Language of document : ECLI:EU:T:2019:70

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

7 février 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale TecDocPower – Marques de l’Union européenne verbale et figurative antérieures TECDOC et TecDoc – Motif relatif de refus – Similitude des produits et des services – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Usage sérieux des marques antérieures – Article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001) »

Dans l’affaire T‑789/17,

TecAlliance GmbH, établie à Ismaning (Allemagne), représentée par Me P. Engemann, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. S. Hanne, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Siemens AG, établie à Munich (Allemagne), représentée par Mes V. von Bomhard et J. Fuhrmann, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 14 septembre 2017 (affaire R 2433/2016-1), relative à une procédure d’opposition entre TecAlliance et Siemens,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. G. De Baere, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 novembre 2017,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 9 février 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 13 février 2018,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 octobre 2014, l’intervenante, Siemens AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal TecDocPower.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Solutions pour le traitement de l’information, à savoir logiciels de traitement et de gestion de contenus documentaires dans le domaine du contrôle de processus industriels et de la production de publications ; tous les articles précités exclusivement pour le domaine de la documentation technique pour les centrales électriques et les installations de centrales électriques ».

4        Le 6 mars 2015, la requérante, TecAlliance GmbH, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 2 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur deux marques antérieures (ci-après, prises ensemble, les « marques antérieures »).

6        En premier lieu, l’opposition était fondée sur la marque verbale TECDOC, enregistrée le 8 octobre 1998 en Allemagne sous le numéro 39829093 pour les produits et services relevant des classes 9, 35 et 42 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Supports de données en tous genres, munis de programmes » ;

–        classe 35 : « Compilation et systématisation d’informations dans des bases de données informatiques et des bases de données hébergées sur le réseau Internet, exploitation de bases de données informatiques et de bases de données hébergées sur le réseau Internet » ;

–        classe 42 : « Location de temps d’accès à un centre serveur de bases de données, programmation informatique, conception de logiciels, mise à jour de logiciels, consultation en matière d’ordinateurs, location de logiciels, reconstitution de bases de données, maintenance de logiciels, analyse de systèmes informatiques ».

7        La même marque verbale a été enregistrée, également le 8 octobre 1998, en tant qu’enregistrement international désignant l’Union européenne sous le numéro 705136 pour les produits et services relevant des classes 9, 35 et 42, dont la description est en substance identique à celles des produits et services visés au point 6 ci-dessus.

8        En second lieu, l’opposition était fondée sur la marque figurative reproduite ci-après, enregistrée le 31 août 2007 en Allemagne sous le numéro 30734643 :

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9        Les produits et services visés par cette marque figurative antérieure relèvent des classes 9, 35, 38 et 42. S’agissant des produits et des services compris dans les classes 9, 35 et 42, leur description est en substance identique à celle des produits et des services relevant des mêmes classes visés au point 6 ci-dessus. S’agissant des services compris dans la classe 38, ils correspondent à la description suivante : « Location de temps d’accès à des bases de données informatiques ».

10      La même marque figurative a été enregistrée le 27 novembre 2007 en tant qu’enregistrement international désignant l’Union européenne sous le numéro 972933 pour les produits et services relevant des classes 9, 35, 38 et 42 dont la description est en substance identique à celles des produits et services visés au point 9 ci-dessus. 

11      Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

12      Le 29 septembre 2015, l’intervenante a présenté une demande au titre de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), tendant à ce que la requérante établisse l’usage sérieux des marques antérieures.

13      Le 15 décembre 2015 et le 1er février 2016, la requérante a produit des documents portant sur l’usage des marques antérieures.

14      Le 8 novembre 2016, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

15      Le 23 décembre 2016, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

16      Par décision du 14 septembre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

17      En premier lieu, s’agissant de la preuve de l’usage des marques antérieures, la chambre de recours a tout d’abord relevé que la requérante n’avait pas apporté une preuve suffisante de l’usage des marques antérieures pour les services compris dans la classe 42 suivants : « Programmation informatique, conception de logiciels, reconstitution de bases de données, maintenance de logiciels, analyse de systèmes informatiques » ; « Consultation en matière d’ordinateurs » et « Conseil technique en matériel et logiciel informatiques ».

18      Ensuite, elle a constaté que les documents portant sur l’usage qui avaient été produits par la requérante démontraient qu’elle avait développé et continuellement mis à jour une base de données informatisée contenant des informations sur les pièces d’automobiles qu’elle vendait sous le signe TECDOC, tant sur DVD que par Internet, sous forme d’une base de données en ligne.

19      En deuxième lieu, la chambre de recours a constaté que, puisque les termes « programmes », « programmation informatique » « logiciels » et « base de données », utilisés par la requérante dans la liste des produits et des services visés par les marques antérieures, étaient très largement entendus et pouvaient couvrir un grand nombre de programmes, de logiciels, de programmes de traitement de données et de bases de données, dans les buts les plus divers, la désignation de sous-catégories, selon leur fonction et objet, était justifiée.

20      Devant la chambre de recours, la requérante avait fait valoir qu’il était sans importance de savoir quelles données étaient traitées avec un logiciel de bases de données et que, dès lors, il était approprié de distinguer une sous-catégorie « Supports de données munis de logiciels pour bases de données ». La chambre de recours a rejeté cet argument et a constaté que, en raison des structures et des fonctions différentes des bases de données, les logiciels de bases de données ne représentaient pas un groupe uniforme et homogène.

21      À titre subsidiaire, la requérante avait avancé, devant la chambre de recours, qu’il serait approprié d’identifier une sous-catégorie « Supports de données munis de logiciels pour bases de données pour des solutions dans le secteur industriel ». À cet égard, la chambre de recours a constaté que le contenu d’une telle sous-catégorie n’était pas suffisamment défini et que cette dernière couvrait des produits hétérogènes ayant des qualités très différentes en fonction du secteur et de la problématique qu’ils concernaient.

22      La chambre de recours a donc considéré, en substance, que c’était à juste titre que la division d’opposition avait constaté que la preuve de l’usage avait été rapportée pour des sous-catégories de produits et de services concernant le secteur de l’automobile.

23      Selon la chambre de recours, la requérante avait donc prouvé un usage sérieux de la marque verbale antérieure, enregistrée sous les numéros 39829093 et 705136, pour les produits et services suivants :

–        classe 9 : « Supports de données DVD munis de logiciels pour bases de données concernant l’industrie automobile » ;

–        classe 35 : « Compilation et systématisation d’informations dans des bases de données informatiques et des bases de données hébergées sur le réseau Internet concernant l’industrie automobile, exploitation/mise à disposition de bases de données informatiques et de bases de données hébergées sur le réseau Internet concernant l’industrie automobile » ;

–        classe 42 : « Location de temps d’accès à un centre serveur de bases de données concernant l’industrie automobile, mise à jour de logiciels de bases de données concernant l’industrie automobile, location de logiciels de bases de données concernant l’industrie automobile ».

24      Selon la chambre de recours, la requérante a également prouvé l’usage sérieux de la marque figurative antérieure enregistrée sous le numéro 30 734 634 pour les produits et services suivants :

–        classe 9 : « Supports de données DVD munis de logiciels pour bases de données concernant l’industrie automobile » ;

–        classe 35 : « Compilation et systématisation d’informations dans des bases de données informatiques et des bases de données hébergées sur le réseau Internet concernant l’industrie automobile, mise à jour et maintenance de données dans des bases de données informatiques et des bases de données hébergées sur le réseau Internet concernant l’industrie automobile » ;

–        classe 38 : « Location de temps d’accès à des bases de données informatiques concernant l’industrie automobile » ;

–        classe 42 : « Mise à jour de logiciels de bases de données concernant l’industrie automobile, location de logiciels de bases de données concernant l’industrie automobile ».

25      Enfin, la requérante a prouvé l’usage sérieux de la marque figurative antérieure enregistrée sous le numéro 972933 pour les produits et services suivants :

–        classe 9 : « Supports de données DVD munis de logiciels pour bases de données concernant l’industrie automobile » ;

–        classe 35 : « Compilation et systématisation d’informations dans des bases de données informatiques et des bases de données hébergées sur le réseau Internet concernant l’industrie automobile, mise à disposition d’informations commerciales à partir d’ordinateurs et de bases de données Internet concernant l’industrie automobile » ;

–        classe 38 : « Location de temps d’accès à des bases de données informatiques concernant l’industrie automobile » ;

–        classe 42 : « Mise à jour de logiciels de bases de données concernant l’industrie automobile, location de logiciels de bases de données concernant l’industrie automobile ».

26      En troisième et dernier lieu, s’agissant de l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la chambre de recours a constaté, dans le cadre de la comparaison subséquente des produits et des services en cause, que ceux-ci étaient dissemblables sur le fondement de plusieurs facteurs, à savoir, premièrement, leur différence d’usage et de destination, deuxièmement, leurs fournisseurs et clients différents et, troisièmement, leurs circuits de distribution séparés. Partant, en l’absence de similitude entre les produits visés par la marque demandée et les produits et services visés par les marques antérieures, elle a conclu qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

 Conclusions des parties

27      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la division d’opposition ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        réformer la décision de la division d’opposition et la décision attaquée de sorte que l’opposition et le recours soient accueillis dans leur intégralité ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens afférents à la procédure devant la chambre de recours et devant le Tribunal.

28      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des pièces présentées pour la première fois devant le Tribunal

29      À l’appui de son recours, la requérante a présenté, notamment, les documents suivants. Premièrement, un extrait du registre de commerce concernant la requérante et la société TECCOM GmbH ; deuxièmement, un article de presse du 6 septembre 2000 ; troisièmement, une liste des fournisseurs de données de la requérante et, quatrièmement, un extrait d’un site Internet concernant les sociétés IBM et Siemens Business Services.

30      Ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne sauraient être prises en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009 (devenu article 72 du règlement 2017/1001), de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter ces pièces sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

 Sur le fond

31      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, le premier tiré d’une violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001), et le second tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

32      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009

33      La requérante affirme que l’appréciation de la chambre de recours reprise aux points 19 à 25 ci-dessus est erronée. D’une part, elle fait valoir que la chambre de recours a fait des erreurs dans la désignation des sous-catégories et, d’autre part, elle propose des sous-catégories alternatives qui seraient plus appropriées.

34      Plus particulièrement, s’agissant, notamment, des produits compris dans la classe 9, elle prétend que la chambre de recours aurait dû distinguer entre les systèmes d’exploitation servant au contrôle d’ordinateurs ou de machines, d’une part, et les logiciels d’applications, qui se limitent à restituer les opérations sur écran, d’autre part. Elle avance que la chambre de recours aurait, au sein de la sous-catégorie de logiciels d’application, dû faire une distinction entre les consommateurs finaux et les clients commerciaux et industriels. Ensuite, concernant cette dernière sous-catégorie de logiciels d’entreprise, la chambre de recours aurait dû formuler des sous-catégories pour, notamment, les logiciels pour nuages et plates-formes de données, les logiciels pour l’approvisionnement et les réseaux, les logiciels pour solutions d’analyses, les logiciels pour l’interaction avec les clients et le commerce électronique, les logiciels pour les chaînes logistiques numériques et les logiciels pour la gestion des ressources humaines ou des finances. Elle affirme que, même à l’issue de cette distinction, les produits en cause compris dans la classe 9 seraient identiques en ce qu’ils pourraient être classés parmi les plates-formes de bases de données.

35      En outre, la formation d’une sous-catégorie selon les secteurs d’activités, comme la chambre de recours l’aurait proposé, ne serait pas appropriée s’agissant des logiciels. En effet, les logiciels de bases de données seraient proposés à tous les secteurs d’activités par les fabricants de logiciels, lesquels seraient en mesure d’adapter un logiciel de bases de données existant aux besoins des clients ou aux exigences propres à un secteur d’activités.

36      S’agissant des services relevant des classes 35, 38 et 42, il ne serait pas non plus nécessaire de créer des sous-catégories étant donné que les services concernant les logiciels et les bases de données seraient déjà suffisamment spécifiques.

37      Il convient de constater que, selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 , lu à la lumière du considérant 10 du règlement no 207/2009 (devenu considérant 24 du règlement 2017/1001), et de la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 10, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2017/1430, complétant le règlement no 207/2009 et abrogeant les règlements no 2868/95 et (CE) no 216/96 (JO 2017, L 205, p. 1)], que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque de l’Union européenne consiste à limiter les conflits entre deux marques, à moins qu’il n’existe un juste motif économique à l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché. En revanche, ces dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 17 janvier 2013, Reber/OHMI – Wedi & Hofmann (Walzer Traum), T‑355/09, non publié, EU:T:2013:22, point 25 et jurisprudence citée].

38      Il résulte de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 que, si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou de ces services n’emporte protection, dans une procédure d’opposition, que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou les services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée. En revanche, si une marque a été enregistrée pour des produits ou des services définis de façon tellement précise et circonscrite qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de la catégorie concernée, alors, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour ces produits ou services couvre nécessairement toute cette catégorie aux fins de l’opposition [arrêts du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, EU:T:2005:288, point 45, et du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 23].

39      En effet, si la notion d’usage partiel a pour fonction de ne pas rendre indisponibles des marques dont il n’a pas été fait usage pour une catégorie de produits donnés, elle ne doit néanmoins pas avoir pour effet de priver le titulaire de la marque antérieure de toute protection pour des produits qui, sans être rigoureusement identiques à ceux pour lesquels il a pu prouver un usage sérieux, ne sont pas essentiellement différents de ceux-ci et relèvent d’un même groupe qui ne peut être divisé autrement que de façon arbitraire. Il convient à cet égard d’observer qu’il est en pratique impossible au titulaire d’une marque d’apporter la preuve de l’usage de celle-ci pour toutes les variantes imaginables des produits concernés par l’enregistrement. Par conséquent, la notion de « partie des produits ou des services » ne peut s’entendre de toutes les déclinaisons commerciales de produits ou de services analogues, mais seulement de produits ou de services suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou des sous-catégories cohérentes (arrêts du 14 juillet 2005, ALADIN, T‑126/03, EU:T:2005:288, point 46, et du 13 février 2007, RESPICUR, T‑256/04, EU:T:2007:46, point 24).

40      Or, il convient d’observer que, dans la mesure où le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra répondre à ses besoins spécifiques, la finalité ou la destination du produit ou du service en cause revêt un caractère essentiel dans l’orientation de son choix. Dès lors, dans la mesure où il est appliqué par les consommateurs préalablement à tout achat, le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans la définition d’une sous-catégorie de produits ou de services [voir arrêts du 30 janvier 2015, Now Wireless/OHMI – Starbucks (HK) (now), T‑278/13, non publié, EU:T:2015:57, point 27 et jurisprudence citée, et du 7 mars 2018, Rstudio/EUIPO – Embarcadero Technologies (RSTUDIO), T‑230/17, non publié, EU:T:2018:120, point 24 et jurisprudence citée].

41      Il convient de rappeler que la requérante ne conteste pas la constatation de la chambre de recours selon laquelle les documents portant sur l’usage qu’elle a produits démontrent qu’elle a développé et continuellement mis à jour une base de données informatisée contenant des informations sur les pièces d’automobiles, qu’elle vend tant sur DVD que par le biais d’Internet, sous la forme d’une base de données en ligne.

42      En substance, la question qui se pose est de savoir si la chambre de recours a correctement apprécié la finalité ou la destination des produits ou des services visés par les marques antérieures pour définir les sous-catégories reprises aux points 23 à 25 ci-dessus.

43      Il convient de constater qu’il ressort de la décision attaquée que la finalité des produits et des services couverts par les marques antérieures est la localisation, par un moyen électronique, d’informations sur les pièces d’automobiles. Cette affirmation n’a pas été remise en cause par la requérante.

44      Partant, contrairement à ce qu’affirme la requérante, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que le contenu de la base de données en cause était pertinent pour la désignation des sous-catégories. En effet, ainsi que le soutient à bon droit l’EUIPO en l’espèce, c’est le contenu concret des bases de données qui détermine la destination des produits et des services en cause et oriente le choix des consommateurs. La finalité et la destination des bases de données qui visent des branches spécifiques sont donc pertinentes pour la formulation de sous-groupes.

45      Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, en substance, que les produits et les services couverts par les marques antérieures pour lesquels l’usage sérieux avait été démontré relevaient de sous-catégories cohérentes déterminées en fonction de leur destination, à savoir l’industrie automobile.

46      À cet égard, la division en sous-catégories proposée par la requérante, s’agissant des logiciels relevant de la classe 9, est dénuée de pertinence. En effet, cette division ignore la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, selon laquelle, pour constituer une sous-catégorie cohérente susceptible d’être envisagée de manière autonome, le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans sa définition. En tout état de cause, il suffit de rappeler que les marques antérieures doivent être considérées comme ayant été utilisées pour la commercialisation d’une base de données informatisée contenant des informations sur les pièces d’automobiles et, dès lors, la division en sous-catégories proposée par la requérante n’est pas étayée par les éléments de preuve qu’elle avait produits au soutien de l’usage sérieux des marques antérieures.

47      Il convient de constater également que les arguments de la requérante selon lesquels la chambre de recours aurait dû examiner les analogies entres les exigences du secteur automobile et celles de centrales électriques ne sauraient convaincre. En fait, des consommateurs autres que ceux dans le secteur automobile n’ont besoin ni d’une base de données portant sur les pièces d’automobiles, ni de logiciels ou de services accessoires s’y rapportant. Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours, d’une part, a rejeté la proposition de la requérante de former une sous-catégorie « Supports de données munis de logiciels pour bases de données pour des solutions dans le secteur industriel » et, d’autre part, n’a pas examiné les prétendues analogies entre le secteur automobile et le secteur des centrales électriques.

48      L’argument de la requérante selon lequel la formation d’une sous-catégorie en fonction des secteurs d’activités serait erronée, car un grand nombre de fabricants de logiciels, tels Oracle, IBM ou SAP, proposent des logiciels de bases de données à tous les secteurs, est également sans fondement. Le fait qu’il existe des fabricants qui proposent leurs produits à tous les secteurs n’est pas pertinent dans la mesure où il n’a pas été établi que ces produits ont la même finalité ou destination que ceux de la requérante. Il en va de même en ce qui concerne l’argument selon lequel la chambre de recours n’aurait pas dû identifier une sous-catégorie pour le domaine des logiciels et des services se rapportant aux bases de données en raison du fait qu’il existe des entreprises qui proposent des temps d’accès relatifs à des bases de données différentes pour divers secteurs et diverses utilisations.

49      Par ailleurs, force est de constater que l’argument de la requérante selon lequel il n’est pas nécessaire de former des sous-catégories pour les services « Compilation et systématisation d’informations dans des bases de données informatiques et des bases de données hébergées sur le réseau Internet, location de temps d’accès à des bases de données informatiques » au motif que ces services sont déjà très spécifiques n’est nullement étayé.

50      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

51       La requérante affirme que la chambre de recours a erronément considéré, d’une part, que les produits visés par la marque demandée s’adressaient exclusivement à des experts des centrales électriques, tandis que les produits et services visés par les marques antérieures s’adressaient principalement aux commerçants du secteur automobile et, d’autre part, que les produits et services visés par les marques en conflit étaient totalement dissemblables, ce qui rendait superflue l’appréciation de la similitude entre les signes en conflit. Selon la requérante, les produits et services visés par les marques en conflit doivent être considérés comme identiques ou, à tout le moins, comme hautement similaires. Partant, la chambre de recours aurait dû procéder à une appréciation du degré de similitude entres les signes en conflit et, ensuite, à une application du principe d’interdépendance.

52      Il convient de relever que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Aux fins de l’application de cet article, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14 , point 42 et jurisprudence citée].

53      Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés[voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

54      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, dans le cadre de la comparaison des produits et des services en cause, qu’il n’existait pas de recoupement entre les acheteurs potentiels de ceux-ci, étant donné que les produits visés par la marque demandée s’adressaient exclusivement à un public professionnel spécialisé, à savoir les ingénieurs, les experts et les exploitants du domaine des centrales électriques, tandis que les produits et services visés par les marques antérieures s’adressaient principalement aux commerçants du secteur automobile.

55      Il convient de constater que, le premier moyen ayant été rejeté, c’est à juste titre que la chambre de recours a comparé, d’une part, les produits et services visés par les marques antérieures pour lesquels la requérante avait prouvé un usage sérieux et, d’autre part, les produits visés par la marque demandée. Il s’ensuit qu’elle n’a pas commis d’erreur en constatant qu’il n’y avait pas de recoupement entre les acheteurs potentiels des produits visés par la marque demandée, à savoir les exploitants de centrales électriques, y compris les ingénieurs et experts de ce domaine, et ceux des produits et des services visés par les marques antérieures, à savoir les commerçants du secteur automobile. Pour la même raison, l’argument de la requérante selon lequel les produits compris dans la classe 9 visés par la marque demandée et les marques antérieures sont semblables ne saurait également prospérer.

56      Enfin, il convient de constater que, à la lumière de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que, les produits et services en cause étant dissemblables, il n’existait pas de risque de confusion. Dans ces circonstances, contrairement à ce qu’affirme la requérante, l’appréciation de la similitude des signes en conflit et l’application du principe d’interdépendance sont superflues.

57      Ce constat n’est pas remis en cause par les affirmations de la requérante selon lesquelles, d’une part, les marques en conflit sont associées l’une à l’autre dans l’esprit du public pertinent et, d’autre part, les marques antérieures sont connues par les acheteurs de logiciels et les gestionnaires de bases de données. Ces affirmations ne sont pertinentes ni pour la comparaison des produits ou des services en cause, ni, par ailleurs, pour la désignation de sous-catégories.

58      Aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des premier et troisième chefs de conclusions, tendant à la réformation de la décision attaquée et à l’annulation et la réformation de la décision de la division d’opposition.

 Sur les dépens

59      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

60      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté ;

2)      TecAlliance GmbH est condamnée aux dépens.

Collins

Kancheva

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2019.

Signatures



*      Langue de procédure : l’allemand.