Language of document : ECLI:EU:T:2003:339

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
11 décembre 2003 (1)

«Agriculture – FEOGA – Réduction d'un concours financier – Motivation – Erreur d'appréciation des faits – Principe de proportionnalité»

Dans l'affaire T-306/00,

Conserve Italia Soc. coop. rl, établie à San Lazzaro di Savena (Italie), représentée par Mes M. Averani, A. Pisaneschi et S. Zunarelli, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. L. Visaggio, en qualité d'agent, assisté de Me M. Moretto, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission C (2000) 1752, du 11 juillet 2000, portant réduction du concours du FEOGA, section «Orientation», accordé dans le cadre du projet n° 88.41.IT.002.0 intitulé «Modernisation technique d'un centre de transformation de produits du secteur des fruits et légumes à Alseno (Piacenza)»,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),



composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 3 juin 2003,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

Règlement (CEE) n° 355/77 du Conseil

1
Le règlement (CEE) n° 355/77 du Conseil, du 15 février 1977, concernant une action commune pour l’amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles (JO L 51, p. 1), dispose, en ses articles 1er, paragraphe 3, et 2, que la Commission peut accorder un concours à l’action commune en finançant par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «Orientation», des projets qui s’insèrent dans des programmes spécifiques préalablement élaborés par les États membres et approuvés par la Commission et qui visent le développement ou la rationalisation du traitement, de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles.

2
Le règlement n° 355/77 a été abrogé le 1er janvier 1990 par le règlement (CEE) n° 4256/88 du Conseil, du 19 décembre 1988 (JO L 374, p. 25), et par le règlement (CEE) n° 866/90 du Conseil, du 29 mars 1990 (JO L 91, p. 1), à l’exception de certaines dispositions qui sont restées applicables, à titre transitoire, jusqu’au 3 août 1993, aux projets introduits avant le 1er janvier 1990.

Communication de 1983 de la Commission sur les critères pour le choix des projets à financer au titre du règlement n° 355/77

3
Le 10 juin 1983, la Commission a publié la communication sur les critères pour le choix des projets à financer au titre du règlement n° 355/77 (JO C 152, p. 2, ci-après la «Communication de 1983»), dans laquelle elle a précisé les critères d’éligibilité et de sélection que devaient remplir les projets pour pouvoir être retenus pour un concours du FEOGA.

4
Le titre I, point 10, de la Communication de 1983 dispose que «[l]’exécution du projet ne doit pas avoir commencé avant la présentation de la demande à la Commission».

Règlement(CEE) n° 2515/85 de la Commission

5
Le règlement (CEE) n° 2515/85 de la Commission, du 23 juillet 1985, relatif aux demandes de concours du FEOGA pour des projets d’amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles et des produits de la pêche (JO L 243, p. 1), établit dans ses annexes les données et pièces que doivent contenir les demandes de concours. En particulier, ces annexes comportent des notes explicatives destinées à aider les demandeurs dans leurs démarches (ci-après les «notes explicatives»).

6
Le point 5.3 des notes explicatives, première partie de l’annexe A du règlement n° 2515/85, précise que «les projets commencés avant que la demande soit parvenue à la Commission ne peuvent pas recevoir de concours». Ledit point 5.3 des notes explicatives fait référence à un engagement que doit prendre le demandeur au point 5.3 du formulaire de demande de concours, où il doit cocher, pour marquer son accord, la proposition suivante:

«Nous nous engageons à ne pas commencer les travaux avant réception de la demande de concours par le FEOGA, section ‘Orientation’.»

Document de travail de 1986

7
En 1986, les services de la direction générale de l’Agriculture de la Commission en charge du FEOGA ont élaboré le document de travail VI/1216/86-IT, concernant la fixation du concours maximal pouvant être accordé au titre du FEOGA dans le cadre du règlement n° 355/77 (ci-après le «document de travail»). Au point B.1 sont énumérées les actions totalement exclues du concours. Sont notamment exclus, selon le paragraphe 5 dudit point, les actions ou travaux commencés avant la présentation de la demande, excepté:

«[...]

b)
l’achat de machines, d’appareils et de matériel de construction, y compris les charpentes métalliques et éléments préfabriqués (la commande et la fourniture), à condition que le montage, l’installation, l’incorporation, et les travaux sur place en ce qui concerne le matériel de construction, n’aient pas eu lieu avant la présentation de la demande de concours [...]»

8
Le point B.1, paragraphe 5, du document de travail précise également que les actions visées sous b) sont éligibles aux concours du FEOGA.

Règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil

9
Le 19 décembre 1988, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 4253/88 portant dispositions d’application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JO L 374, p. 1). Ce règlement est entré en vigueur le 1er janvier 1989 et a été modifié à plusieurs reprises.

10
L’article 24 du règlement n° 4253/88 intitulé «Réduction, suspension et suppression du concours», dans sa version modifiée par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 20), applicable au moment où la Commission a décidé de réduire le concours, dispose:

«1. Si la réalisation d’une action ou d’une mesure semble ne justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat, en demandant notamment à l’État membre ou aux autorités désignées par celui-ci pour la mise en oeuvre de l’action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

2. Suite à cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité ou d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en oeuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée.

3. Toute somme donnant lieu à répétition de l’indu doit être reversée à la Commission. Les sommes non reversées sont majorées d’intérêts de retard en conformité avec les dispositions du règlement financier et selon les modalités à arrêter par la Commission, suivant les procédures visées au titre VIII.»


Faits à l’origine du recours

11
Le 17 juillet 1987, la Commission a reçu une demande datée du 22 mai 1987 tendant à l’octroi d’un concours du FEOGA introduite par Colombani Lusuco SpA (ci-après «Colombani»), société contrôlée par la Federazione italiana dei consorzi agrari (Federconsorzi), un important groupement de coopératives agricoles italiennes. Cette demande a été déposée par le gouvernement italien en vertu du règlement n° 355/77.

12
Le concours était destiné à soutenir le projet n° 88.41.IT.002.0 relatif à «la modernisation technologique et [à] la rationalisation des installations de production de l’établissement de transformation des fruits et légumes d’Alseno (Piacenza)». Le projet visait notamment à moderniser et à remplacer certains équipements devenus technologiquement obsolètes dans le département de conditionnement des légumes au naturel, en vue d’accroître sa productivité.

13
Dans le formulaire de la demande de concours signée par la bénéficiaire, elle s’est engagée, au point 5.3, «à ne pas commencer les travaux avant réception de la demande de concours par le FEOGA, section ‘Orientation’».

14
Le 24 septembre 1987, la direction générale de l’Agriculture de la Commission a informé la bénéficiaire de la réception, en date du 17 juillet 1987, de la demande de concours.

15
Par décision C (88) 1950/369, du 21 décembre 1988 (ci-après la «décision d’octroi»), la Commission a approuvé le projet n° 88.41.IT.002.0 et a accordé à Colombani un concours d’un montant de 819 321 930 lires italiennes (ITL), aux fins d’un investissement global de 3 280 387 000 ITL, en fixant la période de réalisation du projet du 17 juillet 1987 au 30 juin 1990. La Commission en a informé la bénéficiaire par une lettre, transmise à la même date, dans laquelle il était expressément prévu, à son sixième alinéa:

«Si le projet, tel qu’il est décrit dans la décision de la Commission par laquelle le concours du Fonds est accordé, devait subir des modifications, nous vous prions de noter qu’elles devront être soumises à la Commission […] avant que les nouveaux travaux projetés ne soient réalisés. La Commission vous informera dès que possible de l’issue de la proposition (ou des propositions) de modification et, en cas d’acceptation, des conditions correspondantes. L’inobservation de la procédure susmentionnée […] ou le rejet des modifications par la Commission, pourra provoquer la suppression ou la réduction du concours.»

16
En décembre 1989, Colombani a fait l’acquisition d’un établissement à Massa Lombarda, donnant naissance à la société Massalombarda Colombani SpA, qui est devenue de ce fait la bénéficiaire du concours (ci-après la «bénéficiaire» ou «Massalombarda»).

17
Par décret n° 5905, du 15 janvier 1990, le ministero delle Risorse agricole, alimentari e forestali (ministère des Ressources agricoles, alimentaires et forestières, ci-après le «ministère de l’Agriculture italien») a accordé à la bénéficiaire un concours national de 951 947 500 ITL pour le projet.

18
Les 8 et 9 février 1990, le ministère de l’Agriculture italien a effectué un premier contrôle de l’exécution des travaux. Le 9 février 1991, à la suite de la demande de contrôle final de la bénéficiaire et après une vérification sur place, le ministère de l’Agriculture italien a adopté le certificat de contrôle de l’état final des travaux.

19
En mars 1993, les autorités italiennes et la Commission ont effectué une inspection conjointe de l’établissement d’Alseno au sujet d’un autre concours du Fonds. Au vu des irrégularités constatées lors de ce contrôle, la Commission a décidé de vérifier, en 1994, les autres projets pour lesquels la bénéficiaire avait obtenu des concours communautaires, dont le projet n° 88.41.IT.002.0 concernant également l’établissement d’Alseno. Le 12 septembre 1994, la Commission a demandé par télécopie au ministère de l’Agriculture italien et à la bénéficiaire de préparer certains documents et justificatifs afin de lui permettre d’examiner, lors du contrôle sur place organisé à cet effet, la conformité de l’investissement réalisé au projet approuvé ainsi que le respect des conditions fixées lors de l’approbation du projet.

20
Le 26 septembre 1994, la Commission a effectué ce contrôle, au cours duquel plusieurs irrégularités ont été constatées. Les irrégularités auxquelles se réfère la présente affaire ont été rapportées dans le procès-verbal de constat du 30 septembre 1994 (ci-après le «procès-verbal») signé par toutes les parties, y compris les représentants de la bénéficiaire, comme suit:

«[…]

6)
M. Mario Padoin a compilé, le 26 septembre 1994, une liste de factures (annexe 4) concernant les investissements réalisés dans l’établissement d’Alseno à une date antérieure à celle de la réception de la demande de concours par la Commission (17 juillet 1987). Ces travaux et achats concernent la préfabrication de composants de la ligne.

[…]

8)
Les factures indiquées sur la liste jointe (annexe 6) présentent plusieurs irrégularités tant fiscales (des bordereaux d’accompagnement ont une date antérieure à celle des factures correspondantes) que du point de vue du respect des règlements n° 355/77 et n° 2515/85 (bordereaux ayant des dates antérieures à celles de la réception de la demande de contribution par la Commission, bordereaux manquants, etc.).

[…]»

21
Un examen postérieur des factures effectué à la suite de l’inspection a mis en évidence l’acquisition d’équipements destinés à la récolte de matières premières qui n’étaient pas prévus dans le projet approuvé par la Commission.

22
En octobre 1994, Massalombarda a été acquise et finalement absorbée en 1997 par Frabi SpA (devenue par la suite Finconserve SpA), société financière du groupe Conserve Italia Soc. coop. rl., qui est la requérante dans la présente affaire et qui constitue la principale structure de coopératives agricoles en Italie et une des plus grandes en Europe.

23
Par lettre du 22 mai 1995, la Commission a informé la bénéficiaire et les autorités italiennes des infractions constatées et de son intention d’engager la procédure de suppression du concours en vue de récupérer les sommes indûment versées. Elle les a invitées à présenter leurs observations à cet égard. Cette lettre reprochait à la requérante, entre autres, les irrégularités suivantes:

«Considérant qu’au cours de cette vérification [contrôle sur place du 26 septembre 1994], il a été établi que certains investissements ont été réalisés avant la date de la réception du projet par la Commission;

considérant qu’il a été établi que certaines factures imputées à l’établissement d’Alseno ne concernaient pas ce centre;

considérant que des matériels destinés à la récolte de produits de base du sol, non prévus initialement, ont été achetés et que ces achats n’ont pas fait l’objet de la dérogation visée aux articles 5 et 6 du règlement (CEE) n° 355/77».

24
En date du 3 août 1995, du 22 septembre 1995 et du 27 février 1996, la requérante a présenté ses observations à la Commission. Le ministère de l’Agriculture italien a transmis ses observations à la Commission par lettres datées du 20 juillet 1995 et du 20 septembre 1995.

25
Par lettre du 28 octobre 1996, après un entretien ayant eu lieu le 22 octobre 1996 entre la bénéficiaire et la Commission et considérant que les circonstances de l’espèce imposaient une réduction du concours plutôt qu’une suppression, la Commission a transmis à la bénéficiaire un projet de décision concernant la réduction du concours. Dans cette lettre, la Commission a indiqué ce qui suit: «Comme il a été convenu […], nous envoyons […] une copie des factures concernant le début anticipé des travaux afférents à l’établissement d’Alseno.

Les services de la Commission ont retenu que trois factures correspondant à des achats et à des travaux de construction démontrent l’installation anticipée d’éléments sur la nouvelle ligne faisant partie du ‘département de légumes au naturel’. Cette circonstance est en outre confortée par la déclaration souscrite le 26 septembre 1994 par le responsable de l’établissement d’Alseno (M. l’ingénieur Padoin).

Il s’agit des factures suivantes:

n° 30 du 24 juillet 1987, entreprise Berletti,

n° 260 du 30 juillet 1987, entreprise Casearmeccanica,

n° 136 du 23 juillet 1987, entreprise Izoteca.

En conséquence, le projet de décision de réduction sera modifié pour tenir compte du nouveau calcul exposé dans le tableau que nous annexons ci-après (annexe 1) […]» L’annexe 1 de cette lettre expose le montant de la réduction du concours et la méthode de calcul retenue par la Commission.

26
Le 11 novembre 1996, la bénéficiaire a présenté un nouveau mémoire d’observations accompagné d’une expertise visant les trois factures considérées par la Commission dans la lettre du 28 octobre 1996 comme témoignant du début anticipé des travaux (la facture Berletti n° 30, du 24 juillet 1987, la facture Casearmeccanica n° 260, du 30 juillet 1987, et la facture Izoteca n° 136, du 23 juillet 1987).

27
Le 11 juillet 2000, la Commission a adopté la décision C (2000) 1752, basée sur l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, portant réduction du concours octroyé et enjoignant à la bénéficiaire de rembourser un montant de 623 193 529 ITL (ci-après la «décision attaquée»). Les principaux motifs de la décision attaquée sont les suivants:

«Considérant ce qui suit:

[...]

6-7)
[…] il a été constaté que certaines factures témoignent d’installations et de travaux de construction réalisés sur une nouvelle ligne de production intégrée dans le projet; que ces investissements ont été effectués avant la date de réception, par la Commission, de la demande de concours provenant du bénéficiaire, c’est-à-dire avant le 17.7.87.

8)
Cette circonstance est confirmée par une déclaration, souscrite en date du 26.9.94, et présentée spontanément, par le responsable de l’établissement d’Alseno aux fonctionnaires de la Commission et aux représentants [ministère de l’Agriculture italien] chargés du contrôle.

9)
Telle circonstance contrevient à l’engagement souscrit par [la] bénéficiaire, conformément à la disposition de la page 5 de l’Annexe A1 du règlement n° 2515/85 de la Commission, dans cette même demande de concours; qu’elle contrevient également au point I.10 de [la Communication de 1983] au titre du règlement (CEE) n° 355/77.

10)
Il a également été constaté que certaines factures, bien qu’imputées à l’établissement d’Alseno, ne concernaient en réalité pas ce centre.

11)
Ont été achetés des équipements destinés à la récolte des produits de base du sol, non prévus dans le projet approuvé par décision de la Commission.

[…]

21)
Les services de la Commission ont […] envoyé [à la] bénéficiaire, en date du 28.10.96, une lettre explicitant le calcul de la réduction envisagée du concours, ainsi que la copie des trois factures témoignant du début anticipé.

[…]

26)
Au vu des indications fournies ci-dessus, les irrégularités constatées affectent les conditions de mise en oeuvre du projet en question.

[…]

29)
À la lumière des indications fournies ci-dessus, il y a lieu de réduire le concours accordé.

30)
Le bénéficiaire est tenu de rembourser le montant de 623 193 529 [ITL], dont le versement est devenu sans objet [...]»


Procédure et conclusions des parties

28
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 septembre 2000, la requérante a introduit le présent recours.

29
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l’audience du 3 juin 2003.

30
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

annuler la décision de la Commission C (2000) 1752, du 11 juillet 2000;

condamner la Commission aux dépens.

31
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter intégralement le recours;

condamner la requérante aux dépens.


En droit

32
La requérante avance quatre moyens à l’appui de sa demande en annulation de la décision attaquée. Le premier moyen est tiré du défaut de motivation de la décision attaquée; le deuxième moyen est pris de la violation et de l’interprétation erronée du point 5.3 des notes explicatives, du point I.10 de la Communication de 1983 et du point B.1, paragraphe 5, sous b), du document de travail, en ce qui concerne les considérants 7 à 9 de la décision attaquée; le troisième moyen se fonde sur l’appréciation erronée des éléments de fait visés aux considérants 10 et 11 de la décision attaquée; le quatrième moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité.

Sur le premier moyen, tiré du défaut de motivation de la décision attaquée

1. Observations préliminaires

Arguments des parties

33
La requérante relève que les circonstances exposées dans la décision attaquée ne sont nullement de nature à fournir une motivation adéquate, conformément à la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal. En l’espèce, elle prétend qu’il ne lui a pas été possible de déterminer, à partir de l’examen de la décision attaquée, les factures considérées comme irrégulières dans le cadre du grief visé aux considérants 7 à 9 et dans celui du grief visé au considérant 10, ni les équipements contestés au considérant 11 de la décision attaquée. Selon la requérante, le caractère très vague de ces indications ne lui a pas permis de connaître les motivations réelles constituant le fondement de la décision attaquée, en lui rendant ainsi très difficile l’exercice des droits de la défense.

34
La requérante souligne que, même en faisant référence à son contexte, la motivation de la décision attaquée est insuffisante.

35
La Commission considère que ce moyen est dénué de fondement du fait que la requérante a été en mesure d’identifier parfaitement les factures et les équipements en cause et de comprendre le raisonnement sur la base duquel la Commission a conclu à leur irrégularité. Elle rappelle notamment que, conformément à l’arrêt Delacre e.a./Commission (arrêt de la Cour du 14 février 1990, C-350/88, Rec. p. I-395, point 16), la motivation de la décision doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte.

36
En l’espèce, en ce qui concerne le contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, la Commission rappelle que la requérante a signé le procès-verbal, lequel énumère avec précision dans ses annexes la liste des factures communiquées par la bénéficiaire attestant le début prématuré des travaux et la liste des factures relevant d’autres établissements. Par ailleurs, la requérante aurait reçu des informations précises de la part de la Commission sur les griefs retenus contre elle dans la lettre du 22 mai 1995. En outre, la requérante aurait activement participé à la procédure administrative, en contestant de manière détaillée lesdits griefs à plusieurs reprises, ce qui démontrerait qu’elle avait pleinement connaissance des éléments de fait et de droit et qu’elle était en possession des indications requises pour défendre ses droits.

Appréciation du Tribunal

37
Il ressort d’une jurisprudence constante, d’une part, que, en vertu de l’article 253 CE, la motivation d’un acte doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’autorité communautaire, auteur de l’acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d’exercer son contrôle et, d’autre part, que la portée de l’obligation de motivation s’apprécie en fonction de son contexte (arrêts du Tribunal du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, T-551/93, T-231/94 à T-234/94, Rec. p. II-247, point 140; du 12 octobre 1999, Conserve Italia/Commission, T-216/96, Rec. p. II-3139, ci-après l’«arrêt Conserve Italia I», point 117, et du 11 mars 2003, Conserve Italia/Commission, T-186/00, Rec. p. II-719, ci-après l’«arrêt Conserve Italia II», point 95).

38
Il y a lieu de rappeler également que la jurisprudence exige que la motivation requise par l’article 253 CE soit adaptée à la nature de l’acte en cause (arrêt de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, point 71). À cet égard, la motivation d’une décision, comportant des conséquences graves pour le bénéficiaire d’un concours communautaire, doit faire clairement apparaître les motifs qui justifient la mesure adoptée contre lui par l’administration (arrêts du Tribunal du 6 décembre 1994, Lisrestal e.a./Commission, T-450/93, Rec. p. II-1177, point 52, et du 29 septembre 1999, Sonasa/Commission, T-126/97, Rec. p. II-2793, point 65).

39
C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner la motivation de la décision attaquée.

2. Sur les considérants 7 à 9 de la décision attaquée concernant les factures témoignant des travaux anticipés

Arguments des parties

40
La requérante soutient, en ce qui concerne les considérants 7 à 9 de la décision attaquée selon lesquels des factures témoigneraient d’installations et de travaux de construction effectués avant la date de réception de la demande de concours par la Commission, que la lettre du 22 mai 1995 d’ouverture de la procédure d’infraction ne contient que de vagues références renvoyant à la liste de factures contenue à l’annexe 6, point 1, du procès-verbal, mentionnant neuf factures. Dans la lettre du 28 octobre 1996 relative au calcul de la réduction du concours, la Commission semblerait toutefois focaliser le grief sur seulement trois d’entre elles.

41
La requérante fait valoir, en outre, que cette lettre du 28 octobre 1996 ne remplit pas non plus l’exigence de motivation. D’une part, elle remonterait à quatre années avant l’adoption de la décision attaquée et, d’autre part, elle n’aurait pas établi définitivement les irrégularités constatées et, de plus, elle s’inscrirait dans le contexte plus large des remarques faites par la Commission dans le procès-verbal, où elle aurait identifié plus de 77 factures irrégulières. Dès lors, ces circonstances ne permettraient pas de conclure que seulement ces trois factures sont à la base de la décision attaquée. De plus, le principe de la motivation par renvoi, admis par la jurisprudence communautaire (arrêts du Tribunal du 12 juin 1997, Tiercé Ladbroke/Commission, T-504/93, Rec. p. II-923, point 54, et du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T-65/96, Rec. p. II-1885, point 51), ne pourrait être invoqué en l’espèce, si l’on considère que la décision attaquée ne contiendrait aucun renvoi à la lettre en question.

42
La Commission souligne que la lettre du 28 octobre 1996 a clairement identifié les trois factures qui témoignent du début anticipé des travaux (à savoir, les factures Berletti n° 30, du 24 juillet 87, Casearmeccanica n° 260, du 30 juillet 87, et Izoteca n° 136, du 23 juillet 87), comme l’indique le considérant 21 de la décision attaquée.

Appréciation du Tribunal

43
Il y a lieu de relever que le grief visé aux considérants 7 à 9 de la décision attaquée n’énumère pas les factures spécifiquement contestées dans le cadre de ce grief. La décision attaquée indique toutefois, au considérant 21, que la Commission a envoyé, en date du 28 octobre 1996, la copie des trois factures témoignant du début anticipé.

44
Or, il ressort explicitement de la lettre du 28 octobre 1996, relative au calcul de la réduction du concours, que la Commission a uniquement considéré les factures Berletti n° 30, du 24 juillet 1987, Casearmeccanica n° 260, du 30 juillet 1987, et Izoteca n° 136, du 23 juillet 1987, correspondant à des achats et à des travaux de construction, comme témoignant de cette installation anticipée. Cette précision est également reprise dans l’annexe 1, point 1, de cette lettre, contenant le détail du calcul de la réduction. Dès lors, dans la mesure où le considérant 21 de la décision attaquée se réfère exclusivement aux «trois factures témoignant du début anticipé», la requérante a disposé d’éléments suffisants pour identifier les trois factures à la base des considérants 7 à 9 de la décision attaquée et pour contester, en connaissance de cause, l’irrégularité reprochée.

45
Cette appréciation ne peut être infirmée par l’argument de la requérante, selon lequel cette lettre remonterait à quatre ans avant l’adoption de la décision attaquée et n’aurait pas établi définitivement les irrégularités constatées. Dans la mesure où cette lettre contient le calcul de la réduction du concours communautaire que la Commission a effectivement appliqué dans la décision attaquée, rien n’a permis à la requérante de supposer que les factures contestées, identifiées lors dudit calcul, ont fait l’objet, par la suite, d’une quelconque modification. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, dans ses observations complémentaires du 11 novembre 1996, la requérante a produit une expertise relative exclusivement aux trois factures visées par la lettre du 28 octobre 1996 et que, dans sa requête, la requérante a uniquement contesté l’irrégularité des trois factures, en se fondant précisément sur les termes de ladite lettre. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, on ne saurait nier qu’elle a disposé d’éléments suffisants pour contester, en connaissance de cause, l’irrégularité reprochée.

46
Partant, il y a lieu de rejeter l’argument du défaut de motivation pour ce qui est du grief visé aux considérants 7 à 9 de la décision attaquée.

3. Sur le considérant 10 de la décision attaquée concernant les factures qui, bien qu’imputées à l’établissement d’Alseno, ne concerneraient pas ce centre

Arguments des parties

47
La requérante soutient, pour ce qui est du considérant 10 de la décision attaquée, selon lequel certaines factures, bien qu’imputées à l’établissement d’Alseno, ne concernaient pas en réalité ce centre, que les références faites par la Commission dans son mémoire en défense au procès-verbal ne suffisent pas pour identifier les factures en cause. Ce document ne constaterait qu’une irrégularité présumée qui aurait dû, par la suite, être reprochée formellement à la bénéficiaire.

48
La Commission fait valoir dans ses mémoires en défense et en duplique que le grief visé à ce considérant ne peut logiquement se référer qu’aux neuf factures spécifiquement énumérées à l’annexe 6, point 1, du procès-verbal, et que rien n’a permis à la requérante de supposer que ce grief ait subi, par la suite, une quelconque modification par rapport à celui opposé à la bénéficiaire lors de l’inspection et dans la lettre du 22 mai 1995 concernant l’ouverture de la procédure de suppression.

49
Néanmoins, la Commission a soutenu, lors de l’audience, en réponse aux questions du Tribunal, que le considérant 10 visait exclusivement les factures Comar n° 3012 et la facture Line Switch n° 1466, citées textuellement à l’annexe 1, point 3, de la lettre du 28 octobre 1996 relative au calcul de la réduction du concours.

Appréciation du Tribunal

50
Il convient de constater, d’emblée, que le considérant 10 de la décision attaquée, selon lequel certaines factures, bien qu’imputées à l’établissement d’Alseno, ne concernaient pas en réalité ce centre, n’identifie pas les factures en cause.

51
En ce qui concerne le contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, il résulte du dossier que l’annexe 6, point 1, du procès-verbal a identifié neuf factures considérées comme irrégulières pour ce qui est de l’établissement d’Alseno, à savoir:

la facture FMI n° 1938, du 31 mai 1988;

la facture FMI n° 2917, du 30 juillet 1988;

la facture FMI n° 74, du 30 janvier 1988;

la facture Zaninox n° 2043, du 30 août 1989;

la facture FMI n° 3045, du 31 août 1988;

la facture Tecnotubi n° 234, du 29 juillet 1988;

la facture FMI n° 3541, du 30 septembre 1987;

la facture Cimme n° 1813, du 4 septembre 1987;

la facture Line Switch n° 1466, du 16 décembre 1987.

52
En outre, la lettre du 22 mai 1995 d’ouverture de la procédure de suppression a énoncé ce grief en renvoyant à l’inspection effectuée le 26 septembre 1994 et, partant, aux factures contenues dans ladite liste. Par ailleurs, la requérante a fait valoir au cours de la procédure administrative la régularité desdites neuf factures.

53
Toutefois, dans sa lettre du 28 octobre 1996, relative au calcul de la réduction du concours, la Commission a explicitement visé deux factures imputées erronément à l’établissement d’Alseno (factures Comar n° 3012, du 28 juillet 1988, et Line Switch n° 1466, du 16 décembre 1987), en précisant à cet égard qu’il s’agissait là de factures «autres que celles faisant partie de la sous-rubrique ‘département de légumes au naturel’». Or, outre le fait qu’il ne ressort pas de cette lettre que les neuf factures initialement contestées lors de l’inspection sont encore visées dans le cadre de ce grief – mise à part la facture Line Switch n° 1466 –, il y a lieu de noter que la Commission inclut dans le calcul de la réduction, sans fournir aucune explication, la facture Comar n° 3012, qui ne figure pas dans la liste de l’annexe 6, point 1, du procès-verbal et qui, d’après le dossier, n’a jamais été invoquée au cours de la procédure administrative à l’encontre de la requérante.

54
Lors de l’audience, la Commission a exposé, en réponse aux questions du Tribunal, que les factures imputées dans le cadre de ce grief ont changé au cours de la procédure administrative et a affirmé que le considérant 10 ne visait que les deux factures explicitement indiquées à l’annexe 1, point 3, de la lettre du 28 octobre 1996, à l’exclusion de toute autre facture. Or, ces affirmations ne sont étayées par aucun élément du dossier et sont directement contredites par les allégations de la Commission dans ses mémoires en défense (point 42) et en duplique (point 14), où elle a clairement soutenu que les factures visées à ce considérant étaient les neuf factures énumérées à l’annexe 6, point 1, du procès-verbal et qu’aucun élément ne permettait à la requérante de supposer que ce grief avait, par la suite, fait l’objet de modifications.

55
Dès lors, on ne saurait déterminer, sur la base du dossier ou du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, les factures contestées au considérant 10 de la décision attaquée, la Commission n’ayant pas même réussi à préciser clairement devant le Tribunal les factures visées audit considérant. Partant, c’est à juste titre que la requérante a affirmé qu’elle n’a pas été en mesure d’identifier les factures en cause et de contester convenablement l’irrégularité reprochée.

56
Il s’ensuit que le considérant 10 de la décision attaquée est entaché d’un défaut de motivation.

4. Sur le considérant 11 de la décision attaquée concernant l’achat d’équipements non prévus dans le projet approuvé

Arguments des parties

57
La requérante fait valoir, en ce qui concerne le considérant 11, selon lequel des équipements destinés à la récolte des produits de base du sol non prévus dans le projet approuvé ont été achetés, que les références faites par la Commission aux observations qu’elle a présentées au cours de la procédure administrative ne constituent pas une motivation adéquate.

58
La Commission soutient que les circonstances décrites au considérant 11 ont permis à la requérante de déterminer avec précision les équipements litigieux, ainsi qu’il ressort des observations présentées par la requérante, au cours de la procédure administrative et dans sa requête, qui s’est toujours référée à l’acquisition de deux machines d’écossage de petits pois.

Appréciation du Tribunal

59
Il convient de relever que le considérant en cause n’identifie pas non plus les machines dont l’achat est contesté. Il résulte, toutefois, du contexte de la décision attaquée que la requérante a été en mesure, comme elle l’a reconnu lors de l’audience, de déterminer les équipements en cause et de comprendre le raisonnement sur lequel se fonde le grief soulevé par la Commission.

60
D’une part, dans la lettre d’ouverture de la procédure de suppression adoptée le 22 mai 1995, la Commission a reproché à la bénéficiaire l’acquisition de matériels destinés à la récolte de produits de base du sol non prévus initialement. Or, dans les observations présentées le 3 août 1995, la requérante a indiqué expressément que le grief retenu dans cette lettre du 22 mai 1995 concernait l’achat de deux machines d’écossage pour petits pois qui n’avait pas été inséré dans le projet initial présenté à la Commission. Par ailleurs, le détail des documents justificatifs des dépenses du projet signé par la requérante, annexé au certificat de finalisation des travaux émis par les autorités italiennes le 9 février 1991 et annexé aux observations de la requérante, présente, comme première dépense effective, l’achat de deux machines d’écossage de petits pois, correspondant à la facture FMC n° 159, du 23 février 1989, d’un montant de 641 341 800 ITL.

61
D’autre part, l’annexe 1, point 2, de la lettre du 28 octobre 1996 relative au calcul de la réduction du concours, cite expressément la facture FMC n° 159, du 23 février 1989, d’un montant de 641 341 800 ITL, comme correspondant à l’achat des machines destinées à la récolte des produits du sol non prévues dans le projet. Or, cette facture coïncide exactement avec celle indiquée par la requérante dans le détail figurant dans les annexes à ses observations du 3 août 1995.

62
Il s’ensuit que la requérante a disposé d’éléments suffisants pour identifier les équipements à la base de ce considérant et contester, en connaissance de cause, l’irrégularité reprochée. Par ailleurs, la requérante s’est référée expressément dans sa requête (point 50) aux deux machines écosseuses contestées et identifiées au cours de la procédure administrative, ce qui ôte tout fondement à la thèse du défaut de motivation avancée par la requérante concernant ce grief.

63
Partant, il y a lieu de rejeter le moyen tiré du défaut de motivation avancé par la requérante pour ce qui est du grief visé au considérant 11 de la décision attaquée.

5. Conclusion

64
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la décision attaquée satisfait aux exigences de motivation pour ce qui est des considérants 7 à 9 et 11. En revanche, le grief visé au considérant 10 de la décision attaquée est entaché d’un défaut de motivation.

65
Partant, le moyen tiré du défaut de motivation est partiellement fondé, en ce qui concerne le considérant 10 de la décision attaquée, et doit être rejeté comme non fondé pour le surplus.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation et de l’interprétation erronée du point 5.3 des notes explicatives, du point I.10 de la Communication de 1983 et du point B.1, paragraphe 5, sous b), du document de travail en ce qui concerne les considérants 7 à 9 de la décision attaquée

66
La requérante soutient que la Commission a estimé à tort que les factures visées aux considérants 7 à 9 de la décision attaquée démontraient que plusieurs investissements du projet financé contrevenaient, en raison de leur exécution anticipée, au point 5.3 des notes explicatives et au point I.10 de la Communication de 1983.

67
Le présent moyen est divisé en deux branches. La première branche est tirée de l’interprétation erronée du point 5.3 des notes explicatives et du point I.10 de la Communication de 1983 concernant la date à prendre en considération pour déterminer si les travaux ont commencé prématurément. La seconde branche est fondée sur l’interprétation erronée du point B.1, paragraphe 5, sous b), du document de travail concernant la possibilité d’effectuer des acquisitions et des travaux avant la demande de concours.

1. Sur la première branche du deuxième moyen

Arguments des parties

68
La requérante fait valoir que la Commission a erronément interprété le cadre réglementaire régissant la matière en cause, du fait qu’elle affirme que la bénéficiaire a réalisé des investissements prématurés, en se basant, en vertu du point 5.3 des notes explicatives, sur la date de réception par la Commission de la demande, le 17 juillet 1987, au lieu de prendre en considération la date de présentation de la demande, à savoir le 22 mai 1987.

69
À cet égard, la requérante rappelle que le point I.10 de la Communication de 1983 et le point B.1, paragraphe 5, sous b), du document de travail établissent clairement que la date à prendre en considération est celle de la «présentation» de la demande et non celle de la «réception» de la demande. Ces deux dispositions constitueraient le seul cadre réglementaire d’application du règlement n° 355/77, et non le point 5.3 du formulaire de demande de concours, qui ne serait pas une véritable norme, mais une précision contenue dans un fac-similé de formulaire pour l’introduction des demandes.

70
La requérante fait valoir, en outre, que l’arrêt Conserve Italia II ne s’est pas prononcé explicitement sur la question de la date pertinente quant au début des travaux. Dans un tel cas, le Tribunal aurait privilégié les termes du règlement n° 2515/85 (articles 1er et 2) et du règlement n° 355/77 (article 13), qui se réfèrent toujours à la «présentation», à la «transmission» ou à l’«introduction» de la demande et non pas à la réception de celle-ci.

71
La requérante soutient que cette remarque a une portée décisive en l’espèce. Les trois factures critiquées, ayant été immédiatement présentées après l’achèvement des travaux, seraient datées du 24 juillet 1987 (Berletti n° 30), du 30 juillet 1987 (Casearmeccanica n° 260) et du 23 juillet 1987 (Izoteca n° 135), ce qui démontrerait que les travaux ont été exécutés après la date de présentation de la demande de financement par la bénéficiaire le 22 mai 1987, et même après la date de la réception de celle-ci par la Commission le 17 juillet 1987. Par ailleurs, la référence à la date de réception figurant dans la déclaration contenue dans l’annexe 4 du procès-verbal n’aurait aucune importance, puisqu’il s’agirait d’une référence faite de bonne foi par la requérante à la date indiquée par la Commission.

72
La Commission estime que la thèse de la requérante est dénuée de fondement. D’une part, il n’existerait aucune contradiction entre les dispositions réglementaires en cause, dans la mesure où le point I.10 de la Communication de 1983 se référerait effectivement à la «présentation», mais à la présentation des demandes de concours par les autorités des États membres – qui agissent comme intermédiaires des demandeurs – à la Commission. Dès lors, l’engagement visé au point 5.3 des notes explicatives équivaudrait à celui du point I.10 de la Communication de 1983. D’autre part, la requérante aurait admis, lors de la procédure administrative, que la date pertinente était non pas celle de la présentation, mais celle de la réception de la demande de concours par la Commission.

Appréciation du Tribunal

73
La condition selon laquelle le projet ne doit pas être commencé avant la date de réception de la demande de concours par la Commission ressort du point 5.3 des notes explicatives, où il est précisé que «les projets commencés avant que la demande soit parvenue à la Commission ne peuvent pas recevoir de concours». Ce point est corroboré par le point 5.3 du formulaire de demande de concours (formulaire de l’annexe A, première partie, du règlement n° 2515/85), qui contient l’engagement du demandeur du concours de ne pas commencer les travaux avant réception de la demande de concours par le FEOGA. Partant, en signant le formulaire de demande de concours, la requérante s’est engagée à ne pas commencer les travaux avant la «réception» par la Commission de la demande de concours.

74
À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, qu’il a été déjà jugé que les indications contenues dans ce formulaire de demande de concours ont la même efficacité juridique que celle des dispositions du règlement auquel le formulaire est annexé, à savoir le règlement n° 2515/85 (arrêts Conserve Italia I, point 61, et Conserve Italia II, point 58). Dès lors, l’argument de la requérante tiré de l’absence de portée normative de l’engagement visé au point 5.3 du formulaire de la demande de concours ne peut être retenu.

75
Dans l’arrêt Conserve Italia II (point 62), le Tribunal s’est prononcé sur l’inexistence de contradiction entre les dispositions régissant la matière en cause en ce qui concerne la date pertinente pour apprécier le caractère prématuré des travaux.

76
Ainsi, la référence faite par le point I.10 de la Communication de 1983 à la «présentation de la demande à la Commission» et celle contenue au point B.1, paragraphe 5, sous b), du document de travail à la «présentation de la demande de concours» ne contredisent pas, comme il a été jugé, la référence faite par le point 5.3 des notes explicatives au moment où «la demande [parvient] à la Commission». Il n’y a pas non plus de contradiction entre ces dispositions et la référence faite par le point 5.3 du formulaire de la demande de concours au moment de la «réception de la demande de concours par le FEOGA». Toutes ces références se comprennent nécessairement comme une référence à la date de réception par la Commission de la demande de concours qui lui est transmise par les autorités nationales compétentes.

77
L’argument avancé par la requérante, selon lequel les articles 1er et 2 du règlement n° 2515/85 et l’article 13 du règlement n° 355/77 se réfèrent à la présentation de la demande de concours et non à la réception de celle-ci, n’est pas de nature à remettre en cause cette appréciation. L’article 1er du règlement n° 2515/85 se réfère aux demandes de concours «à présenter à partir du 1er mai 1985» et l’article 2 dudit règlement aux demandes «transmises […] aux autorités nationales compétentes en vue de l’introduction au FEOGA». En outre, l’article 13 du règlement n° 355/77 établit que les demandes de concours du Fonds «doivent être introduites par l’intermédiaire de l’État membre intéressé avant le 1er mai». Or, outre le fait qu’il s’agit de dispositions normatives sans aucun rapport avec l’engagement en question, ces dispositions ne contredisent pas le fait que ce sont les autorités nationales compétentes qui introduisent les demandes de concours auprès de la Commission et, par conséquent, que cette date d’introduction des demandes doit se comprendre également comme la date de réception de celles-ci par la Commission.

78
Par ailleurs, comme l’a relevé la Commission à juste titre, la bénéficiaire s’est référée expressément à la date de «réception» de la demande de concours dans la déclaration spontanée qu’elle a présentée lors du contrôle concernant les travaux qui auraient été effectués prématurément et qui a été jointe à l’annexe 4 du procès-verbal. Dès lors, la circonstance selon laquelle les factures contestées sont datées du 23 au 30 juillet 1987 et qu’elles ont été immédiatement présentées après l’achèvement des travaux est sans intérêt, la requérante ayant reconnu explicitement dans ladite déclaration que les travaux correspondant à ces factures étaient antérieurs à la date du 17 juillet 1987.

79
Par conséquent, la Commission a correctement interprété les notes explicatives et la Communication de 1983 en estimant que la date à prendre en considération pour le début des travaux était celle de la réception de la demande de concours par la Commission et que, dès lors, les travaux effectués par la requérante étaient prématurés.

80
Dès lors, il y a lieu d’écarter la première branche du deuxième moyen.

2. Sur la seconde branche du deuxième moyen

Arguments des parties

81
La requérante prétend que, en tout état de cause, la Commission a erronément interprété le point B.1, paragraphe 5, sous b), du document de travail, attendu que les travaux préparatifs et accessoires visés dans les factures contestées ne constituent pas des travaux commencés avant la présentation de la demande au titre de la réglementation communautaire.

82
Selon la requérante, cette disposition permet de procéder à l’acquisition préalable de machines et de matériel de construction à condition que leur montage et leur installation n’aient pas lieu avant la présentation de la demande de concours à la Commission. Partant, cette règle autoriserait l’achat de matériels à la condition qu’ils ne soient pas rendus opérationnels, ce qui inclurait les installations et machines qui, bien que montées, auraient besoin d’être assemblées à d’autres composants pour pouvoir fonctionner.

83
En l’espèce, les trois factures visées aux considérants 7 à 9 concerneraient des travaux préparatoires et accessoires et des équipements complémentaires à l’installation de la ligne de remplissage et de sertissage destinée à la transformation de haricots et de petits pois, livrée le 31 juillet 1987, conformément au bulletin n° 482 de l’entreprise Zacmi. Étant donné que ces équipements n’auraient pas eu de fonctionnalité autonome jusqu’à la livraison et l’assemblage avec la ligne de production en question, les travaux préparatoires devraient être considérés comme autorisés d’après les termes du point B.1, paragraphe 5, sous b), du document de travail.

84
La déclaration de M. Padoin du 26 septembre 1994 jointe au procès-verbal confirmerait cette appréciation, dans la mesure où elle se référerait à la «livraison» de matériels et d’équipements avant la date de réception de la demande par la Commission le 17 juillet 1987, et non au montage, à l’assemblage ou à l’incorporation de ces matériels. Ainsi, il ressortirait de la déclaration que les matériels acquis ont uniquement été utilisés pour des travaux accessoires en vue de préparer la zone destinée à la nouvelle ligne de remplissage et de sertissage. La déclaration sur laquelle la Commission a notamment fondé la décision attaquée affirmerait sans hésitation que l’assemblage, l’installation et la mise en service des achats ont eu lieu après le 31 juillet 1987, lors de la livraison de la ligne de production par le groupe Zacmi.

85
La Commission soutient que l’interprétation du document de travail proposée par la requérante n’est pas fondée. D’une part, cette interprétation serait en contradiction flagrante avec le libellé du point B.1, paragraphe 5, sous b), du document de travail, qui prévoirait des exceptions uniquement applicables lorsque le demandeur respecte certaines conditions, telles que l’exigence de ne pas effectuer le «montage». Or, la requérante, aurait reconnu en l’espèce que les machines avaient déjà été montées. D’autre part, cette disposition constituerait une exception et, partant, elle devrait faire l’objet d’une interprétation restrictive.

Appréciation du Tribunal

86
La requérante soutient que la Commission a erronément interprété le point B.1, paragraphe 5, du document de travail dans la mesure où les travaux visés par les trois factures contestées dans la lettre du 28 octobre 1996 ne constituent pas des travaux réalisés avant la présentation de la demande de concours au titre de l’exception prévue dans le document de travail.

87
Il convient de vérifier, à titre préalable, la nature et le degré de réalisation des travaux qui auraient été exécutés prématurément par la bénéficiaire.

88
S’agissant de la facture Berletti n° 30, du 24 juillet 1987, il ressort de son objet qu’elle concerne des «[t]ravaux de préparation pour l’installation de la nouvelle ligne de remplissage de petits pois». Par ailleurs, l’expertise sous serment effectuée le 5 novembre 1996 précise que ces travaux ont consisté en la réparation du dallage et des canalisations d’évacuation détériorés par l’usage et le temps «exécutés pour accueillir la ligne de transformation préexistante et pouvaient en toute hypothèse également servir à la réalisation du projet d’amélioration prévu».

89
La facture Casearmeccanica n° 260, du 30 juillet 1987, vise la «mise en place de la nouvelle ligne de remplissage de petits pois», la «construction et [le] montage de rubans de convoyage des boîtes vides à partir du dépalettiseur jusqu’à la remplisseuse» et l’«installation de la ligne de boîtes pleines vers le stérilisateur». En outre, l’expertise du 5 novembre 1996 indique que les travaux ont consisté en la reconstruction en acier inox des transporteurs à tapis roulant ou à câbles détériorés, à l’occasion de l’interruption annuelle de la ligne, et que «les tapis roulants ainsi modifiés pour la ligne existante ont été ensuite installés sur la nouvelle ligne avec laquelle ils étaient compatibles, dans la mesure où sa disposition n’avait pas été modifiée».

90
Enfin, la facture Izoteca n° 136, du 23 juillet 1987, porte sur la «construction et [le] montage des carters de protection estrade pour les appareils de la nouvelle ligne de remplissage de petits pois» et le «montage du vis d’Archimède d’extraction de petits pois». À cet égard, l’expertise du 5 novembre 1996 signale que les travaux ont consisté en le renouvellement des carters de sécurité sur les machines et des passerelles dégradées, en les reconstruisant en acier inox, et que ces carters, «qui servaient à la ligne existante, ont été ensuite utilisés dans l’installation de la nouvelle ligne».

91
Il résulte de la description des factures et de l’expertise exposées ci-dessus que ces travaux ont effectivement comporté, comme l’a admis la requérante, des travaux effectifs d’installation et de montage sur place.

92
Cette appréciation est d’ailleurs confirmée par la déclaration du 26 septembre 1994 jointe au procès-verbal, qui précise explicitement que «toute une série de travaux accessoires ont été effectués», que «des équipements complémentaires ont été achetés et installés» et que «certains d’entre eux ont été construits à l’avance dans l’établissement […] afin de les rendre aptes à l’installation rapide après la livraison du groupe Zacmi (exemples: tronçons de transporteur à câbles, tronçons de tuyaux, carters de protection et tronçons de transporteur à tapis roulant, etc.)». Or, les travaux et matériels cités dans ladite déclaration coïncident avec ceux visés par les factures et l’expertise en cause. Dès lors, la thèse de la requérante, selon laquelle les termes de cette déclaration démontreraient que lesdites factures se référaient uniquement à la «livraison» de matériels et d’équipements avant le 17 juillet 1987 et non au montage ou à l’incorporation de ces matériels et équipements, ne peut être retenue.

93
Il ressort également des indications fournies par l’expertise, reproduites ci-dessus, que les matériels et travaux visés par les factures Casearmeccanica n° 260 et Izoteca n° 136 ont eu une fonctionnalité sur la ligne préexistante et que les travaux visés par la facture Berletti n° 30 ont également profité à la ligne préexistante avant la livraison du groupe Zacmi. Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, il y a lieu de relever que ces équipements accessoires ont été rendus opérationnels avant la livraison et l’assemblage avec la ligne de remplissage Zacmi, le 31 juillet 1987.

94
Partant, la thèse de la requérante manque en fait.

95
En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que l’exception prévue au point B.1, paragraphe 5, sous b), du document de travail autorise l’achat de matériels de construction à la condition que «le montage, l’installation, l’incorporation, et les travaux sur place en ce qui concerne le matériel de construction n’aient pas eu lieu avant la présentation de la demande de concours». Partant, cette disposition autorise l’achat des matériels à condition qu’ils n’aient pas fait l’objet de travaux sur place ou d’un montage, sans faire de distinctions selon l’éventuel caractère secondaire des matériels achetés et des travaux effectués, ou selon que lesdits matériels doivent être assemblés avec d’autres équipements ou non pour leur fonctionnement.

96
Dès lors, toute exception étant d’interprétation restrictive, l’interprétation proposée par la requérante ne peut, en aucun cas, être accueillie.

97
Par conséquent, la Commission a correctement interprété le point B.1, paragraphe 5, du document de travail en estimant que les travaux effectués par la bénéficiaire ne remplissaient pas les conditions prévues par cette disposition. Dès lors, la seconde branche du deuxième moyen doit être écartée.

98
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter dans son ensemble le deuxième moyen invoqué par la requérante.

Sur le troisième moyen, tiré d´une appréciation erronée des éléments de fait visés aux considérants 10 et 11 de la décision attaquée

99
La requérante invoque une appréciation erronée des éléments de fait visés, d’une part, au considérant 10 de la décision attaquée, selon lequel certaines factures, bien qu’imputées à l’établissement d’Alseno, ne concernaient pas en réalité ce centre, et, d’autre part, au considérant 11 de la décision attaquée, selon lequel des équipements, destinés à la récolte des produits de base du sol qui n’étaient pas prévus dans le projet approuvé par la Commission, ont été achetés.

1. Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’irrégularités au considérant 10 de la décision attaquée

100
La requérante prétend que le grief rapporté par la Commission au considérant 10 de la décision attaquée ne correspond pas à la réalité, étant donné que les neuf factures litigieuses imputées à Alseno ne concernaient pas «uniquement» d’autres établissements, comme le soutient erronément la défenderesse, mais se rapportent également au centre d’Alseno.

101
Comme il a été jugé ci-dessus aux points 50 à 56, le considérant 10 de la décision attaqué est entaché d’un défaut de motivation. Dès lors, le Tribunal n’a pas à se prononcer sur la question de savoir si la Commission a commis une appréciation erronée des faits visés audit considérant.

2. Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée d’irrégularités au considérant 11 de la décision attaquée

Arguments des parties

102
La requérante soutient que le grief visé au considérant 11 de la décision attaquée, selon lequel elle aurait acheté des équipements destinés à la récolte des produits de base du sol, non prévus dans le projet approuvé par la décision d’octroi, lui est inopposable, car il n’était pas exposé dans le procès-verbal. La Commission l’aurait uniquement évoqué dans la lettre d’ouverture de la procédure administrative du 22 mai 1995

103
La requérante soutient que, en tout état de cause, le grief se base sur une appréciation erronée des faits, étant donné que l’achat des deux machines d’écossage auxquelles se réfère supposément la Commission a été inséré dans le projet adressé au gouvernement italien en vue de l’obtention de la fraction de la subvention nationale, et non dans le projet adressé à cette institution. Par conséquent, la Commission n’aurait versé aucun concours pour l’acquisition de ces machines et, dès lors, elle ne saurait légitimement demander son remboursement par le biais d’une réduction du concours octroyé.

104
La requérante fait également valoir que, en toute hypothèse, le concours versé a représenté effectivement 24,9 % du montant total des dépenses engagées par la bénéficiaire dans le projet approuvé par la Commission (3 280 387 000 ITL). Partant, le pourcentage de 25 % établi par le règlement n° 355/77 aurait été parfaitement respecté.

105
La Commission relève que la thèse de la requérante tirée de l’inopposabilité du grief visé au considérant 11 est sans pertinence aux fins de l’examen de la légalité de la décision attaquée, dans la mesure où l’irrégularité en cause a été correctement relevée dans la lettre d’ouverture de la procédure administrative du 22 mai 1995.

106
En outre, la Commission fait valoir que les arguments de fond avancés par la requérante sont dénués de fondement. Selon la Commission, l’inclusion ultérieure de ces deux machines dans le projet, même si elles ne faisaient pas partie du projet initialement approuvé par la Commission, l’a induite en erreur, en l’incitant à verser à la bénéficiaire un montant supérieur au plafond de 25 % des coûts éligibles pouvant accorder le Fonds, à savoir un financement équivalant à environ 26 % de l’investissement. Si la bénéficiaire avait attiré l’attention de la Commission sur ce fait, la défenderesse aurait pu redimensionner le concours et le ramener dans les limites prévues dans la décision d’octroi.

Appréciation du Tribunal

107
S’agissant de la question de savoir si la Commission pouvait retenir, dans la décision attaquée, le grief visé au considérant 11, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental de droit communautaire qui doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce principe exige que les destinataires de décisions, qui affectent de manière sensible leurs intérêts, soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C-32/95 P, Rec. p. I-5373, point 21).

108
En l’espèce, il ressort du dossier que la requérante a été régulièrement entendue avant l’adoption de la décision attaquée, au sujet du grief visé au considérant 11 de la décision attaquée. En effet, dans sa lettre du 22 mai 1995 d’ouverture de la procédure de suppression, la Commission a effectivement communiqué et reproché à la requérante que «des matériels destinés à la récolte des produits de base du sol, non prévus initialement, ont été achetés et que ces achats n’ont pas fait l’objet de la dérogation prévue aux articles 5 et 6 du règlement (CEE) n° 355/77», en l’informant que, conformément à l’article 6 du règlement (CEE) n° 1685/78 de la Commission, du 11 juillet 1978, relatif aux modalités d’exécution des décisions de concours du FEOGA, section «Orientation», pour des projets d’amélioration des conditions de transformation et commercialisation des produits agricoles (JO L 197, p. 1), elle était invitée à présenter ses observations. Il ressort également du dossier que la requérante a présenté, par la suite, des observations écrites datées du 3 août 1995, du 22 septembre 1995, du 27 février 1996 et du 11 novembre 1996, ainsi que des observations orales le 19 janvier 1996 et le 22 octobre 1996, sur les griefs énoncés par la Commission dans cette lettre.

109
Dès lors, cet acte du 22 mai 1995 étant l’énoncé des griefs soulevés par la Commission à l’encontre de la requérante et celle-ci ayant présenté ses observations à plusieurs reprises, il y a lieu de constater qu’elle a été pleinement en mesure de faire connaître utilement, dès la procédure administrative, son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits allégués par la Commission dans le cadre de ce grief. Partant, la lettre d’ouverture de la procédure a correctement énoncé le grief visé au considérant 11 de la décision attaquée.

110
En deuxième lieu, en ce qui concerne les circonstances de fait visées audit considérant, il ressort du dossier que ce grief concerne l’acquisition de deux machines d’écossage qui n’étaient pas prévues dans le projet initial approuvé par la Commission et qui ont été insérées, par la suite, dans le projet. À cet égard, la requérante soutient que la Commission a erronément estimé que, en ne communiquant pas cette incorporation, le montant du concours communautaire versé avait été mal calculé, dépassant le plafond du 25 % à accorder par le Fonds et que, par conséquent, cette circonstance constituait une irrégularité donnant lieu à la réduction du concours.

111
L’article 17, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 355/77 dispose que, «[p]our chaque projet, par rapport à l’investissement réalisé […] la subvention accordée par le Fonds est au plus égale à 25 %».

112
Il découle de l’annexe B de la demande de concours de la requérante que le projet initial présenté et approuvé par la Commission, d’un montant total de 3 280 387 000 ITL et pour lequel le concours a été octroyé, ne prévoyait pas l’achat d’une quelconque machine d’écossage pour les petits pois. Il résulte également de l’article 1er de la décision d’octroi que la Commission a accordé à la bénéficiaire un concours communautaire d’un montant maximal de 819 321 930 ITL (25 %), aux fins d’un investissement total de 3 280 387 000 ITL, et qu’elle a expressément indiqué, au point A.3 de l’annexe de la décision d’octroi, que, «dans le cas où, dans la réalisation du projet, il y a[urait] des réductions des coûts originairement admis, le montant du concours sera[it] réduit en proportion».

113
Enfin, il ressort du formulaire «modèle 4» du détail des dépenses effectivement encourues par le projet, signé par la bénéficiaire, joint au certificat de finalisation des travaux du 9 février 1991 et annexé aux observations de la requérante du 3 août 1995, que la requérante a effectué, en février 1989, l’achat de deux machines d’écossage de petits pois d’un montant de 641 341 800 ITL. Le formulaire quantifie le coût total des dépenses du projet à 3 880 600 443 ITL.

114
Il résulte de ces documents que le coût des deux machines d’écossage de petits pois n’a pas été inclus dans le projet présenté et approuvé par la Commission en décembre 1988. En conséquence, indépendamment du fait que le montant de ces achats a été postérieurement inclus dans le projet prétendument approuvé par les autorités italiennes dans le cadre du concours national, ce coût n’a pas été «originairement admis» dans le projet approuvé par la Commission.

115
Partant, comme l’affirme à juste titre la Commission, le montant total des investissements effectivement réalisés par la requérante, du point de vue du montant du concours communautaire, n’a pas été de 3 880 600 443 ITL (montant total des dépenses encourues), mais de 3 167 258 643 ITL, en déduisant le coût des deux machines non admis (à savoir 641 341 800 ITL) du montant total. Dès lors, étant donné que le concours versé (819 321 930 ITL) a été calculé sur le montant de 3 280 387 000 ITL et non sur le montant inférieur de 3 167 258 643 ITL, le financement communautaire a été de 26 % des dépenses admises dans le projet et, partant, la requérante a reçu un concours supérieur au plafond de 25 % des dépenses éligibles que peut accorder le Fonds.

116
Cette appréciation ne peut être remise en cause par l’argument de la requérante tiré du fait que la Commission n’aurait versé aucun concours pour l’acquisition de ces machines et que, dès lors, elle ne saurait légitimement lui opposer ce grief.

117
En effet, il ne ressort pas du dossier que la bénéficiaire ait notifié à la Commission l’achat des ces équipements et son inclusion dans le projet, contrairement à l’obligation de notification préalable des modifications du projet à laquelle elle était tenue en vertu de la lettre d’octroi du concours. Dès lors, dans la mesure où l’absence de communication de cette modification du projet a induit en erreur la Commission sur le concours communautaire à verser et a comporté le dépassement du plafond de 25 % visé par la réglementation communautaire, la requérante ne peut légitimement soutenir que la Commission n’est pas concernée par cette irrégularité.

118
Partant, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que l’inclusion de ce coût dans le projet approuvé constituait une circonstance pouvant donner lieu à la réduction du concours dans la proportion correspondant à ce montant.

119
En conséquence, il y a lieu de rejeter la seconde branche du troisième moyen, tirée d’une appréciation erronée des faits visés au considérant 11 de la décision attaquée.

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

Arguments des parties

120
La requérante prétend que la décision attaquée viole manifestement le principe de proportionnalité à deux égards.

121
Premièrement, la décision attaquée serait disproportionnée par rapport à la gravité et au faible montant des irrégularités reprochées. En effet, considérant que les griefs retenus par la Commission concerneraient, en toute hypothèse, les trois factures visées au considérant 7 ainsi que les factures visées au considérant 10 de la décision attaquée, la somme totale desdites factures s’élèverait uniquement à 31 043 085 ITL, ce qui représenterait 0,9 % de l’investissement approuvé. Or, la Commission a réduit le concours de 623 193 529 ITL, c’est-à-dire de plus de deux tiers du montant accordé et de plus de vingt fois le montant total des irrégularités reprochées, le principe de proportionnalité s’en trouvant clairement violé.

122
Deuxièmement, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte du fait que les irrégularités commises avaient été effectuées par une société autre que celle visée par la décision attaquée, de sorte que la mesure frapperait une personne étrangère aux faits en cause. Pour ce motif, la Commission aurait dû prendre en considération le fait que la décision attaquée ne serait en soi ni effective ni dissuasive, conformément aux termes établis par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, celle-ci étant clairement disproportionnée du point de vue de la société destinataire de la décision attaquée.

123
La Commission conteste le moyen comme étant dénué de tout fondement.

124
En premier lieu, l’affirmation de la requérante, selon laquelle la réduction du concours est disproportionnée par rapport aux irrégularités reprochées, ne serait pas fondée du fait que la Commission aurait précisément tenu compte de cette moindre gravité des irrégularités pour décider de la réduction du concours et non de sa suppression, en faisant ainsi preuve d’une volonté de ne pas la pénaliser excessivement.

125
En particulier, s’agissant des factures visées aux considérants 7 à 9 de la décision attaquée, la Commission soutient que, ainsi qu’il ressort de sa lettre du 28 octobre 1996, elle a adopté comme méthode de calcul de la réduction du concours la solution la plus favorable à la requérante. Ainsi, au lieu de réduire, comme d’habitude, le montant de l’ensemble des investissements inclus dans la rubrique du formulaire de la demande de concours où se situait l’irrégularité constatée – en l’espèce, la rubrique B.6.4.1 –, elle a uniquement réduit le montant des équipements mentionnés dans la sous-rubrique «département de légumes au naturel» de cette rubrique B.6.4.1, ce qui était plus avantageux pour la requérante.. En outre, cette méthode tiendrait correctement compte du rapport entre la gravité de l’infraction et la réduction adoptée. La différence entre le montant des irrégularités reprochées et le montant total de l’investissement proviendrait simplement de l’impossibilité de soustraire les travaux irréguliers contestés du lot d’investissements dans lequel ils s’insèrent.

126
En deuxième lieu, la Commission rappelle que le Tribunal a déjà établi que la requérante a acquis les droits et obligations de la bénéficiaire à la suite de l’acquisition de Massalombarda par le groupe Conserve et de son absorption postérieure (arrêt Conserve Italia I, point 107). Dès lors, la décision attaquée ne serait pas disproportionnée à son égard.

Appréciation du Tribunal

127
Il est de jurisprudence constante que le principe de proportionnalité, consacré par le troisième alinéa de l’article 5 CE, exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêt de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25; arrêts du Tribunal du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T-260/94, Rec. p. II-997, point 144; Conserve Italia I, point 101, et Conserve Italia II, point 83).

128
La requérante fait valoir que la décision litigieuse est disproportionnée par rapport à la gravité et au faible montant des irrégularités reprochées, considérant que ces irrégularités constituent 0,9 % de l’investissement approuvé et que la Commission a réduit le concours de 623 193 529 ITL, à savoir de plus de deux tiers du montant du concours communautaire accordé.

129
Il y a lieu de relever, tout d’abord, que l’article 24 du règlement n° 4253/88, tel que modifié par le règlement n° 2082/93, autorise la Commission à réduire le concours communautaire octroyé à un bénéficiaire quand la réalisation d’une action ou d’une mesure ne semble justifier qu’une partie du concours financier qui a été alloué, si l’examen approprié du cas confirme l’existence d’une irrégularité ou d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’action.

130
Il y a donc lieu d’examiner le calcul de la réduction effectué par la Commission en vue de vérifier si elle n’a pas dépassé, en l’espèce, les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but prévu par l’article 24 du règlement n° 4253/88.

131
Il ressort de l’annexe 1 de la lettre du 28 octobre 1996, concernant le calcul de la réduction du concours, que la Commission a d’abord calculé les montants des irrégularités constatées, qu’elle les a ensuite déduits du total des dépenses effectivement encourues par la bénéficiaire, pour obtenir le montant total des dépenses éligibles du projet et que, à partir de ces données, elle a enfin déterminé le montant du concours qui correspondrait à la requérante et le montant du concours octroyé à récupérer. Ainsi, sous la partie intitulée «montant des dépenses éligibles», la Commission a exposé que le montant de 3 880 600 443 ITL (correspondant aux dépenses totales de la bénéficiaire) était diminué des montants des irrégularités constatées (2 443 105 039 ITL pour ce qui est du grief visé aux considérants 7 à 9, 11 640 000 ITL concernant le grief visé au considérant 10 et 641 341 800 ITL pour le grief visé au considérant 11), et qu’il en résulte un total de 784 513 604 ITL des dépenses éligibles. Partant, le concours communautaire, constituant 25 % de ces dépenses éligibles, correspondrait à 196 128 401 ITL, et le montant à récupérer serait de 623 193 529 ITL (819 321 930 LIT - 196 128 401 ITL).

132
S’agissant du grief visé au considérant 10 de la décision attaquée concernant les factures imputées erronément à l’établissement d’Alseno, la Commission a réduit les parties des montants des factures considérées par elle comme irrégulières. Or, comme il a été jugé aux points 50 à 56 ci-dessus que ce grief est entaché d’un défaut de motivation, il ne peut, dans ces conditions, justifier aucune réduction du concours. Partant, la réduction opérée à cet égard doit être annulée.

133
S’agissant du grief visé au considérant 11 de la décision attaquée, la Commission a retenu le montant de 641 341 800 ITL correspondant à la facture FMC n° 159 relative à l’achat des deux machines d’écossage de petits pois et l’a déduit du total des dépenses éligibles. Or, comme il a été jugé ci-dessus, ce coût ne peut être pris en compte dans le calcul des dépenses encourues ou dans celui du concours communautaire. Par conséquent, conformément au point A.3 de l’annexe de la décision d’octroi, ce coût a été correctement déduit dans la mesure de son montant.

134
Partant, la réduction du concours d’un montant de 641 341 800 ITL est justifiée.

135
En ce qui concerne le grief visé aux considérants 7 à 9 relatif aux trois factures témoignant du début anticipé des travaux, la Commission a adopté une méthode de calcul de la réduction totalement différente de celle suivie pour les autres griefs, consistant à réduire non les montants des travaux préparatoires commencés avant le 17 juillet 1987, mais le montant total de l’ensemble des installations commencées après cette date et dans lesquelles s’insèrent lesdits travaux préparatoires. Ainsi, dans l’annexe 1 à la lettre du 28 octobre 1996, la Commission a indiqué, tout d’abord, que trois factures, d’un montant de 26 725 000 ITL, témoignaient de l’installation anticipée d’éléments sur la nouvelle ligne faisant partie du «département de légumes au naturel». La Commission a exposé, ensuite, que la réduction était à calculer en fonction d’un ensemble d’investissements matériels qui, selon elle, constituaient un «lot homogène». En se basant sur la classification établie dans la demande de concours et dans la demande de payement présentées par la bénéficiaire, la Commission a considéré que les travaux prématurés s’inséraient dans l’ensemble de travaux compris dans la sous-section dénommée «département de légumes au naturel» et, par voie de conséquence, elle a estimé que le total des investissements effectués sous cette sous-section devait être considéré comme des travaux anticipés. Dès lors, la Commission a déduit le montant total de ces investissements, s’élevant à 2 443 105 039 ITL, au lieu de déduire les montants des factures relatives aux travaux commencés avant le 17 juillet 1987, s’élevant uniquement à 26 725 000 ITL.

136
Le Tribunal considère que cette méthode viole manifestement le principe de proportionnalité. En effet, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la Commission, cette méthode de calcul de la réduction ne tient pas dûment compte du rapport entre la gravité ainsi que le montant de l’infraction commise par la requérante et la réduction adoptée.

137
D’une part, s’agissant de la gravité des comportements reprochés, il y a lieu de relever que le grief vise uniquement trois factures de dates postérieures à la date de réception de la demande de concours par la Commission et qui concernent des travaux préparatoires effectués quelques jours seulement avant cette date. En outre, la requérante ne s’est pas livrée, en l’espèce, à des comportements qui peuvent être qualifiés de frauduleux. En ce sens, il convient de rappeler que la requérante a présenté, lors du contrôle sur place réalisé en septembre 1994, une déclaration spontanée et volontaire identifiant la liste de factures irrégulières qui témoignaient du début anticipé des travaux et qui a servi précisément de base à la Commission pour invoquer ce grief.

138
D’autre part, en ce qui concerne le montant de cette irrégularité, le montant des trois factures visées aux considérants 7 à 9 s’élève à un total de 26 725 000 ITL. Partant, l’ensemble des investissements effectués par la requérante faisant partie du «département de légumes au naturel» étant de 2 443 105 039 ITL, le montant des factures contestées aux considérants 7 à 9 de la décision attaquée est uniquement de 1,09 % de ce total. Dès lors, la différence entre le montant des factures contestées et le montant de la réduction appliquée est à ce point considérable que cette réduction apparaît manifestement disproportionnée.

139
Aucun des arguments présentés par la Commission ne serait de nature à justifier la réduction opérée.

140
Premièrement, l’affirmation de la Commission selon laquelle l’application de cette méthode répondrait à l’impossibilité de soustraire les travaux irréguliers contestés du lot d’investissements dans lequel ils s’insèrent n’est étayée par aucun élément de preuve.

141
Il résulte de l’expertise du 5 novembre 1996 ainsi que de la déclaration de la requérante jointe au procès-verbal, exposées aux points 88 à 93 ci-dessus, que les travaux visés dans les trois factures contestées concernent exclusivement des travaux préparatoires et accessoires de canalisation et d’évacuation de la zone, de renouvellement de convoyeurs à câble et des carters de sécurité et de tuyauterie, qui ont été réalisés sur la ligne préexistante avant la livraison du groupe en question, la nouvelle ligne en ayant ainsi profité. Dès lors, il ne peut être valablement soutenu qu’ils constituent une partie si intégrante et si essentielle de la nouvelle ligne qu’ils ne peuvent être soustraits de ce lot d’installations et individualisés. En outre, dès lors que la Commission a fondé ce grief sur le contenu de ladite déclaration spontanée de la requérante, qu’elle a même intégrée dans la décision attaquée (considérant 8), elle ne peut par la suite écarter les parties de cette déclaration relatives au caractère purement accessoire et secondaire desdits travaux, en s’appuyant uniquement sur les éléments concernant le début anticipé des travaux et les factures mentionnées.

142
Deuxièmement, lors de l’audience, la Commission a indiqué en réponse aux questions du Tribunal que la méthode adoptée s’expliquait par la nature de l’irrégularité en cause, à savoir le début anticipé des travaux. Ainsi, le point 5.3 des notes explicatives et le point B.1, paragraphe 5, du document de travail établiraient que tout projet commencé avant la date de réception de la demande par la Commission ne peut recevoir de concours. Dans le cas d’espèce, la Commission aurait isolé le lot homogène auquel appartiendraient les factures contestées en vue de ne pas pénaliser excessivement la requérante en supprimant le concours dans son ensemble.

143
Cet argument ne peut non plus être accueilli.

144
Il convient de noter, d’emblée, que le système selon lequel les travaux qui font l’objet d’un concours ne peuvent commencer avant la date de réception de la demande par la Commission présente un caractère fondamental et a pour objectif logique de permettre à l’autorité nationale compétente de pouvoir vérifier que ladite demande est bien compatible avec la finalité du régime mis en place, s’agissant notamment de la question de savoir si les travaux dont le financement est demandé n’ont pas déjà été effectués par le demandeur (arrêt Conserve Italia II, point 87).

145
Cependant, il serait souhaitable qu’un tel système comporte un mécanisme approprié obligeant la Commission ou l’État membre concerné à notifier au demandeur, dans un délai raisonnable, la date de réception de la demande par la Commission. Il convient de rappeler que ce sont les autorités nationales qui présentent le projet de concours à la Commission et que, partant, la Commission reçoit la demande à une date que le demandeur ignore, une période indéterminée pouvant s’écouler entre la date de réception du projet par la Commission et le moment où celle-ci notifie au demandeur cette réception. Or, une telle situation est susceptible de placer le demandeur dans une situation inconfortable. En effet, d’une part, si le demandeur décide de commencer les travaux avant cette notification, il assume le risque de voir son concours supprimé en raison du début anticipé des travaux si la date de réception qu’on lui notifie est postérieure à ce début. D’autre part, si le demandeur décide d’attendre ladite notification en paralysant les travaux prévus et qu’un délai trop long s’écoule entre la date de réception et sa notification au demandeur, celui-ci peut se voir confronté à des difficultés vis-à-vis des engagements pris envers les fournisseurs et pour la mise en exécution du projet.

146
Dès lors, pour autant que le système établi par le FEOGA autorise le demandeur à commencer les travaux après la date de réception du concours par la Commission et avant la date d’octroi du concours, mais ne lui garantit pas la notification dans un délai raisonnable de la date de réception, il y a lieu de considérer que le fait d’engager des travaux quelques jours avant cette date de réception par la Commission, sans qu’il y ait eu une volonté frauduleuse de la part du demandeur et une fois que les autorités nationales ont vérifié la compatibilité de la demande avec la finalité du régime, ne saurait donner automatiquement lieu à la suppression ou à la réduction du concours, l’exercice de cette faculté devant comporter une évaluation consciencieuse desdites circonstances de la part de la Commission.

147
Partant, en l’espèce, la requérante n’ayant eu aucune intention frauduleuse et les autorités italiennes ayant effectué les vérifications pertinentes, la Commission ne saurait, en raison uniquement du début anticipé de travaux préparatoires du projet, invoquer automatiquement une telle faculté de suppression à l’encontre de la requérante.

148
D’autre part, il y a lieu de relever que, en tout état de cause, dans la mesure où, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, la Commission a choisi dans la décision attaquée de réduire le concours et non de le supprimer, elle ne peut invoquer à présent la possibilité de suppression visée au point 5.3 des notes explicatives et au point B.1, paragraphe 5, du document de travail, en vue de justifier la décision attaquée. En effet, le fait que le règlement n° 4253/88 permette à la Commission de supprimer le concours dans certaines circonstances ne l’autorise pas, quand elle décide d’appliquer une réduction, à effectuer une telle réduction sans tenir compte des exigences du principe de proportionnalité.

149
Dès lors, au vu de la nature de l’infraction, de sa faible gravité et de son montant réduit, le Tribunal considère que le montant de la réduction de 2 443 105 039 ITL est disproportionné par rapport à l’irrégularité commise.

150
Partant, le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité est jugé fondé sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’argument avancé par la requérante concernant la violation de ce principe du point de vue de la société destinataire de la décision attaquée.

151
Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.


Sur les dépens

152
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, aux termes de l’article 87, paragraphe 3, dudit règlement, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, la Commission supportera ses propres dépens ainsi que quatre cinquièmes de ceux exposés par la partie requérante. La requérante supportera un cinquième de ses dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)
La décision de la Commission C (2000) 1752, du 11 juillet 2000, portant réduction du concours du FEOGA, section «Orientation», accordé dans le cadre du projet n° 88.41.IT.002.0 intitulé «Modernisation technique d’un centre de transformation de produits du secteur des fruits et légumes à Alseno (Piacenza), est annulée.

2)
La Commission supportera ses propres dépens et quatre cinquièmes des dépens exposés par la partie requérante.

3)
La partie requérante supportera un cinquième de ses propres dépens.

García-Valdecasas

Lindh

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1
Langue de procédure: l'italien.