Language of document : ECLI:EU:F:2007:62

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

29 mars 2007 (*)

« Fonctionnaires – Évaluation – Rapport d’évolution de carrière – Exercice d’évaluation pour l’année 2003 – Recours en annulation – Exception d’illégalité – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire F‑31/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Michael Cwik, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tervuren (Belgique), représenté par Me N. Lhoëst, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mme L. Lozano Palacios, en qualité d'agent, puis par Mme L. Lozano Palacios et M. J. Currall, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. P. Mahoney, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. H. Tagaras, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 novembre 2006,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 12 mai 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu 19 mai suivant), le requérant demande, d’une part, l’annulation de son rapport d’évolution de carrière établi pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2003 (ci-après le « REC 2003 ») et, pour autant que de besoin, de la décision du 24 janvier 2005 portant rejet de sa réclamation dirigée contre le REC 2003, et d’autre part, la condamnation de la Commission des Communautés européennes au paiement d’une indemnité d’un euro à titre symbolique.

 Cadre juridique

2        L’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution conformément à l’article 110. […] »

3        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut, adoptées par la Commission le 3 mars 2004 (ci-après les « DGE de l’article 43 »), dispose :

« 1. Conformément à l’article 43 du statut […], un exercice d’évaluation est organisé au début de chaque année. La période de référence pour l’évaluation s’étend du 1er janvier au 31 décembre de l’année précédente.

À cette fin, un rapport annuel, appelé rapport d’évolution de carrière, est établi pour chaque fonctionnaire au sens de l’article [1er] du statut […], qui a été dans une position d’activité ou de détachement dans l’intérêt du service, pendant au moins un mois continu au cours de la période de référence. […]

2. L’exercice d’évaluation a notamment pour objet d’évaluer le rendement, les compétences et la conduite dans le service du titulaire de poste. Une note de mérite est attribuée sur la base des appréciations relatives à chacun de ces trois volets, comme indiqué dans le modèle de rapport joint en annexe II. »

4        S’agissant des acteurs de la nouvelle procédure d’évaluation, les articles 2 et 3 des DGE de l’article 43 prévoient l’intervention, premièrement, de l’évaluateur, qui est, en règle générale, le chef d’unité, en tant que supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire évalué, deuxièmement, du validateur, qui est, en règle générale, le directeur, en tant que supérieur hiérarchique direct de l’évaluateur, et, troisièmement, de l’évaluateur d’appel, qui est, en règle générale, le directeur général, en tant que supérieur hiérarchique direct du validateur.

5        Quant au déroulement concret de la procédure d’évaluation, il est prévu aux articles 8 et 9 des DGE de l’article 43. Ainsi, la direction générale (DG) « Personnel et administration » publie, avant le lancement de l’exercice d’évaluation, la moyenne attendue par grade des notes de mérite, qui devrait être constatée par chaque DG, au vu notamment des exercices d’évaluation antérieurs. Puis, à la suite d’une autoévaluation rédigée par le fonctionnaire noté et d’un dialogue entre celui-ci et l’évaluateur, son chef d’unité, le rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC ») est établi par l’évaluateur et le validateur, supérieur hiérarchique de celui-ci, lesquels le transmettent à l’intéressé. Le fonctionnaire noté a alors le droit de demander un dialogue avec le validateur, lequel a la faculté soit de modifier, soit de confirmer le REC. Ce dernier est transmis une nouvelle fois à l’intéressé. Le fonctionnaire noté peut ensuite demander au validateur de saisir le comité paritaire d’évaluation (ci-après le « CPE »). Le CPE s’assure que le REC a été établi équitablement, objectivement et conformément aux normes d’évaluation habituelles. Il vérifie également que les procédures ont été correctement suivies, notamment en matière de dialogues et de délais, et émet un avis. Cet avis est transmis au fonctionnaire noté, à l’évaluateur, au validateur, ainsi qu’à l’évaluateur d’appel, supérieur hiérarchique du validateur, qui soit confirme, soit modifie le REC, avant de le transmettre à l’intéressé. Si l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations figurant dans l’avis du CPE, il est tenu de motiver sa décision.

6        Selon le formulaire ad hoc de REC, repris à l’annexe II des DGE de l’article 43 (ci-après le « formulaire ad hoc »), il est prévu, pour chacune des rubriques d’évaluation, l’attribution d’une note ainsi que d’une appréciation correspondante. S’agissant de la note, le nombre maximal de points est de 10 pour la rubrique 6.1 « Rendement », de 6 pour la rubrique 6.2 « Aptitudes (compétences) » et de 4 pour la rubrique 6.3 « Conduite dans le service ». Quant à l’appréciation, elle va de « insuffisant » à « très bon », voire « exceptionnel » pour les rubriques 6.1 « Rendement » et 6.2 « Aptitudes (compétences) », les appréciations intermédiaires étant, par ordre croissant, « faible », « suffisant » et « bon ».

7        Par ailleurs, le formulaire ad hoc précise, en ce qui concerne la rubrique 6.1 « Rendement », que les notes de 6 à 6,5/10, correspondant à l’appréciation « [b]on », doivent être attribuées à un fonctionnaire d’un « [b]on niveau de performance », qui « [a] atteint la totalité ou la grande majorité des objectifs, dont les objectifs prioritaires », tandis que les notes de 7 à 8,5/10, correspondant à l’appréciation « [t]rès bon », sont réservées à un fonctionnaire d’un « [t]rès bon niveau de performance », qui « [a] dépassé certains objectifs, ou en a atteint un grand nombre (y compris les objectifs prioritaires) malgré des difficultés particulières sur le lieu de travail ».

8        En ce qui concerne la rubrique 6.2 « Aptitudes (compétences) », le formulaire ad hoc prévoit que les notes de 3,5 et 4/6 correspondent à l’appréciation « [b]on », celles de 4,5 et 5/6 à l’appréciation « [t]rès bon ».

9        Quant à la rubrique 6.3 « Conduite dans le service », le formulaire ad hoc prévoit que les notes de 2,5 et 3/4 correspondent à l’appréciation « [b]on », celles de 3,5 et 4/4 à l’appréciation « [t]rès bon ».

10      L’article 2, paragraphe 2, des dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut, adoptées par la Commission le 24 mars 2004 (ci-après les « DGE de l’article 45 »), dispose :

« L’exercice de promotion vise à établir la liste des fonctionnaires promus après comparaison des mérites individuels appréciés dans la durée. À cette fin, sont attribués des points de mérite et, éventuellement, des points de priorité. »

11      L’article 4, paragraphes 2 à 5, des DGE de l’article 45 énonce :

« 2. Chaque [DG] dispose, dans chaque grade, d’un contingent de points de priorité […]

3. Les [DG] dont la moyenne des notes de mérite par fonctionnaire, pour un grade déterminé, dépasse de plus d’un point la moyenne publiée par la [DG] [‘]Personnel et administration[’] conformément à l’article 8, paragraphe 2, des [DGE de l’article 43] voient leur contingent de points de priorité réduit […]

4. Les [DG] dont un contingent de points de priorité est réduit en vertu du paragraphe précédent ont la faculté d’introduire une demande de dérogation en vue de récupérer tout ou partie des points de priorité soustraits. 

5. Les demandes de dérogation sont examinées par un groupe paritaire d’examen des demandes de dérogation qui décide d’une éventuelle réduction, totale ou partielle, de la pénalité. […] »

12      En juillet 2002, la Commission a, conformément à l’article 7, paragraphe 1, des DGE de l’article 43, dans leur version alors applicable, porté à la connaissance de son personnel, par le moyen de l’intranet, un document intitulé « Système d’évaluation du personnel centré sur l’évolution de carrière – Guide » (ci-après le « guide d’évaluation »).

13      Le point 4.4 du guide d’évaluation, intitulé « Évaluation des prestations », dispose notamment :

« […]

L’évaluateur se réfère aux lignes directrices fournies par la DG [‘Personnel et administration’] sur les fourchettes de référence et à la moyenne cible pour la Commission en termes de points de mérite ainsi qu’aux standards définis au niveau de la DG. La moyenne cible pour 2003 est 14.

[…]

Toute DG ayant attribué un nombre moyen de points de mérite pour un grade donné qui dépasse l’objectif de la Commission de plus d’un point subira une réduction correspondante de son enveloppe de points de priorité. »

14      Quant à la section 6.1 du guide d’évaluation, intitulée « Rendement (objectifs et objectifs de développement personnel) », elle dispose :

« L’évaluateur rédige une appréciation sur la manière dont les objectifs et les objectifs de développement personnel ont été atteints ou dépassés. Le cas échéant, l’évaluateur note pourquoi un objectif n’a pas été atteint, en indiquant si ces motifs relevaient ou non du champ d’action de l’intéressé. Dans son évaluation, l’évaluateur tient compte de la contribution de l’intéressé au travail global de l’équipe.

Les objectifs sont normalement modifiés dans le courant de l’année pour tenir compte de toute modification, mais il est exclu que le titulaire du poste puisse être pénalisé s’il n’a pu atteindre ses objectifs en raison de facteurs externes. Dans ce type de situation, l’accent doit être mis sur ce que l’intéressé était réellement en position de faire et sur la manière dont il a géré la situation. […] Donc, si les prestations étaient d’un bon niveau, on peut attribuer une mention ‘très [bon]’ même si les objectifs n’ont pas été complètement atteints.

[…] ».

15      Enfin, en application de l’article 8, paragraphe 3, des DGE de l’article 43 et du chapitre 5 du guide d’évaluation, la DG « Affaires économiques et financières » a adopté ses standards de performance pour les REC établis pour la période 2003  (ci-après les « standards de performance de la DG ‘Affaires économiques et financières’ »).

16      Les standards de performance de la DG « Affaires économiques et financières » prévoient, en ce qui concerne l’évaluation du rendement, que la note de 6/10, correspondant à l’appréciation « bon », doit être attribuée au fonctionnaire ayant, notamment, atteint, dans les délais prescrits, l’ensemble des objectifs figurant dans la description de poste, la qualité de ses prestations étant d’un bon niveau. Quant aux notes de 7 et 8/10, correspondant à l’appréciation « très bon », elles sont réservées au fonctionnaire qui, notamment, a atteint rapidement tous les objectifs figurant dans la description du poste, la qualité de ses prestations étant d’un très haut niveau.

17      En ce qui concerne l’évaluation des compétences, la note de 4/6, correspondant à l’appréciation « bon », doit, selon les standards de performance de la DG « Affaires économiques et financières », être attribuée au fonctionnaire qui, notamment, manifeste de bonnes capacités d’organisation, organise sa charge de travail et se fixe des priorités, fait preuve de bonnes capacités de jugement dans l’exécution des tâches et, lorsque cela et nécessaire, sollicite information et conseils. Quant à la note de 5/6, correspondant à l’appréciation « très bon », elle est réservée au fonctionnaire qui, notamment, est capable d’organiser des projets et/ou de se fixer des objectifs de manière indépendante, planifie son travail à l’avance et se concentre sur les priorités, fait preuve de très bonnes capacités de jugement dans l’exécution des tâches et sait, le cas échéant, où et quand solliciter information et conseils.

18      Enfin, en ce qui concerne l’évaluation de la conduite dans le service, les standards de performance de la DG « Affaires économiques et financières » prévoient que la note de 3/4, correspondant à l’appréciation « bon », doit être attribuée au fonctionnaire qui, notamment, établit et conserve de bonnes relations de travail, tandis que la note de 4/4, correspondant à l’appréciation « très bon », est réservée au fonctionnaire qui, notamment, établit et maintient des relations professionnelles solides.

 Faits à l’origine du litige

19      Le requérant était, pendant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2003 (ci-après la « période de référence »), fonctionnaire de la Commission de grade A*11 et était affecté à l’unité « Audit interne » de la DG « Affaires économiques et financières ».

20      Le 23 février 2004, l’évaluateur de l’intéressé a établi un projet de REC 2003. Dans ce projet il lui était attribué la note globale de 12/20, à savoir 6/10 pour la rubrique 6.1 « Rendement », 3,5/6 pour la rubrique 6.2 « Aptitudes (compétences) » et 2,5/4 pour la rubrique 6.3 « Conduite dans le service ».

21      Par ailleurs, l’évaluateur a proposé de donner au requérant, pour chacune des trois rubriques précitées, l’appréciation « bon ».

22      L’évaluateur a motivé le projet de REC 2003 de la manière suivante (traduction libre) :

« 6.1 ‘Rendement’

M. Cwik s’est vu assigner une tâche précise. Il lui a été demandé d’établir une documentation concernant la contribution de la Commission à la mise en place de l’Union économique et monétaire. Compte tenu de son expérience au sein de la DG ‘Affaires économiques et financières’, il est probablement le seul en mesure de remplir cette tâche. Jusqu’à maintenant, il a, concernant cette activité, rédigé plusieurs rapports d’étape, qui mettent en évidence que le travail est en voie de progression. Toutefois, le projet accuse un certain retard dont M. Cwik ne porte pas la responsabilité.

M. Cwik a planifié la mise en place du projet d’une manière transparente et a noué les contacts nécessaires à sa mise en œuvre. Son approche initiale, très ambitieuse et probablement irréaliste, a fait place à une approche étape par étape plus réaliste.

[…]

M. Cwik est parvenu, avec l’assistance de sa hiérarchie, à remplir toutes les tâches figurant dans la description de poste, ce dans un délai raisonnable et avec des résultats satisfaisants. Avec l’aide de sa hiérarchie, il est capable de faire face à des demandes nouvelles ainsi qu’à des circonstances évolutives. 

6.2  ‘Aptitudes (compétences)’

M. Cwik, compte tenu de sa longue expérience, est bien placé pour réaliser le projet de documentation concernant la contribution de la Commission à la préparation de l’Union économique et monétaire. Le fait qu’il ait recueilli d’anciens documents à ce sujet a constitué une condition préalable pour mener à bien le projet, lequel aurait exigé, en l’absence d’un tel recueil, la mobilisation de ressources notablement supérieures. L’approche étape par étape, à laquelle il a eu recours pour réaliser le projet, a été approuvée par sa hiérarchie.

M. Cwik doit encore faire des progrès systématiques en ce qui concerne le projet. Compte tenu du caractère limité des ressources attribuées à ce titre, il devrait s’interroger sur la faisabilité dudit projet. 

6.3 ‘Conduite dans le service’

M. Cwik s’efforce de s’acquitter au mieux des tâches qui lui ont été assignées. Il travaille de manière réaliste et raisonnable pour parvenir, étape par étape, à mettre en place une documentation complète. Dans les rapports d’étape, il se concentre sur l’essentiel et inscrit son projet dans une perspective d’ensemble des activités de la DG ‘Affaires économiques et financières’. Les relations de travail qu’il entretient avec ses collègues sont bonnes.

6.4 ‘Synthèse’

M. Cwik travaille suffisamment pour mener à bien le projet de documentation sur le rôle de la Commission dans la création de l’Union économique et monétaire. Il doit continuer à améliorer son efficacité pour parvenir à des résultats concrets. »

23      Suite à une demande de révision émanant du requérant, le validateur a confirmé le REC 2003 le 2 avril 2004.

24      Le 19 avril 2004, le requérant a saisi le CPE, lequel, dans un avis adopté à l’unanimité, a considéré que l’appel du requérant n’était pas fondé dès lors qu’aucune incohérence n’avait été décelée entre les notes et les commentaires y afférents.

25      Le 25 juin 2004, l’évaluateur d’appel a confirmé le REC 2003 et l’a rendu définitif.

26      Par une note du 24 septembre 2004, enregistrée le même jour auprès de la DG « Personnel et administration », le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, par laquelle il demandait l’annulation de son REC 2003 et l’établissement d’un nouveau REC pour la période de référence.

27      Par décision du 24 janvier 2005, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté cette réclamation.

28      En janvier 2005, le requérant a informellement demandé à rester en activité au-delà de l’âge de 65 ans. Il a réitéré cette demande dans un courrier électronique adressé le 4 février suivant au directeur général de la DG « Affaires économiques et financières ».

29      Par décision du 31 mars 2005, le directeur général de la DG « Personnel et administration » a rejeté la demande du requérant.

30      Par décision du 25 avril 2005, le requérant a été mis à la retraite avec effet au 1er mai suivant.

31      Par une réclamation du 1er juillet 2005, le requérant a contesté la décision portant rejet de sa demande tendant à rester en activité au-delà de l’âge de 65 ans.

32      Par décision du 3 novembre 2005, l’AIPN a rejeté cette réclamation.

 Procédure et conclusions des parties

33      Le présent recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑200/05.

34      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe de ce dernier sous le numéro F‑31/05.

35      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler son REC 2003 ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision du 24 janvier 2005, par laquelle l’AIPN a rejeté la réclamation introduite contre son REC 2003 ;

–        condamner la Commission à lui payer la somme d’un euro à titre symbolique ;

–        condamner la Commission aux dépens.

36      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

37      Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, une demande tendant à l’annulation d’une décision de rejet d’une réclamation a pour effet de saisir le juge communautaire de l’acte faisant grief contre lequel ladite réclamation a été présentée (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, RecFP p. I‑A‑95 et II‑427, point 19, et du 9 juin 2005, Castets/Commission, T‑80/04, RecFP p. I-A-161 et II‑729, point 15). En l’espèce, dès lors que l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée est le REC 2003, il convient de considérer que les deux premiers chefs de conclusions, en l’occurrence la demande d’annulation dudit REC 2003 et la demande d’annulation de la décision de l’AIPN rejetant la réclamation susmentionnée, ont pour unique objet la demande d’annulation du REC 2003.

1.     Sur les conclusions en annulation

38      Le requérant soulève à l’encontre de son REC 2003 trois moyens, tirés, premièrement, de l’illégalité du système d’évaluation, deuxièmement, de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, troisièmement, de l’existence d’un détournement de pouvoir.

 Sur le moyen tiré de l’illégalité du système d’évaluation

 Arguments des parties

39      Le requérant soutient que le système d’évaluation serait illégal en ce qu’il aurait instauré un système de quotas de points de mérite par DG, entravant ainsi la liberté des notateurs et faisant obstacle à ce que l’évaluation des fonctionnaires soit véritablement établie en fonction de leur rendement, de leur compétence et de leur conduite dans le service.

40      En effet, selon le requérant, qui se prévaut de l’arrêt du Tribunal de première instance du 30 septembre 2003, Tatti/Commission (T‑296/01, RecFP p. I‑A‑225 et II‑1093), la limitation du pouvoir d’appréciation des évaluateurs résulterait en substance de la règle prévue au point 4.4 du guide d’évaluation, selon laquelle il conviendrait de respecter une moyenne de 14 points (appelée « moyenne cible »), sous peine, pour toute DG ayant attribué pour un grade donné un nombre de points de mérite dépassant l’objectif de la Commission de plus d’un point, de subir une réduction correspondante de son enveloppe de points de priorité. Ainsi, la distribution des points de mérite au sein d’une DG serait fonction de considérations subjectives, telle la volonté de promouvoir tel ou tel fonctionnaire.

41      Le requérant ajoute que l’application de ce système d’évaluation instaurant des quotas de points de mérite aurait eu une influence sur le contenu de son REC 2003. En effet, lors du dialogue formel ayant eu lieu le 17 février 2004 dans le cadre de la procédure d’évaluation entre lui-même et l’évaluateur, ce dernier lui aurait signifié qu’il n’était pas en mesure de lui attribuer plus de 12/20, en raison de la nécessité de respecter le quota de points disponibles au sein de la DG « Affaires économiques et financières ». À cet égard, le requérant invite le Tribunal à entendre l’évaluateur en qualité de témoin, afin que celui-ci puisse répondre à la question de savoir si sa liberté d’évaluation a été entravée.

42      La Commission conclut au rejet de ce moyen, en se prévalant de l’arrêt du Tribunal de première instance du 25 octobre 2005, Fardoom et Reinard/Commission (T‑43/04, RecFP p. I-A-329 et II‑1465), par lequel il aurait été jugé que le système d’évaluation ne restreindrait pas, dans une mesure contraire à l’article 43 du statut, la liberté de jugement des évaluateurs.

 Appréciation du Tribunal

43      Le requérant ne conteste pas que son REC 2003 ait été établi conformément au point 4.4 du guide d’évaluation. En revanche, il conteste la légalité de ces dispositions. Dès lors, il y a lieu de considérer que le moyen soulevé constitue en fait une exception d’illégalité dirigée contre ces dispositions.

44      Selon les dispositions contestées, « [l’]évaluateur se réfère aux lignes directrices fournies par la DG [‘Personnel et administration’] sur les fourchettes de référence et à la moyenne cible pour la Commission en termes de points de mérite ainsi qu’aux standards définis au niveau de la DG. La moyenne cible pour 2003 est 14 ». Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 3, des DGE de l’article 45 prévoit la réduction du contingent de points de priorité accordé aux DG dont la moyenne des notes de mérite par fonctionnaire, pour un grade déterminé, dépasse de plus d’un point la moyenne cible publiée par la DG « Personnel et administration ».

45      Or, il convient de constater que l’existence d’une moyenne cible ne saurait être regardée comme limitant la liberté de jugement des notateurs lorsque ces derniers procèdent à l’évaluation concrète des fonctionnaires.

46      En effet, en premier lieu, il convient de souligner que cette moyenne ne restreint pas la possibilité offerte aux évaluateurs de différencier les appréciations portées individuellement sur les prestations de chaque fonctionnaire selon le degré dont ses prestations s’écartent, vers le haut ou vers le bas, de cette moyenne. Ainsi, et contrairement à la situation ayant donné lieu à l’arrêt Tatti/Commission, précité, dans laquelle il s’agissait de la fixation, à la fois, d’une moyenne et d’un plafond au sein d’un service déterminé de la Commission, lesquels moyenne et plafond avaient été considérés comme contraignants par les notateurs, la moyenne cible en cause dans la présente affaire n’empêche pas les évaluateurs d’épuiser pleinement l’échelle des points allant de 0 à 20 (voir arrêt du Tribunal de première instance du 19 octobre 2006, Buendía Sierra/Commission, T‑311/04, Rec. p. II-4137, point 176).

47      En deuxième lieu, s’agissant de l’objection selon laquelle, pour respecter la moyenne cible, les notateurs seraient obligés de compenser des notations supérieures à cette moyenne par des notations inférieures, il convient de la rejeter. En effet, le système de la moyenne cible tient compte de la réalité la plus communément observée, à savoir une ventilation homogène des fonctionnaires notés autour du niveau moyen de mérite représenté par la moyenne cible. En outre, le système instauré par les DGE de l’article 45 permet aux notateurs, lorsque la situation particulière d’un service s’écarte de cette réalité commune, de s’écarter également de la moyenne cible. En effet, ainsi qu’il résulte de l’article 4, paragraphe 3, desdites DGE, aucune conséquence n’est attachée à un dépassement d’un point de la moyenne cible. De surcroît, il résulte de l’article 4, paragraphes 4 et 5, de ces mêmes DGE que, dans le cas d’un dépassement de plus d’un point, la DG concernée, lorsqu’elle justifie valablement l’excédent, peut saisir le groupe paritaire d’examen des demandes de dérogation, lequel peut décider d’une éventuelle réduction, totale ou partielle, de la pénalité (voir, par analogie, arrêt Buendía Sierra/Commission, précité, point 183).

48      Certes, il est constant que la moyenne cible fait peser sur le système d’évaluation une certaine contrainte, en fixant aux évaluateurs une limite quant à la possibilité d’évaluer chaque personne in abstracto, isolément des mérites des autres fonctionnaires pouvant lui être comparés (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 18 octobre 2005, Leite Mateus/Commission, T‑51/04, non publié au Recueil, point 56). Toutefois, cette contrainte, instituée dans le cadre de la politique de gestion du personnel de la Communauté pour parvenir à une notation représentative des fonctionnaires, n’est pas contraire aux dispositions de l’article 43 du statut, ainsi qu’il a été jugé par le Tribunal de première instance (voir, en ce sens, arrêt Fardoom et Reinard/Commission, précité, point 51).

49      En effet, l’indication d’une moyenne cible de 14, sur une échelle de points allant de 0 à 20, permet de prévenir le risque d’inflation de la notation moyenne, laquelle aurait pour effet de réduire la plage de points effectivement utilisée par les notateurs et, partant, porterait atteinte à la fonction de la notation, qui est de refléter aussi fidèlement que possible les mérites des fonctionnaires notés et d’en permettre une comparaison effective. De plus, l’indication d’une moyenne cible permet également de réduire le risque d’une disparité entre les moyennes des notations pratiquées par les différentes DG qui ne serait pas motivée par des considérations objectives liées aux mérites des fonctionnaires notés (arrêt Fardoom et Reinard, précité, points 54 et 55).

50      Enfin, si le requérant soutient que l’évaluateur lui aurait confié, lors du dialogue formel du 17 février 2004, qu’il n’aurait pas été en mesure de lui attribuer plus de 12/20, en raison de l’obligation mise à sa charge de respecter la moyenne cible, la réalité d’une telle allégation n’est corroborée par aucun élément probant.

51      Par conséquent, et sans qu’il soit besoin d’entendre l’évaluateur en qualité de témoin, le premier moyen doit être écarté.

 Sur le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

52      Le requérant soutient que les appréciations portées sur ses performances relativement à chacune des rubriques 6.1 « Rendement », 6.2 « Aptitudes (compétences) », 6.3 « Conduite dans le service » et 6.4 « Synthèse » du REC 2003 seraient entachées d’erreurs manifestes d’appréciation.

 En ce qui concerne la rubrique 6.1 « Rendement »

–       Arguments des parties

53      Pour contester la note de 6/10 ainsi que l’appréciation « bon » qui lui ont été attribuées au titre de cette rubrique, le requérant avance quatre arguments.

54      Premièrement, ce serait à tort que l’évaluateur aurait reproché au requérant le caractère trop ambitieux du projet visant à réunir une documentation sur le rôle de la Commission dans la mise en place de l’Union économique et monétaire (ci-après le « projet de documentation UEM »), puisque ce projet lui aurait été assigné par sa propre hiérarchie et que, en outre, l’évaluateur aurait expressément relevé qu’il n’était pas responsable du retard dans la réalisation dudit projet. Deuxièmement, l’évaluateur aurait omis de mentionner les autres tâches qu’il aurait accomplies, telles la mise à jour d’une chronologie de toutes les décisions relatives à l’Union économique et monétaire ou les nombreuses conférences qu’il aurait données. De même, l’évaluateur n’aurait pas fait état des difficultés auxquelles il aurait été confronté, telles l’absence de sa secrétaire pour raison de maladie ou les problèmes rencontrés avec la société chargée de scanner les documents nécessaires au projet de documentation UEM. Troisièmement, l’évaluateur aurait, sans en rapporter la preuve, laissé entendre que le requérant devait souvent, dans la réalisation de ses tâches, être assisté par ses supérieurs hiérarchiques. Quatrièmement, les commentaires descriptifs de l’évaluateur auraient, en tout état de cause, en application des dispositions du point 6.1 du guide d’évaluation, justifié que lui soit attribuée l’appréciation « très bon » et non pas l’appréciation « bon ».

55      La Commission soutient en défense que les commentaires descriptifs de l’évaluateur exprimeraient une juste appréciation des performances du requérant au regard, notamment, des standards de performance de la DG « Affaires économiques et financières », et qu’ils seraient cohérents avec les appréciations chiffrées.

56      Dans son mémoire en réplique, le requérant fait valoir que la Commission ne saurait invoquer les standards de performance de la DG « Affaires économiques et financières ». En effet, il existerait, entre les standards d’évaluation de chaque DG, des degrés différents de sévérité des critères, de telle sorte que, s’il était fait usage de ces standards, certains fonctionnaires pourraient être discriminés dans leur évaluation en fonction de leur DG d’affectation.

–       Appréciation du Tribunal

57      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le contrôle juridictionnel, exercé par le juge communautaire sur le contenu des rapports de notation, est limité au contrôle de la régularité procédurale, de l’exactitude matérielle des faits, ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (arrêts du Tribunal de première instance du 26 octobre 1994, Marcato/Commission, T‑18/93, RecFP p. I‑A‑215 et II‑681, point 45, et du 20 mai 2003, Pflugradt/BCE, T‑179/02, RecFP p. I‑A‑149 et II‑733, point 46).

58      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre aux quatre arguments avancés par le requérant.

59      Le premier argument, tiré de ce que l’évaluateur aurait abusivement imputé au requérant le caractère trop ambitieux du projet de documentation UEM, manque en fait. En effet, il ressort du commentaire de l’évaluateur à la rubrique 6.1 « Rendement » que ce dernier lui a reproché, non pas le caractère trop ambitieux dudit projet, qui lui a effectivement été confié par sa hiérarchie et pour le retard duquel il ne porte aucune responsabilité, mais l’approche initiale, insuffisamment réaliste, par laquelle il a entendu mettre en oeuvre ce projet. Au demeurant, le requérant n’établit pas que l’évaluateur, en formulant une telle observation, aurait usé de manière manifestement erronée de son pouvoir d’appréciation.

60      Le deuxième argument, tiré de ce que l’évaluateur aurait omis de mentionner les autres tâches que le requérant aurait accomplies ainsi que les difficultés auxquelles il aurait été confronté, doit également être écarté. En effet, d’une part, l’évaluateur n’était pas tenu de décrire l’ensemble des tâches réalisées par l’intéressé ni de mentionner de manière exhaustive les difficultés rencontrées lors de la période de référence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 7 mai 2003, Den Hamer/Commission, T‑278/01, RecFP p. I‑A‑139 et II‑665, point 71). D’autre part, le fait que ces éléments n’aient pas été expressément rapportés dans le REC 2003 ne signifie pas qu’ils n’aient pas été pris en considération par les notateurs. Au contraire, il ressort des pièces du dossier que l’évaluateur n’a pas ignoré les difficultés rencontrées par le requérant, puisque, dans son commentaire figurant à la rubrique 6.1 « Rendement », il a expressément indiqué que le requérant n’était pas responsable des retards dans l’exécution du projet de documentation UEM.

61      Le troisième argument, selon lequel l’évaluateur aurait à tort indiqué que le requérant aurait souvent eu besoin de l’assistance de ses supérieurs hiérarchiques dans la réalisation de ses tâches, ne saurait davantage emporter la conviction, dès lors que l’intéressé n’apporte aucun élément susceptible d’établir qu’une telle appréciation serait entachée d’une erreur manifeste.

62      Enfin, en ce qui concerne le quatrième argument, par lequel le requérant fait valoir, en substance, que la note de 6/10 et l’appréciation « bon » ne seraient pas cohérentes avec les commentaires descriptifs figurant à la rubrique 6.1 « Rendement », il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante (arrêt du Tribunal de première instance du 25 octobre 2006, Carius/Commission, T‑173/04, RecFP p. I-A-2-243 et II-A-2-1269, point 106), les commentaires descriptifs figurant dans un REC ont pour objet de justifier les appréciations exprimées en points. Ces commentaires descriptifs servent d’assise à l’établissement de l’évaluation, qui en constitue la transcription chiffrée, et permettent au fonctionnaire de comprendre la note obtenue. Par conséquent, au sein d’un REC, les commentaires descriptifs doivent être cohérents par rapport aux appréciations exprimées en points. Compte tenu du très large pouvoir d’appréciation reconnu aux évaluateurs dans les jugements relatifs au travail des personnes qu’ils ont la charge d’évaluer, une éventuelle incohérence au sein d’un REC ne peut toutefois justifier son annulation que si celle-ci est manifeste.

63      Il convient donc d’examiner s’il existe une incohérence manifeste entre les commentaires descriptifs figurant à la rubrique 6.1 « Rendement » et l’appréciation exprimée en points et attribuée au requérant au titre de cette rubrique, ce qui suppose de déterminer au préalable à quel niveau de rendement correspond la note de 6/10.

64      À cette fin, il y a lieu de se référer, d’une part, au formulaire ad hoc, d’autre part, aux standards de performance de la DG « Affaires économiques et financières ». Concernant ces standards, l’argument du requérant, selon lequel les fonctionnaires de la Commission risqueraient, en raison des différents degrés de sévérité des critères prévus par les standards d’évaluation propres à chaque DG, d’être discriminés selon leur DG d’appartenance, doit être écarté comme irrecevable, dans la mesure où cet argument n’a été énoncé ni dans le cadre de la réclamation ni même dans la requête et que, en outre, il ne se rattache étroitement à aucun des moyens et arguments exposés dans la réclamation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 mars 1989, Del Amo Martinez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689, point 8).

65      Le formulaire ad hoc prévoit que les notes de 6 à 6,5/10 correspondent à un « [b]on » niveau de rendement et doivent être attribuées au fonctionnaire d’un « [b]on niveau de performance », qui « [a] atteint la totalité ou la grande majorité des objectifs, dont les objectifs prioritaires. » En revanche, les notes de 7 à 8,5/10 correspondent à un « [t]rès bon » niveau de rendement et sont réservées au fonctionnaire d’un « [t]rès bon niveau de performance » qui « [a] dépassé certains objectifs ou en a atteint un grand nombre (y compris les objectifs prioritaires) malgré des difficultés particulières sur le lieu de travail ».

66      Les standards de performance de la DG « Affaires économiques et financières » précisent que la note de 6/10, correspondant à l’appréciation « bon », doit être attribuée au fonctionnaire ayant, notamment, atteint, dans les délais prescrits, l’ensemble des objectifs figurant dans la description de poste, la qualité de ses prestations étant d’un bon niveau. Quant aux notes de 7 et 8/10, correspondant à l’appréciation « très bon », elles sont réservées au fonctionnaire qui, notamment, a atteint rapidement tous les objectifs figurant dans la description du poste, la qualité de ses prestations étant d’un très haut niveau.

67      En l’espèce, dans son commentaire sous la rubrique 6.1 « Rendement », l’évaluateur, après avoir rappelé que la tâche essentielle confiée au requérant avait été de réunir une documentation concernant la contribution de la Commission à la mise en place de l’Union économique et monétaire, a indiqué que « compte tenu de son expérience au sein de la DG ‘Affaires économiques et financières’, il [était] probablement le seul en mesure de remplir cette tâche » et qu’« il [avait] […] rédigé plusieurs rapports d’étape, qui [mettaient] en évidence que le travail [était] en voie de progression ». Toutefois, l’évaluateur a également relevé que l'approche initiale du requérant dans la mise en oeuvre du projet de documentation UEM était trop ambitieuse et avait dû faire place à une approche « plus réaliste ». De surcroît, l’évaluateur a ajouté que ce n’est qu’avec « l’assistance de sa hiérarchie » que l’intéressé avait pu remplir l’ensemble des tâches figurant dans sa description de poste. Compte tenu du caractère nuancé de ces commentaires descriptifs, il ne ressort pas de manière manifeste que ceux-ci seraient incohérents avec la note de 6/10 et l’appréciation « bon » attribuées au requérant.

68      Quant aux dispositions du guide d’évaluation, le requérant ne saurait s’en prévaloir pour soutenir que le niveau de son rendement aurait justifié l’attribution de l’appréciation « très bon ». Certes, il est précisé, à la section 6.1 dudit guide, que « si les prestations [sont] d’un bon niveau, on peut attribuer une mention ‘très [bon]’ même si les objectifs n’ont pas été complètement atteints ». Toutefois, il résulte des termes mêmes de cette section que cette disposition ne concerne que l’hypothèse selon laquelle le titulaire de poste « n’a pu atteindre ses objectifs en raison de facteurs externes » et où, dans ces conditions, « l’accent doit être mis sur ce que l’intéressé était réellement en position de faire et sur la manière dont il a géré la situation ». Or, le requérant n’établit pas que des facteurs externes auraient fait obstacle à ce qu’il atteigne les objectifs qui lui avaient été assignés.

69      Il s’ensuit qu’il n’est pas prouvé que les notateurs auraient commis une erreur manifeste d’appréciation en attribuant au requérant, au titre de la rubrique 6.1 « Rendement », la note de 6/10 ainsi que l’appréciation « bon ».

 En ce qui concerne la rubrique 6.2 « Aptitudes (compétences) »

–       Arguments des parties

70      Pour soutenir que la note de 3,5/6, qui lui a été attribuée au titre de la rubrique 6.2 « Aptitudes (compétences) », révèlerait une erreur manifeste d’appréciation, le requérant avance quatre arguments.

71      Premièrement, il n’aurait été tenu compte, dans l’attribution de la note contestée, ni de ses connaissances linguistiques étendues ni de sa longue expérience. Deuxièmement, l’évaluateur, en lui reprochant de ne pas suffisamment s’interroger sur les conditions de faisabilité du projet de documentation UEM au regard des ressources disponibles, n’aurait pas pris en considération le fait qu’il aurait été privé, durant presque toute l’année 2003, de moyens suffisants en personnel. Troisièmement, il aurait dû, au regard de la rubrique 3.2 « Exigences du poste » du REC 2003, se voir attribuer une note correspondant à un niveau de compétence variant entre « bon » et « excellent ». Quatrièmement, les commentaires de l’évaluateur, selon lesquels le requérant aurait été, au sein de la DG « Affaires économiques et financières », le seul compétent pour mener à bien le projet de documentation UEM, seraient en contradiction avec la note de 3,5/6.

72      La Commission conclut au rejet des arguments du requérant, faisant notamment observer qu’elle n’était pas tenue, dans le REC 2003, de détailler avec précision l’ensemble des compétences de l’intéressé.

–       Appréciation du Tribunal

73      Le premier argument, tiré de ce qu’il n’aurait été tenu compte ni des connaissances linguistiques du requérant ni de sa longue expérience, ne saurait être accueilli. En effet, la seule circonstance que l’évaluateur n’ait pas, à la rubrique 6.2 « Aptitudes (compétences) », expressément relevé les compétences du requérant en matière linguistique n’est pas de nature à établir qu’elles n’auraient pas été prises en considération. Par ailleurs, le grief, selon lequel l’évaluateur aurait fait abstraction de l’expérience de l’intéressé manque en fait, puisque l’évaluateur a relevé, à ladite rubrique, que c’est justement en raison de sa longue expérience que celui-ci était bien placé pour mettre en œuvre le projet de documentation UEM.

74      Le deuxième argument, tiré de ce que l’évaluateur n’aurait pas pris en considération la situation du requérant au regard des moyens en personnel dont ce dernier disposait pour remplir ses fonctions doit être écarté, un tel argument n’étant assorti d’aucun élément probant.

75      Ne saurait davantage être accueilli le troisième argument tiré de ce que le requérant aurait dû, au regard de la rubrique 3.2 « Exigences du poste » du REC 2003, se voir attribuer une note correspondant à un niveau de compétence variant entre « bon » et « excellent ». En effet, d’une part, il ressort du formulaire ad hoc que la note de 3,5/6 correspond à un « [b]on » niveau de compétences. D’autre part, et surtout, s’il est constant que, au regard de la rubrique 3.2 « Exigences du poste », il était attendu du requérant qu’il présente des connaissances, des aptitudes et des qualités personnelles d’un niveau « bon », voire « excellent », il n'en reste pas moins que les notateurs devaient procéder à l’évaluation au titre de la rubrique 6.2 « Aptitudes (compétences) » en se fondant sur les seules compétences dont l’intéressé avait effectivement fait preuve au cours de la période de référence.

76      Doit enfin être rejeté le quatrième argument, selon lequel la note de 3,5/6 ne correspondrait pas avec les commentaires de l’évaluateur, affirmant que le requérant aurait été, au sein de la DG « Affaires économiques et financières », le seul compétent pour mener à bien le projet de documentation UEM.

77      En effet, il convient de rappeler que, selon le formulaire ad hoc, les notes de 3,5 et 4/6 correspondent à un « [b]on » niveau de compétences, tandis que les notes de 4,5 et 5/6 correspondent à un « [t]rès bon » niveau de compétences.

78      Par ailleurs, les standards de performance de la DG « Affaires économiques et financières » prévoient que la note de 4/6, correspondant à l’appréciation « bon », doit être attribuée au fonctionnaire qui, notamment, manifeste de bonnes capacités d’organisation, organise sa charge de travail et se fixe des priorités, fait preuve de bonnes capacités de jugement dans l’exécution des tâches et, lorsque cela est nécessaire, sollicite information et conseils. Quant à la note de 5/6, correspondant à l’appréciation « très bon », elle est réservée au fonctionnaire qui, notamment, est capable d’organiser des projets et/ou de se fixer des objectifs de manière indépendante, planifie son travail à l’avance et se concentre sur les priorités, fait preuve de très bonnes capacités de jugement dans l’exécution des tâches et sait, le cas échéant, où et quand solliciter information et conseils.

79      Or, en l’espèce, si l’évaluateur, ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, a, dans la rubrique 6.1 « Rendement », fait observer que, compte tenu de son expérience, l’intéressé était probablement le seul capable de porter le projet de documentation UEM, il a, sans contredire ces observations, également souligné, à la rubrique 6.2 « Aptitudes (compétences) », que le requérant devait encore faire des progrès et qu’il devait, en particulier, s’interroger sur les modalités de mise en œuvre dudit projet. Ainsi, il ne ressort pas de manière manifeste de ces commentaires que les notateurs auraient dû attribuer au requérant une note supérieure à celle de 3,5/6 (bon).

80      Il résulte de ce qui précède que le requérant n’a pas établi à suffisance de droit que l’appréciation portée au titre de la rubrique 6.2 « Aptitudes (compétences) » serait entachée d’une erreur manifeste.

 En ce qui concerne la rubrique 6.3 « Conduite dans le service »

–       Arguments des parties

81      À l’encontre de la note qui lui a été attribuée au titre de la rubrique susmentionnée, en l’occurrence 2,5/4, le requérant fait valoir deux arguments. D’une part, cette note ne correspondrait pas avec l’appréciation « bon » qui lui a également été donnée à ce titre. D’autre part, elle ne serait pas cohérente avec les commentaires descriptifs élogieux figurant à ladite rubrique.

82      Selon la Commission, le requérant ne démontrerait pas qu’il aurait mérité une note supérieure à celle reçue.

–       Appréciation du Tribunal

83      S’agissant du premier argument, selon lequel la note de 2,5/4 ne correspondrait pas avec l’appréciation « bon », il ne saurait être accueilli. En effet, il ressort du formulaire ad hoc que les notes de 2,5 et 3/4 correspondent à un « bon » niveau de conduite dans le service, tandis que les notes de 3,5 et 4/4 correspondent à un « très bon » niveau de conduite dans le service. Il en résulte que le requérant pouvait se voir attribuer à la fois la note de 2,5/4 et l’appréciation « bon ».

84      Quant au second argument, selon lequel la note de 2,5/4 ne serait pas cohérente avec les commentaires descriptifs figurant à la rubrique 6.3 « Conduite dans le service », il doit également être rejeté, dans la mesure où, dans ces commentaires, dont il n’est ni démontré ni même allégué qu’ils seraient manifestement erronés, l’évaluateur a porté une appréciation nuancée sur les relations entretenues par le requérant avec ses collègues de travail, les qualifiant explicitement de « bonnes », et non de « très bonnes ». Or, les standards de performance de la DG « Affaires économiques et financières » prévoient que la note de 3/4, correspondant à l’appréciation « bon », doit être attribuée au fonctionnaire qui, notamment, établit et conserve de bonnes relations de travail, tandis que la note de 4/4, correspondant à l’appréciation « très bon », est réservée au fonctionnaire qui, notamment, établit et maintient des relations professionnelles solides.

85      Il n’est donc pas établi que les notateurs auraient commis, en attribuant à l’intéressé la note de 2,5/4, une erreur manifeste d’appréciation.

 En ce qui concerne la rubrique 6.4 « Synthèse »

–       Arguments des parties

86      Le requérant conteste le commentaire selon lequel il devrait améliorer son efficacité afin de parvenir à des résultats concrets. En effet, d’une part, ce commentaire ne prendrait pas en considération les problèmes d’effectifs auxquels il aurait été confronté, d’autre part, il serait en contradiction avec les appréciations positives figurant à la rubrique 6.1 « Rendement ».

87      En défense, la Commission conclut au rejet des arguments avancés par le requérant.

–       Appréciation du Tribunal

88      Contrairement à ce que soutient le requérant, il n’est nullement établi que le commentaire litigieux serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, d’une part, l’allégation selon laquelle les problèmes d’effectifs qu’il aurait rencontrés n’auraient pas été pris en compte n’est étayée, ainsi qu’il a été affirmé au point 74 du présent arrêt, par aucun élément probant. D’autre part, l’évaluateur a pu, sans se contredire, mentionner, à la rubrique 6.1 « Rendement », le rôle prépondérant du requérant dans la mise en œuvre du projet de documentation UEM, tout en mettant l’accent, à la rubrique 6.4 « Synthèse », sur la nécessité pour l’intéressé d’améliorer son efficacité.

89      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le REC 2003 serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation doit être écarté.

 Sur le moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir

 Arguments des parties

90      Pour soutenir qu’un détournement de pouvoir entacherait son REC 2003, le requérant avance deux arguments. D’une part, dès lors que l’existence de quotas de points de mérite par DG entraverait la liberté des notateurs, son REC 2003 aurait été établi, non sur la base de ses seuls mérites, mais en fonction de considérations dépourvues d’objectivité, telle la volonté de promouvoir tel ou tel fonctionnaire. D’autre part, ledit REC 2003 serait une manifestation supplémentaire du harcèlement moral dont il aurait été victime depuis plusieurs années de la part de ses supérieurs hiérarchiques successifs.

91      Pour la Commission, ce moyen devrait être rejeté comme irrecevable, faute d’avoir été invoqué par le requérant dans sa réclamation dirigée contre le REC 2003. En tout état de cause, ce moyen ne serait pas fondé.

 Appréciation du Tribunal

92      Conformément à une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir se réfère à l’usage, par une autorité administrative, de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêts du Tribunal de première instance du 23 octobre 1990, Pitrone/Commission, T‑46/89, Rec. p. II‑577, points 70 et 71 ; du 5 juillet 2000, Samper/Parlement, T‑111/99, RecFP p. I‑A‑135 et II‑611, point 64, et Theodorakis/Conseil, précité, point 66).

93      En ce qui concerne le premier argument, tiré de ce que, en raison de l’existence de quotas de points de mérite par DG, le REC 2003 du requérant n’aurait pas été établi au regard de ses seuls mérites, il convient d’observer que cet argument se confond avec le premier moyen d’annulation. Il doit donc, par identité de motifs, être écarté comme non fondé.

94      En ce qui concerne le second argument, selon lequel le REC 2003 serait une manifestation supplémentaire du comportement de harcèlement moral dont le requérant aurait été victime depuis plusieurs années, il importe, à cet égard, de rappeler, pour ce qui est de la notion de harcèlement moral, que l’intéressé doit, indépendamment de la perception subjective qu’il a pu avoir des faits qu’il allègue, avancer un ensemble d’éléments permettant d’établir qu’il a subi un comportement qui a visé, objectivement, à le discréditer ou à dégrader délibérément ses conditions de travail (arrêts du Tribunal de première instance du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, RecFP p. I‑A‑49 et II‑185, point 286 ; du 8 juillet 2004, Schochaert/Conseil, T‑136/03, RecFP p. I‑A‑215 et II‑957, point 41, et du 4 mai 2005, Schmit/Commission, T‑144/03, RecFP p. I-A-101 et II‑465, point 64).

95      Or, en l’espèce, si le requérant fait mention de conflits répétés avec sa hiérarchie, concernant, notamment, ses précédents rapports de notation, son absence prolongée de promotion ainsi que son isolement professionnel, aucun de ces éléments n’est de nature à rapporter la preuve que le REC 2003 aurait été établi aux fins de le harceler moralement. De surcroît, il convient de rappeler que, dans le cadre du deuxième moyen d’annulation, il a été constaté qu’il ne ressortait d’aucune pièce du dossier que les appréciations chiffrées figurant dans le REC 2003, ainsi que les commentaires descriptifs destinés à les justifier, auraient procédé d’une erreur manifeste d’appréciation de la part des évaluateurs.

96      Par suite, le troisième moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

97      Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation du REC 2003 doivent être rejetées, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission et tirée de ce que le requérant, qui a été admis à la retraite à compter du 1er mai 2005, aurait été dépourvu, à la date d’introduction de la requête, d’intérêt à demander l’annulation de son REC 2003.

2.     Sur la demande indemnitaire

98      Les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice en matière de fonction publique doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées comme non fondées (arrêts du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, RecFP p. I‑A‑191 et II‑859, point 69, et du 13 juillet 2005, Scano/Commission, T‑5/04, RecFP p. I-A-205 et II‑931, point 77).

99      En l’espèce, il existe un lien étroit entre les conclusions en indemnité et les conclusions en annulation, puisque le requérant demande à être indemnisé en raison du prétendu préjudice moral subi du fait de l’établissement de l’acte attaqué, en l’occurrence le REC 2003. L’examen des griefs présentés à l’appui des conclusions en annulation n’ayant révélé aucune illégalité et, donc, aucune faute de nature à engager la responsabilité de la Communauté, les conclusions en indemnité doivent également être rejetées.

100    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans sa totalité.

 Sur les dépens

101    Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, RecFP p. I-A-1-3 et II-A-1-7, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

102    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Mahoney

Boruta

Tagaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney


* Langue de procédure : le français.