 21 décembre 1954,Italie/Haute Autorité, 2/54, Rec. p. 73, du 11 février 1955, Assider/Haute Autorité,3/54, Rec. p. 123, et ISA/Haute Autorité, 4/54, Rec. p. 177, du 28 juin 1955,Assider/Haute Autorité, 5/55, Rec. p. 263 et l'arrêt du 22 mars 1961, Snupat/HauteAutorité, précité; les conclusions de l'avocat général M. Lagrange sous l'arrêt dela Cour du 27 mars 1963, Da Costa en Schaake e.a., 28/62, 29/62 et 30/62, Rec.p. 59, 79; les conclusions de l'avocat général M. Gand sous l'ordonnance de la Courdu 5 octobre 1969, Allemagne/Commission, 50/69 R, Rec. p. 449, 454; lesconclusions de l'avocat général M. Dutheillet de Lamothe sous l'arrêt de la Courdu 13 juin 1972, Compagnie d'approvisionnement et des Grands moulins deParis/Commission, 9/71 et 11/71, Rec. p. 391, 411; l'arrêt de la Cour du 25novembre 1976, Küster/Parlement, 30/76, Rec. p. 1719, ainsi que les conclusions del'avocat général M. Reischl sous cet arrêt, Rec. p. 1730; les arrêts de la Cour du5 mars 1980, Könecke/Commission, 76/79, Rec. p. 665, du 13 mai 1981,International Chemical Corporation, 66/80, Rec. p. 1191, Asteris e.a./Commission,précité, et du 2 mars 1989, Pinna, 359/87, Rec. p. 585, ainsi que les conclusions del'avocat général M. Lenz sous cet arrêt, points 13 à 16 et 29).
40. Les requérantes relèvent que, si le juge communautaire a le pouvoir de limiter leseffets erga omnes de ses arrêts (voir, à titre d'exemple, arrêts du Tribunal du 29juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, Rec. p. II-1775, et ICI/Commission, T-36/91,Rec. p. II-1847), la Cour n'a pas fait usage de ce pouvoir dans l'arrêt du 31 mars1993. Contrairement au paragraphe 4 de l'article 1er de la décision pâte de bois, lesparagraphes 1 et 2 dudit article auraient été annulés sans aucune limitation quantaux effets de cette annulation, de sorte que les constatations que contenaient cesdispositions auraient également été annulées en ce qui concerne les requérantes.
41. Le point 7 du dispositif dudit arrêt, selon lequel «les amendes infligées auxrequérantes sont supprimées», ne saurait, d'après les requérantes, modifier cetteappréciation. La référence aux «requérantes» aurait été insérée dans le seul butde distinguer les entreprises dont la Cour a annulé les amendes dans leur totalitéde celles dont elle a confirmé les amendes en tout ou en partie.
42. Il s'ensuit, selon les requérantes, que l'arrêt de la Cour du 31 mars 1993 oblige laCommission, afin d'éviter tout enrichissement sans cause, à retirer la décision pâtede bois pour autant qu'elle a infligé aux destinataires suédois des amendes pour lesinfractions constatées dans ces paragraphes et à procéder à un remboursementpartiel de ces amendes, majorées d'intérêts à un taux reflétant l'avantage qu'areprésenté la disposition de ces sommes.
43. Dans une seconde branche du moyen, les requérantes font valoir que laCommission a violé l'article 176 du traité.
44. En effet, cette disposition obligerait l'institution concernée à prendre les mesuresque comporte l'exécution d'un arrêt d'annulation, non seulement à l'égard desparties au litige, mais aussi à l'égard d'autres parties. L'obligation de se conformerà un arrêt impliquerait pour l'institution défenderesse notamment le devoir deréexaminer les cas similaires à la lumière de l'arrêt. En l'espèce, la Commissionserait notamment tenue de faire en sorte que les destinataires suédois se trouvantdans une situation semblable à celle des parties requérantes devant la Cour soientplacés dans la même situation que ces dernières (arrêt du 22 mars 1961,Snupat/Haute Autorité, précité, et également arrêts de la Cour du 6 mars 1979,Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, et Könecke/Commission, précité).
45. A cette fin, l'institution concernée devrait examiner non seulement le dispositif del'arrêt, mais également les motifs de celui-ci (arrêt Asteris e.a./Commission,précité). A ce propos, les requérantes soulignent que l'arrêt du 31 mars 1993comporte des considérations d'ordre général s'appliquant également auxconstatations relatives aux infractions retenues à leur encontre.
46. Elles rappellent notamment que la Cour a annulé l'article 1er, paragraphe 1, de ladécision pâte de bois au motif que la Commission n'avait pas expliqué la valeurprobatoire de certaines preuves documentaires et n'avait pas établi que laconcertation sur les prix était la seule explication plausible des indications deparallélisme de comportement qu'elle invoquait. De même, elles soulignent quel'article 1er, paragraphe 2, a été annulé au motif que la constatation de l'infractionen cause n'avait pas été mentionnée dans la communication des griefs, ce qui avaitconstitué une violation des droits de la défense et, ainsi, vicié la procédure suiviepar la Commission à l'égard de chacun des destinataires de cette communicationdes griefs ultérieurement accusés d'avoir pris part à cette infraction. Toutes lesamendes payées au titre de ces constatations auraient donc dû être remboursées.
47. La Commission rappelle que la question essentielle posée en l'espèce est celle desavoir si une entreprise, à laquelle la Commission a infligé une amende pourinfraction au droit de la concurrence et qui a payé cette amende sans former unrecours en annulation contre la décision, peut réclamer ensuite son remboursementau motif que le juge communautaire a annulé les amendes imposées à d'autresentreprises ayant, dans le délai imparti, introduit des recours en annulation etobtenu gain de cause.
48. D'après elle, la réponse à cette question doit être négative car les décisions quiinfligent des amendes sont des décisions individuelles adressées à des destinatairesdistincts. Seul le destinataire, lui-même, pourrait former un recours en annulationcontre cette décision. Or, si un destinataire décide de ne pas introduire un telrecours en annulation dans les délais prévus à cet effet, la décision resterait,conformément à l'article 189 du traité, valable à son égard et obligatoire dans tousses éléments. Il n'existerait donc pas de raison qui obligerait ou permettrait àla Commission de rembourser, même partiellement, les amendes en question.Accueillir la demande des requérantes reviendrait à contourner le délai prévu parl'article 173 du traité.
49. La Commission conteste la thèse des requérantes selon laquelle l'annulation parla Cour des paragraphes 1 et 2 de l'article 1er de la décision pâte de bois aurait uneffet erga omnes, de sorte qu'elle serait tenue de rembourser les amendes payéesau titre des constatations figurant dans ces deux paragraphes.
50. Elle soutient, à cet égard, que les requérantes confondent le statut légal desdécisions et celui des règlements. Alors que les règlements comportent des effetsjuridiques pour des catégories de personnes envisagées d'une manière générale etabstraite, les décisions seraient des actes administratifs individuels, affectant lasituation juridique de destinataires individuels. Le simple fait que les décisionsimposant les amendes aux requérantes ont été adoptées en même temps que lesdécisions concernant d'autres entreprises impliquées ne changerait rien à la natureindividuelle de chaque décision. Si l'annulation d'un règlement peut avoir des effetsgénéraux, l'annulation d'une décision, en revanche, n'affecterait que la situationjuridique du requérant ayant obtenu gain de cause.
51. La décision pâte de bois constituant en réalité un faisceau de décisions individuellesadressées aux différents destinataires et assorties d'amendes infligéesindividuellement, l'arrêt du 31 mars 1993 n'aurait pas d'effet erga omnes au sensdéfendu par les requérantes. Cette interprétation serait soutenue par le libellé dudispositif de l'arrêt, selon lequel la Cour a supprimé ou réduit les «amendesinfligées aux requérantes», c'est-à-dire les amendes infligées aux entreprises ayantintroduit un recours. La Cour n'aurait pas pu annuler les amendes infligées auxdestinataires suédois.
52. En ce qui concerne l'affirmation selon laquelle elle aurait violé l'article 176 dutraité, la Commission rétorque qu'elle a intégralement satisfait à son obligation dese conformer à l'arrêt du 31 mars 1993 en remboursant les amendes versées parles requérantes ayant obtenu gain de cause devant la Cour. Quant aux destinatairessuédois, requérantes dans la présente affaire, elle ne serait ni obligée ni mêmeautorisée à rembourser leurs amendes.
53. Enfin, la Commission allègue que l'affirmation des requérantes, selon laquelle elleserait tenue de faire en sorte que les destinataires suédois, se trouvant dans unesituation semblable à celle des parties requérantes devant la Cour, soient placésdans la même situation que ces dernières, est manifestement erronée. En effet, lesdestinataires suédois ne se trouveraient pas dans la même situation que les autresdestinataires de la décision puisqu'ils n'ont justement pas introduit de recours enannulation dans le délai prévu par l'article 173 du traité.
54. Répondant à une question posée par le Tribunal, la Commission a, lors del'audience, fait valoir que la solution donnée dans l'affaire Snupat/Haute Autorité,précitée, n'est pas transposable en l'espèce. En effet, il y aurait des différencesmajeures entre le contexte dans lequel s'inscrit la présente affaire et celui dontrelevait l'affaire Snupat (voir, à part l'arrêt du 22 mars 1961, Snupat/HauteAutorité, précité, les arrêts de la Cour du 17 juillet 1959, Snupat/Haute Autorité,32/58 et 33/58, Rec. p. 275, et du 12 juillet 1962, Hoogovens/Haute Autorité, 14/61,Rec. p. 485). Premièrement, l'entreprise Snupat aurait, contrairement auxdestinataires suédois, effectivement utilisé, en temps utile, toutes les voies derecours ouvertes pour contester les décisions de la Haute Autorité qui lui faisaientgrief. Deuxièmement, l'affaire Snupat aurait concerné un régime de péréquationqui, par sa nature, établissait un lien entre le traitement accordé par la HauteAutorité aux différentes entreprises. En effet, les exonérations accordées àcertaines entreprises avaient automatiquement pour conséquence des cotisationsplus élevées pour les autres, parmi lesquelles la requérante Snupat. Un tel lienentre les destinataires n'existerait pas en l'espèce.
Appréciation du Tribunal
55. Tout d'abord, il y a lieu d'examiner la thèse des requérantes selon laquelle l'arrêtdu 31 mars 1993 a produit un effet erga omnes. Selon les requérantes, l'arrêt aannulé les deux premiers paragraphes de l'article 1er de la décision pâte de boissans limiter le champ de cette annulation, de sorte que les constatations faites parla Commission quant aux infractions retenues dans ces dispositions auraient étéannulées également en ce qui les concerne.
56. Cette thèse ne saurait être accueillie. En effet, si rien n'interdit à la Commissionde statuer par une décision unique sur plusieurs infractions, même si certainsdestinataires sont étrangers à certaines de ces infractions, à condition que ladécision permette à tout destinataire de dégager avec précision les griefs retenusà son égard (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Coöperatieve Vereniging«Suiker Unie» e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73et 114/73, Rec. p. 1663, point 111), le Tribunal considère que la décision pâte debois, bien que rédigée et publiée sous la forme d'une seule décision, doit s'analysercomme un faisceau de décisions individuelles constatant à l'égard de chacune desentreprises destinataires la ou les infraction(s) retenue(s) à sa charge et luiinfligeant, le cas échéant, une amende. Dès lors, la Commission aurait pu, si ellel'avait souhaité, adopter, de façon formelle, plusieurs décisions individuellesdistinctes, constatant les infractions à l'article 85 du traité qu'elle avait retenues.
57. Cette appréciation est, en outre, étayée par le libellé du dispositif de la décisionpâte de bois, celui-ci constatant pour chaque entreprise, à titre individuel, lesinfractions retenues à sa charge et infligeant, par conséquent, des amendesindividuelles aux destinataires de la décision (voir notamment les articles 1er et 3de la décision pâte de bois).
58. Selon l'article 189 du traité, chacune de ces décisions individuelles faisant partie dela décision pâte de bois est obligatoire dans tous ses éléments pour le destinatairequ'elle désigne. Dans la mesure où un destinataire n'a pas introduit, au titre del'article 173, un recours en annulation à l'encontre de la décision pâte de bois pourautant qu'elle le concerne, cette décision reste donc valable et contraignante à sonégard (voir, dans le même sens, l'arrêt de la Cour du 9 mars 1994, TWDTextilwerke Deggendorf, C-188/92, Rec. p. I-833, point 13).
59. Dès lors, si un destinataire décide d'introduire un recours en annulation, le jugecommunautaire n'est saisi que des éléments de la décision le concernant. Enrevanche, les éléments de la décision concernant d'autres destinataires, qui n'ontpas été attaqués, n'entrent pas dans l'objet du litige que le juge communautaire estappelé à trancher.
60. Celui-ci ne peut, dans le cadre d'un recours en annulation, statuer que sur l'objetdu litige qui lui a été déféré par les parties. Par conséquent, une décision telle quela décision pâte de bois ne peut être annulée qu'en ce qui concerne lesdestinataires ayant obtenu gain de cause dans leurs recours devant le jugecommunautaire.
61. Le Tribunal considère, dès lors, qu'il convient d'interpréter les points 1 et 2 dudispositif de l'arrêt de la Cour en ce sens que les deux premiers paragraphes del'article 1er de la décision pâte de bois ne sont annulés que dans la mesure où ilsconcernent les parties ayant obtenu gain de cause devant la Cour. Cetteappréciation est, en outre, corroborée par le point 7 du dispositif de l'arrêt, selonlequel seules les «amendes infligées aux requérantes» sont supprimées ou réduites.
62. A cet égard, il y a lieu de constater que la jurisprudence invoquée par lesrequérantes à l'appui de la thèse d'un effet erga omnes est, comme la Commissionl'a fait valoir à juste titre, dépourvue de pertinence en l'espèce, étant donné quechacun des arrêts cités concerne des points de droit différents, renvoyant à dessituations de fait bien particulières.
63. Il résulte de ce qui précède que la première branche du moyen doit donc êtrerejetée comme non fondée.
64. Il convient, ensuite, d'examiner la seconde branche du moyen tirée d'une violationde l'article 176 du traité, en ce que la Commission aurait méconnu son obligationde réexaminer la légalité de la décision pâte de bois pour autant qu'elle vise lesdestinataires suédois.
65. Selon l'article 176, premier alinéa, du traité, «L'institution ou les institutions dontémane l'acte annulé [...] sont tenues de prendre les mesures que comportel'exécution de l'arrêt de la Cour de justice».