Language of document : ECLI:EU:C:2006:235

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme ELEANOR Sharpston

présentées le 6 avril 2006 (1)

Affaire C-348/04

Boehringer Ingelheim KG

Boehringer Ingelheim Pharma GmbH & Co. KG

Glaxo Group Ltd

contre

Swingward Ltd

et

Boehringer Ingelheim KG

Boehringer Ingelheim Pharma GmbH & Co. KG

Glaxo Group Ltd

SmithKline Beecham plc

Beecham Group plc

SmithKline & French Laboratories Ltd

Eli Lilly and Co.

The Wellcome Foundation Ltd

contre

Dowelhurst Ltd

[demande de décision préjudicielle formée par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni)]

«Propriété industrielle et commerciale – Droit de marque – Spécialités pharmaceutiques»





1.        Dans la présente affaire, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni) demande des précisions à la Cour quant aux effets de l’arrêt rendu par cette dernière dans l’affaire Boehringer Ingelheim e.a. (2) (ci-après l’«arrêt Boehringer I»). Cette affaire portait sur les conditions dans lesquelles le titulaire d’une marque pouvait invoquer ses droits de marque pour empêcher un importateur parallèle, qui a reconditionné les produits portant la marque, de les commercialiser.

2.        Dans l’arrêt de la Court of Appeal qui a mené à la décision de renvoi, Lord Justice Jacob indiquait: «J’ai parfois l’impression que le droit perd le sens des réalités dans ce domaine – ce que nous examinons, dans le fond, c’est une utilisation de la marque du titulaire sur ses propres produits en parfait état. Je pense que le consommateur moyen serait surpris de constater le pétrin dans lequel s’est fourré le droit».

3.        Je partage ce point de vue. Il me semble que, après 30 ans de jurisprudence en matière de reconditionnement des produits pharmaceutiques, il devrait être possible d’énoncer un nombre suffisant de principes pour permettre aux juridictions nationales d’appliquer les règles de droit au litige constamment recommencé qui oppose les fabricants et les importateurs parallèles. Je tenterai, dans les présentes conclusions, de formuler ces principes. Je ne puis qu’espérer que, à la suite de l’arrêt rendu dans cette affaire, les juridictions nationales joueront adéquatement leur rôle en les appliquant aux faits dont ils sont saisis sans réclamer de nouveaux raffinements en la matière. Tout juge sait que des avocats ingénieux peuvent toujours trouver un motif d’appliquer ou non une proposition donnée à la situation de leur client. Ce n’est pourtant pas à la Cour qu’il appartient, selon moi, de se prononcer à l’infini sur ces détails (3).

 Le cadre juridique

4.        Les développements de la jurisprudence de la Cour en matière de reconditionnement ont été examinés de façon relativement détaillée dans les conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Boehringer I. Je ne reviendrai pas sur cette analyse. Je me contenterai d’exposer les éléments suivants qui sont, selon moi, particulièrement pertinents pour la présente affaire.

5.        Cette jurisprudence plonge bien sûr ses racines historiques dans les articles 28 CE et 30 CE. L’article 30 CE apparaît largement dans les mémoires déposés dans cette affaire. L’article 28 CE n’y est par contre que peu mentionné. Il ne faudrait pourtant pas oublier que l’article 30 CE constitue l’exception à la règle consacrée à l’article 28 CE, qui prévoit que les marchandises doivent pouvoir circuler librement entre les États membres. En tant que dérogation à cette règle fondamentale, l’article 30 CE est d’interprétation stricte (4).

6.        Lorsqu’elle a ainsi interprété l’article 30 CE dans le contexte des droits de propriété intellectuelle et industrielle, la Cour a, très tôt, développé le concept de l’objet spécifique du droit, en indiquant que cet article 30 CE «n’admet de dérogations à [la liberté de circulation des marchandises] que dans la mesure où elles sont justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l’objet spécifique de cette propriété» (5). Ce principe permet de déterminer, par rapport à chaque type de propriété intellectuelle, les conditions dans lesquelles l’exercice du droit sera compatible avec le droit communautaire, même si, dans un contexte transfrontalier, cet exercice entrave par définition la liberté de circulation (6).

7.        C’est très tôt également que la Cour a défini l’objet spécifique du droit de marque comme étant «d’assurer au titulaire le droit exclusif d’utiliser la marque, pour la première mise en circulation d’un produit» (7). C’est de cette définition qu’a tout naturellement découlé la doctrine de l’épuisement des droits de marque (8). La Cour a donc conclu que «l’exercice, par le titulaire d’une marque, du droit que lui confère la législation d’un État membre d’interdire la commercialisation, dans cet État, d’un produit commercialisé dans un autre État membre sous cette marque par ce titulaire ou avec son consentement serait incompatible avec les règles du traité CEE relatives à la libre circulation des marchandises à l’intérieur du marché commun» (9).

8.        La Cour a encore approfondi la notion d’objet spécifique du droit de marque dans son arrêt Hoffmann-La Roche (10), dans lequel elle indique que «la fonction essentielle de la marque [...] est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit marqué, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre provenance [et d’]être certain qu’un produit marqué [...] n’a pas fait l’objet, à un stade antérieur de la commercialisation, d’une intervention [...] qui a atteint le produit dans son état originaire». Préserver l’objet spécifique de la marque implique donc le droit de s’opposer à «toute utilisation de la marque susceptible de fausser la garantie de provenance».

9.        L’objet spécifique d’une marque a donc deux aspects. Le premier est le droit d’utiliser le produit aux fins de la première mise en circulation dans la Communauté du produit ainsi protégé, droit qui est épuisé après cette opération. Le second est le droit de s’opposer à toute utilisation de la marque susceptible de fausser la garantie de provenance qui comporte à la fois la garantie de l’identité d’origine et celle de l’intégrité du produit marqué.

10.      Ces droits essentiels se retrouvent dans la directive sur les marques (11). L’article 5, paragraphe 1, dispose qu’une marque confère à son titulaire «un droit exclusif» et plus précisément le droit d’interdire l’usage, dans la vie des affaires, a) d’un signe identique pour des produits ou des services identiques et b) d’un signe identique ou dont la similitude est susceptible d’entraîner un risque de confusion pour des produits ou des services identiques ou similaires (12).

11.      Sans autre restriction, l’article 5, paragraphe 1, sous a), de ladite directive donnerait au titulaire d’une marque le droit d’interdire tout usage de la marque pour les produits qu’elle couvre. Les titulaires pourraient donc s’opposer à des importations, dans un État membre, de ces produits en provenance d’un autre État membre, réduisant ainsi à néant le droit à la libre circulation des marchandises garanti par l’article 28 CE. Pareil pouvoir irait toutefois à l’encontre à la fois du traité CE et de l’objectif déclaré de la directive sur les marques, qui est «d’abolir les disparités entre les législations des États membres sur les marques qui peuvent entraver la libre circulation des produits et la libre prestation des services ainsi que fausser les conditions de concurrence dans le marché commun» (13) et ainsi de sauvegarder le fonctionnement du marché commun (14). L’article 7, paragraphe 1, prévoit dès lors que le droit de s’opposer à l’usage de la marque «ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté (15) sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement», intégrant ainsi la doctrine de l’épuisement communautaire des droits de marque.

12.      L’article 7, paragraphe 1, de la directive sur les marques a été décrit comme une exception à la règle de l’article 5, paragraphe 1 (16), mais je ne pense pas qu’il s’agisse là d’une analyse tout à fait exacte de la relation entre les deux dispositions. Il me semble qu’il est plus utile de les considérer comme s’équilibrant l’un l’autre. S’il fallait parler en termes de règles et d’exceptions, on s’inscrirait davantage dans l’esprit de la relation entre les articles 28 CE et 30 CE en interprétant l’article 5, paragraphe 1, de la directive sur les marques qui est de nature à entraîner des restrictions aux importations, comme une exception à l’article 7, paragraphe 1, qui reflète le principe de base de la libre circulation des marchandises.

13.      À l’inverse, l’article 7, paragraphe 2, indique que l’article 7, paragraphe 1, «n’est pas applicable lorsque des motifs légitimes justifient que le titulaire s’oppose à la commercialisation ultérieure des produits, notamment lorsque l’état des produits est modifié ou altéré après leur mise dans le commerce». L’article 7, paragraphe 2, constitue donc manifestement une exception au principe fondamental de la libre circulation des marchandises. Il ne devrait donc pas être généreusement interprété (17). Il s’ensuit qu’il ne convient pas de donner une interprétation excessivement large ni, de façon générale, de l’expression «motifs légitimes» ni, plus particulièrement, de la notion d’«état» «modifié ou altéré» des produits.

14.      Les articles 5 à 7 de la directive sur les marques (18) procèdent à une harmonisation complète des règles relatives aux droits conférés par la marque et définissent ainsi les droits dont jouissent les titulaires de marques dans la Communauté (19). La Cour a cependant déjà indiqué que sa jurisprudence antérieure relative à l’article 30 CE devait servir de référence pour déterminer si le titulaire d’une marque pouvait, au titre de l’article 7, paragraphe 2, s’opposer à la commercialisation de produits reconditionnés sur lesquels la marque a été réapposée (20). Les mêmes règles d’interprétation doivent s’appliquer aux autres variantes du reconditionnement auxquelles les titulaires de la marque tentent de s’opposer. La directive doit être interprétée conformément à l’économie du traité et aux droits essentiels développés par la Cour et définis ci-avant (21).

15.      Cela étant dit, je ne pense pas qu’il soit nécessairement utile ou souhaitable pour la Cour de continuer à fonder ses arrêts sur l’article 30 CE (ou au demeurant pour les parties de défendre leur thèse sur cette base). La directive sur les marques fait partie de notre arsenal depuis 1988. Il est certainement temps de faire un pas en avant.

16.      Dans ce contexte, il peut être utile de reformuler certaines propositions tirées de la décision rendue par la Cour dans son arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. (22), qui transparaissent dans les questions posées dans la présente affaire.

17.      La Cour, dans cet arrêt, a décidé que, au titre de l’article 7, paragraphe 2, de la directive sur les marques, le titulaire de la marque peut légitimement s’opposer à la commercialisation ultérieure d’un produit pharmaceutique reconditionné à moins que:

1)      cela ne contribue à cloisonner artificiellement les marchés entre États membres. Tel est le cas, notamment, lorsque le reconditionnement est, d’une part, nécessaire pour commercialiser le produit dans l’État membre d’importation et, d’autre part, opéré dans des conditions telles que l’état originaire du produit ne saurait en être affecté;

2)      le reconditionnement ne puisse pas affecter l’état originaire du produit contenu dans l’emballage;

3)      il ne soit indiqué clairement sur le nouvel emballage l’auteur du reconditionnement du produit et le nom de son fabricant,

4)      la présentation du produit reconditionné ne soit pas telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque et à celle de son titulaire. Ainsi, l’emballage ne doit pas être défectueux, de mauvaise qualité ou de caractère brouillon, et

5)      l’importateur n’avertisse, préalablement à la mise en vente du produit reconditionné, le titulaire de la marque et ne lui fournisse, à sa demande, un spécimen du produit reconditionné.

18.      Je désignerai ci-après ces cinq conditions, qui transparaissent dans les questions posées dans la présente affaire, comme les «conditions BMS».

19.      Même si la Cour, dans son arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., interprète l’article 7, paragraphe 2, de la directive sur les marques comme donnant au titulaire de la marque le droit de s’opposer à la commercialisation des produits si les critères ne sont pas remplis, je ne pense pas que cette disposition crée un droit d’action distinct. Comme la Cour l’a indiqué dans son arrêt Silhouette International Schmied (23), «s’il est incontestable que la directive oblige les États membres à mettre en œuvre des dispositions sur la base desquelles le titulaire d’une marque, en cas de violation de ses droits, doit être habilité à obtenir une injonction interdisant aux tiers de faire usage de sa marque, il y a lieu cependant de constater que cette obligation découle des dispositions de l’article 5 de la directive et non pas de celles de l’article 7».

20.      Pour résumer les conditions BMS d’une façon qui s’inscrive clairement dans l’économie et dans les termes de la directive sur les marques, on pourrait dire que le reconditionnement – ou du moins, certains types de reconditionnement – constitue un «motif légitime» au sens de l’article 7, paragraphe 2, à moins que i) le reconditionnement ne soit nécessaire pour accéder au marché, ii) le reconditionnement ne puisse pas affecter l’état originaire du produit, iii) il ne soit indiqué sur le nouveau conditionnement le nom de l’importateur et celui du fabricant, iv) la présentation du produit reconditionné ne soit pas telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque et à celle de son titulaire, et v) l’importateur n’avertisse le titulaire.

 La procédure au principal et les questions posées

21.      Les demanderesses sont des fabricants de produits pharmaceutiques et les défenderesses des importateurs parallèles, de produits pharmaceutiques également (inhalateurs et comprimés), fabriqués et commercialisés dans la Communauté sous une marque par l’une des demanderesses. Le litige porte sur les conditions dans lesquelles les défenderesses peuvent légalement recouvrir d’étiquettes (24) ou reconditionner par remplacement de l’emballage externe (25) ces produits pharmaceutiques.

22.      De manière plus spécifique, des questions ont été soulevées, dans la présente affaire, quant à deux méthodes de reconditionnement des produits dans de nouveaux emballages externes en carton conçus par l’une des défenderesses et portant tout ou partie de son propre logo ou de sa propre marque ou un style ou une présentation maison. La première méthode est appelée «co marquage» par le juge de renvoi. L’importateur parallèle réappose la marque d’origine (26) sur le nouvel emballage externe en carton. La seconde méthode est appelée «démarquage» par le juge de renvoi. La marque d’origine n’est pas réapposée sur le nouvel emballage externe en carton, bien qu’elle subsiste sur les pilules et les inhalateurs eux-mêmes, ainsi que sur les plaquettes. À l’extérieur, la marque d’origine est remplacée par le nom générique du médicament (27).

23.      Dans son premier jugement dans la procédure nationale (28), la High Court a constaté i) qu’il y a une «résistance large et importante envers les produits pharmaceutiques qui font l’objet d’une importation parallèle lorsqu’ils sont livrés dans des emballages recouverts d’autocollants», par comparaison avec les produits reconditionnés par remplacement de l’emballage externe, et ii) que les activités des défenderesses n’étaient ni préjudiciables, ni même susceptibles de l’être, à l’«objet spécifique» des droits des demanderesses. «L’usage des marques enregistrées des demanderesses a toujours été précis, en ce sens qu’elles ont toujours été utilisées pour véhiculer, sans tromperie ou préjudice, une information exacte quant à la provenance et à la responsabilité en matière de qualité». La High Court note également qu’il n’a à aucun moment été laissé entendre que les activités des défenderesses auxquelles les demanderesses s’opposent auraient altéré ou compromis d’une autre façon la qualité des produits des demanderesses.

24.      La High Court a posé une série de questions à la Cour en vue d’éclaircir les principes développés par elle dans sa jurisprudence antérieure. Les questions concernaient, d’une part, la portée du principe selon lequel il convenait d’autoriser les importateurs parallèles de produits pharmaceutiques à reconditionner les produits si ce reconditionnement était nécessaire pour leur permettre de commercialiser lesdits produits et, d’autre part, la portée de l’exigence selon laquelle un importateur parallèle doit avertir le titulaire de la marque de l’usage qu’il a l’intention de faire de cette dernière.

25.      Dans son arrêt Boehringer I, la Cour a répondu à ces questions de la manière suivante:

«1)      L’article 7, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992, doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque peut invoquer son droit de marque afin d’empêcher un importateur parallèle de procéder à des reconditionnements de médicaments, à moins que l’exercice de ce droit ne contribue à cloisonner artificiellement les marchés entre les États membres.

2)      Un reconditionnement de médicaments par remplacement des emballages est objectivement nécessaire au sens de la jurisprudence de la Cour si, sans celui-ci, l’accès effectif au marché concerné ou à une partie importante dudit marché doit être considéré comme entravé à cause d’une forte résistance d’une proportion significative de consommateurs à l’égard des médicaments réétiquetés.

3)      L’importateur parallèle doit, en toute hypothèse, pour être en droit de reconditionner des médicaments revêtus d’une marque, respecter la condition d’avertissement préalable. Si l’importateur parallèle ne respecte pas cette condition, le titulaire de la marque peut s’opposer à la commercialisation du médicament reconditionné. Il appartient à l’importateur parallèle d’avertir lui-même le titulaire de la marque du reconditionnement envisagé. En cas de contestation, il appartient au juge national d’apprécier, en prenant en considération toutes les circonstances pertinentes, si le titulaire a disposé d’un délai raisonnable pour réagir au projet de reconditionnement.»

26.      Dans son second jugement (29), la High Court a estimé que deux propositions ressortaient de l’arrêt de la Cour. Premièrement, il fallait considérer que l’atteinte portée à l’objet spécifique des droits du titulaire de la marque résultait du reconditionnement, même si aucune atteinte n’avait été portée ni à la qualité des produits ni à la fonction de la marque en tant qu’indicateur de provenance. Et, deuxièmement, le critère de la nécessité ne s’appliquait pas seulement à la question de savoir si les importateurs pouvaient ou non procéder à un reconditionnement, mais également, si tel était le cas, à la question de savoir quel type de reconditionnement pouvait être autorisé, étant entendu que seul pouvait être autorisé le reconditionnement le plus discret possible du point de vue de la marque. La High Court a par conséquent conclu que le démarquage comme le co-marquage constituaient une violation des marques des demanderesses.

27.      Les défenderesses ont introduit un recours devant la Court of Appeal. Les demanderesses ont introduit un appel incident contre les constatations, faites par la High Court dans son premier jugement, selon lesquelles il y a une résistance large et importante envers les emballages recouverts d’étiquettes autocollantes. La Court of Appeal a cependant confirmé cette constatation et elle a conclu que si les importateurs parallèles ne pouvaient pas procéder à un reconditionnement par remplacement de l’emballage externe, ils se trouveraient confrontés à un sérieux obstacle aux ventes. Pour ce qui est du recours contre le second jugement de la High Court, la Court of Appeal, quoique formulant avec fermeté certaines opinions propres, a considéré qu’elle ne pouvait, sur certains aspects, faire application de la doctrine de l’acte clair (30). Elle continuait notamment à avoir des doutes quant à la signification du mot «nécessaire», quant à la charge de la preuve et quant aux conséquences de l’absence d’information préalable. Elle a dès lors posé une nouvelle série de questions, formulées comme suit:

«Produits reconditionnés par remplacement de l’emballage externe (‘reboxed products’)

1)      Lorsque un importateur parallèle commercialise, dans un État membre, un produit pharmaceutique importé d’un autre État membre dans son conditionnement interne original mais avec un emballage externe nouveau rédigé dans la langue de l’État membre d’importation (produit ‘reconditionné par remplacement de l’emballage externe’):

a)      la charge de la preuve que ce nouveau conditionnement répond aux conditions posées dans l’arrêt [Bristol-Myers Squibb e.a.] pèse-t-elle sur l’importateur ou incombe-t-il au titulaire de la marque de prouver que ces conditions ne sont pas remplies ou la charge de la preuve varie-t-elle selon la condition en cause et, dans l’affirmative, de quelle façon?

b)      la première condition posée dans l’arrêt [Bristol-Myers Squibb e.a.], telle qu’interprétée dans l’arrêt [Upjohn (31)] et dans l’arrêt [Boehringer I], à savoir qu’il faut démontrer la nécessité de reconditionner le produit afin de ne pas entraver l’accès effectif au marché, s’applique‑t‑elle uniquement au fait de reconditionner par remplacement de l’emballage externe (comme cela a été jugé par la Cour de justice de l’AELE dans l’affaire E-3/02, Paranova/Merck) ou s’applique-t-elle aussi à la manière et au style dans lesquels l’importateur parallèle effectue précisément le reconditionnement par remplacement de l’emballage externe, et, dans l’affirmative, de quelle façon?

c)      n’y a-t-il infraction à la quatrième condition posée dans l’arrêt [Bristol-Myers Squibb e.a.], à savoir que la présentation du produit reconditionné ne soit pas telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque ou de son titulaire, que lorsque l’emballage est défectueux, de mauvaise qualité ou de caractère brouillon ou bien cette condition s’étend-elle aussi à tout fait de nature à nuire à la réputation de la marque?

d)      si la réponse à la question 1, c), est que la quatrième condition est enfreinte par tout fait de nature à nuire à la réputation de la marque et si, i) soit la marque n’est pas apposée sur le nouvel emballage extérieur (‘démarquage’), ii) soit l’importateur parallèle appose sur le nouvel emballage extérieur son propre logo ou un style ou une présentation maison ou une présentation utilisée pour plusieurs produits différents (‘co marquage’), doit-on considérer que ces types de conception de l’emballage nuisent à la réputation de la marque ou s’agit-il d’une question de fait relevant de l’appréciation des juridictions nationales?

e)      si la réponse à la question 1 (d) est qu’il s’agit d’une question de fait, sur qui pèse la charge de la preuve?

Produits recouverts d’étiquettes

2.      Lorsqu’un importateur parallèle commercialise, dans un État membre, un produit pharmaceutique importé d’un autre État membre dans son conditionnement interne et externe original en y apposant une étiquette supplémentaire externe rédigée dans la langue de l’État membre d’importation (produit ‘recouvert d’étiquette’):

a)      les cinq conditions posées dans l’arrêt [Bristol-Myers Squibb e.a.] sont-elles, d’une manière générale, applicables?

b)      si la réponse à la question 2, a) est affirmative, la charge de la preuve que le conditionnement avec apposition d’étiquette répond à chacune des conditions posées dans l’arrêt [Bristol-Myers Squibb e.a.] pèse‑t‑elle sur l’importateur ou incombe-t-il au titulaire de la marque de prouver que ces conditions ne sont pas remplies ou la charge de la preuve varie-t-elle selon la condition en cause?

c)      si la réponse à la question 2, a) est positive, la quatrième condition posée dans l’arrêt [Bristol-Myers Squibb e.a.] précité, tel qu’interprété dans l’arrêt [Upjohn] et l’arrêt [Boehringer I] à savoir qu’il faut démontrer la nécessité de reconditionner le produit afin de ne pas entraver l’accès effectif au marché, s’applique-t-elle uniquement au fait d’apposer une étiquette ou s’applique-t-elle aussi à la manière et au style dans lesquels l’importateur parallèle procède précisément à cette apposition?

d)      si la réponse à la question 2, a), est affirmative, n'y a-t-il infraction à la quatrième condition posée dans l'arrêt [Bristol-Myers Squibb e.a.], à savoir que la présentation du produit reconditionné ne soit pas telle qu'elle puisse nuire à la réputation de la marque ou de son titulaire, que lorsque l'emballage est défectueux, de mauvaise qualité ou de caractère brouillon ou bien cette condition s'étend-t-elle aussi à tout fait de nature à nuire à la réputation de la marque?

e)      si la réponse à la question 2, a) est affirmative et si la réponse à la question 2, d) est que la quatrième condition est enfreinte par tout fait de nature à nuire à la réputation de la marque, est-il nui à la réputation d’une marque en ce sens lorsque i) soit l’étiquette supplémentaire est apposée de manière à totalement ou partiellement masquer l’une des marques du titulaire, ii) soit il n’est pas mentionné sur l’étiquette supplémentaire que la marque en cause appartient au titulaire, iii) soit le nom de l’importateur parallèle est imprimé en lettres capitales?

Avertissement

3.      Lorsqu’un importateur parallèle a omis, comme cela est exigé par la cinquième condition posée dans l’arrêt [Bristol-Myers Squibb e.a.], de donner l’avertissement concernant un produit reconditionné et a, par conséquent, porté atteinte à la/aux marque(s) du titulaire pour cette seule raison:

a)      toute opération d’importation subséquente de ce produit constitue-t-elle une infraction ou bien l’importateur n’est-il en infraction que jusqu’au moment où le propriétaire a eu connaissance du produit et où le délai d’avertissement applicable a expiré?

b)      le titulaire est-il en droit, du fait de l’infraction commise par l’importateur, de réclamer une réparation financière (c’est‑à‑dire des dommages‑intérêts ou la redistribution de tous les profits obtenus du fait de l’infraction) dans les mêmes conditions qu’en cas de contrefaçon?

c)      l’octroi de réparations financières au titulaire en raison de ce type d’infractions commises par l’importateur est-il soumis au principe de proportionnalité?

d)      Dans la négative, sur quelle base convient-il d’octroyer une telle réparation eu égard au fait que les produits en question ont été mis sur le marché à l’intérieur de l’EEE par le titulaire de la marque ou avec son consentement?»

28.      Des observations écrites ont été déposées par les demanderesses, les défenderesses et la Commission des Communautés européennes, qui ont toutes été représentées à l’audience.

 Les cinq conditions de l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. s’appliquent-elles aux produits recouverts d’étiquettes?

29.      Comme l’a souligné la Commission, si l’on donne à cette question (32) une réponse affirmative, la deuxième question, sous b) à e), peut en fait être fusionnée avec la première question, sous a) à d). Si on lui donne une réponse négative, la deuxième question, sous b) à e), n’a pas lieu d’être. Il semble donc logique d’examiner la deuxième question, sous a) en premier lieu.

30.      Dans son second jugement, la High Court a considéré que l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Boehringer I ne portait que sur le reconditionnement par remplacement de l’emballage externe, au motif que ce dernier seulement était intrinsèquement préjudiciable à l’objet spécifique de la marque. Le juge de renvoi estime également qu’apposer des étiquettes autocollantes ne porte aucune atteinte aux défenderesses ou à leurs marques.

31.      Les demanderesses et la Commission estiment que la Cour a confirmé que les conditions BMS s’appliquent aux emballages recouverts d’étiquettes autocollantes (33). Les parties défenderesses font valoir qu’il découle de la jurisprudence de la Cour (34) que les conditions BMS ne s’appliquent pas aux autocollants.

32.      Comme l’ont à juste titre souligné les défenderesses, les affaires antérieures concernaient toutes différents types de reconditionnement par remplacement de l’emballage externe. La Cour n’a été saisie de la question du réétiquetage dans le cadre des produits pharmaceutiques que dans l’affaire Boehringer I, affaire dans laquelle, contrairement à ce que laissent entendre les demanderesses, cette question n’était pas une question essentielle.

33.      Il me paraît que la thèse des défenderesses est mieux étayée par la jurisprudence et les principes qui la sous-tendent que celle des demanderesses et de la Commission.

34.      Dans son arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., la Cour indiquait:

«[...] le titulaire [de la marque] peut s’opposer au reconditionnement du produit dans un nouvel emballage extérieur lorsque l’importateur est à même de réaliser un emballage pouvant être commercialisé dans l’État membre d’importation, par exemple, en apposant sur l’emballage extérieur ou intérieur d’origine des nouvelles étiquettes rédigées dans la langue de l’État membre d’importation [...]» (35).

35.      De même, dans l’arrêt Loendersloot:

«[...] la personne qui procède au réétiquetage doit utiliser des moyens qui rendent le commerce parallèle réalisable tout en portant le moins possible atteinte à l’objet spécifique du droit de marque. Ainsi, quand les indications figurant sur les étiquettes originales sont conformes aux règles en matière d’étiquetage en vigueur dans l’État membre de destination, mais que celles-ci requièrent des renseignements supplémentaires, il n’est pas nécessaire d’enlever et de réapposer ou de remplacer les étiquettes originales, puisque l’apposition sur les bouteilles en question d’un simple autocollant mentionnant ces renseignements supplémentaires peut suffire» (36).

36.      Bien que ces déclarations de la Cour n’apportent pas explicitement de réponse à la question de savoir si apposer de nouvelles étiquettes équivaut à un «reconditionnement» au sens de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 30 CE, elles laissent fortement penser que le titulaire de la marque ne peut pas s’opposer à l’apposition d’autocollants. Elles impliquent donc logiquement que ce n’est pas le cas.

37.      Il est vrai que, dans son arrêt Phytheron International (37), qui précède l’arrêt Loendersloot, la Cour a indiqué que «le simple ajout sur l’étiquette [d’un certain nombre de mentions destinées à répondre aux exigences de la législation de l’État membre d’importation] ne saurait constituer un motif légitime au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la directive sur les marques, pourvu que l’étiquette ainsi modifiée n’omette pas certaines informations importantes ou ne mentionne pas des informations inexactes ou ne se présente pas d’une manière telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque et à celle de son titulaire (voir arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., [...], points 65, 75 et 76)» (38).

38.      La citation par la Cour de l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. montre que la réserve qui se rapporte à l’information est une référence à la deuxième condition BMS, à savoir que le reconditionnement ne peut pas affecter l’état originaire du produit. Bien que cela puisse paraître surprenant, la Cour a, dans son arrêt Bristol‑Myers Squibb e.a., indiqué que, dans le cas des produits pharmaceutiques, donner des informations inadéquates était de nature à «affecter de manière indirecte» l’état originaire du produit. Savoir s’il en est bien ainsi est une question de fait qu’il appartient à la juridiction nationale de trancher (39). L’arrêt Phyteron International laisse dès lors penser que les deuxième et quatrième (absence d’atteinte à la réputation) conditions BMS s’appliquent à l’apposition d’autocollants. Dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. lui-même, il a cependant été admis que la deuxième condition n’est pas violée par l’apposition d’autocollants sur l’emballage interne (40). On pourrait dès lors penser qu’a fortiori apposer des étiquettes autocollantes sur l’emballage externe, comme l’ont fait les défenderesses dans le cas présent, ne constituerait pas une violation de cette même condition. De plus, l’arrêt Phyteron International ne concernait pas les produits pharmaceutiques. Je n’ai pas le sentiment que l’on puisse considérer cet arrêt comme faisant autorité pour la proposition selon laquelle la deuxième condition BMS s’applique à l’apposition d’étiquettes autocollantes.

39.      Compte tenu des indications contradictoires que donne la jurisprudence plus récente (ce qu’illustre le fait qu’aussi bien les demanderesses que les défenderesses invoquent les arrêts Loendersloot et Boehringer I), il me semble qu’il faut chercher la réponse dans les principes de base.

40.      La source originale des conditions BMS, l’arrêt Hoffmann-La Roche (41), fait référence au droit du titulaire de s’opposer à tout usage susceptible de compromettre la garantie de provenance (42). Quelle que soit l’approche historique de la Cour quant aux risques attachés au remplacement du conditionnement externe, l’apposition d’étiquettes autocollantes qui est en cause dans la présente affaire ne me semble pas correspondre à un usage de ce genre. La marque est apposée sur des produits authentiques sans aucun risque d’affecter l’état originaire du produit lui-même. Cette impression est confortée par les constatations de fait de la High Court, confirmées en degré d’appel par le juge de renvoi. Selon moi, lorsqu’il n’existe aucun risque de compromettre la garantie de provenance, comme c’est le cas lorsqu’on applique une étiquette externe sur le conditionnement externe tout en conservant le conditionnement interne d’origine (43), les conditions BMS ne s’appliquent pas.

41.      C’est cette approche qui selon moi reflète le mieux l’équilibre qui s’impose entre le principe fondamental du traité qu’est la liberté de circulation des produits et les droits des titulaires de marque dans le cadre d’importations parallèles. Lorsque la garantie de provenance, telle que définie par la Cour, n’est pas mise en péril, c’est le principe de libre circulation des produits qui doit prévaloir. Lorsque, sur la base des faits, le titulaire d’une marque peut démontrer que l’apposition d’étiquettes autocollantes risque de compromettre la garantie de provenance ainsi comprise, les droits du titulaire de la marque peuvent prévaloir, à titre exceptionnel, par dérogation à ce même principe. C’est ce qui découle de la définition donnée par la Cour des droits de base et de l’objet spécifique de la marque.

42.      J’en conclurai donc à propos de la deuxième question, sous a), que les conditions BMS ne s’appliquent pas lorsqu’un importateur parallèle commercialise dans un État membre un produit pharmaceutique importé, en provenance d’un autre État membre, dans le conditionnement interne et externe d’origine du produit, sur lequel l’importateur a apposé une étiquette externe supplémentaire, imprimée dans la langue de l’État membre d’importation. Compte tenu de cette conclusion, la deuxième question, sous b) à e), n’a pas lieu d’être.

 L’exigence que le reconditionnement soit nécessaire s’applique-t-elle uniquement au fait du reconditionnement dans un nouvel emballage externe ou seulement à la manière et au style précis de ce reconditionnement et, dans ce cas, de quelle façon?

43.      Cette question (44) s’est posée, parce que la High Court a considéré dans son second jugement que le critère de la nécessité ne s’appliquait pas seulement au reconditionnement en tant que tel, mais également aux détails de la méthode de reconditionnement. Elle en a donc conclu que le reconditionnement devait être aussi discret que possible du point de vue de la marque. Le juge de renvoi ne partage pas cette opinion.

44.      Les demanderesses font valoir, en invoquant une fois de plus les arrêts Boehringer I et Loendersloot (45), que l’exigence de la nécessité s’applique à la manière et au style précis du reconditionnement (46). Les défenderesses et la Commission, citant également ces affaires, adoptent la position opposée.

45.      En substance, la question relative à la nécessité a été posée, parce que la High Court a affirmé que la jurisprudence de la Cour relative au reconditionnement instaurait la «présomption irréfragable» que le reconditionnement, même lorsqu’il n’affecte pas et n’est pas en mesure d’affecter de façon négative la qualité des produits (un fait qui a été établi dans la procédure au principal), et qu’il n’a pas non plus de véritable impact négatif sur la fonction de la marque en tant qu’indicateur d’origine, porte préjudice à l’objet spécifique. Cette proposition est tirée de la déclaration de la Cour, dans l’arrêt Boehringer I, selon laquelle «c’est le reconditionnement des médicaments revêtus de la marque en tant que tel qui affecte l’objet spécifique de la marque, sans qu’il y ait lieu d’apprécier dans ce contexte quels sont les effets concrets du reconditionnement opéré par l’importateur parallèle» (47).

46.      Cette déclaration consistait en fait à paraphraser l’arrêt Hoffmann-La Roche (48). Malgré tout le respect que je dois à leur auteur, je ne suis pas certaine que ce résumé en soit totalement correct. Ce que la Cour a effectivement indiqué dans son arrêt Hoffmann-La Roche, c’est que la garantie de provenance doit avoir pour effet que le consommateur peut être certain que le produit marqué n’a pas fait l’objet d’une intervention, opérée par un tiers, «qui a atteint [ledit] produit dans son état originaire» (49). Cette phrase laisse penser que la manière et le style précis du reconditionnement par remplacement de l’emballage externe, qui n’affectent que le conditionnement externe, précisément, ne compromettraient pas la garantie de provenance.

47.      En outre, comme je l’ai déjà indiqué (50), je ne pense pas qu’il faille interpréter largement la notion d’«état des produits [que l’on a] modifié ou altéré» (selon les termes de l’article 7, paragraphe 2, de la directive sur les marques, qui reflète les conditions de l’arrêt Hoffmann-La Roche).

48.      Les travaux préparatoires (51) laissent également penser que la Commission envisageait à l’origine que l’exigence de nécessité s’applique au fait même du reconditionnement et qu’elle estimait que l’importateur parallèle devait disposer d’un certain degré de liberté quant à la façon précise de procéder au reconditionnement, pour autant qu’il satisfasse aux exigences posées par l’arrêt Hoffmann-La Roche (52). Rien ne permet de penser que cette perspective n’a pas survécu au processus législatif.

49.      Le juge de renvoi et les défenderesses estiment que l’arrêt Paranova/Merck (53) de la Cour AELE conforte l’opinion selon laquelle la condition de nécessité s’applique au simple fait du reconditionnement et pas à la manière ou au style précis de celui-ci. Je ne suis pas convaincue que cette décision soit aussi nettement définie qu’on ne le laisse entendre. Elle n’en est certainement pas moins pertinente.

50.      Dans cette affaire, la Cour AELE avait été saisie de la question de savoir si le critère de nécessité appliqué par la Cour de justice pour interpréter les «motifs légitimes» au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la directive sur les marques s’appliquait aussi à la conception plus spécifique du conditionnement ou si cette dernière devait être examinée uniquement à la lumière de la condition selon laquelle le reconditionnement ne pouvait affecter de manière négative la réputation du titulaire de la marque ou celle de la marque elle-même.

51.      La Cour AELE a examiné la jurisprudence de la Cour de justice, et plus particulièrement les conditions BMS. Elle a estimé que, sur la base de la première condition, «on établira si l’importateur parallèle avait le droit de reconditionner le produit et d’apposer sur le nouvel emballage la marque du titulaire, tandis que les autres critères permettront de déterminer les conditions dans lesquelles ce droit pourra être exercé pour que soient préservés les intérêts légitimes du titulaire de la marque». Citant les arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., Merck Sharp & Dohme (54), Boehringer I et Upjohn (55), la Cour AELE indique que «[p]ermettre les importations parallèles et le reconditionnement [est un] moyen d’assurer la libre circulation des produits. [...] Le droit de l’importateur parallèle de procéder à un reconditionnement est, autrement dit, justifié par le fait qu’il contribue ainsi à surmonter le cloisonnement du marché AELE par les frontières nationales. C’est dans ce contexte que la Cour de justice [a] instauré le critère de la nécessité. [...] Il en découle que [ce critère] présente un intérêt quant à la définition du droit de l’importateur de procéder à un reconditionnement en tant que tel lorsque le comportement du titulaire de la marque et les obstacles de fait et de droit au négoce entravent l’accès effectif au marché de l’État d’importation. Lorsque [...] le droit de procéder au reconditionnement ne fait aucun doute et que l’importateur parallèle a, en l’exerçant, réussi à ouvrir un accès effectif au marché, l’exigence de la nécessité ne peut être déterminante pour interpréter les termes «motifs légitimes» de l’article 7, paragraphe 2, de la directive. [...] Imposer l’exigence de la nécessité au comportement de l’importateur parallèle sur le marché lorsqu’il a pu obtenir un accès effectif au marché, en particulier par rapport à sa stratégie de présentation du produit, comme la publicité ou la conception du conditionnement, représenterait une restriction, disproportionnée, à la libre circulation des produits» (56).

52.      Ce raisonnement me semble correct. Les conditions BMS (et en fait les conditions originales de l’arrêt Hoffmann-La Roche) se prêtent également, par leur économie, à cette analyse. Il est en outre étayé par la position adoptée par la Cour dans son arrêt Upjohn (57), dans lequel celle-ci indique que la «condition de nécessité est remplie si [...] des réglementations ou pratiques dans l’État membre d’importation empêchent la commercialisation du produit en question sur le marché de cet État».

53.      On (58) a laissé entendre que l’arrêt de la Cour AELE n’accorderait pas suffisamment de poids au «droit du titulaire de la marque de présenter celle-ci comme il l’entend» et qu’à ce titre cet arrêt ne serait pas correct en droit. Le titulaire d’une marque dispose certes de ce droit. Mais il est épuisé dès lors que les produits ont été mis sur le marché dans la Communauté, par lui ou avec son consentement. C’est l’objet même de la règle de l’épuisement qui vise à éviter que les droits de propriété intellectuelle soient utilisés pour empêcher la libre circulation des produits. On ne devrait selon moi l’écarter que pour des motifs particulièrement impérieux.

54.      Il existe en outre un argument extrêmement convaincant, d’ordre pragmatique (ce qui est selon moi au moins aussi important que la cohérence conceptuelle du droit), à l’encontre de la position selon laquelle le critère de nécessité s’appliquerait à la manière et au style précis du reconditionnement. Pareille interprétation ferait en effet peser une charge insupportable sur les juridictions nationales qui devraient rendre une multitude de décisions quant à des détails mineurs de dessins et de couleurs qui ne relèvent manifestement pas de leur compétence judiciaire.

55.      J’en conclurai donc que l’exigence que le reconditionnement soit nécessaire s’applique uniquement au fait du reconditionnement dans un nouvel emballage et ne s’étend pas à la manière et au style précis de celui-ci.

 La quatrième condition BMS n’est-elle enfreinte que lorsque le conditionnement est défectueux, de mauvaise qualité ou de caractère brouillon, ou s’étend-elle à tout ce qui est de nature à porter préjudice à la réputation de la marque?

56.      La quatrième condition BMS exige que «la présentation du produit reconditionné ne soit pas telle qu’elle puisse nuire à la réputation de la marque et à celle de son titulaire. Ainsi, l’emballage ne doit pas être défectueux, de mauvaise qualité ou de caractère brouillon».

57.      Cette question (59) est née de l’argument des défenderesses selon lequel la quatrième condition BMS ne porte que sur les conditionnements de piètre qualité. Le juge de renvoi ne partage pas cette opinion, estimant que tout préjudice porté à la réputation de la marque entraîne le non‑respect de la condition, mais il a, semble-t-il, considéré que tout doute ne pouvait être exclu quant à cette question.

58.      Je partage le point de vue des demanderesses et de la Commission que rien ne permet de restreindre la quatrième condition aux problèmes de conditionnement défectueux, de mauvaise qualité ou de caractère brouillon. Les points 75 à 77 de l’arrêt Bristol‑Myers Squibb e.a. montrent que la Cour fait référence à ce type de conditionnements à titre d’exemple de «présentation inadéquate» de produits pharmaceutiques, susceptibles de nuire à la réputation de la marque.

59.      La Cour a en outre, depuis l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., admis d’autres exemples d’atteintes portées à la réputation qui sont en principe de nature à constituer des «motifs légitimes» au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la directive sur les marques qui permettent au titulaire de s’opposer à la poursuite de la commercialisation de produits qui ont été mis sur le marché communautaire par lui ou avec son consentement (60). C’est ainsi que dans son arrêt Parfums Christian Dior (61), la Cour a déclaré, de façon générale, que l’atteinte portée à la renommée de la marque peut être un motif légitime et elle a indiqué, de façon plus spécifique, que l’emploi de la marque dans une publicité qui porte une atteinte sérieuse à la renommée de la marque peut constituer un motif légitime. Dans son arrêt BMW (62), la Cour a estimé que peut constituer un motif légitime le fait que la marque est utilisée dans la publicité du revendeur d’une manière telle qu’elle peut donner l’impression qu’il existe un lien commercial entre le revendeur et le titulaire de la marque.

60.      Les défenderesses n’ont pas selon moi réfuté de façon convaincante ces arguments. Elles invoquent la présence du mot «ainsi» (63) dans la quatrième condition BMS, qui laisserait penser que ce n’est que lorsque le conditionnement est défectueux, de mauvaise qualité ou de caractère brouillon que la quatrième condition ne serait pas respectée. Le mot «ainsi» constitue un appui dangereusement fragile pour faire reposer pareille interprétation. Il pourrait en tout état de cause signifier aussi bien «à titre d’exemple» et, partant, étayer la thèse opposée.

61.      J’en conclurai donc que la quatrième condition BMS ne se limite pas aux conditionnements défectueux, de mauvaise qualité ou de caractère brouillon. Ce qu’il importe de déterminer, c’est si la réputation de la marque encourt un risque sérieux d’être atteinte.

 Certaines méthodes (déterminées) de reconditionnement portent-elles nécessairement atteinte à la réputation de la marque ou l’atteinte à la réputation est-elle une question de fait?

62.      Par cette question (64), le juge de renvoi voudrait savoir si i) le fait de ne pas faire figurer la marque sur le nouveau carton d’emballage externe (démarquage) ou ii) le fait pour l’importateur parallèle d’appliquer, sur le nouveau carton d’emballage externe, son propre logo ou son propre style maison ou sa propre présentation ou une présentation utilisée pour un certain nombre de produits différents (co marquage), portent nécessairement atteinte à la réputation de ladite marque, ou si l’atteinte portée à la réputation de cette marque est une question de fait.

63.      Comme je l’ai exposé ci-dessus, la High Court a, dans son second jugement, adopté le point de vue selon lequel il faut supposer que tout reconditionnement porte atteinte à la réputation de la marque. Le juge de renvoi ne partage pas ce point de vue. Il indique que, dans certains cas, le co marquage est susceptible de porter une telle atteinte, si par exemple il donne l’impression que le titulaire de la marque ajoutée est le fabricant des produits ou que l’importateur et le fabricant sont liés par une sorte d’entreprise commune. Ce n’est toutefois pas le cas dans la présente procédure. Pour ce qui est du démarquage, le juge de renvoi ne voit pas non plus en quoi il a été porté atteinte à la réputation de la marque. Le titulaire d’une marque n’a pas le droit d’exiger que les revendeurs successifs conservent la marque sur le produit.

64.      Les demanderesses font valoir que le démarquage et le co marquage portent tous deux atteinte, de manière intrinsèque, à la réputation de la marque. Les défenderesses estiment que le démarquage ne pourrait en aucun cas être une forme de violation de la marque puisqu’il ne constitue pas un «usage» de la marque au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la directive sur les marques. Pour ce qui est du co marquage, rien dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. ne permet de penser que l’adoption d’un style propre par l’importateur parallèle pour son conditionnement serait de nature à porter atteinte à la réputation de la marque (65). Pour la Commission, bien que chacune des circonstances indiquées puisse en principe porter atteinte à la réputation de la marque, dans chaque cas, il appartient au juge national d’effectuer l’appréciation factuelle détaillée de façon à déterminer s’il en est effectivement ainsi.

65.      Je partage le point de vue adopté par la Commission. Il est clair (voir les points 58 et 59, ci-dessus) que tant une présentation inadéquate de la marque que le fait de laisser entendre de façon inexacte qu’il existerait un lien commercial avec le titulaire de la marque sont des éléments en principe susceptibles de porter atteinte à la réputation de la marque (quoique l’arrêt Parfums Christian Dior montre également que seule une atteinte grave à la réputation de la marque constituera un motif légitime au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la directive sur les marques (66)). La Cour a confirmé, dans son arrêt BMW, que la question de savoir si une publicité est susceptible de donner l’impression qu’il existe un lien commercial entre le revendeur et le titulaire de la marque est une question de fait qu’il appartient au juge national d’apprécier au regard des circonstances propres de chaque espèce (67). Il me semble que la même logique devrait s’appliquer dans les autres circonstances susceptibles de constituer des «motifs légitimes» au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la directive sur les marques. Savoir si une circonstance donnée (par exemple, l’atteinte à la réputation) est susceptible de constituer un «motif légitime» est une question de droit, mais savoir si, dans une affaire donnée, cette circonstance est présente est une question de fait.

66.      J’en conclurai donc que tant une présentation inadéquate de la marque que le fait de donner l’impression inexacte de l’existence d’un lien commercial sont en principe susceptibles de porter atteinte à la réputation de cette marque. La question de savoir si des formes particulières de reconditionnement portent ainsi atteinte à la réputation de la marque et si cette atteinte est suffisamment grave pour constituer un «motif légitime» est une question de fait qui relève du juge national.

 Quel est l’effet de l’absence d’avertissement exigé par la cinquième condition BMS?

67.      La cinquième condition BMS exige de l’importateur qu’il avertisse le titulaire de la marque préalablement à la mise en vente du produit reconditionné et, à sa demande, qu’il lui en fournisse un spécimen.

68.      Dans son arrêt Boehringer I, la Cour a décidé que, si l’importateur parallèle lui-même ne respecte pas la condition de l’avertissement préalable, le titulaire de la marque peut s’opposer à la commercialisation du médicament reconditionné et que, en cas de contestation, il appartient au juge national d’apprécier, en prenant en considération toutes les circonstances pertinentes, si le titulaire de la marque a disposé d’un délai raisonnable pour réagir au projet de reconditionnement. La Cour suggérait comme délai raisonnable, à titre «indicatif», un délai de quinze jours ouvrables (68).

69.      La High Court a estimé, dans son second jugement, que l’arrêt Boehringer I ne montrait pas clairement quels seraient les recours appropriés dont disposerait le titulaire de la marque si l’importateur ne l’avait pas averti préalablement, mais qu’il avait par ailleurs respecté les autres conditions BMS. Le juge de renvoi demande par conséquent (69), à supposer que ce soit bien le cas, a) si toute opération d’importation subséquente effectuée par l’importateur constitue une infraction ou si l’importateur n’est en infraction que jusqu’au moment où le titulaire a eu connaissance du produit et où le délai d’avertissement applicable a expiré; b) si le titulaire est en droit, du fait de l’infraction commise par l’importateur, de réclamer une réparation financière dans les mêmes conditions qu’en cas de contrefaçon; c) si l’octroi de pareilles réparations financières est soumis au principe de proportionnalité, et d) dans la négative, sur quelle base il convient d’évaluer une telle réparation?

70.      Les demanderesses font valoir que toute activité d’importation qui se fait sans qu’un avertissement ait été donné constitue une infraction à l’encontre de la marque, que le titulaire ait été ou non au courant, puisque chacune de ces activités induit le consommateur en erreur quant à la provenance du produit. C’est le droit national qui doit déterminer les voies de recours. Les défenderesses font valoir que le titulaire de la marque n’est en droit d’obtenir une réparation que pour la période qui s’étend jusqu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter du moment où il a effectivement pris connaissance, par quelque moyen que ce soit, du reconditionnement en cause. Le principe de proportionnalité s’applique aux voies de recours aussi bien qu’aux mesures concrètes. La Commission partage le point de vue des demanderesses selon lequel il a déjà été répondu à la troisième question, sous a), dans le sens de la première solution proposée par le juge national: voir l’arrêt Boehringer I. La compensation doit être déterminée conformément aux principes nationaux relatifs aux réparations financières, pour autant qu’ils soient compatibles avec le droit communautaire et international, notamment qu’ils soient conformes aux principes d’équivalence, de l’effet utile et de proportionnalité.

71.      C’est à juste titre que le juge de renvoi souligne que l’exigence d’avertissement préalable semble n’avoir aucun fondement dans le traité. Elle a été introduite dans l’arrêt Hoffmann-La Roche au motif qu’elle serait de nature à réduire le risque de voir les consommateurs induits en erreur quant à l’origine du produit (70). Cette motivation a été par la suite développée dans l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., où la Cour a indiqué que l’exigence d’avertissement préalable ainsi que la possibilité (introduite par cet arrêt) pour le titulaire de la marque de demander un spécimen du produit reconditionné doit permettre au titulaire de vérifier que le reconditionnement n’affecte pas l’état originaire du produit et que la présentation n’est pas de nature à nuire à la réputation de la marque. Elle permet également au titulaire de la marque de mieux se préserver de la contrefaçon (71).

72.      Cette exigence est dès lors, au contraire des quatre premières conditions BMS qui peuvent être considérées comme des conditions de fond, une exigence de nature procédurale. Il s’ensuit par conséquent, selon moi, que la violation de l’exigence de l’avertissement préalable nécessite une sanction distincte de celles applicables en cas de violation des autres conditions BMS, c’est-à-dire les conditions de fond.

73.      Il ne faudrait pas y voir une minimisation de l’importance de l’avertissement préalable. Il peut être de nature procédurale, il n’en constitue pas moins une importante garantie pour le titulaire de la marque. L’absence d’avertissement préalable ne peut être traitée à la légère.

74.      Il peut être également important de souligner que, sauf dans de très rares cas, l’absence d’avertissement préalable sera délibérée. L’importateur parallèle sait qui est le titulaire de la marque et comment le contacter. Comme l’indique l’avocat général Jacobs dans ses conclusions dans l’affaire Boehringer I, l’exigence d’avertissement préalable est «simple à appliquer et simple à respecter, contribuant ainsi à l’application uniforme du droit communautaire» (72).

75.      On peut envisager deux scénarios: absence d’avertissement (ou avertissement inadéquat), mais respect des quatre autres conditions BMS et absence d’avertissement (ou avertissement inadéquat) et non‑respect d’une ou de plusieurs des quatre autres conditions BMS.

76.      Dans le premier de ces deux scénarios, qui est à la base de la question du juge de renvoi, il me semble qu’il serait disproportionné de sanctionner l’importateur parallèle pour n’avoir pas averti préalablement le titulaire aussi sévèrement que si, en plus de n’avoir pas procédé à cet avertissement, il avait violé l’une ou l’autre des conditions de fond. Il n’en est pas moins approprié de prévoir une sanction car, comme je l’ai exposé ci-dessus, l’avertissement préalable est une exigence procédurale importante et, en ne s’y pliant pas, l’importateur parallèle prive (délibérément) le titulaire de la marque de la possibilité de procéder au contrôle préalable que le droit communautaire lui accorde. La sanction doit donc être effective et dissuasive. Elle ne doit cependant pas être équivalente à la sanction qui s’appliquerait en cas de violation des conditions de fond, parce qu’elle serait ainsi disproportionnée.

77.      Les défenderesses expriment leurs inquiétudes quant au fait que le titulaire, ayant pris connaissance par une autre source de l’existence d’un produit reconditionné, pourrait délibérément retarder l’introduction d’un recours dans le but d’accroître l’éventuelle indemnité financière due en cas de violation du droit de marque. Ce serait, selon moi, également disproportionné et même injuste que le titulaire bénéficie ainsi de son propre manque de diligence.

78.      De même, puisque l’importateur parallèle exerce (en fait) des droits que lui confère le droit communautaire, la sanction ne doit pas être discriminatoire à son encontre du simple fait qu’il exerce des droits communautaires plutôt que des droits que lui confère le droit national. Elle ne doit pas non plus rendre en pratique impossible pour lui l’exercice des droits en question.

79.      En tout état de cause, c’est au juge national qu’il appartient d’imposer une sanction appropriée en tenant compte de ces paramètres.

80.      Le second scénario évoqué plus haut est évidemment purement hypothétique dans la présente affaire. Je le mentionne néanmoins ici par souci de complétude. La situation serait, en pareil cas, sensiblement différente. L’absence d’avertissement préalable serait, dans cette situation, un facteur aggravant, parce qu’elle rend plus difficile l’opposition légitime du titulaire de la marque à l’utilisation du reconditionnement (que ce soit de façon générale au motif que le reconditionnement n’est pas nécessaire, ou que ce soit plus précisément au motif que le reconditionnement auquel il a effectivement été procédé ne remplit pas les deuxième, troisième et/ou quatrième conditions BMS). Si, comme c’est probable, l’absence d’avertissement est délibérée, le but sera probablement de permettre à l’importateur parallèle de s’ouvrir un accès au marché avant que le titulaire de la marque soit en position de faire valoir ses droits. Dans de telles conditions, je considère que le juge national devrait appliquer les sanctions normalement applicables, au titre de sa loi nationale, à la violation des conditions de fond, et qu’il devrait infliger une sanction distincte pour l’absence d’avertissement.

 Qui supporte la charge de la preuve?

81.      Le juge de renvoi demande (73) si c’est à l’importateur qu’il incombe de prouver que le nouveau conditionnement remplit chacune des conditions BMS ou si la charge de la preuve varie en fonction des conditions et, si tel est le cas, de quelle façon? Dans le cadre de la quatrième condition BMS (l’atteinte portée à la réputation), le juge de renvoi demande (74) également à qui il incombe de prouver qu’une forme particulière de conception d’emballage porte atteinte à la réputation de la marque si (comme je le suggère) la question de savoir si pareille conception porte ainsi atteinte à la marque est une question de fait.

82.      La portée des cinq conditions BMS et la question de savoir si, dans leur fonctionnement, elles respectent la relation adéquate entre les paragraphes 1 et 2 de l’article 7 de la directive sur les marques, dépendront, manifestement, de façon significative de la partie sur qui pèsera la charge de la preuve du respect de ces conditions. Les indications que donne l’arrêt Boehringer I, à savoir que la charge de la preuve est une question de procédure qu’il appartient à la juridiction nationale de trancher pour autant que le résultat ne soit pas discriminatoire, se sont révélées insuffisamment précises, comme le démontre le présent renvoi. Selon la partie à qui le juge national fera supporter la charge de la preuve dans un État membre déterminé, les mêmes circonstances de fait auront une issue différente selon les États membres, ce qui irait à l’encontre de l’harmonisation que la directive vise à réaliser (75).

83.      Pour déterminer les rôles joués respectivement par le droit communautaire et par le droit national, il importe de distinguer entre le fait de déterminer sur qui doit peser la charge de la preuve et comment cette preuve doit être apportée. Je partage le point de vue du juge de renvoi selon lequel il serait utile que la Cour indique aux juridictions nationales sur qui pèse la charge de la preuve pour chacune des cinq conditions BMS. La façon dont la preuve est apportée pour chacune de ces conditions relèvera ensuite des règles en matière de procédure et de preuve.

84.      Les demanderesses estiment que la charge de la preuve pour chacune des cinq conditions devrait peser sur les défenderesses, du fait que le reconditionnement met intrinsèquement en péril les droits du titulaire de la marque.

85.      Les défenderesses font valoir deux thèses. Elles suggèrent premièrement que la charge de la preuve de ces cinq conditions pèse sur le titulaire de la marque. Pareille interprétation ne rentre pas dans le cadre tracé par l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a. (76), et je ne l’examinerai pas davantage.

86.      À titre subsidiaire, elles suggèrent que la charge de la preuve de chaque condition devrait être répartie de manière à ce qu’elle pèse sur la partie qui, en substance, fait une affirmation positive concernant un point en litige (de façon à éviter le risque de devoir prouver un fait négatif). Elles admettraient dès lors que la charge de la preuve relative aux première (nécessité de reconditionner pour commercialiser le produit), troisième (identification claire du fabricant et de l’importateur) et cinquième (avertissement) conditions devrait peser sur l’importateur parallèle. Elles font par contre valoir qu’il conviendrait d’exiger du titulaire de la marque de justifier toute demande fondée sur l’allégation que le reconditionnement ne respecterait pas les deuxième (pas d’effets sur l’état originaire, instructions correctes) ou quatrième conditions (présentation qui ne porte pas atteinte à la réputation de la marque).

87.      La Commission fait valoir qu’au départ ce sont les règles procédurales nationales qui doivent déterminer à qui il incombe de prouver que les conditions BMS ont été satisfaites. Toutefois, lorsqu’elles font peser la charge de la preuve sur l’importateur parallèle, ces règles de procédure nationales peuvent être aménagées si l’importateur parallèle est en mesure d’établir que leur application entraîne un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux (77). Lorsque c’est le cas, les différentes conditions BMS appellent une approche différenciée selon la partie qui est la plus susceptible de détenir les informations pertinentes pour évaluer chacune des conditions.

88.      Dès lors que l’on examine les cinq conditions, on voit clairement leur absence d’homogénéité. La première condition est potentiellement complexe. Selon les circonstances, il sera parfois nécessaire de procéder à une analyse détaillée des circonstances de droit et de fait du marché dans l’État membre d’importation afin de déterminer si oui ou non le reconditionnement est nécessaire pour permettre à l’importateur parallèle d’accéder au marché de façon effective et d’y vendre les produits. À première vue, les deuxième et quatrième conditions semblent complexes. Selon moi pourtant, chacune nécessite une appréciation d’une question relativement simple en substance: ce qui a été fait au produit au moyen du reconditionnement comporte-t-il un risque réel que l’état originaire dudit produit en soit affecté négativement (deuxième condition), et la nouvelle présentation du produit est-elle de nature à entraîner un risque réel d’atteinte grave à la réputation de la marque (cinquième condition). Les troisième et cinquième conditions sont quelque peu plus simples.

89.      En fonction de la condition qui est examinée, il peut être plus ou moins faisable pour l’importateur parallèle ou pour le titulaire de la marque de réunir les éléments nécessaires pour prouver qu’une condition donnée est (ou non) remplie; et il est dès lors raisonnable de lui demander de s’acquitter de cette tâche pour se délester de la charge de la preuve.

90.      Plus fondamentalement, faire peser sur l’importateur parallèle la charge de l’ensemble des cinq conditions ferait trop pencher la balance au détriment de la libre circulation des produits (le principe fondamental) et en faveur de la protection des droits intellectuels (l’exception au principe). À l’inverse, faire peser sur le titulaire de la marque la charge de la preuve pour les cinq conditions rendrait pour lui à due concurrence plus difficile l’exercice de ses droits au titre de l’article 7, paragraphe 2, de la directive sur les marques et (comme je l’ai déjà indiqué) irait à l’encontre de l’arrêt Bristol-Myers Squibb e.a.

91.      Selon moi, ces deux options sont donc inacceptables et il s’impose d’examiner chaque condition l’une après l’autre.

 La première condition: la nécessité

92.      La Cour a indiqué, dans son arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., que «le pouvoir du titulaire d’un droit de marque protégé dans un État membre de s’opposer à la commercialisation sous la marque des produits reconditionnés ne doit être limité que dans la mesure où le reconditionnement auquel a procédé l’importateur est nécessaire pour commercialiser le produit dans l’État membre d’importation» (78). Il me semble découler implicitement de la logique de cet extrait que l’importateur parallèle doit démontrer la nécessité du reconditionnement pour renverser la présomption selon laquelle le titulaire de la marque conserve le droit de s’opposer à la commercialisation de produits reconditionnés. On peut difficilement exiger de celui qui détient un pouvoir de démontrer qu’il ne peut pas l’exercer au vu des circonstances.

93.      Il me semble également que l’importateur parallèle est la partie qui est la plus susceptible de détenir l’information qui lui permettra d’assumer la charge de la preuve de prouver la nécessité du reconditionnement. Dans le cours normal des choses, il se sera familiarisé avec les exigences réglementaires qui régissent la distribution et la commercialisation des produits pharmaceutiques dans l’État membre d’importation. Il sera informé de questions telles que les mentions exigées, et dans quelle langue, sur la notice d’information à destination des patients, ainsi que la taille des conditionnements de produits qui sont (ou ne sont pas) habituellement prescrits et/ou habituellement remboursés par le système de sécurité sociale. Il est également incité, du point de vue commercial, à effectuer le travail nécessaire pour déterminer si (par exemple) il existe une résistance des patients, dans un État membre déterminé, aux emballages recouverts d’étiquettes autocollantes (79), en sorte qu’il sera nécessaire de procéder à un reconditionnement par remplacement de l’emballage externe plutôt que de recourir auxdites étiquettes pour commercialiser le produit avec succès.

94.      Je considère donc que c’est sur l’importateur parallèle que doit peser la charge de la preuve de la nécessité.

 La deuxième condition: l’absence d’effet négatif sur l’état du produit

95.      C’est l’importateur parallèle qui détermine la mesure du reconditionnement du produit et la façon d’y procéder, tout comme c’est lui qui assure la surveillance (et qui a par conséquent le contrôle) du processus de reconditionnement. Il sait que le titulaire de la marque peut légitimement «s’opposer à tout reconditionnement comportant le risque d’exposer le produit contenu dans l’emballage à des manipulations ou à des influences affectant son état originaire» (80) et que le reconditionnement doit donc être effectué «dans des circonstances qui ne sauraient affecter l’état originaire du produit» (81). C’est donc à l’importateur parallèle qu’il appartient de démontrer que ce qu’il a choisi de faire et la façon dont il a choisi de le faire sont de nature à préserver l’intégrité du produit marqué. Cela ne me paraît pas être l’équivalent d’une preuve négative, contrairement à ce que prétendent les défenderesses. De plus, dans le contexte des produits pharmaceutiques, l’importateur parallèle aura, bien sûr, presque certainement déjà dû convaincre les autorités réglementaires compétentes de ce que le processus de reconditionnement n’entraînait aucun risque d’atteinte à l’état du produit. La Cour a déjà indiqué (82) que, dans le cadre de la deuxième condition BMS, le risque en cause devait être un risque réel et non un risque hypothétique ou abstrait.

96.      Selon moi, c’est donc sur l’importateur parallèle que pèse la charge de la preuve de l’absence d’effet négatif du reconditionnement.

 La troisième condition: identification claire de l’importateur et du fabricant

97.      C’est l’importateur parallèle qui détermine le reconditionnement et qui en a le contrôle. Il en précise les détails comme la couleur, la taille et les caractères utilisés pour communiquer les informations ainsi que l’emplacement de ces informations sur l’emballage. C’est donc sur l’importateur parallèle que pèse la charge de la preuve de l’identification claire du titulaire de la marque et de l’importateur parallèle sur le produit reconditionné.

 La quatrième condition: une présentation qui ne porte pas atteinte à la réputation de la marque

98.      J’ai déjà indiqué que, selon moi, la quatrième condition BMS est violée lorsque le conditionnement est de nature à faire naître un risque sérieux d’atteinte à la réputation de la marque (83). Il en découle que c’est sur le titulaire de la marque que devrait peser la charge de la preuve qu’il y a eu effectivement pareille atteinte. C’est lui qui est dans la meilleure position pour apprécier si le conditionnement présente un risque ou un risque potentiel de porter atteinte à la réputation de la marque. S’il devait estimer que ce risque est sérieux, c’est lui qui est le mieux placé pour présenter des éléments de preuve à l’appui de cette allégation. C’est donc sur lui que devrait peser la charge de la preuve positive de l’interférence avec ses droits de marque (84).

 La cinquième condition: l’avertissement

99.      L’importateur parallèle détermine par définition, si, quand et par quel moyen il avertira le titulaire de la marque de son intention de reconditionner le produit marqué et de le vendre dans l’État membre d’importation. Il en découle que c’est lui qui devrait supporter la charge de la preuve qu’il a entrepris toutes les démarches nécessaires pour donner l’avertissement adéquat (85).

 Conclusion

100. Pour les motifs qui précèdent, je pense qu’il conviendrait de répondre aux questions préjudicielles posées par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) de la manière suivante:

–        «Les cinq conditions posées dans l’arrêt du 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb e.a. (C-427/93, C-429/93 et C-436/93) (ci‑après les ‘conditions BMS’) ne s’appliquent pas lorsqu’un importateur parallèle commercialise dans un État membre un produit pharmaceutique importé, en provenance d’un autre État membre, dans le conditionnement interne et externe d’origine du produit, sur lequel l’importateur a apposé une étiquette externe supplémentaire, imprimée dans la langue de l’État membre d’importation.

–        L’exigence que le reconditionnement soit nécessaire (la première condition BMS) s’applique uniquement au fait du reconditionnement dans un nouvel emballage et ne s’étend pas à la manière et au style précis de celui-ci.

–        L’exigence que la présentation du produit reconditionné ne soit pas de nature à porter atteinte à la marque ou à son titulaire (la quatrième condition BMS) ne se limite pas aux conditionnements défectueux, de mauvaise qualité ou de caractère brouillon. Ce qu’il importe de déterminer, c’est si la réputation de la marque encourt un risque sérieux d’être atteinte.

–        Tant une présentation inadéquate de la marque que le fait de donner l’impression inexacte de l’existence d’un lien commercial sont en principe susceptibles de porter atteinte à la réputation de cette marque. La question de savoir si des formes particulières de reconditionnement portent ainsi atteinte à la réputation de la marque et si cette atteinte est suffisamment grave pour constituer un «motif légitime» au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la ppremière directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, est une question de fait qui relève du juge national.

–        Lorsque l’importateur n’a pas averti préalablement le titulaire de la marque, mais qu’il s’est par ailleurs conformé aux autres conditions BMS, cet importateur viole les droits de ce titulaire du fait de chaque importation subséquente. C’est au juge national qu’il appartient de déterminer la sanction appropriée. Cette sanction doit être effective et dissuasive. Elle doit aussi être proportionnée et ne doit dès lors pas être équivalente à la sanction qui s’appliquerait si les autres conditions BMS avaient également été violées.

–        L’importateur parallèle supporte la charge de la preuve du respect des première, deuxième, troisième et cinquième conditions BMS. Le titulaire de la marque supporte la charge de la preuve du risque sérieux d’atteinte à la marque et à lui-même (la quatrième condition BMS).»


1 – Langue originale: l’anglais.


2 – Arrêt du 23 avril 2002 (C‑143/00, Rec. p. I-3759).


3 – On pourra remarquer que l’avocat général Jacobs a formulé une remarque similaire, il y a 9 ans, au point 33 de ses conclusions dans l’affaire Loendersloot (arrêt du 11 novembre 1997, C‑349/95 (Rec. p. I-6227), où il indique que «la Cour sortirait […] du rôle que lui confère l’article [234 CE] si elle devait se prononcer sur tous les aspects du reconditionnement et du réétiquetage susceptibles d’être appliqués par des importateurs parallèles aux différents types de produits. Dès lors que la Cour a énoncé le ou les principes essentiels, il revient aux juridictions nationales de les appliquer dans les litiges dont elles sont saisies».


4 – Arrêt du 17 juin 1981, Commission/Irlande (113/80, Rec. p. 1625, point 7).


5 – Arrêt du 8 juin 1971, Deutsche Grammophon (78/70, Rec. p. 487, point 11). La notion d’«objet spécifique» a été traduite de façon plutôt malheureuse en anglais par l’expression «specific subject-matter». Voir chapitre 6 de l’ouvrage de Keeling, D., Intellectual Property Rights in EU Law (2003), où il procède à une intéressante analyse, à la fois linguistique et historique.


6 – Point 14 des conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire HAG GF (arrêt du 17 octobre 1990, C-10/89, Rec. p. I-3711, ci‑après «HAG II»).


7 – Arrêt du 31 octobre 1974, Winthorp (16/74, Rec. p. 1183, point 8).


8 – On a connu des développements analogues dans le contexte d’autres droits de propriété intellectuelle: voir arrêts Deutsche Grammophon, précité à la note 5, à propos de droits voisins, ainsi que du 31 octobre 1974, Sterling Drug (15/74, Rec. p. 1147), à propos de brevets, et du 22 janvier 1981, Dansk Supermarked (58/80, Rec. p. 181), à propos de droits d’auteur.


9 – Arrêt Winthorp, précité à la note 7, point 12.


10 – Arrêt du 23 mai 1978 (102/77, Rec. p. 1139, point 7).


11 – Première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1, ci‑après la «directive sur les marques»).


12 – La présente affaire ne portant pas sur les services, je limiterai mon analyse dans ce qui suit aux produits.


13 – Premier considérant tel que reformulé par la Cour dans son arrêt du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club (C-206/01, Rec. p. I-10273, point 46).


14 – Arrêt du 16 juillet 1998, Silhouette International Schmied (C‑355/96, Rec. p. I-4799, point 27).


15 – Conformément à l’article 65, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’annexe XVII, point 4, de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur les marques a été modifié aux fins de l’accord, de sorte que l’expression «dans la Communauté» a été remplacée par les mots «sur le territoire d’une partie contractante». Étant donné toutefois que la présente procédure concerne le commerce intracommunautaire, je continuerai à faire référence à la Communauté plutôt qu’à l’Espace économique européen dans mon examen de la portée de l’article 7, paragraphe 1.


16 – Arrêt du 30 novembre 2004, Peak Holding (C-16/03, Rec. p. I-11313, point 34 et jurisprudence citée).


17 Voir le point 5, ci-dessus.


18 – L’article 6 porte sur des restrictions aux effets de la marque, il est sans pertinence dans la présente affaire.


19 – Arrêt Peak Holding, précité à la note 16, point 30 et jurisprudence citée.


20 – Arrêt du 11 juillet 1996, Bristol-Myers Squibb e.a. (C-427/93, C-429/93 et C-436/93, Rec. p. I‑3457, point 41).


21 – Points 7 à 9.


22 – Précité à la note 20.


23 – Précité à la note 14, point 35.


24 – La décision de renvoi définit un produit recouvert d’étiquettes comme un «produit importé d’un autre État membre dans son conditionnement interne et externe original en y apposant une étiquette supplémentaire sur l’emballage externe rédigée dans la langue du pays d’importation».


25 – La décision de renvoi définit un produit reconditionné par remplacement de l’emballage externe comme un «produit importé d’un autre État membre dans son conditionnement interne original mais avec un emballage externe nouveau rédigé dans la langue de l’État membre d’importation».


26 – Ou dans certains cas les marques, lorsque le nom et le logo du fabricant ont également été enregistrés en tant que tels.


27 – Certaines des plaquettes et certains des inhalateurs sont eux-mêmes recouverts d’étiquettes, mais pas d’une façon telle que la nouvelle étiquette recouvre complètement les marques d’origine et il ne semble pas que ce point ait fait l’objet d’une discussion.


28 – Décision de Laddie J, rendue le 28 février 2000, [2000] 2 CMLR 571.


29 – Décision de Laddie J, rendue le 6 février 2003.


30 – Renforcée peut-être en cela par le fait que chaque partie prétendait avoir, du fait de la «clarification» apportée par la Cour, gagné complètement ou très largement la partie «marque» du litige.


31 –      Arrêt du 12 octobre 1999 (C-379/97, Rec. p. I-6927).


32 – Deuxième question 2, sous a).


33 – Arrêts Bristol-Myers Squibb e.a., précité à la note 20, point 55; du 11 juillet 1996, Eurim-Pharm (C‑71/94 à C‑73/94, Rec. p. I-3603); Loendersloot, précité à la note 3, point 27, et Boehringer I.


34 – Arrêts Hoffmann-La Roche, précité à la note 10; du 3 décembre 1981, Pfizer (1/81, Rec. p. 2913); Bristol-Myers Squibb e.a., précité à la note 20; Upjohn, précité à la note 31; Loendersloot, précité à la note 3, point 27, et Boehringer I.


35 –      Point 55.


36 –      Point 46.


37 – Arrêt du 20 mars 1997 (C-352/95, Rec. p. I-1729).


38 – Point 23.


39 – Voir points 65 et 66.


40 – Voir point 64.


41 – Précité à la note 10.


42 – Point 7.


43 – Comme le suppose le libellé des questions.


44 – Première question, sous b) [la première question, sous a), est examinée ci-après, aux points 81 à 99].


45 – Précité à la note 3, point 46.


46 – Il est peut-être utile de souligner que le problème se limite aux modifications apportées au conditionnement externe. C’est pour cette raison que l’analogie que tentent de faire les demanderesses avec la commercialisation de voitures de marque en Chine (que la Commission a qualifiée à l’audience de «franchement stupide») ne me paraît pas particulièrement pertinente. À dire vrai même, l’exemple de la commercialisation de voitures affaiblit la thèse des demanderesses, puisque les concessionnaires pratiquent fréquemment le co marquage en veillant, par exemple, à ce que leur nom figure sur la plaque d’immatriculation ou ailleurs sur la voiture.


47 – Point 30.


48 – Précité à la note 10.


49 – Point 7. La Cour poursuit (aux points 9 à 12) en développant un avant-goût de ce qui deviendra le critère de la nécessité, et aborde plus brièvement ce qui est maintenant les conditions BMS.


50 – Point 13, ci-dessus.


51 – Voir exposé des motifs de la proposition d’une première directive du Conseil rapprochant les législations des États membres sur les marques [COM(80) 635 final, du 19 novembre 1980], commentaire sur l’article 6.


52 – Voir arrêt Pfizer, précité à la note 34, dans lequel l’importateur parallèle avait suivi à la lettre les exigences de l’arrêt Hoffmann-La Roche et où la Cour a approuvé son approche.


53 – Arrêt du 8 juillet 2003 (E-3/02, ETMR 2004, p. 1).


54 – Arrêt du 23 avril 2002 (C‑443/99, Rec. p. I-3703).


55 – Précité à la note 31.


56 – Points 41 à 45.


57 – Précité à la note 31, point 43. Bien que l’extrait cité porte sur la suppression et la substitution de la marque plutôt que sur le reconditionnement de façon plus générale, les points 37 à 39 de l’arrêt montrent que la Cour estime que les deux situations sont régies par les mêmes principes.


58 – Eli Lilly and Co., l’une des défenderesses.


59 – Première question, sous c).


60 – En dépit de ce libellé, l’article 7, paragraphe 2, de la directive sur les marques ne confère en lui‑même aucun droit d’action. Le titulaire d’une marque qui souhaite s’opposer à une infraction alléguée doit se placer lui-même dans les limites de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive (voir point 19 ci-dessus).


61 – Arrêt du 4 novembre 1997 (C-337/95, Rec. p. I-6013, points 43 et 46).


62 – Arrêt du 23 février 1999 (C-63/97, Rec. p. I-905, point 51).


63 – «Thus» dans la version anglaise.


64 – Première question, sous d).


65 – Voir, également, arrêt Pfizer, précité à la note 34.


66 – Point 46.


67 Point 55.


68 – Dispositif et point 67.


69 – Troisième question.


70 – Point 12.


71 – Point 78. Il y est également fait écho dans l’arrêt Boehringer I, point 61. Voir aussi arrêt Loendersloot, précité à la note 3, point 49.


72 – Point 133.


73 – Première question, sous a).


74 – Première question, sous d).


75 – Voir arrêt du 18 octobre 2005, Class International (C‑405/03, Rec. p. I‑8735, point 73).


76 – Voir, par exemple, le libellé des points 49, 50, 69, 73, 74 et 78 de cet arrêt.


77 – Arrêt du 8 avril 2003, Van Doren + Q (C‑244/00, Rec. p. I-3051, points 37 et 41).


78 – Point 56.


79 – Par exemple parce que ces emballages comportent encore, partiellement, des informations dans une langue que les patients plus âgés ne connaissent pas et dont ils peuvent se méfier ou, de façon plus générale, parce qu’il se peut que les patients suspectent que ces conditionnements ont fait l’objet de manipulations.


80 – Arrêt Bristol-Myers Squibb e.a., point 59.


81 – Ibidem, point 60.


82 – Ibidem, points 61 à 63.


83 – Point 61 ci‑dessus.


84 – Voir arrêt Van Doren + Q, précité à la note 77, point 41. La Cour a considéré que, dans des conditions dans lesquelles il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux si l’importateur supporte la charge de la preuve de la mise dans le commerce des produits dans l’EEE par le titulaire de la marque ou avec son consentement, il appartient au titulaire de la marque d’établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce en dehors de l’EEE pour pouvoir invoquer les droits que lui confère l’article 5, paragraphe 1, de la directive sur les marques, avant que l’importateur parallèle doive démontrer l’existence d’un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l’EEE. Voir, également, arrêt Class International, précité à la note 75, points 70 à 75, qui illustre la façon dont la Cour détermine qui supporte la charge de la preuve de l’interférence avec les droits de marque.


85 – Je l’exprime dans ces termes, parce que je ne considère pas que l’importateur devrait être pénalisé lorsqu’il a entrepris toutes les démarches raisonnables, mais que, pour l’une ou l’autre raison, par exemple un manque de communication au sein de l’organisation du titulaire de la marque, l’avertissement n’est pas arrivé devant le département compétent.