Language of document : ECLI:EU:T:2014:262

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

8 mai 2014 (*)

« Demande d’intervention – Intérêt à la solution du litige – Actionnaire du bénéficiaire d’une aide d’État – Organisme dispensateur d’une aide d’État »

Dans l’affaire T‑152/13,

Sea Handling SpA, établie à Somma Lombardo (Italie), représentée par Mes B. Nascimbene, F. Rossi dal Pozzo, M. Merola et L. Cappelletti, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Conte et D. Grespan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C(2012) 9448 final de la Commission du 19 décembre 2012, concernant les augmentations de capital effectuées par SEA S.p.A. en faveur de SEA Handling S.p.A. – aide d’État SA.21420 [(C 14/2010) (ex NN 25/2010) (ex CP 175/2006)],

LE PRÉSIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mars 2013, SEA Handling SpA (ci-après « SEA Handling ») a introduit un recours visant à l’annulation de la décision C(2012) 9448 final de la Commission du 19 décembre 2012, concernant les augmentations de capital effectuées par SEA S.p.A. en faveur de SEA Handling S.p.A. – aide d’État SA.21420 [(C 14/2010) (ex NN 25/2010) (ex CP 175/2006)] (ci-après la « décision attaquée »).

2        Dans la décision attaquée, la Commission a jugé que les augmentations de capital effectuées par SEA SpA (ci-après « SEA ») en faveur de sa filiale SEA Handling pour chacun des exercices de la période 2002‑2010 constituaient des aides d’État au sens de l’article107 TFUE. La Commission a considéré que ces augmentations de capital étaient imputables aux autorités italiennes et, plus précisément, à la Comune di Milano (municipalité de Milan) du fait que cette dernière a exercé son contrôle sur SEA à cet égard. Comme elle a estimé que ces aides d’État, octroyées en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, étaient incompatibles avec le marché intérieur, la Commission en a ordonné la récupération.

3        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 mai 2013, F2i – Fondi Italiani per le infrastrutture SGR SpA (ci-après « F2i ») a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

4        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 juin 2013, SEA a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

5        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 juin 2013, la Comune di Milano a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

6        Les trois demandes susvisées ont été signifiées à la requérante et à la Commission, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

7        Par actes déposés au greffe du Tribunal les 12 juin, 19 juillet et 23 juillet 2013, la requérante n’a soulevé aucune objection à l’encontre de ces interventions.

8        Par actes déposés au greffe du Tribunal les 12 juin, 22 juillet et 24 juillet 2013, la Commission a conclu au rejet de ces trois demandes d’intervention.

 En droit

9        Selon l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour, qui s’applique à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce même statut, le droit d’intervenir dans un litige soumis au Tribunal appartient à toute personne justifiant d’un intérêt à la solution du litige.

10      Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence établie, l’intérêt à la solution d’un litige doit se définir au regard de l’objet même du litige et comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes que la partie intervenante entend soutenir, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt mettant fin à l’instance. Ainsi, dans le cadre d’un recours en annulation, il convient notamment de vérifier si la partie intervenante est touchée directement par l’acte attaqué et que son intérêt à l’issue du litige est certain [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 6 mars 2003, Ramondín et Ramondín Cápsulas/Commission, C‑186/02 P, Rec. p. I‑2415, point 7 ; du 6 avril 2006, An Post/Deutsche Post e.a., C‑130/06 P (I), non publiée au Recueil, point 5 ; ordonnance du président de la grande chambre du Tribunal du 28 novembre 2005, Microsoft/Commission, T‑201/04, non publiée au Recueil, point 44].

 Sur les demandes en intervention présentées par SEA et par la Comune di Milano

11      SEA et la Comune di Milano font, notamment, valoir que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les augmentations du capital de SEA Handling effectuées par SEA sont imputables à la Comune di Milano, cette dernière ayant exercé son contrôle sur SEA à cet égard. Elles considèrent qu’elles justifient d’un intérêt à la solution du litige au vu de cette appréciation faite par la Commission dans la décision attaquée.

12      La Commission conteste l’existence, dans le chef de SEA et de la Comune di Milano, d’un intérêt à la solution du litige au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour. Elle émet, notamment, des doutes quant à la pertinence de l’argument de la Comune di Milano tirée de ce qu’elle serait la seule entité susceptible de prouver la non-imputabilité aux autorités publiques des mesures adoptées par SEA en faveur de SEA Handling et estime que SEA Handling ou la République italienne pourraient être à même de faire valoir tous les arguments qui, à leur avis, seraient de nature à démontrer l’absence d’implication de la Comune di Milano dans les décisions de SEA Handling. Quant à l’argument de SEA tiré de la nécessité de pouvoir faire valoir son autonomie par rapport aux pouvoirs publics, la Commission considère qu’il consiste en un intérêt très général et abstrait au point que SEA manquerait d’indiquer les préjudices qu’elle vise à éviter à cet égard.

13      Il convient de relever que, dans le cadre d’un recours en annulation contre une décision de la Commission qualifiant une mesure d’aide d’État incompatible avec le marché intérieur, justifient d’un intérêt à la solution du litige, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour, l’organisme qui a arrêté les mesures qui font l’objet de cette décision (ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 22 septembre 2009, Pollmeier Massivholz/Commission, T‑89/09, non publiée au Recueil, points 2 et 4) et l’organisme qui est le débiteur de la mesure en question (ordonnance du président de la sixième chambre du Tribunal du 16 juillet 2010, Colt Télécommunications France/Commission, T‑79/10, non publiée au Recueil, points 2 et 4).

14      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les augmentations du capital effectuées par SEA en faveur de sa filiale SEA Handling constituent des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur. C’est seulement sur la base de son appréciation que ces augmentations de capital sont imputables à la Comune di Milano du fait que cette dernière a exercé son contrôle sur SEA à cet égard que la Commission a pu conclure que les augmentations de capital sont effectivement imputables aux autorités italiennes.

15      Il ressort de façon évidente de la décision attaquée que la Commission se base sur l’appréciation que SEA est l’organisme débiteur des mesures que la Commission qualifie d’aide d’État incompatibles avec le marché intérieur et que c’est la Comune di Milano qui a en réalité arrêté ces mesures en exerçant son contrôle sur SEA à cet égard. Dans ces circonstances, il convient de constater que SEA et la Comune di Milano justifient d’un intérêt direct et actuel à la solution du litige concernant la validité de la décision attaquée.

16      Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu d’admettre les demandes d’intervention au soutien des conclusions de SEA Handling introduites par SEA et la Comune di Milano, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres intérêts invoqués par celles-ci.

 Sur la demande en intervention présentée par F2i

17      F2i prétend avoir un intérêt certain, direct et actuel à la solution du présent litige, dès lors qu’elle détient, au nom et pour le compte des fonds gérés par elle, 44,31 % du capital de SEA qui, à son tour, possède la totalité du capital de SEA Handling. F2i considère que, si le Tribunal confirmait la décision attaquée, les activités commerciales de SEA Handling d’assistance aux escales dans les aéroports de Milan Malpensa et Linate ainsi que, plus globalement, sa stabilité financière seraient définitivement compromises. SEA Handling ne serait pas en mesure de rembourser l’intégralité de l’aide et tomberait dès lors en faillite en cas de confirmation de la décision attaquée par le Tribunal. Les conséquences de la non-annulation de la décision attaquée « toucheraient directement SEA » en ce que, premièrement, la faillite de SEA Handling provoquerait l’interruption de ses services d’assistance en escale qui seraient essentiels pour les compagnies aériennes utilisant les aéroports de Milan Malpensa et Linate, et, deuxièmement, la valeur des actions de SEA dans SEA Handling (qui représentent 100 % du capital de cette dernière) serait réduite à zéro. Ces circonstances se répercuteraient de manière immédiate et directe sur les actionnaires de SEA, dont F2i détient 44,31 % des actions, en termes de réduction de valeur de l’investissement et de perte de flux de dividendes.

18      La Commission conteste que F2i justifie d’un intérêt à la solution du litige au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle fait valoir que F2i en tant qu’actionnaire indirect du bénéficiaire de l’aide en question, à savoir SEA Handling, n’a, en l’espèce, qu’un intérêt indirect et potentiel à la solution du litige. Les intérêts de F2i seraient les mêmes que ceux de SEA et SEA Handling, et se trouveraient déjà représentés devant le Tribunal.

19      Il est, certes, constant que, au moment de l’introduction de la requête à la base du présent litige par SEA Handling, l’intégralité du capital de cette dernière était détenu par SEA et que F2i et la Comune di Milano, à leur tour, possédaient respectivement 44,31 % et 54,81 % des actions de SEA.

20      Cependant, il convient de relever que le fait de détenir une participation, même significative, dans le capital d’une entreprise partie à un litige ne permet pas, en soi, de caractériser l’existence d’un intérêt à la solution de ce litige (ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 29 octobre 2004, Hynix Semiconductor/Conseil, T‑383/03, non publiée au Recueil, point 71 ; ordonnance du président du Tribunal du 2 mars 2011, 1. garantovaná/Commission, T‑392/09 R, non publiée au Recueil, point 15).

21      Il convient, en effet, de distinguer les demandeurs en intervention justifiant d’un intérêt direct au sort réservé à l’acte spécifique dont l’annulation est demandée de ceux qui ne justifient que d’un intérêt indirect à la solution du litige, en raison de similarités entre leur situation et celle d’une des parties (ordonnance An Post/Deutsche Post e.a., point 10 supra, point 9, et la jurisprudence citée).

22      Partant, une demande d’intervention présentée par un actionnaire de la requérante ne peut être accueillie que dans la mesure où les intérêts à la solution du litige invoqués par cet actionnaire se distinguent de ceux de la requérante. En effet, le déroulement de la procédure risquerait de se voir alourdi et étendu de manière considérable si tous les actionnaires d’une société ayant introduit une requête en annulation contre une décision lui imposant une charge financière détenaient un droit autonome d’intervention sans avoir établi un intérêt spécifique au regard de l’objet du litige de nature à justifier leur propre intervention (voir, en ce sens, ordonnance 1. garantovaná/Commission, point 20 supra, points 17 et 18, et la jurisprudence citée).

23      Or, il serait contraire aux exigences d’économie de la procédure de permettre aux actionnaires de la requérante d’intervenir sans faire valoir un intérêt particulier à la solution du litige (ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 11 septembre 2006, UPC France/Commission, T‑367/05, non publiée au Recueil, point 15 ; ordonnance 1. garantovaná/Commission, point 20 supra, point 18 ; ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 27 mars 2012, Ellinikos Chrysos/Commission, T‑262/11, non publiée au Recueil, point 14).

24      En l’espèce, force est de constater que les intérêts invoqués par F2i en tant qu’actionnaire de SEA Handling concernent la stabilité financière de cette dernière. F2i considère que, dans l’éventualité où le Tribunal serait amené à confirmer, à l’issue du présent litige, la validité de la décision attaquée et ainsi la validité de l’obligation de récupération y établie, SEA Handling tomberait en faillite et qu’il pourrait s’avérer nécessaire de la liquider. Ainsi, la valeur des actions de SEA Handling que F2i possède au travers de sa participation dans SEA serait réduite à zéro.

25      Or, ce risque pour la stabilité financière de SEA Handling ne constitue pas, par rapport aux intérêts propres de SEA Handling de sauvegarder sa stabilité financière par l’introduction de la requête introductive du présent litige, un intérêt spécifique à F2i. Ses intérêts en tant qu’actionnaire de SEA Handling qui ont trait à la stabilité financière de cette dernière se chevauchent largement avec ceux de SEA Handling même. Dans de telles circonstances, il alourdirait et étendrait de manière considérable le déroulement de la procédure de l’admettre, en tant qu’actionnaire de SEA Handling, à intervenir au soutien des conclusions de cette dernière.

26      Il s’ensuit que, pour autant que F2i invoque un intérêt à la solution du litige en tant qu’actionnaire de SEA Handling, sa demande d’intervention au soutien des conclusions de SEA Handling ne peut être accueillie.

27      Dès lors que sa position en tant qu’actionnaire indirect de SEA Handling est le seul intérêt invoqué par F2i afin de démontrer qu’il justifie d’un intérêt à la solution du litige au sens de l’article 40, deuxième alinéa, sa demande d’intervention doit être rejetée.

 Sur les dépens

28      En vertu de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance mettant fin à l’instance à l’égard de F2i, il convient de statuer sur les dépens afférents à sa demande en intervention.

29      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. F2i ayant succombé en sa demande, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens et ceux de la Commission afférents à sa demande d’intervention, conformément aux conclusions de la Commission. À défaut de conclusions de la requérante sur les dépens, il y a lieu d’ordonner qu’elle supporte ses propres dépens occasionnés par la demande d’intervention de F2i.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA QUATRIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      SEA SpA et la Comune di Milano sont admises à intervenir dans l’affaire T‑152/13 au soutien des conclusions de SEA Handling SpA.

2)      La demande d’intervention de F2i (Fondi Italiani per le infrastrutture SGR SpA) est rejetée.

3)      Une copie de toutes les pièces de procédure sera signifiée par les soins du greffier aux parties intervenantes.

4)      Un délai sera fixé aux parties intervenantes pour présenter un mémoire en intervention.

5)      F2i – Fondi Italiani per le infrastrutture SGR SpA supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne afférents à sa demande d’intervention.

6)      SEA Handling SpA supportera ses propres dépens afférents à la demande d’intervention de F2i – Fondi Italiani per le infrastrutture SGR SpA.

7)      Les dépens afférents aux demandes d’intervention de SEA SpA et de la Comune di Milano sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 8 mai 2014.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

      M.  Prek


* Langue de procédure : l'italien.