Language of document : ECLI:EU:T:2024:290

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 mai 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale VAPIX – Article 18, paragraphe 1, et article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Preuve de l’usage sérieux – Appréciation des preuves »

Dans l’affaire T‑207/23,

Sta Grupa AS, établie à Riga (Lettonie), représentée par Me I. Stankeviča, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Eberl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Axis AB, établie à Lund (Suède), représentée par Me J. Norderyd, avocat,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. J. Schwarcz (rapporteur) et R. Norkus, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Sta Grupa AS, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 3 février 2023 (affaire R 1098/2022-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 7 avril 2006, l’intervenante, Axis AB, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne, en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)]. La marque dont l’enregistrement a été demandé était le signe verbal VAPIX.

3        La marque demandée désignait des produits relevant de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Interface pour appareils et instruments cinématographiques et optiques ; interface pour appareils et instruments de mesurage, de signalisation et de contrôle (inspection) ; interface pour appareils et instruments pour l’enregistrement, la réception, la transmission ou la reproduction du son et des images ; interfaces (informatique) ».

4        La marque a été enregistrée le 2 février 2007 et renouvelée le 5 avril 2016.

5        Le 24 janvier 2020, la requérante a déposé une demande en déchéance de la marque mentionnée au point 2 ci-dessus pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus, conformément à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, au motif que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période de cinq ans.

6        Le 4 juin 2020, l’intervenante a produit des éléments de preuve afin de démontrer l’usage sérieux de la marque contestée.

7        Le 10 août 2020, la requérante a présenté ses observations, contestant les éléments de preuve de l’usage sérieux avancés par l’intervenante et estimant qu’ils montraient que les interfaces de programmation d’applications (ci-après les « API ») VAPIX n’étaient utilisées qu’avec des produits de la marque de l’Union européenne AXIS, enregistrée sous le numéro 005183686, qui appartenait également à l’intervenante, qu’elles ne pouvaient pas être achetées séparément et qu’aucune facture n’avait été présentée.

8        Le 18 décembre 2020, l’intervenante a produit des éléments de preuve supplémentaires.

9        Par une décision du 24 avril 2022, la division d’annulation a prononcé la déchéance de la marque contestée, à compter du 24 janvier 2020. En substance, après avoir exercé son pouvoir d’appréciation et accepté de tenir compte également des éléments de preuve produits le 18 décembre 2020, elle a considéré qu’il n’existait pas d’éléments de preuve provenant de sources indépendantes et que rien ne prouvait que les produits désignés par la marque contestée avaient été livrés ou vendus aux clients en tant que produits indépendants et non accessoires de ceux présentés sous une autre marque de l’intervenante, à savoir la marque AXIS. En outre, le nombre d’utilisateurs des produits désignés par la marque contestée serait trop faible pour créer ou conserver un débouché pour ceux-ci, aucune facture n’aurait été présentée et il n’aurait pas non plus été démontré que l’intervenante avait tenté de se tailler un marché de niche pour lesdits produits. La marque contestée ne serait que peu mentionnée dans les éléments de preuve, qui se référaient principalement à la marque AXIS.

10      Le 22 juin 2022, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation.

11      Le 3 février 2023, la chambre de recours a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a partiellement accueilli le recours et annulé la décision de la division d’annulation, dans la mesure où la déchéance de la marque contestée avait été constatée pour les produits suivants de la classe 9 : « Interface de programmation d’applications pour appareils et instruments cinématographiques et optiques ; interface de programmation d’applications pour appareils et instruments de mesurage, de signalisation et de contrôle (inspection) ; interface de programmation d’applications pour appareils et instruments pour l’enregistrement, la réception, la transmission ou la reproduction du son et des images ; interfaces de programmation d’applications (informatique) ». Elle a rejeté, dans cette mesure, la demande de déchéance.

 Conclusion des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        prononcer la déchéance de la marque contestée pour les produits suivant, relevant de la classe 9, qui sont restés enregistrés : « Interface de programmation d’applications pour appareils et instruments cinématographiques et optiques ; interface de programmation d’applications pour appareils et instruments de mesurage, de signalisation et de contrôle (inspection) ; interface de programmation d’applications pour appareils et instruments pour l’enregistrement, la réception, la transmission ou la reproduction du son et des images ; interfaces de programmation d’applications (informatique) » ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens dans l’hypothèse d’une convocation à une audience.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

15      Alors même que le premier chef de conclusions de la requérante est libellé comme une demande d’annulation de la décision attaquée dans son ensemble, il ressort de la requête, et notamment de son deuxième chef des conclusions, que la requérante vise, en réalité, uniquement une annulation partielle de ladite décision, en ce que celle-ci accueille partiellement le recours contre la décision de la division d’annulation, rejette partiellement la demande en déchéance et maintient l’enregistrement de la marque contestée pour les produits mentionnés au point 11 ci-dessus.

 Sur le fond

16      À l’appui de son recours, la requérante invoque en substance un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, au motif que la chambre de recours aurait effectué une appréciation erronée du caractère sérieux de l’usage de la marque contestée. Elle articule ce moyen en quatre griefs, relatifs à la durée, au lieu, à la nature et à l’importance de l’usage de ladite marque.

17      L’EUIPO et l’intervenante contestent le bien-fondé de ce moyen.

18      Il convient de relever que, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour son non-usage [arrêt du 6 septembre 2023, Consultora de Telecomunicaciones Optiva Media/EUIPO – Optiva Canada (OPTIVA MEDIA), T‑601/22, non publié, EU:T:2023:510, point 21].

19      La ratio legis de l’exigence selon laquelle une marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être protégée au titre du droit de l’Union réside dans le fait que le registre de l’EUIPO ne saurait être assimilé à un dépôt stratégique et statique conférant à un détenteur inactif un monopole légal d’une durée indéterminée. Au contraire, ledit registre devrait refléter fidèlement les indications que les entreprises utilisent effectivement sur le marché pour distinguer leurs produits et leurs services dans la vie économique (voir arrêt du 6 septembre 2023, optiva media, T‑601/22, non publié, EU:T:2023:510, point 23 et jurisprudence citée).

20      Selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux, au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (voir arrêt du 6 septembre 2023, optiva media, T‑601/22, non publié, EU:T:2023:510, point 24 et jurisprudence citée).

21      En ce qui concerne les critères d’appréciation de l’usage sérieux, en vertu de l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), applicable aux procédures de déchéance conformément à l’article 19, paragraphe 1 de ce même règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque contestée (voir arrêt du 6 septembre 2023, optiva media, T‑601/22, non publié, EU:T:2023:510, point 25 et jurisprudence citée).

22      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 6 septembre 2023, optiva media, T‑601/22, non publié, EU:T:2023:510, point 26 et jurisprudence citée).

23      Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (voir arrêt du 6 septembre 2023, optiva media, T‑601/22, non publié, EU:T:2023:510, point 27 et jurisprudence citée).

24      Il convient également d’ajouter que, dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, c’est au titulaire de cette dernière qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (voir arrêt du 6 septembre 2023, optiva media, T‑601/22, non publié, EU:T:2023:510, point 28 et jurisprudence citée).

25      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a conclu à juste titre, dans la décision attaquée, que les preuves présentées par l’intervenante démontraient un usage sérieux de la marque contestée pour les produits énumérés au point 11 ci-dessus.

26      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 25 de la décision attaquée, que la marque contestée, enregistrée le 2 février 2007, était enregistrée depuis plus de cinq ans au 24 janvier 2020, date à laquelle la demande en déchéance a été déposée. L’intervenante devait ainsi prouver l’usage sérieux de cette marque au cours de la période de cinq ans précédant la date de dépôt de ladite demande, à savoir du 24 janvier 2015 au 23 janvier 2020 inclus. La requérante ne conteste pas cette affirmation de la chambre de recours.

27      La chambre de recours a procédé à une analyse détaillée portant sur la durée, le lieu, la nature de l’usage, l’importance de l’usage de la marque contestée pour les produits en cause, la question de savoir si une API était une sous-catégorie de produits indépendante au sein de la catégorie « interfaces » et l’usage de ladite marque sous sa forme enregistrée. Elle a considéré, compte tenu de l’importance de l’usage de cette marque et des autres éléments analysés, que la preuve de son usage sérieux a été, dans l’ensemble, apportée pour les produits mentionnés au point 11 ci-dessus.

 Sur la durée de l’usage

28      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 n’exige pas un usage continu et ininterrompu de la marque contestée pendant la période pertinente, mais uniquement un usage sérieux au cours de celle-ci [arrêt du 22 juin 2022, Beveland/EUIPO – Super B (BUCANERO), T‑29/21, non publié, EU:T:2022:388, point 103].

29      La chambre de recours a constaté, aux points 29 à 35 de la décision attaquée, en se référant à l’annexe 2 ainsi qu’aux pièces 1, 6 à 14, 17, 18 et 20 à 24, présentées dans les communications du 4 juin 2020 et du 18 décembre 2020 de l’intervenante à l’EUIPO, qu’une partie substantielle des éléments de preuve comportait une date comprise dans la période pertinente ou des indications qui faisaient référence à ladite période.

30      En substance, la chambre de recours a pris en considération le fait que l’interface VAPIX était utilisée depuis 2001, que les fiches techniques comportaient des avis de droits d’auteur couvrant la période pertinente, que les captures d’écran du site web « www.axis.com » de la bibliothèque des API VAPIX sur les API pour les produits de la marque AXIS indiquaient toutes les mises à jour y compris durant la période pertinente, que l’accord de licence VAPIX était disponible en 2015 et en 2019, ou encore que des extraits archivés du site web de l’intervenante, datés de mai 2015 et d’avril 2016, faisaient référence à la marque VAPIX en tant qu’API ouverte, spécifique aux produits comportant la marque AXIS.

31      Outre ces éléments de preuve, la chambre de recours a tenu compte d’une capture d’écran d’un tutoriel vidéo sur le réseau social YouTube portant sur l’utilisation des commandes API VAPIX, datée de 2019, d’un article de la publication espagnole Software Tecnico Libre, intitulé « Axis IP cams with VAPIX protocol », publié en juillet 2016, ainsi que du fait qu’un développeur néerlandais, Connectrick, a été admis en tant que partenaire du programme de développement des applications d’AXIS, comme cela ressortait d’un message d’avril 2017. À cela s’ajoutaient des extraits du forum des clients de la marque AXIS, accompagnés d’une sous-section spécifique sur les questions relatives aux API VAPIX, énumérant les vues et les publications faites au cours de la période pertinente, notamment le 21 mai 2019. La chambre de recours a également pris en considération des déclarations sous serment de tiers, attestant une utilisation continue, pendant de longues années, y compris durant la période pertinente, des API VAPIX et leur appartenance au programme des partenaires de développement d’applications d’AXIS [« AXIS Application Development Partner (ci-après l’‘ADP’) Program »]. Enfin, la chambre de recours s’est référée à ce que le « VaxALPR on Camera » Developer’s Guide de Vaxtor Technologies (le guide du développeur de caméras), était daté de mai 2017 et à ce que la déclaration sous serment de Mme M. N., gestionnaire globale du programme des partenaires d’AXIS Communications AB (« Global Manager Partner Programs at AXIS Communications AB ») fournissait des données relatives aux membres concernant la communauté des développeurs sous la marque d’AXIS depuis décembre 2019. De surcroît, les statistiques de Google Data Analytics couvraient la période comprise entre le 9 janvier 2019 et le 9 janvier 2020.

32      La requérante conteste la conclusion de la chambre de recours portant sur la durée de l’usage de la marque contestée. En substance, elle prétend que celle-ci n’a pas analysé la valeur probante des documents l’ayant menée à la constatation selon laquelle une partie substantielle des éléments de preuve dataient de la période pertinente. Or, selon la requérante, ces documents seraient insuffisamment probants. Alors même que la requérante ne conteste pas que certains documents contiennent des indications sur la durée, ils n’auraient cependant pas de lien avec d’autres critères, tels que le lieu ou la mesure dans laquelle les consommateurs ont été mis en présence de la marque contestée. Les éléments de preuve ne contiendraient que des indications pour chaque critère pris de façon séparée.

33      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

34      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, alors même que les allégations de la requérante visent, en principe, chacun des éléments de preuve pris à titre individuel, il convient de les apprécier de manière combinée (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2023, optiva media, T‑601/22, non publié, EU:T:2023:510, point 26 et jurisprudence citée). Or, c’est à juste titre que la chambre de recours a indiqué qu’une partie substantielle des éléments de preuve comportait une date comprise dans la période pertinente ou contenait des indications faisant référence à celle-ci.

35      À cet égard, à supposer que l’élément de preuve figurant à l’annexe 2 ne suffise pas pour établir que le mot « vapix » était utilisé depuis 2001 pour désigner les API en cause, force est de constater que d’autres éléments de preuve relèvent de la période pertinente.

36      Ainsi, premièrement, contrairement aux allégations de la requérante, constitue un indice d’utilisation de la marque contestée durant la période pertinente le fait que, dans les pièces 1 à 4 concernant des fiches techniques pour les stations de porte-vidéos du réseau AXIS, les détecteurs de radars, les haut-parleurs d’enceintes en réseau, les caméras réseau mentionnant VAPIX comme API, les dates indiquées quant aux droits d’auteur portent, respectivement, sur les années 2015 à 2018, 2017 à 2020, 2016 à 2019 et 2017 et 2018. En effet, dans le secteur des produits en question, qui sont tous des produits technologiquement avancés, où les développements technologiques sont rapides, ce dont les consommateurs ont généralement conscience, il est raisonnable de considérer que la date indiquée, relative aux droits d’auteur, correspond à celle de la mise à disposition des fiches techniques en question aux clients de l’intervenante. Il en est de même s’agissant de la pièce 5, portant sur les instructions et les conditions d’utilisation de l’API panoramique, inclinaison et zoom VAPIX (Pan Tilt Zoom API), indiquant des droits d’auteur pour les années 2008 à 2017, recoupant partiellement avec la période pertinente.

37      Deuxièmement, si, certes, les pièces 6 à 10, faisant état de l’existence de mises à jour régulières de l’API VAPIX, même durant la période pertinente, constituent de simples captures d’écran de la bibliothèque des API VAPIX de l’intervenante, de telles mises à jour sont corroborées par des éléments ressortant des pièces 11 et 12 qui, quant à elles, incluent des captures d’écran effectuées à l’aide de la Wayback Machine et présentent, ainsi, un caractère probant élevé, avec une date indiquant le 19 septembre 2015 pour un contrat de licence VAPIX et le 10 avril 2016 pour une capture d’écran de la page web de l’intervenante qui inclut une référence à l’API VAPIX.

38      Troisièmement, il convient de souligner l’importance de la pièce 14, portant sur la publication Software Tecnico Libre, détaillant l’impression de l’auteur sur les API VAPIX. Contrairement aux allégations de la requérante, la question en l’espèce n’est pas de savoir si cet article était publié uniquement en tant que blog touchant une partie limitée des consommateurs, mais plutôt le fait que, présenté durant la période pertinente, à savoir le 3 juillet 2016, il fait état de l’utilisation de l’API VAPIX (sous forme de protocole VAPIX), en indiquant clairement l’existence d’une documentation détaillée, accessible sur la page web « www.axis.com » de l’intervenante, en tant que support technique aux développeurs. Il s’agit ainsi d’un indice pertinent de l’usage de la marque en cause. Mention y est également faite d’un logiciel gratuit permettant l’utilisation des produits de l’intervenante. Ainsi, dans l’ensemble, cet article confirme d’autres éléments de preuve portant sur l’usage sérieux de la marque contestée durant la période pertinente.

39      Quatrièmement, la chambre de recours a tenu compte, à juste titre, des pièces 17 et 18, la première constituant une capture d’écran du site web néerlandais de l’entreprise Connectrick, membre du programme ADP sous la marque AXIS, indiquant une mise en ligne à la date du 12 avril 2017, la seconde renvoyant à une capture d’écran de l’extrait du forum des clients de la marque AXIS avec une sous-section spécifique sur les questions portant sur les API VAPIX. Il en ressort, notamment, qu’à la date du 21 mai 2019, 744 vues ont été enregistrées pour les accès sur le thème « commandes VAPIX [qui] influencent la fiabilité des caméras AXIS ». Des chiffres d’un ordre comparable ont également été présentés pour d’autres sujets liés à l’API VAPIX, aux dates des 6 février et 5 mars 2019. En outre, s’il est, certes, vrai que la page web en question, à savoir « https://custforum.axis.com », est une page accessible au niveau mondial, il convient de tenir compte du fait que l’entreprise Axis AB est une entreprise ayant son siège social en Suède, ainsi que de lire ces éléments de preuve en commun avec d’autres éléments, tels que les données tirées de Google Analytics, qui seront évaluées par la suite, et les déclarations sous serment, provenant toutes d’entreprises basées dans l’Union (voir point 40 ci-après).

40      Cinquièmement, il convient de relever que la chambre de recours a, à juste titre, tenu compte de déclarations sous serment, dont elle a évalué la valeur probante. En particulier, il ressort des pièces 20, 21 et 22 que des entreprises indépendantes, à savoir les entreprises basées en République tchèque, CamStreamer s.r.o. et ATEAS CZ s.r.o., bien que coopérant avec l’intervenante ont confirmé, par l’intermédiaire de leurs présidents-directeurs généraux (CEO), avoir utilisé, durant la période pertinente, l’API VAPIX. Il en est de même pour l’entreprise Vaxtor technologies, basée en Espagne, pour laquelle la déclaration sous serment a été signée par le directeur du développement des logiciels (software development director). Ainsi qu’il ressort des points 64 à 67 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que non seulement les autres éléments de preuve, tels qu’indiqués aux points 38 et 39 ci-dessus, mais également les déclarations sous serment, constituaient des éléments de sources indépendantes, dont la valeur probante était suffisante.

41      En particulier, c’est à juste titre que la chambre de recours a rappelé, aux points 65 à 67 de la décision attaquée, la jurisprudence portant sur le fait qu’une déclaration sous serment faisait partie des moyens de preuve de l’usage sérieux d’une marque [voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, point 40], ainsi que la jurisprudence, selon laquelle l’existence de liens contractuels entre deux entités distinctes ne permettait pas, à elle seule, de considérer que la déclaration sous serment émanant d’une de ces entités ne serait pas celle d’un tiers, mais celle d’une personne ayant des liens étroits avec la partie concernée, de sorte que la valeur probante d’une telle déclaration serait moindre [voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 2012, Rehbein/OHMI – Dias Martinho (OUTBURST), T‑214/08, EU:T:2012:161, point 38, et du 15 février 2017, M. I. Industries/EUIPO – Natural Instinct (Natural Instinct Dog and Cat food as nature intended), T‑30/16, non publié, EU:T:2017:77, points 42, 45 et 46]. Dans ces circonstances, en l’espèce, il n’existe pas de raison pour refuser de tenir compte des informations présentées dans les déclarations sous serment mentionnées au point 40 ci-dessus.

42      Enfin, la pièce 23 contient une déclaration sous serment de Mme M. N., gestionnaire globale du programme des partenaires d’AXIS Communications AB, confirmant l’utilisation de la marque VAPIX, durant la période pertinente, avec des indications détaillées quant au nombre de partenaires du programme ADP sous la marque AXIS, portant sur les régions où les utilisateurs se trouvaient, incluant l’Union. Alors même qu’il ne s’agit pas d’une déclaration d’un tiers indépendant, elle est corroborée, quant à l’existence d’une communauté d’utilisateurs des API VAPIX, par les autres éléments de preuve, incluant des relevés de Google Data Analytics, dont la chambre de recours a tenu compte.

43      L’ensemble de ces éléments constitue une preuve de l’usage sérieux de la marque contestée durant la période pertinente, avec, de surcroît, une indication portant sur environ 3000 membres uniques du programme ADP d’Axis AB dans toute l’Union (pièce 23), ce qui est un nombre suffisamment important qui, dans le cadre de l’appréciation de l’usage sérieux de ladite marque dans le contexte des produits pertinents, ne doit pas être comparé, contrairement à ce que soutient la requérante, avec le nombre total des consommateurs dans l’Union. En effet, il convient de tenir compte du fait que les API VAPIX sont destinées, en particulier, aux développeurs de logiciels. Il ressort clairement des éléments de preuve que les participants dudit programme ont accès à la bibliothèque API VAPIX. En outre, les statistiques de l’usage sur Google Data Analytics, relevant de la pièce 24 a), font état de la période du 9 janvier 2019 au 9 janvier 2020, permettant de constater que l’accès régulier à la cette bibliothèque a eu lieu au cours de la période pertinente, avec une indication d’un nombre important de pages consultées par les personnes intéressées (plusieurs milliers d’accès, avec une indication subdivisée en plusieurs volets, selon la région concernée). Par ailleurs, contrairement aux allégations de la requérante, il ne saurait être exigé que ce type d’indication d’accès précise si ledit accès n’était pas le fait d’une même personne revenant, à plusieurs reprises, consulter une même page web.

44      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, les allégations de la requérante n’invalident pas la conclusion de la chambre de recours portant sur la durée de l’usage sérieux de la marque contestée.

 Sur le lieu de l’usage

45      L’usage sérieux de la marque contestée, en tant que marque de l’Union européenne, doit être démontré sur le territoire de l’Union, conformément à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 18, paragraphe 1, de ce même règlement.

46      S’il est certes raisonnable de s’attendre à ce qu’une marque de l’Union européenne soit utilisée sur un territoire plus important que les marques nationales, il n’est pas nécessaire que cet usage soit géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 54).

47      Dès lors que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque repose sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l’exploitation commerciale de cette marque permet de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée, il est impossible de déterminer a priori, de façon abstraite, quelle étendue territoriale devrait être retenue pour déterminer si l’usage de ladite marque a ou non un caractère sérieux (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 55).

48      En l’espèce, la chambre de recours a indiqué, au point 39 de la décision attaquée, en substance, que l’intervenante était une entreprise suédoise considérée comme l’un des leaders mondiaux du marché des caméras de vidéosurveillance (voir pièce 14), disposant d’un vaste catalogue de modèles de caméras couvrant pratiquement tous les besoins. Tous ses produits avaient un protocole d’accès commun via « http », le protocole VAPIX, qui était fourni, par l’intermédiaire de la bibliothèque des API VAPIX sur le site web de l’intervenante, aux partenaires du programme ADP d’Axis AB et aux membres de la communauté des développeurs des produits sous la marque AXIS. La chambre de recours a considéré, en substance, qu’il existait des preuves de l’usage dans l’Union, en faisant référence aux pièces 11 et 20 à 25, portant sur des éléments de preuve concernant les Pays-Bas, la République tchèque, l’Espagne ainsi que sur des éléments subdivisés selon les régions de l’Union, comme les données de Google Data Analytics, ou encore, portant sur des applications et d’autres logiciels des membres du programme ADP d’Axis AB en Allemagne, en France, en Suède et aux Pays-Bas.

49      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours, comme pour le critère relatif à la durée, n’aurait pas examiné la valeur probante des éléments de preuve.

50      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

51      S’agissant des allégations concrètes de la requérante, concernant les éléments de preuve, tout d’abord, contrairement aux critiques portant sur la pièce 14, le fait que l’intervenante soit basée en Suède et propose aux utilisateurs l’API VAPIX n’est pas dénué de pertinence dans l’appréciation du lieu de l’usage de la marque contestée, notamment dans un contexte tel que celui de l’espèce où l’usage de l’API VAPIX consiste en un accès direct à la bibliothèque des termes, sans même qu’il soit nécessaire de télécharger une application particulière. De surcroît, les éléments de preuve doivent être examinés dans leur ensemble, ce qui, en l’espèce, inclut également les déclarations sous serment, dont il a déjà été constaté qu’elles présentaient une valeur probante et qu’elles concernaient plusieurs États membres de l’Union (voir points 40 à 42 ci-dessus), ou encore, les données relevant de Google Data Analytics portant sur trois régions différentes de l’Europe.

52      À ce dernier égard, si, certes, les éléments de preuve de Google Data Analytics n’indiquent pas précisément les accès par pays au sein d’une même région européenne évaluée, il ne saurait en être déduit que cet indice est insuffisant, notamment quant au lieu de l’usage sérieux. Ainsi, à titre d’exemple, il ressort de l’analyse portant sur l’Europe centrale (middle Europe) que le nombre d’accès total indiqué pour la bibliothèque VAPIX concernait huit pays, dont sept étaient des États membres de l’Union, auxquels s’ajoutait le Lichtenstein. Dans ces circonstances, il est raisonnable de considérer que cet élément de preuve constitue un indice additionnel permettant d’établir, en commun avec d’autres éléments de preuve, un usage sérieux de la marque contestée dans l’Union. Par ailleurs, contrairement aux allégations de la requérante, les données indiquent bien le nombre de pages visitées ainsi que la manière d’accéder à celles-ci (par recherche organique, par accès direct ou encore par référencement).

53      S’agissant des critiques de la requérante portant sur la pièce 25, concernant des captures d’écran du site Internet « www.axis.com », énumérant les partenaires du programme ADP d’Axis AB par pays (Allemagne, France, Suède et Pays-Bas), s’il ne s’agit, effectivement, que d’une preuve indirecte quant à l’usage de la marque contestée, elle n’en demeure pas moins un indice pertinent, dans la mesure où le développement, par les entreprises partenaires d’Axis AB, d’applications compatibles avec les produits et les logiciels de l’intervenante, sont facilités par l’API VAPIX. Ainsi, il est raisonnable d’estimer que lesdits partenaires, dans les pays énumérés, ont accès à celle-ci dans le cadre du développement de leurs propres logiciels ou encore aux fins de faciliter l’interopérabilité entre les différents logiciels.

54      Au regard de ce qui précède, il convient de rejeter les différentes allégations de la requérante, portant sur les preuves mentionnées par la chambre de recours dans le contexte de l’appréciation du lieu de l’usage de la marque contestée, comme non fondées.

 Sur la nature de l’usage

55      Au point 57 de la décision attaquée, la chambre de recours a affirmé qu’il n’y avait pas d’écart entre la marque contestée telle qu’enregistrée et telle qu’utilisée.

56      Aux points 40 à 56 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné la question de savoir si la marque contestée avait été utilisée dans la vie des affaires en tant que marque pour des produits. En substance, elle a considéré que les éléments de preuve, dans leur ensemble, concernaient des API pour des caméras vidéo et des encodeurs vidéo en réseau, des caméras, des applications de la plateforme des applications caméras de la marque AXIS (ACAP), des produits de systèmes audio, des produits de contrôle d’accès, tels que les commandes de portes réseau et les équipements connectés tels que les portes, les serrures et les lecteurs, et les produits de radar réseau, à savoir des API pour les produits suivants « appareils et instruments cinématographiques et optiques ; appareils et instruments de mesurage, de signalisation et de contrôle (inspection) ; appareils et instruments pour l’enregistrement, la réception, la transmission ou la reproduction du son et des images », comme indiqué dans la spécification de la marque contestée. La chambre de recours a constaté que l’API de l’intervenante était destinée à être utilisée en rapport avec la surveillance numérique et, en tant que telle, impliquait l’utilisation d’ordinateurs et était une API pour ordinateurs.

57      Selon la chambre de recours, dans l’ensemble des éléments de preuve, la marque « AXIS [était] la marque maison », qui désignait les appareils et les équipements numériques, tels que les caméras réseau, les systèmes audio, les produits de contrôle d’accès, tels que les commandes de portes réseau, les portes, les serrures et les lecteurs ainsi que les produits de radar réseau provenant de l’intervenante, alors que la marque contestée désignait les propres API ouvertes de l’intervenante disponibles dans la bibliothèque des API VAPIX sur son site web, auxquelles les utilisateurs pouvaient accéder pour exploiter davantage les fonctionnalités des produits de la marque AXIS.

58      Dans ces circonstances, la chambre de recours a examiné si une API était une sous-catégorie indépendante au sein d’une interface, étant donné que la marque contestée concernait une interface pour les appareils et les équipements énumérés.

59      Selon la jurisprudence, si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou de ces services n’emporte protection, dans une procédure d’opposition, que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou les services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée. En revanche, si une marque a été enregistrée pour des produits ou des services définis de façon tellement précise et circonscrite qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de la catégorie concernée, alors, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour lesdits produits ou lesdits services couvre nécessairement toute cette catégorie aux fins de l’opposition [arrêt du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, EU:T:2005:288, point 45].

60      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en substance, qu’une interface était tout outil au sens large qui permettait une connectivité entre les composants d’un système ou de dispositifs, c’est-à-dire qui permettait à ces composants de communiquer entre eux et d’accepter du matériel audio et vidéo.

61      S’agissant d’une API, la chambre de recours l’a définie comme étant un logiciel intermédiaire qui permet à différentes applications d’interagir les unes avec les autres, sans décisions humaines, en soumettant des requêtes qui sont construites de manière prédéfinie. Ainsi que l’intervenante l’aurait reconnu, une API est un ensemble de routines, de protocoles et d’outils pour la construction d’applications logicielles et précise la manière dont les composants logiciels doivent interagir. Les API sont utilisées lors de la programmation de composants d’interface utilisateur graphique et servent à faciliter le développement d’un programme en fournissant tous les éléments de base qu’un programmeur peut ensuite assembler.

62      La chambre de recours en a conclu que les API ouvertes pour lesquelles l’usage de la marque contestée avait été démontré (voir point 11 ci-dessus) devaient être considérées comme une sous-catégorie cohérente et indépendante au sein de la spécification générale d’une interface. Dans la mesure où cette conclusion n’a pas été critiquée par les parties devant le Tribunal et dès lors que l’approche adoptée par la chambre de recours est conforme à la jurisprudence rappelée au point 59 ci-dessus, il convient d’en tenir compte.

63      Cependant, la requérante allègue, premièrement, que la marque contestée n’a pas été utilisée pour les produits pour lesquels elle a été enregistrée. Deuxièmement, elle soutient qu’elle n’a pas été utilisée dans la vie des affaires.

64      D’une part, la requérante avance que ce ne sont que les produits sous la marque AXIS de l’intervenante qui sont offerts publiquement et vers l’extérieur, c’est-à-dire certains produits de vidéosurveillance et de sécurité. En revanche, les API, désignées par la marque contestée, consistant essentiellement en un code qui permet à deux programmes logiciels de communiquer et qui précise comment les composants logiciels doivent interagir, ne seraient mises à la disposition des développeurs ou des consommateurs finaux qu’à la suite de l’achat des produits désignés par la marque AXIS, à savoir des produits vidéo réseau, des caméras de sécurité et des encodeurs vidéos. L’intervenante n’aurait pas présenté d’éléments de preuve qui démontreraient qu’elle déployait des efforts commerciaux pour vendre, voire offrir gratuitement, des API VAPIX à d’autres clients que ceux ayant, au préalable, acheté des produits désignés par la marque AXIS. La décision attaquée ne contiendrait aucune analyse de la question de savoir si la marque contestée avait été utilisée, dans la vie des affaires, pour les produits pour lesquels elle avait été enregistrée.

65      D’autre part, la requérante soutient également qu’il n’y a aucun élément de preuve relevant d’un contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique aux fins d’assurer un débouché aux produits que la marque contestée protégeait ou encore aux fins de se tailler un marché de niche. L’ensemble des efforts commerciaux se concentraient sur la marque AXIS. L’usage de la marque contestée ne serait que symbolique et, d’ailleurs, il n’aurait pas été démontré que des utilisateurs avaient réellement tenté d’accéder à la bibliothèque API VAPIX.

66      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

67      Une réponse conjointe peut être apportée aux deux volets de l’argumentation de la requérante. En effet, ainsi que l’a affirmé la chambre de recours et comme le soutiennent l’EUIPO et l’intervenante devant le Tribunal, les éléments de preuve présentés par l’intervenante démontrent qu’un usage sérieux, et non seulement symbolique, de la marque contestée a eu lieu durant la période pertinente. À cet égard, il convient de partir de la prémisse que la question litigieuse, en l’espèce, est limitée aux produits tels que définis au point 11 ci-dessus, dès lors qu’il est constant que les API constituent une sous-catégorie cohérente et indépendante au sein de la spécification générale d’une interface (voir point 62 ci-dessus). En outre, les parties s’accordent également sur le fait qu’une API est un logiciel qui fait fonction d’intermédiaire visant à ce que deux ou plusieurs applications puissent communiquer entre elles. En tant que telle, une API peut relever soit du domaine interne d’une entreprise donnée soit être proposée à l’extérieur de celle-ci, notamment en étant publiée, pour permettre aux tiers d’accéder à un produit ou à un logiciel sans problèmes liés à l’interopérabilité avec leurs propres applications.

68      À cet égard, la chambre de recours a clairement constaté, au point 91 de la décision attaquée, que les API VAPIX offraient des possibilités supplémentaires d’utiliser des produits de vidéosurveillance numérique, commercialisés sous la marque AXIS, dans le cadre du développement d’applications tierces. Ainsi que l’indique la chambre de recours et comme cela ressort également des éléments de preuve, notamment de la bibliothèque d’API VAPIX ainsi que des déclarations sous serment, les API VAPIX offrent donc la possibilité d’exploiter davantage les fonctionnalités des produits commercialisés sous la marque AXIS et de construire des applications basées sur lesdits produits, ce qui démontre l’importance particulière des API VAPIX pour les tiers.

69      Il convient, en outre, de considérer que les différentes applications, qui peuvent être développées par les tiers, profitant des API VAPIX et interagissant avec les produits AXIS, constituent un segment indépendant de logiciels. Dans de telles circonstances, l’utilisation de la marque contestée pour élargir le nombre d’utilisateurs des API VAPIX, que ce soit dans l’intention d’élargir le nombre d’applications interagissant avec les produits AXIS ou dans celle d’augmenter la qualité de ces applications, relève bien d’une utilisation de ladite marque dans la vie des affaires. Une telle approche relève de celle, correspondant à la jurisprudence rappelée au point 20 ci-dessus, visant à créer ou à conserver un débouché pour les produits protégés par la même marque. Dans ces circonstances, la réponse à la question, soulevée par la requérante, de savoir si les API VAPIX sont également, voire majoritairement, offerts à d’autres clients que ceux ayant, au préalable, acheté des produits désignés par la marque AXIS n’est, en tout état de cause, pas décisive.

70      Les éléments de preuve présentés devant l’EUIPO confirment une telle interprétation. Ainsi, il ressort notamment de l’annexe 2 que l’API VAPIX peut être utilisée pour assurer l’accès à différents types d’applications et facilite l’interopérabilité entre des plateformes de tiers et les produits d’Axis AB. Il ressort également de cet élément de preuve qu’une plateforme ONVIF avait été créée en 2008, par les entreprises Axis AB, SONY et BOSCH, visant à standardiser les approches portant sur la communication avec certains produits assurant la sécurité [IP-based physical security products (produits de sécurité physique basés sur IP)] et que l’ONVIF étant utilisé par un nombre important de membres, les nouvelles API nécessitaient un laps de temps important pour être introduites. Il est indiqué dans ce document que c’était précisément pour cette raison, ainsi que pour permettre de viser concrètement les produits de la marque AXIS, qu’avait été développée l’API VAPIX. Il est possible d’en déduire que l’utilisation de la marque contestée a pour objet de créer ou de conserver un débouché pour ce logiciel, ainsi que de faciliter la commercialisation et l’utilisation d’autres produits, sous la marque mère d’Axis AB. Cet effort commercial est confirmé par le chiffre approximatif de 3000 utilisateurs de l’API VAPIX dans l’Union ainsi que par les autres données ressortant des déclarations sur l’honneur. Parmi celles-ci figure, d’une part, la référence au fait que l’API VAPIX peut être utilisée pour différents produits, tels que les logiciels détectant les plaques d’immatriculation à l’aide de caméras ou encore la répétition de certaines données codées (voir pièce 22 a). D’autre part, ainsi que l’a également constaté la chambre de recours au point 88 de la décision attaquée, même s’il ne pouvait être exclu que l’objectif ultime d’un tel outil ait été d’encourager l’achat de produits de surveillance numérique de la marque AXIS, les API VAPIX étaient néanmoins en concurrence avec les interfaces normalisées de l’ONVIF pour une interopérabilité efficace des produits de sécurité physique basés sur IP. La chambre de recours s’est référée, à juste titre, aux pièces 1 à 4, qui indiquent comme API à la fois VAPIX et ONVIF, ainsi qu’à la pièce 22 b), portant sur une caméra de la marque AXIS avec le logiciel caméra VaxALPR de l’entreprise Vaxtor Technologies.

71      Dans l’ensemble, il y a ainsi lieu de conclure que l’usage de la marque contestée relève bien d’un usage vers l’extérieur et peut être qualifié d’usage dans la vie des affaires, nonobstant la gratuité de l’accès à l’API VAPIX, et ce pour les produits indiqués au point 11 ci-dessus.

 Sur l’importance de l’usage

72      La question de savoir si un usage est quantitativement suffisant pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque dépend de plusieurs facteurs et d’une appréciation au cas par cas. Les caractéristiques de ces produits ou de ces services, la fréquence ou la régularité de l’usage de la marque, le fait que la marque est utilisée pour commercialiser l’ensemble des produits ou des services identiques de l’entreprise titulaire ou simplement certains d’entre eux, ou encore les preuves relatives à l’usage de la marque que le titulaire est à même de fournir, sont au nombre des facteurs qui peuvent être pris en considération (voir arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 71 et jurisprudence citée).

73      Il s’ensuit qu’il n’est pas possible de déterminer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage a ou non un caractère sérieux. Une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis ne peut, dès lors, être fixée. Ainsi, lorsqu’il répond à une réelle justification commerciale, un usage même minime peut être suffisant pour établir l’existence d’un caractère sérieux (voir arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 72 et jurisprudence citée).

74      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, en substance, aux points 62 à 101 de la décision attaquée, que les éléments de preuve relatifs à l’importance de l’usage de la marque contestée pour les produits en cause étaient suffisants. En particulier, elle a considéré que, contrairement à ce qui avait été constaté par la division d’annulation, premièrement, il n’y avait pas d’absence d’éléments de preuve indépendants, deuxièmement, les produits désignés par ladite marque étaient fournis vers l’extérieur, troisièmement, l’absence d’éléments portant sur les volumes de vente ou encore de factures n’était pas décisive, quatrièmement, l’intervenante a cherché à créer ou à maintenir un débouché pour les API VAPIX dans l’Union, cinquièmement, les API VAPIX étaient proposées en tant que produits indépendants et, sixièmement, il y avait suffisamment d’éléments de preuve portant sur la mention de la marque contestée, indépendamment de la marque AXIS.

75      La requérante se prévaut de l’absence d’éléments de preuve de sources indépendantes et allègue que les éléments de preuve produits ne rempliraient pas, en tout état de cause, les exigences du nombre d’utilisateurs, du lieu et de la durée. L’usage de la marque contestée ne ciblerait pas l’extérieur, mais serait interne à l’intervenante. Enfin, l’intervenante n’aurait pas démontré avoir cherché à créer un marché de niche ou permettre l’existence d’une offre concurrentielle ou encore d’efforts de marketing.

76      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

77      En premier lieu, s’agissant de l’existence d’éléments de preuve de sources indépendantes, il a déjà été constaté aux points 40 et 41 ci-dessus que les déclarations sous serment provenant d’entreprises tierces devaient être considérées comme étant de sources indépendantes, nonobstant les liens commerciaux entre ces tiers et l’intervenante. À ces éléments de preuve s’ajoutent d’autres, ainsi que relevé par la chambre de recours au point 64 de la décision attaquée, incluant un article tiré d’une publication espagnole indépendante (pièce 14), une capture d’écran de la page web d’un développeur néerlandais, à savoir Connectrick (pièce 17), des extraits du forum des clients d’Axis AB, en tant que communauté des développeurs, avec une sous-section spécifique sur les questions liées à l’API VAPIX (pièce 18), mais également des données relevant de Google Data Analytics, subdivisées par régions de l’Europe.

78      En deuxième lieu, s’agissant de l’usage de la marque contestée vers l’extérieur, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, aux points 69 à 76 de la décision attaquée, que l’API VAPIX était une API accessible au public, c’est-à-dire ouverte vers l’extérieur, fournissant aux développeurs un accès programmatique à une application logicielle propriétaire, la bibliothèque API VAPIX sur le site web « www.axis.com ». Comme constaté par la chambre de recours, il ressortait de la capture d’écran du tutoriel vidéo YouTube (pièce 13) et des instructions sur la fonctionnalité panoramique, inclinaison et zoom de l’API (pièce 5), qu’elle consistait en des commandes et n’était pas téléchargeable. L’accès a été proposé gratuitement, sous réserve de l’acceptation des termes de l’accord de licence qui, comme cela ressort des éléments de preuve (pièce 11), était lui-même proposé durant la période pertinente. Il ressortait, de surcroît, clairement des éléments de preuve présentés en tant que pièces 17, 18, 20, 21, 22 et 25 qu’un nombre important d’utilisateurs faisait partie de la communauté membre du programme partenaire d’Axis AB, qui avait accès à l’API VAPIX. Par ailleurs, compte tenu de la nature de celle-ci, elle n’était pas téléchargeable. Dans de telles circonstances, les données d’accès à la bibliothèque API VAPIX, telles que celles ressortant de Google Data Analytics, sont particulièrement pertinentes. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, le nombre d’accès aux pages web pertinentes concernant l’API VAPIX, s’établissant à plusieurs milliers, constitue une donnée suffisante pour démontrer un usage de la marque contestée qui n’est pas uniquement symbolique.

79      En troisième lieu, s’agissant de l’utilisation de la marque contestée aux fins de créer ou de conserver des parts de marché ou encore de créer un marché de niche, il a déjà été constaté, au point 70 ci-dessus, que l’API VAPIX n’était pas l’unique API utilisée en lien avec les produits de la marque AXIS, mais que d’autres API concurrentielles existaient ou pouvaient être développées, notamment les interfaces normalisées de l’ONVIF. Dans la mesure où la requérante a également évoqué l’absence de factures portant sur des ventes des produits désignés par la marque contestée, il suffit de constater que, au regard des aspects technologiques déjà mentionnés, l’API VAPIX étant un produit gratuit d’accès lié à un accord de licence, il ne saurait être exigé de présenter des factures aux fins d’apporter la preuve de l’usage sérieux de ladite marque. C’est à juste titre que la chambre de recours a fait référence, à cet égard, aux points 84 à 86 de la décision attaquée, aux arrêts du 12 mars 2009, Antartica/OHMI (C‑320/07 P, non publié, EU:C:2009:146, points 29 et 30), et du 9 septembre 2011, Omnicare/OHMI – Astellas Pharma (OMNICARE CLINICAL RESEARCH) (T‑289/09, non publié, EU:T:2011:452, points 67 et 68), dont il ressort, en substance, qu’un usage sérieux d’une marque peut être démontré même dans le contexte d’une offre de services ou de produits sans rémunération ou autre contrepartie, dans la mesure où son titulaire vise toujours à créer ou à conserver un débouché pour ses produits ou ses services dans l’Union, par rapport à ceux d’autres titulaires de marques proposant des services ou des produits concurrents. Or, il a déjà été constaté que tel était bien le cas en l’espèce (voir point 70 ci-dessus). Il ressort également des éléments de preuve que l’API VAPIX ne consiste pas en des articles ou des services promotionnels par rapport à la vente de produits désignés par la marque AXIS, comme le souligne, également, la chambre de recours aux points 87 et 88 de la décision attaquée.

80      Par ailleurs, il ressort manifestement des éléments de preuve, examinés dans leur ensemble, que la marque contestée a été utilisée de manière à être appréciée telle quelle, c’est-à-dire indépendamment de la marque mère AXIS. À titre d’exemple, la marque contestée est proéminente dans l’annexe 2, portant sur le tutoriel API VAPIX, dans la pièce 5, portant sur l’accord de licence, dans les pièces 6 à 10, portant sur des captures d’écran et des extraits de la bibliothèque API VAPIX, ou encore dans la publication espagnole (pièce 14). Il convient également d’ajouter que les déclarations sous serment portent toutes sur la marque contestée.

81      Partant, aucun des griefs soulevés par la requérante au soutien de ses conclusions en annulation et en réformation n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

82      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

83      En l’espèce, bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO a demandé sa condamnation aux dépens uniquement dans le cas où une audience serait organisée. En l’absence de tenue d’une audience, il y a lieu de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

84      En revanche, la requérante ayant, comme indiqué précédemment, succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante dans la présente procédure, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Sta Grupa AS est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Axis AB.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mai 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.