ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
28 septembre 1999 (1)
«Fonctionnaires Article 7, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut Lieu
d'origine Lieu de recrutement Centre d'intérêts»
Dans l'affaire T-28/98,
J, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à
Bruxelles, représentée par Mes Georges Vandersanden et Laure Levi, avocats au
barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire
Myson SARL, 30, rue de Cessange,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Julian Currall,
conseiller juridique, assisté de Me Denis Waelbroeck, avocat au barreau de
Bruxelles, ayant élu domicile auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du
service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
ayant pour objet une demande tendant à l'annulation de la décision de la
Commission du 6 janvier 1997, fixant le lieu de recrutement de la requérante à
Bruxelles,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),
composé de MM. M. Jaeger, président, K. Lenaerts et J. Azizi, juges,
greffier: M. Y. Mottard, référendaire,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 4 mars 1999,
rend le présent
Arrêt
Cadre réglementaire et faits à l'origine du litige
- 1.
- L'article 7, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut des fonctionnaires des
Communautés européennes (ci-après «statut»), prévoit que «[le] lieu d'origine du
fonctionnaire est déterminé, lors de l'entrée en fonction de celui-ci, compte tenu
du lieu de recrutement ou du centre de ses intérêts. Cette détermination pourra,
par la suite, pendant que l'intéressé est en fonction et à l'occasion de son départ,
être révisée par décision spéciale de l'autorité investie du pouvoir de nomination.
Toutefois, tant que l'intéressé est en fonctions, cette décision ne peut intervenir
qu'exceptionnellement et après production, par l'intéressé, de pièces justifiant
dûment sa demande».
- 2.
- L'article 2 de la décision de la Commission du 15 juillet 1980, portant adoption des
dispositions générales d'exécution de l'article 7, paragraphe 3, de l'annexe VII du
statut (ci-après «décision du 15 juillet 1980»), dispose, notamment, que «[lors de
l'entrée en fonctions du fonctionnaire, le lieu d'origine de celui-ci est présumé être
le lieu de recrutement. A la demande du fonctionnaire présentée dans le délai d'un
an suivant son entrée en service et sur la base de pièces justificatives, son lieu
d'origine est fixé au centre de ses intérêts, si ce dernier lieu ne coïncide pas avec
le lieu de recrutement» (article 2, paragraphe 1), et, «[à] défaut d'existence d'un
centre d'intérêts suivant les critères énumérés au paragraphe 2, deuxième tiret, le
lieu d'origine du fonctionnaire est fixé à son lieu de recrutement» (article 2,
paragraphe 3).
- 3.
- La requérante, de nationalité suédoise, a été nommée fonctionnaire stagiaire de la
Commission par décision du 18 novembre 1996, prenant effet le 1er décembre 1996,
et titularisée par décision du 25 août 1997.
- 4.
- Par décision de la Commission du 6 janvier 1997, le lieu de recrutement et le lieu
d'origine de la requérante ont été fixés à Bruxelles.
- 5.
- Par lettre du 14 février 1997, la requérante a demandé, au titre de l'article 90,
paragraphe 1, du statut, que la décision relative à son lieu d'origine soit réexaminée
et que celui-ci, au vu des informations fournies dans cette lettre, soit fixé à
Stockholm.
- 6.
- Par note du 24 février 1997, la défenderesse a demandé des informations
complémentaires à la requérante, qui les a fournies dans une lettre du 6 mai 1997.
- 7.
- Par lettre du 11 juin 1997, la requérante a rappelé à la défenderesse qu'elle n'avait
pas encore reçu de réponse à sa demande du 14 février 1997.
- 8.
- Le 17 juin 1997, le chef de l'unité «gestion des droits individuels» de la direction
«droits et obligations» de la direction générale Personnel et administration de la
Commission (DG IX), M. Rijssenbeek, a adressé à la requérante une note relative
à la détermination du lieu de recrutement et du lieu d'origine. Dans celle-ci, il
indiquait que, pour autant qu'elle transmette les documents requis, la fixation de
son lieu d'origine à Stockholm ne posait pas de problème. En revanche, s'agissant
du lieu de recrutement, il exposait que, après vérification approfondie, celui-ci
devait être maintenu à Bruxelles et concluait après avoir précisé les raisons
justifiant cette position, qu'il n'était «pas en mesure de donner une suite favorable
à [sa] requête formulée le 14 février 1997».
- 9.
- Au vu des renseignements supplémentaires fournis, le lieu d'origine de la
requérante a été rectifié, par décision du 12 septembre 1997, et fixé à Stockholm.
- 10.
- Par décision du 27 octobre 1997, adressée le même jour à la requérante, qui en a
accusé réception le 5 novembre 1997, l'autorité investie du pouvoir de nomination
(ci-après «AIPN») a rejeté la demande de la requérante de voir modifier son lieu
de recrutement.
Procédure et conclusions des parties
- 11.
- Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 février 1998, la requérante a
introduit le présent recours.
- 12.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir
la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
- 13.
- Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux
questions orales lors de l'audience du 4 mars 1999.
- 14.
- La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler la décision du 6 janvier 1997 fixant le lieu de recrutement à
Bruxelles;
lui reconnaître le bénéfice des droits prévus à l'article 7 de l'annexe VII du
statut à l'occasion de son entrée en fonction et celui de tous autres droits
statutaires découlant de la fixation du lieu de recrutement à Stockholm;
condamner la défenderesse aux dépens.
- 15.
- La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours comme non fondé;
statuer comme de droit sur les dépens.
Sur le fond
- 16.
- La requérante invoque deux moyens à l'appui de son recours. En premier lieu et
à titre principal, elle fait valoir que le lieu de recrutement et le lieu d'origine
doivent nécessairement coïncider. En second lieu et de façon subsidiaire, la
requérante soutient que les éléments de faits retenus par la Commission ne
permettaient pas de fixer le lieu de recrutement à Bruxelles.
Sur le premier moyen
Arguments des parties
- 17.
- La requérante affirme qu'il résulte de l'article 7 de l'annexe VII du statut que la
question de la fixation du lieu de recrutement doit être résolue préalablement à
celle de la détermination du lieu d'origine et que les deux lieux doivent
nécessairement coïncider.
- 18.
- Le lieu d'origine ayant été modifié pour être fixé à Stockholm, il faudrait en
déduire que le lieu de recrutement ou celui du centre des intérêts de la requérante
était également la capitale suédoise. Cette solution serait confirmée par la décision
du 15 juillet 1980, qui définirait le lieu d'origine comme étant l'endroit où le
fonctionnaire avait sa résidence habituelle lors de son recrutement. La requérante
en déduit que, si le lieu d'origine retenu est Stockholm, ladite résidence habituelle
et, par conséquent, le lieu de recrutement ne peuvent être fixés que dans cette
même ville.
- 19.
- La requérante souligne qu'elle s'est vu octroyer le bénéfice de l'indemnité
forfaitaire compensatrice des frais de voyage exposés au titre du congé annuel et
ce, en application de l'article 8 de l'annexe VII du statut, ce qui confirmerait que
l'AIPN estime que le lieu d'origine est Stockholm et que, par suite, cette ville
constitue également le lieu de son recrutement.
- 20.
- La requérante relève encore qu'elle s'est vu accorder le bénéfice de l'indemnité de
dépaysement et qu'elle a perçu, en 1996, l'indemnité d'installation, ce qui suppose
que la défenderesse a nécessairement considéré qu'elle n'avait pas, de façon
habituelle, durant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en
fonction, habité ou exercé son activité professionnelle principale en Belgique et
qu'elle devait installer sa résidence au lieu de son affectation.
- 21.
- Dans son mémoire en réplique, la requérante a précisé sa position en indiquant
que le lieu d'origine est présumé être le lieu de recrutement et qu'il peut, après
contestation du fonctionnaire, être fixé au centre des intérêts de ce dernier. Dans
l'hypothèse où le fonctionnaire contesterait, tout à la fois, les lieux d'origine et de
recrutement retenus par l'AIPN, en excipant de la nécessaire coïncidence entre ces
deux lieux, il appartiendrait à l'AIPN, ayant accepté de modifier le lieu d'origine
initialement retenu, de démontrer que le lieu de recrutement doit être fixé à un
autre endroit que le lieu d'origine, ce que l'AIPN n'aurait pas fait en l'espèce.
- 22.
- La requérante en conclut que, en retenant Bruxelles comme lieu de recrutement,
c'est-à-dire le lieu où elle avait sa résidence habituelle, la défenderesse a méconnu
l'article 7, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut, ainsi que ses propres décisions
d'octroi de diverses indemnités prises, certes, sur d'autres bases juridiques mais
faisant référence à la notion de résidence habituelle.
- 23.
- La défenderesse soutient que le lieu d'origine et le lieu de recrutement sont deux
notions distinctes.
Appréciation du Tribunal
- 24.
- Il appert de l'article 7, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut et de l'article 2 de
la décision du 15 juillet 1980 que le lieu d'origine ne coïncide pas obligatoirement
avec le lieu de recrutement. En effet, selon ces dispositions, le lieu d'origine est
simplement présumé être le lieu de recrutement. Ainsi, à la demande de l'intéressé,
le lieu d'origine peut être modifié et fixé au centre de ses intérêts, «si ce dernier
lieu ne coïncide pas avec le lieu de recrutement».
- 25.
- Il en résulte que le lieu d'origine et le lieu de recrutement ne sont pas
nécessairement identiques et que la modification de la détermination du premier
n'entraîne pas automatiquement celle du second, ladite modification intervenant
précisément lorsque le fonctionnaire prouve que les deux lieux ne coïncident pas
et ce, en démontrant que le centre de ses intérêts ne correspond pas à son lieu de
recrutement.
- 26.
- En l'espèce, le fait que la Commission a accepté, sur la demande de la requérante,
de modifier son lieu d'origine pour le fixer à Stockholm, n'implique pas que le lieu
de recrutement de celle-ci aurait également dû être cette ville, mais signifie que laCommission a reconnu que la requérante, tout en ayant été recrutée à Bruxelles,
possède le centre de ses intérêts à Stockholm.
- 27.
- C'est donc en vain que la requérante soutient que, dans la mesure où le lieu
d'origine, apprécié selon l'endroit où elle a été recrutée, a été fixé, conformément
à sa demande, par la Commission à Stockholm, il convient d'admettre que les lieux
d'origine et de recrutement doivent coïncider. En effet, il échet de rappeler que le
lieu d'origine a été initialement fixé, en fonction du lieu de recrutement, à Bruxelles
et qu'il a été modifié ultérieurement au motif que la requérante a pu établir que
le centre de ses intérêts était à Stockholm. La Commission a donc retenu la ville
de Stockholm comme lieu d'origine en considération du centre d'intérêts de la
requérante et non en fonction de son lieu de recrutement.
- 28.
- En conséquence, l'affirmation de la requérante, selon laquelle le lieu de
recrutement et le lieu d'origine doivent nécessairement être identiques, est
manifestement dénuée de tout fondement en droit.
- 29.
- S'agissant de la thèse développée par la requérante dans son mémoire en réplique,
il suffit de constater qu'aucune disposition du régime relatif à la détermination des
lieux d'origine et de recrutement n'est de nature, en cas de modification du lieu
d'origine, à faire reposer sur l'AIPN la charge de la preuve des éléments justifiant
que le lieu de recrutement soit fixé à un autre endroit que le lieu d'origine. Bien
au contraire, il résulte des dispositions précitées, d'une part, qu'il incombe au
fonctionnaire d'apporter la preuve de la nécessité de modifier son lieu d'origine et,
d'autre part, qu'une telle modification intervient lorsque le centre d'intérêts dudit
fonctionnaire ne coïncide pas avec le lieu de recrutement et conduit dès lors à la
fixation d'un lieu d'origine différent du lieu de recrutement.
- 30.
- Par ailleurs, cette thèse n'est pas non plus fondée en fait. En effet, la requérante
n'a, dans sa lettre du 14 février 1997, ni contesté la détermination de son lieu de
recrutement ni soutenu que les lieux d'origine et de recrutement coïncidaient, mais
a prétendu seulement que son lieu d'origine devait être fixé à Stockholm.
- 31.
- Enfin, la requérante soutient que la décision de maintenir Bruxelles comme lieu de
recrutement est en contradiction avec les décisions de la Commission lui accordant
les indemnités de dépaysement et d'installation, dont le bénéfice est fonction de la
résidence habituelle.
- 32.
- Selon une jurisprudence constante, la raison d'être de l'indemnité de dépaysement
est de compenser les charges et désavantages particuliers résultant de l'exercice
permanent de fonctions dans un pays avec lequel le fonctionnaire n'a pas établi de
liens durables avant son entrée en fonction et toute interprétation qui exclurait du
bénéfice de ladite indemnité le fonctionnaire qui n'a eu dans ce pays sa résidence
habituelle ou n'y a exercé son activité professionnelle principale que pendant une
partie de la période de référence de cinq ans, expirant six mois avant l'entrée en
fonction, méconnaîtrait cette raison d'être (arrêt du Tribunal du 14 décembre 1995,
Diamantaras/Commission, T-72/94, RecFP p. II-865, point 48). Dès lors, la
Commission a pu, en l'espèce, fixer le lieu de recrutement de la requérante à
Bruxelles en estimant qu'elle y avait sa résidence habituelle au moment de son
entrée en fonction, tout en décidant de lui accorder l'indemnité de dépaysement
au motif qu'elle n'a pas eu sa résidence habituelle à Bruxelles pendant toute la
période de référence de cinq ans, mais seulement durant un peu plus de trois ans,
à savoir du 23 février 1993 au 1er juin 1996.
- 33.
- La Commission a pu également accorder à la requérante l'indemnité d'installation
en application de l'article 5, paragraphe 1, de l'annexe VII du statut, selon lequel
ladite indemnité est due au fonctionnaire qui remplit les conditions pour bénéficier
de l'indemnité de dépaysement, ce qui était son cas. Cette décision n'implique pas
que la Commission ait reconnu que la requérante n'avait pas sa résidence
habituelle à Bruxelles au moment de son entrée en fonction.
- 34.
- Enfin, la circonstance que la Commission a octroyé à la requérante le bénéfice de
l'indemnité forfaitaire compensatrice des frais de voyage exposés lors du congé
annuel est manifestement dénuée de toute pertinence, dans la mesure où les frais
de voyage visés à l'article 8 de l'annexe VII du statut sont ceux du lieu d'affectation
au lieu d'origine et non au lieu de recrutement.
- 35.
- Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.
Sur le second moyen
Arguments des parties
- 36.
- La requérante soutient que les éléments factuels du dossier démontrent que son
lieu de recrutement était Stockholm.
- 37.
- Elle fait valoir, à cet égard, que si elle a résidé à Bruxelles d'abord comme
étudiante du 23 février 1993 au 1er octobre 1994 puis en y développant une activité
commerciale du 1er octobre 1994 au 31 décembre 1995, elle a décidé de retourner
en Suède dès la fin de l'année 1995. Elle précise qu'elle n'a, toutefois, pu
déménager qu'en août 1996, date à laquelle l'appartement en Suède, qu'elle avait
sous-loué, s'est libéré.
- 38.
- La requérante prétend avoir travaillé, dès le début de l'année 1996, au sein de la
société Credo European Law Area AB, établie en Suède, en qualité de juriste.
- 39.
- Elle indique qu'elle a été rayée, le 19 avril 1996, des registres de la population de
la commune d'Etterbeek du fait de son retour en Suède, lequel a été fortement
motivé par les problèmes d'adaptation scolaire et certains traumatismes vécus par
sa fille, qui l'a rejointe à Stockholm le 10 juillet 1996, à l'issue de l'année scolaire.
La requérante souligne encore avoir gardé son domicile fiscal en Suède pendant
toute cette période durant laquelle elle a résidé en Belgique ainsi que des attaches
familiales, en particulier avec sa mère, ce qui démontrerait qu'elle ne souhaitait
nullement se limiter à une résidence temporaire et provisoire en Suède, pays où
elle est finalement retournée pour y avoir sa résidence habituelle.
- 40.
- Dans sa réplique, la requérante s'emploie a réfuter les éléments retenus par la
Commission pour justifier la détermination du lieu de recrutement à Bruxelles.
- 41.
- S'agissant de l'emploi et des activités commerciales qu'elle aurait eus en Belgique,
elle précise avoir créé, en mai 1995, la société anonyme de droit belge Credo
European Law Area, ayant son siège social à Etterbeek, rue de Mot 20-22, dont
elle a été nommée «administrateur-délégué» pour une durée de six ans. Selon
l'attestation de M. Malmberg, en charge de la gestion administrative de ladite
société, la requérante aurait présenté sa démission de son mandat
d'«administrateur-délégué», le 23 septembre 1995, et aurait été remplacée par sa
mère, Mme Lissie Bergling, jusqu'au 17 juillet 1997, date à laquelle M. Malmberg
aurait pris en charge cette fonction. La requérante admet, cependant, avoir
conservé la qualité d'«administrateur» de la société jusqu'à son entrée au service
de la Commission et avoir assisté à l'assemblée générale extraordinaire des
actionnaires de la société du 17 juillet 1997 en qualité d'actionnaire. Elle nie, en
revanche, avoir disposé, au moment de son recrutement, d'un emploi stable en
Belgique. Elle aurait, au contraire, exercé une activité commerciale en Suède, où
elle aurait assumé les fonctions «d'administrateur et d'administrateur- délégué» de
la société de droit suédois, Credo European Law Area AB, du 17 juillet 1992 au
23 décembre 1996.
- 42.
- La requérante ne conteste pas avoir eu plusieurs résidences en Belgique. Elle
expose que la maison sise rue de Mot 20-22 à Etterbeek, constitue un
investissement et qu'elle l'a revendue en août 1995 à Credo European Law Area
SA. La requérante précise, par ailleurs, que, depuis son retour en Suède, elle a
d'abord résidé chez sa mère de fin décembre 1995 à août 1996, Heleneborgsgatan
12 à Stockholm, puis dans un appartement pris en location, sis Storgatan 25 à
Stockholm également, à partir du mois d'août 1996, date à laquelle l'appartement
a été libéré par ses sous-locataires. Elle indique d'ailleurs avoir communiqué sa
nouvelle adresse à la défenderesse par courrier du 13 septembre 1996 et rappelle
qu'elle a été radiée le 19 avril 1996, avec trois mois de retard, des registres de la
population de la commune d'Etterbeek avec la mention «pour Suède», sa fille
étant également radiée desdits registres le 31 juillet 1996 avec mention du nouveau
domicile à Stockholm.
- 43.
- La requérante explique avoir vendu la voiture immatriculée en Belgique sous le
numéro DBF 445 à Credo European Law Area SA en décembre 1995, puis l'avoir
rachetée en mars 1998, une fois en possession d'une carte de séjour belge. Dans
l'intervalle, elle aurait emporté le véhicule en Suède et l'aurait utilisé dans le cadre
d'une location conclue avec la société.
- 44.
- La requérante précise encore que la mention portée sur le formulaire ad hoc,
complété lors de son entrée au service de la Commission, selon laquelle elle a
travaillé jusqu'au 30 novembre 1996 au sein de Credo European Law Area SA à
Bruxelles comme «PDG/Lawyer», doit s'entendre comme visant la fonction
d'«administrateur» de cette société. Le certificat du tribunal de commerce de
Bruxelles du 6 mai 1997 indiquant que la requérante n'est plus «administrateur-délégué» à compter du 1er novembre 1996 comporterait une erreur puisqu'elle
aurait été remplacée dans ses fonctions à compter du 23 septembre 1995 par sa
mère. Le fait qu'elle a suivi des cours de langue en Belgique en juillet 1996 ne
constituerait pas un indice permettant d'identifier un lieu de résidence habituel. La
requérante affirme avoir effectivement déménagé avec sa fille à l'adresse Storgatan
25 à Stockholm en août 1996 et prétend que la supposition selon laquelle les biens
déménagés à cette époque ne seraient que ceux de sa fille est purement gratuite.
Les frais de déménagement auraient, certes, été pris en charge par la société Credo
European Law Area AB, mais elle aurait déclaré cet avantage au titre de ses
revenus professionnels. Enfin, elle conteste avoir eu la quasi-certitude d'être
recrutée par la Commission dès le mois d'août 1996 et fait valoir qu'elle n'a reçu
une offre formelle de recrutement que par lettre du 10 octobre 1996.
- 45.
- La requérante conclut qu'aucun des éléments retenus par la Commission n'est de
nature à démontrer qu'elle avait sa résidence habituelle à Bruxelles lors de son
recrutement.
- 46.
- La défenderesse soutient que les éléments du dossier démontrent que c'est à juste
titre que l'AIPN a décidé de fixer le lieu de recrutement de la requérante à
Bruxelles.
Appréciation du Tribunal
- 47.
- Selon l'article 2, paragraphe 2, de la décision du 15 juillet 1980, le lieu de
recrutement est l'endroit où le fonctionnaire avait sa résidence habituelle lors de
son recrutement, c'est-à-dire le lieu où l'intéressé a fixé, avec la volonté de lui
conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts (arrêt
du Tribunal du 10 juillet 1992, Benzler/Commission, T-63/91, Rec. p. II-2095,
point 25).
- 48.
- Il y a lieu d'examiner si les différents éléments du dossier permettent de considérer
que le lieu de recrutement de la requérante devait être fixé à Bruxelles ou si, ainsique le soutient la requérante, ils sont de nature à établir qu'elle est effectivement
rentrée en Suède fin 1995 pour y avoir sa résidence habituelle.
- 49.
- A titre liminaire, il convient de constater que, après examen minutieux des pièces
versées au dossier, de nombreuses affirmations de la requérante, avancées lors de
la procédure administrative ou dans le cadre de la présente procédure, sont peu
fiables, voire trompeuses ou contradictoires.
- 50.
- Ainsi, premièrement, la requérante avait affirmé, dans sa lettre du 14 février 1997,
qu'elle et sa fille vivaient à Stockholm dans son appartement situé Storgatan 25.
Or, il est constant que ce dernier a été sous-loué jusqu'en octobre 1996. Ce n'est
que dans un deuxième temps qu'elle a précisé avoir résidé de décembre 1995 à
août 1996 chez sa mère, jusqu'à ce que son appartement redevienne libre.
- 51.
- Deuxièmement, la requérante avait indiqué, toujours dans sa lettre du 14 février
1997, avoir cessé ses activités professionnelles en Belgique le 31 décembre 1995 et
s'était référé, à cet égard, à un certificat du greffier du tribunal de commerce de
Bruxelles. Or, ledit certificat daté du 6 mai 1997 mentionne qu'elle n'a démissionné
de sa fonction d'«administrateur-délégué» de la société belge Credo European Law
Area SA que le 1er novembre 1996. Il apparaît, au demeurant, étonnant que le
changement d'administrateur délégué, soi-disant intervenu en novembre 1995, n'a,
selon la requérante, fait l'objet d'une publicité que le 25 novembre 1997, au travers
d'une annonce parue dans le Moniteur belge. Il y a lieu de constater que la
requérante n'a, d'ailleurs, pas fourni de copie de ce document alors que la
Commission prétend que cette information n'a jamais été publiée.
- 52.
- Troisièmement, la requérante avait initialement soutenu avoir déménagé de
Bruxelles à Stockholm fin 1995, en raison des problèmes scolaires de sa fille et du
besoin de celle-ci d'être assistée, avant finalement de déclarer que sa fille ne l'avait
rejointe à Stockholm qu'en juillet 1996. La requérante a même précisé que cette
dernière avait du retourner en Suède au motif que ses résultats scolaires à l'école
européenne ne lui permettaient pas d'accéder au niveau supérieur. Or, selon
l'attestation du directeur de cette école, produite par la requérante, ce n'est qu'à
la fin de l'année scolaire 1995/1996, soit après le 12 juillet 1996, que la requérante
a été informée que sa fille ne pourrait poursuivre ses études à l'école européenne.
Dans ces circonstances, l'explication de la requérante quant à la motivation de son
retour en Suède à la fin de l'année 1995 n'apparaît pas convaincante.
- 53.
- Quatrièmement, la requérante avait également affirmé avoir vendu sa maison à
Bruxelles en décembre 1995 ainsi que son véhicule immatriculé en Belgique sous
le numéro DBF 445 en janvier 1996. Or, il est apparu que ces deux biens ont été
cédés à Credo European Law Area SA, société fondée par le requérante, dont elle
est actionnaire et au sein de laquelle elle a gardé la fonction d'administrateur
jusqu'à son entrée au service de la Commission. Il y a lieu, en outre, de relever que
la requérante a continué de se comporter comme la propriétaire de l'immeuble
puisqu'elle a signé, en juin 1998 et en qualité de bailleur, un contrat de location
portant sur une pièce meublée située au première étage dudit immeuble. Elle a,
par ailleurs, gardé la jouissance du véhicule après sa vente en vertu d'un contrat
de location conclu avec la société acquéreuse et l'a utilisé en Suède tout en
conservant la plaque d'immatriculation belge.
- 54.
- Cinquièmement, la requérante avait également affirmé, dans sa lettre du 14 février
1997, avoir vendu la voiture immatriculée en Belgique sous le numéro DBF 445,
en janvier 1996. Or, il est apparu que, si ladite voiture a bien fait l'objet d'une
vente, il n'en reste pas moins que l'acheteur de celle-ci est la société belge Credo
European Law Area SA, fondée par la requérante, dont elle est actionnaire et au
sein de laquelle elle a gardé la fonction d'administrateur. En outre, la requérante
avait, à partir du moment de la vente, ladite voiture à sa disposition car elle l'avait
prise en location auprès de cette société. Tout en ayant affirmé avoir vendu son
véhicule belge dès janvier 1996, il est ainsi constant que la requérante a conservé
l'usage de son véhicule immatriculé en Belgique pendant toute la période
concernée. De même, il est constant que la requérante a utilisé ledit véhicule en
Suède avec un numéro d'immatriculation belge.
- 55.
- En dépit du manque de fiabilité des affirmations de la requérante, il convient
néanmoins d'examiner si ses arguments permettent de considérer que la
Commission a commis une erreur en décidant que son lieu de recrutement devait
être fixé à Bruxelles.
- 56.
- Force est de constater que la requérante n'a pas pu établir qu'elle avait
effectivement déménagé à Stockholm à la fin de l'année 1995. En effet, la seule
pièce produite par la requérante à cet égard est une facture établie non pas à son
nom mais à celui de la société Credo European Law Area AB, sise à Stockholm,
et portant sur un déménagement intervenu le 5 août 1996, à partir du siège de la
société de droit belge Credo European Law Area. De plus, à cette époque, la
requérante avait la quasi-certitude ou, à tout le moins, de très sérieuses chances de
se voir attribuer un poste à la Commission, dès lors qu'elle avait été inscrite sur la
liste de réserve en juin 1996, qu'elle avait été convoquée pour la visite médicale le
11 juillet 1996, et qu'elle avait eu, le 1er août 1996, un entretien avec M. Köppen,
membre de l'unité au sein de laquelle elle travaille actuellement.
- 57.
- Enfin, la requérante n'a, jusqu'à présent, pas produit de preuve d'un nouveau
déménagement de Stockholm vers Bruxelles après son entrée en fonction à la
Commission. Il ressort de ces éléments que la facture en cause n'est pas de nature
à établir que la requérante est retournée en Suède en 1995.
- 58.
- Concernant les activités professionnelles de la requérante, il y a lieu de constater
d'abord que la requérante n'a pas contesté avoir conservé la qualité
d'administrateur de la société belge Credo European Law Area jusqu'à son entrée
en fonction à la Commission. Elle a, en revanche, prétendu avoir démissionné, au
profit de sa mère, dès septembre 1995, de sa fonction d'«administrateur-délégué»
et produit, au stade de la réplique, une «attestation» en ce sens, non datée, rédigée
par M. Malmberg, «administrateur-délégué» de ladite société. Toutefois, cette
affirmation est démentie, d'une part, par le certificat du tribunal de commerce de
Bruxelles du 6 mai 1997 qui mentionne le 1er novembre 1996 comme date de
cessation de la fonction d'«administrateur-délégué» de la requérante et, d'autre
part, par le formulaire relatif à l'obtention d'une carte d'identité spéciale adressé
au ministère des Affaires étrangères belge le 2 décembre 1997, dans lequel la
requérante a elle-même indiqué avoir assumé cette fonction jusqu'au 19 avril 1996.
La requérante a, par ailleurs, en complétant le 2 décembre 1996 le formulaire ad
hoc lors des formalités d'entrée à la Commission, déclaré avoir travaillé du 28 avril
1995 au 30 novembre 1996 pour la société belge Credo European Law Area
comme «PDG/Lawyer». Elle a également signé, en qualité de «présidente», le
procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société
du 17 juillet 1997. Il ressort de ces éléments que la requérante n'a pas établi avoir
cessé ses activités professionnelles en Belgique fin 1995 et que c'est à bon droit que
la Commission a considéré qu'elle avait conservé un emploi stable à Bruxelles
jusqu'à la date de son recrutement.
- 59.
- La circonstance que la requérante a suivi, à Bruxelles, un cours d'allemand au
Goethe Institut durant le mois de juillet 1996 témoigne également de ce qu'elle
avait conservé sa résidence habituelle à cet endroit.
- 60.
- Le fait que, depuis son arrivée en Belgique en 1993 et jusqu'à aujourd'hui, la
requérante a conduit un véhicule immatriculé dans ce pays constitue un autre
indice pertinent de nature à établir qu'elle conservait des liens importants avec ledit
pays au moment de son recrutement.
- 61.
- Il convient de rappeler encore que la requérante a demandé que la correspondance
relative à son embauche par la Commission lui soit envoyée à Bruxelles, rue de
Mot 20-22, jusqu'au 9 septembre 1996.
- 62.
- Au vu de l'ensemble de ces constatations, et notamment des explications
contradictoires formulées par la requérante ou démenties par les pièces du dossier
et de l'absence d'éléments probants établissant qu'elle serait effectivement
retournée en Suède à la fin de l'année 1995, il y a lieu de considérer que c'est à
bon droit que la Commission a décidé que la requérante avait sa résidence
habituelle en Belgique lors de son recrutement.
- 63.
- Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen n'est pas non plus fondé et
que, dès lors, le recours doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
- 64.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon
l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs
agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. En
l'espèce, chaque partie supportera donc ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) Chaque partie supportera ses propres dépens.
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 septembre 1999.
Le greffier
Le président
H. Jung
M. Jaeger