Language of document : ECLI:EU:T:2023:650

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

16 décembre 2010 (*)

«Tarif douanier commun – Classement tarifaire – Nomenclature combinée – Positions 2204 et 2206 – Boisson fermentée à base de raisins frais – Titre alcoométrique volumique acquis de 15,8 % à 16,1 % – Adjonction d’alcool de maïs et de sucre de betterave au cours de la production»

Dans l’affaire C‑339/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Nejvyšší správní soud (République tchèque), par décision du 2 juillet 2009, parvenue à la Cour le 24 août 2009, dans la procédure

Skoma-Lux s. r. o.

contre

Celní ředitelství Olomouc,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. J.‑J. Kasel, A. Borg Barthet, E. Levits et M. Safjan (rapporteur), juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 septembre 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour Skoma-Lux s. r. o., par Me M. Filouš, advokát,

–        pour le Celní ředitelství Olomouc, par M. M. Brázda, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement grec, par M. G. Kanellopoulos ainsi que par Mmes Z. Chatzipavlou et V. Karra, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme L. Bouyon, M. L. Jelínek et Mme M. Šimerdová, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des positions 2204 et 2206 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1719/2005 de la Commission, du 27 octobre 2005 (JO L 286, p. 1, ci-après la «NC»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Skoma-Lux s. r. o. (ci-après «Skoma-Lux») au Celní ředitelství Olomouc (direction des douanes d’Olomouc) au sujet du classement dans la NC d’une marchandise dénommée «vin de dessert rouge Kagor VK», importée en République tchèque.

 Le cadre juridique

3        La NC, instaurée par le règlement n° 2658/87, est fondée sur le système harmonisé mondial de désignation et de codification des marchandises (ci-après le «SH») élaboré par le Conseil de coopération douanière, devenu l’Organisation mondiale des douanes, et institué par la convention internationale conclue à Bruxelles le 14 juin 1983, laquelle a été approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO L 198, p. 1). La NC reprend les positions et sous-positions à six chiffres du SH, seuls les septième et huitième chiffres formant des subdivisions qui lui sont propres.

4        Afin de fournir de plus amples explications sur l’application du système harmonisé, l’Organisation mondiale des douanes publie régulièrement des notes explicatives du système harmonisé (ci-après les «NESH»). De même, aux fins d’assurer l’application de la NC, la Commission européenne élabore des notes explicatives de cette nomenclature en vertu de l’article 9, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, du règlement n° 2658/87. Ces notes, qui sont publiées régulièrement au Journal officiel de l’Union européenne, ne se substituent pas aux NESH, mais doivent être considérées comme complémentaires à ces dernières et consultées conjointement.

5        Dans la version du SH de l’année 2002, applicable aux faits du litige au principal, la position 2204 est intitulée «Vins de raisins frais, y compris les vins enrichis en alcool; moûts de raisin autres que ceux du n° 2009».

6        Les NESH concernant la position 2204 disposent:

«2204.10 – Vins mousseux

                           – Autres vins; moûts de raisin dont la fermentation a été empêchée ou arrêtée par addition d’alcool:

2204.21 – – En récipients d’une contenance n’excédant pas 2 l

2204.29 – – Autres

2204.30 – Autres moûts de raisin

I)      Vins de raisins frais

Le vin classé sous la présente position est exclusivement le produit final de la fermentation alcoolique du moût de raisin frais.

La présente position comprend:

[...]

4)      Les vins dits de liqueur (qualifiés aussi de vins de dessert, etc.) qui sont des vins de haute teneur alcoolique, généralement obtenus en partant de moûts riches en sucre, une partie seulement de ce sucre ayant été transformée en alcool par la fermentation; ils sont parfois obtenus par addition de moûts concentrés, de mistelles ou d’alcools. Parmi les vins de liqueur, on peut citer les vins des Canaries, de Chypre, de Lacryma Christi, de Madère, de Malaga, de Marsala, de Porto, de Malvoisie, de Samos, de Xérès, etc.

[...]»

7        La version du SH de l’année 2002 comprend également la position 2206, intitulée «Autres boissons fermentées (cidre, poiré, hydromel, par exemple); mélanges de boissons fermentées et mélanges de boissons fermentées et de boissons non alcooliques, non dénommés ni compris ailleurs».

8        Aux termes des NESH relatives à la position 2206:

«Dans cette position sont comprises toutes les boissons fermentées, autres que celles visées aux nos 22.03 à 22.05.

On y range notamment:

[...]

10)      La bière de gingembre et la bière d’herbes, qui sont des boissons gazeuses préparées avec du sucre, de l’eau et du gingembre ou certaines herbes et fermentées au moyen de levure.

Toutes ces boissons peuvent être naturellement mousseuses ou bien chargées artificiellement de dioxyde de carbone. Elles restent classées ici même si elles ont été additionnées d’alcool ou si leur teneur en alcool a été accrue par une seconde fermentation, pour autant qu’elles conservent le caractère des produits classés dans la présente position.

[...]»

9        La version de la NC applicable aux faits en cause au principal découle du règlement n° 1719/2005, entré en vigueur le 1er janvier 2006.

10      La première partie de la NC contient un ensemble de dispositions préliminaires. Dans cette partie, sous le titre I, consacré aux règles générales, la section A, intitulée «Règles générales pour l’interprétation de la [NC]», dispose:

«Le classement des marchandises dans la [NC] est effectué conformément aux principes ci-après.

1.      Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les règles suivantes.

[...]»

11      La deuxième partie de la NC contient le tableau des droits. La section IV de cette partie, intitulée «Produits des industries alimentaires; boissons, liquides alcooliques et vinaigres; tabacs et succédanés de tabac fabriqués» comporte un chapitre 22, lui-même intitulé «Boissons, liquides alcooliques et vinaigres», dans lequel figurent notamment les positions 2203 à 2206, libellées comme suit:

«2203 00 Bières de malt:

                           [...]

2204                Vins de raisins frais, y compris les vins enrichis en alcool; moûts de raisins, autres que ceux du n° 2009:

                           [...]

2205               Vermouths et autres vins de raisins frais préparés à l’aide de plantes ou de substances aromatiques:

                           [...]

2206 00 Autres boissons fermentées (cidre, poiré, hydromel, par exemple); mélanges de boissons fermentées et mélanges de boissons fermentées et de boissons non alcooliques, non dénommés ni compris ailleurs:

                           [...]»

12      Le chapitre 22 du tableau des droits comprend également des notes complémentaires, libellées comme suit:

«[...]

5.      Les sous-positions 2204 21 11 à 2204 21 99 et 2204 29 12 à 2204 29 99 comprennent notamment:

a)      le moût de raisins frais muté à l’alcool, c’est-à-dire le produit:

–        ayant un titre alcoométrique volumique acquis égal ou supérieur à 12 % vol et inférieur à 15 % vol et

–        obtenu par addition d’un produit provenant de la distillation du vin à un moût de raisins non fermenté ayant un titre alcoométrique naturel non inférieur à 8,5 % vol;

b)      le vin viné, c’est-à-dire le produit:

–        ayant un titre alcoométrique volumique acquis non inférieur à 18 % vol et non supérieur à 24 % vol,

–        obtenu exclusivement par adjonction d’un produit non rectifié provenant de la distillation du vin et ayant un titre alcoométrique acquis maximal de 86 % vol, à un vin ne contenant pas de sucre résiduel et

–        ayant une acidité volatile maximale de 1,50 gramme par litre, exprimée en acide acétique;

c)      le vin de liqueur, c’est-à-dire le produit:

–        ayant un titre alcoométrique volumique total non inférieur à 17,5 % vol ainsi qu’un titre alcoométrique volumique acquis non inférieur à 15 % vol et non supérieur à 22 % vol et

–        obtenu à partir de moût de raisins ou de vin, ces produits devant être issus de cépages admis dans le pays tiers d’origine pour la production de vin de liqueur et ayant un titre alcoométrique naturel non inférieur à 12 % vol:

–        par congélation ou

–        par addition, pendant ou après fermentation:

–        soit d’un produit provenant de la distillation du vin,

–        soit de moût de raisins concentré ou, pour certains vins de liqueur de qualité figurant sur une liste à arrêter, pour lesquels une telle pratique est traditionnelle, de moût de raisins dont la concentration a été effectuée par l’action du feu direct et qui répond, à l’exception de cette opération, à la définition du moût de raisins concentré,

–        soit d’un mélange de ces produits.

[...]»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

13      Le 18 janvier 2006, Skoma-Lux a présenté au Celní úřad Olomouc (bureau de douane d’Olomouc) une déclaration de mise en libre pratique de marchandises commercialisées sous l’appellation «vin de dessert rouge Kagor VK». Celles-ci, originaires de Moldavie, ont été déclarées au titre de la position 2204 de la NC.

14      Dans le cadre d’un contrôle de cette déclaration douanière, le Celní úřad Olomouc a prélevé un échantillon de ces marchandises aux fins d’identifier l’origine de l’alcool, du sucre et de l’eau présents dans celles-ci. Il ressort des analyses effectuées que cet échantillon contenait au moins 25 % de sucre d’une origine autre que le jus de raisin, probablement obtenu à partir d’un mélange de jus de raisin, de sucre de betterave et de sucre résultant de l’hydrolyse d’amidon de maïs. Selon ces mêmes analyses, lesdites marchandises ont été produites à partir de jus de raisin édulcoré, auquel a été ajouté de l’alcool de maïs, ce qui a entraîné l’interruption du processus de fermentation.

15      Par une décision du 28 novembre 2006, le Celní úřad Olomouc, au regard de ces analyses, a considéré qu’il convenait de classer les marchandises en cause au principal dans la position 2206 de la NC, au motif qu’il ne s’agissait pas d’un vin de liqueur dès lors que, au cours de sa production, il avait été enrichi, non pas par un produit provenant de la distillation du vin, mais par un alcool d’une autre origine.

16      Le 5 avril 2007, le Celní ředitelství Olomouc a rejeté le recours introduit par Skoma-Lux à l’encontre de cette décision du Celní úřad Olomouc.

17      Le 4 décembre 2007, à la suite du recours formé par Skoma-Lux, le Krajský soud v Ostravě (cour régionale d’Ostrava) a annulé ladite décision du Celní ředitelství Olomouc et lui a renvoyé l’affaire pour réexamen. Le Krajský soud v Ostravě a considéré que les marchandises en cause au principal devaient être classées dans la position 2204 de la NC en relevant notamment que l’ajout de sucre ou d’alcool, quelle que soit leur origine, n’entraînait pas une modification des caractéristiques essentielles desdites marchandises, à savoir qu’elles étaient produites à partir de raisins frais.

18      Le Celní ředitelství Olomouc ayant formé un pourvoi en cassation contre la décision du Krajský soud v Ostravě devant le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême), celui-ci estime que les marchandises en cause au principal devraient être classées dans la position 2206 de la NC. En effet, puisqu’il a été établi que ces marchandises contiennent de l’alcool de maïs, elles n’auraient pas exclusivement pour origine le raisin.

19      Considérant cependant que l’issue du litige dont il est saisi dépend de l’interprétation de la réglementation de l’Union applicable, le Nejvyšší správní soud a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les marchandises commercialisées sous l’appellation ‘vin de dessert rouge Kagor VK’ en bouteilles de 0,75 litre ayant un titre alcoométrique de 15,8 % à 16,1 % vol, auxquelles ont été ajoutés au cours de leur production du sucre de betterave et de l’alcool de maïs, c’est-à-dire des substances ne provenant pas de raisins frais, doivent-elles être classées dans la position 2204 ou dans la position 2206 de la [NC]?»

 Sur la question préjudicielle

 Sur la recevabilité

20      Dans ses observations, Skoma-Lux affirme, en substance, que les caractéristiques du vin de dessert rouge Kagor VK ne correspondent pas à celles des marchandises décrites dans la question préjudicielle. En effet, selon Skoma-Lux, ce vin est obtenu par la fermentation de moût de raisins, laquelle est arrêtée par l’ajout d’alcool vinique ou de distillat de vin pour atteindre la teneur en alcool nécessaire.

21      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, Rec. p. I‑2099, point 38, ainsi que du 8 septembre 2010, Stoß e.a., C‑316/07, C‑358/07 à C‑360/07, C‑409/07 et C‑410/07, non encore publié au Recueil, point 51).

22      Selon une jurisprudence constante, les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national dans le cadre réglementaire et factuel qu’il définit sous sa responsabilité, et dont il n’appartient pas à la Cour de vérifier l’exactitude, bénéficient d’une présomption de pertinence (voir, notamment, arrêt du 7 juin 2007, van der Weerd e.a., C‑222/05 à C‑225/05, Rec. p. I‑4233, point 22 et jurisprudence citée).

23      Par ailleurs, lorsque la Cour est saisie d’un renvoi préjudiciel en matière de classement tarifaire, sa fonction consiste davantage à éclairer la juridiction nationale sur les critères dont la mise en œuvre permettra à cette dernière de classer correctement les produits en cause dans la NC qu’à procéder elle-même à ce classement, et ce d’autant plus qu’elle ne dispose pas nécessairement de tous les éléments indispensables à cet égard. Ainsi, la juridiction nationale apparaît, en tout état de cause, mieux placée pour le faire. Toutefois, afin de donner à celle-ci une réponse utile, la Cour peut, dans un esprit de coopération avec les juridictions nationales, lui fournir toutes les indications qu’elle juge nécessaires (voir, notamment, arrêt du 16 juillet 2009, Pärlitigu, C‑56/08, Rec. p. I‑6719, point 23 et jurisprudence citée).

24      Par conséquent, ainsi que le fait valoir la Commission, il incombe à la Cour de reformuler la question qui lui est posée en ce sens que cette dernière vise à ce que soit tranché le point de savoir si une boisson fermentée à base de raisins frais, commercialisée en bouteilles de 0,75 litre, ayant un titre alcoométrique de 15,8 % à 16,1 % vol, à laquelle ont été ajoutés au cours de sa production du sucre de betterave et de l’alcool de maïs (ci-après la «boisson en cause»), doit être classée dans la position 2204 ou dans la position 2206 de la NC.

 Sur l’application du règlement (CE) n° 600/2006

25      Dans sa décision de renvoi, le Nejvyšší správní soud fait référence au règlement (CE) n° 600/2006 de la Commission, du 18 avril 2006, relatif au classement de certaines marchandises dans la nomenclature combinée (JO L 106, p. 5). Ce règlement, adopté sur le fondement de l’article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 2658/87, qui habilite la Commission à clarifier le contenu d’une position tarifaire, classe dans la position 2206 de la NC un produit dont les caractéristiques correspondent à celles de la boisson en cause.

26      À cet égard, la Commission indique, dans ses observations, que ledit règlement a été adopté à la suite de classements tarifaires différents opérés par des autorités douanières des États membres en ce qui concerne le vin de dessert rouge Kagor VK.

27      Cependant, il résulte d’une jurisprudence constante qu’un règlement précisant les conditions de classement dans une position ou une sous-position tarifaire revêt un caractère constitutif et ne saurait avoir des effets rétroactifs (voir, notamment, arrêts du 7 juin 2001, CBA Computer, C‑479/99, Rec. p. I‑4391, point 31, et du 27 novembre 2008, Metherma, C‑403/07, Rec. p. I‑8921, point 39).

28      Selon le premier considérant du règlement n° 600/2006, celui-ci a été adopté afin d’assurer l’application uniforme de la NC. Il est néanmoins constant que ledit règlement est entré en vigueur le 9 mai 2006, soit postérieurement à l’introduction de la déclaration de mise en libre pratique des marchandises en cause au principal, et qu’il ne lui a été attribué aucun effet rétroactif.

29      Dans ces conditions, le règlement n° 600/2006 n’est pas applicable au litige au principal. La question préjudicielle doit donc être examinée au regard du règlement n° 2658/87, tel que modifié par le règlement n° 1719/2005.

 Sur le fond

 Observations soumises à la Cour

30      Skoma-Lux soutient que les caractéristiques organoleptiques particulières et les propriétés objectives de la boisson en cause, de même que sa destination, correspondent à celles des marchandises classées dans la position 2204 de la NC. En ce sens, les bureaux de douane de plusieurs États membres auraient délivré des renseignements tarifaires contraignants relatifs au classement du vin de dessert rouge Kagor VK dans ladite position.

31      Le Celní ředitelství Olomouc considère que, conformément aux NESH, ladite boisson doit être classée dans la position 2206 de la NC dès lors qu’elle contient un alcool ajouté ayant une origine autre que la distillation du vin.

32      Le gouvernement tchèque souligne que l’alcool contenu dans les boissons classées dans la position 2204 de la NC doit provenir exclusivement du processus de fermentation des raisins. Dès lors que la boisson en cause contient pour partie de l’alcool ayant une origine autre que vinique, elle relèverait de la position 2206 de la NC, qui comprend toutes les boissons fermentées ne pouvant être classées dans d’autres positions du chapitre 22 de la NC.

33      Le gouvernement grec estime que la boisson en cause relève de la position 2206 de la NC. En effet, d’une part, au regard de la note complémentaire 5 du chapitre 22 de la NC, elle ne pourrait être classée dans la position 2204 dans la mesure où l’alcool éthylique utilisé pour sa production ne provient pas de la distillation du vin. D’autre part, la position 2206 de la NC comprendrait des boissons pour lesquelles est autorisée l’adjonction d’alcool éthylique de maïs, à la condition que le caractère essentiel du produit de base soit conservé, ce qui serait le cas pour ladite boisson.

34      La Commission est d’avis que les NESH n’interdisent pas d’ajouter au vin de l’alcool ne provenant pas de raisins. Dès lors, la boisson en cause devrait, en principe, être classée dans la position 2204 de la NC. Toutefois, si, par l’ajout, au cours de la production, de sucre de betterave et d’alcool de maïs, le caractère de boisson fermentée à base de raisins frais a été modifié à ce point que les propriétés du produit s’écartent sensiblement des propriétés organoleptiques et chimiques définies par les normes internationales ou nationales pour les produits typiques de la position 2204 de la NC, et particulièrement lorsque la moitié au moins du titre alcoométrique volumique acquis de la boisson ne provient pas de raisins frais, il y a lieu, selon la Commission, de classer la boisson en cause dans la position 2206 de la NC. Il incomberait aux autorités compétentes de l’État membre concerné d’apprécier le degré de cette divergence.

 Réponse de la Cour

35      Il est de jurisprudence constante que, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour le classement tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de section ou de chapitre (voir, notamment, arrêts du 18 juillet 2007, Olicom, C‑142/06, Rec. p. I‑6675, point 16, et du 20 mai 2010, Data I/O, C‑370/08, non encore publié au Recueil, point 29).

36      Il convient également de rappeler que tant les notes qui précèdent les chapitres du tarif douanier commun que les NESH constituent des moyens importants pour assurer une application uniforme de ce tarif et fournissent, en tant que telles, des éléments valables pour son interprétation (voir, notamment, arrêts du 20 novembre 1997, Wiener SI, C‑338/95, Rec. p. I‑6495, point 11, et du 29 avril 2010, Roeckl Sporthandschuhe, C‑123/09, non encore publié au Recueil, point 29).

37      En l’occurrence, le libellé de la position 2204 du SH mentionne les «vins de raisins frais, y compris les vins enrichis en alcool». Les NESH relatives à cette position précisent que, pour les vins de raisins frais, le vin classé sous ladite position est exclusivement le produit final de la fermentation alcoolique du moût de raisin frais.

38      Parmi ces vins de raisins frais, la position 2204 comprend les vins de liqueur, appelés également vins de dessert, dont il n’est pas contesté que le titre alcoométrique volumique, indiqué dans la note complémentaire 5, sous c), du chapitre 22 de la NC, correspond à celui de la boisson en cause. Il n’est pas davantage contesté que ladite boisson ne remplit pas les conditions posées par les notes complémentaires 5, sous a) et b), qui concernent respectivement le moût de raisins frais muté à l’alcool et le vin viné.

39      En outre, la note complémentaire 5, sous c), du chapitre 22 de la NC autorise, pour les vins de liqueur, l’addition uniquement, pendant ou après la fermentation, soit d’un produit provenant de la distillation du vin, soit de moût de raisins concentré, soit d’un mélange de ces produits.

40      Dès lors, contrairement à ce que soutient la Commission, il ressort clairement et sans ambiguïté des NESH relatives à la position 2204, lues en combinaison avec la note complémentaire 5, sous c), du chapitre 22 de la NC, que l’alcool contenu dans un vin de liqueur, qu’il soit le résultat de la fermentation alcoolique ou qu’il soit ajouté, doit provenir exclusivement du raisin.

41      Il en découle que la boisson en cause, qui a été additionnée d’alcool de maïs au cours de sa production, ne peut être classée dans la position 2204 de la NC, et ce sans qu’il soit besoin d’examiner si un vin de liqueur, au sens de ladite position, peut contenir du sucre de betterave.

42      Cela étant déterminé, il y a lieu de constater que, eu égard à ses caractéristiques et propriétés objectives, la boisson en cause remplit les conditions requises pour être classée dans la position 2206 de la NC.

43      En effet, ladite position comprend les «Autres boissons fermentées (cidre, poiré, hydromel, par exemple); mélanges de boissons fermentées et mélanges de boissons fermentées et de boissons non alcooliques, non dénommés ni compris ailleurs». Les NESH précisent que cette position comprend toutes les boissons fermentées, autres que celles visées aux nos 2203 à 2205.

44      Or, premièrement, il résulte de ce qui précède que la boisson en cause ne peut être comprise dans la position 2204 de la NC. Compte tenu de sa composition, elle ne peut davantage être classée dans la position 2203 00 de la NC, relative aux «Bières de malt», ni dans la position 2205, qui concerne les «Vermouths et autres vins de raisins frais préparés à l’aide de plantes ou de substances aromatiques».

45      Deuxièmement, s’agissant de l’adjonction d’alcool et de sucre dans la boisson en cause, il convient de relever que les NESH relatives à la position 2206 énoncent que les boissons restent classées dans cette position même si elles ont été additionnées d’alcool. Par ailleurs, une boisson à laquelle du sucre a été ajouté au cours de sa production peut être classée dans la position 2206. En ce sens, la note explicative 10 du SH relative à la position 2206 énonce que la bière de gingembre et la bière d’herbes, préparées avec du sucre, de l’eau et du gingembre ou certaines herbes, sont rangées dans ladite position.

46      Troisièmement, toujours selon les NESH relatives à la position 2206, l’addition d’alcool aux boissons relevant de cette position ne s’oppose pas à ce que ces boissons gardent cette classification pour autant qu’elles conservent les caractères des produits classés dans cette position, à savoir ceux des boissons fermentées. Or, il ressort de la décision de renvoi que la boisson en cause a le goût, la couleur et l’arôme d’une boisson provenant de raisins. Par conséquent, elle n’a pas perdu les caractéristiques organoleptiques particulières d’une boisson fermentée (voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 2009, Siebrand, C‑150/08, Rec. p. I‑3941, point 37).

47      Quatrièmement, s’agissant de l’argument de Skoma-Lux, selon lequel le vin de dessert rouge Kagor VK étant destiné à être bu en tant que vin, il devrait être classé dans la position 2204 de la NC, il y a lieu de rappeler que, certes, la destination du produit peut constituer un critère objectif de classification pour autant qu’elle soit inhérente audit produit, l’inhérence devant pouvoir s’apprécier en fonction des caractéristiques et propriétés objectives de celui-ci (voir arrêts du 15 février 2007, RUMA, C‑183/06, Rec. p. I‑1559, point 36, et Roeckl Sporthandschuhe, précité, point 28). Cependant, la destination du produit n’est un critère pertinent que si le classement ne peut se faire sur la seule base des caractéristiques et propriétés objectives du produit (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 1976, Industriemetall LUMA, 38/76, Rec. p. 2027, point 7). Or, il résulte de tout ce qui précède que, eu égard à ses caractéristiques et propriétés objectives, la boisson en cause relève clairement et exclusivement de la position 2206 de la NC.

48      Au vu de ces considérations, il y a lieu de répondre à la question posée que le règlement n° 2658/87, tel que modifié par le règlement n° 1719/2005, doit être interprété en ce sens qu’une boisson fermentée à base de raisins frais, commercialisée en bouteilles de 0,75 litre, ayant un titre alcoométrique de 15,8 % à 16,1 % vol, à laquelle ont été ajoutés au cours de sa production du sucre de betterave et de l’alcool de maïs, doit être classée dans la position 2206 de la NC.

 Sur les dépens

49      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

Le règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1719/2005 de la Commission, du 27 octobre 2005, doit être interprété en ce sens qu’une boisson fermentée à base de raisins frais, commercialisée en bouteilles de 0,75 litre, ayant un titre alcoométrique de 15,8 % à 16,1 % vol, à laquelle ont été ajoutés au cours de sa production du sucre de betterave et de l’alcool de maïs, doit être classée dans la position 2206 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I dudit règlement.

Signatures


* Langue de procédure: le tchèque.