Language of document : ECLI:EU:F:2006:25

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (assemblée plénière)

26 avril 2006 (*)

« Fonctionnaires – Nomination – Classement au grade supérieur de la carrière – Articles 5 et 31, paragraphe 2, du statut – Dépens – Articles 7, paragraphe 5, de l’annexe I du statut de la Cour de justice et 88 du règlement de procédure du Tribunal de première instance »

Dans l’affaire F-16/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 236 CE,

Nicola Falcione, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi, X. Martin, A. Coolen, J.-N. Louis et E. Marchal, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Joris et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (assemblée plénière),

composé de M. P. Mahoney, président, MM. H. Kreppel et S. Van Raepenbusch (rapporteur), présidents de chambre, Mme I. Boruta, MM. H. Kanninen, H. Tagaras et S. Gervasoni, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 mars 2006,

rend le présent

Arrêt

1       Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 16 mars 2005 par la voie électronique (le dépôt de l’original étant intervenu le 21 mars suivant), M. Falcione a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision du 24 mars 2004 par laquelle la Commission des Communautés européennes a fixé son classement définitif, après recrutement, au grade A 5, échelon 4 (ci-après la « décision attaquée »).

 Cadre juridique

2       Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, tel qu’applicable à l’époque des faits (ci‑après le « statut ») :

« Les emplois relevant du présent statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A, B, C, D.

La catégorie A comporte huit grades regroupés en carrières généralement étalées sur deux grades et correspondant à des fonctions de direction, de conception et d’étude, nécessitant des connaissances du niveau universitaire ou une expérience professionnelle d’un niveau équivalent. […] »

3       L’annexe I du statut, auquel renvoie l’article 5, paragraphe 4, du statut, établit la correspondance entre les emplois types et les carrières dans chacune des catégories et dans le cadre linguistique.

4       L’article 31 du statut dispose :

« 1.      Les candidats ainsi choisis sont nommés :

–       fonctionnaires de la catégorie A ou du cadre linguistique :

au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre,

–       […]

2.      Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination [(ci-après l’ ‘ AIPN ’)] peut déroger aux dispositions visées ci-avant dans les limites suivantes :

a)      […]

b)      pour les autres grades [autres que les grades A 1, A 2, A 3, et LA 3], à raison :

–       d’un tiers s’il s’agit de postes rendus disponibles,

–       de la moitié s’il s’agit de postes nouvellement créés.

Sauf pour le grade LA 3, cette disposition s’applique par série de six emplois à pourvoir dans chaque grade. »

5       Aux termes de l’article 32 du statut :

« Le fonctionnaire recruté est classé au premier échelon de son grade.

Toutefois, [l’AIPN] peut, pour tenir compte de la formation et de l’expérience professionnelle spécifique de l’intéressé, lui accorder une bonification d’ancienneté d’échelon dans ce grade ; cette bonification ne peut excéder 72 mois dans les grades A 1 à A 4, LA 3 et LA 4 et 48 mois dans les autres grades.

[…] »

6       Le 1er septembre 1983 la Commission a adopté une décision relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement, publiée aux Informations administratives n° 420, du 21 octobre 1983 (ci-après la « décision de 1983 »). L’article 2 de cette décision, modifié par décision du 7 février 1996, prise à la suite de l’arrêt du Tribunal de première instance du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission (T‑17/95, RecFP p. I‑A‑227 et II‑683), prévoit que :

« […] [L’AIPN] nomme le fonctionnaire stagiaire au grade de base de la carrière pour laquelle il est recruté.

Par exception à ce principe, l’AIPN peut décider de nommer le fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière, lorsque des besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles.

[…]

L’expérience professionnelle est appréciée en prenant en considération l’activité exercée antérieurement à la date de l’offre d’emploi […].

Une même période ne peut être valorisée qu’une seule fois.

L’expérience professionnelle n’est décomptée qu’à partir de l’obtention du premier diplôme donnant accès, conformément à l’article 5 du statut, à la catégorie dans laquelle l’emploi est à pourvoir […].

Peut être assimilée à l’expérience professionnelle une formation postérieure d’un niveau au moins équivalent au diplôme qui donne accès à cette catégorie. Cette formation doit être sanctionnée par un diplôme ou un acte équivalent.

[…] »

7       La Commission a établi un document intitulé « Guide administratif », comportant des informations relatives au classement des nouveaux fonctionnaires. Ce guide énumère notamment les indices sur la base desquels l’AIPN peut décider de nommer un fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière pour laquelle il a été recruté. Ces indices, qui complètent les deux critères énumérés dans la décision de 1983, sont les suivants :

« –       niveau et pertinence des qualifications et diplômes autres que ceux permettant d’ores et déjà d’accéder à la catégorie ;

–      niveau et qualité de l’expérience professionnelle, pour autant qu’elle réponde aux besoins de la Commission (qualité de l’expérience, niveau de responsabilité, complexité et difficultés inhérentes aux postes concernés, expérience de la gestion, responsabilités financières, etc.) ;

–      durée de l’expérience professionnelle en liaison avec le poste proposé ;

–      pertinence de l’expérience professionnelle pour le poste à pourvoir au sein de la Commission ;

–      particularités du marché de l’emploi au regard des compétences requises (pénurie de personnel qualifié, en particulier) ».

 Faits à l’origine du litige

8       M. Falcione est titulaire, depuis le 1er mars 1982, d’un diplôme universitaire en économie et commerce (« Laurea in economia e commercio »), délivré par l’université de Padoue (Italie).

9       Déjà à partir du 16 juillet 1970 il travaillait au sein du ministère des Finances italien, à la direction des douanes de Bolzano, activité qu’il a poursuivie après l’obtention de son diplôme jusqu’au 14 juillet 1988, puis à nouveau, durant de très courtes périodes, en 1991 et en 1999, en qualité de directeur fiscal (« Direttore tributario »).

10     Il a également, de juillet 1988 à avril 2003, travaillé successivement en qualité

–       d’expert national détaché à la direction générale de l’Union douanière et de la fiscalité indirecte de la Commission,

–       d’administrateur technique au secrétariat général de l’Organisation mondiale des douanes,

–       d’agent temporaire au secrétariat général de la Commission, direction « Coordination de la lutte antifraude »,

–       de « Task Manager » dans le cadre du projet de réhabilitation de la douane kosovare auprès de la Task Force for the Reconstruction of Kosovo (TAFKO) et

–       d’agent temporaire au sein de l’Agence européenne pour la reconstruction, où il a été responsable des questions budgétaires à Pristina (Kosovo), puis à Skopje (Ancienne République yougoslave de Macédoine).

11     Lauréat du concours général COM/A/2/01 pour administrateurs principaux (A 5/A 4) dans le domaine douanier, M. Falcione a été recruté, au 1er mai 2003, en qualité d’administrateur principal et affecté, à la suite de l’avis de vacance COM/6045/2002/F, à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), direction « Politique, législation et affaires juridiques ».

12     L’avis de concours COM/A/2/01 prévoyait que, pour être admis à concourir, les candidats devaient avoir accompli des études universitaires sanctionnées par un diplôme de fin d’études et avoir une expérience professionnelle de douze années acquise postérieurement à ce diplôme, dont six en rapport avec les fonctions décrites dans cet avis de concours. En revanche, l’avis de vacance COM/6045/2002/F ne prévoyait aucune condition relative au diplôme ou à l’expérience professionnelle autre que celles fixées par l’article 5 du statut pour l’accès à la catégorie A.

13     Après avoir été classé provisoirement au grade A 5, échelon 1, le requérant a, par la décision attaquée, obtenu le grade A 5, échelon 4, avec effet au jour de son entrée en fonction (l’ancienneté d’échelon débutant le 1er avril 2002). Il a accusé réception de cette décision le 21 avril 2004.

14     Le 20 juillet 2004, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision attaquée au motif que l’AIPN aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en ne prenant pas correctement en considération le niveau et la qualité de sa formation professionnelle, la durée véritable de son expérience professionnelle, qui serait de 32 années au total, ni la rareté de son profil professionnel.

15     La Commission a rejeté ladite réclamation par décision du 29 novembre 2004, en prenant en compte uniquement l’expérience professionnelle du requérant acquise après l’obtention de son diplôme universitaire, estimée à 21 ans et 1,5 mois, et en considérant que « ni les qualifications académiques et professionnelles de l’intéressé ni les besoins spécifiques du service ne [justifiaient] la décision exceptionnelle de procéder à son classement au grade supérieur de la carrière ». Cette décision a été notifiée le 1er décembre 2004 et réceptionnée par le requérant le 6 décembre suivant.

 Procédure et conclusions des parties

16     Le présent recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T-132/05.

17     Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé l’affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe de ce dernier sous le numéro F‑16/05.

18     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision du 24 mars 2004 ;

–       condamner la Commission aux dépens.

19     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme non fondé ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

20     L’affaire a été attribuée initialement à la deuxième chambre du Tribunal. Ensuite, en application de l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, le Tribunal, estimant qu’il n’était pas exclu qu’il fût amené, pour la première fois, à devoir trancher, en l’absence de son propre règlement de procédure, la question relative à l’interprétation de l’article 7, paragraphe 5, de l’annexe I du statut de la Cour de justice, concernant les dépens, a décidé, les parties entendues, de renvoyer l’affaire devant l’assemblée plénière.

21     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries à l’audience du 28 mars 2006.

 En droit

22     Au cours de la procédure écrite, le requérant a invoqué en substance, à l’appui de son recours, deux moyens tirés, d’une part, de la violation de l’article 5, paragraphe 1, du statut et, d’autre part, de la violation des articles 31, paragraphe 2, et 32 du statut ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation. Dans son mémoire en réplique, il invoque également deux autres moyens tirés de la violation des avis de concours COM/A/2/01 et de vacance COM/6045/2002/F ainsi que du principe de non-discrimination.

23     Au cours de l’audience, le requérant a renoncé au grief tiré de la violation de l’article 32 du statut.

24     En revanche, il a sommairement fait valoir que la Commission, en appliquant l’article 2, sixième alinéa, de la décision de 1983, a illégalement restreint son pouvoir d’appréciation en se privant de toute possibilité de prendre en compte, au cas par cas, aux fins du classement en grade, l’expérience professionnelle d’un niveau « équivalent » acquise par un fonctionnaire nouvellement recruté antérieurement à l’obtention de son diplôme universitaire.

25     Un tel moyen, n’ayant été soulevé que lors de l’audience, doit être rejeté comme irrecevable conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

 Sur le premier moyen

 Arguments des parties

26     Par son premier moyen, le requérant fait grief à la Commission d’avoir méconnu l’article 5, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut en refusant de prendre en considération l’expérience professionnelle acquise avant l’obtention de son diplôme universitaire.

27     Le requérant observe que cette disposition vise précisément l’expérience professionnelle d’un niveau « équivalent » à une formation universitaire, sans exiger qu’elle soit postérieure à l’obtention du diplôme. Il aurait exercé, avant et pendant ses études universitaires, une activité professionnelle de « très haut niveau » et en rapport avec les fonctions pour lesquelles il a été recruté au sein de l’OLAF. De plus, cette activité lui aurait permis de défendre un mémoire de fin d’études, également de « très haut niveau ».

28     Le requérant ajoute que l’avis de vacance COM/6045/2002/F ne précisait pas que l’expérience professionnelle acquise avant l’obtention du diplôme ne pouvait pas être prise en compte aux fins du classement en grade. Dans ces conditions, l’AIPN aurait dû appliquer la règle générale énoncée à l’article 5, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut.

29     La Commission rétorque que l’article 5, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut concerne la détermination de la catégorie à laquelle le fonctionnaire appartient, suivant la nature des fonctions auxquelles les emplois correspondent, et non pas les conditions de recrutement et du classement en grade au sein de cette catégorie. Ces derniers aspects relèveraient des articles 31 et 32 du statut, pour l’application desquels l’AIPN disposerait d’un large pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 7 février 1991, Ferreira de Freitas/Commission, T‑2/90, Rec. p. II‑103, point 56). Ainsi, les conditions de recrutement pourraient être plus sévères que celles correspondant au niveau minimal fixé, de manière générale, à l’article 5 du statut pour un fonctionnaire du grade en cause (arrêt du Tribunal de première instance 22 mai 2003, Boixader Rivas/Parlement, T‑249/01, RecFP p. I‑A‑153 et II‑749, point 20). En l’occurrence, selon la Commission, l’AIPN était en droit de préciser, dans l’avis de concours COM/A/2/01, que seule l’expérience professionnelle acquise après l’obtention du diplôme était prise en considération et d’appliquer, aux fins de classement du requérant, l’article 2 de la décision de 1983.

 Appréciation du Tribunal

30     Il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, les dispositions de l’article 5, paragraphe 1, du statut, qui imposent à l’AIPN de recruter dans la catégorie A des fonctionnaires possédant des connaissances de niveau universitaire ou une expérience professionnelle d’un niveau équivalent, visent à définir, d’une manière générale, le niveau minimal de qualification des fonctionnaires de cette catégorie et ne s’opposent pas à ce que soient fixées par un avis de concours ou de vacance des conditions plus sévères que celles correspondant aux conditions minimales qu’elles établissent (voir notamment, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 14 mai 1998, Goycoolea/Commission, T‑21/97, RecFP p. I‑A‑215 et II‑679, point 64, ainsi que Boixader Rivas/Parlement, précité, point 20). En l’espèce, l’avis de concours COM/A/2/01 exigeait des candidats qu’ils aient accompli des études universitaires sanctionnées par un diplôme de fin d’études et qu’ils aient acquis une expérience professionnelle de douze années postérieurement à l’obtention du diplôme universitaire donnant accès à la catégorie A.

31     Les conditions de recrutement ainsi que le classement en grade et en échelon proprement dit au sein de la catégorie en cause relèvent des articles 31 et 32 du statut, pour l’application desquels, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’AIPN jouit d’un large pouvoir d’appréciation, dont l’exercice peut valablement être encadré par des décisions internes, telle la décision de 1983 (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 5 octobre 1988, De Szy-Tarisse et Feyaerts/Commission, 314/86 et 315/86, Rec. p. 6013, point 26, et Ferreira de Freitas/Commission, précité, point 56).

32     L’article 5, paragraphe 1, du statut se limite donc à fixer un niveau minimal de qualification requise des fonctionnaires, pour l’accès à chacune des catégories qu’il vise, sans faire obstacle, en particulier, à ce qu’un avis de concours puisse exiger la détention d’un diplôme universitaire et d’une expérience professionnelle accomplie postérieurement à l’obtention dudit diplôme et sans régir le classement des fonctionnaires nouvellement recrutés, en grade et en échelon, au sein de leur catégorie.

33     Dans ces conditions, le premier moyen, qui met en cause, au regard dudit article 5, paragraphe 1, le refus de l’AIPN de prendre en considération, aux fins de son classement en grade, l’expérience professionnelle acquise par le requérant avant l’obtention de son diplôme universitaire, doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Arguments de parties

34     Par ce moyen, le requérant fait valoir que, dans le cadre de l’examen des possibilités de classement au grade supérieur de la carrière, visé à l’article 31, paragraphe 2, du statut, la Commission n’aurait pas apprécié concrètement son expérience professionnelle et mal appliqué les critères ainsi que les indices mentionnés à l’article 2 de la décision de 1983 et dans le guide administratif. Elle aurait dès lors méconnu l’article 31, paragraphe 2, du statut et commis une erreur manifeste d’appréciation.

35     Le requérant reconnaît que ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’il est possible pour la Commission de recruter au grade supérieur d’une carrière, notamment lorsque les besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles. Toutefois, il ressortirait du dossier que, tant sous l’angle de ses qualifications professionnelles que sous celui des besoins spécifiques du service, le requérant remplissait l’ensemble des conditions fixées par lesdites dispositions du statut.

36     Ainsi, la durée de son expérience professionnelle, dépassant 32 ans au total, aurait dû être considérée comme exceptionnelle, la Commission exigeant, en pratique, une expérience minimale de 22 ans pour le recrutement de fonctionnaires au grade A 4.

37     Quant à la qualité de l’expérience professionnelle, le requérant se réfère aux fonctions de niveau universitaire, riches et fort pertinentes pour l’emploi sur lequel il a été recruté, qu’il a effectivement exercées avant et après l’obtention de son diplôme universitaire en économie et commerce.

38     La rareté de son profil sur le marché de l’emploi aurait également dû être reconnue par l’AIPN. Le requérant se réfère, à cet égard, à l’attestation établie le 24 mai 2004 par son directeur et son chef d’unité, d’où il ressort qu’il a été recruté « en raison de son expérience dans le domaine douanier tant au niveau national qu’international et pour la qualité de son expertise en matière communautaire ». Cette attestation souligne également « l’intérêt et l’importance que représentent, pour l’Office, les connaissances acquises par M. Nicola Falcione pendant quatre ans dans les pays des Balkans, dans un environnement particulièrement sensible ». Dans une note en bas de page de cette attestation, il est signalé qu’« un autre lauréat de ce concours avait l’expertise nécessaire mais avait déjà été recruté ». Or, selon le requérant, ce dernier aurait été classé au grade supérieur de sa carrière en application de l’article 31, paragraphe 2, du statut.

39     La Commission conteste ces arguments. Elle rappelle la jurisprudence constante selon laquelle l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation, au titre des articles 31 et 32 du statut, pour apprécier l’expérience professionnelle antérieure d’un fonctionnaire nouvellement recruté, en ce qui concerne tant la nature et la durée de celle-ci que le rapport plus ou moins étroit qu’elle peut présenter avec les exigences du poste à pourvoir (arrêts De Szy-Tarisse et Feyaerts/Commission, précité, point 26, et du Tribunal de première instance du 11 février 1999, Carrasco Benítez/EMEA, T‑79/98, RecFP p. I‑A‑29 et II‑127, point 39).

40     En l’espèce, l’appréciation de l’AIPN aurait été faite en application de la décision de 1983, laquelle constituerait une règle de conduite que l’administration se serait imposée à elle-même et dont elle ne pourrait s’écarter sans en préciser les raisons, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement. La Commission affirme avoir régulièrement examiné la possibilité de classer le requérant au grade supérieur de la carrière à la lumière des deux critères énoncés à l’article 2 de ladite décision.

41     L’AIPN n’aurait commis aucune erreur manifeste d’appréciation en ne prenant pas en compte, conformément à cet article 2, l’expérience professionnelle du requérant acquise avant l’obtention de son diplôme universitaire.

 Appréciation du Tribunal

42     Il y a lieu de rappeler que l’article 31, paragraphe 1, du statut pose comme règle, à laquelle l’administration peut déroger dans certaines limites en vertu du paragraphe 2 de cet article, que les fonctionnaires de la catégorie A doivent être recrutés « au grade de base », à savoir, en l’espèce, le grade A 5. Comme la Cour l’a déjà jugé dans son arrêt du 28 mars 1968, Kurrer/Conseil [33/67, Rec. p. 187 ; voir également arrêts de la Cour du 6 juin 1985, De Santis/Cour des Comptes, 146/84, Rec. p. 1723, point 9 ; du 1er juillet 1999, Alexopoulou/Commission, C‑155/98 P, Rec. p. I‑4069, point 33, et du Tribunal de première instance du 15 novembre 2005, Righini/Commission, T‑145/04, non encore publié au Recueil, point 43 (pourvoi pendant devant la Cour, C‑57/06 P)], l’AIPN doit concilier l’usage du pouvoir qui lui est conféré par ledit article 31, paragraphe 2, avec le respect des exigences qui se dégagent de la notion de « carrière » résultant de l’article 5 et de l’annexe I du statut. Il n’est donc admissible de procéder à des recrutements au grade supérieur d’une carrière qu’à titre exceptionnel.

43     Il est également de jurisprudence constante que les institutions peuvent se fixer des directives internes par souci de transparence, afin de faciliter l’adoption, au cas par cas, de décisions individuelles et pour garantir le respect du principe d’égalité de traitement dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation (arrêt Righini/Commission, précité, point 44 ; voir également arrêt De Santis/Cour des Comptes, précité, point 11). La Commission a ainsi, par sa décision de 1983, comme déjà rappelé au point 6 du présent arrêt, défini les circonstances qui peuvent, à titre exceptionnel, justifier la nomination d’un fonctionnaire au grade supérieur de la carrière.

44     À cet égard, l’article 2 de la décision de 1983 énonce deux critères alternatifs susceptibles d’être pris en considération par l’AIPN aux fins du classement d’un fonctionnaire nouvellement recruté au grade supérieur de la carrière, à savoir, d’une part, les qualifications exceptionnelles de l’intéressé et, d’autre part, les besoins spécifiques du service exigeant le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié.

45     Le guide administratif complète les deux critères susvisés en énumérant cinq indices. Les trois premiers, qui sont le profil académique, la durée et la qualité de l’expérience professionnelle, permettent d’apprécier l’existence de qualifications exceptionnelles, tandis que les deux derniers, à savoir la pertinence de l’expérience professionnelle de l’intéressé par rapport au poste à pourvoir et les particularités du marché de l’emploi quant aux compétences requises, permettent de circonscrire l’existence de besoins spécifiques du service exigeant le recrutement d’un agent particulièrement qualifié. Le Tribunal de première instance, après avoir rappelé que les conditions justifiant le recrutement au grade supérieur de la carrière doivent être interprétées de manière restrictive, en raison du caractère exceptionnel de la faculté de recourir à l’article 31, paragraphe 2, du statut, a déjà jugé que les trois premiers indices susmentionnés, dans l’examen du premier critère, comme les deux derniers indices, dans l’examen du second critère, sont cumulatifs (arrêts du Tribunal de première instance Righini/Commission, précité, point 49, et du 15 mars 2006, Herbillon/Commission, T‑411/03, point 57 ; Valero Jordana/Commission, T‑429/03, point 79 ; Leite Mateus/Commission, T‑10/04, point 35 ; Verborgh/Commission, T‑26/04, point, 67, ainsi que Kimman/Commission, T‑44/04, point 89, non encore publiés au Recueil).

46     Il convient encore de rappeler qu’il appartient à l’AIPN d’examiner concrètement si un fonctionnaire ou un agent nouvellement recruté qui demande à bénéficier de l’article 31, paragraphe 2, du statut possède des qualifications exceptionnelles ou si les besoins spécifiques d’un service exigent le recrutement d’un fonctionnaire particulièrement qualifié.

47     Ainsi, lorsqu’elle admet que l’un de ces critères est rempli, l’AIPN est tenue de procéder à une appréciation concrète de l’application éventuelle de l’article 31, paragraphe 2, du statut (arrêts du Tribunal de première instance du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission, précité, point 21, et du 26 octobre 2004, Brendel/Commission, T‑55/03, RecFP p. I‑A‑311 et II‑1437, point 61). Elle peut décider, à ce stade, en tenant compte de l’intérêt du service en général, s’il y a lieu ou non d’octroyer à un fonctionnaire nouvellement recruté un classement au grade supérieur de la carrière. En effet, l’emploi du verbe « pouvoir » audit article 31, paragraphe 2, implique que l’AIPN n’est pas obligée d’appliquer cette disposition et que les fonctionnaires nouvellement recrutés n’ont pas un droit subjectif à un tel classement (ordonnance du Tribunal de première instance du 13 février 1998, Alexopoulou/Commission, T‑195/96, RecFP p. I‑A‑51 et II‑117, point 43 ; arrêts du même Tribunal du 17 décembre 2003, Chawdhry/Commission, T‑133/02, RecFP p. I‑A‑329 et II‑1617, point 44 ; Brendel/Commission, précité, point 61 ; Righini/Commission, précité, point 51 ; Herbillon/Commission, précité, point 67 ; Valero Jordana/Commission, précité, point 91, et Kimman/Commission, précité, point 94).

48     Il résulte de ce qui précède que l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation, dans le cadre fixé par l’article 31 du statut, pour examiner si l’emploi à pourvoir exige le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou si ce dernier possède des qualifications exceptionnelles. Elle dispose également d’un pouvoir d’appréciation étendu lorsque, après avoir constaté l’existence de l’une de ces deux situations, elle en examine les conséquences (arrêt Righini/Commission, précité, point 52).

49     Dans ces conditions, le contrôle juridictionnel d’une décision portant classement en grade ne saurait se substituer à l’appréciation de l’AIPN. Le juge communautaire doit en conséquence se limiter à vérifier qu’il n’y a pas eu violation des formes substantielles, que l’AIPN n’a pas fondé sa décision sur des faits matériels inexacts ou incomplets ou que la décision n’est pas entachée d’un détournement de pouvoir, d’une erreur de droit ou d’une insuffisance de motivation. Enfin, il convient de vérifier si l’AIPN n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (arrêts du Tribunal de première instance du 3 octobre 2002, Platte/Commission, T‑6/02, RecFP p. I‑A‑189 et II‑973, point 36 ; Chawdhry/Commission, précité, point 45 ; Brendel/Commission, précité, point 60, et Righini/Commission, précité, point 53).

50     C’est au regard de ces principes qu’il y a lieu dès lors d’examiner le bien-fondé du deuxième moyen.

51     Il convient, compte tenu de l’argumentation développée par le requérant, de vérifier si la Commission, en refusant de faire application de l’article 31, paragraphe 2, du statut, et, donc, de classer l’intéressé au grade supérieur de sa carrière, a apprécié correctement la situation au regard des critères et indices mentionnés à l’article 2 de la décision de 1983 ainsi que dans le guide administratif et si, comme le soutient le requérant, elle a exercé son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée.

 Sur les qualifications exceptionnelles du requérant

52     S’agissant du critère portant sur les qualifications exceptionnelles, appréciées à la lumière du profil universitaire, de la durée et de la qualité de l’expérience professionnelle du requérant, il convient de constater, d’abord, que celui-ci est titulaire d’un seul diplôme universitaire, ce qui, selon les conditions de recrutement énoncées dans l’avis de concours, lui a permis d’accéder à la catégorie A. La Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant de considérer comme exceptionnel un tel profil académique par rapport au profil moyen des lauréats de concours qui, ainsi que l’a souligné à plusieurs reprises le Tribunal de première instance, constituent déjà une population très sévèrement sélectionnée conformément aux exigences de l’article 27 du statut (arrêts du Tribunal de première instance du 5 novembre 1997, Barnett/Commission, T‑12/97, RecFP p. I-A-313 et II‑863, point 50 ; Platte/Commission, précité, point 38 ; Righini/Commission, précité, point 92, et Herbillon/Commission, précité, point 62).

53     La circonstance que le requérant a rédigé un mémoire de fin d’études qu’il prétend comparable à une thèse doctorale n’est pas de nature à remettre en cause cette appréciation. En effet, le requérant n’est pas titulaire d’un doctorat et le mémoire en question a été rédigé précisément dans le cadre des études prises en compte, en vue de son admission au concours, par la Commission. Par ailleurs, il n’a fourni aucun indice dont le Tribunal pourrait déduire que ce mémoire serait exceptionnel par comparaison aux publications d’autres fonctionnaires de même grade.

54     Ensuite, quant au niveau et à la qualité de l’expérience professionnelle du requérant, même si les responsabilités exercées par celui‑ci dans l’exercice de ses précédentes fonctions étaient incontestablement d’un haut niveau, la Commission n’a toutefois pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée en considérant qu’elles n’avaient pas un caractère exceptionnel par rapport à celles qu’elle est en droit d’attendre de la part d’un fonctionnaire recruté pour la carrière A 5/A 4. Les compétences acquises par le requérant du fait de cette expérience dans le domaine douanier correspondaient assurément aux exigences du poste à pourvoir. Et c’est précisément ce qui lui a permis de se distinguer des autres candidats à ce poste et d’y être recruté.

55     Enfin, s’agissant de la durée de son expérience professionnelle, il découle de la jurisprudence que la circonstance qu’une personne peut faire valoir de nombreuses années d’expérience professionnelle ne saurait en soi conférer à celle-ci un droit à être nommée au grade supérieur (voir arrêts de la Cour du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, Rec. p. I‑3009, point 30, et du Tribunal de première instance du 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T‑203/97, RecFP p. I‑A‑129 et II‑705, point 49; du 11 juillet 2002, Wasmeier/Commission, T‑381/00, RecFP p. I‑A‑125 et II‑677, point 56 , ainsi que Valero Jordana/Commission, précité, point 89).

56     De surcroît, à supposer même que la durée de l’expérience professionnelle du requérant ait dû être considérée comme exceptionnelle, cette appréciation ne donnerait toutefois pas à celui‑ci le droit d’être classé au grade supérieur de sa carrière. En effet, d’une part, l’erreur qu’il allègue n’aurait, en tout état de cause, pas été susceptible d’affecter l’évaluation de son profil académique et, donc, n’aurait pas pu conduire à l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt Righini/Commission, précité, point 101). D’autre part, ainsi qu’il a déjà été souligné au point 47 du présent arrêt, il découle du large pouvoir d’appréciation dont jouit l’AIPN dans le cadre de l’application éventuelle de l’article 31, paragraphe 2, du statut que, même si un fonctionnaire nouvellement recruté réunit les conditions d’application pour pouvoir être classé au grade supérieur de sa carrière, celui-ci n’a pas pour autant un droit subjectif à un tel classement. Cette appréciation vaut a fortiori pour un fonctionnaire qui ne réunirait pas l’ensemble des critères examinés par l’AIPN dans le cadre de son appréciation portant sur l’existence éventuelle de qualifications exceptionnelles (voir, en ce sens, arrêt Valero Jordana/Commission, précité, point 91).

57     En conséquence, il n’a pas été démontré que la partie défenderesse a commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant d’admettre, à la lumière du critère des qualifications professionnelles et des indices afférents du guide administratif pris dans leur ensemble, que le requérant possédait des qualifications à ce point exceptionnelles qu’une nomination au grade A 4 se justifiait.

 Sur les besoins spécifiques du service

58     Contrairement aux allégations du requérant, l’existence d’un besoin spécifique du service exigeant le recrutement d’un fonctionnaire particulièrement qualifié n’est pas établie.

59     D’une part, il n’a pas été démontré que la Commission se soit heurtée à des difficultés particulières pour recruter du personnel adapté à l’accomplissement des tâches en cause. Certes, l’attestation du supérieur hiérarchique du requérant, du 24 mai 2004, à laquelle il est fait référence au point 38 du présent arrêt, confirme que le requérant présentait le profil recherché. Toutefois, ce seul fait ne permet pas de démontrer un besoin spécifique du service. La Commission a fait valoir, avec pertinence, dans son mémoire en défense, que, dans la liste de réserve du concours COM/A/2/01, trois lauréats étaient encore disponibles et disposaient d’un profil adapté au poste à pourvoir, ce qui n’a pas été contesté par le requérant. Il s’ensuit qu’il n’a pas été établi qu’il existait, au moment de la prise de fonctions de celui‑ci, une réelle pénurie d’experts en matière douanière.

60     D’autre part, il importe de souligner que les institutions communautaires ont déjà, par leur nature, des besoins très particuliers, notamment pour ce qui concerne les exigences de spécialisation dans certains domaines (arrêts précités Barnett/Commission, point 54, et Herbillon/Commission, point 75). Ainsi, si le service au sein duquel le requérant a été recruté nécessitait, par la nature même de ses attributions, le recrutement d’un titulaire possédant certaines qualifications dans un domaine spécifique et technique, il apparaît cependant, à la simple lecture de l’avis de vacance COM/6045/2002/F et faute de démonstration contraire de la part du requérant, que cet avis n’exigeait pas que le titulaire soit exceptionnellement qualifié.

61     En conséquence, il n’a pas été démontré en l’espèce que la partie défenderesse a mal appliqué le critère des besoins spécifiques du service et commis, à cet égard, une erreur manifeste d’appréciation.

62     Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen

 Arguments des parties

63     Dans son mémoire en réplique, le requérant invoque la violation des avis de concours COM/A/2/01 et de vacance COM/6045/2002/F. Il observe que, alors que l’avis de concours précise que seule l’expérience professionnelle acquise après l’obtention du diplôme universitaire sera prise en considération, l’avis de vacance ne prévoit pas cette condition. Il estime par conséquent que, dès lors que l’AIPN n’a pas indiqué dans l’avis de vacance les raisons pour lesquelles l’expérience professionnelle de niveau universitaire, acquise avant le diplôme, ne pouvait pas être prise en compte aux fins du classement en grade, elle ne pouvait déroger à la règle contenue à l’article 5 du statut, qui lui imposerait de tenir compte de l’expérience professionnelle d’un niveau équivalent à une formation universitaire. Le requérant en conclut que la Commission a violé ces avis de concours et de vacance.

64     Dans son mémoire en duplique, la Commission observe que le moyen tiré de la violation desdits avis de concours et de vacance ne figure ni dans la requête ni dans la réclamation du 20 juillet 2004, qu’il n’est pas fondé sur des éléments de droit ou de fait qui se seraient révélés pendant la procédure et ne se rattache pas étroitement aux moyens et aux arguments figurant dans ladite réclamation. Selon elle, les conditions de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance ne sont pas remplies. En outre, l’exigence de concordance entre la phase précontentieuse et la phase contentieuse ne saurait être interprétée avec souplesse, la réclamation ayant été introduite par l’avocat au nom du requérant. Ce moyen devrait, par conséquent, être rejeté comme irrecevable.

 Appréciation du Tribunal

65     Il ressort des dispositions combinées des articles 44, paragraphe 1, sous c), et 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance que la requête introductive d’instance doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être considéré comme recevable (voir, notamment, arrêts de la Cour du 19 mai 1983, Verros/Parlement, 306/81, Rec. p. 1755, point 9, ainsi que du Tribunal de première instance du 5 février 1997, Ibarra Gil/Commission, T‑207/95, RecFP p. I‑A‑13 et II‑31, point 51 ; du 17 décembre 1997, Passera/Commission, T‑217/95, RecFP p. I‑A‑413 et II‑1109, point 87, et du 17 juillet 1998, Hubert/Commission, T‑28/97, RecFP p. I‑A‑435 et II‑1255, point 38).

66     Force est de constater que, en l’espèce, le moyen tiré de la violation de l’avis de concours COM/A/2/01 n’a été soulevé ni expressément ni implicitement dans la requête. Aucune argumentation n’a d’ailleurs été avancée à cet égard par le requérant, de telle sorte qu’il ne saurait en aucune façon être considéré comme un argument développé à l’appui de l’un des moyens présentés dans la requête. Ce moyen doit donc être rejeté comme manifestement irrecevable, conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, sans qu’il y ait lieu d’examiner le grief d’irrecevabilité tiré par la Commission de l’absence de concordance entre la réclamation du 20 juillet 2004 et le recours.

67     En revanche, s’agissant du moyen tiré de la violation de l’avis de vacance COM/6045/2002/F, s’il est vrai qu’il n’a pas été mentionné comme tel dans la requête, il peut être compris comme une ampliation du moyen tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, invoqué dans la requête et avec lequel il présente un lien étroit. Selon le requérant, l’absence dans ledit avis de vacance de conditions relatives aux diplômes et à l’expérience professionnelle devaient conduire l’AIPN à faire application de la règle générale énoncée audit article 5, paragraphe 1, deuxième alinéa. Or, cet argument a été réfuté aux points 30 à 33 du présent arrêt, dans le cadre des développements consacrés au premier moyen.

68     Il y a donc lieu de rejeter le troisième moyen comme en partie irrecevable et en partie non fondé.

 Sur le quatrième moyen

 Arguments des parties

69     Dans son mémoire en réplique, le requérant soulève un moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination. Il soutient à cet égard que l’application de l’article 2 de la décision de 1983 ne permet pas d’assurer une égalité de traitement entre candidats quant à la prise en considération de leurs expériences professionnelles respectives, dès lors que cette disposition empêcherait l’AIPN de prendre en compte l’expérience professionnelle acquise avant l’obtention d’un diplôme, même lorsqu’un avis de concours ou de vacance prévoirait une telle possibilité. Selon lui, l’AIPN aurait ainsi renoncé a priori à la faculté prévue par l’article 5 du statut.

70     La défenderesse conclut à l’irrecevabilité de ce moyen pour les mêmes motifs que ceux qu’elle a invoqués au soutien de l’irrecevabilité du troisième moyen et mentionnés au point 64 du présent arrêt.

71     À titre subsidiaire, elle relève que c’est la thèse du requérant qui conduirait au traitement discriminatoire, puisqu’elle mettrait sur un pied d’égalité l’expérience professionnelle des fonctionnaires possédant un diplôme universitaire et l’expérience de ceux qui n’en possèdent pas encore un. Selon la Commission, l’article 5 du statut permet, certes, de recruter en catégorie A des personnes qui, sans avoir de diplôme universitaire, ont une expérience professionnelle d’un niveau équivalent. Toutefois, il ne s’agirait que d’une simple faculté et non d’une obligation. Enfin, il y aurait lieu, en l’occurrence, de distinguer entre les appréciations des supérieurs hiérarchiques du requérant, permettant de décider de son recrutement et les appréciations portées par l’AIPN permettant de le classer éventuellement au grade supérieur de la carrière. L’AIPN n’aurait, en conséquence, commis aucune erreur manifeste d’appréciation en tenant compte de la durée de l’expérience professionnelle du requérant, postérieure à l’obtention du diplôme.

 Appréciation du Tribunal

72     Il est constant que, dans son recours, le requérant n’a pas soulevé d’exception d’illégalité à l’encontre de l’article 2 de la décision de 1983, au regard du principe de non-discrimination. Ce n’est qu’au stade de la réplique qu’il a invoqué ce moyen, et ce sans prétendre se fonder sur des éléments nouveaux apparus pendant la procédure.

73     À l’audience, le requérant a fait valoir que la violation du principe de non‑discrimination était inhérente au moyen tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 1, du statut et constituait ainsi une ampliation de ce moyen.

74     Une telle analyse ne saurait être admise. Il ressort, en effet, clairement de la requête que ce dernier moyen repose exclusivement sur la considération selon laquelle l’article 5, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut permet la prise en compte d’une expérience professionnelle d’un niveau « équivalent », laquelle ne doit pas nécessairement avoir été acquise après l’obtention du diplôme universitaire. On ne saurait inférer de cette considération la moindre exception d’illégalité à l’encontre de l’article 2 de la décision de 1983, au regard du principe de non-discrimination. Dès lors, le moyen tiré de la violation de ce principe doit être considéré comme ayant un caractère autonome par rapport au moyen tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 19 septembre 2000, Dürbeck/Commission, T‑252/97, Rec. p. II‑3031, point 39).

75     Il convient donc de rejeter le quatrième moyen comme irrecevable, conformément à l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, sans qu’il y ait lieu d’examiner le grief d’irrecevabilité soulevé par la Commission et tiré de l’absence de concordance entre la réclamation et le recours.

76     Compte tenu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

77     Ainsi qu’il a déjà été souligné au point 20 du présent arrêt, aux termes de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, jusqu’à l’entrée en vigueur de son propre règlement de procédure, le Tribunal applique mutatis mutandis le règlement de procédure du Tribunal de première instance, à l’exception des dispositions relatives au juge unique.

78     Il résulte de ce texte que, à l’exception de ces dernières dispositions, le Conseil de l’Union européenne a entendu soumettre en principe la procédure devant le Tribunal à l’ensemble des dispositions dudit règlement, aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal ne sera pas entré en vigueur.

79     Les dispositions susmentionnées de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752 ne sauraient cependant être interprétées en ce sens qu’elles feraient obstacle à l’application immédiate de certaines prescriptions de l’annexe I du statut de la Cour de justice qui posent des règles spécifiques s’écartant de celles du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

80     Au nombre de ces prescriptions, énoncées essentiellement dans les paragraphes 3 à 5 de l’article 7 de ladite annexe, figure celle, contenue au paragraphe 5, selon laquelle « toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens ».

81     Toutefois, même si cette règle figure parmi celles que le Conseil a choisi d’énoncer spécialement dans l’annexe I du statut de la Cour de justice, elle ne peut trouver à s’appliquer avant l’entrée en vigueur du règlement de procédure du Tribunal.

82     En effet, le Conseil a estimé nécessaire de préciser que ladite règle, qui rend pour la première fois possible la condamnation du fonctionnaire requérant qui succombe à supporter les frais de la partie adverse, s’appliquerait « sous réserve des dispositions particulières du règlement de procédure [du Tribunal] ». Par conséquent, ainsi que les parties elles-mêmes l’ont d’ailleurs soutenu au cours de l’audience, il n’est pas possible d’inférer de la lettre de l’article 7, paragraphe 5, de l’annexe I du statut de la Cour de justice que la règle qui y est contenue a vocation à être immédiatement applicable.

83     En outre, la bonne administration de la justice comme la préservation du droit d’accès au juge justifient que cette disposition, en raison de la novation procédurale qu’elle représente dans la définition des modalités d’accès à la juridiction communautaire, ne reçoive pas application avant l’adoption du règlement de procédure du Tribunal et, notamment, des dispositions particulières visées audit article 7, paragraphe 5.

84     Cette interprétation est renforcée, en ce qui concerne en particulier les requêtes introduites avant la date de publication au Journal officiel de l’Union européenne de la décision constatant que le Tribunal a été reconnu régulièrement constitué, par la nécessité de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante dans l’application des règles relatives aux frais de l’instance.

85     Dans ces conditions, les articles du règlement de procédure du Tribunal de première instance relatifs à la charge des dépens dans le contentieux de la fonction publique communautaire continuent d’être seuls applicables au présent litige, même si ce dernier a été porté devant le Tribunal après l’adoption de l’article 7, paragraphe 5, de l’annexe I du statut de la Cour de justice.

86     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (assemblée plénière)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Signatures

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 avril 2006.


* Langue de procédure : le français.